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2014

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L.A.

Reportage Les ArmĂŠniens de L.A. Haylight Les Inconnus Glamour Arpi Gabrielyan


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Sommaire 05 06 08 38 40 59 62 64

EDITO HAYLIGHT LOS ANGELES, L’ARMENIENNE HAY NEWS COURANT D’ART ÇA S’EST PASSÉ À LA JAF GOODBYE MANDELA HOT HOT HEAT

Y+nc ka=

Editeur JAF Président de la JAF Julien Dikran Harounyan Rédacteur en Chef Fred Azilazian Maquette / Photo Armen Catanasian Ont collaboré à ce numéro Victor Balayan Emilie Azilazian Bella Shakhnazaryan Liana Davtyan Nairi Khatchadourian Vahan Stepanian Rolland Biscourian Jean-Michel Agopian Traduction Nouné Karapetian

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Dario C

Edito/Médito

Julien Dikran HAROUNYAN Président JAF Marseille PACA

Marseille, capitale européenne des Arméniens ! C’est un fait, on trouve des Arméniens disséminés un peu partout dans le monde : France, USA, Russie, Argentine, Uruguay, Australie, Liban, Bulgarie, Roumanie, Égypte, Inde, Singapour, ou encore Dubaï… Ce pays d’ « officiellement » 3 millions d’habitants s’appuie sur une diaspora impressionnante de près de 10 millions de personnes. Los Angeles, dont nous consacrons un dossier spécial dans ce numéro d’IK, est LA ville des « Hays » du 21e siècle. Une ville où les Arméniens trouvent aujourd’hui refuge loin du Caucase natal. Mais la France reste la terre d’accueil privilégiée des Arméniens. Et historiquement, c’est à Marseille que les Arméniens ont commencé à poser leurs bagages. Cette immigration massive, en particulier après le génocide de 1915, ne s’est pourtant pas totalement stoppée. Aujourd’hui encore, de nombreuses familles arrivent d’Arménie, dans l’espoir de trouver une vie meilleure. Cette immigration actuelle (plutôt économique), constitue une véritable hémorragie pour l’Arménie qui se vide littéralement. La fuite de cette jeunesse est un drame qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de la mère patrie. Plus tragique encore, c’est une véritable désillusion qu’offre la France à ces nouveaux immigrants. Dans le contexte national de crise économique, de chômage, et de politique d’immigration à l’arrêt, difficile pour nos compatriotes arméniens de trouver leur place.

Pire, l’attitude des primo-arrivants arméniens envers ces nouveaux immigrés n’arrangent rien. A 90% d’origine Hayastantsi (Arméniens d’Arménie), ils sont souvent rejetés par leurs frères et sœurs de France déjà bien installés. Les principaux reproches faits aux Hayastantsi se nourrissent de clichés : certains disent qu’ils sont communautaristes (et constituent une communauté dans la communauté), d’autres estiment qu’ils sont pour la plupart délinquants, qu’ils ne parlent pas français et ne veulent pas s’intégrer. On est donc loin du modèle d’intégration arménien, qui nous est « servi » par les élus de la République et de l’autre bon vieux cliché de l’Arménien gentil et travailleur ! Et pourtant... Ces primo-arrivants, biberonnés depuis bientôt 100 ans à la culture française, oublient vite que l’on est tous « l’étranger de quelqu’un ». Ils ont oublié aussi que leurs parents et/ou grands parents, étaient perçus de la même façon à leur débarquement en France. Des Arméniens qui étaient rejetés, suspectés d’être vecteurs de maladies, et qui… ne parlaient pas français. Alors, de grâce, stop à ce racisme primaire entre Arméniens. Il n’est certes pas aussi fort qu’il n’y parait, mais le fait même qu’il existe doit nous alerter. Le danger est là, et avant qu’il ne soit trop tard, agissons ! Les mentalités doivent radicalement évoluer et l’esprit de solidarité se mettre en marche. A ceux qui connaissent les règles, à ceux qui sont établis, à ceux qui sont intégrés, d’ouvrir la porte pour accueillir nos frères et sœurs d’Arménie. Cette immigration doit être vue comme une opportunité pour la communauté arménienne de France qui est vieillissante et en totale perte de repère. Le génocide de 1915 nous a rassemblé cent ans, mais demain, d’autres enjeux nous attendent. Le maintien de la culture et de nos valeurs, de la religion, et de la langue arménienne sont autant de défis que les jeunes générations auront à relever. Nous avons besoin de cette nouvelle immigration en diaspora. Notre modèle d’organisation ne fonctionne plus. Le modèle associatif souffre et s’essouffle et finira inexorablement par mourir. Il en va ainsi de notre devoir de responsable communautaire, de favoriser au mieux, l’intégration des nouveaux arrivants arméniens aux structures associatives, et avant tout à la société française. Marseille, capitale européenne des Arméniens, et équivalent français de Los Angeles, se doit d’être l’initiateur d’une cellule sociale d’aide, envers les nouveaux arrivants et les plus démunis.

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Pascal Légitimus retrouve ses deux frangins C’est l’un des films les plus attendus de l’année 2014. Prévu pour le 19 février, Les 3 frères, le retour, marque, 18 ans après le succès des 3 frères, le come-back des Inconnus dans les salles obscures. Emmené par l’humoriste français d’origine arménienne (et antillaise) Pascal Légitimus, le trio semble s’être éclaté lors du tournage du film, comme en témoignent les nombreux teasers qui circulent sur la toile. Dans l’un d’eux, on y voit Légitimus se prendre pour une star américaine en commentant, en anglais dans le texte et lunettes noires de rigueur, certaines scènes du film. Hilarant.

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Ho lly Los Angeles, L’Arménienne On m’avait dit que Los Angeles était la ville la plus arménienne du monde. J’ai voulu vérifier. Courte plongée dans l’une des plus fascinantes villes des Etats-Unis.

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L’

histoire démarre par un khorovatz. Probablement le meilleur que j’ai jamais mangé. Nous sommes le 31 octobre, la nuit est tombée et il fait encore près de 20 degrés. Je suis à Los Angeles, à North Hollywood plus précisément. Il y a encore 15 ans, Armen, aujourd’hui âgé de 30 ans et père d’une petite fille, vivait en Arménie avec ses parents. Aujourd’hui, il habite et travaille à LA comme des dizaines de milliers d’Arméniens qui ont quitté Erevan ou Gumri pour aller tenter le rêve américain. Passionné de rap, ce banquier spécialisé dans les petites entreprises travaille chez Bank of America. Ce soir, c’est Halloween et comme la plupart des Angelenos de sa génération, il s’est déguisé et s’apprête à faire la fête. Mais avant de sortir, obligation de passer par la case khorovatz, chez son père Sos.

Dès les premières minutes de mon arrivée sur le sol américain, la viande enroulée de lavach fond sous mon palais et la vodka coule à flot : le ton de cette courte virée californienne de cinq jours est donné. Pas de doute, Los Angeles est une petite Arménie comme l’indique le fameux panneau Little Armenia, planté à Hollywood. Ici, même si les chiffres officiels annoncent 200 000 Arméniens, ils seraient au moins le double voire le triple à avoir pris leurs quartiers dans la Cité Des Anges. Avec certaines particularités. Sos. « Je ne parle pas anglais. A North Hollywood, je n’en ai pas besoin car je ne suis entouré que par des Arméniens. Mes amis sont Arméniens, mes employés aussi. Idem pour mon pharmacien, mon médecin, mon dentiste, mon coiffeur ou mon comptable. Si je


y wood

Le quartier de

vais à la banque, à l’hôpital ou dans n’importe quel bâtiment administratif, il y a des guichets spéciaux pour les Arméniens, on peut passer aussi le permis de conduire en arménien, même le vendeur du Starbuck est Arménien, donc si je savais parler anglais, je n’aurais jamais l’occasion de pratiquer ! ». Des propos qui ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. Pour mon deuxième jour, je décide donc de faire, comme disent les sociologues, de l’observation participante. Direction T Mobile (un opérateur téléphonique) à Los Feliz, non loin d’Hollywood, où je souhaite acheter une puce locale pour pouvoir passer mes coups de fil. La boutique ressemble à n’importe quelle boutique de téléphonie mobile au monde. Je laisse mon prénom à

Little Armenia

l’entrée, et quelques minutes plus tard, un certain Manny m’accueille à son guichet. La discussion démarre en anglais puis, voyant mon prénom (Agop), il me lance : « Hay es ? ». « Ayo ! Hay èm ! ». Mon arménien étant approximatif, c’est mon ami Victor, résidant à LA depuis 2009, qui prend le relais. J’ai un appel à passer en urgence et plutôt que d’attendre d’avoir acheté une puce, Manny se propose de me prêter son téléphone – « autant de temps qu’il te (me) faudra ». « Entre Arméniens, on doit s’entraider », sourit-il. Je ressors de là subjugué et excité : à LA, en tant qu’Arménien, je trouverai toujours quelqu’un sur mon passage qui me tendra la main et à qui je pourrais également la tendre. Nous sommes à des milliers de kilomètres de la France. Et pourtant, je me sens déjà un peu

