JEUNIALISSIME Magazine ENTRETIEN AVEC Richine MASENGO Gagnante du trophée Tulipe
ZOOM SUR LES HOPE AWARDS, l’événement qui récompense l’activisme FOCUS 2019 ANGOLA : Comme un vent de tolérance en Afrique ?
LISOLO
2019 #06
Amour, passion et destruction
Président / Directeur Général SCALY KEP’NA Directeur de publication MI YANG YAMA SIKI Conseil de rédaction ABDELLAH I. (Abdoul) SCALY KEP’NA MI YANG YAMA SIKI Community Manager JOEL MAYUMBU Mobilisateur communautaire TRESSY YAMFU Chargé des Finances AUN MASUMBUKO ABDUL-RASUL Chargé des Finances Adjoint TAYLOR MATANDI Edition et infographie
Bâtissons l’avenir avec nos différences jeunialissime@gmail.com
Le Jeunialissime Magazine est produit une fois l’an dans le but d’Informer l’opinion publique et la communauté LGBTIQ+ sur certaines questions tabous passées sous silence afin de contribuer à l’acceptation de soi et de l’autre.
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Edito
V
ivre, être en bonne santé physique, sociale et mentale, travailler, avoir accès à l’information, jouir de la technologie et des richesses de notre pays, exprimer ce que l’on pense, ne pas être arrêté arbitrairement, aimer et s’unir avec la personne qu’on aime, croire ou ne pas croire, faire partie ou non d’une religion, exercer sa foi, décider de procréer ou avoir une descendance, avoir la liberté de circuler sur terre, qui plus est dans notre pays, décider sur notre propre corps et sur notre propre destin, vivre en paix, être respecté dans notre dignité humaine, etc... et cela sans le priver à autrui. Cette liste non exhaustive constitue les droits humains.
il a besoin, au niveau personnel, de s’aimer et de croire en luimême, ainsi qu’à son potentiel de contribuer à faire de ce monde un endroit épanouissant pour lui et les futures générations. En outre, il a besoin d’amour, d’estime et d’encouragement de sa famille et ses proches. L’Etat, entant que garant des droits humains, a l’obligation de respecter les droits de tous, de les protéger et de les garantir : • Respecter les droits humains suggère qu’aucune institution étatique, qu’aucun agent représentant de l’Etat ne doit violer les droits humains de quiconque ; • Promouvoir les droits humains implique que l’Etat doit tout mettre en œuvre pour que tous et toutes connaissions nos droits et sachions comment réclamer réparation quand ils sont violés ; • Garantir les droits humains, c’est créer des lois, des infrastructures et des systèmes adéquats de sorte à rendre effective la jouissance des droits humains pour tout le monde.
Oui, ce sont les trois (3) obligations de l’Etat, mais ils ne sont pas toujours respectés. C’est pour cela que les associations et les défenseurs des droits humains Tout être humain est détenteur existent : rappeler à l’Etat ses des droits humains par le simple obligations, mais aussi agir pour que, malgré tout, chacun jouisse fait d’être humain. Pour vivre heureux et épanoui, des droits humains.
Jeunialissime est une association des jeunes lesbiennes, gays, trans, intersexes et toute personne marginalisée dans la société à cause de sa différence. Quand on est jeunes, on est en recherche de repères pour se construire. On a besoin qu’on nous aide à cultiver notre estime, on a besoin d’aide pour devenir des adultes équilibrés et utiles pour la société.
actions pour améliorer la situation de la jouissance des droits humains des personnes LGBTIQ+. Ce magazine vous permet de voyager textuellement avec nous, pour revisiter ce qui a été accompli en 2019 pour la communauté LGBTIQ+ de la RDC et d’ailleurs.
J’espère que cela vous donnera Il est difficile de s’aimer, de envie d’apporter votre pierre à croire en soi, quand nos proches l’édifice. et la société nous poussent à nous détester, en plus de limiter drastiquement nos droits humains. Président en exercice de Jeunialissime
Scaly Kep’na
C’est pour cela que Jeunialissime brise le silence et mène des
7 Nos lecteurs nous écrivent
26 Entretien avec Richine MASENGO Gagnante du trophée TULIPE
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ANGOLA : Comme un vent de tolérance en Afrique ?
