Sommaire Etre juive c’est un état d’esprit Cet irrépressible besoin d’histoires
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Il était une fois… Trois femmes ‘hassidiques
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Mode & Mood 8-9 Rose pastel - Tsniout : Pour mes filles Initiatives 10 Valérie Bochenek : La créativité déclinée…à l’infini ;-)
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION James Adida DIRECTRICE DE LA rédaction Lydie Levine secrétaire générale DE LA rédaction Colette Attal DIRECTEUR ARTISTIQUE Shimshon Placidovitch DIRECTEUR COMMERCIAL Yohann Azoulay COMMERCIAUX Simha Sayada, Eliora Taieb Ont collaboré à ce numéro Monique Ayoun, Tonie Behar, Miriam Calfon, Liliane Fitoussi-Krief, Emmanuelle Friedmann, Guy Grinbaud, Barbara Hutt, Léone Jaffin, Jacqueline et David Kurc, Haya-Léa Langomazino, Sonia Sarah Lipsyc, Roxane Samaniego, Edith Slama, Marilou et Charles Tremil IMPRESSION EN UE 10 000 ex REGIE PUBLICITAIRE Oméga Editions 77bis, rue Robespierre 93100 Montreuil 01 48 97 46 85 DIRECTRICE REGIE Simha Sarfati
Vive l’école Otsar HaTorah, l’école des 8 Intelligences
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P’tites Têtes Les conseils du pédiatre
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Bon Appétit Recettes de Pessa’h
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Tu honoreras tes aînées 16 Sarah Montard : Vivre, témoigner, transmettre
Grains de beauté 17 Le masque pour cheveux « façon grand-mère » Cultur’Elle 18 Littérature, théâtre, événement Grandes Héroïnes Beate Klarsfeld
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Les pionnières Des filles « s’attaquent » au Livre
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«Santé»-vous bien Le massage AMMA assis
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Judaïsme Hamets - Myriam, la rebelle
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Société - Israël 28 Une candidature de femme orthodoxe à la prochaine Présidence de l’Etat d’Israël ? Humour 30 Vitsn et humour séfarade Remerciements
Edito
Quand la sortie d’Egypte coïncide avec celle d’un nouveau magazine… En ce mois où nous allons célébrer la libération des Hébreux, l’arrivée d’un nouveau magazine sur la « scène » de la presse juive, a quelque chose d’un grand saut. Un saut dans l’inconnu, assurément, puisqu’il s’agit d’une aventure ! A l’image de la vie, qui ne se lasse pas de nous surprendre et de nous emmener, parfois, dans des «contrées» que nous n’aurions jamais imaginé pouvoir visiter… Un saut, dans l’univers des femmes de notre temps: célèbres, reconnues ou anonymes, nous allons vous parler d’elles. Parce qu’elles sont celles qui font l’Histoire –et des histoires, s’exclameront les esprits malicieux !-, depuis des millénaires. Parce qu’elles ont souvent été reléguées dans l’ombre de la «grande» Histoire. Parce qu’elles sont sources de vie et de transmission, gardiennes du foyer ou initiatrices des plus belles (r)évolutions, « petits soldats » toujours prêts à ranimer le souffle de l’âme juive. « Elles », ce sera vous. Car notre démarche s’inscrit dans un esprit de proximité : EVE n’existera que s’il devient votre magazine !
Nous aurons besoin de vos témoignages, de vos suggestions, de votre participation. Les reportages que vous allez découvrir, les interviews, les paroles d’enfants et l’expérience de nos aînées, les recettes traditionnelles, la pensée juive, les blagues et les « invitations » culturelles, sans oublier les rubriques pratiques, n’auront d’autre objectif que de vous divertir ; vous faire découvrir le monde sous un angle plus féminin, être source de réflexion et «partenaire» de vie ! Cet état d’esprit résolument positif n’excluant pas d’aborder des sujets douloureux: nous serons là pour relayer les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées et aider nos lectrices à trouver les solutions adaptées. Puissions-nous, avec vous, assister une nouvelle fois à l’ouverture d’une « mer » et réussir le pari de rendre ce mensuel féminin, attractif, utile et indispensable ! Nessia tova dans les pages de votre magazine, en modes: émotion, humour et découverte… Pessa’h cacher vesamea’h ! Lydie Levine
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«lettres hébraïques» © brigittebarbane.com
être juive ...
c’est un état d’esprit
« S’il te plaît, raconte-moi une histoire… » Ça commence souvent comme ça, le besoin d’histoire. Un livre sur les genoux de sa mère, de son père. Un moment privilégié, la sécurité douce de la chambre, un lit douillet, une voix aimée qui commence à raconter… Et soudain le monde s’élargit. On découvre les autres, on découvre la vie. Et l’histoire nous fait sortir de notre vie pour entrer dans celle des autres. Plus tard, ça continue. Mamie, raconte-moi quand tu étais petite ? Papy, c’était comment Istanbul ? Tonton, tu étais où pendant la guerre ? Et c’est l’histoire familiale qui nous enveloppe, qui nous construit, qui nous fait grandir et nous donne parfois envie de la fuir… pour
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mieux y revenir.
du Livre…
Encore plus tard, c’est la découverte des livres et des films, qui parlent d’aventures, d’hommes et de femmes, de passions, de douleurs, de bonheurs, d’humour et de larmes, d’horizons lointains comme du coin de la rue. Des histoires qui nous emportent, nous fascinent, nous font rêver et réfléchir.
Abraham, Isaac, le combat de Jacob avec l’ange, le rire de Saraï, les pleurs d’Agar, Ruth et Noémie, David et Jonathan, Le roi David et Bethsabée, Le roi Salomon et la reine de Saba, le cantique des cantiques, Sodome et Gomorrhe, Loth et ses filles, Jonas et la baleine, la tour de Babel, l’arche de Noé, Caïn et Abel, David et Goliath… Amours, trahisons, passions, violences, meurtres, colères divines… Les récits bibliques nous racontent tant de choses sur nous-mêmes, sur la compréhension des humains, le sens de la vie, le mystère de la volonté divine, que certains peuvent consacrer leur vie à décrypter leurs messages.
Et un jour, peut-être c’est la rencontre avec LE livre. Celui qui, depuis la destruction du Temple, est devenu notre temple. Le Livre du peuple juif et ses milliers d’histoires, dont nous célébrons ces jours-ci la plus extraordinaire. Quel récit plus fabuleux que celui de Moïse et la sortie d’Egypte, avec le panier abandonné, les dix plaies, le veau d’or, les Dix Commandements, la manne, les 40 ans dans le désert, Aaron, Myriam, la prostituée, les trompettes de Jéricho, la mort de Moïse à l’entrée de la Terre Promise… Et puis toutes les autres histoires
Plus le temps passe, et plus on se rend compte que tout n’est qu’histoire ! Ce garçon qui avoue à son pote qu’il craque pour une fille de sa classe…
Tu parles d’une histoire ! La vie du voisin que l’on observe discrètement par la fenêtre, la presse people, ces potins que l’on échange en riant dans les dîners ou autour de la machine à café… Des histoires ! Les réseaux sociaux, Facebook ? Twitter ? Instagram ? Des milliers de milliers de petits bouts d’histoires que l’on peut choisir de suivre ou pas et qui alimentent au jour le jour notre besoin d’histoires. Mais pourquoi avons-nous tellement besoin d’histoires ? Moi qui les aime tant que j’en ai fait mon métier, j’ai sérieusement étudié la question et j’ai trouvé quelques réponses qui valent pour moi mais, pariant sur les lois d’une certaine universalité, je me suis dit qu’elles vaudraient aussi pour les autres. Au départ de chaque histoire, il y a l’évasion et le rêve. Sortir de sa vie pour se projeter dans celles des autres. Aimer, grandir rire et souffrir avec eux. S’identifier. Il y a des histoires qui nous donnent des ailes et d’autres le bourdon, mais qu’elles nous émeuvent profondément ou qu’elles glissent simplement, elles laisseront toujours une trace en nous. Elles nous transforment, nous construisent. Personnellement je crois que j’ai lu tellement de romans d’amour que je suis devenue une incorrigible romantique. Les histoires sont la base des échanges entre les humains et si on pousse un peu, je parie-
être juive ...
c’est un état d’esprit
Une histoire ! Cette jeune femme qui rêve de monter sa boîte… Une histoire ! Ces amoureux que tout sépare… Une histoire ! Cet homme qui part dans un pays étranger pour trouver de nouveaux marchés… Une histoire ! Cette dame qui tombe amoureuse à 70 ans… Une histoire ! Ce film qui nous a bouleversés… Une histoire ! Cette série à laquelle on est accro… Une histoire ! Ce procès au tribunal ? Une histoire ! Ces élections ? Une histoire ! Cette love affair entre un président de la république et une actrice ? Une histoire ! Cette femme blessée qui se retrouve à l’hôpital… Une histoire ! Ce faits-divers ? Une histoire ! Cette belle chanson d’amour… Une histoire ! Ce jeu vidéo qui fait voyager dans le passé… Une histoire ! Cette découverte qui va peutêtre changer le monde ? Une histoire ! Ce mensonge d’état… Une triste histoire. Ce baiser qui nous a renversées… Toute une histoire ! Ce pieux mensonge, ou cette pure mytho…
rais que le langage a été créé pour qu’on puisse s’en raconter de bonnes ! Elles créent du lien social, favorisent les échanges commerciaux… et les rapports amoureux. Nées de la curiosité, les histoires apportent du savoir, comme quand les voyageurs d’autrefois racontaient les pays lointains qu’ils avaient visités et la façon dont les hommes vivaient à l’autre bout du monde. Elles ouvrent l’esprit, révèlent les différences et de fait, sont souvent des leçons de tolérance. Il y a des histoires qui se projettent dans le futur et qui précèdent parfois le progrès techniques, d’autres qui se plongent dans le passé et nous aident à mieux le comprendre. Les contes de fée contiennent souvent un sens caché qui nous aide à grandir, même si on ne le détecte pas. Au fond, elles nous aident à comprendre le sens de la vie et à donner des explications à ce qui nous échappe. Au cœur des mythes et des légendes se trouve la volonté de l’homme d’expliquer ce qu’il ne comprend pas. Plus le mythe est grand, plus il est puissant, plus il élève, plus il crée du lien entre les gens qui le partagent. Ce sont sur de grands mythes fondateurs que se construisent les peuples et les nations. A EVE, nous avons bien l’intention de vous raconter des histoires et de construire avec vous, nos lectrices, une histoire commune. Bonne lecture et à très vite pour de nouvelles aventures !
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il était une fois Au mois de janvier dernier, invitée par une amie genevoise, je suis allée en Floride. Son appartement jouxtait un spa, par ailleurs centre de cure : nous nous y sommes rendues à plusieurs reprises pour nous faire faire des soins.
étaient, non seulement minces, mais filiformes, cet aspect étant accentué par le fait qu’elles étaient vêtues de longues robes qui descendaient bien au-dessous de leurs genoux. En outre, elles portaient des bas sombres... Dans une piscine !
Un vendredi matin très tôt, dans la piscine chauffée, nous avons rencontré trois femmes. L’une d’entre elles, d’une soixantaine d’années, était très corpulente. Les deux autres, qui ne devaient pas avoir plus de vingt-cinq ou vingt-six ans, paraissaient très menues. La plus forte venait sans doute dans ce centre pour essayer de maigrir tandis que les autres avaient probablement un problème de santé. Comme chacune d’elles portait un turban, on pouvait supposer qu’elles avaient fait des chimiothérapies et cachaient ainsi leur crâne dégarni.
