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PENSER L’IMMOBILIER AUTREMENT
LES IMPACTS DE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE EN GOUVERNANCE ET GESTION DES PROPRIÉTÉS IMMOBILIÈRES
PAR ANDRÉE DE SERRES, PH. D.
À l’occasion des 25 ans de la Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier, le moment est propice pour discuter de l’importance des effets générés ces dernières années par la transformation numérique en immobilier.
Cette transformation est venue bouleverser plusieurs secteurs d’activité de l’immobilier. Pensons notamment à l’introduction de la modélisation numérique des bâtiments ou encore au bâti immobilier modélisé, avec des outils comme le BIM (Building Information Modeling). Avec l’apparition de ces nouveaux outils, les acteurs intervenant aux phases de conception et de construction des bâtiments ont été appelés à changer radicalement leurs façons de faire pour accroître leur productivité et conserver leur compétitivité dans l’industrie. L’introduction de ces technologies numériques favorise l’adoption d’une approche cycle de vie permettant de mieux prédire le coût global d’un bâtiment. Ces informations bénéficient aux propriétaires et gestionnaires de l’immeuble qui peuvent disposer d’un véritable avatar numérique du bâtiment pour suivre l’évolution et l’obsolescence de leur actif et ainsi prendre de meilleures décisions pour en maintenir la performance. La transformation numérique ébranle aussi les modèles d’affaires des investisseurs et propriétaires d’immeubles. Ces avancées technologiques, numériques et managériales sont conséquentes sur les fonctions de l’administration des propriétés (appelée «Property management» en anglais), qui intègre la gestion technique du bâtiment (appelée «Facility Management» en anglais).
L’administration et la gestion d’une propriété incluent l’analyse des caractéristiques et des données propres à sa situation, tant sur les plans économique, géographique, politique, démographique, social et environnemental que sur celui des caractéristiques de son territoire naturel, de sa ville et de ses infrastructures. L’administration d’une propriété dépend étroitement de la gestion technique du bâtiment, dont l’efficacité et la performance exigent la maîtrise de nombreuses innovations technologiques et de systèmes techniques générant une multitude de données
de sources variées. La transformation numérique a procuré de nouveaux moyens de valoriser les multiples données propres à chaque immeuble, prenant la forme d’indicateurs, de mesures, de cibles, en les intégrant dans des tableaux de bord et des outils de prise de décision de plus en plus intelligents. Le défi est désormais d’assurer la rigueur et la fiabilité des données de chaque site et la constance des flux d’information. À l’ère du bâtiment durable, intelligent et «smart» , la performance de la gestion technique d’un bâtiment devient un atout pour les gestionnaires de la propriété et leurs relations avec les locataires et les occupants. Les avancées technologiques et numériques ont contribué à transformer profondément le modèle traditionnel de bail commercial. Celui-ci était fondé sur la location d’une superficie déterminée, le locataire assumant généralement une part des coûts d’entretien et de gestion au prorata de la surface qu’il occupe dans l’immeuble. Le nouveau modèle de bail commercial permet à un propriétaire d’ajouter de la valeur, en offrant un éventail de services additionnels. La relation propriétaire-locataire devient plus étroite et en continue. C’est le modèle de la servicisation des propriétés immobilières («Proprerty as a Service»). L’utilisation des technologies numériques et l’exploitation des données permettent au gestionnaire de rendre compte au locataire de sa bonne gestion et de l’atteinte des cibles fixées au point de vue de la performance du bâtiment durable (performance énergétique, réduction de GES, gestion des eaux et des déchets, etc.). Le gestionnaire peut aussi rassurer les locataires et les usagers sur sa bonne gestion des risques de sécurité et de santé dans l’immeuble, associées par exemple à la régularité et la qualité des mesures d’entretien et d’hygiène, à la qualité de l’air, à la température, au taux d’humidité, aux impacts des matériaux, à la luminosité, au bruit ambiant, etc.
Le maintien de la constance de la qualité et de la quantité de cette offre de services exige des gestionnaires immobiliers aptes à exploiter un système technologique et numérique de plus en plus sophistiqué. Ces derniers peuvent s'appuyer aussi sur les réseaux de capteurs et l’internet de l’objet pour compléter leur offre de services.
Le plus important défi qu’il reste maintenant à relever est celui de former rapidement les employés appelés à assumer des tâches de plus en plus complexes dans ce nouvel univers numérique.