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2015

Y+nc ka=

Dossier Spécial centenaire Courant d’art Lori La Armenia Sport L’espoir Gaël Andonian


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JAF - INTCH KA ? 47 Avenue de Toulon 13006 Marseille


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EDITO HAYLIGHT GÉNOCIDE #100 HAY NEWS COURANT D’ART AMNÉSIE À PARIS PORTFOLIO : UN SIÈCLE APRÈS PEOPLE OF EREVAN FOOT : GAËL ANDONIAN HOT HOT HEAT

Y+nc ka=

Editeur JAF Président de la JAF Julien Dikran Harounyan Rédacteur en Chef Fred Azilazian Maquette / Photo Armen Catanasian Design Couverture Van Khachatur Ont collaboré à ce numéro Azad Iliozer Liana Davtyan Jean-Michel Agopian Pan Armenia Photo Aza Arzumanyan Emilie Azilazian Traduction Nouné Karapétian

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KEEP CALM AND

RECOGNIZE THE

ARMENIAN GENOCIDE


Dario C

Edito/Médito

Julien Dikran HAROUNYAN Président JAF Marseille PACA

Plutôt que de faire de grands discours, quoi de mieux pour ce numéro spécial centenaire que de publier la Charte d’Amnésie Internationale, dont la première édition parisienne aura lieu le 10 novembre à Paris. Histoire de rappeler combien il est important de ne pas rester les bras croisés face au négationnisme et à l’oubli. “Considérant que le crime de génocide tel qu’il a été défini par la convention du 8 décembre 1948 est imprescriptible, que les génocides ont au cours du 20e siècle été perpétrés non seulement par des Etats et/ou des organisations criminelles mais aussi par des individus, Considérant que c’est en tant qu’être humain et citoyen que je suis, en tous temps et en tous lieux, concerné par ces crimes, Considérant que j’entends participer activement, dans la mesure des moyens légaux dont je dispose, à leur prévention, à leur répression et à la préservation de la mémoire des victimes, Je refuse toutes les formes de discrimination entre les individus et les groupes humains, Je refuse de laisser se développer les intolérances et les racismes et je m’engage à les dénoncer et à y faire obstacle,

Je m’engage à protéger l’accès à l’information qui permet de connaître les violations des droits de l’homme et du plus élémentaire de ceux-ci, le droit à la vie – c’est par une prise de conscience précoce d’une menace que s’effectue la prévention du génocide – Je m’engage à tout mettre en œuvre pour que les criminels présumés soient traduits devant des tribunaux nationaux ou internationaux habilités à les juger, tout en préservant leur droit à une défense équitable – c’est par le procès, et par lui d’abord, que sera levée l’impunité qui facilite la perpétration de ce crime – Je m’engage à ne pas faire obstacle à la manifestation de la vérité par les témoins, les enquêteurs et/ou les historiens et à ne pas dissimuler les preuves Je m’engage à combattre sous toutes ses formes la négation et, plus subtils que le déni, la relativisation, la mise en relation perverse des évènements qui constituent le génocide, sans pour autant nuire au travail historique de comparatisme nécessaire à une meilleure compréhension de ces tragédies. Je m’engage à diffuser l’information reçue et transmettre la connaissance acquise de ces crimes afin que, par éducation de l’enfant, se perpétue la mémoire de l’imprescriptible et que s’effectue le travail de deuil de l’irréparable – cette mémoire est la seule sépulture que nous pouvons offrir aux victimes des génocides ; elle seule permet de combattre l’indifférence. Que l’on cache l’horreur, je m’engage à témoigner. Que l’on nie le crime, je m’engage à le révéler.”

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SARKIS, cap sur Venise ! artiste contemporain Sarkis a été choisi pour représenter la Turquie à l’occasion de la 56e Biennale de Venise, du 9 au 22 novembre prochain. Sarkis, d’origine arménienne, y exposera son œuvre intitulée Respiro, un projet avec des miroirs, de la lumière, du son, et la participation d’enfants de 12 ans qui viendront poser leurs empreintes sur les miroirs. Pour ce « sculpteur d’espace », tel qu’il se définit lui-même, représenter la Turquie à Venise est un rôle difficile, qu’il a accepté «avec toute la douleur possible». Surmonter sa rancoeur pour montrer que de part et d’autre, l’heure est à l’ouverture et au dialogue : tel est l’enjeu de cette participation. Pour Sarkis, le fait que la nation turque lui demande de la représenter est clairement conçu comme une ouverture. «Dans la voix de ceux qui m’ont appelé, il y avait beaucoup d’amour», a confié le plasticien dans Le Monde. Cerise sur le gâteau, Sarkis sera également invité, avec une dizaine d’artistes de la diaspora (dont le Français Mélik Ohanian), au pavillon arménien, monté cette année à Venise par la mécène Adelina Cüberyan von Furstenberg. Né en 1938 à Istanbul, Sarkis Zabunyan vit et travaille en France depuis 1964. Il a remporté le prix de peinture de la Biennale de Paris en 1967, puis a vu sa notoriété décoller à l’international. En 2011, le Musée d’Art moderne de Genève lui a d’ailleurs consacré une rétrospective intitulée Hôtel Sarkis, rassemblant, sur 4 étages, 200 pièces datées de 1971 à 2011. Ces dizaines d’installations vidéos ou sonores, d’aquarelles, de sculptures, de photographies ou de films avaient permis au public de découvrir ou redécouvrir l’étendue de la palette d’un artiste absolument unique et précurseur.

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Les 10 moments forts du centenaire du Génocide Vous étiez sur la lune les 8 premiers mois de l’année 2015 ? No stress ! IK revient en images et parfois en mots sur les 10 moments forts de la commémoration du génocide des Arméniens. 100 ans après l’horreur, il y a désormais des raisons d’espérer. Au menu notamment, deux couples qui se sont particulièrement distingués : le couple Kardashian-West et le couple Clooney. Mentions spéciales également à François Hollande (assez rare pour le souligner), au Pape François, au groupe System of a down, à l’Allemagne, aux supporters de l’OM et aux médias nationaux et internationaux qui ont largement relayé l’évènement. Vivement 2016 !

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©PAN Photo / Hrant Khachatryan Légende Kanye photo : Lorsque Kanye West est content, il se jette à l’eau avec son micro.

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Kim et Kanye ont fait le show !

La plus célèbre des arméniennes du monde, Kim Kardashian, et son rappeur de mari Kanye West, ont eu la merveilleuse idée de se rendre en Arménie début avril. En mettant leur immense notoriété au service de la cause arménienne - West étant considéré par Time Magazine et Forbes comme l’une des 100 personnalités les plus influentes du monde - , les deux superstars américaines ont fait considérablement avancer le combat, notamment celui de l’ignorance. Désormais, des centaines de milliers d’Américains, Européens ou Africains savent qu’en 1915, la Turquie a perpétré un génocide contre les Arméniens. Respect. En prime, Kanye West a improvisé un concert gratuit place de la République à Erevan, permettant à des milliers de jeunes de vibrer au son de son hiphop, qui rappelons-le, lui a permis de rafler 21 Grammy Awards et une fortune de 100 millions de dollars en seulement quelques années de carrière. Cela valait bien de finir à l’eau tout habillé !

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ŠPAN Photo / Hrant Khachatryan Dans quelques minutes, le couple West-Kardashian va se mettre à danser le Kotchari.


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Les François se mouillent !

Pour une fois, le président français François Hollande n’a pas failli et a tenu sa promesse de 2014 en se rendant le 24 avril à Erevan pour délivrer un message de paix et de réconciliation. Seul chef d’état d’envergure à avoir fait le déplacement (avec Vladimir Poutine), François Hollande a rappelé la Turquie à ses devoirs tout en se réjouissant des avancées d’Ankara. Un autre François a fait un bien fou à la cause arménienne : il s’agit du Pape, qui a pour la première fois utilisé publiquement le mot de génocide pour dénoncer le massacre des Arméniens, cinq mois après sa visite en Turquie. Prononcé lors d’une messe commémorative donnée en la Basilique Saint-Pierre début avril, en présence du président arménien Serge Sargsian, le terme de génocide a provoqué l’ire d’Ankara qui a immédiatement rappelé son ambassadeur au Vatican.

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Une mobilisation citoyenne exceptionnelle

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De Marseille à Erevan en passant par Los Angeles, Beyrouth, Berlin ou NewYork, jamais la mobilisation citoyenne n’avait été aussi forte. 100 ans plus tard, les descendants de rescapés du génocide se sont réunis par centaines ou par milliers et ont fait entendre leur voix, avec calme et dignité. Dans la cité des Anges, pas moins de 100 000 personnes ont manifesté. A Marseille, plus de 10 000 hommes, femmes et enfants sont descendus dans la rue, ce qui n’était pas arrivé depuis 30 ans.

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System of a down en concert : IK y était !