Dans un flash, j’ai compris que ces femmes étaient ultra orthodoxes. J’ai regardé la pendule qui indiquait 7h20. Leur présence à cette heure si matinale s’expliquait par le fait que les piscines et le sauna étaient réservés aux femmes, de 7h à 8h du matin. Aux Etats-Unis, on est bien loin des polémiques relatives à la laïcité dont nous avons l’habitude en France…
Nous entendant, mon amie genevoise et moi, parler français, la dame corpulente nous a adressé la parole dans cette même langue, qu’elle nous a dit avoir apprise au lycée à Toronto, ville dont elle était originaire. Elle était souriante, chaleureuse et fort sympathique. Elle nous a demandé d’où nous venions et ce que nous faisions ici. Quant à elle, elle habitait New York. Au bout de cinq minutes, les trois femmes sont sorties de la piscine pour entrer dans un jacuzzi extrêmement chaud en poussant de grands cris. J’ai alors remarqué que les deux jeunes femmes
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Nous sommes allées les rejoindre dans le jacuzzi. Plus tard, dans le sauna, je les ai entendues deviser dans une autre langue que l’anglais. Quoi ? Un autre flash. J’avais reconnu le yiddish. Intérieurement, j’ai béni les ‘hassidim et surtout les plus jeunes d’entre eux, de garder vivante cette langue en l’apprenant et en la pratiquant. - Hassidic ? Leur ai-je demandé. - Oui, m’ont-elles répondu. - De Brooklyn ? Oui. - Loubavitch ? Non. - De quelle obédience alors ? Elles ont égrené une série de noms que je n’ai ni saisis ni retenus. Je leur ai parlé de la communauté orthodoxe syrienne de Brooklyn, que je connais un peu. Heureuses d’apprendre que j’étais juive, elles m’ont deman-
dé si « j’allumais les bougies » et m’ont invitée le soir même, à célébrer le Chabbat avec elles. Je leur fis part de mon étonnement. C’était la première fois que je voyais des femmes ‘hassidiques, seules et si loin de leur communauté, dans un lieu ni ‘hassidique ni même juif. «C’est pour la santé», m’ont-elles répondu, « et la nourriture ici est vegan », c’est-àdire végétalienne. À ce moment-là, est entré dans le sauna un homme russe d’environ soixante-dix ans, que l’on remarquait immédiatement à cause de son énorme ventre. Son activité principale semblait être de passer des heures dans le sauna afin, sans doute, de perdre du poids. - Dobre dien, a-t-il dit en ouvrant la porte pour nous souhaiter le bonjour. En le voyant, nos voisines, dont les robes encore humides révélaient un tantinet les formes, ont pris un regard terrifié. Avec des gestes désespérés, elles ont tiré les longues serviettes sur lesquelles elles étaient assises et ont essayé de s’en couvrir le corps. Il était déjà 8h15 et cet homme avait parfaitement le droit d’utiliser le sauna. Mais, devant la panique de ces femmes, il resta pétrifié. Marmonnant quelques mots en russe pour exprimer son incompréhension et s’excuser puis il referma la porte. Mon ami genevoise et moi, nous nous regardâmes en souriant. Léone Jaffin
mode & mood Vive le printemps : nous, nous serons plus jolies que les roses ! Cette année, le printemps va rimer avec rose pastel. Cette couleur, si douce et féminine, sera à l’honneur… Et l’on s’en réjouit ! Le rose pastel est en effet une couleur délicate et subtile. Pour chacune d’entre nous, il évoque les robes de princesse, les macarons et les pétales de rose, les maisons de poupées et les bonbons à la fraise ! Il nous rappelle notre chambre de petite fille et cette époque d’insouciance et de rêve… Le retour du rose pastel est une
excellente nouvelle ! D’autant qu’après avoir réalisé quelques recherches, l’on en conclut qu’il se porte très facilement et en toutes circonstances: en jupe, en veste, en bandeau, en pull, etc. Le rose donne une touche de fraîcheur et de grâce, de discrétion et d’élégance, dont il ne faut absolument pas se priver ! Et puis, mesdames, mesdemoiselles, le rose pastel va à tout le monde ! Aux brunes comme
aux blondes, aux petites comme aux grandes, aux calmes, aux nerveuses, à tout le monde vraiment! Notre conseil mode, c’est de savoir l’associer à la couleur adéquate. Pour un effet « douceur de printemps », le rose et le blanc se marieront parfaitement. En le portant au contraire avec du noir ou du gris, il vous transformera en « working girl », subtilement sexy... Notre ultime conseil sera de l’associer à un maquillage assez clair ou très « nude », pour que l’effet pureté et fraîcheur soit maximum. Roxane Samaniego
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MODE & mood
Si l’on vous dit: « C’est l’histoire d’un père qui, face aux difficultés de ses filles à s’habiller tsniout, ouvre un magasin », vous trouverez probablement cela très joli… Eh bien, cette histoire est vraie ! Eh oui, c’est tout simplement celle de la boutique « Pour Mes Filles », dans le 19ème arrondissement de Paris*. Le papa, fondateur du magasin et grand amoureux du textile,
ouvre sa boutique après avoir suivi des études de commerce en tant que professionnel de l’industrie de… l’habillement bien sûr ! Avec, comme objectif principal, de rendre la tsniout accessible et de lui donner une nouvelle image. En effet, il prouve à ses filles et à la communauté, qu’être tsniout ne veut pas dire être ringarde, moche ou mal habillée. Il développe une gamme branchée, inspirée des grandes enseignes de vêtements féminins. Sa collaboration étroite avec des rabbanims et rabbanites permet à la boutique de répondre parfaitement aux besoins de la gent féminine tsniout. Mais ce qui a sans doute le plus interpellé la rédaction, c’est la gamme étendue de jupes « Pour Mes Filles ». Toutes disponibles en deux longueurs, elles sont adaptées aux « mamans » comme aux « plus jeunes ». Les modèles sont à des prix très raisonnables et la production, située en Ile-deFrance, est appréciable.
Le responsable du magasin, fils du fondateur, nous a par ailleurs confié une information capitale: toutes les filles qui le souhaitent, peuvent se présenter à la boutique avec un modèle à soumettre. S’il est validé, il sera mis en vente, portant le nom de la jeune fille et gratuit pour celle-ci ! De quoi titiller le crayon de toutes les créatrices de mode en herbe… En cette veille de Pessa’h, alors que le printemps commence à booster nos idées shopping, nous vous conseillons donc vivement d’aller faire un tour du côté de « Pour Mes Filles » !
Roxane Samaniego ** Pour Mes Filles 45 Bis rue d’Hautpoul - 75019 Paris Tél: 09 81 76 22 53 - web: www.pourmesfilles.fr
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initiatives
Valérie Bochenek est une artiste « touche-à-tout ». Créatrice de la ligne de bijoux fantaisie Oh dis-le moi (avec Stephan Martell), auteure, mime et metteur en scène, elle semble avoir tous les talents. Y compris celui, si précieux, de la vie ! EVE l’a rencontrée dans sa boutique de la rue de Nevers : un écrin original pour des bijoux qui ne le sont pas moins, subtils mélanges d’élégance et d’innovation.
Valérie Bochenek a grandi en Picardie, dans une petite ville entourée de verdure. Ses parents l’ont élevée « dans un esprit de grande tolérance religieuse ». Au collège, elle est initiée au mime et coécrit une pièce de théâtre. Quelques années plus tard, elle intègre l’Ecole internationale de Mimodrame, fondée par Marcel Marceau à Paris : cette structure permettait aux élèves d’acquérir la « pesanteur ailée »; la suspension du geste. Le souffle et la musicalité du silence... Diplômée de l’Ecole, elle travaille avec plusieurs compagnies et crée la sienne. Lors des cinquante ans de carrière de Marcel Marceau, tous les événements de célébration sont annulés. Révoltée, Valérie demande au mime: « Est-ce qu’un livre vous ferait plaisir ? ». Elle trouve un éditeur
(Somogy) et un mécène (EDF) : l’ouvrage Le Mime Marceau, Entretiens et Regards avec Valérie Bochenek*, paraît en 1997. Changeant de domaine, elle invente, avec Stephan Martell, le Tattootouch, un dispositif d’application de tatouages temporaires**. Pour le matérialiser, elle se « frotte » à la brutale réalité du monde de l’industrie… L’Attachante naît en 2005 : grâce à un système d’attache innovant, qui épouse la matière sans la perforer, le bijou peut se positionner en bordure d’un vêtement ou d’un accessoire. Viennent ensuite une première bague, puis une deuxième ; une véritable collection se dessine. « Des bijoux d’aujourd’hui, qui ne se démodent pas demain ».
Les matériaux de prédilection -argent, rhodié ou doré ; bronze, rhodié ou doré également; cristal, zircon, onyx et améthyste***-, des formes épurées et baroques, un style qui allie « une pointe de provocation à un zeste de classicisme, avec une touche de modernité », font de la ligne Oh dis-le moi des bijoux à porter, de jour comme de nuit. Suscitant une émotion, s’inscrivant dans un « moment de vie »… Ceux de la créatrice sont intenses: elle vient en effet de coécrire Ces femmes qui ont réveillé la France (Fayard), avec Jean-Louis Debré, et remontera sur scène en juin. Sans oublier un roman et une pièce de théâtre, qu’elle entend bien finaliser. Quel est donc son secret pour « investir » ainsi toutes les scènes ? Oh, Valérie, dites-le nous…
* Qui est devenu l’ouvrage de référence sur l’art du mime et relate aussi le parcours de Marcel Marceau, sa philosophie de vie et ses autres supports de création. ** Dispositif d’application de tatouages temporaires et distributeur de fluides pour la cosmétique, cette invention a remporté la Médaille d’argent du Concours Lépine 2013. *** Oh dis-le moi joaillerie a été lancée en janvier 2014. Par ailleurs, la ligne fantaisie propose également une gamme masculine.
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Lydie Levine
vive l’école
Otsar HaTorah est considéré comme un pionnier de l’éducation juive en France. La première école, ouverte à Lyon en 1964, sera suivie en 1970 par une deuxième à Sarcelles ; viendront ensuite, Créteil, Antony en 1991, Toulouse, Marseille, Strasbourg, Garges-Sarcelles et, enfin, Paris dans les 11e, 13e et 20e arrondissements. EVE a interviewé Madame Pariente, directrice des sections maternelle et primaire de l’école située au 30/34 rue du Moulin Joly, à Paris.
