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Déjà parus dans la collection Légendes du sport Les Merveilleuses Histoires du Tour de France, par Jean-Paul Brouchon, 2003 Poulidor, par Raymond Poulidor, 2004

© Éditions Jacob-Duvernet, mai 2005 ISBN : 2-84724-092-6


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Remerciements Je ne suis pas devenu coureur cycliste tout seul et je n’aurai pas pu obtenir le palmarès que l’on connaît sans l’aide de plusieurs personnes qui m’ont aidé. Mes parents, tout d’abord. Ils ont construit par leur exemple l’enfant puis l’adolescent que j’ai été auprès d’eux. Martine, mon épouse, toujours présente à mes côtés, qui m’a soutenu dans les moments difficiles, participant à mes victoires comme à mes défaites, et qui m’a donné deux garçons dont la joie de vivre est une récompense. Jacqueline et José Alvarez, qui ont transformé une relation de travail en un véritable lien amical, puis familial. Mes entraîneurs, au premier rang desquels se trouve Robert Leroux, qui fut le premier à déceler en moi les qualités d’un coureur cycliste. Viennent ensuite Cyrille Guimard, qui m’a fait connaître la vie de coureur professionnel, et Paul Koechli, qui a su me faire redevenir, après une opération chirurgicale, le coureur que j’étais et qui a ainsi accepté de participer à l’aventure de mes trois dernières années de coureur. Mes équipiers, dont je n’ai jamais cessé de louer l’abnégation. Ceux qui m’ont entouré : médecins, kinésithérapeutes, managers, ingénieurs, techniciens, secrétaires, qui ont tout fait pour faire fonctionner à la perfection les équipes dont j’ai porté les couleurs. Certains journalistes qui m’ont aidé à évoluer dans un environnement que je ne connaissais pas. J’exprime enfin ma reconnaissance à Jean-Paul Brouchon, un ami de longue date, qui a suivi avec fidélité toute ma carrière et qui a accepté de tenir ma plume pour rédiger cet ouvrage. Qu’ils soient tous ici publiquement et chaleureusement remerciés.


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SOMMAIRE

PRÉFACE de Jean-Marie Leblanc ............................................ 9 INTRODUCTION ....................................................................... 13 CHAPITRE I

Yffiniac .............................................................................. 15 CHAPITRE II

Robert Leroux .................................................................... 21 CHAPITRE III

Professionnel ...................................................................... 27 CHAPITRE IV

Cyrille Guimard ................................................................. 35 CHAPITRE V

José Alvarez ....................................................................... 37 CHAPITRE VI

1976 : premières victoires .................................................. 41 CHAPITRE VII

1977 : premières grandes victoires internationales ............ 47


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CHAPITRE VIII

1978 : l’approche du Tour de France ................................. 61 CHAPITRE IX

Mon premier Tour .............................................................. 69 CHAPITRE X

1979 : trente-cinq victoires…............................................. 81 CHAPITRE XI

1980 : les Championnats du monde ................................. 103 CHAPITRE XII

La victoire à Roubaix ....................................................... 123 CHAPITRE XIII

Le premier doublé Tour d’Italie-Tour de France ............. 137 CHAPITRE XIV

1983 : la rupture avec Renault ......................................... 151 CHAPITRE XV

Bernard Tapie................................................................... 161 CHAPITRE XVI

Paul Koechli ..................................................................... 165 CHAPITRE XVII

1984 : à la recherche d’une grande victoire ..................... 169


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CHAPITRE XVIII

1985 : le second doublé Tour d’Italie-Tour de France..... 177 CHAPITRE XIX

1986 : ma dernière année ................................................. 187 CHAPITRE XX

La fête au Quessoy ........................................................... 199

ANNEXES Établies par Jean-Paul Brouchon

Le palmarès de Bernard Hinault ...................................... 205 Les coéquipiers de Bernard Hinault................................. 213


