Au fil d’une conversation, ils s’interrogent sur leur rapport au lieu, au visiteur et à la plante. Au fil des images ils reconstruisent l’espace de l’Arrangement, tissent des liens parfois ténus avec une histoire intime de l’art et la pratique de Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau, historien de l’art et des jardins, porte un regard poétique sur l’ensemble de l’Arrangement végétal ISBN 9782848092478
9 782848 092478
18,50 €
www.jocaseria.fr
Arrangement végétal Chateau de Clisson
Pendant deux ans, par l’enchantement de l’Arrangement, le château s’est peuplé de personnages navigants entre fiction et réalité : le jardinier, l’artiste, le visiteur, suivis par la petite foule clandestine des plantes qui habitent le lieu. Au rythme des saisons, 14 stations se sont déployées dans les espaces compartimentés de la ruine pour proposer une histoire parallèle.
Château de Clisson Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte accompagnés de Jean-Louis Vincendeau
Gilles Bruni réalise depuis plus de vingt ans des installations paysagères. Sa pratique concentre ses intérêts pour le paysage, l’écologie du lieu, ses habitants et leur histoire, privilégiant les collaborations et les partenariats. Par ailleurs, il a réalisé avec Marc Babarit une trentaine d’installations paysagères, en Europe et en Amérique du Nord principalement. Il est membre des collectifs d’artistes B4collective et l’Infüsoire. Arnaud de la Cotte accompagne des artistes et des écrivains en tant que directeur artistique de l’association L’esprit du lieu sur les rives du lac de Grand-Lieu. Il développe des approches poétiques alliant l’image et le texte dans le cadre de collaborations ponctuelles avec Paul-Armand Gette, Jean-Luc Parant, Anne Savelli et Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau est enseignant, conférencier et plasticien, expert en jardins auprès de la Commission Nationale des Monuments Historiques au Ministère de la Culture. Responsable de Séminaire au département Sciences et Histoire de l’Art à l’École Normale Supérieure, rue d’Ulm, il est l’auteur d’une quinzaine de courts-métrages et de nombreux articles sur les jardins et l’art contemporain.
Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte
L’Arrangement végétal est une expérience artistique menée par Gilles Bruni accompagné d’Arnaud de la Cotte dans le cadre d’une résidence d’artistes au Château de Clisson de mars 2012 à octobre 2013.
Arrangement Végétal
joca seria
Au fil d’une conversation, ils s’interrogent sur leur rapport au lieu, au visiteur et à la plante. Au fil des images ils reconstruisent l’espace de l’Arrangement, tissent des liens parfois ténus avec une histoire intime de l’art et la pratique de Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau, historien de l’art et des jardins, porte un regard poétique sur l’ensemble de l’Arrangement végétal ISBN 9782848092478
9 782848 092478
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Arrangement végétal Chateau de Clisson
Pendant deux ans, par l’enchantement de l’Arrangement, le château s’est peuplé de personnages navigants entre fiction et réalité : le jardinier, l’artiste, le visiteur, suivis par la petite foule clandestine des plantes qui habitent le lieu. Au rythme des saisons, 14 stations se sont déployées dans les espaces compartimentés de la ruine pour proposer une histoire parallèle.
Château de Clisson Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte accompagnés de Jean-Louis Vincendeau
Gilles Bruni réalise depuis plus de vingt ans des installations paysagères. Sa pratique concentre ses intérêts pour le paysage, l’écologie du lieu, ses habitants et leur histoire, privilégiant les collaborations et les partenariats. Par ailleurs, il a réalisé avec Marc Babarit une trentaine d’installations paysagères, en Europe et en Amérique du Nord principalement. Il est membre des collectifs d’artistes B4collective et l’Infüsoire. Arnaud de la Cotte accompagne des artistes et des écrivains en tant que directeur artistique de l’association L’esprit du lieu sur les rives du lac de Grand-Lieu. Il développe des approches poétiques alliant l’image et le texte dans le cadre de collaborations ponctuelles avec Paul-Armand Gette, Jean-Luc Parant, Anne Savelli et Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau est enseignant, conférencier et plasticien, expert en jardins auprès de la Commission Nationale des Monuments Historiques au Ministère de la Culture. Responsable de Séminaire au département Sciences et Histoire de l’Art à l’École Normale Supérieure, rue d’Ulm, il est l’auteur d’une quinzaine de courts-métrages et de nombreux articles sur les jardins et l’art contemporain.
Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte
L’Arrangement végétal est une expérience artistique menée par Gilles Bruni accompagné d’Arnaud de la Cotte dans le cadre d’une résidence d’artistes au Château de Clisson de mars 2012 à octobre 2013.
Arrangement Végétal
joca seria
Arrangement végétal Château de Clisson
Arrangement végétal Château de Clisson
Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte accompagné de Jean-Louis Vincendeau
Éditions joca seria
Bibliographie de Gilles Bruni
Livres d’artiste Le jardinier, la pelleteuse et l’artiste, Domaine départemental de Chamarande et Zédélé éditions, 2011. Ruissellements, réflections, récoltes, mémoires. Pour un paysage d’eau, publication Gilles Bruni et Galaad Prigent, publié par la Mairie des Herbiers, Gratuit, 2011. Conversation, par jours de pluie : deux fontaines Gilles Bruni et Galaad Prigent, éditions Zédélé, Brest, mai 2008. La fontaine, recycler le cabanon pour faire venir l’eau et la préserver, Gilles Bruni et Galaad Prigent, éditions Zédélé, Brest, juillet 2007. Le jardin dans la friche, Gilles Bruni et Marc Babarit / Galaad Prigent, éditions Zédélé, Brest, juin 2006. Le camp de l’Ermitage, Gilles Bruni et Galaad Prigent, éditions Zédélé, Brest, juin 2006. Bruni-Babarit, hiver-printemps 2005, Sainte-Gemmes-le-Robert, En parcourant le village dans sa totalité, à travers rues, passages et impasses qui en définissent les limites et les respirations, afin d’en approcher la nature organique, co-édition Bruni/Babarit et SVET des Coëvrons, Evron, printemps 2005. Les deux bancs dans la vallée : ouvrir un passage dans la friche, entre deux arbres, pour (r)approcher l’autre rive, une question de désir, Bruni/Babarit - Babarit/Bruni, co-édition Bruni/Babarit et Conseil général des Côtes d’Armor, Saint-Brieuc, septembre 2004. Monographie B/B. Installations paysagères, catalogue des travaux de B/B 1988-1999, Gilles Bruni et Marc Babarit, co-édité par la Galerie Absidial et Marc Babarit, Nantes, 2000. Sites internet www.gillesbruni.net
Ouvrage réalisé avec le soutien du Département de Loire-Atlantique. © Éditions joca seria, 2015 72, rue de La Bourdonnais 44100 Nantes ISBN 978-2-84809-247-8 www.jocaseria.fr
La figure de l’artiste en jardinier ou La liberté du jardinier Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte « L’Arrangement végétal » est notre laboratoire, notre « zone d’expérimentation artistique ». Nous nous faisons artistes-jardiniers, nous posons des actes : couper, arracher, récolter, gratter, entasser, brûler, sarcler, biner… Mais cela ne fera jamais de nous des jardiniers à part entière ? Le jardin que nous produisons dans le château est presque invisible. Il ne renvoie pas au jeu de conventions habituelles, il ne répond pas à un ordre préétabli. Produit d’un dialogue avec la plante et d’un certain laisseraller, il s’insinue dans les lieux, se moule dans les espaces délaissés par les visiteurs, les bordures, les angles morts et les endroits interdits. Notre travail s’inspire des tâches réalisées par les jardiniers, agents du département. Eux seuls assurent véritablement l’entretien du monument. Ils veillent à réguler la présence de la plante et à éviter l’envahissement par la friche, afin d’assurer un niveau de propreté attendu par les visiteurs et garantir la protection des ruines sous l’œil vigilant du conservateur. Il est vrai que la plante est parfois l’ennemie de la pierre. Mais, depuis quelques années, les nouvelles normes environnementales ont conduit à l’abandon de l’usage des herbicides. La végétation rudérale a rapidement repris ses droits. La présence de la plante est tolérée mais estelle comprise ? Pour nous, le jardinage devient jeu. Amusement et rire ne sont jamais très loin. Jeu des formes et du langage, dans un rapport au plaisir de faire. La plantation de topinambours dans « La vallée des herbes » devient « le lâcher des légumes ». Le semis de plantes sauvages sur « La colline aux cairns » devient « Le lancer des bombes à graines », à la manière de Liz Christy qui utilisa cette technique dans les années 1970 quand elle créa à New York la green guerilla. Les saules mis en pots, emprisonnés au fond de leur cul de basse-fosse à l’aplomb du logis-porte, deviennent « Les solopots ». Nous les avons enlevés puis relâchés dans la campagne clissonnaise où ils vivent désormais au bord d’un ruisseau, en toute liberté. Les tables deviennent « Tables-jardins » ou « Tables d’arases » dans la cour seigneuriale, raccourci par lequel des plantes habituées aux murs du château viendraient pousser ironiquement dans les assiettes des convives. L’Arrangement végétal renvoie inévitablement à la mémoire de FrançoisFrédéric Lemot (1772-1827) qui transforma le château en « fabrique ». Cet acte fondateur légitime en quelque sorte notre action d’artistes-jardiniers.
