Jeunialissime mag 2016

Page 1


Q

uand les LGBTI parlent d’amour, ils se parlent de jalousie dans un couple, ils se demandent pourquoi se faire entretenir, ils se livrent sur les clichés qui disent qu’ils sont instables en amour; ils se demandent pourquoi on veut les forcer à être ce qu’ils ne sont pas. Mais si vous vous accordiez le temps de les écouter, vous vous rendriez compte que dans leurs différences, ils vous ressemblent tellement.

Ceci me pousse à vous rappeler qu’à chaque fois que l’on s gma se, c’est parce qu’on est ignorant. Très souvent, nous avons peur de ce que nous ne comprenons pas et nous préférons croire aux mythes, plutôt que de chercher à comprendre. La réalité est souvent désarmante, mais on en sort plus conscient. Ce e édi on de Jeunialissime Magazine tentera de vous montrer les dégâts qu’une s gma sa on peut causer quand elle est intériorisée, tout en essayant de vous aider à réaliser que vous avez trop peur des personnes LGBTI pour rien au final. J’espère du plus profond du coeur qu’après avoir parcouru ce magazine, vous serez une meilleure personne que celle que vous aurez été avant de l’ouvrir et de le lire. Si des ques ons vous submergent, n’hésitez pas à nous contacter, car nous sommes là pour vous.

Patou IZA IZAI Président sident de Jeun Jeunialissime niallissiime / 2016


4 12 14 16 17


Nos Debats

La jalousie l est un sen ment tout à fait f naturellement humain éprouvé par culièrement quand on est amoureux… Mais d’où vient la jalousie ? Qu’est-ce qui la mo ve ? Est-elle une marque d’amour ou plutôt un cancer destructeur ? Est-elle importante lorsqu’on est en couple ?

4

Pour les croyants, l’humanité ent ce sen ment du Créateur même : «Même Dieu qui nous a créée déclare clairement sa jalousie. Il dit ne pas adme re que l’humanité adore un autre dieu. Etant faits à son image, nous avons cela en nous.» J.P

h fé aux personnes qui approchent ou fréquentent son/sa partenaire. On peut facilement perdre de vue que l’autre n’est pas un objet ni une propriété, et tomber ainsi vic me du sen ment de possession. Ce e crainte peut être assimilée à celle d’un enfant refusant de voir son jouet préféré entre les mains d’un autre ou de le lui prêter. Qu’on s’entende bien ! Il ne s’agit pas ici de l’apologie de l’échangisme (rires), mais d’un moyen de pouvoir rela viser et mieux gérer la jalousie, surtout issue d’un amour possessif. Le sen ment de possession envenime la jalousie qui est au départ un sen ment naturel.

Pour d’autres, c’est un signe d’amour que l’on porte à l’autre, mais tout excès peut être néfaste. « L’amour est abstrait mais il se détecte grâce à plusieurs éléments, dont la jalousie. Mais je peux la comparer à la colère. Sen ment naturel mais qu’il convient d’apprendre à gérer, car sous l’effet de la colère on peut poser des actes regre ables. Autant tout le monde peut se me re en colère, tout le monde peut brûler de jalousie. Cependant lorsqu’on ne sait pas gérer, contrôler sa jalousie, on peut causer du tort à l’autre, et donc à son couple. » Oly

Elle peut nuire à l’intégrité de l’autre et restreindre sa liberté. Les amis, la famille et le couple sont parmi des piliers d’un bon épanouissement. Limiter les fréquenta ons de l’autre peut être une bonne chose lorsqu’un réel danger se profile à l’horizon. Sinon, cela peut être une vraie bombe à retardement. « C’est pas si mauvais, ce sen ment de jalousie. C’est une manière de marquer ton territoire, certes. Mais lorsque tu cherches à réduire ma vie seulement à toi, c’est inacceptable. Avant de te rencontrer, j’avais des amis. Cela vaut pour toi. » David

Si la jalousie est pour les uns une manifesta on de l’amour, pour d’autres c’est une caractéris que d’un manque de confiance en l’autre. « Moi, je ne supporte pas la jalousie. Lorsque mon partenaire de couple se montre jaloux avec moi, il m’incite à le rendre davantage jaloux. Je ferai encore et encore ce qu’il ne veut pas de moi par jalousie. Car il m’envoie comme message : je n’ai pas confiance en toi ! » Franck

Elle peut cependant être un signal d’alarme, car il n’y a pas de fumée sans feu. Il convient d’y prêter a en on sans pour autant s’immerger dans le possessif. Aussi, il est important que l’autre en comprenne le sens et l’origine afin de mieux orienter les choses. Le sen ment de jalousie dans un couple, c’est comme du sel dans une soupe. Quand il y en a peu, c’est fade. Lorsqu’il y en a de trop, c’est immangeable. Trouver l’équilibre en apprenant à gérer sa jalousie serait profitable à tous. Car prendre l’autre comme une propriété est dégradant.

