Actuel 6

Page 1

Actueln°6 de l’estampe


c o

(12) Wang Suo Yuan (18) Veronica Azzinari

n

(20) Isabelle Happart

t

(38) Maria Chillón

i

(26) Mélanie Duchaussoy (32) Thierry Lenoir (42) Habib Harem (44) Juha Laakso (48) Carlos lopez / Juan de Nubes (52) Lolita Pugibet

e

(53)Carlos Ramirez Carrasco

n

(58) Les éditions de l’Etau

t

2

(4) Jo Ann Lanneville

(54) Matthieu Coulanges (56) Editions tetra


Actuel de l’estampe

n°6

En couverture

Jo Ann Lanneville Entre désordres et apaisements

Triturer sans dénaturer. Entrer en dialogue avec notre environnement, recréer le lien, poser un regard lucide sur les désordres naturels et pourtant, en tirer des formes organiques et des couleurs vibrantes où l’on a envie de se lover. Voilà la force du travail de Jo Ann Lanneville. Formes imaginaires ? Pas vraiment. Désordres naturels ? Pas seulement. Car on habite le monde autant qu’il nous habite et la simplicité des formes s’adresse directement à nos émotions. La nature humaine peut être aussi chaotique que le monde qui l’entoure, mais tous deux offrent aussi des anfractuosités, des ouvertures qui nous appellent et des alcôves qui nous abritent. Il y a de l’énergie dans les gravures de Jo Ann Lanneville. De l’énergie qui nous entraîne vers le haut et nous apaise. Et puis il y a des couleurs, du dynamisme… de la Vie. Et tant qu’il y a de la Vie… Pascale De Nève Janvier 2016

Actuel de l’estampe est une émanation du groupe Facebook ‘Parlons gravure’. Comité de sélection: Jean-Michel Uyttersprot Catho Hensmans Comité de rédaction : Jean-Michel Uyttersprot Pascale De Nève Ont participé à la rédaction : Aleksandar Mladenovic Leka, Etyen Wéry, Serge Meurant, Colin Schonenberger, François Liénard, Jacquet Dapoz, François Emmanuel.

L’estampe en 1ère de couverture est de Jo Ann Lanneville Titre: Nuage noir Eau-forte, pointe sèche et berceau, 76 x 56 cm L’estampe en 4ème de couverture est de Nathalie Grall Titre: Le bataillon des mousses, 2013. Technique: Burin sur Chine colé (présentée dans l’Actuel de l’estampe #7 ) Pour toute information : magazine.actuel@gmail.com. http://magazine.actuel@gmail. com Éditeur responsable : K1l a.s.b.l Imprimé par: Hengen Print & More G.D.L Prix de vente: 20 € N°Issn : 0774-6008 Dépôt légal: D/2016/13.733//1

3


Jo Ann Lanneville La nature de l’univers

Jo Ann Lanneville poursuit depuis quelques années une réflexion sur le monde qui l’entoure. Son travail questionne notre habitat, nos lieux de refuge, nos enfermements. L’artiste tente de faire état du déséquilibre dans lequel nous vivons en créant un parallèle entre la nature humaine et celle qu’on habite. Elle dessine des abris, des lieux qui nous protègent et nous apaisent. La maison devient identitaire ; l’artiste aime utiliser son côté métaphorique pour mettre en exergue l’idée d’un espace qui abrite nos pensées, nos émotions et nos expériences. Dans ses estampes, JoAnn Lanneville utilise des formes simples, à la limite de la représentation. Il se dégage une force et une énergie presque palpables. L’artiste souhaite que le spectateur entre directement dans l’oeuvre, qu’il vive une émotion, qu’il s’interroge sur lui-même. Certaines pièces évoquent soit des grottes ou

Cofondatrice de l’Atelier Presse Papier et de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières, Jo Ann Lanneville compte plus d’une trentaine d’expositions individuelles qui ont été présentées au Canada et dans plus d’une dizaine de pays à travers le monde. Elle a participé à de nombreuses biennales d’estampes et expositions collectives sur les 5 continents.

des volcans, d’autres associent les réflexes et comportements humains de notre espace quotidien. L’artiste imagine des hommes bêtes, des mains souches. Des robes deviennent personnages, les paysages sont réinventés. Pour assurer un contact direct avec la matière et le sujet, elle fabrique des objets, les transforme, les dénature, pour nous conscientiser à l’urgence de préserver notre environnement, et par le fait même, nous protéger. Ici et ailleurs, une grande préoccupation habite nos semblables, soit la perte de contrôle de notre environnement ; à travers ses œuvres, Jo Ann Lanneville nous pose une grande question : où allonsnous? Aleksandar Mladenovic Leka

Elle est lauréate de plusieurs prix au Canada et à l’étranger, notamment le Grand Prix de la gravure à la Biennale internationale Bharat Bhavan de Bhopal en Inde, le Prix du Salon de l’estampe de Paris, le Prix Invitation à la Biennale internationale d’estampe de Wrexham au Royaume-Uni, etc. Ses oeuvres font partie de grandes collections publiques et privées. Elle vit et travaille à Trois-Rivières.

