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Hervé Réquillart

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Éditions Jacob-Duvernet


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Table des matières

Préface ............................................................................................................................................................... 7

CHAPITRE I L’Assurance maladie au bord du gouffre ...................................................... 9 CHAPITRE II Mon médecin traitant, pour quoi faire ? ................................................. 29 CHAPITRE III Ma liberté au prix fort ......................................................................................................... 49 CHAPITRE IV La chasse au gaspi est ouverte ! .............................................................................. 69 CHAPITRE V Trop vieux, trop malades… trop chers ! .................................................. 91 CHAPITRE VI Quand la santé devient une marchandise….................................. 111 CHAPITRE VII SOS Médecins… de campagne ......................................................................... 133 CHAPITRE VIII Hôpital, on réforme en silence ! ....................................................................... 153 CHAPITRE IX Santé publique : le péril permanent ........................................................... 171 CHAPITRE X Un patient éclairé en vaut deux… ................................................................ 189


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PRÉFACE

Le nouveau consumérisme médical

Voilà des décennies que l’on présente le système de santé comme perpétuellement en crise. La hausse constante de demande de soins, l’essoufflement des capacités de financement collectif (le fameux « trou de la Sécu »), le coût croissant des produits et des prestations de santé creusent des lézardes de plus en plus profondes dans les murs de cet édifice construit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Au point que chaque gouvernement, l’un après l’autre, annonce la grande réforme censée consolider les fondations et améliorer le fonctionnement de l’Assurance maladie. La dernière en date, celle qui a été adoptée à l’été 2004, contient des changements de nature à bouleverser progressivement la vie des patients et des soignants. Le choix d’un médecin traitant, le respect du parcours de soins, l’adhésion à un organisme d’assurance complémentaire, une consommation modérée des soins ne sont que quelques-unes des contraintes nouvelles qui s’imposent à tous les assurés sociaux. Portée par la majorité parlementaire et appuyée par une partie importante du corps médical, cette réforme introduit une dimension inédite : alors qu’il jouissait auparavant d’une liberté totale dans ses choix médicaux, le malade est désor7


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mais incité financièrement à opter pour un médecin traitant, qui tiendra son dossier médical personnel et gérera avec lui ses recours aux différents prestataires de soins. S’ouvre aujourd’hui l’ère du patient éclairé, celle d’un malade soucieux de surveiller sa consommation, de s’informer des nouveaux traitements, de comparer les mérites ou le coût de tel ou tel praticien. Utopique, dira-t-on… Ce portrait idéal ne deviendra pas celui de tout un chacun d’un coup de baguette magique. Mais nous avons tous intérêt à nous y préparer. Car derrière les projets du gouvernement se cache une autre réalité, beaucoup moins agréable : demain, chaque foyer devra consacrer une part croissante de son revenu à ses dépenses de santé. Mieux vaut donc comprendre les enjeux qui motivent les transformations actuelles. D’où ce livre, signé par l’un des meilleurs observateurs de l’univers des soins français, qui décrypte ces changements et en esquisse les conséquences. Avec l’objectif de convaincre chacun qu’un malade bien soigné est aussi un malade qui sait où s’adresser, qui sait ce qu’il dépense, ce qu’il cotise et ce qu’il consomme.

Luc Jacob-Duvernet


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CHAPITRE I

L’Assurance maladie au bord du gouffre

« 16 000 euros chaque minute. » Le chiffre, lâché au détour d’une phrase à la télévision, vise à faire peur. C’est le montant du déficit de l’Assurance maladie qui s’accumule jour après jour. L’ordre de grandeur, soigneusement choisi par le cabinet du ministre et les conseillers en communication, veut interpeller l’opinion publique, sur le ton de « l’heure est grave ». Ce soir de mai 2004, en direct dans l’émission de France 2 « Cent minutes pour convaincre », Philippe Douste-Blazy sait qu’il joue gros. La réforme de l’Assurance maladie, dont il a hérité en grande partie, est prête, mais elle a besoin d’un bon coup de starter. Les talents de grand communicant de ce ministre expérimenté, opportuniste, habile à « sentir » le sens du vent, vont faire merveille. Deux mois plus tôt, le maire de Toulouse a accepté de revenir au gouvernement au poste de ministre de la Santé, alors qu’il avait décliné la même offre en mai 2002. À l’époque, Jacques Chirac entamait son quinquennat dans la stupéfaction générale provoquée par la cauchemardesque menace de Le Pen aux élections ; c’est le porte-parole du groupe UDF, Jean-François Mattei, qui avait accepté le ministère. Professeur de médecine et spécialiste de bio9


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éthique, fin connaisseur des arcanes du système de santé, Mattei est un homme qui travaille ses dossiers. Mais il était alors inconnu du grand public et ne se montrait pas aussi à l’aise devant les caméras que son confrère cardiologue. Surtout, cet élu marseillais n’a pas su gérer la canicule de l’été 2003. Sa prestation télévisée, en « polo noir » dans son jardin, au cours de laquelle il affirmait que la situation était sous contrôle, a profondément choqué les Français. « Grillé » au gouvernement, Jean-François Mattei a dû laisser sa place, au printemps 2004, à Philippe Douste-Blazy, qui, entre 1993 et 1995, avait déjà occupé le poste sous la houlette du ministre des Affaires sociales, Simone Veil.