La jalousie est certes naturelle, mais très souvent mo vée par la peur de perdre l’autre ; par le sen ment de rivalité poten elle qui naît face


os N s at eb D

On vous a peut-être sor ou dit ces phrases : «Sois un homme! », « Parle comme un homme! », « Un homme ne s’habille pas de la sorte, ... «N’observe pas pareille posture »,... « Un homme ne pleure pas »,… Autant de remarques valables aussi pour les filles. Mais c’est quoi être un homme et c’est quoi être une femme ? Lors de notre deuxième débat de l’année, nous nous y sommes a elés. La défini on des concepts homme et femme. La société, dans la mise en place des normes, contraint les gens à s’y conformer. Est homme, un vrai, celui qui est viril. Ce e virilité serait le résultat de la combinaison de toutes les caractéris ques que la société a ribue à l’homme masculin. Ce e combinaison recèle l’autorité, la vigueur, la puissance et le manque de peur, la sévérité,... Quant à la femme, elle est définie, par opposi on, comme un être de douceur, de tendresse,… Cependant, il a été rappelé que dans chaque homme vit une femme et inversement. Renfermer les caractéris ques d’un homme masculin dans une « boîte » avec une é que e. Un homme devrait aussi laisser, de temps en temps, libre cours à sa part de douceur et de tendresse de la femme qu’il renferme. La no on du genre, du sexe, d’hormones et des gonades ne sont pas restées en marge. Un homme né « mâle » doit être musclé et dur de caractère. Or les hormones qui dictent nos gestes et notre physique ne répondent pas forcément à ces normes. La société et la communauté en général ne sont pas suffisamment informées sur ce e ques on. Il est des mâles qui se sentent comme « emprisonnés dans un mauvais corps, un corps d’homme masculin », car en eux-mêmes ils se sentent femmes. « Pour moi, être un homme, c’est tout simplement

être fidèle à soi-même ; si l’on n’est pas viril physiquement, il faut s’accepter comme tel pour un équilibre individuel. La société culpabilise ceux qui ne se conforment pas aux normes établies. Si l’on est d’une sensibilité supérieure à la générale, nul besoin de l’étouffer suite aux reproches des autres, du moins aussi longtemps que ça correspond à ta personnalité. » Patrick Etre un homme ou une femme n’est pas qu’une ques on de sexe en tant que appareil génital. Car sinon que dire des personnes transsexuelles ou transgenres ou encore des intersexués ? Le sexe est l’ensemble de l’organe génital, des gonades et d’hormones, y ajoutant les émo ons. « Un homme vient au monde en tant que mâle ou femelle, et non en en étant viril ou efféminé. C’est au-travers de l’éduca on, dépendant d’une société à une autre, que l’on devient homme, avec la maturité physique, mentale et un travail sur soi. Mais il faut savoir que l’aspect des phases du développement psycho-sexuel y joue aussi un grand rôle. Si l’une d’elles ou plusieurs ne se déroulent pas comme il le faut, cela pourrait malheureusement cons tuer un obstacle au développent normal de la virilité pour un mâle ou de la féminité chez une femelle.» Léa En défini f, un vrai homme n’est pas seulement viril et dur, courageux et autoritaire, insensicle et fort. La part de féminité liée à la douceur, la tendresse, l’a en on et bien d’autres peuvent bien jouer le rôle d’un seau d’eau, d’un ex ncteur interne, disposé à éteindre le brasier de la colère, de la rage ou de l’agressivité. Etre un homme, c’est donc aussi être doté de ces qualités dites féminines car les clichés veulent que l’on conçoive qu’elles sont plus naturelles aux femelles qu’aux mâles. Ce mélange pourrait faire d’un homme un être excep onnel, ce qui est aussi valable pour la femme.

5


D eb at s N os Les jeunes kinois se cherchent dans la vie. La situa on économique favorise à sa manière la tendance à vouloir se faire entretenir. Les habitudes hétéro-norma ves sont si ancrées que les LGBTI tendent même à reproduire le modèle hétérosexuel, dans ses moindres détails, dans leurs rela ons homos. Comme l’homme entre ent la femme, l’un entre ent l’autre en lui offrant soins et sou en financier. Une quête d’un père aimant qui prenne soin de soi jus fierait aussi ce besoin de se faire entretenir. La recherche d’a en on, d’amour et de sérénité peut conduire à ce e habitude, consciemment ou non. Certains jeunes sont rejetés par leurs familles pour cause de leur orienta on sexuelle. Pourtant, ils aspirent à devenir des personnes importantes en comptant sur leurs études. Il leur faut un moyen de secours pour terminer les études universitaires et devenir indépendants et plus épanouis. « Pour la plupart d’entre nous, l’on a passé notre enfance dans la s gma sa on et le rejet par nos proches. Alors en quête de quelqu’un qui puisse être à la fois notre père, notre ami, notre mère, notre famille, on trimballe tout un lot de fantasmes, dont celui d’être à l’abri du besoin, comme des fils à papa. » Patrick Face aux étrangers, les homosexuels locaux inspirent de la crainte, semble-t-il, car ils seraient a rés par l’odeur de l’argent lorsqu’ils tombent sur un ‘expat‘, comme on les appelle à Kinshasa. « La faute incombe à ces mêmes étrangers âgés qui, pour s’a rer les jeunes, car conscients de la situa on socio-économique, leur proposent de l’argent en échange de sexe ou d’une rela on de couple » Luthor

6

Certains es ment normal qu’au sein d’un couple, toute orienta on sexuelle confondue, celui/celle qui en a les moyens entre enne l’autre. « On ne se nourrit pas d’amour et d’eau fraîche quand on