Jacques Avakian

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Notre journaliste Azad Iliozer fait partie des quelques milliers de chanceux qui ont eu l’occasion de voir le groupe SOAD en chair et en os, en live, à Lyon, lors de sa récente tournée baptisée Wake up the souls, organisée pour sensibiliser l’opinion sur la question du génocide arménien. Récit heure par heure. J-2 Nous sommes le 12 avril. Dans moins de 48 heures, je serai au concert des SOAD. Pour leur unique date en France en 2015, les Californiens ont choisi Lyon et la Halle Tony Garnier. Les places sont parties en deux jours et par chance, j’ai réussi à avoir des invitations. J’ai connu ce groupe à l’âge de 11 ans. D’origine arménienne, les musiciens de SOAD sont des symboles de la diaspora. Ils ont su intégrer leur arménité dans leurs chansons, tout en conservant un style bien métal : je pense notamment à la chanson Aerials qu’ils terminent avec le chant liturgique arménien Der voghormia.

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J-1 8h34 : Je tente de réviser pour le concours que je dois passer le lendemain du concert. J’avoue, j’ai du mal à me concentrer quand je pense que je serai bientôt face à ces monuments du rock. 10h22 : Je m’accorde une pause, je branche mes écouteurs sur mon Nokia, je fais défiler les chansons. Et là, j’appuie sur Chop suey des SOAD. Cette chanson représente bien l’esprit du groupe. Une douce violence ponctuée de riffs imparables de Daron Malakian qui sert de base à des paroles engagées chantées par Serj Tankian.

12h26 : En mangeant, je discute avec ma copine et inévitablement notre sujet de conversation tourne autour du concert : « Tu penses qu’ils vont jouer combien de chansons ? Serj Tankian va-t-il interpréter des titres de ses albums solos ? ». En tout cas, je sais qu’au concert de Los Angeles, ils ont joué la chanson Sardarabad, qui raconte la bataille arméno-turque qui s’est déroulée en mai 1918 et qui s’est soldée par la victoire des troupes arméniennes. 14h00 : Retour aux études. Je commence à lire un livre sur les théories économiques d’Adam Smith... Rien de bien passionnant. Et je me dis


Jacques Avakian

que dans 24 heures je serai devant la Halle Tony Garnier en train de récupérer mon invitation et que je vivrai une soirée magique.

Dernière vérification, je mets mon appareil photo dans le sac. Je prends mon sac à dos, on ferme la porte et hop, let’s go !

22h14 : Préparation des affaires pour demain soir. Appareil photo ? Ok. Carte d’identité ? Ok. Drapeau Arménien ? Ok.

18h04 : On sort du tramway. Une immense foule fait la queue et des milliers de personnes sont déjà entrées. Déçu, je me dis que nous n’arriveront jamais à être devant la scène dans la fosse.

00h46 : Je vais me coucher en espérant que le show sera à la hauteur de mes espérances. Jour J 13h10 : Je tente de m’occuper l’esprit pour faire passer le temps. Les minutes me semblent interminables... 17h00 : Ma copine me rejoint. On se prépare. Je suis pressé de partir.

18h15 : Par chance, les organisateurs décident d’ouvrir une seconde porte au moment de notre arrivée (queue esquivée). Après une rapide fouille des sacs, on récupère nos billets au guichet numéro 1. On fonce vers l’immense bâtisse. 18h23 : Ça y est. On y est ! La salle est

incroyablement grande. On s’approche de la fosse. Bloquée par des barrières et des agents de sécurité. « Comment fait-on pour accéder à la fosse ? » demande-t-on. Un agent, grand, costaud et moustachu nous dit qu’il faut un bracelet jaune. Problème : il n’y en a plus car ils ont été distribués aux 3000 premiers fans arrivés sur place. 18h43 : Après de multiples péripéties, on a réussi à mettre la main sur les fameux bracelets jaunes. On est bien dans la fosse. Il y a un monde fou. La bière coule à flot et des centaines de personnes sont assises à même le sol. Certains gars sont déjà torses nus. J’entends des fans de SOAD parler italien, espagnol, français. C’est très mélangé.

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Jacques Avakian

19h00 : On essaye de se faufiler dans la foule pour s’approcher de la scène. Il fait horriblement chaud. 19H30 : Le concert est censé démarrer mais point de SOAD à l’horizon. Sur scène, il n’y a pour l’instant qu’un défilé de techniciens qui effectuent les deniers réglages. 19h45 : Des cris d’impatience se font entendre dans la foule, qui scande à l’unisson : « SYSTEM ! SYSTEM ! SYSTEM ! » 20h00 : En jetant un coup d’œil derrière moi, je fais face à une foule monstre… Je n’avais jamais vu autant de monde dans une salle. LE SHOW 20h30 : Les lumières s’éteignent. C’est l’euphorie totale dans la salle. Les premiers accords sont lancés par Daron à la guitare. Tout le monde se pousse. Les pogos commencent et continueront tout au long de la soirée.

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Après deux minutes passées dans ce tumulte, on décide avec ma copine de s’écarter cinq mètres plus loin pour mieux profiter du show.

monte sur mes épaules et le tend fièrement. Serj Tankian nous aperçoit et nous pointe du doigt avec un large sourire.

21h00 : Après quelques chansons, un film d’animation est projeté sur les six écrans géants de la salle. Ce court-métrage, découpé en trois parties, sera diffusé au cours de la soirée. Il raconte l’histoire du génocide arménien. Il permet d’apprendre, à ceux qui l’ignorent, qui en sont les responsables, ainsi que les raisons et les conditions de ces massacres. Il nous permet également de mieux comprendre le négationnisme de l’Etat turc dirigé aujourd’hui par Erdogan.

22h15 : Serj Tankian prend la parole sur l’air de Der Voghormia interprété à la guitare par Daron. Il parle du génocide et du combat des Arméniens.

21h15 : Le groupe reprend et Shavo (le bassiste) accroche à son micro une écharpe aux couleurs de l’Arménie (Rouge, Bleu, Orange). 22h00 : Shavo et Daron jouent les premières notes de la chanson Sardarabad. C’est l’heure de sortir notre drapeau arménien. Ma copine

22h30 : Après deux heures de show, c’est la fin. Le groupe quitte la scène et John Dolmayan (le batteur) s’avance et lance à la foule ses 3 paires de baguettes fraîchement utilisées. Ce fut un concert exceptionnel. Bien mieux que tout ce à quoi je m’attendais. Les SOAD ont mis le feu et on a vraiment senti qu’ils ont aimé être là ce soir, devant 17 000 personnes en folie. Après des mois d’attente, j’ai enfin vu les SOAD en concert. Et c’était fantastique.

Azad Iliozer


Les Peoples s’engagent

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Des dizaines de peoples n’ont pas hésité à porter haut et fort les couleurs de l’Arménie avant, pendant et après les commémorations. Parmi eux, en tête de file, le couple Clooney. Parti prenante du lancement début mars de l’excellente initiative 100 LIVES imaginée par le trio Vartan Gregorian (académicien), Ruben Vardanyan et Noubar Afeyan (tous deux entrepreneurs) pour le centenaire, George a pris la parole publiquement sur le génocide et a accepté de figurer parmi le comité de sélection du prix humanitaire Aurora, en hommage à Aurora Mardiganian, une Américaine qui après avoir

perdu sa famille dans le génocide, a consacré sa vie à l’aide humanitaire. La star hollywoodienne s’est ainsi engagée à se rendre à Erevan le 24 avril 2016 pour participer à la première cérémonie de remise de cet Aurora Prize, doté d’1 million de dollars, et qui récompensera des actes de bravoure et d’humanisme. Quant à sa femme, Amal, avocate spécialisée dans les questions humanistes, elle n’a ni plus ni moins défendu l’Arménie fin janvier devant la Cour européenne des droits de l’Homme dans le procès contre le négationniste turc Dogu Perinçek. Le verdict ne devrait pas tomber avant plusieurs mois.

Mention spéciale aussi aux comédiens Rob Lowe (Wayne’s Word, Austin Powers, Californication) et Mia Farrow (considérée par le Time comme l’une des personnalités les plus influentes de la planète), qui se sont illustrés sur Twitter en militant pour la reconnaissance du génocide. Le footballeur du FC Barcelone Dani Alves aurait pu faire partie de ce top après avoir brandi sur Twitter une pancarte appelant la Turquie à reconnaître le génocide. Copieusement insulté sur les réseaux sociaux après cet acte de bravoure, le défenseur du célèbre club catalan a retiré son tweet et présenté ses excuses à ses « fans » turcs.

