MUST #29 - ARKETING

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Vincent & la solitude des pierres Pa r a nto i n e b e rt r a m

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Vincent observe, ressent, exprime, libère, Vincent exulte et se frustre, il est en quête d’absolu, la voie du salut pour les âmes libres. Devant sa toile, avec sous les yeux une estampe japonaise, il veut réussir ce geste, cette touche, un mouvement travaillé mais instinctif, représenter l’âme de la réalité.

du geste de ces japonais, cette capacité à dessiner un arbre en 3 mouvements, un arbre vivant dans un geste vivant couché là. Il doit réussir cela, quitte à en mourir. Mais comment mettre en œuvre une peinture capable d’allier tout ce que le monde a d’esthétique, de censé et d’émouvant, dans un seul aplat de couleur ?

Van Gogh pense que l’art est un cri sublime dans le silence. L’art doit saisir l’essence de l’objet, transmettre une émotion. Sa carrière de galeriste lui a prouvée une chose : la société ne comprend pas ce qu’elle regarde, l’ignorance lui brûle les yeux. Vincent l’exècre et s’est marginalisé. Souvent il s’emporte et se met en colère, ses interlocuteurs s’imaginant sensibles là où lui ne constate qu’aveuglement grossier et jugement trop prompt.

Le voici dans son atelier, avec ces odeurs de solvants, ses meubles râpés et sa misère antisociale. Le voici dans cette Arles millénaire sentant la pierre exténuée, ses paysages du midi écrasés par le soleil, les chants d’oiseaux et les reflets des insectes volants dans la lumière crépusculaire. Il est debout devant ses pinceaux, voulant exprimer l’éternité en un geste humain, surhumain. Il cherche, il lutte, il se concentre pour dépecer le monde de ses guenilles afin de trouver : …il ne trouve pas ! Il ne trouve PAS ! Submergé de troubles, il sent le gouffre et l’intuition du cri, les viscères et le fil, la mue et le décès, l’immensité, rageant devant l’absence de sacré, il veut ouvrir la Porte, tel un scientifique prenant la peinture comme laboratoire, il veut trouver la meilleure façon d’hurler l’existence des choses face à une réalité s’ignorant elle-même. Il crie, il pleure, il s’effondre sur son plancher, désespéré. C’est un artiste, un homme n’ayant d’autre choix que l’art sinon il s’ouvre les veines, un artiste.

Vincent ne transige plus, il se voue à la peinture tel un possédé. Il sait que nous ne serons jamais rassasié de beauté, et que la beauté isolée est définitivement vide. Il veut allier l’impression et le sens afin de révéler une nouvelle splendeur, il veut redéfinir les codes de l’esthétique en les immergeant dans le sentiment pur, montrer la raison des choses dans la sincérité de leur essence. Pour le prouver, il peint des objets simples avec des couleurs simples. Son estampe sous les yeux, il observe encore la maîtrise

Il arrive quelques fois, au travers de l’histoire des hommes, qu’un observateur ressente la solitude des pierres, la mélancolie des montagnes, la rage de la vie (…).


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