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Le bastion est un point de passage. Le jardinier y entrepose ses affaires il en fait une réserve qui renvoie tout autant à l’usage militaire du château qu’aux resserres dans les jardins.
Dans les niches de tir des empilements de moulages de pots en tourbe une collection de bocaux en verre remplis de graines des tas de foin récolté à la Garenne Lemot. Ces trois formes de conservation évoquent une persistance du végétal.
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1. Le bastion du jardinier
La forme des mulons de foin rappelle celle des niches de tir dans un rapport moulant / moulé. Moule, mulon, moulé, moulant en échos. Niche, forme en creux mulon, forme pleine. La question du moule semble travailler indéfiniment l’imagination technique de l’artiste remplir des moules démouler des séries. Gestes qui fascinent comme dans les jeux d’enfants sur la plage.
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Les pots de tourbe qui sont en réalité des moulages ont trouvé leur place dans les niches par simple rapprochement visuel avec la représentation du stockage pyramidal des boulets de canon dans les anciennes représentations ou les reconstitutions muséographiques. Cette image s’est déployée lors du démontage de l’installation à la fin de la première année, Gilles Bruni a bombardé de pots le rempart du bastion, un peu à la manière grotesque des Monty Python. Cette action qui a été mise en scène et filmée l’a conduit directement à la technique des bombes à graines de Liz Christy qu’il a expérimentée sur la colline aux cairns le printemps suivant. Tout était là en germe, dans le bastion : véritable machine de guerre, dispositif d’expulsion de projectiles vers l’extérieur du château. L’image est née de la proximité entre le pot / le boulet / la réserve de graines.
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Gilles Bruni est travaillé par les matières qu’il manipule et par les gestes qu’il produit. Quand il se laisse aller à glisser sur les modalités par les effets de rapprochements techniques il semble retrouver des sensations qui sont profondément inscrites dans l’imaginaire humain. C’est certainement pour cela qu’il passe par le faire. La technique n’est pas obligatoirement à la remorque des idées elle produit aussi des images induit des idées, le fait agir. Elle l’anime.
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2. La ruine-de-Rome Un champ de chélidoine, Chelidonium majus et de géranium herbe à Robert, Geranium robertianum forme une forêt miniature. Des pots brisés rappellent l’archéologie du lieu et le goût des Lemot Cacault et Valentin pour l’Italie antique. De ces vestiges la cymbalaire des murs ou ruine-deRome s’échappe pour envahir la fosse.
La station repose entièrement sur la présence de la chélidoine et de la cymbalaire des murs ou ruine-de-Rome. Ici, le langage introduit une distance qui permet d’aborder la plante de manière mentale, de jouer sur les glissements de sens : les mots « ruine » et « Rome » nous relient immédiatement à l’histoire du lieu et à ses concepteurs. 12
Le motif du pot est présent dans plusieurs stations. Ici, il est en ruine, brisé, jeté aux ordures dans une fosse, au rebut.
L’installation convoque la mémoire et la sensibilité du visiteur. Pour la voir, il doit faire preuve de curiosité se pencher par-dessus la balustrade du pont à l’entrée de la barbacane. Elle n’impose rien. La seule présence des pots cassés parmi le tapis végétal attire l’attention. L’installation apparaît ou disparaît s’impose ou s’efface. Magie de la chélidoine ?
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C’est le nom de la plante qui crée la fiction par des jeux sérieux drôles ou burlesques calembours potaches. L’image part du langage passe par des opérations sur la matière et nous renvoie au langage.
Le nom, Chelidonium majus, prononcé comme une formule magique ouvre les yeux de celui qui l’entend. On raconte que les hirondelles soignent leurs petits qui naissent aveugles avec le suc de la chélidoine. Au Moyen-Âge, cette plante considérée comme magique était utilisée pour éclaircir la vue.