TENIR SES PROMESSES Pour le président de la République, la réforme de l’Assurance maladie est, avec les retraites et la dépendance des personnes âgées, l’un des trois chantiers prioritaires sur le terrain social. Jacques Chirac a tiré la leçon de 1995 : plus question de ne pas tenir ses promesses. D’autant qu’il ne s’agit plus là de réduire la fracture sociale, mais plus prosaïquement de redresser les comptes. Un nouveau plan est mis en chantier, après la vingtaine d’autres qui ont fait office de rustines depuis trente ans… Au passage, la majorité parlementaire espère renouer les fils d’une relation orageuse avec un électorat d’ordinaire fidèle. Depuis la dernière réforme, celle qu’a tentée Alain Juppé en 1996, une partie des médecins libéraux sont en rupture de ban avec le camp Chirac. Certains sondages l’ont montré : ce corps électoral a profité de la dissolution pour manifester son mécontentement dans les urnes en 1997. Et l’échec de la droite peut, en partie, être imputé à la volte-face de ces professionnels souvent écoutés par leurs patients. En préparant les textes législatifs, le gouvernement n’a eu de cesse de consulter les syndicats médicaux et d’amender son projet, selon le motif « qu’on ne fait 10


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pas une réforme du système de santé sans l’adhésion des médecins ». L’observation n’est pas fausse : parce que c’est lui qui prescrit examens et médicaments, le médecin libéral reste le principal ordonnateur des dépenses de santé. Or, en 1996, Alain Juppé avait commis le crime de leur réclamer des comptes. En fin d’année, certains pouvaient même être tenus de reverser de l’argent à l’Assurance maladie, au cas où les objectifs annuels de dépenses n’auraient pas été respectés. Jugés iniques par les médecins libéraux, ces reversements ont fait l’objet de multiples contestations, jusqu’au Conseil constitutionnel qui en a annulé le principe. Pendant ce temps, le déficit a continué de se creuser, et les médecins ont pu prescrire librement sans avoir à rendre de comptes.

DRÔLE DE DRAME Retournons sur le plateau de France 2. Pour convaincre les téléspectateurs de l’urgence de la situation, Philippe Douste-Blazy n’hésite pas à employer les grands moyens. Au menu, dramatisation et culpabilisation. Le modèle français d’Assurance maladie, si généreux et si envié par de nombreux pays, n’a plus les moyens de ses ambitions. Le ministre insiste sur deux points : les dépenses inutiles et les fraudes. La carte Vitale est montrée du doigt, et Philippe Douste-Blazy évoque la circulation de « plusieurs dizaines de milliers de fausses cartes Vitale ». Le fantasme du fraudeur – l’étranger venu vivre aux crochets du généreux système de protection sociale à la française, par exemple – permet de fédérer la réprobation des millions d’assurés sociaux en règle avec leur conscience. En réalité, l’Assurance maladie a démontré quelques jours plus tard, chiffres à l’appui, que ces cartes sont pour la plupart les « doublons » de cartes éditées pour des assurés – par exemple ceux qui ont déménagé – et qu’elles ne sont pas utilisées. La fraude existe, mais reste très marginale. 11


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Cette dramatisation sert surtout à préparer les esprits à ce qui apparaît comme beaucoup plus sérieux : l’accumulation d’actes médicaux inutiles, d’examens redondants, de prescriptions excessives de médicaments… tous ces excès qui font du système de santé français un vaste bazar où tout s’achète et se consomme sans garde-fou. De fait, chacun peut consulter autant de médecins qu’il le souhaite, se rendre aux urgences hospitalières aussi souvent qu’il le veut ou encore réclamer et acheter toutes sortes de traitements médicamenteux que l’Assurance maladie et la complémentaire santé rembourseront rubis sur l’ongle… Personne ne sait vraiment évaluer le montant du gâchis, même si plusieurs experts s’y sont essayé. Au début des années 1990, un rapport avançait le chiffre de 100 milliards de francs, un chiffre repris et gonflé à 130 milliards de francs à la fin du siècle dernier par le directeur de l’Assurance maladie de l’époque, Gilles Johanet. Aujourd’hui, c’est le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, cette assemblée des sages du secteur, qui est chargé de ce type d’études. Sans s’aventurer dans un chiffrage général – forcément aléatoire –, ce conseil a produit depuis deux ans plusieurs travaux qui apportent un éclairage édifiant. Ainsi, on sait à présent que la dépense d’Assurance maladie est très concentrée sur un petit nombre d’assurés : 14 % d’entre eux consomment 55 % de la dépense annuelle. On sait de plus qu’un Français fait en moyenne autant de dépenses de santé durant la dernière année de sa vie que pendant tout le reste de son existence.

