grippe aviaire, comment s'y préparer

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Collection « Les livres santé France Inter » dirigée par Hélène Cardin et Danielle Messager Ce qu’il faut savoir sur les cures thermales, Astrid Charlery, 2006 Une nouvelle vie pour la femme. Santé et ménopause, docteurs Christian Jamin et Jocelyne Raison, 2006

Philippe Presles est médecin tabacologue. Il est rédacteur en chef des sites www.carteblanchesante.com et www.e-sante.fr et auteur du livre Prévenir. Alzheimer, cancers, infarctus et vivre en forme plus longtemps (Robert Laffont). Il est directeur de l’institut Moncey de Prévention santé. Jean-Claude Manuguerra est virologiste à l’Institut Pasteur et chef de la cellule d’intervention biologique d’urgence. Il a été codirecteur du Centre national de référence pour la grippe région Nord et du Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la référence sur les virus grippaux et les autres virus respiratoires. Marina Julienne est journaliste scientifique, responsable éditoriale du site d’informations scientifiques La Banque des savoirs. Elle a déjà publié aux éditions Jacob-Duvernet L’Intégration sans tabou et Le Corps réparé. Elle a participé à la rédaction des chapitres 1, 2, 8, 9 et 10.


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Philippe Presles avec la collaboration de Jean-Claude Manuguerra et Marina Julienne

LA GRIPPE AVIAIRE Comment s’y préparer ?

Éditions Jacob-Duvernet


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Remerciements L’auteur remercie vivement toutes les personnes qui se sont impliquées dans la réalisation de ce livre : le Professeur Claude Hannoun, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, pour la partie scientifique, Luc Jacob-Duvernet, Bernadette Oberkampf, Pauline de Ayala, Hélène Cardin et Danielle Messager pour la partie éditoriale, et Josette Guéniau pour le chapitre entreprise.

Les données citées dans ce livre sont issues de quelques sources très complètes. Pour aller plus loin, le lecteur est invité à se reporter à la bibliographie et aux notes bibliographiques en fin d’ouvrage.


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Table des matières Avant-propos .................................................................................................................................6 Introduction ...................................................................................................................................9

PREMIÈRE

PARTIE LA GRIPPE AVIAIRE, QUID ? 1. Menaces médiatiques ou vraies menaces ? .....................................17 2. Que nous ont appris les dernières catastrophes microbiennes ? ................................................35 3. Nos amies les bêtes nous transmettent les pires fléaux ....................................................................49

DEUXIÈME

PARTIE LA GRIPPE AVIAIRE, COMMENT

?

4. Le virus de la grippe : un microbe très particulier ..............59 5. Ce qu’il faut savoir sur la grippe saisonnière ..............................73 6. Faut-il se faire vacciner tous les ans ? ...................................................91 7. Les antiviraux, des médicaments contre la grippe ...........105 8. Une épidémie sous surveillance ...............................................................115 9. La peste aviaire, la terreur des volailles ..........................................129

TROISIÈME

PARTIE LA GRIPPE AVIAIRE : QUE FAIRE

?

10. Sommes-nous prêts à faire face à une catastrophe sanitaire ? .......................................................................................................................................149 11. À savoir pour soi et sa famille ................................................................165 12. À savoir pour son entreprise ....................................................................177 Conclusion

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Bibliographie et source d’information ....................................................197 Notes ..................................................................................................................................................198


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AVANT-PROPOS Jusqu’en 1997, les virus de la grippe aviaire (du latin avis, oiseau), étaient connus pour ne toucher que les oiseaux. En 1997, l’un d’entre eux, le H5N1, a pour la première fois été découvert comme responsable d’une infection humaine. Depuis, la grippe aviaire est également considérée comme une maladie potentiellement humaine. On sait maintenant que le cycle normal d’un virus de la grippe est d’être successivement : - un virus exclusivement aviaire ; - puis un virus aviaire contaminant l’homme ; - puis un virus humanisé, totalement nouveau pour l’homme après une mutation majeure, responsable d’une pandémie ou épidémie mondiale ; - puis un virus responsable de grippes saisonnières humaines, au gré de mutations mineures ultérieures. Le virus de la grippe espagnole qui tua plusieurs dizaines de millions de personnes lors de la pandémie de 19181919 était un virus aviaire qui suivit ce cycle, pour devenir finalement un classique virus de grippes saisonnières pendant des décennies.

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Avant-propos

Le virus H5N1 est aujourd’hui un virus grippal aviaire responsable de la plus grande épizootie, ou épidémie animale que nous ayons connue. Cinquante huit pays sont touchés et l’on parle maintenant de panzootie. Depuis 1997, il a contaminé plus de 250 humains et dévasté de très nombreux élevages de volailles. Il fait peser sur nous la menace d’une pandémie de grippe. Les États s’y préparent. Il reste à chacun à apprendre à se préparer au mieux. Il faudra six mois pour concevoir et produire le vaccin pandémique. Il est donc prévisible que le virus H5N1, si c’est finalement lui qui « s’humanise », aura largement le temps de nous concerner tous de près, dans nos familles et dans nos entreprises. Sans vaccin, nos défenses de premières lignes se limiteront à l’hygiène, aux masques, aux traitements antiviraux spécifiques de la grippe et à notre organisation quotidienne. Bien les connaître sera déterminant. C’est tout l’intérêt de ce livre, à la fois bien documenté et pragmatique. Hélène Cardin