à Hollywood

chez moi. Welcome to Glendale ! Mes troisième et quatrième jours, je les passerai à Glendale, réputé comme étant le district le plus « arménien » de Los Angeles, avec pas moins de 6 églises et officiellement 57 000 Arméniens sur 200 000 habitants (officieusement le double). Glendale, c’est là où vit Kim Kardashian, une municipalité dont elle rêve d’être maire. Il faut savoir qu’à Glendale, la majorité des étudiants n’apprend pas l’anglais en première langue, selon une récente étude relayée par le journal Glendale News-Press. Ici, sans surprise, l’arménien, mais également l’espagnol et le coréen sont les trois langues les plus utilisées. Dickran, le président de la JAF Marseille, qui m’accompagne,

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d n e l G

La ville de Glendale compte officiellement 57 000 Arméniens

rentre dans une pharmacie au hasard pour soigner son rhume. A peine entrée dans la boutique, la vendeuse, aux faux-airs de Cher, l’accoste : « Parev tsèz ». Pas un mot d’anglais ne sera prononcé par la suite. Pour ceux qui n’ont jamais foulé le sol hollywoodien de leur vie, le décorum ressemble à ce que l’on peut voir toute l’année dans nos séries TV préférées : des palmiers, du soleil qui tape même en hiver, des grosses voitures, des fast-foods à gogo, l’océan atlantique à quelques kilomètres. On est évidemment loin de l’austère place de la République à Erevan, ville avec laquelle Los Angeles est jumelée depuis 2007. Et pourtant, à Glendale, comme à Hollywood, Pasadena ou encore Burbank, on ne compte plus les devantures de

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boutiques et autres restaurants où est exhibé le drapeau arménien et où tout est traduit en langue arménienne. Ici, jamais le mot liberté n’a autant fait sens. Cependant, pour certains, la liberté n’a pas de limite. Selon des chiffres du FBI qui circulent sur le net, pas moins de 20 000 Arméniens sont aujourd’hui en prison pour des faits de délinquance, de magouilles et autres organisations criminelles en tout genre (dont le fameux réseau mafieux Armenian Power). Comment tout cela est-il vécu par les Américains de souche ? « Les Arméniens sont globalement bien intégrés et ils sont surtout travailleurs, donc la cohabitation se fait tranquillement », résume parfaitement John, 70 ans, un ancien chercheur en médecine, rencontré dans un restaurant arménien de Glendale, le Carousel.

A l’heure de l’apéro, direction le Café Rouge, à Studio City, à deux pas de Glendale, où je croise Vahé, un Arménien de 28 ans dont les parents viennent d’Iran. Ce jeune chercheur dont on n’aimerait pas croiser la route au hasard d’une ruelle sombre, est fan de foot. Pas l’Américain. Le nôtre. Il rêve de visiter la France et me dit qu’il parle couramment l’Arménien, comme tous les jeunes étudiants ou YP ( jeunes professionnels) que j’ai rencontrés. Quelle arménité ? La soirée se passe ensuite à Los Feliz, dans le très branché Alcove Café. Là encore, ma route croise celle d’Adriana, 28 ans, journaliste pour le très populaire site américain Sodahead.com. J’ai droit à un petit


a le

Paul et Armen

exposé socio-géographique. « En général, les Arméniens débarquent pour la plupart à Hollywood, à Little Armenia. Dans ces quartiers, la vie et les prix des loyers ne sont pas chers. Ils vivent dans un premier temps dans des petits appartements et gagnent leur vie en faisant des petits boulots. Ensuite, certains tombent dans la délinquance et peuvent finir en prison. Pour la majorité, la réussite est ensuite au rendez-vous. Ils travaillent dur et finissent au bout de quelques années par acheter une maison à North Hollywood (classe moyenne à aisée) ou à Glendale (classe aisée à très aisée) ». La soirée se termine chez Armen, où Paul, petit-fils du mythique poète arménien Paruyr Sevak nous rejoint. Lui aussi est né à Erevan. Aujourd’hui, il travaille dur pour terminer ses études d’avocat.

Je récapitule. A LA, les Arméniens vivent ensemble dans ce qui peut s’apparenter à des ghettos (voir interview page 21), et parlent tous couramment la langue, qu’ils viennent d’Arménie, d’Iran ou du Liban. Dans ce contexte, comment vivent-ils leur arménité ? Sont-ils engagés dans des associations ? Vont-ils à l’Eglise ? Manifestent-ils lors du 24 avril ? Vahé. « Je ne suis pas engagé dans la communauté, je ne fais rien, je suis devenu un vrai américain (rires) ! ». Adriana. « Je ne fais plus grand-chose. Lorsque j’ai le temps, je participe au défilé du 24 avril, environ une année sur deux. Ici, c’est très politique, c’est la FRA qui est très engagée, même si parfois cet engagement est pour moi un peu agressif ». Armen. « Je vais à l’Eglise avec ma femme une fois par mois. Lorsque j’étais étudiant, je faisais

Adriana

partie de l’Asa (Armenian Student Association), et j’étais très engagé sur le front de la reconnaissance du génocide. Tous les 24 avril, on mettait l’université aux couleurs de l’Arménie et on faisait un gros travail de sensibilisation auprès des étudiants. Lorsqu’ils franchissaient la porte d’entrée de la fac, des photos horribles les accueillaient. Choqués, ils venaient nous voir en disant : « Pourquoi avoir mis ces photos à l’entrée ? C’est qui ? C’est quoi ? ». Et on leur expliquait. Aujourd’hui, je ne louperais pour rien au monde le défilé du 24 avril. Je sors le drapeau arménien, je le mets sur ma voiture et je fais des rondes. Mais mon engagement s’arrête là. Je n’ai pas le temps de faire plus. Mon travail m’occupe beaucoup ». Paul. « Il y a tout de même ici des centaines et des centaines d’associations

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G rif f it h pa rk

culturelles, il y a des clubs sportifs, des écoles arméniennes, des troupes de danses, des journaux en langue arménienne comme Massis ou Asbarez. Statistiquement, il y autant d’Arméniens « engagés » à LA qu’à Paris ou Marseille ». Une destination qui fait aussi rêver les français d’origine arménienne Une autre question me brûle les lèvres. Ceux qui ont quitté l’Arménie à l’adolescence comme Armen ou Paul, rêvent-ils d’y retourner un jour ? Armen. « J’aime l’Arménie comme j’aime mes parents. Et j’aime Los Angeles comme j’aime ma femme. Tu vois la différence ? Ici, on te fait sentir que tu es important. En Arménie, lorsque tu rentres dans une banque, on te regarde de travers. Et

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L’un des nombreux commerces 100% arménien de L.A.

puis même si je faisais des affaires en Arménie, mon argent finirait dans les mains des oligarques. No way ! ». Paul résume la situation très simplement. « Je veux gagner de l’argent, et je sais que ce n’est pas en Arménie que je vais réussir à en gagner, mais plutôt ici, aux USA ». L’argent, la réussite, il n’y a pas que les Arméniens d’Arménie ou du Liban qui en rêvent. Pour les Français d’origine arménienne, LA est aussi une destination prisée. Ils sont chaque année plusieurs centaines à tenter leur chance à Hollywood, à la manière du producteur Fabrice Sopoglian (voir ITV page 16), qui a récemment lancé à LA une fabrique à stars, la Hollywood Académie. « LA, c’est un rêve éveillé, on a l’impression de vivre dans un film en direct live,

explique Richard Makinadjian, qui a ouvert il y a quelques années à West Hollywood et à Rodeo Drive deux restaurants, répondant au doux nom de Salades de Provence. Ici, tout est centré sur le business. Tout l’administratif se règle en vitesse. Pour les embauches, c’est du velours vu qu’en tant qu’entrepreneur, on ne paye quasiment pas de charges sur les salaires. On peut faire fortune en quelques mois, ce n’est pas un mythe. Les mentalités sont formatées pour réussir dans le business. Ici, on pense positif. On fonce. Alors qu’en France, on intellectualise tout, on a une tendance à la déprime. On te dit toujours : « réfléchis bien à ce que tu vas faire, les temps sont durs… ». Malgré tout, être Français est-il un avantage en Californie ? « Que tu sois Français, Chinois ou Italien, au final, le

résultat est le même, conclut Fabrice Sopoglian. Pour les Américains, la seule question qui compte vraiment c’est : « Qu’est ce que tu vas pouvoir amener à notre pays pour lui faire gagner de l’argent ? ». « Pour certains Américains, la France, c’est quand même le paradis, complète Richard. On te regarde différemment lorsque tu dis que tu viens de Paris, ou mieux, de la Côte d’Azur ». C’est déjà mon cinquième jour et l’heure du départ a sonné. Je quitte ma petite Arménie non sans un certain pincement au cœur. Et comme après chacun de mes voyages à Erevan, je me dis : vivement le prochain !