est en couple. Quelle que soit l’intensité de cet amour, sans argent, sans les biens matériels, une rela on ne peut pas faire long feu. Je ne vois aucun mal à se faire entretenir lorsque c’est fait par amour. Quand on aime le luxe, on ne peut pas rester en couple avec quelqu’un qui n’a rien.» Elie Certains ont évoqué la morale en signifiant qu’il n’est pas bien vu de vendre son corps. Ils ont comparé ces jeunes aux professionnels de sexe. « Ce n’est pas juste de s’en prendre aux pros tués. Dire que c’est contre la morale de vendre du sexe, qui est une par e de leur corps, je dirais que nous sommes tous des pros tués d’une certaine manière. Car tous ceux qui travaillent – dans une banque ou dans un magasin, etc. – vendent aussi de leur corps. Le corps ne se résume pas au sexe. La main, le cerveau, … que l’on met à la disposi on d’une entreprise en échange d’un salaire » Oli Une mauvaise es me de soi peut aussi pousser à s’abandonner corps et âme entre les mains de quelqu’un pour se faire entretenir. Se croire incapable, inu le incite certains à viser une vie facile. « J’ai interpelé un ami sur ce e ques on mais il me répond qu’azalaka naye ndumba. Je lui ai proposé de se trouver du travail. Mais il me répond qu’il n’est pas assez intelligent pour garder un travail. Le sexe est le seul domaine auquel il excelle. Alors il offre du sexe en se faisant entretenir en retour. » Alain Tout dépend des ambi ons. Ceux qui ont de grandes ambi ons, (homos ou hétéros) même en se faisant entretenir, préparent leur avenir, terminent leurs études, trouvent un boulot ou montent entreprises et ac vités rentables avec l’aide de celui/celle qui les entre ent. Ce n’est pas un éternel acquis. Il faut préparer son avenir, car chacun est sa propre police d’assurance.


os N s at eb D

Il est souvent dit que les LGBTI ne sont pas fidèles, pas stables en amour, ne pensent qu’au sexe,… Mythe ou réalité ? Tout part des bases que deux personnes posent pour leur rela on. Deux individus qui décident de vivre en rela on monogamique ou ceux qui décident d’être en union libre et qui respectent ce principe à eux sont fidèles l’un à l’autre. Car la fidélité implique le respect des engagements ou des bases jetées au début. Etant donné que la société est culturellement ou tradi onnellement hétéro-norma ve, et qu’il est convenu qu’une rela on amoureuse se définit entre un homme et une femme, beaucoup de personnes LGBTI ne croient pas en une rela on durable entre deux individus de même sexe. Ils évoquent aussi l’aspect juridique. «Le vide juridique fait que les personnes LGBTI ne voient pas de raison de bâ r une rela on durable. Pour quelle finalité construiraient-ils une rela on prome euse ? Alors, ça prend des allures d’un passe-temps pour nombre d’entre nous. Ainsi, on je e les balles en l’air et on jongle.» Oli Ici, on parle bien de la jeunesse. Et quand on est jeune, on est porté par ses pulsions. Mais au fur et à mesure qu’on grandit, on a besoin de stabilité. On se dit : « le sexe… le sexe… hier, aujourd’hui, demain…». Et on commence même à en avoir un dégoût. Tel ou tel ne t’approche que pour le sexe, ou pour l’argent, etc. Mais pas parce qu’il/ elle veut construire avec toi. Et là, l’on commence à chercher quelque chose de plus sérieux, qui dure dans le temps. Ce qui fait que ceux qui ont dépassé 25-30 ans d’âge, ou plus, ont tendance à vouloir d’une rela on plus stable. Evidemment, chaque généralité comporte des excep ons. Par stable, on sous-entend une rela on moins frivole, pas portée uniquement sur le sexe, mais

axée vers le désir et la volonté de bâ r quelque chose de durable avec quelqu’un que l’on aime. « C’est aussi dû à un facteur âge. Ceux qui découvrent leur sexualité, les adolescents surtout, sont ac fs sexuellement. Ce qui les incite à entretenir plusieurs rela ons, à tenter le tout pour le tout. Peu de personnes en âge avancé observent pareil comportement. » Trésor Il existe aussi des raisons de nécessité. Beaucoup de jeunes homosexuels se livrent à une forme de délinquance sexuelle car étant dans le besoin. « Je me souviens d’un slogan des étudiantes à une certaine époque à Kinshasa. Il s’agit des 3C : Chic-Choc-Chèque. Réalisant qu’in ne peut pas tout avoir en une personne, il nous arrive d’avoir deux ou trois partenaires pour assurer un équilibre auquel on aspire. Mais vu que c’est un slogan des filles hétéros, ce n’est donc pas que l’affaire des homos. » Fabrice « Quand je qui ais un mec, ça me prenait du temps pour en trouver un autre, entre 5 à 6 mois. Mais maintenant que j’en ai deux, je peux qui er l’un d’eux en un clin d’œil, sans avoir de temps à perdre. » Andy Ces raisons ne font pas des couples hétéros les plus stables pour autant. Beaucoup de jeunes se marient pour divorcer au bout de 12 mois au minimum. Et s’ils durent beaucoup plus que cela, c’est souvent parce qu’il existe tout un système social pour pérenniser ce e stabilité, même en apparence, au nom des enfants. Ce qui n’est pas une évidence pour les couples homos car la société ne leur a pas adapté son fonc onnement. Ils ont tout à recréer, notamment leurs propres normes. En proie à des tumultes dans leurs têtes ou face à leurs démons respec fs, la plupart des couples ne font pas long feu. Ils passent donc d’une rela on à l’autre ou même les combinent.

7


Jeuniafrica , l’émission qui brave les tabous

Il n’est pas aisé d’aborder des thèmes et sujets choisis chaque mois, mais il le faut si l’on aspire à un avenir marqué par la tolérance des différences. Il s’agit ici d’un idéal qui rejoint celui de Jeunialissime.