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Des stickers pour comprendre l’innommable

The Genocide Hall of Shame : tel est le projet arty excellentissime du graphiste indien Navin Kala sur lequel IK a craqué. Des stickers de bourreaux à télécharger, imprimer et coller partout pour mieux comprendre l’innommable. Aujourd’hui professeur d’arts plastiques à Bénarès (Inde), Navin Kala a été épaulé pour ce projet par un artiste Espagnol, Frank Kalero, mais aussi et surtout par deux Arméniens de Erevan : l’excellent photographe Karen Mirzoyan et l’architecte Ashot Snkhchyan. http://genosaurs.tumblr.com/stikers


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Le bel hommage des Winners

Il n’y a qu’à Marseille que cela est possible ! Le 24 avril, avant le coup d’envoi du match OM-Lorient au stade Vélodrome, pour le compte de la 34e journée de L1, la section des South Winners, célèbre groupe de supporters olympiens, a marqué les esprits en déployant une banderole de soutien au peuple arménien pour dénoncer le génocide. Sur cette banderole était inscrit : «1915-2015: que cela ne se reproduise plus». Un magnifique tifo aux couleurs du drapeau arménien (rouge, bleu, orange) a également inondé le haut des tribunes, surmonté du symbole Peace and Love.

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Médias : Une moisson fertile On ne pourra pas reprocher aux médias et aux artistes d’avoir « zappé » le sujet. Au contraire, une pluie de reportages, d’articles, de magazines dédiés, de films, de documentaires, de chansons, de tournées, de sites web, d’expositions, d’initiatives en tout genre a inondé le premier semestre 2015. On retiendra de cette moisson fertile l’excellent documentaire d’Audrey Valtille produit par Robert Guédiguian, L’Armée secrète arménienne, diffusé sur France 3. Ce film est l’un des rares objets à s’être intéressé à la lutte armée des années 70/80 (ASALA). Un

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mouvement terroriste qui n’a laissé personne insensible au sein de la communauté arménienne, partagée entre la gêne d’être assimilée à ces actions terroristes et le constat de leur efficacité médiatique dans le combat pour la reconnaissance du génocide. Un court-métrage inédit a également retenu notre attention. Projeté début juillet dans le cadre du festival Il cinema ritrovato (Le cinéma retrouvé) à Bologne (Italie), le film Arménie, berceau de l’humanité montre quatre minutes d’images inédites de réfugiés datant de 1923. Enfants s’entassant sur des bateaux en Turquie, colonnes

de réfugiés sur une route, familles installées dans des wagons... Les images, muettes et sans légende, ont été retrouvées par miracle par Mariann Lewinsky, l’une des commissaires artistiques du festival, en fouillant sur internet la banque de données de la Fédération internationale des archives du film (Fiaf). D’auteur inconnu, arrivé on ne sait comment à la Société historique de l’Oregon aux États-Unis, le film était en dépôt à la Librairie du Congrès américain.


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L’Allemagne dans l’histoire

Coup de chapeau à l’Allemagne, qui par la voix de son président Joachim Gauck a reconnu pour la première fois sa coresponsabilité dans le génocide des Arméniens. Au cours d’une cérémonie religieuse, Gauck a évoqué une « coresponsabilité, et même, potentiellement, une complicité de l’Allemagne dans le génocide des Arméniens », ajoutant que des militaires allemands avaient « participé à la planification et pour une part à la mise en place des déportations d’Arméniens ». « Des informations d’observateurs et de diplomates allemands qui ont clairement établi la volonté d’extermination contre les Arméniens

ont été ignorées », a révélé le président allemand. Jusqu’ici, Berlin, soucieux de ses relations diplomatiques avec la Turquie l’Allemagne abrite aujourd’hui la première communauté de Turcs à l’étranger, estimée à environ trois millions de personnes -, n’avait jamais employé le terme de génocide pour qualifier les massacres subis par les Arméniens. Mention spéciale également au Parlement autrichien qui a quant à lui observé une minute de silence pour commémorer le génocide, une première dans ce pays, allié à l’époque à l’Empire ottoman. Un acte fort qui a provoqué la fureur de la Turquie. Ankara a ainsi dénoncé une

« injure au peuple turc » et rappelé pour consultation son ambassadeur à Vienne. Bravo enfin au Luxembourg (Chambre des députés), au Brésil (Sénat) et à la Belgique (Premier Ministre), qui malgré les pressions turques, ont fait avancer la cause arménienne en reconnaissant ou en étant sur la voie de la reconnaissance de la catastrophe de 1915. Au total, plus d’une vingtaine de pays ont déjà reconnu le génocide. Manquent toujours à l’appel : les USA, le Royaume-Uni et Israël.

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Hasan Cemal, symbole d’une Turquie qui avance (vraiment)

La société civile turque avance jour après jour sur la question arménienne, la rendant de moins en moins taboue. Parmi les visages les plus « connus » de ce sillon libératoire figure le réalisateur turco-allemand Fatih Akin. Nous vous l’avions présenté lors du précédent numéro d’IK, en consacrant un dossier spécial à The Cut, son dernier film sur le génocide arménien, un acte héroïque pour Akin dont une partie de la famille est négationniste. D’autres ont suivi cette voie, notamment le tandem Ela Alyamac et Aren Perdeci, basé à Istanbul, qui s’apprête à sortir en octobre le film Les oiseaux perdus, racontant l’histoire de deux jeunes enfants arméniens à la recherche de leur mère disparue lors du génocide arménien de 1915. Le plus beau symbole de cette Turquie

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nouvelle, qui avance et qui est prête à affronter son passé se nomme Hasan Cemal. Cet ancien éditorialiste influent du journal turc Milliyet n’est autre que le petit-fils de Djemal Pacha, l’un des 3 dirigeants du gouvernement Jeune Turc qui planifia les massacres de 1915. Malgré son héritage familial, il est aujourd’hui l’une des voix fortes qui prônent la reconnaissance. « Nier le génocide, c’est être complice d’un crime contre l’humanité », a-til écrit sur le livre d’or du mémorial Dzidzernagapert à Erevan. « Le courage de Taner Akçam (premier historien turc à avoir fait des travaux sur le génocide, ndlr) a marqué un tournant, explique Cemal dans Le Monde. C’est lui qui a déverrouillé mon esprit. Puis c’est Hrant Dink (assassiné en 2007, nldr) qui a ouvert mon

coeur ». En mars dernier, la célèbre université américaine Harvard ne s’est pas trompée en lui remettant le prix de la conscience et de l’intégrité en journalisme. Sorti il y a trois ans en Turquie malgré de nombreuses menaces, son livre 1915, le génocide arménien est depuis peu disponible en France, aux éditions les Prairies Ordinaires. Preuve que le centenaire n’a pas laissé indifférent en Turquie, des signes forts se sont produits en 2015, à la fois au niveau politique, avec l’élection de 3 députés turcoarméniens à l’Assemblée, et artistique, avec le nouveau rôle de Sarkis (voir page 7) pour la Turquie et de Kevork Tavityan, fraîchement nommé Directeur de l’Opéra d’État à Istanbul. Aujourd’hui, selon plusieurs sondages réalisés par des think tank, 30% de la jeunesse et 9% de la population totale souhaitent la reconnaissance du génocide. C’est peu, mais c’est déjà beaucoup. Il y a dix ans, ces pourcentages se comptaient tout au plus sur les doigts d’une main. Et dans 10 ans ? IK fait un pari : en 2025, la Turquie aura reconnu le génocide.


En couverture En lisant ce magazine, vous vous êtes peutêtre demandés ce que représentait le symbole utilisé en couverture. Explications.

En avril 1965, alors que le Dzidzernagapert n’existait pas, un concours a été lancé en Arménie pour le design du plus beau mémorial. L’annonce était la suivante : « le mémorial doit incarner la vie du peuple arménien, en proie à la lutte. Il doit incarner son infatigable vitalité, son désir de survivre et de progresser, son présent et son futur, à travers l’immortalisation de la mémoire des millions de martyrs qui ont sacrifié leurs vies pendant le grand crime de 1915 ». Malgré plusieurs propositions rejetées, l’artiste Van Khachatur a l’idée d’une sculpture qui ornerait les murs du mémorial. « J’ai utilisé les motifs du Bolero de Ravel pour préparer une sculpture unique, répétée 111 fois le long du mur, raconte-til dans le livre 99. Je devais sculpter la mère embrassant son enfant. La mère était creusée dans la roche, comme si elle était l’ombre d’elle même, qu’elle n’était pas présente, alors que l’enfant devait être le symbole de la nation vivante. 111 est un nombre spécial qui symbolise l’infini. Il n’a pas de début ni de fin ». L’idée a été approuvée le 19 août 1971 par le comité d’architecture de Erevan et le 4 mai 1972 par le comité de la fondation des arts d’Arménie. Van Khachatur a créé 3 exemplaires en plâtre et les a apportés au Dzidzernagapert. La sculpture de la mère a même commencé à être gravée à deux endroits différents. Mais malheureusement, son travail n’a jamais pu être terminé car la Russie, qui suivait de près la construction du mémorial, a mis son veto. Aujourd’hui encore, en cherchant bien, on peut voir quelques traces de ces sculptures sur le site du Dzidzernagapert. Source : 99 - PanArmenia / Ucom

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Haynews

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L’âge du milliardaire américain Kirk Kerkorian, roi de Las Vegas, décédé le 16 juin dernier. Paix à son âme.