L’OPINION SE RÉSIGNE Au lendemain de son intervention télévisée, Philippe Douste-Blazy comprend vite que la première étape de son programme est gagnée. Les sondages montrent que l’opi12


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nion publique, loin de se mobiliser sur un thème qui, en d’autres temps, aurait pu mettre des centaines de milliers de manifestants dans la rue, accepte le caractère inéluctable de la réforme. Confusément, et à l’instar de ce qui s’est passé pour les retraites, une certaine résignation se fait jour. Le poids du vieillissement et le déséquilibre qu’il va engendrer en termes de financement est en effet une donnée acquise et irréversible. Les Français sont donc prêts à accepter certains changements, à consentir certains efforts, à condition que les mesures prises préservent au maximum l’originalité du modèle de santé hexagonal. Avec ce « chèque en blanc » de l’opinion et un terrain bien balisé du côté des syndicats de salariés, le gouvernement n’a plus qu’à préparer sereinement le débat parlementaire. La discussion de la loi a lieu début août 2004. Dans la torpeur estivale, sur un sujet que l’opposition a bien du mal à critiquer sur le fond, la loi est votée sans coup férir. Elle prévoit plusieurs changements notables dans l’organisation du système de soins. C’est d’abord la création du médecin traitant. Tout assuré de plus de seize ans est tenu de choisir un médecin, généraliste ou spécialiste, qu’il devra consulter systématiquement pour tout problème de santé. C’est ce médecin traitant qui décidera de l’adresser en seconde intention à un autre professionnel, plus spécialisé, pour prendre le relais ou simplement donner un avis d’expert. Plutôt que de rendre le choix du médecin traitant obligatoire, le gouvernement a opté pour un dispositif plus subtil – incitatif ou sanctionnant, selon le point de vue où l’on se place : le patient qui refuse de choisir un médecin traitant ou qui s’adresse directement à un autre médecin devra accepter d’être moins bien remboursé. De plus, les spécialistes ainsi consultés sont autorisés à appliquer un dépassement tarifaire, que l’assureur complémentaire ne remboursera pas au patient. 13


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Une autre série de mesures vise à améliorer les finances de la branche maladie. Le taux de prélèvement de la CSG des retraités est aligné sur celui des salariés. Une contribution forfaitaire d’un euro, non prise en charge par l’Assurance maladie, est demandée pour chaque consultation. Les profits de l’industrie pharmaceutique sont davantage taxés. Et le RDS (remboursement de la dette sociale), taxe créée en 1996, est prolongé de trois ans, jusqu’en 2017. Les recettes provenant des taxes sur le tabac sont intégralement affectées à la branche maladie. L’objectif affiché est ambitieux : le déficit, établi à 13,3 milliards d’euros en 2004, doit être résorbé en 2007. Enfin, certaines mesures sont également programmées à l’horizon 2007, comme la création du dossier médical personnel. Il s’agit pour chaque assuré de plus de seize ans de disposer d’un dossier médical informatisé, consultable et renseignable via internet, et géré par le médecin traitant. C’est un peu la « clé de voûte » de la réforme : ce dossier vise à mieux coordonner l’intervention des différents professionnels, à améliorer leur efficacité et la rapidité de prise en charge, à éviter les actes et examens inutiles, voire dangereux.

LE « MECCANO » DE LA RÉFORME Après le vote de la loi, en août 2004, le gouvernement avait promis que la centaine de décrets prévus seraient publiés avant la fin de l’année. Un engagement à ne pas prendre à la légère, car on ne compte plus le nombre de textes législatifs restés lettre morte faute de décrets d’application. Pour une fois, il a quasiment tenu parole, puisque 95 % des décrets étaient publiés au 1er janvier 2005. Cette célérité doit beaucoup à l’obstination de l’adjoint de Philippe Douste-Blazy, Xavier Bertrand, nommé secrétaire d’État à l’Assurance maladie au moment où le ministre 14


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prenait ses fonctions. Ce jeune député de l’Aisne, remarqué par Alain Juppé lors du débat parlementaire sur les retraites, a fait, à trente-neuf ans, son entrée au gouvernement sur un poste réputé explosif. La fonction s’apparente à celle d’un fusible de Philippe Douste-Blazy, à celle de « Meccano » de la réforme. À lui les négociations de l’ombre, pendant que son ministre de tutelle se réserve les annonces dans la sphère médiatique. Travailleur acharné, bon tacticien, Xavier Bertrand s’en sort avec les honneurs et obtient, en mai 2005, de succéder à Philippe Douste-Blazy comme ministre de la Santé à part entière. Auparavant, il aura dû assurer la montée en charge du médecin traitant, surveiller les négociations entre l’Assurance maladie et les syndicats médicaux et lancer le chantier délicat du dossier médical personnel.

