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LE RETOUR DANS LES IMMEUBLES DE BUREAUX

XX ISTOCK PAR SONATE

QUE RETENIR DE LA PANDÉMIE POUR LA QUALITÉ DE L’AIR ET L’ENTRETIEN SANITAIRE DANS LES IMMEUBLES?

PAR GABRIELLE BRASSARD-LECOURS, JOURNALISTE

Les recherches sur la propagation du coronavirus ont démontré qu’une meilleure circulation et un traitement de l’air permettaient de réduire les risques de propagation d’agents pathogènes. Il faudra donc, au contraire des pratiques de chauffage, de ventilation et de conditionnement d’air (CVCA) traditionnelles, revoir les façons de faire afin d’optimiser la quantité d’air frais dans les immeubles plutôt que de tenter de la réduire.

L

es normes et les pratiques d’entretien ménager contribuent également plus que jamais à garder les occupants d’un immeuble en sécurité.

«En temps de pandémie, le risque zéro n’existe pas. Plus on met de stratégies en place, mieux on protège les occupants des bâtisses», croit Daniel Robert, viceprésident des ventes et de l’ingénierie chez Kolostat, qui se spécialise dans tous les aspects des systèmes mécaniques qui équipent les bâtiments.

DILUER L’AIR

«Plus on fait entrer de l’air frais, plus on dilue les contaminants», explique l’entrepreneur. Il admet que cette stratégie nécessite un certain coût d’implantation, qui peut augmenter quand il fait très froid ou très chaud. Mais selon l’American Society Heating, Refrigerating and Air-Conditioning (ASHRAE), il est possible d’arrêter le système CVCA après trois changements d’air sur une période donnée. «Avant la pandémie, on réduisait l’apport d’air frais suivant l’occupation des bâtiments pour économiser. Afin de diminuer les risques de contamination, une dilution adéquate implique donc de reprogrammer les systèmes pour faire le contraire», ajoute Daniel Robert.

DANIEL ROBERT

Vice-président des ventes et de l’ingénierie Kolostat

AUGMENTER LA FILTRATION

La qualité des filtres à air dans les installations contribue inévitablement à assurer un bon environnement intérieur. Plus le chiffre MERV (Minimum Efficiency Reporting Value ou valeur d’efficacité minimum) des filtres à air est élevé, plus le filtre s’avère performant. Traditionnellement, on utilise des MERV 8 dans la plupart des installations. Bien que les filtres soient offerts du niveau MERV 1 à 20, l’ASHRAE affirme que les filtres MERV 13 sont d’une efficacité suffisamment adéquate pour capter les agents pathogènes dans l’air, et cela entraîne une perte de pression acceptable pour la plupart des systèmes CVCA. «Il faut aussi changer les filtres sur une base régulière, idéalement tous les trois mois», tient à préciser le diplômé de Polytechnique.

DÉSINFECTER GRÂCE AUX RAYONS ULTRAVIOLETS Daniel Robert explique que l’installation de lumières ultraviolettes constitue une autre stratégie qui peut être mise en place dans les systèmes de ventilation pour réduire les risques associés à la COVID-19 et qui, grâce à une longueur d’onde spécifique, permet d’irradier les agents pathogènes. «Le problème, c’est qu’il faut diriger l’air qui contient les pathogènes pour que les particules passent directement devant la lumière afin d’être détruites, ce qui n’est pas toujours évident à faire», met en garde celui qui est aussi chargé de certifier toutes les conceptions de l’entreprise et qui est responsable de la formation technique et de la conformité aux codes chez Kolostat.

FAIRE PLUS, MAIS SURTOUT FAIRE MIEUX EN ENTRETIEN MÉNAGER

L’entretien ménager a toujours été important dans les immeubles commerciaux. Mais la pandémie a certainement fait ressortir encore plus le rôle essentiel des gens qui exercent cette profession. Ana Luisa Gomes et Carlos Gomes, une fratrie propriétaire de SPEICO services aux immeubles, constatent que la pandémie a aidé à instaurer de meilleures pratiques qui resteront en place à l’avenir.

Pendant la trentaine d’années d’expérience de la famille Gomes dans l’entretien ménager, cette dernière est passée de l’utilisation d’immenses vadrouilles dotées d’un manche en bois et de lourdes chaudières en métal à des systèmes d’essoreuses et de vadrouilles microfibres avec des codes de couleurs et des produits écologiques dilués par des systèmes de dilution automatique moins dangereux pour la santé et pour l’environnement.

La pandémie, quant à elle, a aussi contribué à l’évolution des pratiques. «Nos employés doivent exécuter leurs tâches de façon encore plus précise et être conscients de l’espace qu’ils occupent et du fait que leur travail est plus observé

ANA LUISA GOMES

Actionnaire et vice-présidente, opérations SPEICO services aux immeubles

CARLOS GOMES

Actionnaire et vice-président, ventes et marketing SPEICO services aux immeubles

« Nos employés doivent exécuter leurs tâches de façon encore plus précise et être conscients de l’espace qu’ils occupent et du fait que leur travail est plus observé qu’avant.»