Comme la taille, en centimètres, d’Arshavir Grigorian, l’homme le plus grand d’Arménie, qui vit actuellement à Valence, près de Lyon.

Comme le nombre de pays représentés chaque année au Midem, à Cannes, début juin, lors du grand marché international de la musique. En 2015, les organisateurs ont décidé de mettre l’Arménie à l’honneur, à l’occasion du centenaire du génocide.

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En millions d’euros, la somme que l’Union Européenne a prévu de donner à l’Arménie pour l’aider à mettre en œuvre des réformes politiques et sociales.


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Trois députés d’origine arménienne ont fait leur apparition au Parlement turc, suite aux élections législatives, début juin. Ils se nomment Garo Paylan (Parti Kurde), Markar Essayan (AKP, parti d’Erdogan) et Selina Dogan (Parti du peuple, centre-gauche).

L’âge de Varoujan Artin, administrateur de l’association ARAM et figure emblématique de la communauté arménienne de Marseille, décédé brutalement le 26 mai dernier. Paix à son âme.

Catanasian

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Catanasian


Courant Made in France d'art Lori La Armenia

“ Une explosion volcanique ”

Flamenco, théâtre, cinéma et musique. Véritable touche à tout, l’artiste Lori La Armenia (de son vrai nom Baghdassarian) est partie cet été en tournée européenne avec le groupe electro-tsigane Click Here, dans lequel elle officie en tant que chanteuse et danseuse. Nous l’avons rencontré début juin à Paris. Interview avec une fille au charisme envoûtant.

On t’a quitté fin 2013, au cinéma, en danseuse de flamenco dans l’excellent film de Guillaume Gallienne, Les garçons et Guillaume à Table. Qu’as-tu fait depuis ? Je suis retournée en Espagne, à Séville, pour continuer à me perfectionner en tant que danseuse flamenco. Je suis ensuite revenue à Paris notamment pour danser au Grand Palais, lors d’une performance donnée lors de la 6e édition de Monumenta, au sein de la cité utopique créée par le couple d’artistes russes Ilya et Emilia Kabakov. Ensuite, j’ai gagné un prestigieux concours de flamenco, plus précisément de Buleria, à Nîmes, qui m’a permis de faire une tournée dans le Sud de la France. Et de valider en quelque sorte tout mon parcours devant un jury composé de grosses

pointures du flamenco. 
 Quel est ton regard sur le flamenco aujourd’hui ? Quand je suis partie me former la première fois en Andalousie au début des années 2000, le flamenco ne s’était pas mondialisé, il n’était pas à la mode comme c’est le cas aujourd’hui. Je trouve ça super, mais en contrepartie, il perd parfois de son authenticité. C’est bien qu’il se modernise, mais il faut faire attention à ce qu’il ne devienne pas “cheap”, qu’il ne perde pas ses racines. Il ne faut pas oublier que le flamenco vient de la rue. Il y a un enjeu philosophique et culturel derrière tout ça. Danser le flamenco, c’est être à l’écoute des autres. Il faut danser le chant. Le flamenco, c’est une conversation entre

le chant, la guitare et la danse. En général, combien de temps durent tes shows de flamenco ? Il durent entre 1h15 et 1h30. Je danse pendant 45 minutes, le reste c’est du chant, de la musique. Le plus important, c’est le choix des musiciens. Ma danse, je dis souvent qu’elle est bio. Pour être bio, il faut avoir avec soi un chanteur et un guitariste qui ont baigné dans la culture flamenca. Une danse dure au maximum 20 minutes. Mais parfois, c’est tellement fort que tu as l’impression que ça a duré une heure. Tu travailles tes danses quotidiennement ? Oui. L’idéal, c’est de faire du travail technique 2 ou 3 heures par jour

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quoiqu’il arrive, sur scène ou en studio. Il faut aussi entretenir son corps en faisant des exercices de pieds et de bras, en musique. Ensuite, il y a aussi le travail de recherche, création et mise en scène, que l’on peut faire chez soi en fermant les yeux. En plus de la danse et du cinéma, tu chantes dans le projet électrotsigane Click Here, initié par Dj Click. Que représente le chant pour toi ? Pour moi, le chant c’est sacré ! Le chant, c’est la danse du souffle. C’est la base de tout, l’art par excellence, c’est ce qui sublime notre humanité, ce qui la protège, l’élève. Le chant, c’est ce qu’il y a de plus beau. Parlons de tes racines arméniennes... Comment vis-tu cette année du centenaire ? Intérieurement, c’est une explosion volcanique. Je suis passée par toutes les phases. Ce qui s’est passé début janvier en France, avec les attentats, ça m’a rendu dark et pessimiste. Je me suis dit qu’on n’était à l’abri de rien, que tout pouvait recommencer. Très jeune, en tant qu’Arménienne, j’ai

Lori en tournée

appris que l’humain était capable du pire. Malgré tout, quand je vois que les choses commencent à vraiment bouger dans la société turque, ça me donne de l’espoir. De toute façon, il n’y a que de l’intérieur de la Turquie que le salut viendra. La Turquie reconnaîtra un jour le génocide. J’en suis persuadée. Où as-tu commémoré le centenaire, le 24 avril 2015 ?
 En Arménie. C’était sobre et solennel. Il y avait un côté très noble, différent de ce que j’ai vécu en France ou aux USA où on est plus dans la revendication. On veut faire entendre notre voix. En Arménie, c’était hyper apaisant, les gens étaient vraiment dans le recueillement. Ce qui m’a surpris, c’est qu’il y avait énormément de jeunes pendant la marche. La moyenne d’âge était de 30 ans maximum. Existe-t-il une scène flamenco en Arménie ? Oui ! Il y a un petit noyau de passionnés, emmenés par le guitariste Hagop Tchaghasbanyan. Il est prof au Conservatoire, c’est un virtuose de guitare classique fasciné par le

Lori sera en tournée «flamenco» le 10/10 à Rennes (Festival le Grand Soufflet), puis à Paris les 23/10 (Théâtre El Duende), 24/10 (Théâtre du Marais), 10/11 (Trabendo/Amnésie Internationale) et 15/11 (Studio de l’Ermitage). + d’infos sur www.loriflam.com

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flamenco. Il a transmis cette passion à certains de ses élèves. Aujourd’hui, il y a quatre ou cinq guitaristes de folie en Arménie. J’ai déjà donné quelques shows là-bas et pas mal de cours. Ayant déjà enseigné dans plusieurs endroits de la planète, je peux vous dire que les Arméniens ont un truc particulier. Ils ont l’émotion, probablement liée à l’exil. Quels sont tes projets pour le deuxième semestre 2015 ? Je vais participer de nouveau à Gariné, l’opéra-bouffe mis en scène par Gérald Papasian, dans lequel je suis chorégraphe, danseuse et chanteuse. Je vais retourner en Andalousie car ça me manque trop. Et surtout, je rêve d’aller en Turquie. Je veux aller à la rencontre des gens là-bas, je veux essayer de mieux connaître le peuple turc. Mes arrières grands-parents venaient de Konya et Adiyaman. Je veux retrouver leurs villages, leurs maisons. J’ai vraiment envie d’y aller pour boucler la boucle émotive. Et passer à autre chose.

Propos recueillis par Fred Azilazian


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Catanasian


Lumen

Catanasian

« 47 000 Arméniens sont en danger »

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Courant Made in Armenia d'art

Après avoir vu sa série étonnante de clichés sur un sujet méconnu, les glissements de terrain en Arménie, IK a voulu rencontrer le photographe arménien Arthur Gevorgyan, dit Lumen. Voué à une carrière d’ingénieur après de brillantes études, ce presque trentenaire a finalement choisi un univers artistique. Sans regret. Interview. Pourquoi avoir choisi un univers artistique après tes études d’ingénieur ? Parce que je suis passionné par la photo. En faisant ce métier, tu es en contact direct avec les gens et tu ne restes pas cloîtré dans des bureaux. J’ai fait une formation de photographie à Istanbul où enseignent beaucoup de professionnels reconnus comme Youri Kozyrev (Noor images), Thomas Dworzak (Magnum photos) ou Andreï Polikanov (Russian reporter). J’ai acheté mon appareil en 2009 et depuis, je ne pense pas une seconde à changer de métier. Ton site est très bien fait et il

expose les six dernières années de ton travail. Un sujet, Landslide in Armenia, a retenu notre attention. Peux-tu nous expliquer comment est venu ton intérêt pour la question des glissements de terrain ? Les glissements de terrain sont la deuxième catastrophe naturelle en Arménie après les tremblements de terre. 47 000 personnes sont en danger actuellement. C’est un parcourant l’Arménie pour offrir des formations photo à des enfants de village que j’ai découvert ce phénomène. J’ai rapidement voulu en savoir plus et j’ai ensuite mené mon enquête, afin de savoir combien de

cas on comptait en Arménie, quels étaient les dangers de ces glissements, etc... J’ai reçu une bourse qui m’a aidé à faire mon reportage photo et vidéo à trois endroits différents : dans les villages de Guétahovit et Voghjaberd et au cimetière de Noubarashen. Tu as dû voir des choses incroyables ! Oui, et c’est une aventure assez dangereuse. Lorsque l’on pénètre dans certaines maisons abandonnées, on entre dans une autre dimension : le sol penche à 35 degrés, les murs aussi. Ça donne des vertiges. La maison peut s’écrouler à tout moment. Un jour, j’ai photographié un vieil homme

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devant chez lui. Le lendemain j’y suis retourné pour shooter quelques clichés supplémentaires et la moitié de sa maison s’était écroulée. L’an dernier, mon travail a été exposé simultanément dans 5 différentes salles à Erevan pour sensibiliser le public.