CHANGER LES COMPORTEMENTS Quelle est la logique de toutes ces grandes manœuvres ? Tout tient dans le slogan défini lors d’une des campagnes de promotion de la réforme : « C’est en changeant tous un peu qu’on peut tout changer. » La formule pourrait vite sonner creux. Pourtant, elle résume assez bien les travers du système de santé français, marqué par l’addition de comportements qui ne se révèlent pas toujours responsables. L’absence de contraintes imposées aux patients est accentuée par le caractère automatique des remboursements par l’Assurance maladie. À partir du moment où un acte médical ou une prescription est délivrée par un professionnel de santé, la caisse primaire est tenue de rembourser le patient au taux fixé par la loi. Pour de nombreuses prestations, le complément de remboursement est fourni par l’assureur complémentaire, auquel adhèrent 92 % des Français. Ainsi, pour la plupart des dépenses courantes, l’assuré n’a même pas à se préoccuper 15


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du montant de dépenses qu’il a générées, puisque tout est pris en charge. Et heureusement : comme le résume une formule inventée par les pères de la Sécurité sociale en 1945 : « Chacun cotise selon ses moyens et dépense selon ses besoins. » C’est le respect, depuis soixante ans, de ce grand principe qui a fait classer en 2000 le système français comme le « meilleur du monde » par l’OMS, lOrganisation mondiale de la santé. Parmi ses critères, l’OMS avait notamment privilégié l’équité d’accès aux soins, qui demeure l’une des grandes valeurs de notre système.

DES PROFESSIONNELS À REVENUS GARANTIS À cette relative insouciance des patients, peu concernés par les sommes en jeu, s’ajoute le jeu politico-syndical des professionnels de santé. Le secteur se divise en deux grandes catégories : l’hôpital (public et privé), qui emploie environ 900 000 personnes, et les professionnels de santé libéraux, environ 300 000. Tandis que le premier, mastodonte qui pèse pour plus de 50 % dans les dépenses remboursées, s’avère depuis toujours délicat à piloter et à réformer, les seconds, eux, disposent depuis soixante ans d’une situation financière très confortable. Car, bien que dotés du statut de libéral, qui leur permet de travailler où et quand ils le souhaitent, ils profitent d’un avantage non négligeable : leurs revenus sont totalement solvabilisés par l’Assurance maladie. En contrepartie, ils doivent respecter des tarifs donnés – les tarifs « opposables » –, mais un certain nombre d’entre eux peuvent appliquer des dépassements tarifaires – par exemple lors d’une visite à domicile, ou si le patient demande un rendez-vous à une heure tardive. Chez les médecins, il existe même un secteur, dit « secteur 2 », pour lequel la fixation des honoraires est totalement 16


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libre. 30 % des spécialistes sont ainsi classés en secteur 2, aujourd’hui accessible à ceux qui disposent de certains titres universitaires. Moins que cette souplesse tarifaire, c’est surtout l’absence totale de contrôle sur le volume global des actes médicaux qui peut poser problème. Dans les années 1990 par exemple, le rythme de progression du nombre d’actes, souvent supérieur à 5 % par an, était considéré comme préoccupant. Et pour cause : les médecins étaient à l’époque plus nombreux qu’aujourd’hui, en situation de concurrence pour « capter » la clientèle du voisin. Un certain nombre d’entre eux tendaient à multiplier les actes, en faisant revenir le patient deux fois plutôt qu’une, afin d’assurer le maintien de leurs revenus. Cette « course à l’acte » a, bien sûr, des effets pervers : outre la dépense inutile, elle pousse le praticien à réduire le temps moyen de consultation. Plutôt que passer une demi-heure à écouter et à rassurer un patient dépressif, le généraliste se contente alors de lui prescrire un tranquillisant pour limiter sa consultation à une dizaine de minutes. Et vider ainsi plus vite sa salle d’attente… Si ce contexte démographique s’est aujourd’hui inversé – et il s’accompagne même d’une perspective proche de la pénurie pour des pans entiers de la médecine libérale –, les mauvaises habitudes demeurent. Certains patients continuent d’apprécier le travail de leur médecin au nombre de rendez-vous proposés ou à la quantité de médicaments prescrits. D’autres multiplient les consultations chez des médecins différents, quitte à accumuler les traitements, voire à prendre des risques en consommant des médicaments incompatibles entre eux – ce qu’on appelle « l’accident iatrogène », qui provoque plusieurs milliers de décès par an. Côté médecins, la tentation est parfois grande, lorsqu’un malade insiste, de le laisser revenir la semaine suivante… 17