Quelques collections publiques : Ville de Trois-Rivières - Musée de Roopankar, Bhopal Inde - Musée du Douro, Portugal - Musée de Uzice Serbie - Ville de Clamecy, France - Biennale de Lodz, Pologne - Centre de la gravure et de l’image imprimée, La Louvière, Belgique - Cabinet des estampes du MAMAC, Liège Belgique - Centre d’art contemporain SLU, Nis, Serbie - Graficki Kolectiv, Belgrade, Serbie- Akademia, Centre de la gravure serbe, Belgrade - Foundation for Hungarian Graphic Art, Budapest, Hongrie - Collection Adirondack College Museum, Glens Falls, USA - Triennale d’Ulus, Serbie - Instituto per la cultura E L’ARTE, Catania, Italie - Confédération Desjardins, Banque d’oeuvre d’art - Commune de Lemvig, Danemark - Florean Museum Roumanie - Groupe Pro Évora, Évora, Portugal - La Collection Loto Québec - Banque Nationale, banque d’oeuvres d’art - Bibliothèque et archives nationales du Québec - Bibliothèque et archives nationales du Canada - Bibliothèque Gatien Lapointe Trois-Rivières - Bibliothèque Gabrielle Roy, Québec.

4


page 2 : À gauche de l’arbre main, eau-forte, pointe sèche et berceau, 65 x 55 cm page 5 : Colorful Souls 1, sérigraphie, 60 x 81 cm page 6: Constellation à la banane, sérigraphie 69,5 x 56 cm page 7: Porter en soi les orages et les paysages, sérigraphie, 69,5 x 56 cm pages 8-9 : Le dernier arbre, lithographie, eau-forte et pointe sèche, 85 x 75 cm

Crédits photographiques : Guy Langevin et Julie Gascon

5


Depuis toujours, ma pratique oscille dans l’exploration de différents médiums. Cependant, l’estampe est une constance dans ma production régulière. La combinaison de techniques, plus spécifiquement la mixité dans la discipline de l’estampe, constitue ma principale pratique. J’utilise régulièrement d’autres moyens tels que dessin, peinture, objets pour mettre en scène mon travail. Mes gravures entretiennent des liens étroits avec tout ce qui touche de près et de loin à mon environnement quotidien. Au fil des années, j’ai fait de nombreux séjours de création un peu partout dans le monde. Ceux-ci influencent directement mes œuvres, particulièrement maintenant où je m’intéresse à la notion de paysage et d’espace. J’ai amorcé le travail de ma dernière série, les sérigraphies colorées, lors d’un workshop à Sicevo, en Serbie. Je poursuis toujours ce travail.

« Imaginez un paysage dessiné par les montagnes, la vallée, les champs, la rivière. Des gens habitent ce paysage, qui est baigné d’une lumière chaude et enveloppante. Au fil de mes promenades à Sicevo, je découvre un cimetière, qui témoigne de l’histoire de ceux qui habitent ce lieu. J’aime me retrouver dans ce cimetière, regarder plus loin que l’horizon, me laissant envahir par l’atmosphère présente. J’inscris dans ma mémoire l’esprit des lieux, j’arrête le temps. Ces sérigraphies traduisent à la fois la lumière des paysages et la chaleur de mes rencontres. Les petits papiers de couleur déchirés évoquent les rubans colorés qui flottent dans le cimetière, nous donnant l’impression qu’ils volent entourés des âmes qu’ils honorent. Saisir l’atmosphère, la traduire, c’est ce que je tente de recréer dans ces œuvres. » Jo Ann Lanneville

Jo Ann Lanneville j.lanneville@cgocable.ca http://www.jlanneville.com/

6


7


8


9


10


11


12


Wang Suo Yuan

Né en 1978 à Shanghai, en Chine. Artiste peintre et graveur, il vit et travaille actuellement à Paris. De 1996 à 2000, il travaille à l’ Usine de diamant de Shanghai après avoir suivi une formation à l’incrustation de diamant pour la joaillerie. Il oeuvre ensuite comme graphiste dans la publicité. En 2001, il obtient son diplôme des Examens autodidactiques de l’enseignement supérieur de Shanghai (Design d’Art Décoratif de l’Université de Shanghai). Il part en France en octobre 2002 pour approfondir sa connaissance de l’art. 2005 : Diplôme de fin d’études des arts plastiques de l’École des Beaux-arts de Versailles (section gravure). Puis fait ses expérimentations à l’Atelier Contrepoint (ex-atelier 17 de S.W. Hayter) jusqu’à l’été 2012. Actuellement, il travaille à l’atelier collectif de gravure de la Cité internationale des arts de Paris. Le dessin et la gravure en taille douce sont devenus ses principales activités artistiques depuis 2006.

Wang Suo Yuan explorateur2004@hotmail.com

http://www.artmajeur.com/wangsuoyuan

13


« ERRANCE » À propos de mon travail Il semblerait que nous n’ayons qu’une vie... que faire sur le chemin qui la traverse et nous mène vers demain ? Que trouverons-nous au bout de celui-ci? Sans doute la plupart des hommes se posent-ils ces questions… Chaque jour, on s’interroge, on cherche des réponses ; dès la naissance, nous sommes engagés sur cette voie qui nous pousse à en savoir toujours plus. Il apparaîtra que ce voyage est riche d’enseignements, de rencontres variées, de découvertes, avec pour chaque histoire un dénouement…. triste ou joyeux, stimulant ou ordinaire . Quand je me retourne sur mon enfance, je revois mon père m’expliquant pour la première fois la signification des deux caractères qui composent mon prénom « suo – yuan », respectivement « exploration » et « source »…. Explorer la source toute ma vie durant, un des objectifs que je me suis fixés. Ainsi, l’inspiration jaillit d’un point, d’un trait d’encre, d’une goutte d’huile associée aux pigments minéraux, d’un papier artisanal ou de cadeaux que m’offre la nature et qui jonchent ma route : là une feuille, là un morceau d’écorce… Elle est faite de tous ces éléments : eau , feu, bois, terre et métaux qui composent notre univers et représentent tous ses états. Les phénomènes que sont l’ombre et la lumière sont également présents au cœur de mon travail, ils y reconstituent un espace imaginaire particulier. Chaque création est le fruit d’une recherche qui, couronnée de succès ou avortée, sera toujours à la source d’idées nouvelles et d’événements uniques, imprévisibles et, le plus souvent, enthousiasmants. Ce sont des révélations que l’on ne peut apprendre de la bouche de personne, ni tirer des pages d’aucun livre. Au fil du temps, je me sens dans la peau d’un errant, d’un explorateur de la matière, d’un expérimentateur des possibilités de celle–ci, vivant perpétuellement dans l’incertitude et devant relever