Lancé en 2014, le projet Jeuniafrica a su se renforcer dans le temps. Après le renforcement des capacités des jeunes reporters, les émissions radio produites ne passent plus seulement en ligne sur soundcloud. Elles sont aussi diffusées sur une radio de la place, la RTVS1, fréquence 89.0MHz. Depuis un certain temps, au cours de ce e année 2016, les émissions sont regroupées en thèmes. Chacun de ces derniers donnent lieu à quatre émissions le mois. Et étant donné qu’elles doivent passer et en ligne et sur FM, elles sont produites en deux langues, ce qui fait un total de huit numéros. Celles réalisées en français sont postées sur soundcloud et celles en lingala sont des nées exclusivement aux auditeurs kinois afin de mieux nous rapprocher du public. Jeuniafrica donne la parole à la jeunesse kinoise pour parler de ces problèmes qui sont siens. C’est aussi une émission qui vise à changer le regard que les jeunes hétérosexuels ont sur leurs frères et sœurs LGBTI.

8

Les émissions en ligne sont à écouter sur h p://soundcloud.com/jeunialissime


Quelques-unes de nos émissions produites au cours de l’année 2016

* Affiche e de notre programme de diffusion sur FM

9


Children’s Radio Founda on donne la parole à la jeunesse dans plus de pays africains, à travers les ondes radio. La Côte d’Ivoire, le Libéria, la République Sud-Africaine, la Tanzanie, la Zambie et la République Démocra que du Congo cons tuent jusqu’ici le terrain sur lequel CRF oeuvre et pour amplifier les voix de la jeunesse. A Kinshasa, outre le fait de travailler avec les jeunes reporters de Jeuniafrica (le projet radio de Jeunialissime), la CRF encadre les enfants de la rue en leur perme ant de traiter des sujets les touchant au quo dien, à travers des émissions réalisées et présentées par eux-mêmes. 10


La collabora on de la CRF et Jeunialissime a conduit, en Octobre 2016, à la réalisa on et la produc on d’un documentaire sur les mo va ons du Président fondateur de Jeunialissime à me re en place ce e associa on. C’est une oeuvre qui a demandé la par cipa on du Secteur Média, une structure servant de pont entre CRF et Jeunialissime. L’apport incontesté de Makhulu Moving Images, une entreprise professionnelle expérimentée dans le domaine audiovisuel, basée en Afrique du Sud, a été considérable à ce projet. La vidéo «Bringing out the voices of LGBTI youth in Kinshasa, Democra c Republic of Congo» est à voir et revoir sur www.vimeo.com. Pour en savoir plus, visiter leur site h p://childrensradiofounda on.org

11


Regard sur L’actualite de 2016

Depuis la fin des années 1980 jusqu’à l’engagement en faveur de l’accès universel (2005-2006), les experts et les communautés ont systéma quement iden fié la s gma sa on et la discrimina on comme étant des obstacles majeurs à une lu e efficace contre le VIH. Outre qu’elles se répandent insidieusement à l’échelle mondiale, la s gma sa on et la discrimina on agissent à de nombreux niveaux différents au sein de la société : individus, familles, communautés, ins tu ons et médias, ainsi que dans les poli ques et pra ques publiques. Pourtant, alors même qu’on reconnaît l’impact de la s gma sa on et de la discrimina on, pra quement aucun pays n’a adopté d’ac vités prioritaires pour lu er contre ces fléaux dans ses plans ou programmes de lu e contre le sida. Ce e situa on est plus grave encore chez les LGBTI car elles les empêchent d’avoir accès aux services de la préven on, des soins et des traitements. Le rejet de l’homosexualité est donc un fait massif au sein des sociétés civiles africaines. Cependant, ce fait est largement alimenté, catalysé et instrumentalisé par les leaders poli ques, sociaux et religieux. Ce e situa on peut être un vrai blocage pour la réalisa on des objec fs de 90 90 90 si aucune ac on pour lu er contre la s gma sa on et de la discrimina on n’est menée.

12

C’est donc pour ce e raison que CONERELA+, le réseau Congolais des leaders religieux vivant avec ou personnellement affectés par le VIH et le SIDA, avait décidé de lancer une enquête sur la s gma sa on des LGBTI en RDC.

Pour cela, ils ont choisi, pour faire par e du comité de pilotage de ce programme, l’organisa on interna onale de lu e contre le VIH/SIDA et droits humains représentée par le PNUD, l’ins tu on gouvernementale qui est le Ministère de la Jus ce (Point focal VIH), ainsi que les acteurs de la société civile représentés par PSSP, Si Jeunesse Savait et Jeunialissime. L’objec f de ce comité de pilotage a été d’accompagner CONERELA+ dans le processus de mise en œuvre en : • Orientant et assurant le suivi de la mise en œuvre efficace de l’étude en tant qu’organe d’aide à la prise des décisions, • Donnant des avis techniques sur toutes les ques ons rela ves aux études qui vont être menées dans le cadre de ce programme, • Aidant à la recherche des fonds addi onnels pour renforcer le programme. C’est en Août 2016, après la réunion de la valida on du TDR du processus à l’UCOP+ tenue en Mai 2016, que l’enquête a été lancée. A Kinshasa, comme dans toute la RDC, la taille de la popula on LGBTI n’étant pas encore connue, il n’a donc pas été possible pour les enquêteurs de calculer de manière précise la taille de l’échan llon pour ce e enquête. Toutefois, étant donné qu’il s’est agi d’une étude ini ale sur la ques on, un échan llon de convenance de 200 LGBTI a été cons tué, répar comme suit: lesbiennes 35%, gays 47%, bisexuelles 18%. La propor on de séroposi vité déclarée dans l’échan llon a été de 4,57%, soit quatre fois plus


r su de d te a r li eg ua 6 R c t 01 a 2 l’

que celle de la popula on générale à Kinshasa. On remarque également que 1 LGBTI sur 5 interrogés (soit 20,81%) ignore son statut sérologique vis-àvis du VIH. Tous les transgenres interrogés étaient sexuellement ac fs, comme pra quement toutes les répondantes de sexe féminin (92,31%), et la grande majorité (82,79%) de répondants de sexe masculin. En terme d’orienta on sexuelle, les répondants de sexe masculin étaient soit des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ou gays (79,51%), soit des bisexuels (20,49%); les répondantes de sexe féminin étaient soit des lesbiennes (93,85%), soit des bisexuels (6,15%); et les transgenres interrogés étaient soit des gays, soit des lesbiennes.