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L’ASSURANCE MALADIE, « PAYEUR AVEUGLE » Longtemps, il n’y a pas vraiment eu de pilote dans l’avion. Faute de statistiques suffisamment approfondies et en l’absence d’un système d’information exhaustif, ni l’État ni l’Assurance maladie n’ont été en mesure de connaître précisément les rouages du système de santé. Et cela a duré des années. Qui consomme quoi, et pour soigner quelles pathologies ? Quelle est l’efficacité relative de tel traitement par rapport à tel autre ? Quel est le « juste prix » de telle prestation de santé, et selon quel niveau d’utilité médicale ? Depuis 1998 et la mise en place de la carte Vitale, l’Assurance maladie a fait un important bond en avant. Car la petite carte verte ne sert pas seulement à rembourser le patient plus vite et à éviter la paperasserie de la feuille de soins. Elle constitue aussi une formidable source de données sur l’activité des cabinets médicaux et des services hospitaliers. D’ailleurs, les médecins libéraux ne s’y étaient pas trompés, qui ont freiné pendant des années l’émergence du système Vitale et ont recouru, pour appuyer leurs revendications, à la menace du boycott de la télétransmission des feuilles de soins. Aujourd’hui, Vitale permet de tout savoir sur le nombre et la nature des consultations médicales, le nombre de boîtes prescrites pour tel ou tel médicament, la prévalence de telle pathologie, le dépistage de tel cancer… Au passage, on en sait plus aussi sur les caractéristiques d’activité des professionnels et sur les détails de consommation de chaque assuré social. Mais si l’Assurance maladie dispose à présent de tableaux de bord, de « cartes routières » pour mieux gérer la dépense, elle n’avait pas, jusqu’à la réforme, les manettes nécessaires pour conduire l’engin. Les experts parlent à son sujet de « payeur aveugle » : elle doit régler la note sans sourciller, sans pouvoir vérifier que l’argent public a été bien employé. 18


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LES COMPLÉMENTAIRES EN EMBUSCADE Plus aveugles encore que l’Assurance maladie, les complémentaires santé se contentent, pour leur part, de recevoir des avis de remboursement sans référence médicale, rédigés de façon pour le moins énigmatique comme « consultation de généraliste » ou « médicament remboursé à 35 % par l’Assurance maladie ». Cette anonymisation des données médicales est certes indispensable : elle préserve le secret médical. Les complémentaires, sociétés de droit privé régies par le code des assurances, n’ont pas à connaître l’état de santé de leurs clients. Car la « sélection des risques », avec une tarification dépendant du niveau de santé de chacun, constitue une menace évidente pour l’équité du système de santé. Si l’assureur applique des tarifs trois fois plus élevés à une personne souffrant de problèmes bucco-dentaires importants, on imagine vite le système dériver vers un schéma dans lequel seuls les plus riches seraient bien couverts pour leurs dépenses de santé. Au-delà, la protection des informations santé se révèle cruciale dans d’autres domaines d’assurance, comme l’assurance vie, l’assurance auto ou l’assurance habitation. Si les assureurs disposaient du dossier médical de leurs clients, un certain nombre de ces derniers se verraient refuser des contrats ou devraient acquitter des primes prohibitives. Mais s’il n’est pas question, aujourd’hui, de revenir sur ces principes, force est de constater que le faible niveau d’information des complémentaires ne les aide pas à améliorer le pilotage du risque santé. Car l’assurance est un secteur qui fonctionne sur des calculs de probabilité. Et la fixation des tarifs ressort d’un savant dosage entre le coût du risque sur une année donnée et l’estimation de ce coût pour l’année suivante. Aujourd’hui, les complémentaires santé revendiquent le droit d’accéder à des données de santé globales, anonymes sur le plan individuel (pour éviter la rupture du secret médical). Elles estiment 19


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avoir un rôle à jouer dans la régulation des dépenses de santé et la promotion de la santé publique. Cette demande peut paraître légitime dans la mesure où la part de dépenses qu’elles couvrent devrait inéluctablement progresser dans les années à venir. Actuellement, elle représente 13 % de la part remboursée, mais les « transferts de charge » en provenance de l’Assurance maladie obligatoire pourraient se multiplier.