Depuis quand votre école existet-elle ? Mr Jean-Paul Amoyel a fondé cette école dans le quartier de Belleville en 1989 (il y a 22 ans, en septembre 1992), dont je suis la directrice académique officielle en ‘Hol (matières profanes) et Kodech (matières religieuses). Quels sont les effectifs des enfants ? Nous avons 300 enfants en maternelle et en primaire, mais les effectifs sont fluctuants d’année en année. Nous accueillons les enfants depuis l’âge de 2 ans jusqu’à 10 ans (CM2) et nous avons 15 classes sous contrat avec l’Etat, avec 2 classes pour chaque niveau. Combien de professeurs employez-vous ? Nous comptons 50 professeurs expérimentés et diplômés dans toutes les matières, mais aussi des intervenants extérieurs pour les activités extrascolaires, en maternelle et primaire : chaque semaine, en alternance, nous avons le foot, la musique, le théâtre, la poterie, la danse et la chorale. Nous bénéficions d’inspections académiques régulièrement dans l’année. Notre équipe pédagogique est très soudée, nous travaillons, comme une grande famille, en collaboration étroite. Quelle est la méthode pédagogique mise en place ? Notre objectif est la réussite de tous nos enfants. L’enfant doit réussir, quelle que soit la méthode appliquée ; globale ou semi-globale, en ‘Hol et en Kodech. En Kodech, quand l’enfant arrive
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au CP, il doit connaitre toutes les lettres hébraïques et écrire en cursive. En ‘Hol, nous suivons fidèlement le programme académique exigé par le Rectorat de Paris. Décrivez-nous la journée-type d’un enfant. Cela dépend des sections. Le matin, les enfants commencent par la Téfila, la prière, de 8h30 à 9h suivie de l’enseignement général de 9h à 11h45. Un self-service leur permet de prendre leur repas de 11.45 à 12.30 suivi de la récréation. A 13h, commencent l’enseignement du Kodèch et de l’ivrit (langue hébraïque). Dans certaines sections, le Kodech peut être enseigné le matin. Le mercredi après-midi est consacré aux activités extrascolaires dont nous avons déjà parlé. Avez-vous un thème, voire un projet pédagogique, spécifique à Otsar HaTorah ? En effet, nous avons adopté depuis dix ans déjà un projet d’école dont la finalité cette année consiste à appliquer la méthode américaine Howard Gardners des 8 Intelligences. Il existe en effet 8 sortes d’intelligences et chaque enfant ne possède pas la même intelligence qu’un autre : l’un aura une intelligence lexicale, un autre celle des mathématiques, encore un autre une intelligence corporelle, etc. Comment transmettez-vous ce projet aux enfants ? Cette année, nous avons choisi de le transmettre par le biais de la Musique du Monde et par une transversalité dans toutes les matières. Chaque enseignant rédige
son projet : par exemple, il peut opter pour la musique Country, ou la musique ‘hassidique, ou encore la musique orientale, etc. A travers ces musiques, il exploite les 8 intelligences : par exemple, la musique par l’expression corporelle, la danse, le théâtre, etc. En fin d’année 2014 (Juin), nous organiserons une journée « Portes Ouvertes » avec un spectacle et des activités pour les parents-enfants. Quelle est la motivation des parents à réinscrire leur enfant chaque année dans votre école ? La régularité, le peu d’absentéisme de la part des professeurs, et le fait que les parents soient partie prenante de notre pédagogie. Quelle est, selon vous, l’évolution de la fréquentation de votre école. Peut-on parler de mobilité géographique ? Nos enfants viennent en général de Paris (11, 19 et 20ème arrondissements) et banlieues. Nous avons un transport scolaire régulier qui facilite la vie aux parents. Vous allez organiser, prochainement un Gala à la Mairie de Paris. Oui, en présence du Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et de 300 invités (parents et donateurs). Nous le faisons pour les 18 écoles de Paris-Créteil-Antony. Nous recevrons aussi 20 délégués américains qui visiteront nos écoles. Otsar Hatorah a besoin de dons pour vivre et ce Gala est très attendu et nous donne beaucoup d’espoir.
James Adida
La pédiatrie des années 60 a vécu. Celle du 21 siècle est d’une complexité extrême… Toutefois, un certain nombre d’habitudes pédiatriques de jadis a disparu, permettant une simplification de la prise en charge courante. Quelques exemples quotidiens permettent une démythification: - Des tests rapides (grippe, streptocoque A…), très fiables, permettent de s’abstenir de traitements lourds, au cours de maladies d’origine virale. - Le régime alimentaire a, en général, peu d’importance. Quelques précautions suffisent (quantité de lait supérieure à 500ml/jour, gluten dès 4 mois, sel réduit) ! - La fièvre, dont la cause peut être sérieuse ou non, peut très souvent être respectée, et seu-
p’tites têtes
Nos petits princes et princesses ont une manière « bien à eux » de voir le monde, de le raconter ou de le mettre en images. EVE a décidé de vous présenter régulièrement quelques-unes de ces « pépites », de poésie ou d’innocence…
lement traitée en cas d’inconfort majeur. - La kinésithérapie respiratoire voit ses indications rétrécir en pédiatrie courante. À l’inverse de cette simplification, des mesures impératives, telles que le respect absolu du calendrier vaccinal des nourrissons (avec une simplification en 2013) et le mode rigoureux de couchage dans les premiers mois (sur le dos, sans couverture, pièce à 19°C…), sont à la base d’une baisse considérable de la mortalité infantile. En suivant ces indications et en consultant en cas de doute, les parents peuvent écarter leurs principales craintes. Parents détendus, bébés (et enfants) heureux ! par le docteur Guy GRINBAUD, pédiatre AIHP
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Bon appétit
Cuisinière et administratrice du groupe La Cuisine de Lily*, sur Facebook, depuis 2008 (7700 membres), je souhaite partager mon savoir-faire en matière de Cuisine juive tunisienne, artisanale et bio. Je fais moi-même tous mes produits et ne me sers que de mes mains, d’un pilon qui appartenait à ma mère, etc. Ce qui me tient à cœur c’est que nous n’oublions jamais d’où nous venons : nous avons mangé les herbes amères en rentrant en France, parcouru des chemins afin d’inculquer à nos enfants notre histoire, nos coutumes… Avant de vous proposer des recettes « de Seder », une première anecdote. A la veille de Pessa’h (qui tombait un Chabbat soir), j’ai rêvé de mon père (zal), il était devant ma porte, habillé d’un manteau beige et me dit : « Ma fille, tu ne mangeras plus les herbes amères car je serai à tes côtés »... B’’h... Hag Pessa’h Sameah à toutes et à tous et à très bientôt, pour partager mes Délices de Tunis ou d’ailleurs !
LA CHAKCHOUKA de Pessa’h 2 ou 3 oignons blancs (selon grosseur), 2 piments forts (choix) et 3 gros poivrons corne doux, rouge, vert, 3 tomates, 2 courgettes, 150 gr de fèves vertes, 3 petites gousses d’ail écrasé, 750 gr de merguez, 7/8 œufs, 2 cs de concentré de tomate ( je mets du « felfel zina », poivron rouge poudre), 5 pommes de terre (grosses), 1 cs d’harissa (maison) ou, à défaut, 1 cc de paprika doux ou fort, 2 cc de tabel ou de graines de coriandre moulu, un filet d’huile d’olive, sel et poivre. Faire revenir les oignons et les autres légumes coupés, ainsi que l’ail, ajouter la tomate concentrée, les épices, l’harissa, les pommes de terre coupées en dés assez gros, ajouter un verre d’eau ainsi que les merguez (que vous aurez dégraissées 10 mn et dont vous aurez jeté l’eau), laisser cuire la Chakchouka 45 mn et laisser mijoter à petit feu. Vérifier le sel !
Par Liliane Fitoussi-Krief
TAGINE DE CHOUX-FLEURS 1 kg de viande macreuse, paleron ou basse-côte, 3 pommes de terre, 1 chou-fleur frais ou surgelé en bouquets, 1 cc de concentré de tomate, 3 gousses d’ail, 1 oignon, 1 cc d’harissa, farine de matsa, 2 œufs pour la panure, 1 cs de poivron doux, sel, poivre, huile d’olive. Dans un grand faitout, faire cuire dans l’eau salée, 10 mn, les petits bouquets de chou-fleur que vous aurez coupés. Epluchez et coupez en rondelles les pommes de terre, les saler. Paner les petits bouquets de chou-fleur, les passer dans la farine de matsa et l’oeuf ensuite, faire frire et réserver ! Pareillement avec les pommes de terre. Dans un faitout, faire une sauce de tomates, ail écrasé, oignon émincé, harissa, huile, sel, poivre, poivron doux. Faire revenir les morceaux de viande «cachérisés», ensuite ajouter de l’eau à hauteur et faire cuire 1h : au bout de 30 mn, ajouter les choux-fleurs et les pommes de terre panés dans le faitout et cuire encore 30 mn.
émotion & saveurs
Je me souviens, lorsque Maman préparait le Chabbat elle me demandait de frire les boulettes… j’adorais ça !! J’avais 11 ans, elle me disait : « C’est honteux, une fille qui ne sait pas cuisiner » ! J’avais l’impression d’être une grande personne… J’ai gardé en mémoire chaque geste de Maman devant la gazinière, ses odeurs…Lorsqu’elle était de bonne humeur, elle faisait des gâteaux ! Des tonnes ! Cette façon de se tenir devant ses « marmites »… Je crois souvent « être ma mère » ! Je me pose une question : pourquoi chacun de nous aime la cuisine de sa maman ? Qui est bien meilleure que toutes les autres !!! Pour ce goût unique, cette épice spéciale que nos mamans ont en elles : l’amour qu’elles ressentent pour leurs enfants ! Je ne me souviens pas avoir écouté la Hagada durant mon enfance, mes parents ne pratiquaient pas la religion. Mais chaque fête était une joie, celle de déguster les meilleurs mets ! Chez nous ça sentait les gâteaux, la confiture, le pain grillé ... Ca sentait Maman... Je suis Cuisinière « de métier », de l’âge de 11 ans jusqu’à ce jour : 50 années dans la cuisine !!! Je suis fière d’exercer une activité « noble ». J’ai travaillé avec mon époux (zal), dans nos restaurants : à Montmartre, le dernier s’appelait *La bergeronnette*… J’aime le chant des oiseaux.
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Je vais vous parler d’Alger, en avril, quelques années avant que le pays ne devienne indépendant. Malgré les attentats, les grenades et les bombes, nous nous réjouissions de ce printemps qui ramenait dans le ciel un soleil clair et gai. Dans la campagne, on sentait partout l’éveil, le renouveau. Les amandiers graciles et les cerisiers étaient auréolés de neige tendre. Quant aux orangers, ils embaumaient les plaines d’un parfum sucré et entêtant qui, allié à la verdeur de l’air, nous faisait tourner la tête. C’était le quatrième jour de Pessa’h. Hier, nous avions terminé les restes des nombreux plats que nous avions préparés pour les deux premiers jours de la fête. Il nous fallait aller au marché pour faire de nouvelles courses. Plaisir des retrouvailles avec la terre ! Les étalages brillaient de couleurs fraîches, jeunes et lumineuses. Les anémones, les marguerites, les gueules de loup, les violettes, les pois de senteur et les soucis décoraient les étals des marchands. En Algérie, les fruits et les légumes étaient abondants. Toute notre tradition culinaire repose, en tout premier lieu, sur eux. Nous nous laissions d’abord tenter par l’un ou l’autre, paraissant particulièrement appétissant, et décidions ensuite du plat à préparer. Le chou vert de printemps et les fèves, nous les avions déjà cuisinés en archat pour le deuxième Seder. Ce jourlà les carottes étaient si claires et les artichauts si éclatants que nous en avons acheté pour les préparer avec du céleri-rave et du citron. Nous les servirons avec une épaule d’agneau ou un poulet rôti. Quant au dessert, il suffira de proposer quelques-uns des macarons si savoureux préparés pour le premier Séder, avec des œufs entiers et pas seulement avec des blancs d’œufs, comme sont préparés en général les macarons. Voilà donc deux recettes, pour Hol hamoëd de Pessa’h.