10 Tuko pamoja En faveur du vivre-ensemble
18 Zoom sur Les HOPE AWARDS, l’événement qui récompense l’activisme
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Amour, passion et destruction
Nos
‘‘ Bonjour JM! Je pense que le magazine a été bien structuré et surtout les différentes couleurs utilisées le rendent plus vivant. La seule remarque que j’ai faite se situe au niveau de la rubrique «La double vie de Blaise» et «L’entretien d’Hervé-Greg Mokwabo». Je trouve que l’emploi de temps de différents verbes n’a pas été bien exploité. Néanmoins, dans l’ensemble j’ai vraiment aimé le contenu du magazine, il a été au rendez-vous et je pense qu’aucun lecteur ne saurait être déçu du temps disposé à la lecture dudit magazine. ’’ Dally M (Kinshasa - RDC) ‘‘ J’avoue que la lecture n’est pas mon fort mais je me suis mis à la tâche. Tout est visuellement parfait et digne des magazines recommandables. Je trouve que c’est un bon moyen de présenter la communauté LGBTI au reste du monde. Je ne sais pas s’il y a moyen de le diffuser via les réseaux sociaux qui sont plus utilisés, mais ça aura une plus large portée et nous incitera les paresseux de lecture) à regarder d’un peu plus près. J’attends avec impatience la lecture du prochain numéro pour mieux
‘‘ Salutations ! Excellent travail encore une fois! Je trouve cette édition bcp plus technique et scientifique. Et le témoignage, pas très touchant, comparé à celui de l’édition précédente. Perso, je pense que les gens se sentiront plus impliqués s’ils sont touchés émotionnellement. ’’ Julien M (Kinshasa - RDC) ‘‘ L’agencement de couleurs n’est pas très attrayant. On a l’impression de se perdre dans trop de couleurs. Ya trooooooop de texte, ça donne pas envie de lire. Il faut plus jouer sur les images et considérablement réduire les textes. Il faut être précis car de nos jours, les gens n’aiment pas lire ; surtout quand ils voient trop de textes, ils ont la paresse de commencer à lire. Sinon, les avis des kinois sur le sujet, j’adore ! «Né.e pour être différent.e» aussi j’ai lu, c’est très instructif. Sauf que le contenu est trop intellectuel, trop sérieux. Peut-être pour une rubrique d’article vraiment sérieux. Mais le reste pourrait être écrit avec un langage familier de sorte que tout le monde s’y retrouve, même avec un côté un peu drôle. ’’ Arnaud D (Kinshasa - RDC)
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nous lecteurs écrivent
me faire des idées sur la chose. Bon courage à l’équipe et comme j’aime le dire : «la vie vécue de façon sobre et bien réfléchie selon le contexte impose le respect, peu importe qui on est». ’’ JD (Lomé - TOGO)
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Activité de Jeunialissime, il s’agit d’un camping périodique ludique, touristique et surtout instructif de trois (3) jours, qui se déroule pendant les grandes vacances, dédié aux jeunes LGBTIQ+.
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• Visite des sites touristiques • Projection cinématographique • Feu de camp • Échanges autour du feu • Ateliers et débats • Jeux de société et autres
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ACTIVITÉS AU MENU :
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Tuko pamoja En faveur du vivre-ensemble
L Tuko Pamoja
es préjugés sont des amplificateurs de stigmatisation, de discrimination et de violence ; en plus de former un frein pour une société ouverte à la diversité. Pendant quatre mois, en huit séances, Jeunialissime avec des alliés ont réuni des kinois et kinoises de tout bord pour échanger sur les sexes, les genres, les identités du genre, les orientations sexuelles, ainsi que les pratiques sexuelles; afin de diminuer les préjugés autour de ces questions. Cette série de rencontres populaires, en faveur du vivre-ensemble, a été dénommée TUKO PAMOJA, en langue Shwahili, et signifie ON EST ENSEMBLE.
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La diversité sexuelle Cette thématique a été abordée par Scaly KEP’NA, président en exercice de Jeunialissime et activiste engagé dans la cause LGBTIQ+. Fondateur de l’organisation, il a abordé de façon participative les notions de sexe, de genre, d’identité du genre, d’orientation
sexuelle et des pratiques sexuelles. Une manière semi-pédagogique d’expliquer aux Kinois et Kinoises combien nous sommes différent.e.s en apparences, mais similaires dans le fond ; mais aussi de démystifier la communauté LGBTIQ dans l’imaginaire de ces derniers et dernières. Les droits humains et les lois congolaises Serge TAMUNDELE, défenseur des droits humains, spécialisé sur les questions des droits et des lois congolaises, était l’un des facilitateurs de cet atelier. Il coordonne la clinique juridique CEDHUC, qui prend en charge des cas de problèmes judiciaires liés aux LGBTIQ+ et est également assistant du point focal VIH du Ministère de la justice. Le deuxième facilitateur de cet atelier était Maître Olivier OKAKESSEMA, avocat au ruban rouge. Les gens ont toujours entendu parler des droits humains, sans toujours savoir de quels droits concrètement il s’agit et en quoi ils sont universels. Au-delà des droits, les lois de notre pays ne sont pas toujours bien connues. D’ailleurs beaucoup de participant.e.s pensaient que la RDC criminalisait l’homosexualité. Cet atelier a donc aidé à comprendre les droits humains, comprendre comment les questions LGBTIQ+ sont prises en compte et pourquoi il est important de respecter
les droits de tous et particulièrement ceux des LGBTIQ+.
Déjà au début de l’activité, je me trouvais différent des autres qui était en face de moi; mais à la fin, je ne savais plus qui était qui, car on s’amusait ensemble et on rigolait tous. Je crois que c’était vraiment ça l’objectif de cette activité ,, .
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JEUNES ATTEINT.E.S contre 160 prévu.e.s
Je ne savais pas que parmi les personnes LGBTIQ+, il y avait aussi des gens normaux et intelligents. Ce n’est qu’aujourd’hui que je viens de m’en rendre compte et cela a changé ma vision sur cette communauté. ,,
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Le vivre-ensemble Angelo BOJI, dirigeant de HOUSE OF RAINBOW, un fellowship spirituel qui offre un lieu de culte à tout le monde sans exception, mais aussi qui aide les LGBTIQ+ à concilier leurs orientations sexuelles ou identités de genres avec leurs spiritualités, était le facilitateur de cet atelier. Un atelier constitué d’une série de jeux qui permettaient aux participant.e.s de se rendre compte de l’importance du vivre-ensemble car, si toutefois nous sommes différent.e.s les un.e.s des autres, nous sommes condamné.e.s à cohabiter. Et c’est possible de le faire en harmonie.