14

des défis qui se posent sans cesse à lui. C’est un voyage solitaire, mais palpitant, qui me laisse aussi souvent perplexe qu’empli d’espoir… Avancer toujours, ne jamais m’arrêter, ni me contenter du peu, voir grand, voir loin et aller au bout de ce désir ! Prenant appui sur de nouvelles recherches plastiques, j’ai décidé de repartir à zéro en me dégageant des contraintes de la technique que l’on m’a enseignée, tout en gardant cette dernière comme référence et modèle de comparaison. Je veux découvrir mes propres médiums, mieux adaptés à ma créativité et évoluer en toute liberté. Car si on désire trouver une pierre précieuse, il n’est pas nécessaire de fréquenter une bijouterie de luxe, il faut aller la trouver dans son monde intérieur, elle n’aura peut–être pas la splendeur du diamant, l’élégance de l’émeraude ou la profondeur d’un saphir ; ce sera sans doute une pierre banale aux yeux de tous, mais celui qui la possèdera reconnaîtra sa valeur inestimable d’un simple regard, et maints souvenirs et moments inoubliables lui reviendront à l’esprit. Elle lui donnera une raison d’exister, sera le symbole de ce qui pousse l’homme à accomplir de grandes choses. Les rêves et les utopies sont le moteur de notre vie. Les objectifs une fois atteints peuvent être considérés comme un aboutissement, une finalité ; comme un cercle que l’on tracerait et qui se refermerait sur lui-même ; mais en réalité, ce sont des points de départ, des ouvertures sur quelque chose de différent, qui nous mène ailleurs. L’art sous ses diverses formes m’offre un lieu où je réfléchis objectivement et sans contrainte. C’est un langage étrange et merveilleux qui me transporte loin des banalités du quotidien et qui me pousse au dépassement de moi. Les débuts sont modestes, mais la persévérance et la patience accompagnent mes actions dans cette quête de quintessence de la vie…. WANG Suo yuan


page 12 : Le parfum de la nuit page 13 : Lune noire (l’ouïe)-2, détail page 15 : Lune noire (l’ouïe) page 16 : Mirror mirror - Sagittarius page 17 : Mirror mirror - Capricorn

15


16


17


Veronica Azzinari

18


Véronica est née à Milan en 1986. Elle est diplômé de l’École du Livre d’Urbino en 2006, dans la section du film d’animation. Entre 2008 et 2009, Véronica travaille comme assistante dans le studio d’un artiste, où elle apprend les techniques de la peinture à l’huile et de la sérigraphie. En 2010, elle aborde les techniques de gravure par contact direct avec Mill Rose (Montefiore Conca). À partir de 2014, Véronica Azzinari mène une recherche personnelle à travers l’art graphique en mettant l’accent sur les possibilités offertes par alternative non-toxique. Depuis le début de 2015, elle travaille comme technicienne dans la section d’impression d’héliogravure à La Cour de Minirea (Urbino). En mai 2015, elle s’occupe de la partie artistique du projet ‘symballein’ (graphique pour la musique), créé en collaboration avec le graveur Michele Pierpaoli.

Veronica Azzinari dailobetro@gmail.com

19


20


Isabelle Happart LA BEAUTÉ INTÉRIEURE SANS FARD NI FANFARE Tout commence par une tache, une trace, un dépôt… comme pour tout acte prenant en otage le temps trahissant nos propres successions gestuelles, sans repentir ni camouflage. C’est ainsi qu’Isabelle nous fait rencontrer son apparence de la beauté intérieure, miroir de notre propre subjectivité. Toujours proche, jamais distant. Lorsque nous ne pouvons faire autre chose autrement, l’évidence est de mise. Nous sommes composés de mille facettes et pourtant nous creusons toujours la même fêlure. L’effleurer, l’ inciser, s’en rapprocher sans jamais réellement l’atteindre… se confortant de ne pouvoir ni la combler ni la guérir. Va et vient du général au particulier, aux parties, aux surfaces, au local, au nominatif, toujours accompagné, toujours en situation, toujours précieusement entouré de ses ‘soeurs’. Chaque fragment a sa place, chaque détail est le tout. La représentation comme moyen d’aborder la surface. La perspective morale comme hiérarchie de la vraisemblance. Pas de surfaces mièvres, introductives, ‘entre-deux’… elles ne sont que tendues et successives, comme des pôles qui attirent le regard et le poussent, au grès des rythmes cadencés une fois la distance accrue et la polarité changée. Chacun des pôles ayant son point de fuite et ainsi son entrée, sa sortie. Chaque trace est unique, rayonnante par son autonomie ‘collective’, sans fard ni fanfare. Là où le regard se pose, un voyage hypnotique commence… Bon voyage. Etyen WERY – peintre Janvier 2013 pour Isabelle Happart

Isabelle Happart est née à Rocourt près de Liège, en Belgique, le 17 mars 1965. Elle vit et travaille à Bruxelles.