Coupez, à l’aide d’un bon couteau, les feuilles et les foins des artichauts pour dégager les cœurs. Citronnez-les au fur et à mesure afin qu’ils restent blancs
MACARONS AUX OEUFS ENTIERS On peut remplacer la poudre d’amandes par de la poudre de noisettes. On peut aussi moudre soi-même, dans un robot électrique, des amandes ou des noisettes sans les émonder. Ces macarons, très charnus, sont très différents de ceux qu’on achète chez les pâtissiers. 300 g de poudre d’amandes ou de noisettes, 150 à 200 g de sucre, 4 jaunes d’oeufs + 2 blancs battus en neige (choisissez des gros œufs, sinon, ajoutez un blanc d’œuf) avec 1 pincée de sel, quelques gouttes d’amande amère (ou 2 cuillères à soupe de cacao, ou 1 cuillerée de café instantané que vous diluerez dans les jaunes d’oeufs.)
puis remplissez-les avec l’ail émincé et le persil. Versez l’huile dans une cocotte et déposez dans le fond, les coeurs d’artichauts. Ajoutez le céleri-rave épluché et coupé en cubes de 3 cm de côté, le fenouil lavé et coupé en lamelles, le citron coupé en morceaux et les jus de citron. Salez et poivrez. Laissez cuire à feu doux, pendant 3/4 d’heure environ, jusqu’à obtenir une apparence très réduite.
bon appétit
ARTICHAUTS, FENOUILS, CÉLERIS-RAVES AU CITRON Pour 6 personnes : 6 beaux artichauts, 2 fenouils, 1/2 boule de céleri-rave, 1 tête d’ail, 2 cuillères à soupe de persil simple haché, 6 cuillères à soupe d’huile, 1 citron non traité coupé en six morceaux, le jus de deux citrons, sel, poivre.
Par Léone Jaffin Sortez les œufs du réfrigérateur au moins 30 minutes avant de préparer les macarons. Mélangez dans un saladier les ingrédients dans l’ordre dans lequel ils sont donnés. Si vous trouvez que la pâte est trop consistante, ajoutez un blanc d’oeuf. Parfumez avec de l’amande amère, du cacao ou du café instantané. Avec une poche à douche ou avec vos mains humides, formez de petits tas sur une feuille de papier sulfurisé ou sur du papier aluminium. Enfournez à four doux (160°) pendant 15 minutes. Les macarons doivent être à peine rosés et rester moelleux à l’intérieur. Si vous constatez qu’ils sont mous au toucher, laissezles dans le four éteint quelques minutes de plus. Décollez-les au bout de 5 minutes.
(Certaines parties de cet article ont été extraites du livre écrit par Léone Jaffin « Algérie Aimée, mes souvenirs et 222 recettes de là-bas », publié par Le Courrier du Livre.) * Hol hamoëd : [période] profane du temps fixé ; période de quatre jours (cinq en Israël) intermédiaires entre les premiers et derniers jours des fêtes de Pessa’h et Souccot.
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tu honoreras tes aînées
Evadée du Vel d’hiv alors qu’elle était adolescente, déportée à Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen, Sarah Montard dispose d’une force de vie peu commune qu’elle met au service du témoignage, en se rendant dans des collèges et lycées d’Ile-de-France et en « relatant » l’indicible. Résumé du parcours bouleversant de cette femme de caractère, auteure de Chassez les papillons noirs*.
Quand la petite Sarah Lichtsztejn naît en Pologne en 1928, ses parents sont loin d’imaginer quelle sera sa destinée. Emigrant en France alors qu’elle n’a que « 2 ans 3/4 », ils pensent échapper à l’antisémitisme et à la misère en rejoignant « le pays des Droits de l’Homme et de la Liberté ». Heureux comme D.ieu en France… Leurs premières années parisiennes** sont heureuses, malgré la pauvreté et un antisémitisme « affleurant ». Mais, en septembre 1939, la guerre éclate; après la capitulation française, les mesures anti-juives se multiplient. Jusqu’à la « rafle du Vel d’Hiv », en juillet 1942: les policiers français frappent à la porte du domicile de Sarah***. A l’intérieur du Vel d’Hiv, les personnes regroupées de force ressemblent à de « petits fantômes verts », en raison de la lumière… Sarah restera longtemps hantée par ces visages. Lorsque des vieillards et des handicapés commencent à arriver, la mère de Sarah saisit la gravité de la situation: elle pousse sa fille à s’enfuir et agit de même. Au policier qui lui demande ce
qu’elle fait là, l’adolescente répond: « Je viens voir quelqu’un ». Il lui lance : « Foutez-moi le camp ! ». Lui sauvant la vie. Sarah et sa mère restent cachées à Paris durant deux ans, jusqu’à leur dénonciation : elles sont alors envoyées à Auschwitz 2. Arrêtées le 24 mai 1944, elles reviendront en France le 24 mai 1945. Un an, jour pour jour, d’enfer et de déshumanisation. Le « transport » jusqu’au camp de concentration et d’extermination s’effectue dans des conditions atroces. Il y a des morts, les mamans n’ont plus de lait pour nourrir leurs bébés, qui étrangement ne pleurent pas… A l’arrivée, les hommes et les femmes sont séparés, ainsi que les « valides » et ceux jugés inaptes au travail (enfants, femmes enceintes, malades, personnes âgées) ; ceux-ci sont immédiatement gazés. Après la sélection et la désinfection, vient l’étape du tatouage d’un numéro sur le bras : le nom des déportées est « effacé ». Sarah découvre alors « la terre battue et la poussière du camp en été, la boue en automne, la neige et le froid glacial en hiver: la mort, les cadavres, les coups. Et l’odeur des fours crématoires, les grandes flammes rouges et la fumée noire, l’odeur de chair humaine brûlée »… Auschwitz appartient à une autre dimension du réel: un « univers » que les mots ne suffisent pas à décrire car il dépasse l’entendement humain. Une grande catastrophe. Après leur transfert par les nazis, dans des conditions épouvantables, à Bergen-Belsen –la jeune fille y croise Anne Franck, Simone
Veil et sa sœur, et y contracte le typhus- puis la libération du camp par les Anglais, Sarah et sa mère sont hébergées par une tante, à leur retour en France. Incapables de dormir dans le grand lit mis à leur disposition, elles couchent à même le sol… et ne peuvent se nourrir. On leur impose par ailleurs le silence, car il faut « oublier ». Mais, comme le dit Ida Grinspan, une autre rescapée : « On ne survit pas après Auschwitz, on survit avec Auschwitz ». A cette période, Sarah ne « veut plus » être juive: c’est à son père qu’elle doit de renouer avec sa propre culture, par le biais d’un théâtre de marionnettes yiddish. Lorsqu’elle reprend enfin des forces, son unique objectif est de « vivre, vivre, vivre » ! Elle rencontre son futur mari, qui a été résistant mais n’est pas Juif. Leurs deux enfants**** constituent un ultime « pied-de-nez » à Hitler… Depuis 1985, elle s’est fixé une mission : témoigner de l’horreur auprès des jeunes générations, les rendre vigilantes à toute forme de racisme et d’antisémitisme ; son autre combat étant celui de la transmission du yiddish. Pour conclure, Sarah cite un proverbe -yiddish !- que son père affectionnait : « On est mal tombés avec l’humanité ». Elle confie toutefois encore « croire aux autres »… Ce qui nous oblige tous à une semblable espérance. Cet article est un résumé de l’entretien accordé par Madame Sarah Montard. L’intégralité de l’interview sera mise en ligne sur le site du magazine, lorsque celui-ci aura été finalisé.
Lydie Levine
* Editions Le Manuscrit – Fondation pour la Mémoire de la Shoah. ** Dans le quartier de Belleville notamment, où se côtoyaient immigrants juifs, Arméniens, Italiens... *** Son père, qui a été arrêté auparavant et envoyé au camp de Pithiviers, dont il a réussi à s’enfuir, occupe une chambre à part, rendant visite à sa famille chaque jour. **** Sarah a aujourd’hui un arrière-petit-fils, une arrière-petite-fille [devant naître] en avril.
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grains de beauté
Les pots d’après-shampoings s’entassent sur le bord de votre baignoire ? Vous avez testé toutes les marques du marché, avec la désagréable impression d’obtenir des résultats minimes ? Soyons sincères : nous n’avons pas de solution-miracle, mais une astuce sympa à faire et plutôt concluante… Il s’agit d’une recette de grandmère, déclinée en version « masque pour cheveux ». La préparation est très facile à réaliser: - Une moitié d’avocat - Un oeuf
- Une cuillère à soupe de miel - Une cuillère à soupe d’huile (n’importe quelle variété, en évitant l’huile de friture !) On mélange le tout pour obtenir une sorte de soupe verte aux senteurs quelque peu…déroutantes. On mouille le bas des cheveux à l’eau tiède, ainsi les écailles du cheveu s’ouvrent et le masque pénètre mieux. On met une serviette sur ses épaules (l’avocat sur le pyjama, mieux vaut éviter) et on applique la préparation magique. On laisse poser minimum 30 minutes, maximum une heure. On peut emballer les cheveux dans du film plastique, une serviette chaude, un bonnet de douche, enfin dans ce que l’on
veut ! Tic, tac, tic, tac… On procède au lavage des cheveux comme d’habitude. Il se peut que vous ne voyiez les résultats qu’au second lavage, cela dépend de votre nature capillaire. A l’issue d’une ou plusieurs applications donc, vos cheveux sont brillants, soyeux, pas secs du tout. Notre conseil : préparez ce masque avec votre maman, votre meilleure copine, votre fille, entre membres de la gent féminine quoi !!! Car la quantité de masque dépasse la capacité d’une seule personne alors autant en faire profiter les autres ! Roxane Samaniego
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cultur’elle
Ce mois-ci, la rédaction vous présente deux livres, une pièce de théâtre et un « événement ». Que les fans de cinéma se rassurent: dans le prochain numéro, nous vous proposerons un « dossier » consacré au 7ème Art ! Au programme, notamment : le Festival du Film israélien (qui se déroulera du 1er au 8 avril 2014) et le film d’Alexandre Arcady, en hommage à Ilan Halimi…
« Nous étions une histoire »
« Musulmanes et Laïques en révolte » (Rencontre avec 20 femmes d’exception) Nous avons choisi de vous présenter le livre de l’une de nos collaboratrices, Monique Ayoun. Les quelques lignes qui vont suivre ne constituent donc pas une « critique ». Il nous a toutefois semblé opportun de relayer cette parution car il y est question de femmes qui luttent pour la liberté, certaines vivant tout près d’Israël. Dans ce livre, Monique Ayoun et sa co-auteur Malika Boussouf dressent une série de portraits de femmes musulmanes engagées : des Algériennes, des Tunisiennes, des Marocaines, des Egyptiennes, des Libanaises, une vingtaine de femmes au total qui se battent pour la laïcité, qu’elles soient croyantes ou athées. L’un des témoignages le plus étonnant est celui de l’Egyptienne Nonie Darwish. « J’ai passé mon enfance à
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Gaza, relate-t-elle. A l’époque où le président égyptien Nasser essayait d’unifier le monde arabe et de détruire Israël… » Son père était un officier supérieur égyptien, il organisait des unités de fedayins effectuant des raids en Israël. A l’école, les enfants étaient endoctrinés ; Nonie était devenue antisémite. Un événement a radicalement changé sa perception des Juifs : « En 1995, mon frère a eu un accident vasculaire cérébral en Egypte. [Pour] qu’il survive, il a fallu l’envoyer à l’hôpital Haddassah. Mon frère a récupéré miraculeusement 95% de ses facultés ». Je me suis alors dit : « Les Juifs ne sont pas comme on nous les avait décrits ! ». Depuis, Nonie Darwish soutient l’Etat d’Israël et a même créé, en 2004, un site internet et un forum intitulés « Arabsforisrael »…
Roman, d’Olivia Elkaim. Editions Stock. 256 pages. 18,50 € Parution : février 2014. Anita accouche d’un petit garçon : il s’appelle Orson. Le père est gaga, la famille d’Anita aussi. Elle, non. Elle ne parvient pas à aimer ce petit être. Crises d’angoisse, nuits sans sommeil, hallucinations… Le « baby blues » d’Anita est tel que son mari, médecin, lui suggère de prendre un peu le large. Ses pas la guident vers Marseille où sa grand-mère maternelle, Odette, est enterrée… D’origine sicilienne, Odette était une belle femme, excentrique et séductrice. En 1953, elle remporte le concours de « reine de beauté » à Carthage. L’aventure d’une nuit, lors de son couronnement, s’avère catastrophique : elle est enceinte et accepte de se marier mais vouera une haine féroce à sa fille Rosa qu’elle accuse d’avoir gâché sa jeunesse. Au moment de l’indépendance de la Tunisie, Odette part en éclaireur avec sa petite fille pour Marseille. Son mari la rejoint deux ans plus tard mais sa place est prise par Jo, un Corse, amant de sa femme. Trop amoureux pour rompre, il accepte cet insolite ménage à trois. Pour couronner le tout, Odette joue aux courses et boit plus que de raison. Rosa, sa fille, est aussi belle qu’elle. Cette concurrence attise sa jalousie et sa rancune. Pour fuir cet enfer, Rosa épousera, très jeune, Mimi, un jeune homme Juif d’Algérie… Anita se remémore son enfance et dénoue les fils du passé… Les flashbacks s’égrènent à doses subtiles, les phrases sont sobres et touchent juste… Recherche de l’identité, plongée dans une famille torturée, relations mère/ fille houleuses, réflexion sur la transmission active et sur la transmission passive d’un parent envers son enfant… D’une écriture épurée et fluide, ce beau roman explore ce « tsunami » que peut parfois être la maternité… Monique Ayoun
Des journées entières dans les arbres - Mise en scène par Thierry Klifa. Avec : Fanny Ardant, Nicolas Duvauchelle, Agathe Bonitzer, Jean-Baptiste Lafarge. Théâtre de la Gaîté Montparnasse. Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h30.