Fred Azilazian

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Venice Beach, terrain de jeu favori des hippies et des sportifs en tous genres

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Fabrice Sopoglian « Ici, la réussite n’est pas taboue » Le producteur français d’origine arménienne Fabrice Sopoglian s’est installé à Los Angeles il y a une dizaine d’années. Ce pote de Kim Kardashian est connu en France pour son rôle de parrain dans la série Les Anges de la télé-réalité (NRJ 12) qui a révélé Nabilla et son désormais célèbre « Allô, quoi ? ». Surfant sur sa notoriété, il a récemment lancé la Hollywood Académie, une école destinée aux jeunes artistes français qui rêvent d’Amérique et qui, le temps d’une semaine, pourront travailler avec les coaches de Rihanna, Beyoncé ou Alicia Keys. Entre deux projets, il a chaleureusement répondu à nos questions. Pourquoi être allé tenter ta chance à Los Angeles ? Dès l’âge de 8 ans, je suis tombé amoureux de cette ville lors d’un séjour avec mes parents. Après ces vacances, je n’avais qu’une seule chose en tête : vivre un jour à Los Angeles. Pour moi, cette ville était un film! Les gens étaient sympas et tout semblait possible. Qu’est ce qui t’as attiré là-bas et qui te plaît toujours ? Ce qui m’attire, c’est le symbole de la réussite. A Los Angeles, contrairement à la France, ce n’est pas tabou de réussir ! Ici, la réussite est un défi qui va engendrer une consécration. On dit que tout peut arriver à LA, que l’on peut devenir une star ou faire fortune dans le business en quelques mois : est-ce un mythe ou

une réalité ? C’est à la fois un mythe et une réalité. Si vous réussissez à Los Angeles, ce sera sans commune mesure avec la France. Ici, la réussite ne va pas engendrer des milliers d’euros mais plutôt des milliards de dollars ! Ceci étant dit, personne n’a jamais réussi en 1 mois, même le plus talentueux des artistes ou des businessmen. Tout cela est un travail de longue haleine et le facteur chance est primordial. Sans talent, sans chance et surtout sans argent, il faut rester chez soi. Est-ce un avantage d’être Français à LA ? Non ce n’est pas un avantage d’être Français. Il n’y a que « le Français » pour penser qu’il est indispensable. Dans le monde entier, tout le monde se fout du Français. Les seules choses qui attirent les étrangers sont les

produits de luxe et la nourriture de qualité, d’ailleurs rachetés maintenant par les Emirats. Ce qui va intéresser l’Américain est assez primaire et se résume en une phrase : « Que peux-tu apporter au pays pour lui faire gagner de l’argent ? » Que tu sois Français, Italien ou Chinois, c’est pareil! Comment vis-tu ton arménité à Los Angeles ? Es-tu investi dans la «cause» ? Même si je suis Français par mon éducation, je me sens Arménien par mes racines. Mon dentiste, mon avocat, mon banquier sont Arméniens. La cause arménienne me touche et je reste persuadé qu’un jour le génocide Arménien sera reconnu partout et comme il se doit ! Propos recueillis par Fred Azilazian

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Richard, avec Al Pacino dans le quartier de West Hollywood

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Richard Makinadjian « A L.A., j’aurai toujours le soleil, la mer et les Arméniens ! »

Ancien danseur de la troupe Araxe de la JAF, Richard Makinadjian a ouvert il y a quelques années à West Hollywood et à Rodeo Drive deux restaurants français. De retour en France depuis peu, et désormais marié à une jeune Arménienne de Los Angeles, il nous parle de la Cité des Anges. Avec passion. Si tu ne devais retenir qu’une seule chose de Los Angeles ? C’est la façon dont les Américains font du business. Ici tout est fait pour le business. Tout est ouvert 7 jours sur 7, même les banques. Tu peux déposer et retirer autant de cash que tu veux. En France, le dimanche, tout est mort. Idem en semaine, passé 18 ou 19h. Ici, tes employés te prennent moins la tête, ils bossent plus, ils sont plus productifs. Si jamais tu as un problème avec l’un d’eux, tu lui règles son solde et basta, tu ne le revois plus ! Tu mets une annonce et dans la minute, je dis bien la minute, tu as déjà 3 ou 4 postulants, et au final, plus d’une centaine dans la semaine. Ici, les salaires sont versés en deux fois, tous les 15 jours. C’est plus motivant. Quelles sont les autres particularités de la ville qui t’ont marquées ? Ici, les gens n’en ont rien à foutre du regard des autres. Tu peux sortir de ta Ferrari en tongs et en short, tout le

monde s’en tape ! Le rapport à l’argent est aussi différent. En France, parler d’argent est archi-tabou. Pas aux USA. Chez les Arméniens, j’ai vu de mes propres yeux des dons de 150 000 dollars fait à des associations sur un coin de table. En France, si on donne les mêmes sommes, on a droit à une statue. A propos d’Arméniens, lorsque tu étais à LA, quel était ton investissement dans la communauté ? La communauté arménienne a été pour moi une porte d’entrée à LA. Ce sont des Arméniens qui m’ont aidé à m’installer et qui m’ont fait profiter au départ de leur carnet d’adresse. Une fois que j’ai ouvert mes restaurants, je n’ai pas eu le temps de m’investir dans des associations. J’allais de temps en temps à l’Eglise. J’allais manifester le 24 avril. C’est tout. Je travaillais comme un dingue. Et puis les distances sont tellement grandes à LA qu’il faut

vraiment avoir la foi pour aller à l’autre bout de la ville pour assister à tel ou tel évènement arménien après avoir fini sa journée de travail. Imagines-tu retourner vivre et faire du business à LA ? Maintenant que je suis marié à une Américaine, j’aurai forcément toute ma vie un pied à LA. J’avoue qu’à chaque fois que j’y retourne, c’est une bouffée d’air frais. Les gens sont souriants, accueillants, et font preuve de civisme. Depuis mon retour en France, je me dis souvent : « Qu’est ce que je fous ici ?! ». Je retournerai sûrement un jour vivre en Californie, d’autant que j’ai un projet de site web et que tout part de là-bas dans ce domaine. En France, on piétine à tous les niveaux. Et puis à LA, j’aurai toujours le soleil, la mer et les Arméniens ! Propos recueillis par Rolland Biscourian

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Sarah Mekdjian « Les Arméniens d’Arménie vivent à L.A. depuis plus de 30 ans et ça commence à se voir »

Maître de conférences en géographie sociale et enseignante-chercheuse à l’Université de Grenoble II, Sarah Mekdjian est l’auteure d’une thèse ayant pour thème l’immigration arménienne à Los Angeles. Nous l’avons contacté pour qu’elle nous donne son éclairage sur les Arméniens de L.A.

Pourquoi avoir fait une thèse sur les Arméniens de Los Angeles ? Après avoir fait une maîtrise de géographie sur les populations sénégalaises qui rentraient dans leur pays après avoir vécu un temps en Europe, j’ai fait le choix de travailler sur un groupe qui m’était plus proche, que j’avais envie d’explorer en profondeur : les Arméniens. En analysant la géographie de notre diaspora, je me suis rendu compte que Los Angeles était l’un des phares de l’immigration arménienne dans le monde depuis les années 60-70. Combien de temps ce travail vous a-t-il pris ? J’ai fait ma thèse entre 2006 et 2009. J’étais inscrite à l’Université Paris 10 Nanterre. Je suis partie à Los Angeles pendant 3 ans, de janvier à mai. En

tout, j’ai donc fait un peu plus d’un an et demi de terrain sur place. Je n’avais pas de famille là-bas. J’avais simplement trouvé une colocation sur Internet. Je n’avais aucun contact. Je n’y connaissais rien avant de partir mais j’ai eu envie d’aller voir ce qui s’y passait. Je voulais interroger le modèle américain du multiculturalisme qui est souvent opposé au modèle français. Cela m’a donc permis de travailler à la fois sur les Arméniens et sur la manière dont les migrants s’insèrent dans des grandes villes étasuniennes. LA est vraiment une ville fascinante du point de vue des migrations et pas simplement arméniennes puisque c’est une ville où il y a à peu près plus de la moitié de la population qui est née à l’étranger, où il y a des quartiers migratoires extrêmement divers et où il y a un multiculturalisme politique

qui est affiché. Comment avez-vous procédé pour nouer contact avec des gens sur place ? Dès le deuxième jour de mon arrivée, j’ai décidé d’aller visiter Glendale, très connue pour être un espace regroupant une majorité d’Arméniens. Je me suis rendue à la mairie et j’ai demandé à parler à une personne de la communauté arménienne. Quasiment toutes les secrétaires de mairie se sont mises à rire en me disant : « Mais on est toutes Arméniennes ici ! ». Elles m’ont orienté vers une personne qui était l’une des avocates de la ville et qui visiblement était aussi très engagée dans les associations arméniennes. Cette personne qui s’appelle Lucie est devenue une grande amie. De fil en