Contenu d’un travail de groupe / © Jeunialissime
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Religion, Coutumes africaines et Normes sociétales et inégalités du genre César MOMBUNZA, coordonnateur de CONERELA, un réseau d’hommes religieux vivant avec ou affectés par le VIH, et Richine MASENGO, grande féministe congolaise qui dirige l’association SI JEUNESSE SAVAIT, ont été le facilitateur et la facilitatrice de cet atelier. Leurs expertises sur les questions de foi, de genre et de société étaient cruciales pour cet atelier. En effet, les stigmatisations et le désamour exprimés aux LGBTIQ+ trouvent, en grande partie, leurs origines dans des idées erronées issues des principes religieux, coutumiers, des normes sociales et de la perception de la femme que se fait la société, condescendante.
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www.childrensradiofoundation.org
Chilsdren’s Radio Foundation, basée en Afrique du Sud, forme de jeunes reporters à travers toute l’Afrique, leur donnant des outils nécessaires et en renforçant leurs compétences pour faire entendre leurs voix. Cela leur offre une expérience en leadership qui leur servira toute leur vie. S’exprimant dans les langues locales et dans un style adapté aux jeunes, ils interviewent des membres de la communauté, organisent des débats et font ressortir des perspectives locales sur des problèmes qui ont un impact sur leur vie. Avec 68 sites de projets dans 5 pays africains dont la RDC, 748 jeunes reporters actifs atteignent 9,7 millions d’auditeurs chaque semaine. En République Démocratique du Congo, CRF accompagne le projet JEUNIAFRICA de Jeunialissime. © Children’s Radio Foundation
Domaines d’intervention clés
SANTE DE L’ADOLESCENT
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SECURITE & VIOLENCE
VIH & SIDA
DROITS DES LGBTIQ+
CHANGEMENT EDUCATION & CLIMATIQUE OPPORTUNITE
http://www.voice.global
© Voice
VOICE est un mécanisme innovant de subvention qui appuie les personnes les plus marginalisées et discriminées dans dix pays d’Afrique anglophone et d’Asie à revenu faible ou intermédiaire. Il vise à amplifier et à connecter des voix jusqu’ici ignorées afin de ne laisser personne de côté. Initiative financée par le Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas en tant que composante de leur cadre dénommé «Dialogue and Dissent» (Dialogue et Dissidence), VOICE est exécuté à travers un consortium entre Oxfam Novib et Hivos.
VOICE a vu en Jeunialissime, à travers le projet JEUNIAFRICA, une possibilité de travailler en Afrique Francophone. Pour rappel, Jeunialissime avait participé et remporté le deuxième prix aux Prix NOW-Us, une initiative à laquelle Voice était partenaire, à Amsterdam, aux Pays-Bas. Ainsi le désir d’accompagner Jeunialissime était né.
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C’est quoi VOICE ?
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Focus 2019 ANGOLA : Comme un vent de tolérance en Afrique ?
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année 2019 a débuté avec une sacrée bonne nouvelle pour la communauté LGBTIQ+ du monde entier, celle de l’Afrique et particulièrement pour celle de l’Angola.
Focus 2019
En effet, en date du 23 janvier 2019, il a soufflé sur l’Afrique comme un vent de tolérance. L’Etat angolais a retiré de son code pénal un article à controverse qui condamnait les pratiques dites «contre-nature». Comme la plupart des pays colonisés, l’Angola avait hérité cet article des Portugais. Étant flou, sans être précis, ledit article donnait ainsi lieu à diverses interprétations dont celle de «l’interdiction des relations sexuelles entre personnes de même sexe». Une grande victoire pour les associations de défense des droits des minorités sexuelles !
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Les croyances religieuses s’étant enracinées et exerçant une grande influence dans les pays de la région, la communauté LGBTIQ+ Angolaise n’était pas à l’abri du regard réprobateur du chrétien, du musulman,... Ces derniers considèrent l’homosexualité ou la transidentité comme quelque chose d’abominable.
Toutefois, il est important de mentionner que les séries télévisées angolaises, entre autres Windeck et Djikulumesu ont contribué à ouvrir le débat sur la question, en y insérant un personnage homosexuel ou deux, allant jusqu’à faire tomber un par un les préjugés et lutter contre les stéréotypes. De ce fait, la représentativité dans des médias aident chacun.e à s’identifier et à s’accepter, mais aussi à accepter l’autre. Car très souvent, c’est l’ignorance et la peur de l’inconnu qui conduisent à la haine gratuite. En 2010, aucune loi n’interdisait ni ne prévenait la discrimination ou les persécutions fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Ainsi, en retirant la clause héritée du colonisateur dantan, le parlement ajoute des protections contre la discrimination à l’embauche lors du vote de son nouveau code pénal et interdit les discriminations sur base de l’orientation sexuelle. L’Angola succède ainsi à une autre ancienne colonie portugaise qui a décriminalisé l’homosexualité en 2015, le Mozambique. Le ministère de la Justice avait légalisé une association qui défendait la cause
de la communauté LGBT en juin 2018, rapportait l’Agence France Presse de sources concordantes. S’agissait-il déjà là d’un des signes de changement dans le pays ? Car depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président João Lourenço fait souffler un vent nouveau sur son pays après trente-huit années de règne autoritaire de José Eduardo dos Santos.
