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VOYAGE : la route des diamants
voYaGE
PAR CORALIE COCHIN
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S UR LA ROUTE Du DiaMant
D E SON E x TRACTION DANS LES MINES D ’ A FRIQUE AU x LU x UEUSES VITRINES DE L ’ ENSEIGNE H ARRODS à L ONDRES , LA PLUS BRILLANTE DES PIERRES PR é CIEUSES PASSE ENTRE LES MAINS DE NOMBREU x INTERM é DIAIRES , N é GOCIANTS CONFIRM é S OU CONTREBANDIERS , QUI PR é L è VENT UNE COMMISSION à CHAQUE é TAPE DE LA ROUTE DU DIAMANT . P LONG é E DANS UNE INDUSTRIE AU x MULTIPLES FACETTES .
C ETTE MINE à CIEL OUVERT DE S IB é RIE , SITU é E AU x PORTES
DE LA VILLE , FAIT PLUS D ’ UN KILOM è TRE DE PROFONDEUR .
voYaGE Pour venir jusqu’à nous, le diamant a effectué un incroyable périple depuis les profondeurs de la Terre. La majorité au CEntrE de ces pierres précieuses ont cristallisé dans les entrailles de la planète, entre DE La tErrE 120 et 200 kilomètres de profondeur, à partir de roches qui sont apparues il y a plus de 3 milliards d’années. La gemme est remontée progressivement vers la surface de la terre à la suite de pressions géologiques importantes et sous l’effet de températures dépassant les 2 000 °C. Ce phénomène a donné naissance à des mines diamantifères aux quatre coins du monde : Afrique, Russie, Canada, Australie… L’exploitation est telle que certaines mines peuvent atteindre plus d’un kilomètre de profondeur.
LE Miroir aux aLouEttES
Avec 15 % de hausse chaque année, les cours du marché mondial ont de quoi laisser songeur. Cette exploitation n’est pas sans causer des dégâts. Pour découvrir la face cachée du diamant, il font remonter jusqu’aux eaux sablonneuses d’Afrique. En Sierra Leone, en Angola, en Côte d’Ivoire ou au Congo-Kinshasa, des « creuseurs » munis de pelles se ruinent la santé pour un salaire de misère. A leurs côtés, les « laveurs » secouent leurs tamis dans l’espoir d’y voir apparaître le précieux joyau. Certains pourront passer toute une vie sans trouver la moindre pierre. Ces ouvriers du diamant vivent – ou plutôt survivent – en restant près de neuf heures dans l’eau, pour guère plus d’un dollar par jour. Pire, l’activité alimente souvent les conflits, qui sont légion dans la région. Les précieuses gemmes se transforment en monnaie d’échange pour financer les armes de la junte et des rebelles.
D ’ E x CELLENTE QUALIT é, LES DIAMANTS DE LA S IERRA L EONE ATTIRENT
CHAQUE ANN é E DES DI z AINES DE MILLIERS DE TRAVAILLEURS . C ES MINEURS ARTISANAU x SE RETROUVENT SOUVENT PRIS AU PI è GE FINANCI è REMENT PAR DES INTERM é DIAIRES QUI LEUR LOUENT DU MAT é RIEL ET R é CLAMENT LE LOYER DE LA PARCELLE DE TERRE E x PLOIT é E .
unE inDuStriE En MaL D’ÉtHiquE
Face aux nombreuses dérives observées dans les mines diamantifères, les plus gros pays producteurs ont fini par céder à la pression des ONG en acceptant la mise en place de critères éthiques, depuis 2003. Baptisée « Processus de Kimberley », cette démarche rassemble une soixantaine de pays adhérents, producteurs ou importateurs, mais aussi des organisations de la société civile. Dix ans après sa création, le bilan reste toutefois mitigé. « La triste vérité est que la plupart des consommateurs ne peuvent toujours pas être certains de la provenance de leurs diamants, ni savoir s’ils financent des violences armées ou des régimes répressifs », a déclaré Charmian Gooch, la directrice-fondatrice de Global Witness, une organisation qui a préféré quitter le Processus de Kimberley. La transparence de cette initiative ne repose que sur le contrôle interne des pays producteurs. Certains refusant tout contrôle étranger.
E N NOVEMBRE 2010, S URVIVAL A MEN é UNE CAMPAGNE DEVANT LES ENSEIGNES D E B EERS POUR D é NONCER LE TRAITEMENT INFLIG é PAR LE GOUVERNEMENT DU B OSTWANA AU x BUSHMEN . L E PAYS D é TIENT UNE PARTIE DU CAPITAL DE D E B EERS .
