DECRYPT'AGE HORS-SERIE dernier numéro ISCPA Lyon juin 2020

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MEDIA

Albert Londres, une vision du journalisme toujours d’actualité ?

Albert Londres demeure une des plus grandes figures du journalisme français. Mais en quoi le la presse a changé depuis ses grands reportages ?

«

Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les

processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie », expliquait Albert Londres en 1929. Ce grand reporter a su imposer à l’époque sa vision du reportage et a séduit des millions de lecteurs. On retient de lui ses débuts en tant que correspondant de guerre, ses enquêtes politiques ou touristiques et ses grands reportages sociaux sur le bagne, les asiles ou autres prisons militaires. Doté d’une plume remarquable et d’un style qui lui est propre, il met le doigt là où ça fait mal et veut rétablir la vérité. Et même s’il dénonce à travers ses écrits, on peut y déceler autre chose : une utilisation forte de l’ironie. Elle abolit la distance entre le reporter et son lecteur, et le journaliste n’hésite pas à utiliser le « je ». Il pique et oublie totalement l’objectivité, visant tout de même une argumentation pure et dure. Ce discours singulier est particulièrement efficace et lui a valu tout son succès, au point d’être considéré comme le pionnier du grand reportage. Mais s’il reste aujourd’hui l’idéal du journaliste, la situation actuelle est bien différente pour les acteurs de la presse.

Une vision du journalisme plus censurée Aujourd’hui il aurait certainement à affronter de multiples procès. Et pourtant il constitue encore le mythe du journaliste par excellence. Alors même si son nom est resté, en grande partie grâce au prix éponyme qui récompense chaque année un grand reporter francophone, son approche journalistique est de moins en moins adoptée. Pourquoi les journalistes modernes ont si peur de dire la vérité ? Ou même, peuventils encore le faire ? Certains exemples laissent à penser que non. Une loi sur le secret des affaires a été promulguée en 2018, et sitôt décriée. En interdisant de divulguer certaines informations, cette loi permettrait tout simplement de dissimuler des évasions fiscales. Et lorsque certains médias vont à l’encontre de ces interdictions, au nom de la vérité, ils peuvent se heurter à une « procédure bâillon ». On remarque donc une certaine perte de liberté de la presse et une régulation. En décembre dernier, le Conseil de la déontologie journalistique a été créé pour veiller au respect des chartes d’éthiques et de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes. Évidemment elle souhaite répondre à une certaine défiance du public envers les médias (notamment après le mouvement des « gilets jaunes »), mais n’empêchet-elle pas ces derniers de s’exprimer ? Qu’aurait pensé Albert Londres de cela ? Sûrement rien de bon. Et certains médias ne voient pas non plus cette nouvelle instance d’un bon œil.

Albert Londres est un journaliste et écrivain français, qui est né le 1er novembre 1884 à Vichy

© Rue des Archives

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DECRYPT’ÂGE

Pourtant Médiapart reste tout de même un des médias qui continue à faire « du Albert Londres », en révélant au grand jour des affaires d’État malgré les risques encourus. La dernière en date dénonce les mensonges de l’État sur l’annonce de pénurie de masques ; une enquête qui montre la gestion chaotique et les dissimulations de l’État. Inès Pallot


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