Danielle Messager

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INTRODUCTION L

a grippe saisonnière, la « grippette », a tué un million de Français au XXe siècle. Il n’y a pas beaucoup de maladies qui peuvent en dire autant ! Pendant le même siècle, les trois épidémies mondiales de grippe, les fameuses pandémies, ont tué approximativement 300 000 personnes en France, dont 200 000 pour la seule grippe espagnole de 1918. La grippe saisonnière apparaît bien plus redoutable. Pourtant, peu de gens la prennent au sérieux à commencer par les professionnels de santé qui n’auront été que 50 % à se vacciner l’an dernier - tout en allant transporter le virusde visite en visite. Et si la grippe saisonnière était en grande partie une infection nosocomiale (transmise par les médecins) ? La question peut être posée en ces termes car il a été étudié qu’en institution, la mortalité par la grippe chutait de plus de 10 % quand le personnel était vacciné… Par chance, la moitié des professionnels font ce qu’il faut pour se protéger et protéger leurs malades. Pourtant, en plus des vaccins, il existe des antiviraux efficaces, le Relenza® et le Tamiflu®. Mais ils sont peu 9


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prescrits en France, parce que non remboursés pour tous et aussi parce que de nombreux médecins les jugent peu utiles : « pour une petite grippe, cela ne vaut pas le coup… » Du coup, ils n’ont pas l’habitude de les prescrire, alors que ces médicaments ont une place centrale dans le dispositif mis en place par le gouvernement pour faire face à une éventuelle pandémie. Pourtant, autour de nous, on ne s’intéresse qu’à la grippe aviaire, la pandémie qui nous guette depuis plusieurs années. Le virus grippal en cause, le H5N1, a infecté des hommes pour la première fois en 1997 à Hong Kong. Sur 18 personnes contaminées, 6 sont mortes. Ce score est effrayant et l’on comprend pourquoi les journalistes font volontiers leur Une sur la grippe du poulet.

Le premier virus aviaire capable de contaminer l’homme directement. Avant 1997, c’était un dogme : les virus aviaires sont incompatibles avec l’homme. Le dogme est donc tombé à Hong Kong, du fait du H5N1. Depuis, d’autres virus aviaires l’ont suivi : H9N2 à Hong Kong en 1999, puis en 2003 ; H7N7 aux Pays-Bas en 2003 ; H7N3 au Canada en 2004… Et l’on a ainsi découvert que les virus aviaires sont réellement capables d’infecter les hommes directement. Du coup, les scientifiques se demandent si le H1N1, le virus de la grande pandémie de 1918, n’était pas passé lui aussi directement des volailles à l’homme pour muter chez lui et entraîner la tristement célèbre grippe espagnole et ses 40 millions de morts. Dans cette hypothèse, nous en serions à l’avant-dernière étape… Le premier à attaquer les oiseaux migrateurs, à décimer les souris en laboratoire… Le H5N1 aligne les premières comme Schumacher les pole positions : c’est la 10


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Introduction

Formule 1 des virus tueurs. Depuis 1997, le virus a muté plusieurs fois et rapidement. Il est devenu hautement pathogène. Le vaccin fabriqué pour le virus de 1997 est devenu inefficace. C’est le premier virus aviaire à décimer les oiseaux aquatiques sauvages (pourtant porteurs sains de ces virus habituellement), le premier dont l’épidémie est devenue endémique (jusque là, les autres épidémies animales ou épizooties avaient été éradiquées par isolement et abattage des élevages atteints). Celui dont l’histoire infectieuse est la plus longue, depuis 1997… Le premier à avoir constitué un réservoir naturel en Sibérie… Quand aux épidémies animales, elles explosent : sur les 50 épizooties hautement pathogènes recensées dans le monde entre 1955 et le 8 mars 2006, plus de 30 flambées sont intervenues depuis fin 2003 et on en compte 20 pour les trois premiers mois de 2006 ! Il est devenu un redoutable candidat pour être le prochain virus d’une pandémie. C’est pour cette raison, qu’en décembre 2004, l’OMS lançait une alerte de pandémie de grippe associée au virus aviaire H5N1. C’est que le score s’allonge… 1977 : 6 décès sur 18 cas (mortalité : 33 %) ; 2004 : 37 décès sur 51 cas (mortalité : 72 %) ; 2005 : 61 décès sur 118 cas (mortalité 52 %) ; et cela continue sur 2006. Ces quelques centaines de cas humains correspondent à des millions de contacts. Ne nous y trompons pas : le faible nombre de cas humains reste très alarmant, car aujourd’hui le virus n’est pas adapté à l’homme. Pour chaque contamination humaine, il faut des milliers et des milliers de contacts directs. Ces chiffres correspondent donc à des millions de contacts au total ! Et plus le nombre de contacts est important, plus le risque de mutation est grand. Il est d’autant plus grand que les 11


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scientifiques ont montré depuis peu que le virus pouvait muter de plusieurs façons, la plus simple ne concernant qu’une position sur son génome (la 226). La question n’est pas de savoir s’il y aura une nouvelle épidémie de grippe, mais quand elle aura lieu. Bien sûr le pire n’est jamais certain et heureusement. Mais comme nous l’explique le professeur Claude Hannoun, éminent virologue : « le virus H5N1 a ouvert presque toutes les portes qui le mènent à l’homme. Il ne lui en reste plus qu’une, mais il l’a déjà à moitié ouverte… » Face à cette menace, chacun peut s’interroger, pour luimême, pour sa famille ou pour son entreprise. Y a-t-il concrètement quelque chose à faire ? La réponse est clairement oui, pour soi-même et sa famille. Entraînement à l’hygiène, vaccinations et reconnaissance des premiers symptômes seront des facteurs essentiels pour éviter au maximum les drames pandémiques. Pourquoi ? Notamment parce que plus les antiviraux sont prescrits tôt, plus ils sont efficaces. Faire ce qu’il faut est carrément une obligation pour les chefs d’entreprises, et ils sont bien peu à le savoir. Sur son site www.grippeaviaire.gouv.fr, le gouvernement est catégorique. Ainsi, si vous ne pouvez pas fournir de masques à vos salariés, ceux-ci seront pleinement dans leur droit pour ne pas venir travailler… Le saviez-vous ?