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aiguille, elle m’a même proposé de loger chez elle dans son appartement de Little Armenia (Hollywood). Je suis arrivée à LA sans rien et je suis repartie avec des amis très chers que j’essaye de revoir de temps en temps, malgré mon agenda chargé. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de vos recherches sur les Arméniens de LA ? La diversité des groupes arméniens représentés à Los Angeles. Venant de France, j’étais habituée à une migration arménienne historique qui datait du début du 20e siècle, liée à l’évènement traumatique du génocide. A Los Angeles, j’ai d’abord découvert une communauté arménienne très récente qui avait quitté l’Arménie (anciennement soviétique puis indépendante) à la fin des années 80 et au début des 90’s. J’ai aussi découvert une communauté venant d’Iran, du Liban et de tout le Moyen-Orient. J’ai enfin découvert une autre communauté d’Arméniens qui s’étaient installés aux USA au 19e siècle, donc bien avant le génocide, avec des vieilles familles qui avaient atterri d’abord à Fresno, dans le Nord de la Californie. Au sein de cette diversité, j’ai évidemment découvert une communauté extrêmement vivante où la langue arménienne est très pratiquée. Mais j’ai aussi eu la surprise de découvrir des conflits : des conflits politiques, des conflits de vision de ce que c’est d’être en exil, du rapport au pays d’origine. Autant ma famille en France est relativement peu politisée dans les milieux arméniens, autant, à LA, j’ai senti vraiment le rôle de la politique dans la structuration de cette communauté. Pour quelles raisons le rôle de la politique est plus fort à Los Angeles qu’en France ? En raison de la forte concentration

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d’Arméniens sur le territoire. Plus les Arméniens sont nombreux et plus il y a des conflits. Les USA ont une politique vis-à-vis des immigrés qui est différente de celle de la France et qui encourage le fait que les migrants puissent se structurer en organisations politiques, tant que celles-ci sont à peu près contrôlées par les collectivités et le pouvoir américain. Les Arméniens l’ont très bien compris et ils sont très bien organisés en partis politiques, en associations, en lobbys : ce n’est pas un hasard si on retrouve régulièrement l’ANCA à Washington pour réclamer la reconnaissance du génocide arménien. A Los Angeles, être Arménien, c’est donc aussi appartenir à une communauté qui compte politiquement et qui représente un poids électoral non négligeable. Les politiciens locaux ont intérêt à séduire l’électorat arménien et ont intérêt à les entendre plutôt que de se les mettre à dos. A Glendale, par exemple, le maire est souvent Arménien, et la moitié des conseillers municipaux le sont aussi. Aux élections locales, il y a toujours au moins deux ou trois candidats d’origine arménienne qui font valoir leur origine pour séduire l’électorat. Donc être Arménien, c’est aussi un instrument de positionnement dans la politique locale et générale aux USA. Selon vous, qu’est ce qui différencie vraiment les Arméniens de LA par rapport aux Arméniens de France ? La première différence, c’est que l’immigration arménienne à LA est plus massive et plus diversifiée. A LA, les Arméniens d’Arménie sont beaucoup plus nombreux et beaucoup plus visibles qu’en France. L’autre différence, c’est qu’il y a vraiment de grosses disparités politiques dans la communauté. En France, il y a toujours les 3 grands partis majoritaires arméniens qui sont représentés : le

Dachnak, le Hentchak, et le Ramgavar. Ces trois partis ne sont pas tout à fait d’accord pour savoir comment s’organiser pour aider l’Arménie ou pas. A Los Angeles, ces divergences politiques sont très fortes. Enfin, il y a aussi une forme de racisme envers les Arméniens d’Arménie qui sont jugés comme étant des immigrés qui portent tort à la communauté parce qu’ils sont souvent plus pauvres. Ce racisme se retrouve en France mais il est beaucoup plus faible. A Los Angeles, depuis le début des années 2000, les Arméniens d’Arménie sont en passe de devenir le groupe majoritaire, ce qui n’est pas du tout le cas en France. Les Arméniens d’Arménie colportent avec eux des idéologies politiques qui sont très différentes de ce qui s’est constitué en diaspora de manière plus historique. On note un rejet clair du parti Dachnak, qui est le parti identifié de la diaspora historique. On les croit également dépolitisés et uniquement intéressés par l’amélioration de leurs conditions de vie. C’est faux. On voit qu’ils s’organisent de plus en plus, notamment les jeunes. Comment s’organisent ces jeunes Arméniens d’Arménie ? Ils ont par exemple fondé une association qui s’appelle UYI (Unified Young Armenians). Ils ne se reconnaissaient pas dans la commémoration du 24 avril, qui est le temps fort de la communauté, et ils ont décidé de créer leur propre manif’. Ils l’ont créé dans le quartier de Little Armenia, synonyme de l’immigration récente, qui a obtenu par la mairie le nom officiel de Little Armenia en 2000. Cette « contre commémoration », où l’Eglise est beaucoup moins présente et où les jeunes sont beaucoup plus représentés, rassemble avant tout les Arméniens d’Arménie. Et ça marche puisque c’est aujourd’hui


A Los Angeles, dire que l’on est Arménien c’est aussi appartenir à une communauté qui compte politiquement et qui représente un poids électoral non négligeable

cette commémoration qui est la plus médiatisée par les médias américains, au contraire de celle de Montebello, organisée par le parti Dachnak. Les Arméniens d’Arménie vivent à LA depuis plus de 30 ans et ça commence à se voir. Dans le paysage politique, ils sont de plus en plus actifs. C’est peut-être aussi l’une des plus grandes différences avec la France. Pourquoi subissent-ils du racisme de la part des autres Arméniens ? Ils sont souvent surreprésentés dans les catégories défavorisées parce qu’ils viennent d’un pays qui est évidemment en grande difficulté sociale. Les Arméniens d’Arménie arrivent à LA avec un capital financier qui est souvent faible. Ils se retrouvent dans des situations compliquées : emplois précaires, difficultés à se loger, etc… Les Arméniens qui ont

réussi, qui ont un pouvoir politique ou social plus développé, les traitent d’assistés, de rustres. C’est une vieille problématique : on montre du doigt les derniers arrivés pour se distinguer et se sentir plus fort. A Little Armenia, Glendale ou North Hollywood, on a parfois vraiment l’impression d’être en Arménie. Peut-on parler de ghetto concernant ces quartiers ou ces villes ? Le mot ghetto est un mot vénitien qui désignait les quartiers juifs à Venise au Moyen-âge et qui pointait des processus de ségrégations forcées des populations juives. Dans le contexte américain contemporain, le mot ghetto a servi et sert toujours à désigner essentiellement la ségrégation des Afro-Américains dans des quartiers des villes du Sud ou

du Nord. Ghetto, ça veut avant tout dire un espace où des populations minoritaires sont contraintes d’habiter. Pour que ce soit un ghetto, il faut une homogénéité tant de l’origine que de la pauvreté et de la classe sociale. Aux USA, dans les ghettos, il y a effectivement une majorité d’Afro-Américains et une majorité de pauvres. A Los Angeles, aucun quartier arménien ne peut être qualifié de ghetto. Les Arméniens de Glendale, par exemple, sont la minorité majoritaire. Ils sont le groupe ethnique le plus représenté mais ils ne sont pas en majorité absolue. A Little Armenia, ils ne sont même pas la minorité majoritaire, car ce sont plutôt les Hispaniques qui le sont. Sans parler de ghetto, ce qu’on peut dire quand même c’est qu’il y a des formes de concentrations spatiales qui sont importantes et qu’il y a des

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Il y a parfois des tensions autour de la question arménienne

îlots dans Los Angeles où il y une surreprésentation des Arméniens. J’appellerai ça des enclaves ethniques. Comment se fait-il qu’on a parfois vraiment l’impression d’être à Erevan, avec des dizaines de boutiques ou restaurants où tout est écrit en Arménien ? Il faut faire attention entre la visibilité des commerces qui sont effectivement hyper arméniens sur certaines rues et le fait d’y habiter. Certaines rues hyper « arménisées » ne sont pour moi que des enclaves commerciales. C’est un peu comme Chinatown. C’’est un lieu hyper fort d’un point de vue visuel. On a l’impression d’être en Chine et que