fréquenta on des services de santé s’en trouve affectée (réduite). Une personne LGBTI sur trois est carrément dégoûtée de son lieu de culte suite à la s gma sa on et à la discrimina on qu’elle y subit à cause de son orienta on sexuelle. Moins de quatre LGBTI sur dix se s gma sant en se référant aux propos des gens qui disent que la bible interdit l’homosexualité

Stigmatisation et discrimination sur le lieu de culte Sur le lieu de culte, la discrimina on et la s gma sa on s’expriment de plus d’une manière. Parmi les LGBTI interrogés, 32% considèrent l’un ou l’autre comportement subi dans leur milieu de culte comme étant de la discrimina on et/ou de la s gma sa on liée à leur orienta on sexuelle.

Stigmatisation par les tiers Il résulte de ce e enquête que le comportement s gma sant le plus rencontré par les LGBTI à Kinshasa est le fait d’entendre des commérages sur eux, liés à leur orienta on sexuelle (un taux de 82.56%). Ensuite viennent les insultes et les menaces verbales (environ 63,59% de cas), puis la pression et les a tudes néga ves de la part des membres du ménage (58,68%). Les agressions physiques sont peu fréquentes (29,17%). D’un autre côté, l’exclusion des manifesta ons sociales (comme les mariages ou encore les offices religieux) est expérimentée chez une personne LGBTI sur trois.

Autostigmatisation Les préjugés sociales amènent les LGBTI qui vivent ouvertement leur orienta on sexuelle à avoir honte (73.6%). Ils en arrivent à se blâmer (37,6%), à se sen r coupable (37,6%), et même à avoir envie de se suicider (32%). La s gma sa on et la discrimina on sont telles que 66.66% des personnes interrogées ont choisi de s’isoler de leurs familles et leurs proches ; que plus de la moi é (58,1%) d’entre eux ont décidé d’arrêter d’aller au culte ; et que 43,6% d’entre eux ont résolu de ne pas se marier. Même la

Jamais Une fois

Quelques fois Souvent

Stigmatisation et discrimination sur le lieu de résidence et/ou de travail Les manifesta ons de discrimina on et de s gma sa on semblent peu fréquentes sur le milieu de travail. Près d’un répondant sur cinq affirme avoir perdu un emploi ou une source de revenus, et la même propor on reconnaît s’être vu refuser des services de santé ou dentaires à cause de l’orienta on sexuelle. Ce e étude a mis en évidence les différentes expériences de la s gma sa on et de la discrimina on des personnes LGBTI dans leurs milieux de culte et autres dans la ville de Kinshasa, en République Démocra que du Congo.

13


Temoignages

Quelques semaines plus tard, je me suis retrouvé autour d’un repas chez un autre ami congolais avec ses autres amis que je ne connaissais pas, nous parlions de l’épidémie des mariages qui touche la communauté, avec des fiançailles très très rapides. Il y avait une fille qui nous a fait son témoignage, qu’elle avait un mariage réussi malgré des fiançailles qui n’ont duré que six mois. Son expérience contredisait nos analyses. Elle avait l’air d’être une femme épanouie, nous avions donc dû accepter l’évidence de ses propos. Comme j’arrive à égayer le public, je suis très souvent invité à des récep ons. Ce e fois, c’était celle des amis ghanéens gays et bi. Il y en avait un qui fantasmait sur les congolais et qui se cherchait un plan pour la soirée. Il m’avait tellement fait chier que je me suis mis à lui chercher un numéro sur le téléphone et là, je suis tombé sur le fameux « pasteur ». Je lui ai écrit et parlé un pe t peu du ghanéen, il avait l’air très chaud. Je lui ai passé son numéro. Ils ont discuté un moment au téléphone; après quelques minutes, il a débarqué à l’endroit où nous é ons. Pendant la soirée, il a disparu avec le ghanéen un bon moment, puis ils sont revenus ensemble. Dans le milieu gay, on sait ce que cela veut dire. On a gardé contact pendant longtemps. il n’arrêtait pas de me demander de lui proposer des plans et s’était même mis à me faire des avances. Mais trois jours plus tard, en sortant d’un shop congolais, j’ai rencontré le pasteur et la fille du repas de chez mon ami ensemble. Elle m’a salué et m’a présenté à son mari. Nous avions fait comme si on ne se connaissait pas. Après ce e surprise, j’appelle l’ami pour me parler un peu d’elle, il m’informe que son mari est un pasteur et qu’il avait même ouvert son église quelques mois auparavant.