Marguerite Duras est à l’honneur - elle aurait eu 100 ans, et nous retrouvons Fanny Ardant éblouissante de beauté et de talent, dans un portrait de femme. Celui d’une mère passionnée d’amour pour son fils préféré (interprété brillamment par Nicolas Duvauchelle), qui se perd au Baccara et dans la vie. Quelle mère, quelle femme ! Et quel fils ! Fanny Ardant joue à la perfection. Avec joie. Nuancée et... insaisissable. Elle revient brièvement d’une lointaine
Colonie française, pour voir son fils qui repousse sa dévotion maternelle. Le rythme est vif, la mise en scène efficace. Nous n’échapperons pas à l’emprise de cet amour. Marcelle, (Agathe Bonitzer, tout en finesse), fille de l’assistance publique, jeune putain et compagne du fils, en est le témoin privilégié. Au fur et à mesure de la représentation, nous renouons les fils, doutant de ce qui s’y joue réellement: un fils étouffé qui se défend comme il le peut d’une mère exclusive ? La vie ratée ? Quels sont les enjeux, la véritable tragédie ? L’amour ravageur, fou, ou pire ? Par exemple, que cet amour ne soit pas indéfectible, éternel, qu’il puisse avoir une fin ? Pour l’un ou l’autre. Le puzzle se recompose. Les journées entières... sont aussi celles de l’enfant adoré qui, au lieu d’aller à l’école, passait son temps perché dans les arbres, sous le regard maternel, dans une adoration mutuelle. Et c’est ce qui miroite, affleure: l’enfance, l’amour fantasmé ou réel, peu importe. C’est là où, de façon inattendue, nous sommes saisis, au vif. Lieux disparus, temps lointains, révolus, larmes, trivialité, révolte, douleur, s’entrecroisent. Traversée par des airs surannés, la belle mise en scène de Thierry Klifa, sensible, et l’écriture « Durassienne », célèbrent avec force, librement cet amour fou, mythique, immémoriel. Barbara Hutt
cultur’elle
Familière de l’œuvre de Marguerite Duras, Fanny Ardant incarne une mère folle d’amour pour son fils. Un troublant portrait de femme et un grand rôle, interprété à sa création par Madeleine Renaud.
La 60ème Fête du Livre de la WIZO célèbre la pensée et l’écrit, en faveur des enfants d’Israël
Pour fêter les 60 ans de sa Fête du Livre, la WIZO a choisi de s’appuyer cette année sur la Librairie Éphémère®. Fruit de la rencontre de sa créatrice, Monik Kern, avec la présidente de la WIZO, Joëlle Lezmi, la manifestation s’est déroulée dans une atmosphère chaleureuse, remportant un vif succès. Accueillie cette année dans les Salons de la Mairie du 3ème arrondissement, cette manifestation culturelle a deux objectifs : permettre aux auteurs et aux lecteurs de se rencontrer, et recueillir des dons destinés aux divers instituts de la WIZO. En 2014, pour la première fois, une seule structure a été sélectionnée : le centre thérapeutique Ahuzat Yeladim de Haïfa, qui prend en charge des enfants et adolescents ayant subi de graves traumatismes psychiques. Le concept spécifique de la Librairie Ephémère® –une vente
de livres et des séances de dédicaces, complétées par des animations ludiques reliant l’écriture, la main et les enfants, ainsi qu’une « pause gourmande »- a permis à un public familial de profiter pleinement de cet espace de fête ! Autre originalité : la sélection des ouvrages intègre le critère de judéité, mais parfois de façon ténue; ainsi, le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus –nonJuif, dont la famille comprend des Justes-, y avait-il toute sa place. Parmi les 87 auteurs présents,
signalons notamment la présence de Myriam Anissimov, Evelyne Bloch-Dano, Sorj Chalandon, Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek, Gérard de Cortanze, Frédéric Encel, Frédéric Haziza, Andreï Makine, Sandrine Treiner, Tobie Nathan, Karine Tuil…la liste est non-exhaustive ! Et celle des peintres Raya Sorkine, Francine Mayran, Valérie Aboulker, et du calligraphe hébraïque Michel d’Anastasio. Une formule s’impose : rendezvous, l’année prochaine…à Paris ;-) ! Lydie Levine
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grandes héroïnes
Crédit photo © Emmanuelle Friedmann
Rien n’a jamais entamé le courage ni la détermination de cette femme hors du commun, chasseuse de nazis dans le monde entier. Avec modestie, elle raconte ces décennies d’engagement aux côtés de l’homme qu’elle aime. Comment avez-vous été amenée à vous engager aux côtés de votre époux dans cette lutte pour la mémoire et contre les anciens criminels nazis ? BK : J’avais 21 ans lorsque je suis arrivée à Paris comme jeune fille au pair. Je venais d’un milieu berlinois petit-bourgeois, mes parents n’avaient été ni nazis ni résistants. Moi, je rêvais de découvrir autre chose que Berlin, ce champ de ruines sur lequel j’ai grandi. À Paris, j’ai rencontré Serge, ce qui a sûrement été le moment le plus marquant de ma vie. Il m’a
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tout de suite raconté que son père était mort à Auschwitz, j’ai découvert la Shoah dont j’ignorais tout. Il m’a alors semblé que je n’avais pas d’autre choix que de m’engager. Je ne me sentais pas coupable, mais responsable, parce que je faisais partie d’un peuple qui a tué six millions de Juifs. Racontez-nous l’histoire de la gifle ? En 1966, Kiesinger, l’ex-responsable de la propagande hitlérienne, a été élu chancelier en Allemagne. Avec Serge, nous avons tenté d’alerter les médias, les politiques, j’ai écrit dans Combat, mais nous avions partout la même réponse : « On ne peut rien faire, il a été élu démocratiquement ! ». J’ai même été révoquée de l’Office franco-allemand de la jeunesse où je travaillais ! C’est
difficile à imaginer aujourd’hui, mais à cette époque-là nous étions complètement seuls, personne ne voulait s’engager. Nous avons compris qu’avec des méthodes traditionnelles nous n’arriverions à rien. Nous avons donc choisi le geste symbolique de la gifle lors du congrès fédéral de la C.D.U. à Berlin, en 1968. J’ai eu de la chance de réussir ! Kiesinger avait des gardes du corps. J’ai été arrêtée et condamnée à un an de prison ferme ! C’était tellement disproportionné. J’ai finalement été relâchée, nous avons réussi à l’écarter du pouvoir. Et cela a été le début d’une longue traque des anciens nazis à travers le monde ? Oui, les uns après les autres, Quelques années plus tard, en 1970, nous avons appris qu’Achenbach allait être pro-
Vous avez également travaillé au sein de l’association que vous avez fondée, « Fils et filles de déportés juifs de France », sans relâche, au service de la mémoire. Nous voulions transmettre cette mémoire, expliquer, donner corps aux disparus en retrouvant leurs noms, en montrant leurs photos. Aujourd’hui il y a beaucoup de lieux où l’on peut apprendre. Des enfants que l’on aura accompagnés dans la visite du camp d’Auschwitz, du camp des Milles, au musée de la Shoah, comprendront l’enjeu de cette histoire. Vous vous êtes présentée à la présidence de l’Allemagne ! Je n’avais aucune chance d’être élue présidente, mais l’action était symbolique surtout après avoir été condamnée à un an de prison ferme… D’ailleurs, contrairement à La France et à Israël, l’Allemagne ne vous a jamais témoigné de
signes de reconnaissance. Effectivement, je crois que l’affaire de la gifle est encore dans les esprits. Mais en revanche, en France, depuis Mitterrand, tous les présidents nous ont décorés. Serge va bientôt être grand Officier de la légion d’honneur et moi, Commandeur. François Hollande est d’accord pour nous décorer en même temps ! Comment êtes-vous parvenue à concilier votre vie de militante, de femme et de mère ? Lorsque nous nous sommes mariés avec Serge, dans les années 60, un français, une allemande, juif et non juive, ce n’était pas courant ! C’est peut-être pour cela que nous avons eu une vie de famille extraordinaire. Il faut dire que nous avions les mêmes buts dans la vie. Nous avons eu deux enfants formidables, Arno et Lida, qui se sont engagés auprès de nous. Bien sûr, il pouvait y avoir du danger, nous avons été victimes de deux tentatives d’attentat, j’ai pris des risques, lorsque je suis allée dans les pays arabes, en Amérique du Sud… Mais à chaque fois nous annoncions ma visite avec un communiqué de presse qui me protégeait un peu. Ce n’était certes pas facile de laisser les enfants mais j’ai la chance d’avoir une belle-mère extraordinaire. Craignez-vous la montée de l’antisémitisme et de sa version « politiquement correcte », l’antisionisme ? Oui, il y a eu la tuerie de Toulouse. Et plus récemment, qui s’est vraiment ému que l’on crie « sale Juif » durant une manifestation ? Et, lorsque Manuel Valls
grandes héroïnes
posé comme délégué à la CEE. Il avait contribué en France à la déportation de Juifs polonais, travaillé aux côtés de Laval et de Pétain. Nous avons fait le nécessaire pour interdire cette nomination. Il y a eu ensuite la traque de Kurt Lischka, Herbert Hagen. Nous avons travaillé sur des traités, pour être certains qu’ils ne seraient pas acquittés, et assisté au procès de Cologne. Nous avons été les seuls à aller à Damas pour protester contre la présence d’Alois Brunner, chef du camp de Drancy, en Bolivie où se trouvait aussi Klaus Barbie. Pour nous aider, il n’y avait que ceux qui avaient perdu leur famille durant la guerre. Il ne s’agissait pas de vengeance, mais bien de justice.
a eu le courage de donner un coup d’arrêt au spectacle antisémite de Dieudonné, sa côte de popularité a chuté brusquement. L’antisémitisme n’est plus seulement l’affaire des banlieues, mais des extrêmes, gauche et droite et il s’étend en Europe. Regardez la Hongrie, l’Ukraine ! En Israël, on discute déjà d’accepter tous les Juifs ukrainiens qui se sentiraient en danger et voudraient immigrer. Aujourd’hui, on se demande pourquoi personne n’a su détecter les signes de la montée du nazisme dès 1933. Les choses ne se reproduiront jamais de la même façon, mais il faut rester vigilant et se souvenir qu’en France, 76000 juifs ont été déportés. Comment expliquer cette critique systématique d’Israël ?