Le gouvernement est-il prêt ? La bataille contre la pandémie est déjà commencée. Chaque jour qui passe est un jour de gagné pour mieux se préparer. Les stocks d’antiviraux augmentent, les stocks de masques aussi. La recherche sur les vaccins s’intensifie, les commandes sont passées. Les plans s’améliorent et les différentes forces de l’État se coordonnent. Nous serons 12


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Introduction

mieux préparés demain qu’aujourd’hui, et encore plus après-demain. L’objectif est de protéger tous les Français. Il n’en reste pas moins que ce plan nécessitera de chacun une grande discipline civique pour échapper au chaos. En effet, nos sociétés modernes sont devenues très complexes et complètement organisées en flux tendus : les stocks de nourriture dans les supermarchés, de médicaments dans les hôpitaux et les pharmacies sont de un à deux jours au maximum. Du coup, les comportements d’égoïsme et de fuite aveugle, voire d’héroïsme et de sacrifice, seront aussi dangereux les uns que les autres. « La pandémie, c’est la guerre » affirme Xavier Emmanuelli, expert en médecine des catastrophes et co-fondateur de médecins sans frontières. Pour sauver le maximum d’entre nous, il faudra respecter les consignes gouvernementales. Plus nous serons nombreux à les suivre, moins la crise sera forte. Et si, en lisant ce livre, vous preniez un peu d’avance ? Et la question du reste du monde… Certains déplorent que la préparation contre la pandémie a détourné les gouvernements riches de l’aide aux autres pays pour lutter contre la grippe animale. L’arroseur arrosé ? Oui, sans aucun doute. Mais ce comportement existe depuis bien longtemps, 95 % des vaccins contre la grippe saisonnière étant auparavant fabriqués pour les pays les plus riches. Il est probable que nous aurions pu éviter ce scénario catastrophe en combattant efficacement les épizooties en Asie, comme nous l’avons fait aux USA, au Canada, en Hollande, en Italie, en France, etc. C’est une terrible leçon à tirer, mais n’est-il pas trop tard quand la grippe aviaire est déjà passée dans 58 pays ? Cela doit rester, malgré tout, une priorité absolue. Il en va de la grippe aviaire comme de la pollution : notre planète est vraiment devenue toute petite, et bien fragile… 13


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PREMIÈRE PARTIE

LA GRIPPE AVIAIRE, QUID ?


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MENACES MÉDIATIQUES

OU VRAIES ?

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1. MENACES MÉDIATIQUES OU

VRAIES MENACES? P

ourquoi, depuis la grande panique de l’automne 2005, ne reparle-t-on presque pas, en Europe, de la grippe aviaire ? La menace seraitelle définitivement écartée ? Les medias en auraient-ils trop fait ? Comment, dès lors, expliquer les achats massifs d’antiviraux et de masques, ainsi que les commandes de vaccins ? Est-ce une simple application du principe de précaution ?

Fallait-il céder au principe de précaution ? La première alerte à la « grippe du poulet » (c’est ainsi qu’on l’appelle à l’époque), est donnée en décembre 1997. À Hong Kong, un médecin contracte la maladie après avoir soigné un petit garçon de 3 ans décédé de ce virus. C’est la première fois qu’un virus aviaire s’attaque, de manière connue, directement à des humains. Les autorités de Hong Kong feront abattre, en trois jours, 17


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1,5 million de poulets. Mais les experts de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ne sont pas encore inquiets. Le docteur Lavanchy, responsable de la grippe à l’OMS affirme alors : « Le virus ne possède pas les caractéristiques nécessaires pour se répandre parmi les populations (humaines) ». Cette année-là, 18 personnes seront touchées par le virus, et 6 décéderont. La grippe aviaire refait parler d’elle fin 2003, début 2004. Des épidémies animales ou épizooties aviaires sont alors signalées non plus dans un seul pays mais dans une dizaine de pays d’Asie. Le 11 janvier 2004, un décès humain est officiellement annoncé au Vietnam. À l’OMS, le ton est pour la première fois alarmiste : « Le virus est tellement répandu qu’il aura de nombreuses occasions de changer de forme pour devenir transmissible aux humains », déclare Shigeru Omi, directeur de la région Pacifique occidental de l’OMS. Mais c’est en 2005 que la peur s’empare des scientifiques, des politiques et des médias. Durant tout l’automne 2005, les experts sont presque unanimes : une pandémie de grippe aviaire fera plusieurs centaines de millions de morts : 100, 150 millions ? On ne sait pas, mais ce n’est plus qu’une question de temps. Un livre publié en France le 6 octobre 2005 par les professeurs Bricaire et Derenne, sous le titre Pandémie, la grande menace. 500 000 morts en France ? 1, achève de paniquer ceux qui seraient restés sereins. Bien sûr, des voix discordantes existent, essentiellement du côté des spécialistes des maladies animales, qui estiment qu’à force d’agiter le drapeau de l’apocalypse chez les humains, on oublie de traiter sérieusement la véritable épizootie, animale ; au risque de ne pas étouffer dans 18