En 1956, ce couple de villageois arméniens s’est marié et a construit sa maison. Voilà le résultat.

Comment faire pour améliorer la situation ? Il faut des moyens financiers considérables pour stopper les glissements. Pour les prévenir ou ne pas les réveiller, il faut cesser l’abattage massif des arbres et imposer l’utilisation réglementée de l’eau. Dans certains endroits, le robinet est ouvert et l’eau coule 24h/24. Le glissement commence quand la terre est imbibée d’eau. La couche d’argile devient glissante et les couches au-dessus commencent à bouger. Quels sont les autres projets sur lesquels tu travailles ? Il y a un projet qui me tient à cœur et que j’ai démarré il y a 4 ans. J’ai choisi 14 enfants du village de Gorayk et je les photographie une fois par an. Le but de ce projet est de voir comment ces enfants grandissent, ce qu’ils deviennent, s’ils partent du village ou du pays, etc... Ce travail va me prendre encore 6 ans. J’aimerais ensuite en sortir un livre. As-tu déjà travaillé à l’étranger ? Non, mais j’aimerais beaucoup. J’ai très envie d’aller tenter ma chance ailleurs. Comment définirais-tu ton style ? Je suis avant tout un documentaliste. Je fais également des portraits et des photos de mariages. Mon travail sur les mariages est plutôt très apprécié. Aujourd’hui, il y a de nombreux couples qui changent le jour de leur mariage selon mon planning ! Cette année on m’a même invité à Paris ! www.arthurlumen.com Propos recueillis par Armen Catanasian (avec F.A.)

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Cette villageoise est tombÊe de 4 mètres de haut pendant un glissement de terrain et a subi de nombreuses blessures

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Davit Yukhanyan « Je rêve de collaborer avec Pink Floyd »

Catanasian

Architecte de métier et illustrateur de talent, adoubé par les sites Behance et Bored Panda, le jeune artiste arménien Davit Yukhanyan (27 ans) rêve de collaborer avec Pink Floyd. Il nous explique pourquoi.

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Il paraît que tu es fan de rock et plus particulièrement du groupe Pink Floyd qui a une véritable influence sur ton travail. Tu confirmes ?
 C’est vrai ! J’adore la musique et je suis un grand fan de Pink Floyd. Deux de mes dessins portent des titres tirés des paroles du groupe. Même si c’est de l’ordre de l’irréel, j’aimerais collaborer avec eux ! Lorsqu’ils ont sorti leur dernier album Endless River en fin d’année 2014, j’ai tout de suite regardé qui avait illustré la pochette. Malheureusement décédé, leur designer Storm Thorgerson, qui a signé les couvertures de tous leurs albums à part The Wall, a été remplacé par Ahmed Emad Eldin, un artiste égyptien de dix-huit ans, trouvé sur le site Behance. Je ne pense pas que son style colle avec Pink Floyd. Il a usé et abusé de Photoshop, alors que chez Thorgerson, tout était en vrai.

 Plus généralement, quel est ton rapport à la musique ? J’ai toujours rêvé d’être un bon pianiste. Mon père est musicien, tout comme de nombreux membres de ma famille. Être un bon musicien me parait quelque chose d’inatteignable. J’ai du profond respect pour les musiciens talentueux. 

 Comment es-tu venu à l’illustration ? J’ai toujours adoré dessiner. Au départ, c’était juste un besoin. Je dessinais pour moi-même car je gagne déjà ma vie en tant qu’architecte. Le dessin, c’est avant tout pour mon âme. Puis les choses se sont accélérées il y a deux ans alors que je ne m’y attendais pas. Je me suis décidé à poster un de mes dessins sur internet. Quelques jours plus tard, je découvrais

que le site Behance l’avait propulsé sur sa page d’accueil ! Pour ceux qui ne connaissent pas, Behance est un site de découverte du travail créatif du groupe Adobe qui, entre autres, suit le travail des artistes online. Les meilleures œuvres sont sélectionnées en page d’accueil. Vu que Behance est très renommé, d’autres sites spécialisés ont parlé de mon dessin qui du coup, s’est répandu assez vite sur la toile. J’ai dû répondre à des interviews pour des sites comme Bored Panda (2 millions de fans sur Facebook) et Yahoo, aux USA, en Angleterre, en France et en Arménie aussi évidemment (rires). 

 As-tu pensé à faire des expositions de tes dessins ?
 J’ai été invité en Angleterre. Mais je n’ai pas un nombre de dessin suffisant pour exposer. Dessiner me

prend beaucoup de temps. Je fais d’abord des esquisses au crayon. Puis je redessine en rassemblant les esquisses. J’ai par exemple mis trois mois pour réaliser mon dernier dessin.

 Quel est le message que tu veux faire passer avec tes dessins ?
 Je n’ai jamais pu expliquer avec des mots le sens que je mets dans mes dessins. Le musicien exprime ses sentiments avec ses chansons, le cinéaste avec ses films et le dessinateur avec ses dessins. Si je savais expliquer mon travail avec des mots, je serai écrivain.

Propos recueillis par Armen Catanasian (avec F.A.) www.behance.net/yukhanyan

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Voici l’univers barré de Davit Yukhanyan


Courant Made in d'art USA

Premier album solo pour Artyom ! Aujourd’hui installé à Los Angeles, Artyom Manukyan (Armenian Navy Band), sort son premier album solo autour du violoncelle. Un disque original qui mérite le détour.

Armen Poghosyan

www.facebook.com/ officialartyommanukyan

Deradoorian, le grand saut

DR

La chanteuse américaine d’origine arménienne Angel Deradoorian (29 ans) a sorti fin août son tout premier album solo, intitulé The Expanding Flower Planet. Après avoir assuré l’an dernier les premières parties du groupe de pop new-yorkais Animal Collective, la musicienne de Brooklyn a ensuite été invitée à « ouvrir » pour les 28 dates de la tournée américaine et canadienne de la chanteuse gothique Zola Jesus, début 2015. Depuis septembre, c’est en tête d’affiche qu’Angel fait désormais partager son joli timbre de voix et ses chansons tourmentées au public américain. Connue pour ses multiples collaborations avec l’un des groupes mythiques de la scène indé US, Dirty Projectors, Angel a publié il y a 6 mois sur son compte soundcloud une chanson faisant directement référence à ses origines arméniennes : Duduk for two voices.

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www.soundcloud.com/deradoorian


Jack Maysin, un rappeur à suivre

DR

Sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie, à Los Angeles pour être plus précis, le rappeur Jack Maysin, d’origine arménienne, a sorti au printemps dernier une chanson pour évoquer à sa manière le génocide. Elle s’appelle Stand Up. Dans un style proche d’Eminem, le chanteur de 33 ans pose son flow en anglais et en arménien dans le texte, évoquant les problèmes actuels liés aux génocides. Nous lui avons posé 3 questions.

A qui est destinée la chanson Stand Up ?
 Cette chanson a été écrite pour le peuple arménien, pour envoyer un message d’union. Le but n’était pas de faire parler du génocide mais de nous pousser, en tant que communauté, à devenir encore plus unie. J’ai toujours été fasciné de voir un nombre impressionnant d’Arméniens marcher ensemble le 24 avril pour protester et sensibiliser les gens sur la question arménienne. Ce jour-là, nous sommes unis et fiers, malgré nos différences et désaccords. 

 Penses-tu que la Turquie va reconnaître un jour le génocide arménien?
 Je suis optimiste. Il en va de notre responsabilité de tendre le bras à la nouvelle génération turque et de lui montrer la vérité cachée derrière les mensonges d’Ankara. Cette année, nous avons vu beaucoup de jeunes turcs manifester contre leur gouvernement. C’est seulement une question de temps. Un jour, c’est cette génération qui sera au pouvoir. 

 Comptes-tu sortir un album ou un EP prochainement ? Oui, très certainement! J’ai écrit plusieurs chansons ces deux dernières années. J’ai même commencé à réfléchir à une idée de clip pour une nouvelle chanson.

 Propos recueillis par Azad Iliozer 
www.facebook.com/jackmaysin

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Catanasian

Danny Bedrosian

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« J’apprends tous les jours aux côtés de George Clinton ! » Le mythique groupe Parliament Funkadelic, emmené par l’immense Georges Clinton était de passage à Paris, au Trianon, le 29 juillet. Avec un certain Danny Bedrosian aux claviers. IK l’a rencontré backstage. Découverte d’un grand talent en 6 mots clés.

