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Nous avons tous par tagé ce stress

Dr Nicolas Franck : «Nous avons tous partagé ce stress»

Entre troubles anxieux, dépressifs ou stress post-traumatique, le psychiatre lyonnais Nicolas Franck explique comment notre bien-être a été impacté pendant le confinement, à travers son livre «Covid-19 et détresse psychologique».

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L’enquête réalisée par le Dr Nicolas Franck et ses collaborateurs sur le bien-être des Français pendant le confinement illustre parfaitement l’impact de cette période sur notre santé mentale. 30 000 personnes ont répondu, sur internet. Les premiers résultats se trouvent dans son livre Covid-19 et détresse psychologique. Sans surprise, le bien-être mental des Français a baissé, dû au stress, entraînant des pathologies chez certains. Le psychiatre nous en dit un peu plus. Schéma tiré du livre «Covid-19 et détresse psychologique» du Dr. Nicolas Franck, illustrant le lien entre le niveau de stress et l’expression d’une vulnérabilité psychique, dépendant de chaque personalité

Confi’Lyon : La santé mentale des Français a-telle été mise de côté par les dirigeants à l’annonce du confinement ?

Dr. Nicolas Franck : Il y a une prise en compte des pouvoirs publics mais qui a été décalée, ils ont géré les priorités, qui est de briser la chaîne de contamination. On a chacun une santé mentale qui a été altérée. Elle est passée comme un critère secondaire. Depuis le début, je dis qu’il y a trois éléments : l’épidémiologie, l’économie et la santé mentale. Le stress c’était pour tout le monde. On était tous sidérés et perdus au mois de mars. On a dû reconstruire un quotidien plus ou moins harmonieux. Les personnes les plus touchées sont celles sans emploi, pauvres, isolées et les plus jeunes. Les étudiants sont une catégorie qui se distingue. Ils cumulent tous les critères de la fragilité. Le fait de ne plus avoir de contacts sociaux spontanés, de contact physique, de ne plus pouvoir circuler librement n’est pas naturel pour l’Homme, ce qui

entraîne un stress. «Covid-19 et détresse psychologique», disponible aux éditions Odile Jacob

Votre livre est simple à comprendre, afin que chacun intègre ce qui lui est arrivé ?

C’est un livre de vulgarisation. On a tous partagé ce stress, j’ai écrit ce livre comme une sorte de témoignage. Les personnes peuvent s’identifier à travers le livre et aussi s’intéresser à la santé mentale, la voir différemment. Parler de manière moins stigmatisante sur des maladies comme étant les dimensions de la personnali-

Résultats de l’enquête du Dr. Nicolas Franck sur la modification des habitudes de consommations des participants sur la deuxième semaine du premier confinement

té, avec les points de fragilité selon notre constitution. On a profité de cette situation pour remettre la santé mentale au premier plan.

l’élément déclencheur de trouble anxieux et dépressif ?

Chacun a des points de fragilité qui lui sont propres. On a une dimension de notre personnalité thymique : l’humeur. Une dimension anxieuse : être sur le qui-vive par rapport à l’environnement. Une dimension psychotique : ne pas se sentir en sécurité. Une dimension obsessionnelle-compulsive : mettre de l’ordre pour se protéger. Ces dimensions peuvent s’exprimer de manière naturelle sans nous faire souffrir. Ou alors on peut être plus fragile dans l’une d’entre elles. Le stress va révéler nos points de fragilité physiquement ou mentalement.

dans le temps ?

Une fois que la personne est sensibilisée au trouble anxieux, elle peut rester anxieuse. Avec des symptômes qui la gêne et des ruminations quotidiennes. Une fois fragilisé, c’est difficile d’en sortir. La dépression dépend du contexte, mais la fragilité va rester aussi. Un stress posttraumatique peut durer des mois et des années si l’on ne se soigne pas, même s’il peut rester en permanence après avoir été soigné.

d’autres ?

Vous avez des addictions préalables, mais il y a une augmentation de certains comportements avec une perte de contrôle. Deux tiers de la population dit qu’il y a une augmentation du recours aux écrans, mais 15% ont perdu le contrôle. C’est énorme. Il y a aussi une augmentation de

En quoi le confinement n’est pas uniquement

cette perte de contrôle avec le cannabis et l’alcool.

Comment appréhender la deuxième vague de la Covid-19 par rapport à la santé mentale ?

C’est important de communiquer, pour que les gens prennent conscience que cette dimension existe et qu’il y a des choses à faire. Quand on prend soin de sa peau on met de la crème, quand on prend soin de sa santé mentale on se repose, on fait du sport, on a des loisirs et des relations sereines. On doit réorganiser nos structures pour accueillir les personnes spécifiquement. En favorisant l’accès au soin, avec une analyse de l’histoire du lien à la période. C’est être disponible, accompagner, savoir réorienter, travailler en réseau avec les médecins géné-

Dans le livre, vous dites que ces différents troubles peuvent être durables. A quel point

Votre enquête soulève une augmentation des addictions, certaines sont plus alarmantes que

ralistes.

Propos recueillis par Margaux Levanto

Les différentes pathologies

L’anxiété c’est le fait d’avoir peur de ce qu’il peut se passer. La dépression c’est penser ne pas pouvoir s’en sortir. Ici, la tristesse domine. Le stress post-traumatique apparaît parfois pour ceux qui sont exposés à la mort en direct, ceux qui travaillent en réanimation ou ceux qui ont perdu un proche et qui l’ont vu mourir. Il laisse des séquelles permanentes. Un bon nombre de nos compatriotes ont un stress post-traumatique, mais pour l’instant il n’y a pas de chiffres.

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