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Les éditions Jacob-Duvernet remercient leur partenaire ESPN Classic Sport, la chaîne dédiée aux plus grands moments et aux légendes du sport. Vous pouvez retrouver notre partenaire ESPN Classic Sport sur Internet www.espnclassicsport.fr


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PRÉFACE Qu’est-ce qui fait que, vingt ou trente ans après, parfois plus, de grands champions dont la biographie a déjà été publiée du temps de leur carrière active, fassent l’objet d’un nouveau livre ? Tout n’aurait donc pas été dit, naguère, à leur propos ? Ou bien la curiosité des nouvelles générations de lecteurs l’imposerait-elle ? Ou est-ce encore le charisme inaltérable des personnages qui le justifie ? À moins que la raison en soit le recul indispensable pour mieux analyser une vie sportive. C’est un peu de tout cela, sans doute, qui a motivé récemment – et pour ne nous en tenir qu’au cyclisme – l’édition d’ouvrages nouveaux sur Raymond Poulidor, qui approche les soixante-dix ans, et sur Eddy Merckx, qui vient de passer le cap des soixante. Ne parlons pas de Jacques Anquetil, dont la mémoire méritait d’autres égards que les « confessions » dont vous avez peut-être entendu parler. Et voici que Bernard Hinault, notre fringant Blaireau national, tout juste cinquantenaire, se voit consacrer à son tour et à nouveau quelque deux cents pages sur son passage retentissant dans le XXe siècle cycliste. N’était-il 9


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pas, jusqu’à il y a peu, recordman des victoires dans le Tour de France, à égalité avec Anquetil, Merckx, Indurain et Armstrong, jusqu’à ce que ce dernier ne leur prenne une longueur ? N’est-il pas considéré par les historiens du sport comme le premier dauphin de sa majesté Eddy Merckx, meilleur coureur du monde toutes époques confondues ? N’a-t-il pas marqué son ère, les années 1980, de ses coups d’éclat, de ses coups de gueule, de ses exploits souvent, de ses défaillances parfois, de son panache toujours ? N’a-t-il pas été exemplaire de lucidité et de sagesse pour quitter le peloton en pleine gloire, à trente-deux ans ? N’a-t-il pas eu le front, ensuite, d’embrasser un nouveau métier, auprès de sa terre et de sa Bretagne, auxquelles il est si attaché, plutôt que de seulement tirer profit de son nom dans le business et la pub ? N’a-t-il pas des convictions bien trempées sur son sport, sur la vie, sur les valeurs de l’un et de l’autre ? Jean-Paul Brouchon sait tout cela. D’abord parce que sa longue et belle carrière de grand reporter à Radio France lui a valu, naguère, de côtoyer d’au plus près Bernard Hinault et son entourage. De là finit par naître la confiance. Elle est devenue complicité tant les deux hommes n’ont jamais distendu leurs liens, le Breton étant resté comme on le sait intégré à l’organisation du Tour de France. Du coup, de son style franc et direct, Jean-Paul Brouchon enrichit d’anecdotes l’existence déjà dense d’un personnage peu ordinaire. Bernard Hinault possède les vertus des grands champions de son calibre, chez qui la modestie et la simplicité


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Préface

sont proportionnelles à l’épaisseur du palmarès – c’est une constante dans le cyclisme. Quand bien même on aurait en mémoire la plupart de ses hauts faits d’armes (Sallanches, Roubaix, Côme, Cannes, presque toutes les routes du Tour), il est fort agréable de revisiter ou de redécouvrir l’homme qu’est Bernard Hinault, mûr avant d’être expérimenté, intelligent avant d’être cultivé, riche avant d’être fortuné. Ils ne sont pas si nombreux. Ayant eu la chance, moi aussi, de voir ma carrière journalistique enjolivée par le bonhomme, je me dis avec beaucoup d’autres que le cyclisme français et les Tours de France d’aujourd’hui sont un peu orphelins de ce type de champions. Jean-Marie Leblanc