14

Plusieurs jours après, il m’a fait un mail dans

lequel il m’adressait ces mots : « Salut! Désolé pour mes silences de ces dernières semaines. Mais à quelque chose malheur est bon. J’ai réfléchi et je suis sincèrement désolé pour toutes les fois où je me suis laissé aller et pour t’avoir entraîné dans un tel bourbier. Je te demande pardon. Ma vie n’est pas celle que je t’ai laissé croire. J’ai foulé à terre des valeurs qui font de moi un homme droit dans ses bo es, un ami désintéressé, un frère loyal, un mari fidèle, un père comblé, un chré en épris de son amour pour Dieu. Je regre e de ne pas avoir pu dominer le mal qui me rongeait, de na pas avoir pu faire taire mes fantasmes malsains. Ma conscience et mon cœur me le reprochent et je dois être clair par rapport à tout ça. Ma vie en dépend, je me dois d’être en harmonie non seulement avec moi-même, mais encore avec ma foi. Je crains Dieu et me suis décidé à fermer ces portes avant que je n’aille beaucoup plus loin et que je prenne davantage goût à ce e vie de luxure contraire non seulement à mes idéaux mais encore au choix de vie que j’ai fait et que par l’aide de Dieu je décide de suivre. Mon engagement dans la foi est grand et primordial, je suis adepte du Christ et j’ai eu un fort aver ssement de sa part. Loin de moi l’idée de te faire peur mais je voulais que tu saches que l’amour de Dieu est un choix, celui de la vie. Choisir de lui faire confiance, un cheminement long et périlleux que seule sa grâce permet. Je prie afin que Dieu me pardonne de m’être éloigné de ce que j’enseigne à d’autres. Je prie aussi qu’Il te rencontre au-delà de toute religiosité et toute autre forme de connaissance. Mon souhait est que tu puisses t’épanouir en Lui et qu’Il comble tout vide existen el. Je n’ai aucune préten on de te conver r, je te partage cet évangile que j’ai moi aussi reçu gratuitement. J’espère qu’Il fera écho en toi et bourgeonnera


es ag gn oi em T

un jour. On en parle quand tu veux. Ne sois pas troublé par ce mail, je reviens juste à ma place. Dieu te bénisse ! Ton frère et ami » Quelques mois s’étaient écoulés et le pasteur était revenu à la charge. Il m’avait encore écrit pour me redemander de lui trouver des plans… Avec le temps, j’ai fini par découvrir qu’il était un ami d’un cousin d’une de mes belles-sœurs. Ils se sont connus à l’internat... J’avais aussi découvert, par des amis avec lesquels je passais du temps à Cape Town, qu’il était marié depuis 8 ans. Durant 7 ans, ils n’ont pas pu concevoir et ils étaient au bord du divorce. Elle est finalement tombée enceinte et lui a donné un fils.

devant le shop congolais, la surprise d’apprendre qu’il était marié à la fille de la fête, ajouté à cela son mail, je ne pouvais pas m’a endre à un tel revirement.

Il me dérangeait de plus en plus, me faisait la cour sans retenue aucune. Il semblait prêt à prendre des risques. Il m’a dit qu’il était navré des propos tenus dans son dernier mail, qu’il avait simplement peur de perdre son épouse qui semblait heureuse. Il avait songé à sa réputa on et était tombé sur un documentaire d’une jeune lesbienne qui témoignait de sa conversion et de son mariage avec un homme qui avait réussi à la rendre heureuse. Il m’a signifié qu’il n’en pouvait plus de ce e crise intérieure et qu’il voulait vivre en paix à côté de sa femme. Il m’a confié s’être rendu compte qu’il se mentait à lui-même et qu’en se cachant des autres il se cachait de luimême.

On s’est langoureusement embrassés et avec une branle e mutuelle, on s’est fait plaisir (tala kaka inconfort ya voiture). Il m’a raccompagné, puis il a demandé qu’on se revoie. J’ai répondu « okay », sans convic on. Depuis wana, je l’évite comme tout. J’ai commencé à appréhender ses réac ons. Je ne veux pas être vic me, une fois encore, de son prêchi-prêcha.

Quand j’étais en vacances à Londres, il m’a suivi là-bas, sa femme avec lui. Il a voulu me faire prendre des risques fous comme l’embrasser dans une pièce à côté de celle où sa femme cuisinait avec sa sœur, etc. Je n’ai jamais vu un Congolais épris de moi comme lui. Avec ce qui s’était passé en Afrique du Sud, la rencontre

Depuis que je suis retourné en Afrique du Sud et me suis installé à Johannesburg, il m’invite sans arrêt, j’évite. Là, comme il est en vacances en famille, tout près, il a cherché à me voir de 10h à 20h, il y a deux semaines. Par politesse, j’ai accepté. J’étais sor avec des cousines. Il est venu me chercher où l’on était, m’a pris dans la voiture. Puis il m’a emmené dans un quar er calme et a commencé à m’embrasser. Ngai pe lokola posa ya komeka esi eyaki, na mi ki.

Un dimanche ma n, il me fait un appel vidéo où il me montre tout à la façon du Ministre (en référence au scandale qui avait frappé le Ministère des Postes et Télécommunica on de mon pays). Je l’ai laissé faire. Plus tard, je devais voir un ami près de chez lui, je le lui ai dit. Il a alors insisté à me voir après. Na hésité, mais na lobi « toko tala ». Dans la soirée, avec mon ami, il m’appelle, j’évite le coup de fil. Il rappelle une demi-heure plus tard, je lui réponds que je suis occupé – on était dans un resto – et qu’il me rappelle plus tard. Depuis, silence radio.

15


Memoire

* radio-canada.ca

16

A l’occasion de la marche des fiertés à Orlando en Floride, dans la nuit du 12 juin 2016, environ trois cents personnes avaient pris part à une soirée organisée par la boîte de nuit Pulse; une boîte réputée pour être fréquentée par la communauté LGBTI de la place.

et celle de la présidente de la Commission de l’Union Africaine.