21


page 20 : CĂŠcile, page 21 : sans titre

22

page 22: falaises petit paysage de Chine petit paysage vernis mou

page 23 : autoportrait pages 24 et 25 : CĂŠcile dans le divan


IIsabelle Happart pratique l’autoportrait comme une ascèse, une expérience intérieure dont la rigueur et une absence absolue de complaisance envers soi autorisent la répétition. Scruter son visage dans le miroir. Chercher à rendre, par la pointe sèche, la pénétration de l’âme par le regard. L’extrême concentration qu’exige un tel acte se traduit, dans l’image, par une ‘charge’ qui souvent exprime la solitude. Le visage souvent se repose sur la main droite en un geste familier des rêveurs habités par la mélancolie. Les portraits de ses amis participent d’une même exigence de vérité. Isabelle Happart, en chacun d’eux, met à nu le visage intérieur du modèle, en dévoile les mouvements secrets, en bouleverse les traits, les éclairant de l’intérieur. Une impression d’étrangeté familière émane de ces portraits.

silencieux, de l’univers d’Isabelle Happart. Ils déploient les lieux d’une attente secrète où apparaissent furtivement les figures d’un théâtre intime. Présence et effacement. Architectures de papier, où l’espace s’ouvre et se ferme comme un éventail de couleurs pâles, automnales. Comme dans les premières pièces de Maeterlinck, quelque chose de vital se prononce au dehors. Les paysages (aquatintes) de Normandie, de Chine ou de Syrie invitent au voyage. La puissance et le charme de ces images tiennent à la minutie sensible de leurs traits. Ils expriment l’essence du voyage, sa condensation intemporelle et universelle. Expérience des déserts traduite en une rêverie mémorielle. Serge Meurant

Les bois gravés d’espaces intérieurs constituent un autre versant, plus serein, 23


24


25


Mélanie Duchaussoy

Née en 1970 près de Paris. A d’abord étudié à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, puis à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris, Section ‘images imprimées’. Vit aujourd’hui dans les Alpes de Haute Provence, en France.

Le travail de l’artiste suit une ligne invisible, obstinément. Il m’aura fallu cesser de peindre, cesser de graver, pour trouver l’île au milieu : le monotype. C’est dans cet espace, sur cette surface que je m’exprime le mieux. J’y suis bien, à l’envers. J’y suis bien, en négatif. J’y suis bien, tendue, suspendue par les pieds, par la tête qu’on voit et qui parle Le monotype est une gageure, toujours délicate. Comme la gravure. C’est un maître zen, qui m’apprend, me pousse, me tire vers le haut, j’en suis l’éternelle élève. Le geste peint, lui est bien plus paresseux, plus naturel aussi, il apporte la couleur : c’est l’été. Le dessin ? Sans repentir dans l’encre fraîche, c’est l’infini et la claque qui claque quand il est incertain. Le monotype, ce sont des cris et des silences et quatre heures pour jouer, après c’est foutu. Mélanie Duchaussoy

26


page 27 : No kill - 107 x 67 cm - 2015 - Hahnemühle 300 g - encres de litho page 28 : Danse lente - 67 x 107 cm - 2015 - Hahnemühle 300 g - encres de litho page 29: Eddy - 92 x 67 cm - 2015 - Hahnemühle 300 g - encres de litho pages 30 et 31 : Les idôles - 107 x 67 cm - 2015 - Hahnemühle 300 g - encres de litho

27


28


29


30


31


Thierry Lenoir Dans les gravures de Thierry Lenoir Des hommes jambes et torses nus posent en costumes traditionnels, jouant d’une lance ou d’un instrument de percussion, d’autres plus habillés, malgré l’apparente chaleur sous un soleil noir, chassent le buffle ou l’antilope puis se font porter dans le triomphe de leur exploit désœuvré. L’on retrouve des peaux similaires bien plus tard et bien plus loin, déployées sur le banc d’un square, trafiquant leur carcasse au coin d’une rue ou jouant de leurs os en d’autres percussions sur des terrains plus vagues encore. Puis ce sont des chiens qui posent cette fois, les portraits sont en pied, ils occupent toute la surface des bois sur lesquels ils sont encrés. Ils grognent, bavent, frétillent de la queue ou se distraient d’un insecte. Peutêtre appartiennent-ils à ces couples désassemblés qui se font la guerre, prisonniers d’un salon, d’une cuisine ou d’une chambre à coucher. Elle a envie de lui couper les doigts en petits morceaux, il rêve de lui cuisiner la tête à petits feux, elle ne pense qu’à lui réduire le crâne à coups de fer à repasser, peut-être qu’un jour il se résoudra à la jeter enfin par la fenêtre.

32

Pendant ce temps, ailleurs et nulle part, Sam Suffy tourne comme un lion en cage dans le wagon de son train-train, il manipule les stéréotypes avec toute la lassitude requise à ce monotone exercice. Il broie du noir, se prend les pieds dans le tapis, se perd dans le papier peint, un chien, à nouveau, est le compagnon de ce voyageur immobile. Peut-être est-ce lui qui rêve de seins à honorer et qu’il multiplie comme des petits pains, des pâtisseries merveilleuses, des bibelots auréolés, des reliques à se pâmer. À moins qu’il ne s’agisse de Robert, autre quidam, autre grand amateur de poitrines, comme son nom l’indique, qui a le pouvoir de voler au-dessus de ces appétissants reliefs. Retour aux terrains vagues, aux coins de rues et aux squares d’une ville qui s’est projetée sur ses façades, jusqu’à en devenir un théâtre vertical.