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INTRODUCTION

J’ai été et je suis encore un coureur cycliste. On associe mon nom à la pugnacité et à la volonté dont j’ai toujours fait preuve pour me montrer meilleur que mes r ivaux. Les années ont passé et, je n’ai pas peur de l’avouer, je cristallise toujours autant l’attention. C’est la raison pour laquelle, en me faisant aider, car j’ai été coureur et non écrivain, j’entreprends aujourd’hui de publier cette autobiographie. Il ne s’agit pas de proclamer mon autosatisfaction, mais de montrer comment on peut devenir un coureur au grand palmarès, pourvu que le travail et la volonté soient élevés au rang de vertus. Il s’agit aussi de démontrer comment, grâce au travail, un athlète de haut niveau peut trouver sa place dans la vie active et réussir sa reconversion. Je suis certain d’avoir apporté, en dehors de mon palmarès et par ma seule présence, un souffle nouveau dans le cyclisme. En 1975, lorsque j’ai commencé ma 13


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carrière, il n’y avait que quatre équipes professionnelles françaises dans le peloton international et cent coureurs au départ du Tour. En 1986, onze ans plus tard, lorsque j’ai quitté la compétition, il y avait sept équipes professionnelles françaises et 210 coureurs au départ du Tour. J’ai également contribué à l’amélioration du matériel et des conditions de course. Durant ma car r ière, j’ai côtoyé les plus g rands p e r s o n n a g e s d e n o t re p ay s . U n p r é s i d e n t d e l a République en exercice m’a remis la Légion d’honneur et, pendant mes activités à la Société du Tour de France, hommes politiques et grands patrons d’entreprises se sont succédé dans ma voiture. Je leur ai fait découvrir le cyclisme avec un plaisir non dissimulé, continuant ainsi à apporter ma pierre à l’édifice. Avec le cyclisme, j’ai connu de très grandes joies, découvert des pays, rencontré des personnes passionnantes. J’ai cependant tourné la page alors qu’il m’aurait encore été possible de pédaler un an ou deux. N’ayant jamais accepté la déchéance, je ne voulais pas faire l’année en trop. J’avais hâte de retrouver ma famille et de monter avec Martine cet élevage de bovins dont je suis si fier. C’est donc une partie de ma vie que je livre dans cet ouvrage.


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CHAPITRE I Yffiniac

Yffiniac, bourgade du dépar tement des Côtes d’Armor, a une vocation agricole, bien qu’elle soit située à quelques encablures du fond de la baie de Saint-Brieuc. Comme les autres villages des alentours, Yffiniac vit paisiblement au rythme des saisons. C’est là que mes parents, Joseph et Lucie, sont nés et qu’ils se sont mariés. Dans ce pays d’agriculture, ils ont pour vocation, comme beaucoup, de vivre des produits de la terre. Mais acheter du terrain coûte cher et leur bourse plate les contraint à louer leurs bras et leurs forces en Normandie. Puis, mon père ayant obtenu un emploi à la SNCF, ils partent pour Paris où ils demeurent cinq ans. De retour à Yffiniac, mes parents s’installent dans une grande bâtisse. C’est là que je pousse mon premier cri, le dimanche 14 novembre 1954. Mon frère Gilbert m’y précède, Josianne et Pierre vont me suivre. À côté de la maison se trouve un enclos dans lequel vivent des lapins et quelques volailles. Un peu plus loin s’étend le potager, 15


