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BULLETIN QUÉBEC SALUBRITÉ
QUÉBEC SALUBRITÉ
NUMÉRO 44 • FÉVRIER 2020
FAIRE FACE À UNE ÉVENTUELLE PANDÉMIE
LES GUERRIERS ANTIMICROBIENS DEVRONT ÊTRE PRÊTS ET BIEN ARMÉS POUR CONTRER LA PROCHAINE ATTAQUE
Par Patricia Olinger
Si nous devons affronter une pandémie – une épidémie, le plus souvent d’une maladie infectieuse, qui peut s’étendre à la planète –, serions-nous prêts ? On peut en douter. Les experts du monde entier s’entendent pour dire qu’on ne se demande pas si une pandémie arrivera, mais quand elle arrivera. Bill Gates croit que la maladie approche, quelle que soit sa forme, qu’elle pourrait faire plus de 30 millions de victimes en six mois et que nous devrions nous y préparer comme nous le ferions pour affronter une guerre 1 .
L’écrivaine américaine Laurie Garrett, agrégée supérieure de recherches en santé mondiale, Council on Foreign Relations et récipiendaire du prix Pulitzer, a écrit que le monde sait qu’une pandémie est en route, mais peu sont disposés à faire quoi que ce soit 2 .
Comment est-ce possible ? La communauté mondiale dépense des milliards de dollars pour se préparer en vue de la prochaine pandémie. Alors, comment se fait-il que nous, membres de cette communauté, ne soyons pas encore prêts ?
Rappel historique Faisons un retour dans le temps jusqu’au milieu des années 1880. C’était le début de la révolution industrielle, alors que les populations commençaient à se mobiliser, abandonnant les milieux ruraux au profit des centres urbains. Les gens se sont retrouvés graduellement dans un environnement restreint où les conditions sanitaires étaient mauvaises et où les infrastructures publiques de soins de santé s’avéraient déficientes.
Résultat : un nombre accru de cas de maladies transmissibles comme la tuberculose, la grippe typhoïde, la variole et le choléra. Au même moment, le monde commençait à reconnaître le lien entre la propreté et la santé, ce qui a poussé les villes et les pays vers la révolution sanitaire de la fin des années 1800, soit la mise en œuvre de nouvelles lois et règles d’hygiène 3 . Au cours des 100 dernières années, on a effectué des progrès considérables au moyen d’interventions médicales contre les maladies infectieuses : vaccins, antibiotiques, programmes de lutte contre les infections, de même que l’avènement de la discipline et de la
1. Loria, K. (2018). Bill Gates thinks a coming disease could kill 30 million people within 6 months — and says we should prepare for it as we do for war. Repéré à https://www.businessinsider.com/bill-gates-warns-the-next-pandemic-disease-is-coming-2018-4 2. Garr ett, L. (2019). The World Knows an Apocalyptic Pandemic is Coming. Repéré à https://foreignpolicy.com/2019/09/20/the-world-knows-an-apocalyptic-pandemic-is-coming/ 3. Aiello, A., Larson, E. et Sedlak, R. (2008). « Hidden heroes of the health revolution, sanitation and personal hygiene ». American Journal of Infection Control, 36(10), S-128-S151.
science de la sécurité biologique. À l’échelle mondiale, nous avons été témoins de plusieurs progrès, notamment le Règlement sanitaire international (RSI), le Programme de sécurité sanitaire mondiale et les normes de gestion de la qualité et de gestion des risques biologiques, qui se sont tous avérés extrêmement importants et nécessaires pour le monde entier.
Alors, pourquoi ne sommes-nous pas encore préparés à une pandémie en tant que communauté mondiale ? On ne peut donner une réponse simple à cette question. Ce que nous savons, c’est que la population de notre planète continue d’augmenter et que les gens sont interreliés plus que jamais auparavant.
La possibilité de passer d’un endroit à un autre partout dans le monde en l’espace de quelques heures fait partie de notre quotidien ; nos microbes et les vecteurs de nos maladies nous accompagnent alors. Nous voyons apparaître
de plus en plus de « superbactéries », des microbes résistants à tous les médicaments
modernes les plus puissants 4 .
Préparation, réaction, récupération Bien que nous n’ayons pas oublié l’importance de la propreté et de l’entretien sanitaire, il est temps que nous mettions de nouveau l’accent sur la nécessité de la propreté pour la santé. Pour être prêts, nous devons tous contribuer à l’effort. En tant qu’individus, nous devons observer notre propre comportement et agir d’une manière responsable : se laver les mains, se couvrir la bouche (dans le coude de préférence) lorsqu’on tousse ou éternue, demeurer à la maison lorsqu’on est malade et se faire vacciner.
L’Association internationale de l’industrie de l’entretien sanitaire (ISSA) s’est donné comme mission de « changer la vision du monde sur le nettoyage ». De la même manière, le Global Biorisk Advisory Council (GBAC), une division de l’ISSA, « reconnaît la nécessité de réunir la communauté scientifique et les intervenants en décontamination et restauration pour se préparer, réagir et récupérer face aux menaces biologiques et aux dangers dans un monde de plus en plus intégré ».
En tant que professionnels du nettoyage, ou Forensic Restoration®, ou membre de l’industrie de la prévention des infections et de l’industrie de la gestion des dangers biologiques, il nous faut reconnaître que nous représentons une part importante de la première ligne de défense.
Nous devons obtenir une formation et nous préparer afin d’être prêts à réagir et à offrir de l’assistance lorsque la prochaine éclosion d’infection se produira. Il n’est pas équitable ni approprié de croire que la responsabilité incombe seulement aux professionnels de la santé et aux organismes gouvernementaux. Ce n’est pas suffisant.
Nous détenons tous une pièce du casse-tête. Nous sommes tous des guerriers antimicrobiens.
La force de l’équipe Comme dans tous les sports d’équipe, il faut considérer l’attaque et la défense en vue d’une éventuelle pandémie. Une formation ponctuelle ne suffit plus.
Nos pratiques de prévention et d’intervention doivent devenir une pratique quotidienne et une seconde nature pour arriver à diminuer l’impact de la prochaine éclosion d’infection. Lorsqu’elle se produira, nous devrons être mieux préparés à agir et à attaquer. Nous devons être vigilants, renforcer constamment nos compétences et nos connaissances. La formation, l’éducation et l’action sont nos alliées.
GETTY IMAGES PAR SCYTHER5
En tant que guerriers antimicrobiens, soyons ouverts aux technologies et aux solutions provenant du marché, car elles pourraient nous être utiles dans notre mission pour nous permettre d’effectuer un travail de nettoyage, d’assainissement et de désinfection efficace.
L’époque où il suffisait « d’épandre un peu d’agent de blanchiment pour que le tout soit réglé » est maintenant révolue.
Patricia Olinger, JM, RBP, CFO, CBFRS, est directrice générale du GBAC. Elle a été à la tête d’équipes de sécurité biologique dans des établissements de soins de santé, des écoles et en pharmaceutique. Experte de renommée mondiale dans le développement et la mise en œuvre de programmes de gestion des risques biologiques, notamment des programmes de formation, elle est une grande passionnée de la préparation des interventions en santé publique, en réaction et en récupération relativement aux maladies infectieuses émergentes. On peut lui écrire à pattyo@issa.com.