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l’œuf, c’est le cas de le dire, la grippe du poulet… Au printemps 2006, la fièvre est complètement retombée. La pandémie qui devait être « imminente » ne s’est pas, pour l’instant, produite. « Ce n’est pas la catastrophe annoncée » peut titrer pour une fois tranquillement le quotidien Le Parisien en avril 2006. A-t-on abusé du principe de précaution ? Exagéré la gravité de l’épidémie à venir et du coup pris à tort des mesures inutiles ? Un an après l’alerte maximum d’octobre 2005 et alors que la situation reste maîtrisée, retour sur trois questions majeures posées par la crise.

Première question : la grippe aviaire ferait de 2 à… 350 millions de morts : info ou intox ? Au plan international, les experts travaillent sur des hypothèses à plusieurs millions de morts. En voici les principales : ■

Klaus Stohr, coordinateur du programme de lutte contre la grippe à l’OMS, novembre 2004 : 2 à 7 millions de morts ; ■ Shigeru Omi, directeur de l’OMS pour la région Asie, novembre 2004, à Bangkok : 100 millions de morts ; ■ David Nabarro, coordinateur principal de l’ONU contre la grippe, 29 septembre 2005 : 5 à 150 millions de morts ; ■ David Fedson, ancien directeur des affaires médicales chez Aventis Pasteur, professeur de médecine à l’université de Virginie (USA), en octobre 2005, dans Science et Avenir : 175 à 350 millions de morts.

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PHILIPPE DERENNE, « POURQUOI 500 000 MORTS EN FRANCE ? » « C’est une estimation scientifique, fondée sur la mortalité de la grippe espagnole en Suisse en 1918, dans un pays qui n’avait pas été affaibli par la guerre et doté d’un bon système de santé : 0,9 % de la population helvétique en est morte, ce qui ferait aujourd’hui 500 000 Français. » (in VSD, 16 novembre 2005)

Les chiffres France : de l’ordre de 100 000 décès Au plan national, les experts avancent aussi leurs chiffres : ■ Les professeurs Bricaire et Derenne, octobre 2005 : 500 000 morts, ■ L’Institut de veille sanitaire (InVS) : 91 000 à 212 000 décès.

Selon les simulations de l’InVS, une telle pandémie pourrait toucher jusqu’à 35 % de la population, ce qui ferait 21 millions de victimes et des soins à organiser sur une échelle jamais vue à ce jour. Les risques de désordres sont majeurs, puisque 1 % de ces patients hospitalisés en urgence occasionnerait un afflux de 200 000 personnes dans les hôpitaux… Ce qui est impensable. Quant aux conséquences économiques d’une telle catastrophe sanitaire, elles seraient terribles pour la France.

Nous ne sommes plus en 1918 : nous ne sommes pas démunis face à la grippe Alors, 2, 7, 100 ou 175 millions de morts ? Comment des experts d’une même organisation internationale, l’OMS, peuvent-ils en lançant des chiffres variant du simple au centuple jouer avec les nerfs de politiciens déjà sur les dents ? Que valent ces estimations ? « Le plus vraisemblable, c’est qu’ils ont extrapolé à la population mondiale actuelle les chiffres de l’épidémie de grippe espagnole, qui a fait entre 20 et 50 millions de 20


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morts en 1918 , estime le docteur Jean-Marie Cohen, le fondateur des GROG (Groupes régionaux d’observation de la grippe). Le seul problème, c’est qu’en 1918 la population mondiale était déjà extrêmement affaiblie physiquement par la guerre, les médecins étaient sur le front, à soigner les blessés, et n’avaient guère de temps à consacrer aux grippés, les antibiotiques n’existaient pas, les antiviraux non plus, et les vaccins, n’en parlons pas… » Bref, comparer la situation de 1918 à celle d’aujourd’hui n’a aucun sens… Le mieux est donc d’oublier ces chiffres pour regarder de près les données produites par les laboratoires de recherche spécialisés en épidémiologie. Il faut d’abord prendre avec de sérieuses pincettes toute étude qui viserait à estimer « en soi » le nombre de morts et de blessés dans le cas d’une pandémie… car c’est impossible ! Comment faire lorsqu’on ne connaît ni la virulence ni la contagiosité d’un potentiel virus, ni la durée de l’épidémie ? Il n’est même pas possible de baser des calculs sur les décès humains récents : car même si sur 253 personnes identifiées comme malades au 12 octobre 2006, 148 étaient décédées, cela ne signifie pas que ce virus tue 70 % des personnes infectées. De nombreuses personnes ont pu contracter la grippe sans savoir qu’elles étaient touchées par le H5N1 et ne pas avoir consulté de médecin. En revanche, les épidémiologistes peuvent comparer entre elles différentes stratégies visant à contenir au mieux la pandémie. Et pour cela, ils ont besoin de partir de scénarios plus ou moins réalistes, du taux d’attaque et de virulence du virus. « Ainsi, prévient Isabelle Bonmarin, épidémiologiste en charge du dossier grippe à l’Institut de veille sanitaire (InVS), l’estimation de l’impact d’une pandémie que nous avons rendue publique ne visait pas à prévoir un 21


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Docteur Stoehr, coordinateur du programme de l’OMS contre la grippe : « Le virus de la grippe aviaire H5N1 est certainement celui qui sera le plus à même de provoquer la prochaine pandémie. Cette pandémie de grippe pourrait commencer la semaine prochaine ou dans les années à venir. » (25 novembre 2004, lors d’une rencontre de 13 pays asiatiques à Bangkok)

nombre de morts, mais à comparer entre elles différentes stratégies de lutte contre la pandémie. C’est très différent ! Vaudrait-il mieux vacciner toute la population ou prescrire des antiviraux à tout le monde ? Ou confiner tous les malades ?