LE CASSE-TÊTE DES RECETTES La réforme lancée en 2004 vise d’abord à dégager des économies en changeant les comportements. Philippe Douste-Blazy évoquait le chiffre de 3,5 milliards d’économies potentielles en vitesse de croisière, un montant jugé aléatoire par de nombreux observateurs du secteur. Mais cela suffira-t-il à restaurer la santé financière de la branche maladie ? Depuis trente ans, l’opinion publique est habituée à entendre la litanie du « trou de la Sécu ». Deux fois par an, le déficit fait la une des journaux, et l’ampleur « abyssale » du désastre finit par ne plus signifier grandchose pour personne. 50 milliards de francs, 13 milliards d’euros aujourd’hui… Malgré les commentaires consternés de la presse, les assurés constatent qu’ils continuent à être remboursés, que les médecins ont toujours des revenus en progression, que la plupart des médicaments et traitements sont pris en charge. Alors, ne s’agit-il que d’une vaine agitation dans le petit landernau des spécialistes du sujet ? Pas vraiment. Depuis 1996, une formule bien rôdée a été mise en place : la charge de chaque déficit est reportée sur les générations ultérieures, grâce au remboursement de la dette sociale, cette taxe qui vient modestement grever, chaque mois, les fiches de paie. Plutôt que toucher au montant, on a préféré reporter la fin de ce prélèvement de deux ans en deux ans, au point qu’elle est à présent 20


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programmée pour 2016. Pas très sympatique pour nos enfants, qui, avec le vieillissement de la population, auront bien d’autres factures à régler. De fait, la question du déficit de l’Assurance maladie est d’abord et avant tout un problème de recettes. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie a établi que l’insuffisance des recettes expliquait les trois quarts du déficit. Aujourd’hui, les quatre cinquièmes des ressources de la protection sociale proviennent des cotisations sociales. Certes, la contribution sociale généralisée, créée en 1990 par Michel Rocard pour financer le RMI, assise sur tous les revenus d’activité, a permis d’élargir le périmètre, mais elle ne représente que 20 % des recettes. Ces formes de prélèvement sont éminemment sensibles à la conjoncture économique générale et plus particulièrement à l’évolution de la masse salariale. Si l’emploi progresse, le rendement est satisfaisant et suffit à remplir les caisses de l’Assurance maladie. En revanche, si le chômage est en hausse, les caisses se vident à nouveau. Entre 1999 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin n’a pas eu besoin de lancer son propre plan d’urgence : une embellie de la croissance, avec une hausse du PIB supérieure à 3 %, avait permis de relancer provisoirement l’emploi et de renouer avec l’équilibre de la branche maladie. Dès 2003, le ralentissement de la croissance, entre 1 et 2 % , a fait replonger les comptes dans le rouge. Aujourd’hui, le déficit apparaît comme un phénomène durable, au même titre que la faible croissance du PIB. Après avoir promis le retour à l’équilibre de la branche maladie en 2007, le gouvernement table sur 2008, voire au-delà. Si la conjoncture n’est pas favorable, pourquoi alors ne pas augmenter le niveau des prélèvements ? Un point supplémentaire de CSG représente 9 milliards d’euros de recettes, de quoi effacer l’ardoise. Trop simple ! Le niveau des prélèvements obligatoires – toutes les taxes, 21


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impôts et cotisations imposées aux acteurs économiques – plafonnent depuis plusieurs années à des niveaux records, au-delà des maxima imposés aux pays de l’Union européenne par les critères de convergence du traité de Maastricht. Tous les économistes sont peu ou prou d’accord : augmenter ces prélèvements obligatoires alourdirait encore le coût du travail et risquerait d’augmenter le chômage… et donc de diminuer le rendement de la CSG ! Le serpent se mord la queue.

L’ASSURÉ PAIERA PLUS ! Puisqu’il n’est pas possible de demander davantage aux cotisants, puisque les économies ne suffiront pas à renflouer la branche, une troisième voie se dessine discrètement : augmenter la contribution financière directe des consommateurs de soins. Cette logique n’est pas nouvelle et relève d’une idée simple, voire simpliste : si l’assuré est davantage « responsabilisé » financièrement, il regardera à deux fois avant de consommer des soins. L’effet visé est double : alléger la charge de la dépense remboursable par l’Assurance maladie et ralentir la croissance de la consommation de soins, l’assuré arbitrant entre dépense nécessaire et dépense de confort. Une telle politique s’est mise en place à partir du début des années 1980, avec la création du « ticket modérateur ». C’est la part de la dépense de santé qui est laissée à la charge de l’assuré social – par exemple 30 % du tarif de consultation du médecin généraliste. Mais dans les faits, ce dispositif n’a pas modéré grand-chose. Très vite, le remboursement du ticket modérateur est devenu une garantie de base des régimes complémentaires, de même que la prise en charge du forfait hospitalier (le « prix de journée », lié à l’hôtellerie, dont doit s’acquitter le malade lorsqu’il est hospitalisé). Peu à peu, au fil des 22