Piano C’est mon instrument de prédilection. J’ai commencé par le piano classique. Je me suis mis aux claviers plus tard, par nécessité, pour pouvoir gagner ma vie. Mon père et ma mère sont des pianistes classiques extraordinaires. Ils ont ouvert une école de piano après leur mariage. L’école s’appelle Bedrosian Piano School. Elle existe toujours et se situe non loin de Boston. Mes parents nous ont poussé à faire du piano avec ma sœur. Dès 3 ans ! On avait la chance qu’ils soient nos parents et donc on a pas eu à payer nos cours (rires). Ma mère donnait des cours à ma sœur et moi, c’était mon père qui me gérait. J’étais turbulent et rebelle. C’était strict, je jouais plusieurs heures par jour. Chant
 Je suis également chanteur. J’ai commencé à chanter tout petit. Ma mère dit toujours que j’ai su chanter avant de savoir parler ! Mes parents ont géré les chorales de plusieurs églises. J’ai donc également étudié la musique œcuménique et chanté du gospel. En fait, j’ai chanté dans toutes sortes d’églises (catholiques, protestantes, apostoliques, etc...). Mes deux sœurs, Holy et Alice sont

aussi chanteuses. Holy est une artiste “réaliste” très connue. Elle a déjà exposé à Paris. Alice est une chanteuse et pianiste incroyable, plutôt dans la folk et le RnB. Elle est cuisinière de profession. Je suis le seul de la fratrie à avoir choisi la vie de musicien professionnel. Mais j’ai un diplôme d’histoire. J’ai étudié l’histoire du Moyen-Orient et plus particulièrement celle de l’Arménie. USA J’ai grandi à Boston, dans un univers musical très compétitif. Au moment d’aller à la fac, je n’ai pas choisi la musique, car je sortais de 16 ans de pratiques intensives. J’ai choisi l’histoire. Etre musicien, c’est une vie difficile. J’ai donc envisagé autre chose pour avoir une vie meilleure. Mes parents ont travaillé dur pour qu’on ne se rende pas compte que les choses étaient difficiles. Aujourd’hui, je vis à Tallahassee, la capitale de la Floride. C’est intéressant pour un Arménien des USA de vivre là-bas, parce que c’est le seul endroit des Etats-Unis (hormis à Washington) où les Turcs sont plus nombreux que les Arméniens. Ils y sont sept fois plus nombreux ! Je ne savais pas que c’était le cas avant d’aller habiter là-

bas. Aujourd’hui, je suis très engagé dans la communauté arménienne de Floride. J’ai reçu à une période quelques coups de fils d’insultes et ma maison a été vandalisée avec des graffitis en turc mais sinon, jusqu’ici, tout se passe bien. Influence Ma famille a eu une énorme influence sur moi. Une de mes plus grandes influences est ma grand-tante Aravni. Elle est morte à près de 106 ans. Elle a connu trois siècles puisqu’elle est née en 1895 et morte en 2001. C’est elle qui a sauvé mon grand-père durant le génocide, et c’est donc grâce à elle que je suis là aujourd’hui. C’était une femme exceptionnelle. Elle parlait cinq langues (français, arménien, farsi, turc, arabe), mais le seul mot d’anglais qu’elle connaissait, alors qu’elle avait vécu des décennies aux USA, c’était “fruit” ! Elle m’apprenait des jeux bizarres qui avaient le don d’énerver ma mère (rires). Mes parents comptent également beaucoup pour moi. Ils sont 100 fois meilleurs que moi au piano, ce sont de vrais génies. Ils sont super humbles. Mon grandpère était peintre. L’art a toujours été une priorité dans notre famille. Tous les types d’art. L’art, c’est la chose la

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plus importante. Une de mes tantes tient un studio de danse jazz. Mon autre tante est chanteuse dans un big band, avec son mari. Mon oncle tient un magasin de musique. On est tous imprégnés de musique, de cinéma, de cuisine. Je pense que c’est parce qu’on vient de Kharpet (actuellement Elazig, à l’est de la Turquie, ndlr) et que ce village comptait de très nombreux artistes et poètes avant le génocide. Ça s’est transmis.

préfèrent dire qu’ils sont Français. C’est le danger de l’assimilation. Aux USA, même si on n’a que 10% de sang arménien, on dira qu’on est Arménien. Mais paradoxalement, là-bas, s’intéresser à l’Arménie peut être considéré comme une perte de temps. Sur la Côte Ouest notamment, en Californie, il y a une diaspora bien vivante, qui a réussi, mais qui en même temps a perdu son instinct arménien.

Arménité On m’a parlé très tôt du génocide. Ça m’a évidemment marqué mais ça a aussi intensifié ma curiosité sur le sujet. J’ai fait des études là-dessus, et j’ai voulu savoir qui on était avant le génocide. J’aimerais un jour sortir un dictionnaire, un espèce de glossaire géant sur l’Histoire de l’Arménie, sur les peuples, les coutumes, les inscriptions, l’histoire des villages, etc... J’ai donné un gros concert pour le centenaire à Tallahassee en Floride, en compagnie de 9 autres musiciens venus du monde entier. On a parcouru 3400 ans d’histoire arménienne en musique. Aujourd’hui, il ne faut pas abandonner le combat pour la reconnaissance du génocide, et il faut faire vivre la culture arménienne. Elle nous appartient. Ça me déprime de voir des jeunes de ma génération baisser les bras ou ne plus être concerné par l’Arménie. En France, on peut croiser des jeunes dont les deux parents sont Arméniens, et qui ne se considèrent pas Arméniens. Ils

Parliament-Funkadelic C’est vers l’âge de 11 ans que j’ai été sensibilisé au hip-hop et au P-Funk (contraction des groupes de George Clinton, Parliament-Funkadelic, ndlr). On a souvent tendance à croire que seul le hip-hop a été influencé par George Clinton, mais c’est faux, la pop et le rock au sens plus large l’ont également été, avec des artistes comme Rage Against the Machine, Erykah Badu, etc... P-Funk est l’un des groupes les plus anciens encore en activité. Il fête ses 60 ans ! Ce groupe combine tout ce que j’aime dans la musique : le jazz, le RNB, le rock et le hip-hop. C’est une vision parfaite de la fusion. Quand j’étais gamin, je disais à mes parents : “un jour je serai aux claviers dans P-Funk”. C’était un rêve. C’était mon groupe préféré, j’avais tous leurs disques. Parfois, cette musique est très incomprise. Pour certains, c’est juste le chaos, mais ce n’est pas du tout le cas ! Tout est calculé. J’ai rencontré George Clinton à 16 ans. Il a aimé ma musique. Quand

un job de technicien s’est présenté dans le staff, j’ai foncé. J’ai ensuite développé une forte camaraderie avec le crew et j’ai pris place aux claviers. Pour moi, c’est une famille. J’ai commencé à faire partie intégrante du projet et à tourner avec P-Funk à 22 ans. Ça fait maintenant 12 ans que je joue dans le groupe. C’est l’aventure de ma vie. J’en apprends tous les jours aux côtés de George et des autres. Je vis un voyage musical exceptionnel. Propos recueillis par Armen Catanasian (avec F.A.)


George Clinton, le grand-père du funk. Personnage à part dans l’histoire de la musique noire, George Clinton est le grand-père du funk, et pour certains, du hip-hop américain actuel. Créateur de Parliament dès 1955 et de Funkadelic en 1968, Clinton sait s’entourer de grands musiciens. Dont Dany Bedrosian.

Bedrosian, l’hyperactif. Actuellement en tournée mondiale pour défendre First ya gotta SHAKE THE GATE, le nouvel album de Funkadelic, sorti 33 ans après le précédent, intitulé The Electric spankies of war babies, Danny Bedrossian est un hyperactif. En plus du groupe de George Clinton, il collabore avec un groupe de funk australien Coop DeVille, avec lequel il a sorti un nouvel album, mais aussi avec deux autres groupes de funk d’Italie et de Russie, Space Bugs et C.L.O.N.E. L’artiste de 34 ans a également publié un album solo d’improvisation au piano et devrait sortir un album electronique d’ici la fin de l’année.

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Courant Made in d'art France

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No one is innocent revient en force !