Pour répondre à ces questions, nous devions simuler des taux d’incidence, d’hospitalisation et de mortalité, qui n’ont bien sûr pas été pris au hasard, mais à partir d’une synthèse des pandémies passées et d’opinions d’experts. C’est comme cela que sommes arrivés à estimer qu’en l’absence d’intervention, le nombre de cas en France en fin d’épidémie varierait entre 9 et 21 millions, et le nombre de décès entre 91 000 et 212 000. Mais nous étions bien conscients dès le départ qu’en ellesmêmes, ces données ne valaient pas grand-chose. Si nous refaisions cette étude aujourd’hui, elles seraient, très grossièrement, divisées par deux. Ce qui nous intéressait, c’était la suite. » La suite ? En l’occurrence, l’InVS a par exemple calculé que si un vaccin était disponible dès le début de la pandémie, la vaccination de la population entière permettrait d’éviter 57 % des cas et 73 % des décès. L’idéal… En l’absence de vaccin (scénario plus probable), la prescription d’antiviraux « à la population à protéger en priorité de par ses activités professionnelles » (médecins notamment) éviterait 83 % des décès dans ce groupe. Il resterait donc suffisamment de monde pour soigner les malades. Des études équivalentes mais avec des moyens logiciels 22


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et mathématiques beaucoup plus lourds et performants ont été faites dans les pays Anglo-Saxons. Par exemple, l’équipe de l’épidémiologiste britannique Neil Ferguson, est parti d’une pandémie qui aurait un taux d’attaque de 27 à 34 % : si l’on prescrivait des antiviraux à 90 % de la population touchée, que les membres des foyers atteints étaient placés en quarantaine et que cette quarantaine était respectée à 70 %, que 10 % des lieux publics (écoles notamment) étaient fermés, Ferguson a montré qu’on pourrait ramener ce taux d’attaque entre 2 et 9 %. Mais avec des « si », on mettrait des milliers de virus en bouteilles ! « Dans tous les cas, ces données n’ont de valeur que les unes comparées aux autres, commente Isabelle Bonmarin. Bien sûr, nous savons tous que l’idée d’un traitement de 90 % des habitants par des antiviraux dans l’étude de Ferguson relève d’une utopie. Mais ces travaux sont importants, car ils donnent de bons indicateurs aux hommes politiques qui doivent ensuite prendre des décisions capitales ». Utopie ou pas, c’est bien sur le modèle de Ferguson que le gouvernement français travaille dans une logique de précaution maximale. Combien de vaccins ? Quels stocks d’antiviraux constituer ? Faut-il confiner toutes les personnes malades et combien de temps au risque de bloquer l’économie de certains secteurs ou pas ? Aussi imprécises soient-elles, ces études permettent d’apporter une partie des réponses.

Deuxième question : la grippe du poulet peut-elle vraiment toucher massivement les hommes ? Aujourd’hui, le virus aviaire H5N1 n’est pas adapté à l’homme. C’est pour cette raison que malgré les millions 23


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La grippe espagnole de 1918-1919 Les Espagnols furent les premiers à faire état d’une épidémie grave de grippe sur leur sol, les atteintes graves de la famille royale faisant la une des journaux. Le nom leur est resté. Elle toucha également les soldats sur le front, lors du printemps 1918 pour s’arrêter pendant l’été comme une grippe saisonnière classique… Mais elle revint pour une deuxième vague avec l’automne, encore plus meurtrière. Après une troisième vague, elle continua son sinistre voyage tout autour du monde. Selon les estimations les plus récentes, qui englobent les impacts de la maladie sur l’ensemble de la planète, elle aurait fait de 40 à 100 millions de morts, soit 3 fois plus que la peste noire. C’est la plus grande catastrophe sanitaire de tous les temps.

de contacts entre les volailles et les humains, seules quelques centaines de cas humains ont été observés. Mais tout peut changer si le virus mute et devient adapté à l’espèce humaine. C’est une pure question de hasard, mais plus les contacts sont importants, plus le risque de mutation est grand. C’est comme pour le loto ou d’autres jeux de hasard : plus on joue, plus on a de Jeanne Brugère-Picoux : chances de gagner un jour… ou de « Il n’y a pas de raison perdre. C’est ce qui se passe pour le pour faire un amalgame sys- virus : jusqu’à présent, il a « perdu » et tématique entre grippe n’a pas muté, mais plus il nous contaaviaire et risque de pandé- mine, plus ses « chances » augmenmie de grippe chez l’homme. tent. Une fois de plus, c’est du pur Le problème de la peste hasard, le virus n’a aucune volonté ! aviaire est spécifiquement animal (et on doit espérer Dès lors, face à ce risque de mutation, qu’il le restera) et celui on peut schématiquement distinguer de la pandémie humaine deux camps : celui des « optimistes », à venir n’aura peut-être que l’on trouve plutôt parmi les spécialistes des virus animaux, et qui s’inaucun rapport avec le virus quiètent plus des effets du virus chez H5N1 asiatique. » les volailles que chez l’humain. Et les (in Le Figaro, octobre 2005) « pessimistes », d’abord inquiets pour 24