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« Zone d’expérimentation artistique » Gilles Bruni a utilisé cette expression par hasard pour répondre avec humour à un visiteur qui l’interrogeait alors qu’il était en plein travail Il lui a dit ça pour être tranquille bien incapable, sur le moment de lui expliquer ce qu’il faisait. Par la suite, il a souvent utilisé cette expression pour faire sérieux, pour satisfaire la curiosité des interlocuteurs car elle sonne comme une sentence qui n’appelle aucun commentaire. Sinon, il lui aurait été aussi facile de se faire passer pour le jardinier qui entretient le site.
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Le parcours végétal du château de Clisson (I) Jean-Louis Vincendeau
Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte ont œuvré de concert et en amitié dans tous les espaces découverts du château d’Olivier de Clisson. Commençons par La bouche de l’ogre en conservant l’appellation d’origine : il s’agit d’un endroit très protégé, défensif et même guerrier ; l’idée de recouvrir ce bunker médiéval d’une bâche de camouflage de l’armée n’est donc pas si incongrue. Trouer, creuser encore l’ombre toute intérieure ; au-dessus voici le reflet des noires oubliettes, comme celles du château de Barbe Bleue bien sûr ; le trésor des gravats s’est épanoui pour dire si cela est possible la poésie instantanée des sites. La bouche de l’ogre pourrait se décliner en « la bouche d’ombre » en tant que fort retranché dans une forteresse, elle-même à forte vocation militaire. Un bastion retranché, espace défendu ; une petite pensée vient alors pour l’entrée de Bomarzo, la grotte de l’ogre (1552-1583). Le fameux « Sacro Bosco » de Bomarzo, premier parcours symbolique et métaphysique dû à son créateur, le prince Vicino Orsini : une gueule dans laquelle on peut pénétrer, des monstres divers étalés sur un parcours énigmatique, commenté dès sa création par Annibal Caro dans un glissement subtil de métaphores. Faune qui dort et dont le sommeil semble remonter à des millénaires, galets de nuit tout le long du chemin, nous allons du même pas que les rêves, de ce sommeil devenir soi-même le rêve passager et de ce passage garder la trace. Le vieux château, comme le vieux savoir lézarde les vieux murs ; grand animal couché, velu, vert et gris ; douceur en majesté pour prononcer les mots si lourds d’une bouche désormais scellée. Révéler la lumière particulière de la grande cour, le vertige, le silence à peine troublé par les manducations lentes de la mousse et des lichens sur la pierre. Cette bouche inaugure une « ligne hermétique de partage de l’ombre et de la lumière » (René Char, « Dans la marche », Paroles en archipel) ; selon la direction imprimée, nous pouvons, avec eux, être tirés vers l’obscurité ou vers la clarté. C’est notre sort, actuel, d’être des « gens du crépuscule » : non pas ceux par qui transite la nuit qui vient, mais ceux par qui le jour est retenu, ceux qui se retiennent de consentir à la nuit. 19
3. Le paysage des astéracées aux étiquettes
Un triangle végétal abrite une cinquantaine d’espèces. La technique du quadrillage, inspirée de méthodes de relevés botaniques et de fouilles archéologiques simule la dimension paysagère et cartographique de cet espace. Des numéros inscrits sur des étiquettes renvoient à une carte d’interprétation.
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Une question vient parfois à l’esprit Pouvons-nous développer une empathie pour le végétal ? N’avons-nous pas une parenté avec la plante avec qui nous partageons la même terre la même eau, le même air ? Nous nous posons souvent la question du respect de la vie de l’animal. Nous ne nous posons jamais cette question pour la plante en général comme le font certains peuples d’Amazonie. Avons-nous vraiment perdu ce sentiment ou est-il encore présent au fond de nous ?
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Pour cette station, Gilles Bruni a développé un rapport à la nomenclature et à la carte. L’emplacement de la plante fait lieu par la magie du mot.
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Entre l’ombre et la lumière le bas et le haut les courbes de niveau tracent des paysages fictifs. Le relevé floristique révèle une curieuse cartographie un monde caché surgit entre abscisse et ordonnée.