La bande à Kémar Gulbenkian est de retour ! Après avoir cartonné fin mai au Stade de France en première partie du groupe légendaire AC/DC, No One is Innocent sort son nouveau disque. Et c’est une merveille de rock énervé. Intitulé Propaganda, le sixième album studio des « No one » est plus que jamais placé sous le signe de la contestation, à l’image du premier single, Silencio. Puissant et engagé, ce titre, qui rappelle le groupe Rage Against the Machine, est un tel concentré d’énergie qu’en l’écoutant on pourrait presque courir un marathon en moins d’une heure, et sans entraînement préalable. Mention spéciale également pour les titres Charlie, Djihad propaganda, Putain si ça revient, Un nouveau Scottsboro et Kids are on the run. Après plus de 20 ans de carrière - leur premier album est sorti en 1994 et contenait les titres Genocide et Another Land, qui évoquaient le génocide arménien - les Parisiens semblent au sommet de leur forme. Les dates de leur tournée française les amèneront notamment à Bordeaux le 5/11, Rennes le 14/11, Montpellier le 25/11, Paris (La Cigale) le 30/11, Marseille (Le Moulin) le 9/12, et Lyon le 15/12. Réservez vos places, ça risque d’être chaud, électrique, et unique !

 www.facebook.com/nooneisinnocentofficiel

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Arshavir Grigorian « Très vite, j’ai pris conscience que j’allais grandir, beaucoup grandir » « Armenian Guinness» vous parle de ces Arméniens « différents » qui figurent ou pourraient figurer dans le mythique Guinness book des records. Arrivé il y a 4 mois en France, près de Lyon, Arshavir Grigorian, l’homme le plus grand d’Arménie (taille : 232 cm, pointure : 55) a bien voulu nous raconter son histoire. Voici son témoignage.

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Je suis né à Jrashen, une communauté rurale de la région de l’Ararat en Arménie. J’ai eu une enfance plutôt normale. Mais à l’âge de 15 ans, je mesurais déjà 1m90. Très vite, j’ai pris conscience que j’allais grandir, beaucoup grandir. Après mes études, j’ai obtenu mon diplôme en finance et commerce à l’université d’Etat de Erevan. Mais impossible de trouver un emploi dans ma branche. J’ai alors travaillé pour le gouvernement arménien au service météo de l’Ararat. J’ai aussi tourné dans quelques clips musicaux. Les gens me connaissent en Arménie. Il y a quelques mois, j’ai reçu un appel d’un médecin qui souhaitait me convier à un colloque à Beauville, en France. J’ai accepté. Le but du colloque était de réunir plusieurs « géants » du monde pour que les médecins étudient et débattent sur notre sujet. L’accès aux soins étant limités en Arménie, faute de moyens, j’ai pensé que ça pourrait être un moyen pour moi d’en apprendre plus sur mon sujet et mon avenir. Après ce colloque, j’ai entendu dire qu’il y avait une forte communauté arménienne à Valence. J’ai décidé de m’y rendre. Mais tout s’est compliqué. Je parle Arménien, Russe, Anglais et très peu Français, alors vous imaginez que la communication n’est pour l’instant pas mon fort dans ce pays que j’affectionne beaucoup. En arrivant à Valence, j’ai passé quelques nuits dans la rue jusqu’au jour où une femme, Hasmik, m’a reconnu dans un parc de la ville. Accompagnée de son mari Sébastien, elle a d’abord souhaité se photographier à mes côtés. Puis nous avons fait connaissance et je lui ai expliqué ma situation. Avec son mari, ils ont décidé d’appelé illico le 115 pour me faire héberger en urgence, mais faute de place, ils ont eu la gentillesse de m’accueillir chez eux. Grâce au curé de l’église arménienne de Valence, j’ai finalement pu trouver un logement en septembre. Je peux enfin vivre normalement, comme tout le monde. » Témoignage recueillis par Azad Iliozer

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Une colo (molo) inoubliable La 29ème colonie de la JAF a une nouvelle fois tenu toutes ses promesses. Du 9 au 26 juillet, à Seyne-les-Alpes, au coeur de la Vallée de la Blanche, dans les Alpes de Hautes-Provence, 80 enfants jafistes ont pu goûter aux joies des nombreuses activités en plein air proposées (rafting, accrobranche, VTT, randonnées, équitation, etc…). Ils ont également apprécié les ateliers découvertes 100% culture arménienne, et ont pu participer à d’inoubliables soirées festives (autrefois appelées boums), dans la joie, le partage et la fraternité. Vivement la prochaine !

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Valérie Toranian

en dédicace : un instant privilégié Le centre culturel de la JAF a fait fort pour sa rentrée le 18 septembre en invitant Valérie Toranian pour une conférence-dédicace de son nouveau livre L’Etrangère”. C’est avec le sourire et beaucoup d’émotion que l’ancienne directrice de la rédation de ELLE, qui dirige aujourd’hui la Revue des deux mondes, a évoqué son livre, écrit surtout pour rapporter le témoignage de sa grand-mère Aravni, survivante du génocide arménien. Un portrait très touchant, qui illustre bien comment, cent ans après, la douleur et la mémoire habitent encore les familles arméniennes en diaspora. Née Valérie Couyoumdjian, Valérie Toranian a partagé son enfance entre deux cultures : le monde de sa mère, prof de français normande aux cheveux blonds et raides, aux menus diététiques. Et le petit salon de sa grand-mère paternelle, qui ne parlera jamais français et la nourrit de gâteaux orientaux. Valérie Toranian, dont le prénom arménien est Astrig, a épousé à 24 ans, Ara Toranian, le rédacteur en chef des Nouvelles d’Arménie depuis 1992. Ensemble, ils ont milité et militent encore activement pour la cause arménienne.

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Amnésie Internationale monte à Paris !

Après 7 éditions marseillaises réussies, l’heure est venue de lancer l’aventure Amnésie internationale à Paris ! Cette grande première dans la capitale aura lieu le mardi 10 novembre 2015 au Trabendo, salle rock parisienne incontournable, en plein coeur du Parc de la Villette, et dont le nom évoque déjà la rencontre de différentes cultures. On y retrouvera la formule qui a fait le succès des éditions marseillaises : des concerts de soutien, un moment de réflexion, des expositions, un

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stand de street-food, et des espaces participatifs, le tout dans un cadre agréable et coloré. Premier invité à avoir donné son accord à la JAF, Tigran Hamasyan, que l’on ne présente plus, nous fera le plaisir de participer, en trio, à cette soirée que l’on espère mémorable. Au menu également, le talentueux Faada Freddy. Adoubé par Lenny Kravitz, le chanteur soul est LA sensation du moment, comme en témoigne son concert déjà complet à l’Olympia le 5 octobre. Partout où il passe,

FF, qui sera également au Dôme de Marseille en décembre puis au Zénith de Paris en mai prochain, enchante tout le monde avec sa personnalité généreuse et surtout sa voix exceptionnelle. Sa musique faite sans autre instrument que la voix et les percussions corporelles est un subtile mélange des harmonies vocales d’un Bobby McFerrin et de mélodies pop avec un timbre de voix Soul à la Otis Redding. C’est un grand honneur de l’avoir avec nous le 10 novembre pour dire : « Plus jamais ça ».


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Succès pour Un Siècle Après ! Le 29 et 30 mai, 100 danseurs, musiciens et choristes de la troupe Araxe-Sassoun de la JAF Marseille ont donné rendez-vous à leur public au Silo pour y interpréter leur nouveau spectacle intitulé Un siècle après. 100 ans après l’horreur, le show a prouvé que la jeunesse arménienne de France était plus que jamais vivante et décidée à ne pas oublier d’où elle venait. Souhaitons à Un siècle après le même succès que les deux précédents spectacles d’Araxe-Sassoun, les brillants Vanouch Légende d’Arménie et Ararat mon Amour. Photos : Dario Caruso

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Le DVD du show est dispo ! Si vous avez raté le spectacle en mai dernier au Silo ou si vous voulez le revoir chez vous, n’hésitez pas à réserver le DVD d’Un Siècle Après en appelant le 04 91 802 820 ou en envoyant un email à l’adresse suivante : jaf.marseille@la-jaf.com.

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Araxe-Sassoun à Ensuès en novembre Après Marseille en mai, l’ensemble Araxe-Sassoun de la JAF va offrir deux nouvelles représentations d’Un Siècle Après au Théâtre du Cadran, à Ensuès-la-Redonne, les 7 et 8 novembre 2015. Tarif unique : 30€ (places numérotées). Réservations : FNAC, JAF (04 91 802 820 / jaf.marseille@la-jaf.com ) ou UACB (06 76 44 94 14 / asso.uacb@gmail.com).

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Des visages et des figures. From Erevan with Love.

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Lilit


Levon

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Catanasian


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Yannick Parienti/OM


Gaël Andonian « Un accueil de fou ! » Gaël Andonian. Retenez bien son nom. A à peine 20 ans, le défenseur central vient d’enchaîner 4 matches internationaux sous le maillot de l’Arménie, dont un face au Portugal du génial Cristiano Ronaldo. Mieux, il a signé cet été son premier contrat professionnel avec l’OM. Cela valait bien un entretien.