Des pièces s’y jouent nuit et jour, on y lit le journal, on y improvise de la musique, on s’y aime, on y fait le singe à défaut de l’homme, on s’y pend haut et court. Ces gens aussi doivent danser ou en tout cas gesticuler dans une musique épaisse, entre les tables et les banquettes de cafés aux décors ouvragés de lourdes boiseries. Prendre la pose dans leur royaume de clubs de motards, de sex-shops ou de bars de quartier, ou à l’intersection de deux rues dont la perpendicularité attire les contraires. La nuit venue, ils doivent rêver de clowns qui s’entremêlent, qui s’entrelacent, qui s’entretuent sur l’écran géant de leur cinéma de papier. Le jour, avoir des hallucinations entre deux trains bondés de squelettes, de diables et d’animaux disparus. Être les personnages des grandes peintures qu’ils ont vues depuis l’enfance sur les calendriers ou les boîtes à biscuits, devenir ces madones, ces saints, ces mendiants qui réclament l’or des toisons ou le bleu du ciel. Mais revenus sur terre, ils doivent prendre des décisions, entre Charybde et Scylla, le zist et le zest, le bien et le mal, la poire ou le dessert. Se prendre des gueules de bois à force de fantasmer sur des images fortes, prendre garde de ne pas finir gangster, claquemuré entre les quatre planches gravées de

leur cercueil mal emboîté. Et traîner sans fin le long de châteaux imprenables, de rêves inaccessibles, d’édens peints sur les murs de leur prison. Le monde bouge, les banquises fondent, le printemps est arabe, Bruges et Gand sont sous eaux, l’ours Paul erre entre deux glaces tièdes. Mais à table, les couples continuent de se défaire, on s’y entend comme chien et chat, on s’y brise le cœur, on s’y réconcilie autour d’une viande ou d’un alcool, et le monde reste inchangé et continue de tourner autour de son axe de bois graissé par ses sombres encres. François Liénard, 1er juillet 2015.

Thierry Lenoir Né à Soignies, Belgique, le 20 juillet 1960. Diplômé de l’École Supérieure des Arts Plastiques et Visuels de l’État à Mons (Master). Atelier de Gravure et Impressions, Professeur Gabriel Belgeonne. Membre fondateur de Xylon Belgique (section francophone) Membre de la Commission Arts Plastiques de la Ville de Soignies (10 ans)

Thierry Lenoir tlenoir@skynet.be 33


34


35


THIERRY LENOIR est un très grave graveur, un gravement critique xylograveur de nos scènes quotidiennes, passées présentes et à venir, un décortiqueur de ce qui à vif est le plus socialement terrible, un arracheur de langue de bois, un déracineur de mensonges,

36

un catafalqueur de compromissions, un considérateur de l’humain sans concession, la main dans la main, un rare imageur de flagrants délits en flagrantes injustices … Extrait du texte de Jacquet Dapoz Avril 2008


Jacques Dapoz : Témoin des derniers épisodes du surréalisme authentique et historique, Jacques Dapoz rencontre Achille Chavée en 1968 et celui-ci l’initie, brièvement mais en profondeur, à la dialectique unissant poé-

tique et politique. Il publie depuis 1976, à compte d’auteur et sous divers avatars d’Asbl à géométrie variable, des poèmes, textes courts, etc. Il est également actif dans le théâtre, le cinéma, la radio.

page 32 : « Notre Congo » n°15, (intégration!), bois, 44/32cm, 1987 pages 34 et 35 : «Out of Africa », (rêveur), bois, 44/32cm, 1988 page 36 : « Ghost Street » n°3, (ex Brasserie), bois, 80/50cm, 2015 page 37 : « Ghost Street » n°4, (Bricklane), bois, 80/50cm, 2015

37


María Chillón J’essaie de rencontrer au cours du procédé, dans l’union des traits, dans la combinaison des lignes du burin, les réponses aux tensions entre les perceptions de mon corps et celles de mon esprit. En créant des formes qui, sans être figuratives, pourraient faire partie de mondes possibles par leur aspect organique, animal ou végétal, je veux chercher le sens des ombres qui se dessinent à la seconde où mes yeux se ferment et les matérialiser. Un clin d’oeil pour capturer un instant du vivant avant qu’il se volatilise, pour attraper le mystère au delà de la peau. La ligne est un élément basique de la représentation. Absente dans la nature en tant que telle, elle est partie intégrante de la mécanique d’abstraction qui s’opère dans l’esprit de l’artiste, nous offrant par là, sa vision du monde. Dans mon travail de graveur, je ne cherche pas à représenter la réalité, mais à créer des volumes, des objets, des corps qui nous dévoilent un monde ambigu, dans lequel

38

je cherche les réponses aux tensions entre les perceptions de mon corps et celles de mon esprit. Les peurs induites par la douleur, la mort, la fragilité du corps, mais aussi l’attraction vers les plaisirs qu’il nous procure s’opposent à l’idéal de beauté, d’amour, de spiritualité et au désir de transcendance. Ma recherche se situe à la frontière de ce qui sépare l’homme de l’animal, quand le sensible se heurte aux idées, et les hormones aux neurones. La tête affronte les tripes sans qu’il n’y ait de vainqueur, pour faire sortir des images abstraites. Les émotions sans formes précises qui se métamorphosent en monstres drôles, oiseaux ou organes aux yeux du spectateur. María Chillón


María Rosa CHILLÓN ÁLVAREZ Née le 03-04-1982 à Ourense en Espagne Artiste graveuse, vit et travaille en France depuis 2008

39


Toutes les estampes sont des gravures au burin, imprimĂŠes sur chine collĂŠ.