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avec son incontournable parcelle consacrée à la culture de l’oignon, l’orgueil d’Yffiniac. Mais une petite exploitation ne suffisant pas à nourrir une famille, mon père devient poseur de rails. C’est un métier difficile, épuisant, dans lequel il faut affronter aussi bien le soleil brûlant de l’été que la pluie pénétrante de l’hiver. Pour ma part, je suis un enfant turbulent, toujours prompt à faire des bêtises. Je me souviens que mon jeu favori consistait à rendre sa liberté à un poulet que je choisissais au hasard dans l’enclos. S’ensuivait l’inévitable « rouste » de mon père. Je déclarais aussitôt regretter sincèrement, mais c’était pour mieux recommencer quelques jours plus tard. Malgré la proximité de la mer, je ne suis pas devenu marin. Mais enfant, puis adolescent, je n’ai pas mon p a re i l p o u r d é bu s q u e r, à m a r é e b a s s e, c r a b e s e t coquillages tout en tendant des lignes de fond afin d’attraper des bars, des soles, des rougets et des anguilles. Je ne manifeste pas beaucoup d’intérêt pour l’école, préférant la vie au grand air. Je ne suis guère attentif aux leçons du maître, mais à quatorze ans, il me faut passer le certificat d’études. Je ne l’obtiens qu’après avoir donné un sérieux coup de collier au dernier trimestre. Je dois ensuite choisir un métier. Ayant toujours éprouvé une passion pour le bois, j’aurais voulu être ébéniste. Le bois est pour moi un matériau noble. J’aime son odeur, son toucher. Malheureusement, la classe de menuiserie de Saint-Brieuc est complète et on m’inscrit d’office dans celle de métallurgie. J’obtiens, quatre ans plus tard, mon CAP d’ajusteur. Je suis monté pour la première fois sur une bicyclette à l’âge de huit ans. En 1962, pour Noël, mon frère aîné 16


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Gilbert trouve en effet au pied du sapin un superbe vélo rouge. De temps à autre, il me le prête. Peu importe les chutes du début ou le fait qu’il ait été beaucoup trop grand pour moi. Peu importe aussi que je doive, pour m’y jucher, m’aider d’une brique. Déjà le vélo me plaît. Au collège du Sacré-Cœur de Saint-Brieuc, je pratique l’athlétisme sous la direction de Daniel Carfentan. Cross l’hiver et piste l’été. J’obtiens des résultat flatteurs et reste persuadé, aujourd’hui encore, que j’ai appris à domestiquer mon souffle grâce à cette discipline. Pour me rendre au collège, je dédaigne le car de ramassage scolaire, trop propice aux maladies d’enfants, au profit du vélo que mes parents m’ont offert après mon succès au CEP, soit 10 km pour aller et autant pour revenir. Chaque jour de classe, je parcoure donc une vingtaine de kilomètres, quel que soit le temps, et m’applique en particulier dans la seule montée du parcours, dite « la côte de Langueux ». Chaque jour, j’essaie de faire mieux que la veille. Petit à petit, le goût de la performance prend corps en moi. En Bretagne, le cyclisme est roi. Mes parents ne se sont jamais déplacés qu’à vélo. Mon cousin René, lui, participe souvent à des épreuves cyclistes. Parfois le dimanche je l’accompagne. J’apprécie ces après-midi de fête dans les villages. Tout le monde se connaît, tout le monde se tutoie. Dans ces terres bretonnes, on respire le cyclisme. Il n’y a pas une seule famille qui ne compte au moins un coureur. Dans les cafés, on parle souvent vélo en se remémorant les exploits des coureurs bretons et en les enjolivant, aussi bien dans les grandes épreuves que dans les courses de village. 17


