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JEAN-MARC COUVÉ
small versus great BRITAIN ———
Qui dit Bretagne ne dit pas Normandie. Qui écrit sur l’histoire ne doit, en aucun cas, faire abstraction de ses géographies. Ainsi, il y aurait donc Bretagne et bretagne ? Comme il y a Bed & breakfast ? En effet : d’un côté (au Sud du Nord), la petite. Et, de l’autre (au Nord du Sud, mais légèrement à l’Est), la Grande ! Majestueuse et majuscule, à l’endroit même où une reine entame son 71e an de règne… Mais, pardon : là n’est pas notre propos/thème – ou t’aime pas.
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Quand j’entends ce mot [Bretagne], je bande aussitôt… du cerveau. Hé, oui : pensez à la belle Anne [de même origine], avec moi. Pensez au cric’ y tue ! Ou à l’an coulant, à l’Ankou, lent… comme un nœud. Quand j’entends ce nom de Région bordée de vagues, je me revois (en photo) avec mes grands-parents, sur la presqu’île de Crozon. Car ce bambin, accroupi, aux cheveux blonds et bouclés, qui sourit au photographe [même si cela me semble difficile à croire, quand je croise ma trombine dans un miroir], c’est moi. Mais, un « moi » vieux de 60 ans et, donc, jeune de 3-4 ans. Interrogez l’empreinte où s’ébat (ou se bat ?) le silence. Que tout silence meuble…
Qui dit Bretagne, dit Bretons. Goscinny (oui, le « papa » d’Astérix), toujours enjoué, sut en jouer. Ce nom, ici, propre, là, adjectif : Bretons – ne rime avec aucun mot connu. Pas même, comme dans la tant populaire que stupide chanson, avec « ronds ». Bien au contraire ! Pour qui a lu Louis Guilloux, puis (ordre chronologique oblige), Georges Perros, tous deux exemplaires des plus belles Lettres Modernes, bien que classiques déjà, il n’y a aucune « rondeur » à en extraire. Pour le premier, romancier original du Sang noir1 (bien plus, bien mieux qu’un Céline), les Bretons, petits et grands, sont comme des hêtres : êtres plantés, bien droit. Indéracinables, quand bien même ils décideraient de faire « souche » ailleurs, à Paris ou au Havre ! Je pense à mes amis Yvette Simonomis et Jean-Claude Tardif, qui parcourent, à leur corps défendant, mes courts hommages2
Mais, revenons à Perros3. Lui qui m’aidait… à continuer, dès mes quinze ans, alors que je n’avais pas encore commencé ! Ses Papiers collés4 collent à ma mémoire. En trois volumineux tomes, on s’y perd. Ce sont foisonnants papiers, où l’on n’a pas pied ! Lui, Georges, ami de Gérard Philipe, obscur lecteur pour la prestigieuse N.R.F., prit un pseudo qui, tout entier, le fit devenir plus encore que déjà Breton. Quant aux trop rares poèmes qu’il nous a laissés, ceux d’une Vie ordinaire, comme de ses « bleus5 » , ils sont à l’image – tout sauf de « carte postale » – de sa chère Bretagne : ordinaires, comme la vie, dans laquelle il se débattit. Et, donc, extra-ordinaires, tant d’acuité intellectuelle que de simplicité, d’évidence
non sur-jouée. D’ailleurs, Perros, ancien comédien (il avait débuté aux côtés de Philipe), refusait de tricher. Il tourna bien vite, vite et bien le dos à ce métier de cabots, car guère enclin au cabotinage. C’est de cette Bretagne, un peu frondeuse, outrancièrement orgueilleuse, où le granit, pas toujours rose, le dispute aux lames toujours coupantes de l’Atlantique, oui, c’est de cette Bretagne, à jamais « irréductible » (sinon gauloise), que, par association d’idées, ma plume, ici, garde le goût – bien plus que de mes nombreux séjours, depuis mon plus jeune âge, à Crozon, Audierne, Nantes, Quiberon, Saint-Brieuc, Brest, Rennes, Carnac, Sarzeau, Vannes ou… Pétaouchnok !
Haut et fort rai de Brocéliande ; mythique saga de la Table Ronde ; enchanteur Merlin ; fée Morgane ; et Chouans… échouant à inverser le cours de la Révolution… que de légendes ne commet-on pas, en ton nom ?
J’ai croisé bien d’autres Bretonnes ou Bretons : D. L.B., Y. R., M. P… J’ai eu la chance de participer quelque peu aux Traces laissées par M.-F. Lavaur, éditeurrevuiste-poète-illustrateur et Nantais… d’adoption. En outre, quoique trop peu de temps, j’ai correspondu avec Alain Jégou, marin-poète au verbe clair et à l’accent tonique comme je les apprécie. Digne continuateur des Corbière, Perros et Grall, donc. Mort trop tôt.
Exercice de style comme thème imposé obligent : me remémorant mes ravissements de lecteur comme mes pérégrinations bretonnes, et en mettant bien de côté tout folklore, tout régionalisme réducteur, ma reconnaissance de non-natif (puisque né, involontairement, à Paris) va plus à mes lectures d’auteurs bretons – à mes phares : Corbière6 & Perros – qu’à mes émerveillements de simple touriste, au regard et à la jugeote par définition lacunaires ! Aussi, pardon si j’en oublie…
JEAN-MARC COUVÉ —— 19-24/02/2022
_________ 1 • Le sang noir, Gallimard, 1935. 2 • Voir Dais d’hommage I et IV, éditinter, 2020-2021. 3 • Voir Dais d’hommage III, éditinter, 2020-2021. 4 • Papiers collés I (1960), II (1973) et III (1978), Gallimard. 5 • Une vie ordinaire, 1967, Poésie-Gallimard, 1988. Poèmes bleus, Gallimard, 1962. Extrait : « la Bretagne, que j’aurai maintenant tant de mal à quitter ». 6 • Tristan Corbière [& Charles Cros], œuvres complètes, Gallimard, la Pléiade, 1970. Voir aussi mon Dais d’hommage I, ibid.