Collection Monomono, Blandine Galtier

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Actuel

l’estampe contemporaine.

Blandine Galtier

collection Mono Editions K1L


Ont participés à la rédaction: Jean-Michel Uyttersprot Laurent Vilette Claude Laurent Blandine Galtier Françoise Moiroux

Pour toutes informations :

magazine.actuel@gmail.com http://www.actueldelestampe.com. Éditeur responsable : K1l a.s.b.l Imprimé par : Hengen Print & More G.D.L Prix de vente : 20 € N° Issn : 0774-6008

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Blandine Galtier, Instants volés. Il a plu cette nuit. Dans ce trou béant, on en devine les prémices, béton et fers se dressent dans la fange. Se reflète dans l’eau un futur plein de promesse. Jamais il ne sera comme il a été, chaque instant est un moment de grâce, mémoire d’un passé éphémère.

chantier 24|01|2014 17h20, bamg*

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INSTANTS (VOLES) instants (volés) | 2015-16 Ce travail est le fruit d’une commande artistique de la Ville de Mourenx, première ville nouvelle en France à avoir été bâtie ex nihilo pour les besoins de l’exploitation du gaz de Lacq. A l’occasion de l’implantation de la galerie d’art contemporain de Mourenx dans un nouvel équipement culturel édifié par la communauté de communes, Blandine Galtier a arpenté le chantier pendant un an, armée de son appareil photographique. Elle rend compte du processus d’artificialisation du sol et d’une succession d’instants voués à l’oubli bien que décisifs à travers trois thèmes: l’ancrage et l’assise du bâtiment extirpé de la fange, son étayage au moyen d’un exosquelette éphémère, l’enveloppe qui donne corps à l’architecture. Françoise Moiroux, Journaliste

Les estampes, présentées dans cette publication sont issues de la série « Instants volés ». Par faute de place, nous n’avons pu toutes les inclure. Jean-Michel Uyttersprot, directeur de la revue


A PROPOS DE… sous l’architecture, la gravure… Eléments biographiques Architecte de formation, Blandine Galtier pratique la gravure en taille douce parallèlement au métier de graphiste, qu’elle exerce sous le label de bamg-atelier, bamg* étant sa signature d’artiste (1). Dans les années 1990, sa collaboration avec Françoise Jourda, femme architecte pionnière, dont les projets dans le domaine de l’architecture écologique font référence à l’échelle internationale, s’avère particulièrement marquante. Au sein de l’agence Jourda & Perraudin, implantée à Lyon, puis de l’agence Jourda architectes à Paris, elle prend part à la conception d’une cinquantaine de concours. Elle se voit aussi confier la scénographie de plusieurs expositions, présentant les projets de l’agence en France et en Europe, et la conception graphique des catalogues d’exposition. A Rotterdam, où elle vit de 1998 à 2004, elle exerce à son compte le métier de graphiste, en mettant ses compétences au service d’agences d’architecture : illustration de projets, identité visuelle et charte graphique, conception éditoriale et multi-média… De retour à Paris, la conception de sérigraphies pour des façades ou des toitures de bâtiment, qu’elle réalise à la demande de plusieurs architectes, lui permet d’associer plus étroitement le graphisme et l’architecture à travers les effets d’ombre et de lumière recherchés. Parallèlement à l’exercice en libéral de son activité, elle intègre l’agence OBRAS en tant que graphiste et web-designer, partageant ainsi l’aventure de cette agence d’architecture prometteuse, lauréate du palmarès des jeunes urbanistes. A Bordeaux, nouveau port d’attache depuis 2009, elle installe son atelier et son lieu de vie dans une ancienne échoppe, qu’elle rénove avec son compagnon. Ce nouvel horizon géographique coïncide avec sa décision de se consacrer à la gravure, autre univers plastique, qu’elle explore tel un gisement aux ressources infinies après s’être formée aux techniques de l’eau forte et de l’aquatinte. Depuis 2011, elle participe à des salons d’art et à des expositions pour y présenter son travail. Sa première exposition personnelle a été le fruit d’une commande artistique de la Ville de Mourenx. Chantiers de construction, infrastructures routières et aéroportuaires…, les sujets qui inspirent Blandine Galtier sont autant de réminiscences des paysages façonnés par l’homme.

(1) Le nom de bamg joue sur une image sonore, tout en renvoyant aux initiales de Blandine Anne-Marie Galtier.

Françoise Moiroux.