En ce e nuit-là, la communauté LGBTI a été frappée par une des a aques homophobes les plus graves de l’histoire américaine. Faisant état de 50 morts et 53 blessés, fusillade puis prise d’otage, selon les autorités, il s’est agi là, dans toute l’histoire des Etats-Unis, du plus lourd bilan pour un massacre par arme à feu commis en temps de paix.

Le silence en Afrique a plus marqué ce e tragédie que les messages de sou en. Cela prouve à suffisance combien la vie d’un homosexuel est es mée, combien elle est sans valeur. Après la vague de «Je suis Charlie» et «Je suis Kenya», le peuple africain s’est retenu de men onner «Je suis Orlando» sur les réseaux sociaux ; pour certains, le silence était mo vé par la peur d’être taxés de pédés. Parfois objet de moquerie, la tuerie a alimenté des publica ons homophobes sur le con nent africain disant «Je suis pédé».

La terre en ère a tremblé... Et vite les réac ons de sou en se sont succédé de par les quatre coins du globe. En Afrique, les condamna ons relevées ont été celles des présidents gabonais, burkinabé et sud-africain, du porte-parole du ministre des affaires étrangères de l’Egypte

Le silence d’autres chefs d’Etat en a dit long sur le non-dit qui plane sur la communauté LGBTI africaine.

Brisant ce silence qui a fait mal, Jeunialissime condamne fermement ce e ignoble tuerie et souhaite la paix aux familles des disparus.


Entretien avec...

Bonjour Santa Aziz ! Est-ce là ton vrai nom ? Quelle en est la significa on ? Santa Aziz : Hahahaha Bonjour Jeunialissime ! C’est mon vrai nom. Je m’appelle Santana. C’est mon nom et mon postnom est Aziz-Suleyman, nom de mon père. Santana a beaucoup de significa ons, mais la plus grande que l’on connaît, c’est sainteté… ou Santa Anna… Sainte Anne. Aziz est un nom arabe aussi, un des adjec fs d’Allah qui veut dire Puissant. Et Suleyman est la version arabe de Salomon qui veut dire Paix, Complétude. Wow ! Avec autant de noms arabes, on oserait penser que tu es de confession musulmane, ou que tu es arabe, carrément ! Mais tu es congolaise de quel coin ? S.A : rires… Je suis musulmane ahahahah... Je suis née à Uvira, au Sud-Kivu ; mais je suis d’un peu partout au monde. Merci pour ces détails. Etant donné que c’est en qualité d’ac viste que tu as daigné répondre aux ques ons de Jeunialissime Magazine, nous sommes curieux de savoir ce qui a mo vé et nourri ton choix pour l’ac visme. S.A : Merci. Dès mon plus jeune âge, mes parents m’ont inculqué les besoins d’aider les autres à tout prix, selon mes moyens. Je n’avais que 5 ans, la première fois que j’ai donné de mon argent de poche à une fille voisine pour s’acheter un stylo. C’est le plus lointain souvenir que j’ai de mon premier don, et la joie de voir ce e fille sourire m’a tenue éveillée pendant un bout de temps ce e nuit… Et dès lors, c’est devenu une seconde nature pour moi. Etant musulmane, il nous est demandé de donner l’aumône (6 piliers de la foi islamique 5 piliers islam). Chaque vendredi, on nous demande de faire un pe t don, se souvenir

des veuves et des orphelins ; et même la bible nous demande d’être bons envers les autres (Ephésiens 4 :32). Avec ça, les lecteurs seront d’accord avec moi, ton nom te va comme un gant. Rires. Tu es la preuve qu’une instruc on débutée tôt porte ses fruits à long terme. Sinon, venons-en à l’associa on que tu ens : Maïsha Mazuri. C’est du Swahili, n’est-ce pas ? Parle-nous-en brièvement. S.A : Maïsha Mazuri veut dire «une vie meilleure». Nous venons en aide aux nécessiteux, aux sans-abris, aux orphelinats et aux personnes vulnérables afin qu’ils puissent mieux se développer au niveau émo onnel, psychologique et éduca onnel en leur offrant un cadre de vie normal et stable, tout en les aidant à acquérir certaines forma ons dans différents domaines pour être indépendants. Mais pas seuls ! Nous voulons le faire avec vous, avec tout le monde. Nous avons ainsi des ac vités ponctuelles où nous poussons les gens, où qu’ils soient, à poser une, si pas plusieurs bonnes ac ons envers ces groupes vulnérables (exemple : jeudi mangez avec un vulnérable). La différence avec les autres, c’est que nous ne demandons pas seulement que vous nous aidiez, nous vous aidons à bien donner… Car donner, c’est bien, mais la façon de le faire est encore meilleure. Donner un carton de Cérélac, c’est bien. Mais si on donne ce carton et qu’on passe 10 minutes à jouer avec les enfants,

17


av ec ... tr et ie n En c’est encore mieux. En évoquant un carton de Cérélac, est-ce une manière de nous signifier qu’il suffit de peu pour faire un geste solidaire ? S.A : Oui, il suffit de très peu. Pour notre ac vité rentrée scolaire 2016-2017, nous avons reçu un fournisseur des fournitures scolaires qui, après réduc on, nous vendait 3 touches à 100Fc !!!! 3 touches, s’il vous plait ! Au prix de CENT FRANCS CONGOLAIS, en ce moment-là le taux de change devait être entre 950Fc ou 1000Fc le dollar. Et un cahier ligné de 32 pages revenait à 480Fc !!! Les gens ont souvent peur de donner, pensant que ce n’est pas suffisant. Mais crois-moi, même un sourire vaut de l’or quand il s’agit de faire un don. Merci de nous rappeler qu’il suffit de peu pour être heureux et donc aussi pour rendre heureux les autres. Toujours pour offrir une vie meilleure, tu te dis aussi ac viste LGBTI. Dans une société où les minorités sexuelles sont s gma sées et discriminées, voire emprisonnées pour leurs différences, comment as-tu a erri sur ce terrain ?