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1 - Petit trèfle jaune, Tifolium dibium (Fabaceae) 2 - Séneçon de Jacob, Senecio jacobaea (Asteraceae) 3 - Grande chélidoine, Chelidonium majus (Papaveraceae) 4 - Centranthe rouge, Centranthus ruber (Valerianaceae) 5 - Vesce hirsute, Vicia hirsuta (Fabaceae) 6 - Panais commun, Pastinaca sativa (Apiaceae) 7 - Pâquerette, Bellis perennis (Asteraceae) 8 - Cirse commun, Cirsium vulgare (Asteraceae) 9 - Géranium mou, Geranium molle (Geraniaceae) 10 - Giroflée des murailles, Erysimum cheiri (Brassicaceae) 11 - Liondent hispide, Leontodon hispidus (Asteraceae)
12 - Vergerette du Canada, Conyza canadensis (Asteraceae) 13 - Épilobe lancéolé, Epilobium lanceolatum (Onagraceae) 14 - Cymbalaire des murs, Cymbalaria muralis (Scrophulariaceae) 15 - Laitue à feuilles de saule, Lactuca saligna (Asteraceae) 16 - Millepertuis couché, Hypericum humifusum (Hypericaceae) 17 - Matricaire odorante, Matricaria discoidea (Asteraceae)
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Le parcours végétal du château de Clisson (II) Jean-Louis Vincendeau
Le souvenir de François II, père d’Anne de Bretagne qui vécut dans ce château, est fort, il fut probablement un disciple d’Hermès. Le tombeau de François II et de sa femme Marguerite de Foix est un monument funéraire qui se trouve dans la cathédrale Saint-Pierre à Nantes. Ce tombeau fut réalisé en marbre de Carrare au début du XVIe siècle par Michel Colombe (sculpteur) et Jehan Perréal (architecte). On peut dire qu’il s’agit d’un morceau de bravoure et en même temps d’une énigme. Dans « l’allégorie de la justice », élément important du tombeau, il y a un dessin dans le pommeau de l’épée. On y voit un petit soleil ; or le soleil qui vaut pour l’or métallique, désigne le soufre des alchimistes. Ce soleil est entouré d’un croissant de lune, également symbole alchimiste. Le soleil, c’est donc l’or, le soufre, le principe masculin. La lune, c’est l’argent, le mercure, le principe féminin. Leur union facilite l’éclosion de la pierre philosophale. Les spéculations les plus folles restent donc ouvertes. François II a-t-il pour autant pratiqué l’alchimie ? Difficile de le prouver, a-t-il abrité un adepte dans son château ? Si oui avait-il un logement à part et un jardin attenant ? Toutes ces pistes peuvent faire rêver et on ne se privera pas de rêver. Depuis la Veduta un curieux parcours de pierres et de tuiles à motif d’arbre couché est peut-être un signe de reconnaissance ? Gilles Bruni s’est retrouvé par ailleurs à œuvrer à Fontenay-le-Comte, ville chargée de souvenirs alchimiques, est-ce bien là l’effet du seul hasard ? Ou bien serait-il poursuivi ? Arnaud de la Cotte travaille quant à lui sur « l’esprit du lieu » sous toutes ses variantes.
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4. La veduta (double point de vue)
Un tableau se dessine dans l’encadrement d’une porte au bout d’un couloir. Comme révélée dans l’herbe du bastion nord l’image d’une forme végétale d’un arbre constitué de matériaux prélevés dans le paysage la pierre, le cep de vigne et la tuile. Du haut du bastion cavalier apparaît une toute autre figure.
La trouée de lumière au bout d’un couloir sombre fermé par une grille a suscité l’apparition de la veduta. Le principe de la fenêtre a été à l’origine du tableau de la peinture de paysage à la Renaissance. Le rectangle lumineux dans le cadre de la porte est le lieu de l’apparition où se forme l’image. Cette construction plastique est liée à l’architecture (grille, couloir, porte, lumière, ombre) qui renvoie presque à des dispositifs religieux la crypte et le vitrail. Ici, la photographie rejoint la peinture.
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L’image fugitive de l’arbre en croix ne se livre pas au premier coup d’œil le visiteur doit ralentir le pas marquer un temps d’arrêt devant le passage. Il peut aussi l’observer du haut du bastion il lui suffit de monter l’escalier car la topographie permet de jouer avec le double point de vue. Par un phénomène d’anamorphose l’image se transforme. Du bas, l’arbre est perceptible de la hauteur, il se morcelle, se disperse se brouille pour devenir broderie végétale.
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L’image qui surgit à cet endroit-là du château est liée aux représentations médiévales que l’on retrouve dans des vitraux. Dans la pénombre de l’église le vitrail est le lieu de l’apparition de l’image dans la lumière.