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l’espèce humaine, que l’on trouve plutôt parmi les spécialistes des virus humains. Première raison d’être « optimiste » : il n’y aurait pas de raison de s’inquiéter plus aujourd’hui qu’hier… car la situation n’est ni plus ni moins grave qu’il y a quelques décennies. « Les différentes familles de virus de l’Influenza circulent depuis des siècles. Toutes sont susceptibles de muter et de provoquer une pandémie à l’échelle mondiale, le risque est donc permanent et l’a toujours été », estimait ainsi Bernard Vallat, directeur général de l’Office international des épizooties (Les Échos, 15 octobre 2005). Pourtant, et c’est nouveau, des hommes ont été contaminés. Oui mais, et voici une deuxième raison pour ne pas s’inquiéter, ces contaminations sont liées à un contact très étroit avec les oiseaux. Le passage du virus H5N1 de la volaille à l’homme reste donc un phénomène exceptionnel, lié à des conditions hygiéniques et sanitaires très mauvaises. En outre, ces cas doivent être rapportés aux centaines de millions de personnes exposées. Pourtant, on a vu récemment dans une même famille indonésienne huit personnes contaminées, preuve que le virus peut passer non seulement du poulet à l’homme mais aussi d’un humain à un autre (dans ce cas, trois générations différentes d’une seule famille ont été touchées par le virus). N’est-ce pas cela qu’on redoute justement depuis le début de l’épidémie ? Oui, mais aucun cas n’a été identifié hors de cette famille, y compris dans le personnel médical qui a pris en charge les malades. Les personnes ont été infectées à 25


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Didier Houssin, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire : «Il est très difficile d’évaluer l’impact de la pandémie. Il reste trop d’incertitudes concernant la virulence et la vitesse de propagation de la souche pandémique et l’efficacité des moyens de protection. » (In Les Échos, février 2006)

l’issue de « contacts étroits et répétés », cette notion incluant par exemple le fait de dormir dans le lit d’un malade. Surtout, le virus est resté purement aviaire, sans changement génétique majeur. C’est pourquoi le niveau d’alerte épidémique n’a pas, à ce moment-là, été augmenté. Il est resté au niveau 3 (pas de transmission humaine) sans atteindre le niveau 4 (transmission interhumaine confirmée).

Pour résumer, une pandémie de grippe pourrait bien sûr toujours arriver, mais dans 24 heures ou dans 24 ans, via l’un des virus aviaires circulants, personne ne le sait. « Il n’est pas du tout certain que la prochaine pandémie de grippe humaine soit provoquée par un virus descendant du H5N1 qui sévit actuellement chez les volailles, estime ainsi Jeanne Brugère-Picoux, professeur à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort et spécialiste des maladies émergentes. Il existe de nombreuses combinaisons possibles de virus Influenza, dont plusieurs pourraient s’adapter à l’homme. » Alors les « pessimistes » qui redoutent une pandémie issue du H5N1 ne sont-ils que des oiseaux de mauvais augure ? Il s’inquiètent pour trois raisons. Primo, c’est dans les deux sous-types H5 et H7 que l’on trouve les souches virales aviaires les plus agressives. Pas de chance, c’est justement un H5 qui est en train d’envahir la planète… Secundo, ce H5N1 appartient à la famille des « Influenza aviaires » qui sont parmi les plus imprévisibles. Un simple « échange » génétique entre deux virus « anodins », aviaire et humain, peut suffire à en créer un 26


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troisième, véritable tueur. Tertio, non seulement le H5N1 est présent depuis bientôt dix ans mais, depuis trois ans, il galope d’un pays à l’autre.

Il y a sans doute une erreur dans le volume, la quantité et la pertinence des informations diffusées sur la grippe aviaire « Cette extension géographique est et la pandémie humaine. totalement inédite, souligne Sylvie Reste que le risque de pandéVan des Werf, qui dirige le labora- mie est bien réel. toire de génétique moléculaire des virus respiratoires à l’Institut Pasteur à Paris. On ne connaît pas de situation comparable avec une dissémination géographique très importante associée à une mortalité non pas seulement des volailles domestiques mais aussi des oiseaux sauvages. Or, plus le virus animal s’étend géographiquement, plus le nombre de personnes susceptibles d’entrer en contact avec lui augmente. À partir du moment où il y a beaucoup d’élevages contaminés, de volailles infectées, de personnes en contact avec le virus, la possibilité qu’un événement indésirable se produise augmente. Le risque que le virus mute et devienne transmissible d’homme à homme est de plus en plus élevé. » De quelques pays touchés en 2005, nous en étions à une cinquantaine à peine un an plus tard… Le pire des scénarios n’est donc pas certain… même s’il n’est pas à exclure ! Réponse de Normand ? Peut-être, mais à ne tenir qu’un discours ultra alarmiste depuis le début de la crise, on a peut-être, paradoxalement et involontairement, aggravé le risque de pandémie. À trop craindre pour l’espèce humaine, on n’aurait pas assez lutté contre l’épidémie aviaire… Bernard Vallat, directeur général de l’OIE (Office international des épizooties), est ainsi intervenu tout au long de la crise dans quasiment tous les journaux pour répéter la même chose : « Nous 27