40


Maria Chill贸n mariachillon@gmail.com https://www.artmajeur.com/fr/artist/mariachillon

41


Habib Harem

Habib Harem est né à Agadir le 23 janvier 1953. Études d’arts plastiques à l’Institut Saint-Luc à Saint-Gilles. Professeur d’arts plastiques à l’Institut Sainte-Marie à Saint-Gilles et à l’Institut du Sacré-Coeur de Nivelles. Plusieurs expositions personnelles de gravure et de peinture en Belgique (Bruxelles, Liège, Nivelles) et participation à de très nombreuses expositions de gravure internationales (Liège, Sarcelles, Rijeka, Zagreb, Cadaquès, Ljubljana, Cracovie, Yamanashi...)

« De rouille et d’encre 2 » Linogravure, impression en creux 2014 52 x 91,4 cm

42


Ne désespérez jamais, faites infuser davantage Tranches de savoir, Henri Michaux Au commencement, il y a un enfant qui explore le rivage en quête de petits bouts d’épave, des vieilles pièces de monnaies que rejetterait la mer. Cela se passe en Afrique, de l’autre côté du rideau étincelant qui sépare de l’enfance. Plus tard, l’homme cherche à se souvenir. Il cherche avec méthode, avec minutie, sans autre savoir sur ce qu’il cherche que le savoir de ses mains, la connaissance aveugle. Longtemps il s’affaire dans le noir, les matières vivent à son toucher, il y guette le doux et le sensible, le ouaté, le floconneux, le soyeux, le rêche. Peu à peu émergent des demi-pénombres, des impressions de nuit, des fenêtres au crépuscule, des cicatrices, des signes. Dans la nuit de nos mémoires, il y avait ce moment précédant la couleur, lorsque nous émergions de la cécité première et que la vue était encore tactile. Là s’est posé le pointeau d’Habib Harem : depuis plus de trente ans, il explore fasciné le moment de l’émergence, il donne à toucher la première lumière, il grave le temps et prospecte l’espace, il invente des rythmes et des lignes, il couche des plages de pâleur, des champs veloutés de suie, de grands nappés silencieux. Prince acharné de la matière, il s’y enfonce avec tous ses sens au point qu’il voudrait effacer l’idée même du papier : que le papier soit pour sa seule impression, que l’artiste n’existe que pour l’unique empreinte de son art. Plus tard arriveront des lueurs, des vents bleus, des clairières matinées de rouille, de lointains hâles de sépia, vert, terre de Sienne. L’exploration se poursuit à la faveur de métaux hasardeux qui parsèment ses errances et dont il ne cesse de redécouvrir les inscriptions cryptiques, les écritures corrodées, les linéaments. Une archéologie se révèle, hagarde et fragmentée, ce sont fougères et fossiles, bas-reliefs ombreux, gazelles incertaines tout au fond des déserts. C’est le caché sous le visible, c’est la matière en sa fragile histoire, et qu’il refait lentement apparaître dans sa forge froide. Il y a autour de ces blasons l’odeur du feu qui rôde, il y a les traces de l’orage. Il y a aussi à regarder ces vestiges un infini bonheur du voir toucher : toucher ces cartes à demi-effacées du pays d’origine, toucher ces peaux qui appellent la caresse, toucher ces surfaces gaufrées où l’œil s’égare et trouve à se lover. Longue est la patience du graveur qui s’attache à ces preuves et fait œuvre de tout ce qu’il trouve. Il ponce, il creuse, il blesse le métal, il paume avec tendresse ses ombres de papier. Du baiser appuyé entre ces matières planes, il réinvente un monde et quelquefois il chante. François Emmanuel (2013) Habib Harem habibharem@yahoo.be http://habibharem.wix.

43


Juha Laakso

44


DANS LE SILENCE EST LE SON Un petit saule d’argent OASIS est venu près du crépuscule, un soir d’été. Le soleil était descendu derrière les arbres et il faisait chaud. J’ai été intrigué par le contraste que la lumière laisse sur les troncs sombres du saule. L’ombre des feuilles était sombre et la lumière était douce et claire. Cette lumière et ce silence créent une atmosphère mystique. Feuilles de saule argentées, créent un bruit de silence.

Juha Laakso

page 44: sound of silence VII, 2014, photopolymère, 15 x 30 cm sound of silence VIII, 2014, photopolymère, 15 x 30 cm page 45: sound of silence II, 2014, photopolymère, 15 x 30 cm

45


Juha travaille comme graphiste depuis 1993. Il travaille et vit près de la mer, dans le nord de la Finlande. Grafiikanvedokseni ne sont pas seulement les descriptions de paysage, mais ils sont des chemins vers l'harmonie intérieure. Juha Laakso travaille principalement la gravure sur bois, le monotype et la gravure photopolymère. Il est membre de l’Association finnoise des graveurs et de la taiteilijasuran d'Oulu.

46

Juha Laakso juha.laakso@kotinet.com


page 46 : Urban city IIII, 2015, photopolymère, 10 x 10cm page 47 : Série Urban city I 2015, photopolymère, 10 x 10cm

47


48

carlos lopez / juan de nubes juandenubes@gmail.com http://juandenubes.collectio.org


Carlos Lopez/Juan de Nubes

Plasticien / dessin, gravure et techniques numériques Né à Barcelone en 1959. Travaille aujourd’hui principalement le dessin et la gravure. Juan vit et travaille à Paris/Belleville avec de fréquents séjours à Barcelone et à Berlin ces trois dernières années ; villes dont il aime l’atmosphère créative, la culture comme les contradictions... Ses études le conduisent en 1984 à un diplôme national supérieur d’expression plastique, département art, puis au design.