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tous les Chinois de la ville habitent là alors que ce n’est pas du tout le cas. Comment les Arméniens de LA sont-ils perçus par les Américains de souche ? Souffrent-ils de racisme ? Ça peut arriver. Au cours de mes recherches, certains Américains se sont lâchés sur les Arméniens en me disant : « ils sont trop nombreux, ils foutent le bordel, c’est des voleurs, ils forment des gangs ». Il y a aussi eu toute une polémique sur les restaurants arméniens de Glendale qui faisaient du Khorovatz en plein air. Et la ville de Glendale a interdit le fait de faire des barbecues en plein air. Les Arméniens se sont sentis

discriminés. Cette mesure clairement anti-arménienne a été votée par des conseillers municipaux non-arméniens. Il y a parfois des tensions autour de la question arménienne, c’est évident. Avez-vous réellement perçu de multiples identités arméniennes sur place, selon que l’on vienne d’Iran, du Liban ou d’Arménie ? Oui. Les Arméniens de Los Angeles sont d’origines différentes, sont de classes sociales différentes et ont des visions politiques différentes. Pour rappel, les deux groupes arméniens les plus représentés à LA sont les Arméniens d’Arménie et les Arméniens d’Iran*. Viennent


ensuite les Arméniens du Liban, de Syrie, de Turquie et d’Irak. Les Arméniens d’Iran, en grande partie, sont des Arméniens qui n’ont pas connu le génocide, à la différence des Arméniens du Liban dont les parents sont arrivés à Beyrouth comme réfugiés. Il y a aussi des différences et des traumatismes qui sont différents et qui se transmettent. Il y a aussi des coutumes différentes. Il y a évidemment des différences de langue. Les Arméniens d’Arménie et d’Iran parlent à peu près le même Arménien, l’Arménien oriental. Les autres parlent l’Arménien occidental. Il y a enfin des différences culturelles. Les Arméniens d’Arménie sont toujours accusés par les autres Arméniens de faire les « Rabbiz » en mettant de la musique très moderne un peu dance, de s’habiller tout en noir et de rouler dans des grosses voitures hyper chics alors qu’ils habitent dans des petits studios dans des quartiers pauvres. C’est aussi une caractéristique des populations pauvres. Ces populations sont beaucoup dans la démonstration,

dans l’apparence. C’est quand on n’a pas besoin d’argent qu’on peut s’en foutre d’être mal habillé. On voit ça en France avec les jeunes de banlieues qui s’habillent en Lacoste. Les gens de la classe moyenne ou supérieure n’ont pas besoin de mettre des marques. Au contraire, la marque, pour ces gens-là, ce n’est pas du tout valorisant. Mon séjour (trop court) ne m’a pas permis de prendre la mesure de la délinquance arménienne à LA. Existe-t-elle vraiment et a-t-elle comme point de départ uniquement Little Armenia ? Il y a eu un gang dans le quartier de Little Armenia qui s’appelait Armenian Power (AP) et qui a commencé à sévir dans les années 80. C’est l’époque où ont commencé à arriver à LA les Arméniens d’Arménie ainsi que les Arméniens pauvres du MoyenOrient. C’est un espace autour du Sunset Boulevard qui était un espace de délinquance bien avant l’arrivée des Arméniens. Il y avait déjà de la prostitution, des trafics en tout genre, c’était un quartier qui craignait.

Arrivant dans ce contexte, certains jeunes arméniens ont sombré dans la délinquance et ont créé ce gang AP, qui a été ensuite très largement démantelé par la police de Los Angeles dans les années 90. Même si certains ados un peu rebelles continuent de se revendiquer de ce mouvement, pour la police, il n’existe plus. A priori, la délinquance concerne plus les Arméniens d’Arménie pour la simple raison qu’ils font partie des populations les plus pauvres. J’ai cherché des chiffres sur le sujet mais ils n’existent pas. Plus on est pauvre, plus on a tendance à sombrer dans la délinquance, tout simplement parce que la délinquance est une stratégie de survie. Propos recueillis par Fred Azilazian

* Los Angeles est l’un des phares majeurs de l’immigration iranienne, que les Iraniens soient d’origine arménienne ou pas.

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L.A., les bonnes adresses Si vous partez à Los Angeles dans les prochaines semaines ou les prochains mois, pensez à garder ces pages ! Nous avons demandé à Adriana, Armen, Paul, Richard, Victor and co leurs bonnes adresses pour sortir. Le top 15.

FOOD BARS NIGHT CLUBS 26


Shiki Sushi (Studio City) – Pour la fraicheur des sushis Midori (Studio City) – Pour les gros appétits Neptune’s net (Malibu) – Pour ses fruits de mer face... à la mer ! In and Out (Anywhere) – Pour son Burger à cinq étages ! Sipan Bakery (Glendale) – Pour ses lahmajuns et ses beureks Alcove Café (Los Feliz) – Pour sa déco Gjelina (Venice Beach) – Pour sa cuisine healthy

Sound (Hollywood) – Pour sa bonne musique et sa clientèle branchée La Descarga (Hollywood) – Pour son ambiance cubaine The Standard Rooftop (Downtown) – Pour sa vue à couper le souffle The Edison (Downtown) – Pour sa déco incroyable Kafé Rouge (Glendale) – Pour ses narguilés et son ambiance orientale Le Bar Marmont (Hollywood) – Pour y croiser des stars du cinéma Le Lure Club - Pour y croiser Jay-Z, Snoop Dogg ou Rihanna Déjà-Vu (Downtown) – Pour les petits coquins...

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L.A. en 5 CHIFFRES

Comme le nombre de nationalités représentées à LA. On y parle 224 langues différentes.

1923

Comme l’année où a été installé le fameux panneau « Hollywood » à Griffith Park pour promouvoir un programme immobilier appelé Hollywoodland. A l’origine, l’enseigne ne devait rester qu’un an et demi sur le mont Lee.

2504

Comme le nombre d’étoiles qui ornent le pavé du célèbre Walk of Fame d’Hollywood, à deux pas de Little Armenia. Tous les deux ou trois mois, une nouvelle star inaugure en personne son étoile.

10000

Comme le nombre de Français enregistrés au consulat de Los Angeles. Un chiffre à multiplier par 3 pour s’approcher de la réalité.

2001

Comme l’année de naissance de la première boutique Apple Store dans le monde. Elle fut créée à Glendale. 28


Super Sako

DR

Tamar Kaprelian

Let the music play

Capital CIties

De nombreux artistes à succès d’origine arménienne sont des Angelenos. On citera pour commencer deux poids lourds de la musique internationale : Cher, de son vrai nom Cherilyn Sarkisian La Pierre, et le groupe de rock-métal System of a Down, formé à Glendale en 1994. Dans un registre plus pop et plus confidentiel que les deux premiers cités, la belle Tamar Kaprelian a vécu 10 ans à Los Angeles, et y a composé ses deux premiers albums, avant de s’exiler à NY. Impossible aussi de ne pas évoquer ici le groupe Capital Cities. Emmené par le jeune trentenaire Sebu Simonian et soutenu par plus de 400 000 fans sur Facebook, ce groupe électropop est actuellement en pleine promotion de son 1er album intitulé In a tidal wave of mistery, sorti le 11 juin dernier. Signés sur le mythique label californien Capitol Records et portés par un single absolument imparable (Safe and Sound), Simonian et ses compères (ils sont quatre sur scène, dont un génial trompettiste) sont en route vers un succès massif. Pour finir sur une note arméno-arménienne, on citera Super Sako Balasanyan, dont les vidéos font un carton sur Youtube, avec plusieurs millions de vues. Ses titres phares Let’s go back to the beach (en duo avec le mythique Tatul Avoyan) et La la la (en duo avec Arman Hovhannisyan) mêlent les sonorités DanceRnB à la Black Eyed Peas avec la crème de la variété arménienne. Aussi frais qu’une glace à la menthe que l’on dégusterait sur une plage surchauffée de Malibu.

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Vahé Berberian « Le plus important, c’est de rendre le spectateur heureux » Comédien, dramaturge, écrivain et peintre prolifique, Vahé Berberian voit le jour à Beyrouth le 11 juillet 1955. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la peinture et le théâtre et décide d’y consacrer sa vie. Il s’installe à Los Angeles en 1977 et fonde le Théâtre Expérimental Arménien. Une de ses pièces les plus connues L’éléphant Rose a été traduite et mise en scène dans plusieurs villes dont Londres, Sacramento, Edimbourg et Los Angeles. Ses romans sont également très appréciés par la diaspora, mais il est avant tout connu pour ses talents d’humoriste. En novembre dernier, Vahé Berberian a pris le large et a fait escale sur la Péniche Anako, à Paris, pour présenter son dernier monologue Yeté. Intch Ka est parti à la rencontre de cet artiste hors pair.

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Tu as choisi d’être proche de ton public physiquement et d’aborder des thèmes du quotidien. Pourquoi ? Selon moi, la chose la plus importante est de rendre le spectateur heureux et de le garder intéressé par ton propos. Aussi important que ton propos puisse être ou aussi beau que ton œuvre puisse être, si tu n’arrives pas à garder ton public éveillé, ton action ne servira à rien. C’est pour cette raison que je traite des sujets qui m’intéressent et qui intéressent le public. Les thèmes sont donc tirés du quotidien. Dans ton nouveau spectacle, tu parles également de la mort… Oui, comme je le dis dans mon spectacle, l’angoisse que nous avons envers la mort est l’angoisse la plus répandue et presque tout le monde la ressent. D’autre part, je pense qu’en règle générale, nous prenons la mort trop au sérieux et je suis convaincu que dans tous les domaines, être sérieux à l’extrême devient comique. Un spectacle, c’est énormément d’écriture en amont. Comment se passe ce processus chez toi ? Je commence généralement par prendre des notes. Où que j’aille,

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quoique je fasse, j’ai toujours avec moi un carnet dans lequel j’écris des notes. Quand je vois qu’il y a assez de notes, je retranscris mes écrits à l’ordinateur et je commence à les éditer. En général, le cumul de mes notes donne un spectacle de trois heures. A partir de là, je commence le travail de « découpage ». Après avoir enlevé une heure de matière pour mon spectacle, vient le travail le plus difficile : enlever la dernière demi-heure. C’est le travail le plus difficile puisque je ne suis sûr de rien avant de l’essayer sur scène, devant le public. Ce dernier morceau s’affine avec le temps.