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avons essayé de convaincre la communauté internationale que la priorité était d’aider les services vétérinaires de pays comme le Vietnam ou la Thaïlande à combattre la maladie », expliquait-il ainsi à Libération, en novembre 2005. Notre message dès le départ était : “Si on donnait des ressources à ces pays touchés, on diminuerait la probabilité de pandémie humaine”. Nous n’avons n’a pas été entendus, notamment parce que l’OMS a entièrement ciblé sa communication sur la prévention de la pandémie humaine. » Même écho au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), où Renaud Lancelot, directeur adjoint chargé des affaires scientifiques estime : « Nous avons pris un an de retard dans le traitement de la maladie animale. Les moyens ont finalement été donnés aux vétérinaires, mais pendant ce temps, l’épizootie galopait… »

Les furets, proches de l’homme, peu sensibles au virus aviaire Des virus hybrides proches du H5N1, créés artificiellement en laboratoire, sont peu performants pour passer d’une espèce à l’autre. Des chercheurs américains et indonésiens ont d’abord créé des virus de grippe contenant les 6 gènes des protéines internes des virus humains H3N2 et les gènes des protéines de surface du H5N1. En plus de ces virus humano-aviaires, ils ont créé des virus aviaires-humains en procédant à l’inverse. Puis ils ont inoculé ces différents virus à des furets, le mammifère le plus proche expérimentalement de l’homme pour la transmission de la grippe. D’autres furets indemnes étaient installés dans des cages à des distances variables de celles des animaux infectés, résultat : les virus «humains » H3N2 passent facilement d’un furet à l’autre. Mais les virus aviaires passent beaucoup moins facilement. Conclusion d’un des auteurs : « Nous sommes un petit peu soulagés. Cependant, ne nous réjouissons pas trop vite, car il ne s’agit que d’une étude isolée, montrant que tel réassortissant du H5N1 passe difficilement à l’homme. »

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Jean-François Saluzzo, virologiste chez Sanofi Pasteur MDS et auteur de Grippe aviaire, sommes-nous prêts ?, ira jusqu’à dire : « En toute logique, c’est l’Office international des épizooties qui aurait dû s’occuper de la grippe aviaire, et non pas l’OMS, qui a trop médiatisé ce sujet. Si l’on avait investi assez d’argent pour indemniser les éleveurs de volailles dans les pays pauvres, le problème serait bien différent. » (Les Échos, 6 février 2006) Ce qui s’appelle ne pas mâcher ses mots…

Troisième question : il faut stocker des antiviraux, info ou intox ?

« Je voulais l’appeler – ce livre - H5N1. Mais Claude Durand, mon ami et éditeur, m’a dit : « Tu veux en vendre 500 ou 500 000 ? 500 000 morts, c’est une hypothèse, celle de départ ; c’est le scénario de la grippe espagnole. » Professeur Derenne, coauteur avec le professeur Bricaire de Pandémie, la grande menace, 500 000 morts en France ?

En l’espace de quelques mois, le Tamiflu®, médicament inconnu, sera devenu aussi célèbre que le Prozac®. C’est normal : en l’absence de vaccin, les deux antiviraux présents sur le marché (le Tamiflu® (laboratoire Roche) et le Relenza® (laboratoire GlaxoSmithKline) sont actuellement les seuls moyens de lutte médicale contre le virus en cas d’épidémie. Leur mode d’action : ils limitent sa prolifération en l’empêchant de se propager d’une cellule de l’organisme à l’autre. Les malades résistent mieux à l’infection, et risquent moins de transmettre le virus à leur entourage. Par exemple, sur 14 Égyptiens atteints par le H5N1, 8 se sont rétablis après avoir été traités au Tamiflu®. Le Tamiflu® se présentant en gélules faciles à utiliser (le Relenza® nécessite un dispositif d’inhalation) de nombreux pays ont donc commencé à constituer des stocks de 29


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cet antiviral. De 18 millions de boîtes vendues en 2003, le laboratoire Roche a augmenté ses prévisions de ventes à 300 millions de boîtes pour 2007. Pour la plupart des experts, ne pas faire de stocks nationaux d’antiviraux serait totalement irresponsable. Mais ce médicament n’est sans doute pas la panacée. Primo, il n’est efficace que s’il est administré dans les premières heures après la déclaration des premiers symptômes. Au-delà de 48 heures, il n’a plus d’effet pour une grippe classique. (Il se pourrait cependant que son efficacité persiste plus longtemps en cas d’infection par le H5N1, car les symptômes sont plus violents.)

Distinguer résistance et résistance ! Comment un virus peut-il devenir résistant à un traitement ? On connaît bien le phénomène de la résistance aux antibiotiques. L’action de l’antibiotique exerce une pression sélective sur tous les germes présents dans l’organisme, seules les bactéries présentant une mutation leur permettant de survivre continuant de se reproduire. Elles transmettent à leur descendance et à d’autres bactéries leur gène de résistance et donnent des générations de bactéries pleinement résistantes à l’antibiotique, qui devient inefficace. Cependant, la situation est toute différente avec les antiviraux car nous n’hébergeons pas dans notre organisme de flore grippale non pathogène. Si vous administrez un antiviral à une personne qui n’a pas de virus dans son organisme, il ne peut pas y avoir de sélection de la flore virale. Le fait de traiter massivement des personnes non contaminées n’induirait donc pas de résistance. En revanche, s’agissant du traitement de personnes contaminées, « il est probable qu’en cas d’utilisation d’antiviraux à large échelle, des virus H5N1 résistants soient progressivement sélectionnés, estime Jean-François Saluzzo. D’où l’importance d’une utilisation ciblée et la plus précoce possible des antiviraux pour endiguer l’émergence d’un virus : une fois la pandémie déclarée, l’intérêt de ces médicaments pourrait rapidement devenir limité ». 30