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différents plans de « déremboursement » décidés par les pouvoirs publics, les complémentaires ont gagné des parts de marché, voire même sont devenues les principaux assureurs dans deux domaines : l’optique et le dentaire. Un investissement utile, qui a eu pour conséquence de maintenir un bon niveau de couverture moyen des frais de santé. Mais sans effet sur la croissance de consommation. La notion de ticket modérateur présente un autre inconvénient : difficile pour l’assuré d’arbitrer entre soin nécessaire et soin de confort. Si cela paraît évident pour la chirurgie esthétique, cela l’est beaucoup moins pour d’autres domaines de la santé. La médecine est un art complexe, dans lequel le médecin est mieux placé que son patient pour juger de l’importance de tel ou tel traitement. Et le soin de confort n’est pas le même d’un malade à l’autre : les couches pour personnes âgées incontinentes relèvent-elles du confort ou pourraient-elles être considérées comme des prestations de première nécessité ? Et, à ce titre, être remboursées par l’Assurance maladie ? L’homéopathie, dépourvue de fondement scientifique mais plébiscitée par des millions de gens et moins onéreuse que les thérapeutiques classiques, doit-elle être totalement déremboursée ?

LE BEL AVENIR DES FRANCHISES Face à la montée en puissance des dépenses de santé, les gouvernements des pays développés déploient des moyens radicaux pour refinancer les systèmes sur le dos des assurés. Ainsi, en Allemagne, la réforme adoptée en 2004 par les sociaux-démocrates s’est traduite par une franchise non remboursable de 10 euros pour la première consultation chaque trimestre, soit 40 euros par an et par patient. En France, le procédé n’est encore que timidement exploré : la franchise d’un euro non remboursable par consultation 23


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apparaît comme relativement indolore et n’a pas provoqué de tollé chez les patients. Mais ce n’est qu’un début. Le gouvernement la conçoit comme une phase d’acclimatation de l’opinion publique. À ce titre, l’histoire du forfait hospitalier est exemplaire. Instauré en 1984, il coûtait à l’époque l’équivalent de 2 euros. Vingt ans plus tard, il s’affiche à 15 euros, soit sept fois plus ! Bien sûr, cette hausse est apparemment sans conséquence pour les assurés, puisque les complémentaires remboursent systématiquement le forfait hospitalier. Seul inconvénient : elle se répercute d’année en année sur le montant des primes d’assurance demandées au patient. Indirectement, c’est donc toujours lui qui, au final, paiera la note. Dès 2006, un nouveau forfait est ainsi apparu : 18 euros non remboursés pour tout acte médical coûtant plus de 91 euros. Jusque-là, ces actes étaient pris en charge à 100 %. Présentée comme une mesure « d’équité » (les actes valant 90 euros et moins faisant l’objet d’un ticket modérateur), elle a suscité un tollé de la part des complémentaires, car le gouvernement les oblige à prendre en charge ce forfait. Mais les critiques se sont surtout élevées contre la dimension symbolique : pour la première fois, on s’attaquait aux actes dits lourds, le plus souvent effectués dans le cadre hospitalier, et pour des soins qui ne relèvent pas du confort. La boîte de Pandore est-elle ouverte ? L’arme des franchises – c’est-à-dire la contribution directe de l’assuré –, constitue un moyen de renflouer les caisses à peu de frais. Si, en 2007, la situation financière reste morose, il n’est pas exclu que la contribution d’un euro par consultation soit augmentée. D’autres contributions sont régulièrement évoquées, comme une taxe de 0,50 euro par boîte de médicament. À ces mesures de déremboursement, s’ajoute la refonte programmée des recettes. L’idée est de les déconnecter davantage des revenus du travail et des variations 24


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du marché de l’emploi. Plusieurs pistes sont étudiées, comme la création d’une « TVA sociale » qui permet de faire contribuer les produits importés. Mais elle présente l’inconvénient de peser sur la consommation des ménages. Deuxième option, aujourd’hui privilégiée, la création d’une contribution patronale sur la valeur ajoutée, modulable selon la masse salariale de l’entreprise. En gros, plus le rapport valeur ajoutée/masse salariale serait élevé, plus la cotisation grimperait. Une « discrimination positive » en faveur des entreprises et des secteurs qui préservent l’emploi. Une troisième hypothèse, plus classique, consisterait à augmenter la part de financement liée à la CSG.