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Rappelons tout de même que le gouvernement angolais avait annulé la visite de l’ambassadeur israélien Isi Yanouka, en 2001, tout simplement parce que ce dernier était homosexuel. Passer d’un comportement étatique aussi rigide au retrait de cette clause, vestige colonial, l’Angola a fait preuve d’avancée sociale considérable
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Les émissions audio en ligne, produites en français pour un plus large public, sont à audi onner sur h p://soundcloud.com/jeunialissime . Des émissions vidéos sont également réalisées et postées sur la chaîne YouTube et sur Instagram. .me/Jeuniafrica
@Jeunialissime
Jeunialissime
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Créée en 2014 par Jeunialissime, JEUNIAFRICA est une émission radio éditée et produite par les jeunes eux-mêmes, abordant des problèmes qui les touchent personnellement, afin de changer la percep on de la société sur la ques on LGBTIQ+, de contribuer à réduire la s gma sa on et d’améliorer l’accès aux services de santé. Depuis 2018, les émissions en Lingala, dans le but d’a eindre le maximum des jeunes Kinois et Congolais en général, passent en direct sur la RTGA, une sta on radio éme ant sur la 88.1 Mhz depuis Kinshasa.
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Zoom sur Les HOPE AWARDS, l’événement qui récompense l’activisme
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es personnes LGBTIQ+, par leur nature, sont la preuve que les notions du genre et les rapports de prédominance entre les genres et les sexes, comme imposés par la société à travers la culture, les lois et les croyances, ne sont pas représentatifs de la réalité. A cause de cela, les LGBTIQ+, de tous âges, de tous les milieux sociaux, sont régulièrement victimes de stigmatisations, de discriminations, de violences morales et physiques, ainsi que de limitations d’accès aux droits humains dans plusieurs domaines de la vie. Pour ce fait, il existe des activistes et des structures qui, dans des domaines variés, tentent d’améliorer la condition de vie des LGBTIQ+ ainsi que leur accès aux droits humains, leur donnant ainsi l’espoir d’une meilleure qualité de vie.
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Les Hope Awards, initiés par Jeunialissime, existent donc pour encourager celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent pour que les LGBTIQ+ aient intégralement accès aux droits humains. C’est une activité qui a toujours lieu le 17 mai, date commémorative de la
suppression de l’homosexualité de la liste des maladies mentales de la classification internationale des maladies publiées par l’Organisation Mondiale de la Santé, devenue la journée internationale de la lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie. Mais cette année, c’est la date du 28 juin qui avait été bouclée car faisant référence aux émeutes de Stonewall, un autre événement important dans la culture LGBTIQ+. La salle de spectacles de Notre Dame de Fatima avait servi de cadre à cet événement. Parmi les invités, on pouvait compter des diplomates qui représentaient entre autres le Canada, la Suède, les Etats-Unis, l’Union Européenne ainsi que le Royaume des Pays-Bas. Mais il y avait aussi des délégués des ONGs et Programmes tels que l’ONUSIDA, CONERELA, le RCP, la MAISON DES JEUNES,... Devant un public mixte à majorité LGBTIQ+, se sont succédé le discours d’ouverture émouvant et engageant du président en exercice de Jeunialissime, et celui de Son Excellence
Monsieur l’Ambassadeur du Royaume des Pays-Bas. Du plaidoyer Une émission a été tournée en direct sur place afin de faire la lumière sur la réalité des LGBTIQ+ en RDC. Maitre Serge Tamundel du Ministère de la Justice et Junior Basosila de MOPREDS en ont été les brillants intervenants. Ce dernier a parlé de l’Examen Périodique Universel, d’autant plus que la RDC a été examinée cette année. En effet, l’EPU a constitué l’occasion, pour notre pays, de présenter non seulement les mesures qu’il a prises pour l’amélioration de la situation des droits humains sur notre territoire, mais aussi ses obligations remplies en la matière.
© Jeunialissime
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Contenu d’un travail de groupe / © Jeunialissime
Les HOPE AWARDS constituent une belle opportunité de célébration et d’encouragement des initiatives menées par les mimilant.e.s/structures ayant pris le lead dans l’avancement de la cause et l’amélioration de la qualité de vie des personnes de différentes OSIEG en RDC. Il s’agit également d’un excellent moment de partage et d’apprentissage des bonnes pratiques en vue d’une société plus inclusive ”
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Les nominé.e.s ont été présenté.e.s, entendu.e.s. Chacun.e a eu un moment pour parler de ses actions entant que activiste et le jury a procédé aux votes. La remise des prix a précédé un cocktail et une séance de prise de photos et de récolte d’impressions des participant.e.s.
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Non seulement que MOPREDS, OASIS, RSM et JEUNIALISSIME profitèrent de l’opportunité de l’EPU, pour soumettre un rapport alternatif et plaider pour la situation des LGBTIQ, mais encore, plusieurs pays, notamment les Etats Unis, l’Uruguay, l’Argentine, le Chili et le Royaume des Pays-Bas avaient posé à la RDC des questions sur la problématique LGBTIQ+. Tout bien considéré, la prise de parole de Junior Basosila aux Hope Awards a donc fait le compte rendu de l’intervention des structures identitaires lors des processus de l’EPU. Le point a été fait sur la situation des LBT (Lesbiennnes - Bi - Trans) car partout dans le monde, les femmes subissent injustices, discriminations et violences. De plus, cela est accentué quand elles sont Lesbiennes, Bisexuelles ou Transgenres, si bien qu’il a été évoqué leur réalité en RDC ; entre autres, ce dont elles sont victimes, mais aussi leur lutte pour leur émancipation.