DE La MinE au MarCHÉ
LES DiaMantS DE BoLLYWooD
Une fois extraits de la kimberlite – la roche volcanique où ils sont apparus –, les cristaux bruts sont triés selon leur taille, leur couleur et leur forme. A partir de là, deux routes s’offrent au diamant. Le chemin le plus classique l’emmènera vers les géants de la mine que sont le sudafricain De Beers ou les anglo-australiens Rio Tinto et BHP Billiton. Il peut aussi emprunter un parcours moins habituel : celui des mineurs indépendants, qui ne souhaitent pas vendre leur production aux grandes firmes et privilégient les acheteurs mondiaux. Ces derniers choisiront ensuite de tailler leurs pierres eux-mêmes ou de les vendre brutes.
Si Anvers reste la plaque tournante du diamant, l’Inde est devenue un acteur incontournable de cette industrie. Après une première escale par la ville flamande, plus de 90 % de la production mondiale de pierres brutes prennent la direction des ateliers indiens. Le sous-continent concentre un million de tailleurs de pierre, dont la très grande majorité appartient à la communauté des Jaïns, une branche de l’hindouisme. A 300 km au nord de Bombay, la ville de Surat est devenue le premier centre de transformation de diamants au monde. Cent ans après les débuts de cette industrie, Surat compte aujourd’hui des usines ultraéquipées, qui ont fait chuter considérablement la production de TelAviv et d’Anvers. Ici, pas besoin d’hommes armés jusqu’aux dents pour assurer la sécurité des artisans et commerçants. Tous les acteurs viennent de la même région, le Gujarat. Les pierres sont transportées discrètement dans un « bandi », une pochette en coton fixée à la ceinture et dissimulée sous la chemise, avant d’être échangées en pleine rue par des marchands assis en tailleurs le long des échoppes. L’Inde a la ferme intention de s’imposer comme le « hub » mondial du diamant et redouble d’effort pour être à la pointe, même en matière d’innovation médicale. Pour financer des recherches sur le traitement de la cécité, un médecin a conçu les tout premiers « yeux en diamants », qui sont en réalité des lentilles serties de 18 pierres précieuses. Les stars de Bollywood et les épouses de diplomates et d’hommes d’affaires se sont laissées séduire par ce luxueux accessoire.
L’anvErS Du DÉCor
La route de ces diamants taillés en Inde ne s’arrête pas là. Le plus souvent, ils sont réexpédiés vers Anvers pour être négociés dans l’une des bourses de la ville par les grossistes, lesquels les revendront ensuite à des fabricants de bijoux. Le quartier des diamantaires ne fait pas plus d’un kilomètre carré. Les trois rues commerçantes concentrent à elles seules 5 000 sociétés et plus de 40 000 caméras de vidéosurveillance. Ce qui en fait la plus grosse concentration de caméras au monde. La concurrence indienne mais aussi chinoise a fragilisé l’industrie du diamant de la ville flamande. Quand un tailleur belge est payé 2 000 euros, un tailleur indien ne touche que 180 euros par mois. Anvers a recentré son activité sur la taille de gemme de prestige, les seuls à offrir encore une certaine rentabilité.
La rEinE DES GEMMES
Si on le retrouve aujourd’hui au doigt des jeunes mariées ou autour du cou de célébrités défilant sur les tapis rouges, le diamant étaient réservé autrefois aux rois et aux reines. Preuve que la royauté a conservé ce lien avec la précieuse gemme, le joaillier De Beers a créé une couronne serties de 974 diamants, dont un de 73 carats placé au sommet, pour le jubilé de diamant de la Reine d’Angleterre, Elizabeth 2. Cette couronne a été exposée chez Harrods, à Londres, mi-2012, avant de faire le tour des maisons de Beers du monde entier, dont celle du Printemps Haussman à Paris. u
Dossier
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L’industrie du luxe Dans une forme insolente
Alors que la plupart des secteurs économiques sont en chute libre, l'industrie du luxe se porte au contraire, à merveille, aucunement déstabilisée par la crise qui sévit sur la planète. Affichant même une courbe de croissance qui attise les convoitises. La haute-couture, la joaillerie de luxe, les bolides prestigieux, les yachts démesurés ou les Resorts cinq étoiles magnétisent toujours une clientèle ultra-fortunée. Peu importe le prix à payer pour s'offrir du rêve. Immersion au cœur de cette industrie du luxe à la santé florissante.