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Des Français enfin traités comme des adultes ? « En quoi le traitement de cette crise a-t-il été particulier ? Généralement, quand une menace surgit, les pouvoirs publics rassurent. C’est ainsi qu’à des crises comme celles de l’amiante, de la vache folle, du sang contaminé, on a toujours répondu “braves gens, dormez sur vos deux oreilles, le gouvernement contrôle la situation”. C’est la première fois qu’en France le président lui-même adopte un ton alarmiste. Et que les Français sont considérés comme des adultes. Comment expliquer cela ? D’une part, toutes les enquêtes montrent une rupture de la confiance envers les scientifiques et les hommes politiques. Ces derniers savent que le discours de réassurance ne fonctionne plus, et qu’ils risquent de se faire démentir peu après s’ils adoptent ce discours : rappelez-vous les affaires de l’amiante et du sang contaminé ! Ensuite, le président Jacques Chirac lui-même vient de plaider en faveur de l’inscription dans la Constitution d’un article sur le principe de précaution. Logiquement, il commence par appliquer ce principe à cette crise. » (Thierry Libaert, professeur en sociologie de la communication à l’Institut de sciences politiques et à l’université Paris I)

Secundo, deux études différentes publiées en octobre et décembre 2005 dans des revues scientifiques (Nature et New England Journal of Medecine) ont montré qu’il existait des souches de H5N1 résistantes à cet antiviral. La dernière étude a porté sur huit Vietnamiennes malades de la grippe aviaire ayant reçu un traitement au Tamiflu® au moment de leur hospitalisation, en 2004 et 2005. L’antiviral a donné de bons résultats chez quatre patientes, réduisant de manière drastique le nombre de particules virales. Les quatre autres patientes sont décédées et des analyses ont montré que deux d’entre elles hébergeaient un virus qui présentait une sensibilité diminuée à l’antiviral. Pour les auteurs, ces observations d’une résistance qui apparaît rapidement, pendant le traitement à des doses recommandées, suggèrent que le traitement de la forme humaine de la grippe 31


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aviaire devrait idéalement inclure des antiviraux supplémentaires. Enfin, selon le professeur Alain Goudeau, chef du service virologie du CHU de Tours : « Personne ne peut dire si le Tamiflu® sera efficace en situation de pandémie. On assisterait à une exaltation de la virulence d’un virus face auquel la population n’aurait aucun anticorps. Et dans ce cas, personne ne peut dire à quoi servira le Tamiflu®. C’est un pari hasardeux et coûteux. J’aimerais qu’on dépense un dixième de l’argent aujourd’hui utilisé pour acheter du Tamiflu® pour aider les pays démunis. C’est en se mobilisant là-bas qu’on évitera la pandémie, pas en dormant sur nos stocks d’antiviraux. » (La Croix, 21 octobre 2005) Reste qu’en l’absence de vaccin, les autorités n’ont sans doute pas d’autre choix que de stocker les seuls traitements capables de soulager les malades, et de limiter l’extension d’une pandémie…

Jeanne Brugere-Picoux « Si l’on considère les facteurs de risques pour les voyageurs se rendant en Asie, on peut s’interroger sur la justification actuelle de la présence de nombreuses affiches dans les aéroports français prévenant les voyageurs sur le risque lié à la « grippe aviaire » ayant tué 63 personnes en près de deux ans après un contact étroit avec des volailles en Asie du Sud-Est. Ne serait-il pas plus judicieux d’informer les voyageurs du risque lié à l’encéphalite japonaise, surnommée la « peste de l’Orient » qui s’étend en Asie et qui est due à un flavivirus transmis par les moustiques. Sur les 50 000 cas officiellement répertoriés chaque année, 10 000 connaissent une issue fatale. À ce jour, suite à une épidémie humaine en Inde ayant débuté fin juillet 2005, plus de 600 morts ont été déclarés officiellement. Il serait souhaitable de hiérarchiser les risques de manière plus rationnelle. » (in Le Figaro, 16 décembre 2005) 32


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Une indispensable prise de conscience En conclusion, et quoi que l’on pense des discours alarmistes de scientifiques largement repris par les médias et les politiques, une chose est sure : nous ne sommes pas à l’abri d’une pandémie comme il s’en produit régulièrement, même si rien ne dit qu’elle sera issue du H5N1. Dans cette perspective, toute cette agitation n’aura pas été inutile. En France, les systèmes de surveillance ont été perfectionnés, la coopération scientifique internationale a été renforcée, des moyens ont été donnés, qui manquaient, à la fois à la recherche sur les virus, mais aussi aux pays en voie de développement pour les aider à surveiller mieux les épidémies.

« Il est impossible d’établir des prévisions exactes concernant la mortalité avant que le virus de la pandémie n’apparaisse et ne commence à se propager. Toutes les estimations relatives au nombre de décès qui lui seraient imputables sont purement spéculatives. » (Site OMS, article du 14 octobre 2005, « 10 choses qu’il faut savoir sur la grippe pandémique »)


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