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Discours d’ouverture par Scaly Kep’na
Bâtissons l’avenir avec nos différences
L’action, c’est le changement! L’action, c’est l’espoir! Vous savez, cela fait 50 ans jour pour jour, que les émeutes de Stonewall ont eu lieu... La moitié d’un siècle! Pour ceux et celles qui ne le savent pas, les émeutes de Stonewall sont une série de manifestations spontanées et violentes contre un raid de la police qui a eu lieu dans la nuit du 28 juin 1969 à New York, au Stonewall Inn. Ces événements sont considérés comme le premier exemple de lutte des gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres contre un système soutenu par les autorités et persécutant les homosexuels. Ces émeutes représentent le moment symbolique marquant la réelle éclosion du militantisme LGBT, aux États-Unis et partout dans le monde. C’est pour cela qu’en écho aux émeutes de Stonewall, nous avons tenu que cette édition des Hope Awards ait lieu le 28 juin. Nous sommes au mois de juin, le mois de la fierté LGBTIQ+! Je suis un homme cisgenre, homosexuel, congolais et je suis fier! Je suis fier de consacrer ma jeunesse à dénoncer et réparer, à ma manière, l’injustice que subit au quotidien ma communauté! Je suis fier de briser le silence sur nos réalités singulières et plurielles! Je suis fier d’apporter du soleil à nos vies qu’on emprisonne dans l’ombre! Je suis fier d’appartenir à la communauté des lélé, des pédé, des mari-bongola, de VéWé, des Bi, des transgenres, des intersex, des bizarres;
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Malgré le rejet de nos familles, de ceux qu’on aime malgré tout; Malgré les insultes quotidiennes, les arrestations arbitraires, l’invisibilisation de nos existences, le non-respect de notre intégrité corporelle; Malgré la limitation, voire la privation de nos droits humains: le droit à la santé, à l’éducation, à un travail décent, à l’accès aux postes de responsabilité et décisions étatiques, à la manifestation, à la liberté d’expression, à l’auto définition, à la
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sexualité épanouie; Malgré la banalisation, la chosification et la sexualisation de notre humanité… Nous demeurons des gens joyeux; Nous connaissons le sens de l’amour; Nous connaissons le sens du respect; Nous demeurons honorables; Nous sommes des survivants obstinés; Nous sommes des résilients magnifiques; Nous sommes éternellement jeunes d’esprit; Nous sommes Jeunialissime!
Félicitation à MOPREDS, Oasis, Baobab Club, MALEBO FORCE, Alcis, ARAMIS, House of rainbow, Elikya LGBTIQ, Palmier Club et tant d’autres, pour vos actions et l’espoir que vous apportez à notre communauté. Car l’action, c’est le changement! L’action, c’est l’espoir! Et aujourd’hui, nous vous célébrons. MERCI!
Scaly Kep’na 28 Juin 2019
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Merci à ceux et celles qui n’ont pas cédé à la haine gratuite! Merci à BISO BA Jeunes, au RCP, à la RTVS1, à Pero Luwara, à This Is Africa, à la Maison De La Laïcité, à Habari RDC, à la Maison Des Jeunes, au Centre Carter, au Centre Culturel Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, à Olivier Erdues, au Secteur Media, au PSSP, à Fhi360, à CONERELA, au CEDHUC, à Si Jeunesse Savait pour nous avoir accompagné. Merci à la CNDH , au Ministère de la Justice, à AMSHeR, à MOLI, à UHAI EASHRI, à Synergía, à l’Onusida, à Voice, Children’s Radio Foundation, aux USA, à la Suède et au Royaume des Pays-Bas.
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Portrait of Gay Black Men Couple in their Living Room © Joselito Briones
J
e suis Jean-Michel M*. J’ai 36 ans et je vis à Kinshasa. En 2011, j’étais étudiant, j’avais 25 ans et n’avais pas encore eu de partenaire sexuel et les filles ne m’intéressaient pas. J’étais à ma dernière année de licence et préparais donc mon travail de fin d’études. Ma famille ne me faisait donc aucune pression sur le fait que je n’avais pas de petite amie. Un soir, rentrant de l’université, je devais faire un crochet chez une cousine sur Victoire. Arrivé chez elle, au moment où je franchissais le portail de la parcelle, je me retrouvais face à un jeune homme. Nos regards se croisèrent. Il s’agissait d’un garçon que j’avais souvent aperçu à l’église. Il était beau, élégant, proprement vêtu et sentait super bon. J’étais intimidé de le voir devant moi. J’avais toujours voulu l’aborder. Il me fit le coup de «On se connaît ?». Cette question me laissa silencieux quelques secondes qui m’ont paru longues. Puis, avec un sourire timide, j’ai répondu qu’on s’était déjà vu à l’église. Il m’a dit : « Moi c’est Freddy, et toi ? » Je me suis présenté. Et après une brève conversation de courtoisie mais chargée de tension, on s’échangea nos numéros de téléphone. On se séparait sur une promesse de sa part de m’appeler. Il n’avait pas attendu longtemps. Deux heures plus tard, je recevais son appel. Nous n’avions pas tourné autour du pot ; après une série de compliments, il avait été direct, me disant que je lui plaisais. Et comme l’attraction était réciproque, une relation amoureuse naquit. Nous ne nous posions pas de questions sur ce que nous étions en train de vivre. Nous nous laissâmes emportés par la passion.
