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l ’ humeur d ’ antoine : all inclusive luxury
All Inclusive
Luxury
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Par antoine bertram
Elle a 28 ans, 1m76, 56 kilos, un peu filiforme mais bonne, cheveux châtains en chignon, port de tête altier, lèvres fines un peu pincées, grands yeux marrons en amandes, teint halé, dents parfaites, belle et fière : Anne-Lise de Constantine, héritière de l’empire Unilever-LVMH-Wendel-BASF. Elle se réveille dans une ‘‘ suite du Royal Monceau, Paris 8, hôtel redessiné par Philippe Stark, lit King Size sur une moquette américaine aux motifs japonais, murs patinés gris beige, meubles italiens, canapé Tura, luminaires Stark, sonorisation Bang & Olufsen, luxe moderne avec une touche pop. Elle est fatiguée de la veille : trop de coke et de champagne. Pour son petit déjeuner elle commande un sorbet abricot Ben & Jerry’s, un jus de citron bio, un kouign-amann de chez Dominique Ansel (NY), un thé noir fumé de chez Bellocq. Sur son Iphone 5S noir mat (série limitée 10 exemplaires de chez Colette) elle survole ses messages, balance London Grammar via le wifi, confirme sa présence à Londres ce soir. C’est l’anniversaire d’une amie et elle doit revoir Ivon, un riche russe, tellement imprévisible et libre, elle pense que la dictature russe préserve au moins les identités. Son petit déjeuner terminé, elle prend 1/2 Xanax, va à la salle de bain où le marbre de Carrare incrusté recouvre tout, elle aime cette douche vivifiante Dornbracht avec option detox, la vitre sans teint offre une belle vue sur les toits de Paris. Après un rail de coke elle fait monter sa styliste et son coach-masseur, décidément la nouvelle collection Dior est à chier, aujourd’hui elle veut porter du Roberto Cavalli et des chaussures Chanel, plus rock, d’autant qu’à San Francisco la tendance est au noir. Appelant sa secrétaire, elle demande un “personnal shopper” pour aller flâner dans le Marais, Tim (l’assistant de Lagerfeld) serait parfait, elle veut de l’original car sa styliste l’a saoulé ce matin. Elle fait réserver une table en rooftop au Mama Shelter, pour elle et Matt Damon, elle aime bien ce mec, son côté faussement calme. En sortant de sa suite, elle demande à son garde du corps 50g de coke, 10g de MD et du Viagra pour Londres ce soir. Elle reçoit un coup de fil de Lagerfeld lui confirmant la présence de Tim à 14h pour son shopping, elle transmet à sa secrétaire et fait renvoyer sa styliste. Son déjeuner est parfait, le carpaccio de daurade succulent, le Côte de nuit bien choisi. Matt est plein de projets, elle lui parle encore de Will Hunting et lui conseille de faire un film bien crade, elle l’invite à Londres ce soir mais il s’excuse de devoir refuser à cause d’une télé chez Jimmy Fallon à NY demain matin… Dans l’après midi elle défile dans les boutiques du Marais, achète quelques fringues, regarde les gens normaux avec dégoût. Un peu fatiguée, elle rejoint son staff au Bourget et prend son Jet pour Londres.
En arrivant, elle retrouve Enzo (prince du Danemark) et Akiko (héritière Japan Post Holdings), ses amis rencontrés à Harvard. Ils sont descendus au May Fair Hotel, tout est prêt pour l’anniversaire d’Akiko qui annonce un set privé de Kavinsky et Damon Albarn dans un endroit tenu secret. Ivon arrive en Jaguar 1970, achetée exprès pour la soirée. Anne-Lise veut monter avec lui donc son garde du corps suivra dans la Bentley blindée, le bodyguard n’aime pas ce genre de situations risquées. Il demande quand même une escorte discrète par la police avec itinéraire en temps réel. Arrivée au Dorchester (Alain Ducasse) pour le dîner, ils commandent un Romané-Conti pour l’apéro et un Yquem 1976 pour Akiko, puis AnneLise part se repoudrer le nez. Aux toilettes Ivon la rejoint et ils font violemment l’amour. à table ils parlent des avancées d’Apple en matière de robotique, la conversation glisse vers le transhumanisme et les nanotechnologies. Comme le dollar est bas, Enzo a racheté quelques Start-up dans la Sillicon Valley et en a profité pour acheter une gigantesque maison à San Francisco, les travaux seront finis dans 10 jours, il veut organiser une soirée pour fêter ça, tout le monde consulte son emploi du temps. Anne-Lise leur parle de sa tendance rock, il est convenu de faire jouer les Artic Monkeys pour le warm-up mais le DJ restera Jamie XX : depuis cette fameuse soirée à L.A. ils gardent cette habitude en Californie, tout le monde rigole. Après le dessert, Ivon suggère de faire venir des garçons et des filles pour la nuit, Enzo est d’accord mais il veut un jeune Thaï. Anne-Lise s’en fiche mais dévore Ivon des yeux, il sait qu’elle aime avoir 2
hommes à la fois. Le set de Kavinsky est super, dans la salle Lady Gaga fait la belle mais Anne-Lise sait que sa côte va redescendre, Lagerfeld lui a dit lors du vernissage Jeff Koons de Beaubourg. à la sortie, des paparazzis prennent de fausses photos volées mais quand la bande d’Anne-Lise sort il n’y a plus personne, nettoyage effectué par les services de Sa Majesté. En rentrant au May Fair, sa secrétaire l’attend pour lui donner le pass de la Suite royale, l’insonorisation y est meilleure, leur nuit mieux protégée, d’ailleurs il fait jour.
Lorsqu’Anne-Lise se réveille, Ivon dort mais le jeune Steven, leur amant d’une nuit, est parti. Anne-Lise sourit, tape un peu de coke, se fait servir un sorbet abricot Ben & Jerry’s, un jus de citron bio, un kouign-amann de chez Dominique Ansel, un thé noir fumé de chez Bellocq. La chambre est belle mais classique, rideaux bordeaux et pourpres, meubles Louis XVI revisités, lustre Murano, moulures et menuiseries d’époque, parquet en points de Hongrie, tapis persan motifs byzantins, elle lance un son avec son téléphone sur la sono Goldmund. Ivon se réveille, appelle son bras droit, reste nu quand celui-ci entre accompagné du room service. Anne Lise lui dit qu’elle voudrait dîner à New York mais il répond qu’il va à Ibiza pour un anniversaire, ils se verront à San Francisco pour la soirée d’Enzo, les cartes et les pays ne sont qu’un discours sur le monde.
Elle reste à Londres, regarde un film, prends un Xanax, essaye de ne pas penser à “Virgin Suicide” que Sofia Coppola lui a dédié un soir. Le luxe est inestimable, l’inestimable ne s’achète pas et le “name dropping” reste une métaphore du vide (60 marques citées dans cette chronique, toutes existantes). Elle sait que la vie est belle mais parfois elle voudrait vivre de mystères et d’aventures, malgré les intrigues avec ses amis elle ne subit rien, à vaincre sans combattre on triomphe sans gloire, c’est le désarroi de l’opulence, sa vie un dimanche perpétuel où les jours et les nuits indiffèrent, sa zone de confort répandue sur la planète. u ‘‘