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Santé
Fanny Nonvignon
LA DÉPRESSION POST-PARTUM, CE MAL ENCORE MÉCONNU QUI TOUCHE DE PLUS EN PLUS DE FEMMES
Pleurs incessants, culpabilité, sentiments de dévalorisation… La dépression post-partum toucherait entre 10% et 15% de femmes. À ne pas confondre avec le baby blues, cette forme de dépression survient plusieurs semaines après l’accouchement et pourrait durer jusqu’à plusieurs mois si celle-ci n’est pas traitée rapidement. Fait intéressant, le phénomène toucherait aussi les hommes soit un homme sur dix qui devient père pour la première fois. Elle se manifeste aussi bien après une première grossesse qu’après les suivantes.
Si beaucoup de femmes savourent ce moment unique, pour d’autres souffrant de dépression post-partum, en revanche, l’arrivée d’un enfant est un moment particulièrement éprouvant sur le plan psychologique. Les sentiments d’incapacité, d’inutilité et d’angoisses nocturnes figurent parmi d’autres. Les larmes, l’épuisement sont des manifestations de la dépression post-partum. «Quelques larmes au milieu de la joie d’accueillir un enfant. Et puis on se rend compte qu’on pleure beaucoup plus que de raison… J’étais tiraillée entre le bonheur et la sensation de n’être pas à la hauteur», confie Laurie. Pour la psychologue Nathalie Donnadieu, les symptômes de la dépression post-partum sont nombreux et sévères et vont au-delà du simple sentiment de découragement. «Il y a une humeur dépressive, c’est-à-dire un gros sentiment de découragement, une perte d’intérêt, et souvent beaucoup
Nathan Dumlao | unsplash
de pleurs. Outre ce tableau dépressif, ce phénomène présente aussi le sentiment de dévalorisation donc d’une perte importante de confiance en soi. On a l’impression que l’on n’est pas une bonne mère. On éprouve aussi beaucoup de culpabilité», explique Nathalie Donnadieu.
Mais à quoi est due cette culpabilité? Au regard que porte la société sur ce fabuleux moment qu’est la maternité. En effet, avec cette préparation autour de l’accouchement au moyen de baby-shower, de shopping pré-accouchement et d’autres événements festifs, la maternité est un événement joyeux… excepté pour les femmes souffrant de dépression post-partum. «Socialement, on attend d’elles qu’elles se sentent très heureuses d’avoir un bébé. Et les mamans qui souffrent de dépression post-partum ne se sentent bien évidemment pas très heureuses puisqu’elles sont dans une humeur dépressive», souligne madame Donnadieu.
Après la naissance de sa fille, Laurie constate un changement dans son comportement. En même temps que cet épisode dépressif, Laurie était confrontée aux problèmes de santé de son enfant. Ses nuits et ses journées étaient remplies de larmes et de dépréciations. Pourtant son regard sur sa fille restait celui d’une mère aimante et la période dépressive qu’elle vivait n’a jamais affaibli cet amour. «J’aimais ma fille au-delà des mots. Mais j’en suis arrivée à m’en occuper uniquement pour qu’elle cesse de pleurer, pour avoir la paix. Et je me sentais une mauvaise mère, affreuse, froide et incapable», livre t-elle.
Les professionnels de santé constatent une ambivalence sur le regard que portent les mamans souffrant de dépression post-partum sur leur bébés. «Ce sont des mamans, d’une manière générale, qui vont pouvoir dire qu’elles aiment leur bébé mais qui, en même temps, avouent qu’elles ont du mal à s’attacher parce qu’elles se sentent en difficulté. Elles peuvent avoir du mal à s’attacher parce qu’elles se sentent en incapacité de gérer leur bébé, elles ont peur de lui faire du mal ou elles ont peur de mal faire» indique la psychologue.
IDENTIFIER ET PRÉVENIR LA MALADIE Beaucoup de professionnels constatent que les femmes ont beaucoup de mal à parler de cette dépression qui les envahit à la naissance d’un enfant. Nombre d’entre elles font l’amalgame entre le baby blues et la dépression postpartum, ce qui rend le diagnostic de la maladie difficile. Selon Nathalie Donnadieu, il est possible d’identifier la maladie lorsqu’elle est déjà là «ce sont des femmes qui au cours des quatre premières semaines vont plutôt bien et qui, d’un seul coup, constatent une modification de l’humeur. Dès que l’on identifie ça chez une maman, il faut pouvoir l’accompagner, la pousser à aller voir un professionnel de santé».
Il existe plusieurs façons de soigner la dépression post-partum. «Psychothérapies individuelles, psychothérapies sur la relation mère-bébé. Parfois les antidépresseurs sont un recours», renseigne Nathalie Donnadieu. Après le diagnostic posé sur l’état de santé de sa fille, Laurie s’est vite sentie mieux, elle qui au début de sa dépression n’avait pas consulté. Si son blog «un carnet rose» lui a permis de s’exprimer sur son mal et de recevoir du soutien auprès de ses lecteurs, la jeune femme s’est vite rendu compte qu’il était essentiel d’en parler: «je reste persuadée que le meilleur moyen d’aller mieux est d’oser en parler à celles qui vivent ou ont vécu les mêmes problèmes. Lorsqu’on garde cela pour soi, on se sent horrible. En réalité, nous sommes nombreuses à passer par là».
Pour madame Donnadieu, l’accompagnement dès le début de la grossesse est important. Ainsi il est plus facile de déceler les signes de la dépression post-partum et ainsi proposer un accompagnement psychologique à la mère.
ET LES PAPAS DANS TOUT ÇA? Un papa sur dix souffrirait de dépression post-partum. Comme pour les femmes, il est difficile de diagnostiquer la dépression de prime abord. Très peu d’hommes consulteraient. Les raisons sont multiples mais la plus flagrante reste l’image que l’homme a dans la société. «Les hommes ont plus de mal à demander de l’aide parce qu’il y a toute cette culture sociale autour de l’image de l’homme et aussi parce que, quelque part, la naissance est surtout associée à la maman», constate la psychologue.
Même si la dépression post-partum est encore taboue, les professionnels de santé s’accordent à dire qu’elle doit être prise au sérieux et rapidement traitée. Cela commence par de la prévention auprès des futures mères afin de les aider à détecter les signes avant-coureurs pour une prise en charge plus rapide.