Ton nouveau spectacle est très autobiographique et non basé sur l’actualité politique ou sociale, contrairement à d’autres humoristes... Mon dernier spectacle Yeté est l’un de mes spectacles le plus personnel, le plus intime. Il y a tout de même des références politico-sociales, mais tout repose sur des questions qui me

procurent de l’angoisse. L’angoisse est le sujet principal de mon nouveau spectacle. Dans ce genre de monologue, la sincérité est la clé du succès. Une des conditions pour que ton œuvre soit sincère est qu’elle ait une dimension autobiographique. Mais la condition primaire est que tu puisses rire de toi-même. Que t’apporte la scène que ne t’apporte pas la peinture ? La scène et le théâtre te permettent d’être en contact direct avec le spectateur. En peinture, c’est impossible d’avoir cette proximité, tu n’as pas de lien direct avec le public. D’autre part, dans le théâtre et les monologues, il y a un travail physique qui est absent dans la peinture. Selon toi, quelle est l’originalité des Arméniens ? Pour répondre à cette question, il faudrait que j’écrive un livre entier ou que j’évoque des parties entières de mes monologues. Mais c’est une question très sérieuse et les Arméniens doivent y réfléchir collectivement. Il faut que l’on s’interroge sur nos talents spécifiques. Propos recueillis et traduits par Nairi Khatchadourian


Catanasian


L’AUTRE ROUTE 66 Sévissant sur le web depuis plus de deux ans avec ses sujets décalés, le collectif marseillais Chez Albert a eu l’idée géniale de parcourir la Route (nationale) 66, celle qui depuis toujours vit dans l’ombre de sa cousine américaine, et qui relie la Lorraine à l’Alsace sur 77 kilomètres. Loin des Etats-Unis donc, le photographe Grégoire Bernardi et la journaliste Stéphanie Harounyan ont transformé leur road-trip plein de découvertes dans la France profonde en une exposition gagnante dont tout le monde parle, de Marseille à Paris, en passant par Mulhouse ou encore Remiremont. Pour tout savoir sur la Route 66 et les prochaines dates d’expo du collectif : www.chez-albert.fr

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GrĂŠgoire Bernardi


Haynews 25

Il y a 25 ans, un terrible tremblement de terre frappait l’Arménie, le 7 décembre 1988, rasant quasiment de la carte la ville de Gumri. Bilan : 30 000 morts, 15 000 blessés et plus de 500 000 sans-abris. Aujourd’hui, 4 000 habitants de Gumri vivent encore dans des abris temporaires.

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A partir de mai 2014, Air France va ajouter deux vols supplémentaires sur la ligne Paris-ErévanParis. Au total, ce sera donc 6 liaisons par semaine qui seront effectuées entre la capitale française et la capitale arménienne. De quoi booster peut-être un peu plus le tourisme en Arménie.

560 000

Le nombre d’Arméniens d’Arménie connectés aujourd’hui à Facebook. L’an dernier, ils n’étaient « que » 300 000 à être inscrits sur le réseau social le plus célèbre de la planète.

550

Comme le nombre de bancs publics qui ont été installés à Erevan en 2013, afin d’améliorer la qualité de vie des habitants de la capitale arménienne. A noter que dans le même temps, 260 nouvelles poubelles publiques ont été placées dans la ville, afin de la rendre plus propre.

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Comme le pourcentage d’Arméniens (soit environ 250 000 personnes) qui ont les moyens financiers de prendre des vacances à l’étranger. La majorité de ces privilégiés choisit en général comme destination la Géorgie.

5 000

Comme le nombre officiel de citoyens arméniens vivant actuellement aux Emirats Arabes Unis (Abou Dhabi, Ajman, Sharjah, Dubaï, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oum al Qaïwaïn). Plusieurs milliers d’Arméniens sont également présents au Qatar, au Koweït ainsi qu’en Syrie et au Liban pour y travailler.

10 000

Catanasian

Comme le nombre de Syriens d’origine arménienne réfugiés en Arménie, selon la dernière estimation du gouvernement. L’ensemble de ces Syriens ont fui leur pays après de violents combats à Alep commencés il y a deux ans. La communauté arménienne de Syrie comptait environ 80 000 membres avant le début de la guerre civile. Elle en compte donc désormais 10 000 de moins.

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Courant Made in d'art Armenia

Arpi Gabrielyan

« Je rêve de visiter la France » Présentatrice de l’émission arménienne Pop Encyclopedia diffusée sur ATV tous les vendredis, samedis et dimanches, mais aussi et surtout chanteuse pop, comédienne et modèle, la très belle et très sexy Arpi Gabrielyan est une touche-à-tout qu’il va falloir suivre de très près en 2014. Suivie par plus de 2500 personnes sur Instagram, et omniprésente sur Youtube, Arpi se dit aujourd’hui prête à tenter sa chance « ailleurs », « en Europe ou aux USA », à condition d’avoir de « réelles opportunités ». « Même si j’aime beaucoup l’Arménie, je m’y sens limitée sur le plan professionnel. Le champ d’action est trop étroit ici, détaille la belle pour IK. Cela fait 4 ans que je fais la même chose tous les jours. Les années passent et rien ne change. Il m’est arrivé de chanter et d’animer des concerts aux Etats-Unis et j’en garde d’excellents souvenirs. C’est donc envisageable que je quitte un jour l’Arménie. Et personne ne pourra me juger. Il est normal de vouloir s’accomplir en tant qu’artiste, non ? ». Discrète sur ses influences – « même s’il y a beaucoup d’artistes que j’admire, je n’ai pas d’idole » –, Arpi n’hésite pas à afficher un large sourire lorsqu’on prononce le mot France, pays dont elle n’a entendu jusqu’ici que « du bien ». «Tous les coins de France semblent beaux, toutes les villes semblent avoir leurs propres visages et leurs charmes uniques, précise-t-elle. Je suis impatiente de visiter ce pays. Je rêve de visiter les petits villages et les coins perdus que seuls les Français connaissent ». Tout ça donnerait presque envie de devenir guide touristique… Armen Catanasian (avec F.A.) www.arpigabrielyan.com

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Arpi est habillĂŠe par la styliste armĂŠnienne Faina

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The Bambir

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« L’art est une forme de protestation » The Bambir* est un groupe de rock arménien à tendance folklorique créé en 1978 à Gumri. Influencée entres autres par les Beatles et composée aujourd’hui de Narek Barseghyan (chant et guitare), Arman Kocharian (basse), Arik Grigoryan (flûte traversière) et Vardan Paremuzyan (batterie et percussions), la joyeuse bande s’est confiée à IK.

Les rockeurs ont un caractère révolté et protestent toujours contre quelque chose. Quelle est votre revendication ? Les rockeurs sont des motards ! Et les Protestants sont des Luthériens. L’art est une forme de protestation. Nos chansons ne traitent pas uniquement des problèmes d’Arménie ou de la région. Elles sont universelles. Trouver des réponses et leur donner du sens, là est toute l’esthétique et la beauté de l’art. Le groupe a été créé en 1978 par le père de Narek, Gaguik « Jag » Barseghyan. En prenant la relève quelques années plus tard, n’avezvous pas craint la comparaison ? Bambir est une école qui a vu jour il y a 30 ans. Nous sommes les élèves de cette école. Nous avons commencé à

jouer très tôt. En appartenant à cette école, nous n’avons jamais pensé à cette idée de comparaison. Qui compose dans le groupe et où puisez-vous votre inspiration ? Nous composons toutes les chansons nous-mêmes. Celui qui fait la musique fait aussi les paroles. La chanson peut naître d’une sensation, d’une image… Le son a un rôle important dans notre groupe. Si on a une belle chanson mais un mauvais ingénieur du son, on risque de tout détruire. Pour réussir un projet il faut du goût et du savoir-faire. Que ressentez-vous avant de monter sur scène ? Le trac, bien sûr. Notre moment préféré ? Les cinq minutes avant le concert. C’est la montée d’adrénaline, la purification du sang, c’est un

stimulant inégalé. Sur scène, par contre, c’est l’état de choc ! Pensez-vous que la Turquie va reconnaitre un jour le génocide ? Oui, et ce sera un grand pas pour ce pays. Que souhaitez-vous aux lecteurs d’IK pour cette nouvelle année 2014 ? De la santé et de la réussite dans tout ce qu’ils entreprennent. Propos recueillis par Liana Davtian

*En Arménien, « bamb » signifie une voix forte et grave

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Delphine Ghosarossian « Je suis fascinée par les visages »

John Conley

Spécialisée dans le portrait, la jeune photographe française d’origine arménienne Delphine Ghosarossian aime explorer la peau, perçue comme un espace de transition entre le for intérieur et le monde extérieur. Passionnée de rock et de peinture, elle collabore ou a collaboré notamment pour Elle, Biba, Grazia, Vox Pop, Rolling Stone, les Inrocks ou encore France Télévisions. Nous l’avons rencontré à Paris et lui avons posé quelques questions.