*Certains noms ont été modifiés pour garder l’anonymat
Puis un jour, j’eus une discussion assez sérieuse avec mon père sur la possibilité de me marier. Après tout, j’avais terminé mes études deux années plus tôt, je travaillais et ma situation financière n’était pas des plus déplaisantes. Il me sortit pleins d’arguments qui finirent par me convaincre. Et il alla jusqu’à me proposer une fille, celle de son associé. Elle n’était pas mal. Cependant je savais que je partageais déjà ma vie avec quelqu’un. Je me devais donc de lui faire part de mon entretien avec mon père. Freddy en fut troublé. Mais je finis par le rassurer que rien ne changerait entre nous. Six mois après, j’épousais la fille choisie par mon père. La joie dans ma famille fut à son comble. Freddy était mon témoin au mariage civil et garçon d’honneur à mon mariage religieux. Au début, nous arrivions à gérer la situation. Mais lorsque mon épouse
tomba enceinte, Freddy craqua et me fit comprendre qu’il ne pouvait plus supporter de m’avoir à temps partiel, décida de me quitter et de se trouver un autre mec. J’en devins malade. Mon épouse ne s’en doutait pas, mais je sortais tard certains soirs, prétextant une urgence chez Freddy. - Elle l’avait adopté comme un frère -. J’allais le supplier de me revenir, lui promettant de trouver une solution qui nous conviendrait à tous les deux, mais en vain. Cerise sur le gâteau, à son tour il décida de se marier. Je cherchais, par tous les mots possibles à l’en dissuader, mais sa décision était prise. Puis il était plus âgé que moi, sa famille me citait en exemple pour l’inciter à se trouver une femme et à convoler en justes noces. Cela me brisa
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le cœur ; pas seulement par jalousie mais aussi parce qu’il le fit pour me défier et combler un vide que j’avais créé. Je le comprenais, mais ne pouvais l’accepter. J’avais mal. Je n’avais pas été invité à son mariage, était-ce pour me faire davantage de peine ou pour m’en préserver ? Je n’ai jamais cherché à le savoir. Le hasard faisant bien les choses, mon épouse accouchait à cette même date. Je pus m’en faire un alibi. Notre amitié se revêtit d’une froideur qui interpella tous nos proches, jusqu’à
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On se partageait nos différents secrets. Contrairement à moi, il avait connu des aventures avec d’autres hommes avant de me rencontrer, mais rien de sérieux. Il sortait aussi avec des filles, mais pas moi. Il a donc été mon premier amour. Pendant deux ans, nous avions vécu notre idylle en cachette, loin des yeux de nos familles respectives. Elles pensaient cependant que nous n’étions que de très bons amis. Cette clandestinité ne nous dérangeait aucunement. Freddy était de bonne famille, venait de trouver un travail; moi en revanche j’avais été retenu où j’avais effectué mon stage professionnel. Nous étions inséparables. On vint à se demander comment nous avions pu vivre l’un sans l’autre avant de nous rencontrer. Nous vivions comme des enfants, sans nous soucier du lendemain.
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l’église où nous avions tous deux des responsabilités. Tout le monde nous savait très proches. Et là, des murs de questions se dressaient devant les responsables, les diacres et même le pasteur. Nous avions atteint un seuil où l’on ne sut plus faire semblant. Si bien que par jalousie maladive, je fis un texto anonyme à l’épouse de Freddy, lui disant que son mari était homosexuel et fréquentait un jeune homme de l’église; j’avais même fourni le nom dudit jeune homme, puis transféré quelques photos comme preuves par Messenger avec un faux compte. Je ne me remettrai jamais de cet acte ; car, voyez-vous, elle était enceinte en ce moment-là et je le savais. Elle fit une fausse couche, à cause de cette folie. Je m’en veux jusqu’à présent. L’amour rend fou, j’en suis convaincu. Amour homosexuel ou hétérosexuel ou que sais-je encore, ça reste de l’amour. J’en sais quelque chose.