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DEMARCHE ARTISTIQUE les chemins du paysage Blandine Galtier pratique la gravure en taille douce, en ayant recours à la combinaison de différentes techniques : eau forte, aquatinte, gaufrage, carborundum, chine-collé, manière noire… Au cuivre, elle préfère le zinc au caractère plus malléable et plus tactile. Sans doute aussi en raison du statut de matériau ordinaire du zinc de toiture, que la gravure vient ennoblir. Lorsqu’elle expose ses estampes, elle met d’ailleurs en regard les matrices, qu’elle considère parties intégrantes de l’œuvre. Utilisant non seulement la pointe sèche, mais aussi le procédé de morsure de la plaque sous l’action de la chimie, elle substitue l’emploi d’un sel, le sulfate de cuivre, à celui de l’acide nitrique conformément aux principes de la gravure non toxique. Elle s’est d’emblée formée à cette dernière aux côtés d’Henrik Boegh. Les « paysages manufacturés » ou façonnés par l’homme jalonnent son œuvre d’artiste graveur. L’acte même de bâtir s’y trouve magnifié. Évacuée, la présence de l’homme ne se manifeste qu’à travers les traces bâties et l’empreinte qu’il laisse sur son environnement, se situant ainsi dans un registre mémoriel, qui la sublime. La représentation des infrastructures routières et aéroportuaires illustre le phénomène d’anthropisation des paysages sur fond d’urbanisation et de modernité conquérantes. Les paysages esquissés témoignent aussi d’un imaginaire hanté par des souvenirs d’enfance ou d’adolescence, tels les paysages de la raffinerie de Feyzin, fascinants de nuit et maintes fois épiés depuis l’autoroute ou les « campagnes hallucinées » et les « villes tentaculaires » d’E. Verhaeren. Le trait met en valeur les lignes de force du paysage ou ses composantes esthétiques, en le réinterprétant à l’aune de sa puissance poétique et de l’émotion qu’il suscite. Les règles de représentation, fixées dans chaque série d’œuvres à l’instar d’un protocole, orientent le regard à son insu. Tandis que le dessin puise dans le réel, l’exploration du langage plastique de la gravure, que nourrit entre autres la référence affinitaire à l’œuvre de graveur de Pierre Soulages, ouvre le chemin vers l’abstraction. La profondeur des noirs accentuée par le creusement et la morsure de la plaque est souvent recherchée. Dans la série Natures mortes, il est cassé par une pointe de bleu qui crée un univers froid revêtu de silence. Le blanc du papier est appréhendé dans sa texture plutôt que réduit au seul rôle de support lissé à l’impression. Le gaufrage en révèle les qualités intrinsèques, comme l’estompe de la cuvette, empreinte laissée sur le papier par l’épaisseur de la plaque gravée. Disputant à l’encre sa prééminence, le gaufrage devient parfois aussi le trait le plus saillant, tel celui des emprises aéroportuaires africaines. Le jeu de teinte sur les différents niveaux de gris graphite instaure alors un dialogue subtil avec les légères ombres portées de son relief. Dans ce chemin vers l’abstraction, l’épure de la représentation et la décantation du réel se mêlent à la recherche d’un univers plastique singulier, auquel les techniques de gravure se trouvent assujetties.. Françoise Moiroux,

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repères 1970 Naissance de Blandine Galtier à Rillieux-la-Pape en banlieue de Lyon. 1989-97 | études d’architecture intérieure à l’École Supérieure d’Architecture intérieure de Lyon (ESAIL), puis d’architecture à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon (ENSA Lyon). 1993-98 | Architecte chef de projet et graphiste au sein de l’agence Jourda & Perraudin à Lyon et Jourda architectes à Paris. 1998-2016 Exercice libéral du métier de graphiste sous le label de bamg-atelier. 2008-09 | formation à la gravure à l’École supérieure des arts appliqués de Paris (école Duperré). 2014 Exposition au salon de la Société Nationale des Beaux-arts, Carrousel du Louvre, Paris. Invitée du comité de sélection de l’ADAGP, Médaille d’Or du Prix du jury invité et médaille de bronze du jury de la SNBA. 2016 Première exposition personnelle de gravure dans le cadre d’une commande artistique in situ. Françoise Moiroux, Journaliste










Blandine Galtier est artiste. Elle a exposé cet hiver au MI[X] de Mourenx1 une série de gravures réalisées d’après le chantier même de ce bâtiment tout juste achevé et ouvert au public2. La série se compose de trente cinq « instants ». Ils offrent une perception de la construction de l’architecture, depuis son émergence hors de la terre, moment toujours un peu mystérieux, jusqu’au clos et couvert où advient l’apparence extérieure de l’édifice. La gravure est un art insolite qui nous est peu familier. Elle conjugue tout à la fois la maîtrise du dessin, de la matière, de l’empreinte, de la reproduction. Le graveur partage peut-être avec l’architecte une relation autour de la figure de l’absence, qui se manifeste par la nécessité de devoir produire une matrice pour l’un, des plans pour l’autre, pour pouvoir fabriquer l’œuvre. Regarder les gravures d’un chantier, c’est aussi éprouver une autre absence, celle de l’acte de construire révolu. Mais à la différence de la photographie, la gravure conserve la trace physique de la matière et celle de l’effort physique qu’il a fallu déployer. Blandine Galtier pratique la technique de la taille douce. Entrer dans l’atelier c’est entrapercevoir un monde. Cela commence par une simple plaque de zinc de toiture coupée au format désiré. Peut alors commencer le très long, très précis, très méthodique travail de cette surface fruste. Graver, mordre la matière. Taille directe, taille indirecte. Pointe sèche, burin, berceau, grattoir, roulettes, sillons, barbe, acides, vernis. Manière noire, aller vers le blanc, taille douce, aller vers le noir. Lignes de l’eau forte, aquatinte des surfaces, colophane, chaleur. Encre, pigments, huile de lin, viscosité, essuyage, magnésie, paumage. Carborundum, chine-collé… La presse. Les rouleaux, lourds. Le lit, les langes en feutre. Le papier, la détrempe, la moisissure. Le papier rendu amoureux. L’empreinte, la cuvette, le gaufrage. Les passages répétés, les niveaux de gris. L’épreuve. La reproduction. La netteté de l’empreinte qui faiblit au fur et à mesure des passages dans la presse. Dans une grande boite bien fermée sont conservées les matrices enveloppées de papier de soie. Les voir, les toucher, c’est prendre la mesure de la matière et de l’effort. Regarder la reproduction imprimée d’une gravure, comme celle d’une peinture, c’est ne rien voir. C’est un document de représentation, comme peut l’être la photographie d’une architecture. Encore une absence. Il faut aller voir l’œuvre pour éprouver la morsure. Site : http://www.blandine-galtier.net

Laurent Vilette, architecte



















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