On mélange un peu tout, Dieudonné se moque de la Shoah, les jeunes de banlieues soutiennent les palestiniens face à Israël sans connaître rien à la situation ni de l’histoire. Je pense qu’il y a beaucoup de jalousie face à ce pays qui a réussi. Il y a un nombre de prix Nobels impressionnants, c’est un pays à la pointe du progrès du point de vue technologique, les gens sont travailleurs ! C’est une démocratie, à la différence des pays voisins. Vous qui n’êtes pas juive, vous sentez-vous juive ? J’aime beaucoup l’idée de ces mélanges dans notre famille, luthérien, Juif, français, allemand, Serge et Arno ont le passeport israélien et ma fille, aujourd’hui maman de deux enfants, est mariée avec un italien catholique. Emmanuelle Friedmann
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les pionnières
Premier volet : Les Filles Au début des années 80 quatre filles se sont rencontrées à Paris. Elles avaient pendant leur adolescence, partagé les rêves généreux des jeunes de la décennie précédente : militantes féministes ou sympathisantes, leurs opinions se situaient carrément à gauche. Et puis, aussi, elles étaient juives et donc, «les filles de leurs parents»… Sonia, à l’âge de 17 ans, avait fondé « Libération » avec des copains. Pas le journal, non, le mouvement anarchiste… juif. Ni D.ieu, ni maître, mais juifs quand même. Joyce, militante à la LCR, avait claqué la porte quand, se rendant à un meeting sur la paix au Proche Orient, elle s’était rendue compte que la solution proposée était la destruction d’Israël. Elle ne regrette rien. « On était tous créatifs, géniaux. On se déplaçait en horde, on n’était jamais solitaires, on voyageait sans arrêt, le plus inventif, le plus dynamique c’est celui qu’on suivait ». La liberté sans entrave ? « Heu… non. Dans ma tête, il y avait la voix de ma mère : « Si tu fais ca, je te tue ! » Tsiporah, radicale, voulait changer les rapports entre les êtres humains, abolir la famille nucléaire et patriarcale, entité bourgeoise et réactionnaire. Elle voyageait beaucoup, à l’économie. Un jour, dans un train, elle n’a pas de place assise alors qu’épuisée, elle n’a pas dormi depuis plus de 24h. Elle pourrait s’allonger à même le sol comme les autres jeunes. « J’ai vu les gens par terre qui dormaient, ils ne se réveillaient même pas quand on les enjambait pour passer, on trébuchait sur eux. Je me suis dit: si mon père me voyait allongée parmi ces gens, il en pleurerait. Et je suis restée debout pendant tout le trajet. Pour moi, ça m’était égal,
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mais la fille de mon père ne le méritait pas. Après ça, j’ai décidé de me ménager ». Ce que décrit Tsipora ne manquera pas d’évoquer à certains, ces photos des camps où l’on voit des gens allongés, serrés les uns à côté des autres. Le père de Nelly, officier de la France Libre, était parmi les libérateurs des camps. Même si Nelly était réfractaire à la notion de religion, elle considérait néanmoins qu’elle appartenait à un peuple. Elle adhéra donc à un mouvement « quelque part » à l’extrême gauche de l’Hachomer Hatsair, sioniste et athée. « Qu’est-ce que ça veut dire d’être sioniste et athée ? », demandait-elle. « Quel droit avons-nous sur cette terre après une si longue absence ? ». Elle n’était pas satisfaite des réponses: « Soit il faut admettre que le sionisme est un colonialisme, soit il existe de meilleures raisons de nous rassembler là-bas. » « …Trouve-toi un maître, acquiers un ami ». « Aseh lecha rav ve kne lecha haver »* Tsipporah se sentait fatiguée et un peu découragée. Elle s’était rendue compte que l’homme ne se laisserait pas réformer par simple volonté politique. Les utopies communautaires se sabordaient dans les luttes de pouvoir, dans les disputes et les mesquineries, Comment changer le cœur de l’homme autrement que par la révolution? « Après des années d’études de philo et de discours politiques je voulais agir, faire. Quand j’ai entendu « Na’asse ve Nishma » (littéralement « faisons et nous entendrons-comprendrons »), les mots prononcés par le Peuple d’Israël lors du don de la Torah, j’ai compris que c’était le seul moyen de changer. Parallèlement, Sonia parcourait un chemin semblable, « J’avais
été élève de l’école Akiba à Strasbourg : un cursus riche sur le plan de l’identité, mais pauvre en sources, je savais qu’i l y avait un savoir immense que je n’avais fait qu’entrevoir. Je voulais me trouver un maître en étude et persuader Tsiporah et d’autres, de se joindre a moi. Parce que je savais qu’on ne peut pas étudier seul. » Tsipora : « Moi je n’avais pas envie d’étudier. Pour moi, l’étude c’était la philo à la Sorbonne. Un vieux bonhomme qui raconte des trucs qui n’ont aucun rapport avec la vraie vie, que personne même pas le prof n’a l’intention d’appliquer dans son existence quotidienne. C’était la mort, quoi! » Un situationniste (Raoul Vanegeim) a dit : « Ceux qui parlent de révolution et de lutte de classes sans se référer explicitement à la vie quotidienne […] ceux-là ont dans la bouche un cadavre ». J’ai entendu le Rav Levy (qui fut également leur maître) dire : «Ceux qui étudient la Torah sans en référer a leur vie quotidienne ont dans la bouche un cadavre». Le’Avdil je me suis demandé si c’était une coïncidence ou si les situationnistes avaient fait leur marché chez nous... Qu’est-ce qui t’a convaincue à la fin dans la proposition de Sonia? « Elle proposait de faire quelque chose. J’étais d’accord pour au moins essayer ». Avec le recul ça valait la peine ? «Bien sûr que ça valait la peine ! Et ce, bien qu’à l’époque, j’hésitais. Cela n’empêche qu’aujourd’hui -35 ans plus tard- j‘étudie encore. Vraiment, c’est-à-dire en hevrouta (binôme). Et j’enseigne aussi ». Qu’est-ce que vous faisiez à ce moment-là ? Tsipora ; J’étais directrice d’un centre communautaire pour étudiants juifs.
les pionnières
niste ? Unanyme : Pas du tout ! On ne pensait pas à ça. Joyce : J’ai été membre des « Féministes Révolutionnaires » (à ne pas confondre avec le Mouvement de Libération des Femmes, marque déposée par Antoinette Fouque). Ma philosophie c’est que les femmes sont capables, leurs vraies limitations ce sont elles qui se les imposent. J’ai appris les mathématiques, la plomberie, l’électricité. Apprendre à faire une installation électrique ce n’est pas une revendication contre les électriciens, c’est cesser de se donner des excuses pour se limiter soimême. Le plus grand obstacle à la responsabilisation des femmes, c’est dans la tête des femmes elles-mêmes. Si on veut acquérir des connaissances on n’a pas besoin d’appeler les grands mots à la rescousse et de parler d’hostilité. Moi, je venais de découvrir un monde nouveau et je voulais pouvoir l’explorer, rien n’aurait pu m’en empêcher. Tsipora : On était sans arrogance. Sonia : Ce que j’ai dit au Rav Eliahou, « Nous aussi on a reçu la Torah »… Sonia : Je faisais des études de sociologie et de théâtre. Nelly : J’en avais marre de ma province, j ai décidé de finir mes études a Paris. C’est à ce moment-là que j’ai revu Sonia, mon amie d’enfance. Joyce (qui se joindra au groupe un peu plus tard): J’étais administratrice de la troupe de JeanMarie Binoche (le père « de »), Les Chevaux de Feu, et également économiste chargée d’étude au ministère des Affaires sociales. Et puis, je préparais, avec Emile Weiss, le Premier Festival International de la Culture Juive. Sonia décide de faire appel à un ex-enseignant de l’école Akiba, devenu depuis le directeur de la Yeshiva des Etudiants à Strasbourg : le Rav Eliahou Abitbol. Elle lui écrit une lettre où elle lui demande de leur enseigner « comment on peut élaborer une Alakhah à partir du texte de la Torah ». Sonia : Si on remet les choses dans le contexte, c’était très
gonflé. L’attitude du Judaïsme traditionnel vis-à-vis de l’étude des femmes, est pour le moins ambivalente ou hostile. Tsipora : Rav Eliezer dit « Celui qui enseigne à sa fille la Torah lui enseigne des sottises (tiflout) ». En effet, si l’étude de certaines parties de la Torah par les femmes est regardée parfois comme un mal nécessaire, dans un but de transmission et d’exécution correcte des mitsvot, l’étude des commentaires qui permet l’élaboration de la loi (Gemarah) est fortement déconseillée pour ne pas dire interdite aux femmes**. Et c’est justement, ce que cette lettre demandait, sans vraiment en appréhender « l’impropriété ». Tsipora : Pour couronner le tout, à l’exception de Sonia, on savait à peine déchiffrer les lettres hébraïques. Pour tout autre que Rav Eliahou, ça aurait pu ressembler à une plaisanterie.
Pas d’arrogance, sans doute. Elles étaient beaucoup trop sincères pour en être affligées. Elles étaient peut- être, en revanche -comme aurait dit ma mèrejuste un petit peu « culottées » ;-) Mais le président Mao ne disait-il pas : « Ne craignez pas les tigres de papier »… La suite dans le prochain numéro d’EVE… * Pirkei Avot -littéralement « Fais un maître pour toi et achète-toi un ami »- veut dire aussi « Fais de toi-même un maître ». ** Voir, à ce propos, l’article du Rav Zizek. http://yechiva.com/index.php/ pensee-juive/letude-de-latorah/2-quen-est-il-de-letudedu-talmud-pour-les-femmes Edith Slama
Est-ce que c’était une demande à placer dans le contexte fémi-
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«santé»-vous bien
En cette veille de Pessa’h, nous avons choisi de vous faire découvrir une technique de massage encore peu connue en France, bien qu’elle s’y développe rapidement: le AMMA assis, par acupression japonaise.
Revenons au AMMA : durant ce massage « bien-être », on reste habillé et l’huile ou la crème ne sont pas nécessaires. Il peut durer de 5 à 30 minutes. Il consiste en une succession de pressions, de balayages et de percussions.
D’origine chinoise, le massage s’est développé au Japon sous le nom de AMMA, littéralement « calmer par le toucher ». Notons qu’au 18ème siècle, la quasitotalité des praticiens étaient aveugles... Et ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale qu’une forme particulière, le shiatsu, s’est mondialement répandue.