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Il poursuivit toutefois sa relation avec l’autre garçon, en parallèle de son mariage. Je m’étais dit que si je ne pouvais
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pas le récupérer, aucun autre garçon ne l’aurait. Alors, je suis allé le dénoncer à l’église que l’on fréquentait avec nos épouses respectives. J’avouai avoir eu une histoire d’amour avec lui et prétendis avoir renoncé à l’homosexualité. Je ne m’étais pas limité à cela. Je finis même par déballer les secrets qu’il me confia au début de notre relation, entre autres qu’il était sorti dès le premier mois de son arrivée à l’église, avec un des diacres, le responsable de la chorale, et un des chantres. Il fut meurtri par cette trahison, moi non ; du moins, pas au moment des faits. Tant j’étais dévasté par la jalousie et le désir ardent de le récupérer ! Etant en état de choc, je ne réalisais pas que ma folle conduite ne produirait que des effets contraires à ceux recherchés. Mais aujourd’hui, avec du recul, je me reproche mes écarts, ma perte de contrôle et ma trahison. Par-dessus tout, je regrette la perte de leur enfant, quoiqu’à ce jour ils en ont eu deux autres. Nous n’avons plus gardé contact, mais de temps à autre j’ai de leurs nouvelles par des amis en commun. Nous avons été victimes de l’hypocrisie kinoise. Si seulement l’on pouvait vivre ouvertement et librement notre amour, même si on pouvait se séparer comme cela arrive à beaucoup de couples, nous serions peut-être encore des amis, et Freddy n’aurait pas perdu son enfant. Ce sentiment de culpabilité me hantera sûrement toute ma vie. Moi, ma femme m’a quitté après mon dérapage et je vais d’une aventure à une autre, sans lendemain, comme un bourdon qui butine d’une fleur à une autre. Contrairement à un bourdon qui fabrique du miel, moi, je traîne mon amertume et mon sentiment de culpabilité
Oasis RD Congo
est une structure créée à Kinshasa, capitale de la République Démocaratique du Congo, le 16 novembre 2014. Elle est une association sans but lucratif, relevant du droit congolais (F.92/34.572 JUST/SG/20/2895/2019), Contact : regroupant les femmes.Celles-ci Email : contact@oasisrdcongo.org constituent une minorité sexuelle, Page Fb : Oasis RD Congo qui est reconnue par la Constitution Site : www.oasisrdcongo.org Téléphone : +243 895 164 202 Congolaise en son article 52, alinéa 2. En 2019, Oasis RD Congo a lancé un projet, dénommé LIZIBA, qui est un centre d’écoute, d’informations et de prise en charge pour la communauté LBT. Le projet a servi à former :
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en Droits Humains dans les
districts de Kinshasa et a pris en charge
100
victimes
de violences basées sur l’orientation sexuelle, identité et/ou expressions de genre en les référant auprès des structures d’accompagnement juridique, psychologique et/ou la prise en charge médicale.
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personnes LBT
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Richine MASENGO Gagnante du trophée Tulipe Directrice Exécutive , depuis 2018, de SI JEUNESSE SAVAIT, une association féministe de Kinshasa en République Démocratique du Congo
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Le regard condescendant que la société porte sur les femmes est le même porté sur la communauté LGBTIQ+. On ne peut pas réduire l’individu en un sexe/genre ni en une orientation sexuelle ni en une race. Nos différences font la beauté de qui nous sommes.
RICHINE MASENGO : Honnêtement, je me suis retrouvée dedans. Mes attitudes, ma manière d’agir et d’interpréter les faits de société, ont poussé mon entourage, particulièrement une cousine, à m’interpeller et à me faire comprendre que je faisais du féminisme. Elle m’a donc recommandée à Si Jeunesse Savait, où elle exerçait, afin de me faire tailler et former. Après son départ du pays,j’ai approché la structure et j’y ai trouvé des programmes, des activités et des projets en cours qui m’ont finalement permis de comprendre comment procéder pour mieux militer en faveur des droits des femmes, dans les règles de l’art. C’est pourquoi je dis que je me suis retrouvée dedans.
J : Très souvent, en Afrique particulièrement, on reproche aux féministes d’être contre les hommes, de chercher à faire la guerre aux hommes. Pensez-vous que ces reproches soient fondés ? R.M. : Hé bien, pas du tout! Je ne pense pas qu’être féministe rime avec le désir de faire la guerre aux hommes. Cette compréhension est très éloignée de l’essence même du féminisme. Il existe des hommes alliés féministes ou pro féministes. Il est question de comprendre qu’il est important de défendre les droits des femmes et de construire une société égalitaire, où hommes et femmes jouissent des mêmes droits, des mêmes chances, des mêmes avantages. Certains hommes se sentent simplement en insécurité, dans leur confort, et pensent que les idées féministes comptent mettre à mal leurs privilèges. Sinon, je vous assure que ça
n’a rien avoir !
J : Vous voulez donc dire qu’il existe des hommes qui épousent cette idée du féminisme telle que vous venez de nous la définir et qui rejoignent le mouvement ? R.M. : Oui, comme je viens de le dire, il y a des hommes qui rejoignent justement les questions féministes. Et d’ailleurs, on en compte de plus en plus, des hommes alliés féministes. Ils sont pointés du doigt. On dit d’eux qu’ils ont perdu leur masculinité. Comme si un homme qui accepte qu’une femme accède aux postes de responsabilité, qu’elle aie le droit de prendre de grandes décisions... est un homme dominé ou soumis. Beaucoup d’étiquettes leur sont collées. Mais ça ne les arrête pas, ceux-là qui soutiennent notre cause, prônant la méritocratie, dans le milieu professionnel ou estudiantin.
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: Pouvez-vous nous dire de manière brève comment vous en êtes arrivée au féminisme ?
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J : Vous avez remporté le trophée Tulipe octroyé par l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas en RDC pour vos actions en faveur de la communauté LGBTIQ+. Quelles sont-elles ? R.M. : Alors, le prix Tulipe! Je ne l’ai pas remporté le juste pour les actions menées au profit de la communauté LGBTIQ+. Je l’ai remporté pour les actions menées de manière inclusive pour des jeunes. Mon équipe de Si Jeunesse Savait et moi avons milité pour les droits des femmes et des jeunes, en matière de santé de la reproduction, sur la question de l’avortement, une des questions sensibles, ainsi que l’orientation sexuelle. Cette dernière étant un sujet qui n’est pas souvent abordé de manière assez libre et assumée par des structures non LGBTIQ+, notre audace nous a donc valu ce prix, selon le jury. Bref, ce n’est pas un prix qui m’est décerné à moi toute seule. Il est plutôt octroyé à mon équipe et moi. Les actions menées ne l’ont pas été en mon nom, mais au nom de toute l’équipe de SJS que je remercie d’ailleurs.