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Courant Made in France d'art

Photos extraites de la série Peaux d’âmes

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Comment définirais-tu ton travail ? Je me considère vraiment comme une portraitiste. Je suis fascinée par les visages. Ce qui m’intéresse, ce sont les gens qui ont des « gueules ». J’aime travailler sur la peau. On arrive à lire tellement de choses sur la peau. Dans mes photos, les détails de la peau forment un paysage. Parfois, je prends du recul et je m’éloigne des visages pour travailler sur d’autres parties du corps. J’ai fait une série sur les peaux tatouées et une autre sur la boulimie. Quel est jusqu’ici ton meilleur souvenir de photographe ? Ma rencontre avec Richard Berry (Mayrig). Je ne l’ai pas photographié mais c’est lui qui a été le premier à me faire confiance et à me donner un boulot, sur son film La Boîte noire (2005). Grâce à lui, j’ai pu shooter Marion Cotillard. C’était génial. Je garde aussi d’excellents souvenirs de mes séances photos avec les chanteurs Philippe Katerine et Edwyn Collins. Quels sont les artistes que tu aimerais photographier un jour ? La liste est trop longue ! Keith Richards des Rolling Stones, Patti Smith, David Bowie et Nick Cave. Hyper facile, non ? (rires). Je pense d’ailleurs que je vais les croiser demain dans la rue (rires). Je suis vraiment fan de leur travail et je pense qu’ils pourraient vraiment m’inspirer. J’adore la musique en général et le rock en particulier, j’en écoute tout le temps. Elle est omniprésente en studio lors de chacun de mes shootings. Quels sont les photographes dont tu admires le travail ? J’aime beaucoup le photographe

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anglais John Coplans (décédé en 2003). Son travail sur le corps est remarquable. J’apprécie également les photos du Français Mathieu Zazzo. Quels sont tes projets ? Voyager, rencontrer des gens, faire de nouveaux portraits. J’aimerais bien pouvoir éditer un livre avec les photos de ma série de portraits Peaux d’âmes et un autre sur la boulimie avec les photos d’Estelle, une fille que je suis et shoote depuis des années (voir cicontre). D’où viennent tes origines arméniennes ? De mon père. Ma mère est française. J’aime bien cette mixité, c’est très enrichissant. Dans quelle mesure penses-tu que tes racines arméniennes influencent ton travail ? Je ne sais pas. Ça doit se jouer au niveau de l’inconscient. Mon grand-

père, que j’ai perdu très jeune, avait une sacrée gueule. Je pense que le fait d’être fascinée par les gueules racées et marquées n’est pas anodin. J’ai toujours trouvé que les vieux Arméniens avaient un truc dans le regard. Es-tu déjà allée en Arménie ? Non, mais c’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. J’aimerais y aller et y rester un mois, prendre mon appareil photo et partir à la rencontre des gens. J’avoue toutefois que j’ai peur du décalage entre l’image que je me fais de ce pays, et la réalité. J’ai peur que le choc soit violent. Et en même temps, j’aimerais beaucoup m’y confronter.

Propos recueillis par Jean-Michel Agopian www.delphineghosarossian.com


Photos extraites de la sĂŠrie Estelle, sur la boulimie

Photos extraites de la sĂŠrie INKED UP

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Garusch « Go big or go home ! »


J’ai croisé pour la première fois Garusch à un concert de Tigran Hamasyan, à Saint-Cloud. Je l’ai regardé, il m’a regardé… Avec son look d’oriental barbu, on a compris tous les deux qu’il y avait au moins trois Arméniens ce soir-là dans la salle. Mature malgré son jeune âge (19 ans), « Garik », artiste polyvalent, est étudiant en deuxième année des Beaux-arts de Paris. Et ses premières expositions font fureur dans la capitale française. Garusch, quelle est ta devise ? C’est « go big or go home ! » (traduction française : « vise haut ou rentre chez toi ! », ndlr). Et comme je suis en train de perdre la notion du « chez soi », je n’ai plus le choix, je dois tout donner et réussir. C’est à la fois rassurant et flippant comme concept. Pourquoi dis-tu avoir perdu la notion du « chez soi » ? Je suis né en Arménie puis j’ai vécu en Russie post-soviétique avec ma famille, avant de revenir en Arménie. Pendant deux ans, j’ai ensuite fait mes études tout seul en Thaïlande. Et me voilà à Paris. J’ai une partie de toutes ces cultures en moi et maintenant c’est devenu un cocktail parfois bizarre que l’on pourrait retrouver dans des bars parisiens (rires). Il s’appellerait « tabula rasa ».

Catanasian

Paris n’est donc pas ta ville ? On n’est jamais lié qu’à une seule ville. C’est vrai qu’on peut avoir une forte connexion avec le lieu où on a grandi, mais parfois la société peut être très oppressante. Chez moi, ce serait le lieu où on est heureux. Actuellement, je suis heureux à Paris, après, on verra… Et à quel point ta vie influence-t-elle ta pratique artistique ? Dans la vie, j’apprécie l’échange que l’on a avec les gens. Mon art joue énormément sur cette interactivité. Quand il n’y a pas de réaction, l’expérience d’art trahit sa fonction. De plus en plus, je me dirige vers l’installation et la performance interactive. Parfois, c’est avec les moyens numériques comme la vidéo, les performances sonores ou bien en collaboration avec d’autres professionnels. Récemment, à la Fondation des Etats-Unis, grâce à des musiciens, on a pu créer un événement remarquable où on a expérimenté avec le protocole du concert. En laissant aux

spectateurs la possibilité d’entrer et de sortir de la zone de chaque musicien, donner le signe de démarrer ou d’arrêter d’improviser. Donc le flux du public a créé des nuances intéressantes et a contribué à une expérience musicale inhabituelle. Tu es jeune, mais si tu pouvais remonter le temps, quel serait le conseil que tu aurais donné au Garusch d’il y a 10 ans ? Écoute ton intuition et expérimente ! Maintenant je comprends mieux à quelle point c’est important de s’isoler des distractions de la vie quotidienne pour pouvoir entendre cette voix. C’est une voix pas forcement audible, sinon ça serait trop facile. Et puis, il faut du temps pour se découvrir, et cela peut durer toute une vie. Pour finir, quels sont les artistes qui t’inspirent ? Marina Abramović*, une artiste de performance, basée à New York. Si je pouvais, je l’épouserais ! Bella Shakhnazaryan www.garusch.com *Né à Belgrade, Marina Abramović fait partie du courant artistique de l’Art corporel. Même si l’objectif de son art n’est pas le sensationnel, elle s’est, à diverses reprises, mise en danger en se lacérant, en se flagellant, en congelant son corps sur des blocs de glace, ou en prenant des produits psycho-actifs et de contrôle musculaire qui lui ont causé des pertes de connaissance. Elle est l’objet du documentaire Marina Abramović : The Artist Is Present de Matthew Akers et Jeff Dupre, sorti en 2012. En 2013, elle a notamment participé à la création du Boléro de Ravel pour l’Opéra de Paris.


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Etienne Kapikian « En météo, on confond souvent nos désirs avec la réalité » Prévisionniste à Météo France depuis 2006, Etienne Kapikian est régulièrement présent dans les médias pour parler de la pluie et du beau temps. IK l’a rencontré à Paris, entre deux tempêtes. Etienne, quand et comment est née ta passion pour la météo ? Vers 11-12 ans, je regardais le ciel en permanence et j’étais fasciné lorsqu’il y avait des orages ou lorsqu’il neigeait. J’essayais de comprendre ce qu’il se passait, je faisais mes propres relevés : j’avais un thermomètre et un pluviomètre dans le jardin de chez mes parents, près d’Aix-en-Provence. Tous les jours, je notais le temps qu’il faisait. Naturellement, j’ai ensuite décidé de faire des études pour en faire mon métier. Ado, je m’étais déjà documenté dans les bibliothèques, je ne comprenais pas tout, mais j’étais imprégné de météo au quotidien. Au collège, j’avais déjà cette étiquette de passionné de météo auprès de mes camarades. En quoi consiste ton job exactement ? Je suis prévisionniste dans l’unité médias de Météo France (MF). MF est la référence météo officielle en France. Etre prévisionniste, c’est suivre les mouvements de l’atmosphère au quotidien. Ce n’est jamais pareil d’un jour à l’autre, c’est passionnant. Mon

boulot, c’est de faire des prévisions puis de les expliquer aux présentateurs météo des chaines de télé et de radio ainsi qu’aux journalistes. Parfois, lorsque certains phénomènes météos sortent de l’ordinaire (tempêtes, canicules), je réponds aux ITV pour les médias. Il m’arrive ainsi d’être invité en plateau télé. Je suis en quelque sorte une interface pour le grand public. Mon rôle est de vulgariser la météo, ce qui n’est pas facile car c’est un sujet scientifique. Tout le monde a son avis sur la météo, tout le monde croit savoir des choses... Qu’est ce qui te plait le plus dans ton travail ? Plus c’est extrême d’un point de vue météorologique, plus je kiffe. Malheureusement, les phénomènes extrêmes font des dégâts et peuvent parfois faire des morts. Les jours où tu ne bosses pas, regardes-tu quand même la météo ? Bien sûr. Sur internet, il y a plein de sites où l’on peut suivre l’évolution du temps, grâce à des cartes spéciales. Même lorsque je suis chez moi, j’ai un

regard sur ce qui se passe, ça me fait vibrer. Je suis capable de passer une nuit blanche à analyser le temps en cas d’épisode neigeux ou de tempête. Aimer la météo veut-il forcément dire aimer la nature ? Oui, pour moi, c’est lié. J’ai grandi à la campagne. J’adore la randonnée, me retrouver dans les grands espaces. J’aime la nature mais j’adore aussi la ville. Imagine un instant que tu es loin de tout : pas d’internet, pas de téléphone, tu es largué 10 jours dans la nature. Es-tu capable de prévoir la météo dans ces conditions ? En regardant les nuages, leurs mouvements, le vent, je pourrais évidemment essayer de deviner ce qui se passe dans l’atmosphère, comment se déplacent les hautes pressions ou les basses pressions. Que réponds-tu aux gens qui râlent en disant : « Il n’y a plus de saison ! » ? Je leur dis que c’est une mauvaise