Pour le tester, nous avons rencontré Stéphanie Bloch*, chez elle, au « Salon Basfroi ». Elle jongle avec deux petits garçons, une carrière de chanteuse et son activité de praticienne**. La séance commence : Stéphanie nous masse le dos, les bras, les mains, la nuque et, pour notre plus grand plaisir, la tête ! Elle effectue ses gestes de manière chorégraphiée, accompagnée d’une playlist qu’elle a ellemême concoctée… Résultat : après le massage, on se sent zen, apaisée. La détente est totale mais l’on est hyper dynamique ! Ce type de massage peut être réalisé dans des contextes variés: mariages, bar/bat-mitzvah, anniver-saires, enterrements de vie
de jeune fille, ou en entreprise. La séance, qui détend et stimule, offre en effet une véritable « performance bien-être »… Stéphanie exerce d’ailleurs régulièrement son activité dans ce cadre. La rédaction conseille donc ce massage à toutes les mamans pressées, aux femmes actives, aux futures mariées et à toute personne souhaitant s’accorder 30 minutes de réelle détente, y compris les hommes !!! Roxanne Samaniego
* Stéphanie Bloch tel : 06 10 03 97 24 www.facebook.com/AmmaDeStephanie http://tigre-yoga.com/praticien/stephanie-bloch/ ** Elle est certifiée et membre de la fédération de massage assis.
judaïsme
Comment se préparer pour Pessa’h ?
La vente
« ‘Hamets » signifie du grain fermenté. À Pessa’h, non seulement nous ne mangeons pas de ‘hamets, mais nous ne devons pas même en posséder. Si un aliment ou une boisson contient ne serait-ce que des traces de blé, orge, seigle, avoine, épeautre et leurs dérivés et n’a pas été empêché de lever ou de fermenter, c’est du ‘hamets. Ce qui signifie que n’importe quelle nourriture fabriquée industriellement de nos jours est présumée ‘hamets, sauf si elle est certifiée ne pas l’être. Le problème est que nos maisons en sont infestées. C’est pourquoi nous nous lançons dans une mission d’extermination à travers un grand nettoyage de printemps les semaines qui précèdent Pessa’h. Nous attaquons tous les endroits où la nourriture peut pé-
nétrer (laissez tomber les endroits où la nourriture ne rentre jamais). Nous déplaçons les meubles, cuisinières et réfrigérateurs, cherchons sous les coussins des canapés et frottons les chaises, les placards et les étagères. Ensuite, il y a le bureau, les poches des manteaux et la voiture. Mais la cible principale est, bien sûr, la cuisine. Après l’avoir nettoyée, recouvrez toutes les surfaces entrant en contact avec la nourriture avec de l’alu ou du papier. Il vous faudra des ustensiles et des appareils électroménagers spéciaux pour Pessa’h. Si cela représente trop, sachez que certains ustensiles peuvent être rendus cachères pour Pessa’h. Renseignez-vous auprès du rabbin de votre communauté.
Maintenant vous vous dites, « Et qu’en est-il de mon whisky Ballantine’s 30 ans d’âge et de la tour Eiffel en bretzels de mon fils ? » Pour ces choses-là, il y a une alternative : assurez-vous simplement qu’elles ne vous appartiennent pas pendant Pessa’h. Prenez le ‘hamets que vous voulez conservez – soit les aliments, les boissons et les ustensiles utilisés pendant l’année (et non rendus cachères pour Pessa’h) – et rangez-les dans un placard ou une pièce que vous verrouillerez ou scellerez avec du scotch. Puis donnez pouvoir à un rabbin expérimenté pour en faire une vente légalement valable, aussi bien du point de vue de la loi juive que du droit civil (Vous pouvez le faire en ligne). Il vendra votre ‘hamets juste avant Pessa’h et le rachètera dès que la fête sera terminée. La nuit qui suit la fin de Pessa’h, vous pourrez ouvrir cette bouteille de whisky pour faire le’haïm.
Le summum de l’horreur en Egypte fut atteint avec le décret de Pharaon d’assassiner tous les nouveau-nés mâles et les bains qu’il prit dans le sang des enfants juifs. Si le travail physique était éreintant, l’atteinte morale n’en était pas moins dramatique. La cellule familiale était éclatée : les épouses étaient séparées de leurs maris qui devaient demeurer sur leurs lieux de travail dans de lointains champs. Un groupe d’esclaves, cependant, ne se laissa pas abattre et conserva par devers tout une étincelle d’optimisme. Ces esclaves conservèrent leur dignité humaine et continuèrent à croire en une vie meilleure. Ils encourageaient quotidiennement leurs familles avec une énergie surhumaine, et restaient confiants que leurs prières seraient exaucées. Ces esclaves étaient les femmes juives. « Par le mérite des femmes vertueuses de cette génération, nos ancêtres furent délivrés d’Égypte. » Après une journée de
travail épuisant, les femmes polissaient leurs miroirs et les utilisaient pour se faire belles pour leurs maris. À la nuit tombée, les femmes se faufilaient dans le camp des hommes, leur apportant de la nourriture chaude et fortifiante. Elles faisaient chauffer de l’eau dans les champs et baignaient les blessures de leurs maris. Elles avaient des paroles douces et apaisantes. De nombreuses femmes conçurent lors de ces visites, donnant ensuite naissance aux enfants qui allaient assurer la continuité du Peuple Juif. Comment ces femmes juives ont-elles pu garder espoir dans cette situation désespérée ? Elles avaient un chef et un guide. Son nom était Myriam. Le Talmud commente : « Israël eut trois excellents chefs. Ce furent Moïse, Aaron et Myriam. » Myriam était le guide des femmes. Sa méthode était d’être un exemple vivant. D’où tirait-elle son courage et sa vision ? Le nom de Myriam porte deux significations qui expriment toutes deux
les qualités de son caractère. La première, qui dérive de la racine hébraïque mar, est « amertume ». Myriam était née à une époque où l’oppression de l’exil était à son paroxysme. Née dans la pire période d’asservissement, Myriam ressentait l’amertume et la douleur de son peuple. L’autre signification de son nom est «rébellion» (de la racine meri). Jamais elle ne s’abandonna à la peur ou au désespoir. Bien qu’elle fût exposée à la cruauté la plus abjecte, elle ne céda jamais à la corruption morale ou à l’abattement. Avec courage et volonté, elle fut la gardienne vigilante de la foi en la rédemption promise. Myriam nous est présentée au moment où le nouveau Pharaon monte sur le trône d’Égypte. Il s’adressa aux sages-femmes juives : le nom de l’une était Chifra et celui de l’autre, Poua. Les noms de ces sages-femmes étaient Yokheved et Myriam. Yokheved (la mère de Myriam) était appelée Chifra parce qu’elle
Amram fit venir sa femme sous une magnifique ‘houpa (dais nuptial). Aaron et Myriam dansaient et chantaient devant eux, comme devant une jeune mariée. Myriam, par pure prophétie,
chantait sans interruption : « Ma mère va enfanter un fils qui délivrera Israël ! » Bien que Yokheved fût âgée de 130 ans, sa jeunesse lui revint miraculeusement et elle retrouva la beauté de ses quinze ans. Lorsque Yokheved ne put cacher plus longtemps le petit Moïse, elle lui prépara un berceau d’osier… y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux sur la rive du fleuve. Sa sœur (Myriam) se tint à distance, pour observer ce qui lui arriverait. Lorsqu’elles abandonnèrent Moïse sur le fleuve, Yokheved, démoralisée, dit à Myriam : « Ma fille, où est ta prophétie maintenant ? » Mais Myriam s’obstina dans son optimisme. Elle se tint au bord du fleuve non pas pour voir si, mais comment sa prophétie se réaliserait. De nombreuses décennies ont passé, et nous nous trouvons sur les rivages de la Mer Rouge. D.ieu ouvrit miraculeusement la mer, sauvant Son peuple et noyant ses ennemis. Le peuple juif, sous la direction de son chef, Moïse, entonna la Chirat Hayam, un cantique exprimant sa gratitude et la grâce qu’il rendait à D.ieu. Mais, lorsque Moïse et son peuple eurent conclu leur chant, survint quelque chose d’inexplicable. « Et Myriam, la prophétesse, sœur d’Aaron, prit dans sa main le tambourin, et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des danses. Moïse et les hommes avaient chanté leur cantique. Puis Myriam et les femmes s’étaient levées pour chanter le leur. Les hommes avaient chanté avec leurs voix. Mais le chant des femmes fut composé de voix, de tambourins et de danses. Les cœurs des
judaïsme
était experte dans l’art d’embellir (de la racine hébraïque chafar) et de laver le nouveau-né. Myriam était appelée Poua car elle avait l’art de parler et de calmer les bébés qui pleuraient sans cesse à la naissance. Telle était Myriam, la mère de la rébellion. Elle se rebellait contre le statu quo, combattait l’apathie et la cruauté. Un autre événement de l’enfance de Myriam reflète encore sa force de caractère et sa capacité à se dresser contre le statu quo et à garder espoir malgré les circonstances difficiles. Le Talmud relate que lorsque Pharaon décréta que les bébés soient jetés dans le Nil, Amram, le père de Myriam, décida de divorcer de sa femme. En tant que figure centrale du peuple juif en son temps, l’attitude d’Amram constituait un exemple pour tous ceux de sa génération. Si aucun enfant ne naissait, des bébés innocents ne seraient pas tués. Tous les hommes de cette génération suivirent l’exemple d’Amram et divorcèrent de leurs épouses. Myriam, qui avait alors six ans, s’approcha de son père et s’écria : « Père ! Ton décret est pire que celui de Pharaon. Lui n’a condamné que les garçons, mais toi tu as décrété que notre peuple sera dépourvu aussi bien de garçons que de filles ! Tu dois ré-épouser ta femme qui est destinée à avoir un fils qui délivrera Israël ».
femmes étaient épris d’une plus grande joie et leur chant aussi fut plus complet. Quel fut l’apport des femmes dans le chant ? Pourquoi le cantique de Myriam et des femmes surpassa-t-il celui des hommes ? Tout simplement parce que les femmes vertueuses de cette génération croyaient profondément que D.ieu ferait pour elles des miracles et elles avaient emporté des tambourins d’Égypte. Qu’est-ce qu’elles serrèrent contre leurs corps usés, fatigués et torturés en quittant l’Égypte ? Des tambourins. Du fond de leur misère, ces femmes ne perdirent pas de vue leur idéal. Portant le deuil de leurs enfants massacrés avec leur sensibilité féminine plus douloureusement encore que leurs maris, les femmes trouvèrent la force de ne pas perdre espoir. Ces femmes éveillèrent en elles-mêmes l’esprit rebelle de Myriam. Elles se rebellèrent contre la dépression qui aurait dû découler naturellement d’un tel malheur. Elles se rebellèrent contre l’apathie et contre le découragement. Elles attisèrent la flamme de l’espoir au fond de leurs âmes jusqu’à ce qu’elle devienne le feu dévorant et inextinguible de la foi. Plus amères devenaient leurs vies, et plus leur foi se renforçait. Telle fut la force de Myriam : une force féminine qui grandit de l’amertume et de la rébellion. Telle fut la force des femmes qui quittèrent l’Égypte, avec leurs tambourins et leurs danses de joie et de foi. Et telle est la force de toutes les femmes juives encore aujourd’hui, par le mérite desquelles nous verrons très bientôt Machia’h !