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Le dimanche 25 avril 1971 ne semblait pas devoir se distinguer des autres. Et pourtant… Je me souviens que cette année-là, le début de la saison a été dominé par Eddy Merckx, qui a remporté une troisième victoire consécutive dans Paris-Nice, une quatrième dans MilanSan Remo et une deuxième dans Liège-Bastogne-Liège. Mais surtout, ce dimanche-là, c’est mon cousin René qui a remporté la course. J’assiste à l’épreuve. René ne gagne qu’après une lutte intense avec ses adversaires. Tout de suite, je suis conquis par cet acharnement à conquérir la victoire, par ces jeunes coureurs qui donnent le meilleur d’eux-mêmes jusqu’à l’épuisement pour triompher. J’ai aimé – et j’aime toujours – cette bagarre avec l’adversaire, cette saine lutte d’homme à homme. Ma décision est prise. Moi aussi, je vais courir. *** Dès le mardi suivant, le 27 avril, je signe une licence au COB, le Club olympique briochain et le dimanche, le 2 mai, je dispute ma première course à Planguenoual, à une vingtaine de kilomètres d’Yffiniac. Je n’ai pas de bicyclette de course. J’emprunte donc celle de mon frère Gilbert qui, devenu électricien, pense lui aussi devenir coureur. En fait, il s’est vite rendu compte, à l’issue de quelques séances d’entraînement, qu’il n’était pas fait pour le sport. Quand à la bicyclette, elle est en acier, avec des manivelles également en acier. Les leviers pour changer les vitesses sont tellement longs que c’est tout juste s’il ne faut pas s’y prendre à deux mains pour les manœuvrer. 18


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Au moment de quitter la maison pour me rendre à Planguenoual, je sens l’inquiétude de ma mère. Dans le village, on raconte bien des histoires de garçons qui, victimes de chutes en course, sont rentrés chez eux couverts de pansements. Je la rassure : « Ne t’inquiète pas Maman, ce soir, tu auras un beau bouquet de fleurs, celui du vainqueur ! » Me voici sur la ligne de départ, entouré d’une cinquantaine de garçons de mon âge. Je ne connais personne, et personne ne connaît mon immense désir de gagner. Le départ est donné. Je suis prudent. Je n’ai encore jamais roulé en groupe. Je ne m’aventure pas au milieu de la route. J’utilise les bas-côtés et, souvent, je me place en dernière position du peloton, à distance respectable des derniers du groupe. À un tour et demi de l’arrivée, profitant d’une montée, je porte une violente accélération. Je ne me souviens pas d’avoir souffert à ce moment précis, mais j’ai encore en mémoire la satisfaction immense que j’ai ressentie lorsque je me suis rendu compte, au sommet de la côte, qu’il n’y avait plus qu’un seul coureur dans mon sillage : Jean-Yves Olivier, la terreur des courses cyclistes du coin. Au dernier passage de cette côte, je porte une nouvelle offensive. À 500 mètres de la ligne d’arrivée, je suis seul. Tout de suite, pour la première fois de ma carrière naissante, je trouve les gestes du vainqueur pour franchir la ligne. Je ne pense pas une seconde à la tristesse de JeanYves Olivier, devant la maison de qui l’épreuve s’achève. Je ne pense qu’à ma propre joie. Le soir, je remets à ma mère une superbe gerbe de fleurs. Elle s’avoue surprise par ma détermination et par l’annonce que je lui avais faite, le matin même, de ma future victoire. 19


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À de nombreuses reprises, au cours de ma carrière, il m’est arrivé d’annoncer mes succès à venir… et surtout de tenir parole. Il est vrai qu’en certaines circonstances, je suis capable de déployer une volonté sans faille. Fort de ma victoire, je propose à mon frère de lui acheter son vélo, un Gitane de couleur bleue. N’ayant pas un sou, je m’engage à lui donner mes modestes prix et l’argent que je gagne en travaillant dans une stationservice. Mon travail consiste à servir l’essence et je suis payé au pourboire. Je n’ai pas mon pareil, une fois le plein de carburant effectué, pour nettoyer les vitres et les phares, vérifier les niveaux et, au besoin, gonfler les pneus. Pour tant, les jour nées sont longues : elles commencent à huit heures du matin pour s’achever à dix heures du soir. C’est mon père qui m’a appris les vertus du travail. Je ne les ai jamais oubliées. Quant à mon frère, je le rembourse comme promis jusqu’au dernier sou. Mes mes débuts en cyclisme vont m’inculquer ne autre qualité : l’humilité, car si je gagne les quatre premières courses auxquelles je participe, j’enregistre ensuite huit défaites consécutives. Cette saison 1971 est toutefois bonne : je remporte douze victoires sur vingt courses.


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