Tu as signé cet été ton premier contrat professionnel avec l’OM. Qu’est-ce que tu as ressenti ?
 Beaucoup de joie pour moi et ma famille. C’est une belle récompense, après de nombreuses années de formation à l’OM. C’est un peu la cerise sur le gâteau, qui est venue quelques jours après mon match avec l’Arménie contre le Portugal (défaite 3-2 à Erevan, le 13 juin). C’est un rêve de gosse qui se réalise pour toi ? J’ai toujours voulu que ça arrive. J’ai commencé le football à 4 ans. Au début, c’était un rêve mais comme tout le monde, je me disais que ce n’était pas possible. Au fil des années, j’ai senti que ça pouvait arriver alors j’ai saisi ma chance et commencé à y croire. Qui sont tes modèles dans le football ? Mon modèle à mon poste de défenseur central, c’est l’international espagnol Sergio Ramos, qui joue

au Real Madrid. Et à l’OM, ce serait Nicolas Nkoulou. Sinon, plus jeune, j’ai été fan de Zidane. Pour le foot, et pour tout le reste. Quelles sont tes ambitions cette année avec l’OM ? Je ne me suis pas fixé d’objectif précis. J’aimerais simplement être le plus souvent présent dans le groupe et pourquoi pas faire quelques apparitions comme titulaire. Je suis dans une logique de progression. Si je joue plus souvent, cela voudra dire qu’il y a progression. En parlant de progression, y-a-til des joueurs à l’OM qui te font avancer ? Oui, Nicolas Nkoulou (international camerounais) et Lassana Diarra (international français). Je les observe à l’entraînement. J’essaye de parler avec Diarra. Je lui demande des conseils sur certaines actions de jeu. Il a un gros vécu, il a joué dans des grands clubs et cotoyé de grands joueurs. C’est vraiment enrichissant

d’être à ses côtés chaque jour. Un mot sur le mythique Marcelo Bielsa. Est-ce que tu as la sensation d’avoir progressé sous ses ordres l’an dernier ? Bien sûr ! C’est un coach reconnu dans le monde entier. De l’avoir côtoyé, c’est sûr que ça nous a beaucoup apporté. On a découvert une autre façon de travailler, une énorme rigueur qu’on ne connaissait pas parce qu’elle n’est pas dans notre culture à la base. Oui, j’ai progressé avec Bielsa. Mais son départ ne m’a pas affecté plus que ça. En tant que joueur de foot, on sait à quoi s’attendre. On peut être adulé puis jeté aux orties du jour au lendemain. De façon plus générale, est-ce que tu t’es fixé un plan de carrière ? Estce que tu te vois par exemple rester à vie à l’OM ? Non, je n’ai pas de plan de carrière. On a tous un peu des rêves et des objectifs dans un coin de la tête, mais ça ne servirait à rien de les dévoiler et de faire des plans sur la comète.

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“ Je n’ai pas réfléchi 100 ans avant de dire oui à l’Arménie “

Je veux avancer, progresser et voir comment les choses évoluent. Mais oui, si tout se passe bien, ce serait tout à fait envisageable de faire toute ma carrière à l’OM ! Y-a-t-il d’autres Championnats que tu suis et dans lesquels tu te verrais évoluer ? Oui, le Championnat italien et le Championnat espagnol. 

 Parlons un peu de l’Arménie. Ça représente quoi pour toi d’être international arménien ? Une très grande fierté pour moi et ma famille. Je n’avais jamais eu l’occasion d’aller en Arménie avant d’être sélectionné pour mon premier match face à l’Albanie en mars dernier (défaite 2-1). J’ai découvert une bonne équipe composée de super gars.

 Tu as été accueilli comme une star à l’aéroport de Erevan avant le match contre l’Albanie. Tu as ressenti quoi ? C’était incroyable. J’ai eu un accueil de fou ! Je ne m’y attendais pas, d’autant que je ne suis pas très connu. En plus, c’était un mardi à deux heures du

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matin ! Un tel accueil, ça fait vraiment plaisir et ça donne surtout envie de tout donner sur le terrain. Qu’as-tu pensé de tes premiers matches sous le maillot arménien ? J’ai trouvé ça super. Malgré les défaites, je pense avoir répondu présent et avoir réussi à me mettre au niveau. Collectivement, on est loin d’avoir été ridicules. On aurait pu gagner ces matches, on est pas passé loin. C’est encourageant. Trois mois après, l’Albanie a d’ailleurs battu la France et le Portugal fait partie des meilleures nations mondiales. Il ne faut pas se contenter de ça mais c’est de bonne augure pour la suite. Quel est selon toi le détail qui manque à cette équipe pour franchir un palier et gagner enfin ses matches ? Je pense que c’est une question d’expérience. On est jeune. On a tous entre 20 et 25 ans. Il va falloir enchaîner les matches et acquérir de l’expérience tous ensemble, avoir un vécu commun pour transformer ces défaites en victoires dans le futur et ne pas refaire les mêmes erreurs.

Qu’est-ce que tu as ressenti lorsque tu es rentré sur la pelouse contre le Portugal, face à Ronaldo, l’un des deux meilleurs joueurs de la planète ? C’est étrange. On a plus l’habitude de le voir à la télé qu’en vrai. Mais ce sentiment ne dure pas plus de 5 minutes. Si tu regardes trop jouer Ronaldo, c’est mal barré. C’est super pour moi de jouer contre un gars de ce calibre car ça permet de me jauger, de voir les progrès qu’il me reste à faire. Le 8 octobre tu vas jouer contre ton pays de naissance, la France. C’est un match que tu appréhendes ? Non. A vrai dire, je n’ai pas commencé à y réfléchir. Ça va être un match très difficile, comme tous les autres. J’ai pas envie de m’en faire une montagne. J’ai envie de jouer ce match de façon libérée. Le maillot tricolore, c’est un maillot que tu aurais voulu porter ? J’aurais pu le porter parce que je suis né en France. Mais il y a eu cette proposition de la fédération arménienne qui a été décisive. Le


discours des dirigeants arméniens m’a beaucoup plu. Tout s’est fait tranquillement, simplement, avec des gens bien. Je n’ai pas réfléchi 100 ans. J’y suis allé au feeling et je ne regrette pas une seconde d’avoir fait ce choix.

 Comment s’est passée ton intégration avec les autres joueurs de l’équipe d’Arménie ? Mes coéquipiers m’ont accueilli les bras ouverts malgré la barrière de la langue. On s’est débrouillé en parlant anglais. J’ai été agréablement surpris de cet accueil. J’ai trouvé un groupe très sain, très soudé. Je me suis peutêtre un peu plus lié d’amitié avec Henrikh Mkhitaryan parce qu’il parle français, donc ça a été plus facile. Mais j’ai essayé de ne pas rester qu’avec lui et d’aller aussi vers les autres. Je vais d’ailleurs commencer à prendre des cours d’arménien !

 Tu as eu le temps de visiter le pays ? Non car j’ai eu des entraînements tous les jours. Mais lors des prochains rassemblements, j’essaierai de trouver un moment. Je suis très curieux de découvrir l’Arménie.

Tu as pu défiler pour le centenaire du génocide arménien ? Non parce que j’étais convoqué par l’OM le 24 avril contre Lorient, donc j’ai passé la journée du centenaire à la Commanderie (centre d’entraînement) puis au stade Vélodrome. Cela ne m’a pas empêché de suivre les évènements de la journée via la télévision et les réseaux sociaux. On parle souvent de l’Arménie et du génocide en famille. Ça fait partie de notre histoire. Ce serait bien que la Turquie reconnaisse un jour le génocide. Mais c’est une question compliquée. Je ne suis pas assez calé sur le sujet. En tant que footballeur, ce n’est pas mon rôle d’aborder ce genre de choses. Dernière question, probablement la plus importante de l’interview : estu plutôt keufté ou beurèk ? (Rires). Moi c’est plutôt keufté ! Ça va ? Je perds pas trop de points ? (Rires).

Propos recueillis par Fred Azilazian

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Parce qu'elles le valent bien

Seda Serobyan Née à Erevan il y a une vingtaine d’années, Seda Serobyan ne manque pas d’arguments. Après des études de journalisme, la voici comédienne, danseuse et modèle. On la réclame aujourd’hui aux quatre coins du monde, de l’Australie au Liban en passant par l’Inde. Entre deux shootings, elle a accepté de poser sous l’oeil de notre photographe, puis de répondre à notre traditionnel questionnaire de Proust. Le principal trait de mon caractère La qualité que je préfère chez un homme La qualité que je préfère chez une femme Mon principal défaut Ma principale qualité Mon rêve de bonheur Quel serait mon plus grand malheur Ce que je voudrais être Le pays où je désirerais vivre La couleur que je préfère L'animal que je préfère Mes poètes préférés Mes acteurs (actrices) préféré(e)s Mes chanteurs (chanteuses) préféré(e)s Mes héros dans la vie réelle Ce que je déteste par-dessus tout Personnages historiques que je méprise le plus Le don de la nature que je voudrais avoir Comment j'aimerais mourir

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Déterminée La fidélité L’intégralité Je suis trop émotionnelle L’intégrité Une belle famille La mort Un enfant L’Espagne Le jaune Le cheval Parouir Sévak Antonio Banderas / Penélope Cruz Michael Jackson / Jennifer Lopez Mon père La malhonnêteté Les dictateurs La jeunesse éternelle Calmement


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Catanasian

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