Entretien avec
J : Sinon, quel rapprochement établissezvous entre le féminisme et la cause LGBTIQ+ ?
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R.M. : Je pense que tout se rapporte aux questions de droits humains. Il existe dans les deux causes le besoin de respect des droits de chacun. Si l’on considère que les hommes et les femmes ont droit aux mêmes opportunités et que personne ne doit être avantagé au détriment de l’autre sur base du genre/sexe, il en est de même entre les personnes homosexuelles, incluant toute la communauté LGBTIQ+, et les personnes hétérosexuelles sur base de l’orientation sexuelle, supposée ou avérée.
Tout est axé contre la discrimination et la stigmatisation. Le regard condescendant que la société porte sur les femmes est le même porté sur la communauté LGBTIQ+. On ne peut pas réduire l’individu en un sexe/genre ni en une orientation sexuelle ni en une race. J : Pour la Directrice Exécutive que vous êtes, comment arrivez-vous à évaluer le retour de vos actions ? Est-ce qu’il y a une avancée significative ou la résistance est rude ? R.M. : Je vais me résumer dans la réponse à la dernière partie de la question. Oui, la résistance est rude, parce que nous sommes nés dans une société où les règles ont été établies pour entretenir l’autorité ou le pouvoir de l’homme sur la femme. C’est donc difficile, pas impossible, de remettre en question les idéologies et les principes dans lesquels nous avons longtemps été baignés. Ils ont longtemps été le repère, le modèle. D’où la nécessité des dialogues, des actions de sensibilisation de manière soutenue pour espérer un changement d’attitude face à des questions dites sensibles. N’empêche que l’avancée reste encourageante quand on compte parmi nos alliés des hommes qui ont compris le féminisme. Cette avancée est aussi notable dans le contexte légal. Il y a dix ans, on ne pouvait pas parler d’avortement ni d’orientation sexuelle de manière aussi assumée qu’aujourd’hui. On arrive à intégrer des leaders religieux et/ou des politiques dans nos discussions. Alors qu’avant, cela ne se faisait qu’entre activistes
Si Jeunesse Savait est une organisation féministe, basée à Kinshasa, sans but lucratif, apolitique et n’appartenant à aucune obédience religieuse. Créée en 2001, elle milite pour les droits des femmes et des jeunes, et plus particulièrement des jeunes filles de moins de 24 ans, dans 3 domaines clés :
En 2019, Si Jeunesse Savait a compté plusieurs projets dont 80% ont été axés sur les droits de la reproduction avec des projets visant de redonner le pouvoir décisionnel aux femmes et aux jeunes filles de décider et prendre le contrôle sur leurs corps notamment de connaître leurs droits et de les réclamer. Et parmi ses projets phares réaliser en 2019, on trouve le projet Mongongo na Biso 2 implémenté dans le Kongo central, les Nord et Sud Kivu, ainsi que la ville-province de Kinshasa. La particularité de ce projet a été son objectif de mobiliser les hommes et les femmes des médias (radios, télévisions, journaux écrits, médias en lignes, etc...) de ces 4 provinces pour soutenir la loi congolaise en faveur de l’avortement légal médicalisé et sécurisé pour toutes les femmes et filles conformément au protocole de Maputo dans son article 14.
Droits sexuels & reproductifs
Entrepreneuriat
Ce projet a permis de former
120 Journalistes dont
60%
et
40%
de participants de moins de 30 ans résidant dans les provinces précitées en matière de droit à la santé sexuelle et reproductive, en associant trois grands ministres, notamment le ministre du genre, le ministre de la communication et le ministre des droits humains qui ont honoré les journalistes lauréats par la remise de prix « MONGONGO NA BISO ». de femmes
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Usage & appropriation des TIC
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Conférence sur l’épanouissement personnel des LGBTIQ+.
Objectif Donner aux personnes LGBTIQ+ des clés pour cultiver leur épanouissement personnel, en passant par une meilleure compréhension de soi et de son environnement. Cette année, le Centre Culturel Wallonie - Bruxelles de Kinshasa était partenaire du Qui suis-je ? et avait accepté d’en accueillir les séances.
Partenariat «Qui suis-je ?» 2019
Bâtissons l’avenir avec nos différences
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Bâtissons l’avenir avec nos différences
Le projet LINKAGES nous a permis de tester en 2019 des personnes GBT sur le VIH et de les référer dans des hôpitaux de prise en charge pour celles et ceux dont les résultats étaient positifs, en plus de rendre disponibles, gratuitement, des préservatifs et des lubrifiants à plusieurs jeunes LGBTIQ kinois.
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hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ont été sensibilisés avec des messages de prévention du VIH et une évaluation des risques effectuée
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HSH ont été référés pour IST au SS dont ont été confirmés et traités
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HSH ont été testés et ont reçu leurs résultats
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préservatifs masculins et
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HSH ont été testés positifs pour le VIH
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HSH ont été inscrits aux soins et ont commencé un traitement antirétroviral (TAR)
packs de lubrifiants ont été distribués
Edition, mise en page et design :
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