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interprétation de la réalité. On confond toujours nos désirs avec la réalité. L’observation des statistiques en météo montre qu’on a toujours eu des épisodes pourris en plein été, notamment sur la moitié nord de la France. Les fortes fluctuations ont toujours existé. Dans les saisons intermédiaires, automne et printemps, c’est hyper classique d’avoir des températures en yo-yo et de passer du chaud au froid d’une semaine sur l’autre. C’est la caractéristique du climat français : il est très variable, avec des influences océaniques, continentales, méditerranéennes et même parfois polaires. A nos latitudes, en Europe de l’Ouest, vouloir des saisons réglées est utopique. En France, j’insiste, on peut passer au sein d’un même été d’un mois magnifique à un mois catastrophique. Dans les tropiques - les Antilles par exemple -, c’est beaucoup plus réglé, on y trouve des saisons humides et des saisons sèches. Aujourd’hui, si tu prends un billet pour le mois de mars dans les Antilles, tu sais à peu près le temps qu’il fera. Alors que si tu prends un billet pour Paris à la même période, tout peut arriver. Tu pourras aussi bien te balader en tee-shirt qu’en polaire.

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Que penses-tu du réchauffement climatique ? Mythe ou réalité ? Réalité ! Jusque dans les années 60, les hivers étaient beaucoup plus rudes et plus longs qu’aujourd’hui. Le froid était la norme à l’époque, avec de fréquentes gelées, des chutes de neige en pagaille. Ce qu’on a observé, c’est une hausse moyenne de 1 degré lors des 100 dernières années. Cela se sent à peine, mais la hausse est réelle. Ce réchauffement à long terme est masqué par de fortes fluctuations d’une année sur l’autre. Le rythme de ce réchauffement va toutefois s’accélérer. D’ici à 2100, il pourrait faire en moyenne 4 degrés de plus. Du coup, lorsqu’il y aura une canicule, ça cognera encore plus fort qu’aujourd’hui. En fait, les épisodes de chaleurs extrêmes seront encore plus extrêmes. On prévoit que les hivers vont se réchauffer moins vite que les étés. Quels sont tes objectifs en terme de carrière ? J’aimerais aller un jour travailler à Toulouse, dans le grand centre national de Météo France. Mais pour l’instant, mes à-côtés me retiennent à Paris.

Notamment la musique ? Exactement. Je suis claviériste dans 2 groupes d’electro-pop qui s’appellent Five o’ clock et Quiet Please. Le jour, je fais mes prévisions météo et le soir, je répète ou je donne des concerts. Je manque de sommeil mais j’adore ce que je fais ! Pour conclure, qu’est ce qui te fait le plus vibrer : la météo ou la musique ? Léger avantage à la météo. Mais ça dépend des jours (rires). Propos recueillis par Fred Azilazian


(ça s’est passé au JAF) Soirées dédicaces : Gilbert Levon Minassian et Kathryn Cook ont fait le plein Le jeudi 26 septembre 2013, la Jeunesse Arménienne de France a reçu Gilbert Levon Minassian, auteur du livre Karvadjar, notre dette d’honneur, pour une soirée spéciale en son honneur depuis son retour à Marseille le 12 août 2013. Cet ouvrage, dédié au commandant-héros Léonid Azgaldian (tué à Martakert en juin 1992), est toujours en vente à la JAF. Le jeudi 3 octobre, c’est Kathryn Cook qui a été invitée par la JAF pour une soirée dédicace, à l’occasion de la sortie de son livre de photos Memory of trees, exposées au Mucem. Ce livre s’inscrit dans une démarche de transmission et vient rappeler notre devoir de mémoire autour du génocide des Arméniens de 1915.

Le bio selon Alain Alexanian La JAF a organisé une rencontre exceptionnelle avec le chef étoilé Alain Alexanian le vendredi 13 décembre. Au cours de cette soirée placée sous le signe du «bien manger», le chef a partagé tous ses conseils culinaires. C’est dans un ouvrage intitulé iFood : l’art de bien manger qu’il confie ses astuces pour cuisiner simplement avec raffinement en profitant de toutes les qualités nutritionnelles des aliments du quotidien... pourvu qu’ils soient bios !

Stage de danse, saison 2 : encore une réussite ! Les ensembles Araxe de la JAF Marseille, Nairi de Lyon et Ani de la JAF Paris se sont retrouvés fin décembre pour la seconde année consécutive à la JAF Marseille pour un stage de danse. Un week-end chargé en partage, convivialité et émotions.

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Sassoun

50 bougies et pas une ride !

Le samedi 16 novembre, la Jeunesse Arménienne de France a fêté les 50 ans d’une de ses composantes majeures : l’ensemble instrumental et vocal Sassoun. Sur la scène du Théâtre du Gymnase, plus de 80 artistes se sont succédé pour célébrer la musique traditionnelle arménienne. Au programme, chants et pièces instrumentales ont raconté l’histoire du peuple arménien. Amour, joie, nostalgie, patriotisme… Autant de sentiments que les artistes ont eu à cœur de transmettre lors de ce concert unique. Pour cet anniversaire, la JAF a souhaité rassembler sur scène toutes les générations de musiciens et musiciennes qui ont œuvré à cette formidable aventure musicale et humaine. Des créateurs de Sassoun aux jeunes musiciens actuels dirigés par Michaël Vemian, 3 générations d’artistes ont fait vibrer les planches du célèbre théâtre marseillais aux sons d’une musique 3 fois millénaire à la croisée entre l’Orient et l’Occident.

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Nelson Mandela (1918 - 2013) Prix Nobel de la Paix en 1993 pour avoir mis fin pacifiquement à l’Apartheid - régime basé sur la ségrégation raciale - puis premier président noir d’Afrique du Sud en 1994, Nelson Madiba Mandela a marqué l’histoire du monde de son empreinte chargée de bonté et de miséricorde. IK a choisi de rendre hommage à ce fervent défenseur des Droits de l’Homme, symbole de la lutte pour l’égalité des races, en vous offrant ses 4 plus belles citations.

J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité. Personne ne naît haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. Même aux pires moments de la prison, quand mes camarades et moi étions à bout, j’ai toujours aperçu une lueur d’humanité chez un des gardiens, pendant une seconde peut-être, mais cela suffisait à me rassurer et à me permettre de continuer. La bonté de l’homme est une flamme qu’on peut cacher, mais qu’on ne peut jamais éteindre. L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. Je n’ai cessé de voir des hommes et des femmes risquer et donner leur vie pour une idée. J’ai vu des hommes supporter des brutalités et des tortures sans craquer, montrant une force et une résistance qui défient l’imagination. J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre.

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Hot Hot Hea

Parce qu'elles le valent bien

Gohar Gasparyan Age : 28 ans Pays de naissance : Arménie

Profession 1: Présentatrice sur la chaîne publique ARMTV. « Je travaille à la télé depuis que j’ai 11 ans ! ». Profession 2 : « Je dirige la délégation arménienne du concours de l’Eurovision en tant que « Project manager ». Sous l’égide de la télévision publique arménienne, j’organise les représentations de nos artistes au concours. Arbre généalogique : Sa mère est professeur de français. Hobbies : « Je m’intéresse à beaucoup de choses. Je suis une personne curieuse de nature et j’aime de temps en temps faire des recherches sur un domaine, un phénomène ou un thème qui m’inspire sur le moment. Ça peut être la musique, les spectacles, le cinéma ou les voyages ». Dans son Ipod : « One Republic, Pavarotti, Sting, Queen, Sirousho, les albums de London Philarmonic Orchestra, Katie Melua et des hits plus récents comme ceux de Rihanna-Eminem, Naughty boy, ou encore Ivan Dorn ». Acteurs favoris : « Leonardo di Caprio, Robert de Niro, Kiera Knightley, Natalie Portman et beaucoup d’autres ». Rêve : « Je rêve de voir une Arménie forte sur le plan politique et économique pour que tous les gens qui ont émigré reviennent et restent ici ». La France : « J’ai visité Annecy et Strasbourg que j’ai beaucoup aimé mais je ne peux pas me prononcer sans avoir vu les villes principales. Donc, attendezmoi ! » Vahan Stepanyan

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