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La crainte d’une nou velle hausse des vio lences conjuguales

La crainte d’une nouvelle hausse des violences conjugales

Avec le reconfinement, les associations de lutte contre les violences conjugales craignaient une nouvelle augmentation de celles-ci, comme cela avait été le cas lors du premier confinement. Bien que le gouvernement ait adopté une série de mesures pour anticiper le problème, une hausse des signalements en ligne a déjà été constatée.

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Àl’aube du reconfinement, le gouvernement avait reçu de nombreuses associations de lutte contre les violences conjugales. En effet, une hausse significative des signalements avait été enregistrée durant le premier confinement, entre le 16 mars et le 11 mai 2020. Ils avaient été jusqu’à cinq fois plus nombreux qu’en temps normal. La principale cause de ces violences serait l’enfermement, et c’est pourquoi aucune région ne semblait avoir été épargnée. Et la métropole lyonnaise n’avait pas fait exception. À titre d’exemple, dès les premières semaines de confinement, le service communication de la police indiquait déjà que «la DDSP du Rhône a enregistré une hausse des missions Police Secours pour des différends familiaux et notamment entre conjoints de 33,5% sur la période du 17 mars au 2 avril».

Une hausse de 15% des signalements en ligne déjà avérée

La plateforme de signalement en ligne des violences conjugales, sexuelles ou sexistes a déjà enregistré une hausse de 15% des appels de victimes depuis le reconfinement du 30 octobre. C’est ce qu’a fait savoir mardi 17 novembre Marlène Schiappa. Un chiffre qui pourrait faire penser que la tendance du premier confinement se reproduit, mais selon elle il s’agit de nuancer : «il est encore trop tôt pour dire que les signalements exploseront à nouveau», a déclaré l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. C.M.

Encore trop !

En France, une femme sur 10 est victime de violences conjugales. Source : Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF). Année 2000.

En 2019,146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire de vie. Source : Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple. Année 2019. Ministère de l’Intérieur, délégation aux victimes.

Les permanences d’accueil ne désemplissent pas

«Les femmes n’ont pas besoin de certificat ou d’attestation pour quitter le domicile conjugal quand elles sont victimes de violences», a rappelé Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, au début du second confinement. Une mesure qui semblait alors relever du bon sens. De même, les associations d’aide peuvent rester ouvertes : cela permet entre autres la continuité des permanences d’aide comme celle de la Viffil SOS Femmes à Lyon. Cette association, qui a fêté ses 40 ans l’année dernière, s’occupe également de l’attribution de places d’urgences grâce à son centre d’hébergement, qui possède entre 30 et 40 logements. «Le fait que nos permanences en mairies et dans nos locaux restent ouvertes est positif car il faut privilégier l’accueil physique ; c’était bien moins confortable à distance lors du premier confinement», confirme Fabienne Durix, documentaliste à la Viffil.

243 appels par semaine en moyenne depuis le reconfinement

Mais pour l’association, la crise a tout de même largement perturbé cet accueil : «Il faut désinfecter les locaux après chaque entretien, et réorganiser la salle d’attente, ça complique tout». Une permanence qui ne se désemplit pas pour autant : «Celle du jeudi est toujours aussi pleine, même avec le confinement. En fait, l’en-

fermement a fait que plus de femmes ont demandé de l’aide. Le confinement n’a pas déclenché de nouvelles violences, mais il a précipité les demandes d’aides et les appels de celles qui en étaient déjà victimes». Pendant le premier confinement, du 17 mars au 11 mai, l’association avait reçu en moyenne 154 appels par semaine. «Ces appels proviennent de femmes, mais aussi d’assistantes sociales, de voisins, d’amis qui pensent être face à une situation anormale», explique Fabienne Durix. Depuis le début du deuxième confinement, le 2 novembre, c’est en moyenne 243 appels par semaine qui sont enregistrés. C.M.

«L’enfermement crée la vulnérabilité»

Il y a près de trois ans que Soumia Ouederni a créé Solidarité Femmes Events, qui a accompagne les femmes victimes de violences conjugales via les réseaux sociaux. Alors que son association s’est installée à Villeurbanne juste avant le confinement de mars, cette assistante sociale explique être le témoin de l’augmentation de ces violences durant ces périodes.

Confi’Lyon : En quoi consiste votre association ?

Soumia Ouederni : Nous sommes un groupe d’assistantes sociales bénévoles. Nous accompagnons les femmes victimes de violences pour tenter de rompre leur isolement et de les aider à faire les démarches nécessaires pour s’en sortir. Nous les aidons aussi sur le plan juridique, puisque nous avons un bénévole qui est juriste. Il y a près d’un an, nous avons installé une antenne à Villeurbanne. J’avais beaucoup de demandes d’aide qui venaient de cette zone.

Votre association est très présente sur les réseaux sociaux. Pourquoi ?

Cela nous permet de toucher une partie plus importante de la population. Nous postons beaucoup de témoignages sur YouTube et Instagram, ce qui permet de sensibiliser les femmes… mais aussi les hommes ! Et puis, nous aidons les femmes essentiellement sur les réseaux sociaux, où elles peuvent nous contacter rapidement, et on peut communi-

Sur le compte Instagram et la chaîne Youtube de l’association, Soumia Ouederni partage des témoignages de femmes victimes de violences

quer facilement avec celles qui ne peuvent pas se déplacer. C’est plus simple pour elles, puisque ce sont souvent des profils de femmes qui sont enfermées.

Quel impact a eu le confinement sur les violences conjugales selon vous ?

Lorsqu’une personne est enfermée avec l’auteur des violences, elle est obligée de rester avec lui. C’est l’enfermement qui crée une vulnérabilité. Plus de femmes nous ont contactés pour être aidées pendant les confinements : ces demandes d’aide ont augmenté de 30% pendant le premier, et de 20% pour le second. Le second confinement est moins strict, je pense que c’est pour cela que ce chiffre est plus faible, mais reste tout même conséquent..

Propos recueillis par Coline Michel

Filactions oriente les victimes via un chat en ligne

Filactions, dédiée à la prévention et à la sensibilisation contre les violences faites aux femmes, a été créée en 2005. L’association a été sollicitée par une structure de la Fédération Nationale Solidarité Femme (FNSF) pour renforcer un chat de dialogue mis à disposition des femmes victimes de violences pendant le confinement. «Avec l’exacerbation des violences, on a voulu aider autrement, notamment les plus jeunes femmes», explique Margaux Boue, co-vice-présidente de l’association. «Beaucoup de femmes se posent des questions, et elles peuvent avoir une première écoute avec ce chat. Ensuite, on peut les orienter vers des structures d’hébergement ou d’accompagnement». L’association craignait le reconfinement : «les violences augmentent, et le confinement retarde les mesures prises contre et le budget supplémentaire dont on aurait besoin n’est pas alloué », conclut Margaux Boue.

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