société
Israël Adina Bar Shalom songe à être candidate pour être Présidente de l’Etat d’Israël: une première ou presque en tant que femme, une révolution dans le monde ultra-orthodoxe Qui est Adina Bar Shalom ? Adina Bar Shalom est une femme singulière qui œuvre pour l’éducation et la formation professionnelle des femmes d’abord, et des hommes ensuite, au sein du monde haredi, ultra-orthodoxe, ainsi que pour une meilleure intégration de cette communauté, en évolution démographique, au sein de la société israélienne. Femme de rabbin, elle est la fille aînée du rabbin Ovadia Yossef (1920-2013), ancien Grand Rabbin Séfarade de l’Etat d’Israël, qui fonda le parti ultra-orthodoxe séfarade Shass et qui, jusqu’à son décès en octobre dernier, fut le leader incontesté du monde juif séfarade en matière de référence rabbinique contemporaine. Les obstacles Il y a peu, Adina Bar Shalom, 69 ans, femme de rabbin et mère de trois enfants, a exprimé son désir d’envisager de se présenter comme candidate à la Présidence de l’Etat d’Israël puisque le mandat de Shimon Peres se termine en juillet 2014 et que les élections pour la nomination d’un nouveau Président par les députés de la Knesset (Assemblée législative) se tiendront en avril prochain. Pour l’heure, elle tâte le terrain et cherche des soutiens auprès des députés du Shass et au-delà, car il lui faut le soutien de dix députés pour déposer sa candidature. Et si le Shass compte 11 députés, elle n’est pas certaine d’obtenir leur approbation puisque leur attitude à son égard est ambivalente. D’un côté, il n’y a eu, jusqu’à présent, aucune femme députée au Shass comme dans les autres partis ultra-orthodoxes d’Israël tels que « Yaadout HaThora », l’ac-
tuelle formation ashkénaze (7 députés). En effet, dans ces milieux, les femmes ne se présentent pas comme candidates et ne représentent pas leurs communautés. « Selon notre vision, une femme ne peut être députée à la Knesset » a déclaré le député Shass, Nissim Dahan. Il reflète ainsi le point de vue quasi exclusif parmi les leaders du monde ultra-orthodoxe en déclarant : « Une femme ne peut être exposée au regard de la sphère publique », désapprouvant le fait qu’elles tiennent des responsabilités publiques. Des femmes orthodoxes ont récemment (et c’est aussi une première) protesté contre cette vision discriminative aussi bien dans le monde ultra-orthodoxe séfarade qu’ashkénaze, en lançant aux dernières élections législatives de janvier 2013, le slogan : «Pas éligibles, pas de vote». De plus, elles avancent que «si elles sont dignes de gérer des écoles, d’exercer d’autres métiers à responsabilité et de faire vivre leurs familles et leurs maris afin qu’ils se consacrent à l’étude de la Torah et du Talmud, elles peuvent aussi être éligibles. Elles menacent de ne pas voter ou de voter pour d’autres partis qui partagent leur vision». D’un autre côté, le Shass a déjà fait savoir que « si Madame Bar Shalom va de l’avant, la question de sa candidature sera soumise à l’examen du conseil des sages du parti». Même si la fonction présidentielle est symbolique, elle revêt une dimension honorifique et morale importante. Le Président représente l’Etat hébreu durant sept ans mais joue également un rôle dans le fait d’aider le Premier Ministre à trouver une coalition gouvernementale après les élections. Et on sait que la tâche est
Le troisième obstacle est à la fois un atout et un handicap. Si la candidature de Bar Shalom était confirmée, la présence de la famille Yossef serait très visible à la tête de l’Etat d’Israël car son frère Isaac est déjà l’actuel Grand Rabbin Séfarade d’Israël. Il s’agit aussi d’un atout -l’ascendance familiale, très prisée dans les milieux ultra-orthodoxes -, d’un membre issu de l’aristocratie séfarade -une fois n’est pas coutume-, au sommet de l’Etat d’Israël ! Mais cela pourrait être vu comme une tendance népotique par d’autres députés. Les atouts Il reste que la candidature d’Adina Bar Shalom est en soi véritablement une révolution et une évolution pour le leadership des femmes dans l’Etat d’Israël et le monde juif. C’est la première fois qu’une femme, qui plus est ultra-orthodoxe, se présente à ce niveau. « Je n’ai aucun doute que les femmes ultra-orthodoxes seront les leaders dans l’avenir (…) » a affirmé Adina Bar Shalom, en ajoutant : « Le leaderhsip féminin est nécessaire dans notre société ». Un autre atout primordial de Mme Adina Bar Shalom serait le pont qu’elle pourrait représenter entre la société laïque ou traditionnaliste et le monde ultra-orthodoxe. Et c’est là un point essentiel, surtout au moment où se pose la délicate question de l’enrôlement dans l’armée des Juifs ultraorthodoxes, dispensés jusque-là de cette obligation nationale, enrôlement dont le projet de loi suscite de violentes réactions de
société
israël
délicate dans un pays multi partis où les résultats se jouent à la proportionnelle. Le Shass ne peut qu’être sensible à cet aspect des choses d’autant plus qu’Adina Bar Shalom est la fille de leur feu et incontesté leader. Le deuxième obstacle que devra franchir Adina Bar Shalom est bien évidemment la concurrence avec les autres candidats déclarés ou pressentis. Elle a d’ailleurs déclaré qu’elle attendait « de voir qui sont les candidats avant de prendre sa décision ». Parmi eux, il y a Dan Shechtman, chercheur au Technion de Haïfa et Prix Nobel de chimie en 2011. « Une pétition en ligne en sa faveur a obtenu plus de 10.000 signatures en quelques jours, selon le journal Maariv. Reuven Rivlin (député Likoud), Silvan Shalom, l’actuel vice premier ministre et Ministre du Développement du Néguev et de la Galilée, de l’Eau et de l’Énergie et de la Coopération régionale et Benjamin Ben Eliezer (député du Parti travailliste et ancien ministre à plusieurs reprises) sont de potentiels candidats. Il y a également le charismatique Nathan Sharansky, ancien refuznik, ancien député et actuel Président de l’Agence Juive. Si ce sont les députés qui élisent le Président, un récent sondage de l’Institut de la Démocratie en Israël a montré toutefois que le public israélien préfèrerait quelqu’un de la société civile, notamment une personne issue du monde académique, des sciences humaines ou fondamentales. Adina Bar Shalom correspond partiellement à ces critères et n’est pas députée.
la part du monde ‘haredi et de ses dirigeants. D’une part, Adina Bar Shalom a montré, au travers du succès de la création de son Institut d’Etudes Supérieures, le College Haredi de Jérusalem que les Juifs ultra-orthodoxes pouvaient entrer dans le monde de l’Education « sans compromettre leur mode de vie haredi » ou s’éloigner des pratiques religieuses. D’autre part, elle ne s’oppose pas à l’enrôlement des hommes, ce qui est, sur le principe, un pas immense dans ce monde. Elle souhaite cependant que les jeunes hommes s’enrôlent une fois mariés, âgés d’environ 22 ans et après avoir consulté leurs rabbins.
Quel que soit le dénouement de ce désir de candidature, le fait même qu’Adina Bar Shalom ait songé à la poser, bouscule à la fois le monde ultra-orthodoxe et la représentation que les uns et les autres se font de celui-ci. Il est le signe de la nécessité d’un changement face à cet ultime défi de la société israélienne : le renouveau d’un consensus devenu caduque entre le monde ultra-orthodoxe et le reste de la population et la recherche d’un bien commun entre ces différents mondes. Une version plus longue de cet article est disponible sur le site de ressources « Judaïsme et questions de société » http://judaismes.canalblog.com/ Sonia Sarah Lipsyc
humour
Choisies par Jacqueline et David Kurc Un client veut s’acheter une paire de chaussures chez le cordonnier du shtetl*. Elles coûtent quatre-vingt-dix kopeks, mais il n’en a que soixante-dix sur lui. – Ça ne fait rien, vous m’apporterez le reste demain. Quand le client est sorti, sa femme se met à crier : – Et voilà vingt kopeks qu’on ne verra jamais ! Il ne reviendra sûrement pas ! – Ne t’en fais pas, c’est sûr qu’il reviendra : dans le paquet, j’ai mis deux chaussures du même pied ! *shtetl : bourgade d’Europe orientale.
Leurs parents sont sortis. Moyshele, sept ans, dit à sa petite soeur Esther, cinq ans : – Tu sais quoi ? On va jouer au papa et à la maman. – Oh oui Moyshele. Mais comment ? – On va aller dans la chambre des parents… – Et après ? – On va se déshabiller… – Et après ? – On va se coucher dans leur lit… – Et après ? – On va éteindre la lumière… – Et après ? – Bin après, on va parler yiddish, pour que les enfants ne comprennent pas !
Un jour un incendie ayant éclaté à Khelem*, on chercha la pompe à incendie. Hélas, la pompe était dans un tonneau chez le shames**, complètement enfouie sous des pommes de terre et des oignons. Le shames avait l’autorisation d’y entreposer ses pommes de terre et ses oignons, car avec huit enfants dans une seule pièce, il ne disposait d’aucun autre endroit. Après l’incendie, les Sages se sont réunis et après avoir délibéré sept jours et sept nuits, ils ont décrété : à partir de ce jour, le shames devra enlever du tonneau et de la pompe toutes les pommes de terre et tous les oignons… chaque veille d’incendie ! *Khelem : ville de Pologne, réputée pour être habitée par des sots, ou des sages, qui manient la logique jusqu’à l’absurde. **shames : le bedeau de la synagogue.
Savez-vous pourquoi le Grand Rabbin de France est séfarade ? Parce que l’archevêque de Paris est ashkénaze.
REMERCIEMENTS
Un immense MERCI à celles et ceux sans qui ce magazine n’aurait jamais pu voir le jour !!! Voici quelques informations sur leurs (autres) activités, par ordre d’intervention dans le magazine. • Tonie Behar est l’auteure de La Sieste (C’est ce qu’elle fait de mieux), Coups Bas et Talons Hauts, En scène, les audacieuses ! et Grands Boulevards. Elle a été journaliste, attachée de presse, auteur de chanson. • Universitaire en France et aux Etats-Unis, scénariste, ancienne productrice de cinéma, Léone Jaffin est l’auteure de deux ouvrages, Le pot-au-feu de Mary Meerson et Algérie aimée, Mes souvenirs et 222 recettes de là-bas. • Haya-Léa Langomazino est artiste plasticienne et professeur d’arts plastiques. Auteur de documentaires TV, elle a été rédactrice dans des magazines, et assistante de plusieurs directions de presse écrite, audio et télévisuelle (dont France Inter, FR3, J Magazine). • Roxane Samaniego est étudiante en commerce international et rédactrice pour le blog Mod-El. • Guy Grinbaud est pédiatre, ancien Interne en Médecine des Hôpitaux de Paris. • Liliane Fitoussi-Krief est cuisinière et administratrice du groupe La Cuisine de Lily, sur Facebook, depuis 2008 ; elle a eu plusieurs restaurants à Paris avec son mari (zal). • Monique Ayoun est journaliste au Télé-Obs (Nouvel Observateur) et chroniqueuse littéraire à Biba. Elle a publié deux romans (Le Radeau du Désir et Viens !), deux essais (Mon Algérie et Musulmanes et Laïques en révolte) et un ouvrage humoristique illustré par Wolinski. • Barbara Hutt est metteur en scène et actrice, co-directrice du Festival Paris-Beckett (avec Pierre Chabert) et de l’ouvrage Thomas Bernhard. • Emmanuelle Friedmann est journaliste et auteure : Tu m’envoies un mail ? , Trouver1logement.com, Le Rêveur des Halles et La dynastie des Chevallier, Le Choix des filles (sous le pseudonyme de Leah Magnin). • Comme l’autre moineau de Paris, Edith Slama est née à Belleville, mais elle a migré depuis longtemps vers un ciel très bleu. Elle aime raconter des histoires inventées mais aussi, relater des faits réels où se cache la magie ordinaire. • Sociologue et dramaturge, Sonia Sarah Lipsyc est la directrice de ALEPH - Centre d’Etudes Juives Contemporaines (Montréal). • Enfants du Pletzl, de familles modestes, Jacqueline et David Kurc ont fait une carrière médicale. Ils ont publié Humour Yiddish et sont également conteurs.