18

S.A : Par plusieurs expériences personnelles qui m’ont touchée, moi… Je vais en citer deux : la perte d’un ami gay. Je me faisais passer pour sa pe te amie aux yeux de la famille. Et lorsqu’il est mort (soit disant en rentrant d’un rendezvous avec moi alors que c’était avec son pe t ami), sa famille n’a pas voulu de moi pendant la durée du deuil… Ils n’ont pas voulu de ses amis garçons à cause des soupçons qu’ils avaient sur son orienta on sexuelle. Et donc, il s’en est allé sans aucune personne qui le connaissait lui, le vrai lui. Et ça m’a beaucoup touchée. Je me suis dit que si je pouvais aider les gens, alors je le ferais. Mais étant moi-même mère célibataire, au 1/8 mé ssée musulmane de surcroît, je peux te dire que je sais ce qu’est la discrimina on. J’ai eu des refus parce que je suis noire, aussi parce que je suis blanche ; j’ai eu des « non » parce que je suis une femme et j’ai été chassée parce

que je suis musulmane… dépendant des lieux et des personnes. J’ai eu à toujours me jus fier, à d’abord éduquer avant de me faire comprendre, de toujours crier pour qu’on prenne en compte mes idées. Alors les démunis, les LGBTI, les femmes violées, les sans abris, I CAN EASILY RELATE TO THEIR STRUGGLE. Pas que c’est pareil, mais ne pas se faire entendre, jus fier ce qui est normal… et une fois que je me suis retrouvée dans ce groupe de minorité, j’ai embrassé ma voca on, d’aider par tous les moyens ceux-là qui sont dans le besoin. Oh la la ! Ca ne doit pas cependant être forcément bien perçu par tes proches, que tu prennes la défense des LGBTI, on imagine. Et vu que tu nous dis être mère célibataire, ne te classe-t-on pas parmi ces cinq le res ? S.A : Bien sûr, très souvent ! Et contrairement à ce que les gens pensent, j’en suis fière. Je ne voudrais pas dénigrer ni blesser les vrais LGBTI, mais si quelqu’un comme moi peut se faire accepter dans plusieurs cercles ici à Kinshasa, alors qu’il y a des rumeurs soient-elles vraies ou fausses sur mon orienta on sexuelle et que les gens me considèrent par rapport à mes œuvres, à mes ac ons, à mon CV, à mes ac vités sans me re un barrage sur tout ça parce qu’ils pensent que je suis LGBTI, c’est que mon travail porte des fruits. Rires… Si je peux mener une ac vité avec la Rawbank pour l’orphelinat COAK sans que le directeur financier ou un agent de ladite banque n’étouffe mon projet parce qu’on me voit dans un club gay, ou parce que mes amis sont gays ou encore parce que mes posts et mon mur Facebook sont à caractère gay, he bien, c’est une victoire ! Quand on me demande si je suis lesbienne, 90% de temps je réponds que je suis humain ! Pas noire, pas blanche, pas gay, pas hétéro, humaine tout simplement ! Rires Rires Ahaha Merci de t’être prêtée à cet entre en, à cœur ouvert. Bonne chance à toi et longue vie à Maïsha Mazuri ! S.A : Ahahahah ! C’est moi qui vous remercie.


ACS/AMO-Congo (Ac ons Communautaires Sida et Avenir Meilleur pour les Orphelins au Congo) est une associa on congolaise de la société civile créée en 1993 sur l’ini a ve d’un groupe mul disciplinaire d’intellectuels, mo vée par la souffrance endurée par les personnes affectées par le Sida, notamment les veuves et les orphelins.

Sites d’interven on Ac vement présent à Kinshasa et au Katanga; représenté dans cinq autres provinces : le Bas-Congo, l’Equateur, le Nord Kivu, le Kasaï Oriental et le Kasaï Occidental.

Avec les communautés de base, AMO-Congo a mis sur pied des programmes de récupéra on et réinser on sociale des orphelins des suites Domaines d’interven on du Sida dans des familles d’accueil ayant des rela ons parentales avec eux et de renforcement AMO-Congo intervient dans les domaines du VIH suivants: socio financier de ces dernières. • La préven on, • La prise en charge (mé Face à la détresse grandissante des personnes dicale et psychosociale), vivant avec le VIH qui faisaient l’objet de grave • La recherche opéra ondiscrimina on et de rejet, AMO-Congo a été à nelle, l’avant-garde dans le domaine de la lu e contre • Le plaidoyer, le Sida en RDC en me ant en place ses premiers • Le renforcement des caprogrammes de prise en charge des PVVIH pacités à la base. tant sur le plan médical que psychosocial; une innova on à l’époque. Le 20 Octobre 2016, dans leur souci de soutenir les structures iden taires, AMO-Congo a décidé, en signant un contrat de partenariat, de travailler avec Jeunialissime, en visant le changement des percep ons et dans la sensibilisa on sur les ques ons de santé. Au moment où les popula ons LGBTI, de surcroît vivant avec le VIH sont s gma sées, AMO-Congo leur donne aussi accès aux soins, car la santé reste une priorité. Car «mobiliser la communauté pour une prise en charge globale et communautaire du VIH en RDC» est la mission d’ AMO-Congo. 19


www.childrensradiofounda on.org

www.maisha-mazuri.com/donate

www.inerela.org

julesdiaka@gmail.com


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.