- Ana Luisa Gomes

qu’avant», explique la vice-présidente de SPEICO, Ana Luisa Gomes. «Nous devons faire très attention à la façon dont nous utilisons les produits, surtout en période de COVID, et à la manière dont nous les diluons et les appliquons. La pandémie nous a fait réviser nos protocoles de désinfection, et nous les conserverons ainsi pour l’avenir», ajoute-t-elle.

En plus de communiquer régulièrement avec ses employés, en les formant rapidement et consciencieusement aux nouvelles normes, SPEICO a aussi emmagasiné l’équipement nécessaire au travail dès le début de la pandémie. «Nous avons rapidement fait des réserves de produits désinfectants, d’assainisseurs à mains, de matériel de protection individuelle et d’appareils pulvérisateurs électrostatiques dès le déclenchement de la pandémie, en nous disant que la situation allait sûrement durer plus longtemps que prévu», confie Carlos Gomes.

SPEICO services aux immeubles a fêté ses 30 ans durant la pandémie, en 2020. Ana Luisa Gomes et son frère Carlos ont racheté l’entreprise en 2017 avec l’une de ses cofondatrices, Fernanda Dias. SPEICO gère plus de 500 employés répartis dans des immeubles partout au Québec et dans l’est de l’Ontario.

DE NOUVELLES TECHNOLOGIES

L’ionisation bipolaire, la photohydroionisation ou l’ajout de radicaux d’hydroxyle: ce sont là de nouvelles technologies qui, bien qu’émergentes en CVCA, pourraient grandement aider à purifier l’air. Elles sont utilisées depuis longtemps dans le domaine médical, mais peuvent s’appliquer dans d’autres types de bâtiments par l’intermédiaire des systèmes de chauffage ou de refroidissement. En effet, certains essais cliniques ont démontré que lorsque l’installation est adéquate, ces technologies se révèlent efficaces pour détruire pathogènes, bactéries, moisissures et composés organiques volatils ainsi que pour éliminer les odeurs dans toute la pièce où l’air est distribué, en plus de détruire les biofilms dans les serpentins de refroidissement des unités de CVCA. «C’est la responsabilité des propriétaires de bâtiments de déterminer combien ils sont prêts à investir pour mettre en place ces stratégies et diminuer les risques de propagation par l’air», termine Daniel Robert. Il précise également que si, malgré toutes ces stratégies mises en place, les occupants d’un bâtiment ne portent pas de masque, les risques de contamination restent élevés.

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L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À LA RESCOUSSE?

Intelligence artificielle et gestion de la qualité de l’air: voilà deux domaines que l’on n’associe pas naturellement. C’est pourtant ce que propose Jean-Simon Venne, cofondateur et chef de la technologie de BrainBox AI, une compagnie montréalaise d’avant-garde dans le domaine de la technologie des bâtiments.

La technologie d’intelligence artificielle qui y est développée permet de rendre les bâtiments autonomes et écoresponsables. «Avant, nos algorithmes d’intelligence artificielle étaient seulement déployés pour faire économiser temps et argent et pour réguler la température dans les immeubles pour le confort des gens. Quand la COVID-19 est arrivée, on a modifié nos algorithmes pour qu’ils puissent aussi augmenter l’apport d’air frais dans les bâtiments», explique Jean-Simon Venne.

JEAN-SIMON VENNE

Cofondateur et chef de la technologie BrainBox AI

BRAINBOX AI

À titre comparatif, l’entrepreneur explique qu’on effectue un changement d’air 30 fois par heure dans un hôpital. Dans les édifices commerciaux, le même procédé s’effectue six ou sept fois dans une heure. Avec l’intelligence artificielle, BrainBox AI affirme pouvoir faire 14 ou 15 changements d’air par heure dans des immeubles. «Ce n’est pas encore autant que dans un hôpital, mais c’est plus élevé que la moyenne», observe M. Venne.

L’intelligence artificielle permet de s’adapter en temps réel et de façon continue aux comportements et aux variables dans un immeuble. «Quand on implante un apprentissage profond dans un nouvel édifice, il est vierge à l’installation. Au bout de deux ou trois mois, il s’est complètement adapté à la bâtisse. On ne pourrait pas le transférer à un autre édifice», explique Jean-Simon Venne.

De plus, l’intelligence artificielle est toujours là, même quand on est absent ou en vacances. «Il s’agit d’un outil puissant et autonome, qui permet aux gestionnaires d’immeubles de se concentrer sur autre chose et de réguler l’air en tout temps», conclut le cofondateur de BrainBox AI.

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