Une fois diplômé de l’ENSCI en 1995, il dessine beaucoup puis revient à la gravure, avec des expositions régulières en France et occasionnellement en Allemagne. Donnant une grande importance à l’univers associatif, il participe activement aux ateliers d’artistes de Belleville et travaille à l’atelier aux lilas pour la typographie et l’estampe, atelier partagé à gestion collective. Ses expositions témoignent d’un intérêt pour l’ouverture à tous les publics, d’un travail exigeant et sans concessions dans la vision des sujets développés.

page 48 : «Petites portes de Vendée» , eau forte /aquatinte sur cuivre. 13,5 x 40 cm page 49 : «Vues d’atelier, encrage et tirage». l’atelier libre du centre d’art «Bethanian», Berlin kreuzberg pages 50-51 : «Himmelpforter Tör 1» , aquatinte sur cuivre. 30 x 50 cm

49


50


51


Lolita Pugibet Sa fougue créatrice toujours à la recherche des limites de la gravure lui permet de tendre vers divers horizons entre figuration et abstraction, découvrant ainsi un monde nouveau en explorant La Matrice en Papier. Plus besoin de cuivre et d’acide, juste d’un peu de papier, et le tour est joué ! Couleurs, rondeurs, espace. Ici, tout est vibration. Colin Schonenberger

Lolita Pugibet est née en 1955 à Valence, en Espagne. Elle vit dans la région bordelaise depuis 1958. Aujourd’hui, son implication dans l’atelier de gravure de Colin Schonenberger en tant qu’animatrice et co-responsable lui permet de faire partager les secrets de l’estampe à un public passionné.

52

Lolita Pugibet loli.pugi@orange.fr http://atelierdegravure.edicypages.com

Cinq: 10 x 10 plaque collographie Artefacts 2 : 15 x 20 plaque eau forte Artefacts 1 : 15 x 20 plaque eau forte Chaos : 15 x 20 plaque collographie


Carlos Rafaël Ramirez Carrasco Carlos Rafaël Carrasco Ramirez (né en 1967, Santiago - Chili) est formé à la peinture monumentale au RhoK (Institut Royal Supérieur des Arts) à Etterbeek (Belgique, Bruxelles). Il s’inscrit dans le sillage de l’artiste Kata Nuñez Jorge (maître de Rotterdam), dont il est l’assistant. Il ne connaît pas de limites et lance des concepts autour des réseaux urbains. Il a participé à des manifestations internationales telles que la Fou-art Festivale de Montréal (Canada, Québec). Galerie La Girafe (Berlin, FDR) - création de la Zinnekeparade 2000, (Bruxelles, Belgique) - Capitale Culturelle de l’Europe 2000 - Espace Beaujon (Paris. France). Il a également dirigé Projection Caliban à l’ancienne école des vétérinaires (Anderlecht, Bruxelles). Et en 2006, il fut le cofondateur du collectif d’artistes “teamintime.be” avec Julie Duquesne Watelet de laVinelle.

„THE RED FISH“ DIMENSION : 20 x 30 cm

Carlos Ramirez caliban.ramirez@gmail.com http://carlos-ramirez.skynetblogs.be/

The bird, 20 x 30 cm Fisf from lost paradise, 20 x 30 cm Lost Paradise, 20 x 30 cm The bird and fish, 20 x 30 cm Linogravure

53


Les beaux outils de Matthieu Coulanges

Graal, Benjamin Bassimon, Xavier Hennicaux,SabineDelahaut,Jeanne Clauteaux, initiateurs de sa passion mais aussi testeurs et demandeurs de ses outils. Ils le conseillent, le critiquent et le poussent à en faire d’autres. Il échange ses pointes contre des tirages avec des graveurs ou simplement contre des conseils pour connaître et améliorer son produit.

riaux traditionnels (agate). Quand il aborde une nouvelle technique de gravure, il réfléchit à la manière d’intégrer cette technique dans son travail de gravure, mais il se projette aussi dans la conception des futurs outils. Il améliore les outils traditionnels (pointes sèches, brunissoirs), et en crée de nouveaux (rouleaux pour manière noire, grattoir crayons, affûteur à feutres).

Des crayons, des pointes sèches... une fois photographiés, cela ressemble à des objets trop beaux pour être vrais. Du bois avec des formes, des couleurs, des veinages qui ré-

Aux formes originales des manches, Matthieu privilégie élégance et bois précieux afin de créer de véritables bijoux. Des objets délicats qui s’utilisent pour

vèlent leurs graphismes. Ces objets, on les doit à Matthieu Coulanges, concepteur de pointes sèches et autres outils pour l’estampe.

un travail qui est incisif. La gravure est brutale dans l’acte : graver la matière lui arrache l’essence et le corps pour obtenir une création aussi délicate soit-elle. Les outils sont à l’image de la création finale : ils projettent la beauté des futures œuvres qu’ils permettront de créer. Le manche est précieux au point d’avoir peur de l’utiliser, pourtant l’outil devient celui que l’on préfère utiliser.