SANTÉ, DES DÉPENSES INCOMPRESSIBLES Maastricht ou pas, la France peut-elle faire plus longtemps l’économie d’une hausse des prélèvements ? Car la santé s’annonce comme un poste à dépense exponentielle dans les années à venir. De 3,5 % du produit intérieur brut en 1960, elle est passée à près de 10 % actuellement, l’un des trois plus élevés au monde. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie parle « d’une tendance haussière solidement ancrée ». Deux facteurs l’expliquent : d’abord le contexte démographique, et ensuite le coût du progrès médical. La démographie conjugue à la fois la hausse de la population et son vieillissement. Les nouvelles générations consomment proportionnellement plus que les anciennes, en particulier lorsqu’elles dépassent l’âge de cinquante ans. Le vieillissement accroît le poids des pathologies chroniques, les plus chères à traiter. La prévalence de certaines pathologies, telles que la maladie d’Alzheimer et l’ensemble des démences séniles, apparaît comme une véritable bombe à retardement sur le plan financier, mais aussi en termes d’organisation des soins. Elle devrait ainsi réclamer un investissement compris entre 29 et 50 milliards 25


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d’euros d’ici à 2040. Les experts estiment que le facteur démographique représentera chaque année, entre 2000 et 2020, entre 0,7 et 1 point de hausse des dépenses de santé. 3 milliards d’euros, c’est le montant annuel de dépenses supplémentaire uniquement lié au vieillissement… Le progrès technique, lui, constitue un autre élément inflationniste. Les nouvelles techniques d’imagerie médicale, par exemple, font faire des bonds considérables en matière de dépistage du cancer, mais leur amortissement coûte de plus en plus cher. Le prix d’un tomographe à émission de positons (TEP), appareil dernier cri, s’élève à 3 millions d’euros, et le coût moyen de l’examen avoisine les 1 000 euros. La France devrait être équipée d’une soixantaine de ces appareils fin 2007. Également préoccupant, le secteur du médicament affiche un taux de progression de 6 à 7 % par an. Le coût du médicament s’accroît à la fois en volume (le nombre de boîtes) et en valeur. Tous les trois à quatre ans, une nouvelle gamme de produits arrive sur le marché, et leurs coûts en matière d’investissement sont de plus en plus élevés. Serrés sur les prix par des accords tarifaires négociés au couteau avec les pouvoirs publics, les laboratoires se rattrapent sur les volumes, matraquant les médecins prescripteurs par des campagnes de promotion. Cette fuite en avant fait des Français les champions du monde de la consommation de tranquillisants. Mais, plus inquiétant, elle rend aussi les antibiotiques moins efficaces, car, à force d’être trop consommés, leurs effets sur les bactéries s’amenuisent. Dernier élément inflationniste, le mode de consommation des soins évolue. Naguère uniquement guidée par le magistère tout-puissant du médecin, la santé tend aujourd’hui à devenir un bien de consommation courante. Plus exigeant, mieux renseigné grâce à la presse santé grand public, et maintenant par internet, le patient-type demande la dernière innovation, l’examen dernier cri, le médicament 26


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déjà prescrit aux États-Unis. Mais il refuse en même temps d’en payer le prix, considérant que l’Assurance maladie n’a qu’à remplir son office. Un défaut patent d’éducation à la santé, la négligence des gestes de prévention élémentaires s’ajoutent à cette frénésie de consommation. Et les pouvoirs publics se montrent incapables de corriger le tir, en ne parvenant pas vraiment à imposer la culture du dépistage. En quelques années, un fléau sanitaire lié à la malbouffe et au manque d’exercice s’est installé dans un paysage socioculturel américanisé : l’obésité cumule tous les facteurs de comorbidité les plus durables (diabète, hypertension, cancers, etc.)… et représente un défi majeur pour les dépenses de santé.

LA RÉFORME IMPOSSIBLE ? Dans un tel contexte, la modeste réforme lancée en 2004 a-t-elle des chances d’aboutir ? Peut-on croire plus longtemps qu’il est possible d’économiser 3,5 milliards d’euros par an, et qu’en même temps le retour de la croissance permettra de renflouer magiquement les caisses ? Difficile d’espérer des miracles… et pourtant, les nouvelles orientations vont incontestablement dans le bon sens. Le parcours de soins coordonné, le dossier médical personnel, la responsabilisation de tous face aux dépenses inutiles sont aujourd’hui incontournables. Mais, revers de la médaille, une contribution financière croissante de chacun apparaît également inexorable. Le système de santé français sera-t-il alors en mesure de rester fidèle au vieil adage de 1945, « cotiser selon ses moyens, se soigner selon ses besoins » ? Là est réellement l’enjeu de fond pour la prochaine décennie.


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