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Terrasse du Roi Lépreux
L’avancée nord comporte, au lieu d’un escalier axial, deux raides emmarchements symétriquement disposés. Un autre escalier se trouve sur la face latérale nord qui, comme celle du côté sud, est sculptée, partie de garudas et de lions en atlantes, partie de bas-reliefs à registres représentant des scènes de sport ; luttes, courses de chars, jeu de polo – ce dernier étant originaire de l’Inde. Sur la totalité de leur développement, les autres panneaux en façade sont sculptés en haut-relief d’éléphants montés par leurs cornacs, à peu près grandeur nature et représentés de profi l dans des scènes de chasse traitées avec un certain réalisme. Ils sont surmontés d’une balustrade en corps de nâga sur dés. Le dessus de la terrasse, d’où l’on voit en contrebas les murs d’enceinte et le gopura oriental du Palais Royal, de construction bien antérieure, est à deux niveaux : berme de 4 m de largeur vers la place et plateforme de 10 m au soubassement sculpté de « hamsas » (oies sacrées). Des constructions en matériaux légers, dépendant du Palais mais sur la nature desquelles on ne peut émettre que des hypothèses, l’occupaient très certainement ; quelques vestiges de blocages en latérite subsistent au droit de l’avancée nord, qui devaient être parementés de bas-reliefs en grès. Un sondage pratiqué sur le dessus de cette même avancée devant ledit massif prouve qu’à cet endroit, il y avait eu remaniement ; on remarquera en effet, dans une sorte de fosse, un panneau sculpté à haut-relief qui ne peut qu’avoir fait partie d’une ancienne façade. Ce morceau de sculpture, vivant et expressif, offre de remarquables qualités plastiques ; il représente un cheval à cinq têtes, cheval de roi abrité par des parasols étagés, entouré d’apsaras et de génies menaçants armés d’un bâton poursuivant quelques personnages à la mine terrifi ée, beaucoup plus petits d’échelle. L. Finot et V. Goloubew seraient portés à voir en lui une représentation de Lokeçvara sous la forme du cheval divin Balâha. Au perron secondaire sud du groupe d’escaliers central, un autre sondage montre à l’état de neuf de superbes garudas et lions en atlantes à l’alignement du mur de façade générale : cela semble prouver que ledit perron n’était qu’un rajout. De nouvelles recherches entreprises par M. Marchal, en 1952, ont amené la découverte d’autres bas-reliefs intérieurs, à la Terrasse des Éléphants, à l’extrémité nord.
TERRASSEDU ROI LÉPREUX
Date : fi n du XIIe siècle Roi constructeur : Jayavarman VII (nom posthume : Mahâ paramasangata pada) Dégagement par De Mecquenem en 1911 et H. Marchal en 1917
La Terrasse du Roi Lépreux, située immédiatement au nord de la Terrasse des Éléphants dont elle est séparée par
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62. Yama (?), statue dite du Roi Lépreux. Provenance : Terrasse Royale, partie nord dite Terrasse du Roi Lépreux, Angkor Thom (Musée national, Phnom Pen).
un espace libre, est constituée par un massif en maçonnerie d’environ 25 m de côté pour 6 m de haut, formant bastion redenté sur l’alignement général. Ses faces, parementées de grès, sont entièrement sculptées de personnages en assez haut relief juxtaposés et répartis sur sept registres dont le dernier a presque totalement disparu. Il est vraisemblable que ce motif, qui ne se rattache aujourd’hui, tant vers le nord que vers le sud, qu’à des amorces de murs et paraît par suite isolé, n’était jadis qu’un des éléments d’une vaste composition d’ensemble, peut-être agrémentée de bassins, et qui aurait subi divers remaniements. Les travaux de dégagement ont révélé l’existence, à 2 m en retrait de la face extérieure dont il suit tous les redents, d’un second système de murs également sculptés de bas-reliefs de composition identique ; l’intervalle qui les séparait avait été rempli par un blocage en latérite qu’il a fallu démolir au pic. Le fait que certaines sculptures du mur intérieur soient restées à l’état d’ébauche et que son amorce nord-sud vers la Terrasse des Éléphants soit sensiblement à l’alignement de celle-ci, tendrait à faire croire à une simple rectifi cation de tracé, décidée en cours de construction par un souverain peu soucieux des diffi cultés de main-d’œuvre. Il n’est pas impossible pourtant que ce curieux dispositif réponde à quelque préoccupation symbolique liée à l’idée de Mont Meru, la paroi cachée devant alors représenter la partie de la montagne cosmique s’enfonçant dans le sol, égale à sa partie visible en élévation. Quoi qu’il en soit, les bas-reliefs tant extérieurs qu’intérieurs, d’une présentation volontairement monotone, ne montrent que des alignements de personnages assis représentant, semble-t-il, les divers êtres fabuleux, Nâga, Garuda, Kumbhanda qui hantent les fl ancs du Mont Meru, fi gurés par des géants parfois à bras multiples, porteurs de glaives ou de massues, et de femmes au torse nu dont la parure et la coiffure triangulaire à petits disques fl ammés relèvent du style du Bayon. Pour en apprécier les qualités d’exécution, le visiteur ne manquera pas d’examiner la face nord – la mieux conservée – et son retour parallèle à la route, où s’amorcent quelques scènes de palais traitées dans un esprit quelque peu différent : on y voit notamment un avaleur de sabres et des suivantes curieusement coiffées d’un chignon sur le côté. Revenant ensuite sur la face sud, on pénètre dans le couloir intérieur où le décor, débutant par une frise basse de poissons, d’éléphants et la représentation verticale d’une rivière, se poursuit avec les mêmes éléments qu’à l’extérieur, agrémentés de quelques apsaras :
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63. Angkor Thom, souverain, concubines et gardiens porteurs de glaive, Terrasse Royale, partie nord dite Terrasse du Roi Lépreux.
64. Angkor Thom, ancien et nouveau mur de façade, Terrasse Royale, partie nord.
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65. Angkor Thom, divinités stellaires (?), mur de façade originelle, Terrasse Royale, partie nord.
158 66. Angkor Thom, personnages féminins, mur de façade originelle, Terrasse Royale, partie nord.
67. Angkor Thom, divinité et assistantes, mur de façade originelle, Terrasse Royale, partie nord.
68. Angkor Thom, divinité et assistantes, mur de façade originelle, Terrasse Royale, partie nord. 69. Angkor Thom, le cheval Uccaihçravas, monture d’Indra, le roi des dieux (?), mur de façade originelle, Terrasse Royale, partie nord.