C’est un message de sa part contre la production de masse qui uniformise les outils et les pratiques, car les outils des graveurs disparaissent dans leurs diversités, les techniques dans leurs sillages. Elles ne seront bientôt plus là pour montrer un effet, une sensibilité... ce qui est l’expression de l’homme. Au fond de son jardin d’un quartier maritime de Calais, Matthieu sort les machines, s’installe dehors dans le froid ou la chaleur, le vent et le soleil. À l’extérieur, la qualité de lumière donne des objets d’hiver ou de printemps, des quatre saisons comme les feuilles des arbres qui prennent couleurs et formes suivant les périodes. Il colle, tourne, polit et assemble pointes, stylos, porte-mines. Objets-outils uniques auxquels on s’attache. Objets qui l’amènent à repenser sa vie d’ingénieur informaticien pour prendre une direction radicalement artistique, dans la pratique de la gravure, en créant son propre atelier modeste, et en y inventant les outils qu’il va utiliser. Rien de plus simple pour quelqu’un qui se bat pour vivre libre de ses créations.

Ingénieur de formation, Matthieu Coulanges se forme au tournage sur bois en 2007 puis à la gravure en 2009. Son attirance pour les beaux objets l’incite à créer ses propres outils de gravure. Au départ, en utilisant de simples clous, il fabrique des pointessèchesauxformesoriginales. Il est l’utilisateur abusif de ses produits. Comme un peintre, il crée des outils plus par excès de recherche et de compulsion, sans aucune idée de production. Le jeu avec les essences de bois modifie le produit, Matthieu trouve des aciers différents, et surtout il les utilise pour ses propres gravures. Matthieu établit un contact avec des graveurs comme Nathalie 54

En effet, il ne faut pas aimer ces outils juste pour leur beauté, mais également pour leur fonction : il y a avant tout une recherche sur l’ergonomie et les qualités techniques. En cela sa culture d’ingénieur l’aide. Matthieu emploie des matériaux issus de l’industrie (carbure, diamant, céramique, polyuréthane), ou au contraire il réutilise des maté-


Matthieu Coulanges boutique@matthieucoulanges.fr http://matthieucoulanges.fr 55


Tetra Editions TETRA Imprimeur & Éditeur Le statut de l'estampe a changé. Les techniques d'impression dites ‘traditionnelles’ ne sont plus nécessairement académiques. Seul le procédé de création de l'image gravée et son esthétique importent. En utilisant des procédés alternatifs comme la gravure sur Tetra Pak (brique de jus de fruit), TETRA promeut la taille-douce. La rendre accessible et la sortir de ses circuits de diffusion traditionnels, voilà l'objectif premier de TETRA. La maison d'édition est née il y a deux ans d'un projet participatif ouvert à tous, dont le but était de vulgariser la taille-douce auprès d'un public non-initié. Chacun, artiste ou non, était invité à envoyer une brique de lait gravée. Mathilde Payen et Geoffrey Grimal, à l'origine du projet, se chargeaient d'imprimer cette collecte. Un exemplaire était renvoyé au participant, un autre était mis en vente pour financer le projet (encres, papier et timbres postaux). L'atelier mobile s'est développé sous diverses formes : impression à la machine à pâtes ou presse taille-douce en festivals, dans des librairies, dans les écoles, et même dans la rue ! Enparallèledecesateliersponctuels,TETRAacommencé à éditer ses premiers livres. La technique ne permettant qu'un petit nombre de tirages originaux, les estampes sont scannées puis imprimées numériquement, permettant ainsi de vendre les livres à des prix accessibles. La maison d'édition ne choisit pas seulement des artistes graveurs. Illustrateurs, auteurs de bande dessinée, tatoueurs... elle les accompagne dans l'élaboration et l'impression de leur ouvrage. Nous voulons voir leurs traits en gravure, nous voulons qu'ils se lancent dans cette expérience à nos côtés en nous envoyant leurs gravures par la poste, nous faisons le reste. En 2015, le catalogue s'est enrichi de deux nouvelles collections ! La collection ECLAIR, avec Baubo d'Iris Pouy, Dernière Plume de Carlotta Costanzi et Garde-Robe de Céline Guichard. Et en déclinaison, la collection TONNERRE avec le livre Pavillons, de Mai Li Bernard. En 2016, deux publications majeures sont à venir, un livre collectif de gravures de tatoueurs, et un jeu de tarot, L'Oracle Cosmique. Editions Tetra grandtetra@live.fr http://cargocollective.com/tetraeditions

56

Livres au format a5 ou 15*15 pour le format carré, 28 pages, papier marbré maison pour le dos et gravure sur brique de lait pour la couverture.


57


58


Les éditions de l’Étau Linogravure/Typographie.

Derrière les éditions de l’Étau se cache Benjamin GUYET, autodidacte dans le dessin, la lettre et la linogravure, passionné du graphisme publicitaire de la fin du 19e / début 20e. Il découvre la linogravure en mars 2013. Dès lors, il crée des affiches annonçant de faux événements, il dessine ses typographies et donne ainsi à la lettre un aspect plus chaleureux, qui nourrit ses mises en page. Dans un premier temps, il diffuse son travail sur les marchés de créateurs nantais. Depuis 2014, il développe son propre atelier de gravure, ce qui lui permet d’apporter une dimension plus professionnelle à son activité.

à Rennes ou ‘Kraft’ à Nantes.

Il expose notamment au Musée de l’imprimerie de Nantes, au Musée Jules Verne ainsi que dans diverses manifestations sur le thème de la microédition comme ‘l’Enfer’ à Nancy, ‘Le Marché Noir’

Son travail d’affiche est une véritable invitation au voyage dans un univers mêlant humour, fantaisie et authenticité.

Les éditions de l’Étau editionsdeletau@gmail.com leseditionsdeletau.wordpress.com

59


Contact : editionsdeletau@gmail.com Benjamin GUYET, Les éditions de l’Étau 67 rue du Millau 44300 NANTES (France) 60


61


62


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.