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La figure de l’arbre s’est imposée dans le champ de vision délimité par la veduta. Elle vient à la fois de la préoccupation pour le végétal et de la représentation métaphorique de la croix. L’arrivée des orpins fleuris lors de la deuxième année de l’Arrangement a définitivement fait basculer la représentation dans un registre religieux entre l’image de l’autel et celle de la tombe. Le lieu « a produit » la figure ?
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5. La chambre aux plantes
La chambre aux plantes est un espace à ciel ouvert où le végétal s’expose. C’est un lieu de recueillement. Des images numérisées de feuilles de plantes comme des ex-voto ont été déposées dans les trous de boulins percés dans les murs.
Un cyprès méditerranéen au port fastigié épouse le conduit de cheminée. Dans l’ouverture d’une porte un papier peint décline des motifs végétaux. De l’autre côté s’ouvre le paysage de la ville.
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La chambre aux plantes est un carrefour un passage obligé pour rejoindre la cour seigneuriale en passant par La bouche de l’ogre. L’installation n’est pas perçue d’emblée par le visiteur qui est d’abord absorbé par la vision du paysage et la masse imposante du logis-porte. Dans la ruine, les traces des violences passées sont palpables. Au-delà du fait historique il est question ici de l’idée même du massacre de la sauvagerie, de la violence du lieu. Pourtant, la chambre est un espace rentré, intime qui montre peu de chose et qui pourrait nous renvoyer à la chapelle du film La Chambre verte de François Truffaut. Ici, les photographies des morts ont été remplacées par celles des plantes la ruine-de-Rome, la chélidoine, le lierre, le saule. L’image vient remplacer la pierre qui manque.
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Ce qui intéresse Gilles Bruni, c’est la relation intime qu’il établit avec les choses qui font lieu son rapport à l’espace. Il est question d’écologie des relations qui se nouent entre l’être vivant et le milieu qui le contient, qui le nourrit. Quand Gilles Bruni arrive quelque part il interprète, il décrypte. Il apporte avec lui tous les lieux dans lesquels il a fabriqué des installations. Avec le temps une continuité se produit. Parfois les liens lui apparaissent parfois, ils lui échappent.
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Les tissus teintés de plantes réalisés pour « Campement » dans le Pas-de-Calais ressurgissent en étendards dans le château. Des barques apparaissent entières ou comme figures dans le marais de Sackville dans le New Brunswick. La grotte s’impose dans une cave des Maisons Daura à Saint-Cirq-Lapopie et se réplique sous la Maison Chevolleau à Fontenay-le-Comte. Les projets artistiques de Gilles Bruni se forment sous l’influence du lieu. Les interactions qui se développent avec les usagers médiateurs, intervenants extérieurs, visiteurs modifient toujours l’idée initiale. Les contraintes induisent des situations qui produisent des formes, des images, du récit. Cet échange entre son travail artistique et le lieu fonde sa démarche.
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Le parcours végétal du château de Clisson (III) Jean-Louis Vincendeau
Dans la grande prairie en pente se développent librement des centranthes rouges ou valériane rouge (Centranthus ruber), appelé aussi lilas d’Espagne. C’est une espèce thermophile qui s’accommode des sols très secs. Elle croît sur les rocailles, éboulis, sur les vieux murs ou les rochers ensoleillés comme c’est le cas ici, les plantes ne se trompent pas sur les endroits favorables ; elles sont donc ici en bon voisinage avec les lézards qui se chauffent au moindre rayon de soleil. Pour les fleurs jaunes, il s’agit sans aucun doute de la grande famille des astéracées (du grec aster : étoile), « nous les avons vues parfois », dit Gilles Bruni, « comme des étoiles tant par leur luminosité que leur variation de taille des capitules »… Des champs d’étoiles glissées dans les fossés du château. « Parmi cette grande famille dont nous n’avons pas réussi à faire le tour, certaines, remarquables, étaient des seneçons de Jacob, diverses laitues sauvages (lactuca : laitue vireuse ou plutôt scariola…), un petit bonjour aux cousines des pissenlits : les liondents, les picris et les lampsanes ». Des papiers peints roses et verts, agrémentés de motifs végétaux ont été créés pour d’improbables chambrées, là encore on entrevoit de jeunes demoiselles vêtues d’un crêpe léger. Soit de longues plongées magiques et douces dans un monde imaginaire. Des jeunes saules trouvés sur place ont été soigneusement déplantés et transportés en voiture vers un lieu plus propice, le ruisseau de l’enfance de Gilles. On aurait pu croire qu’au contraire ils avaient été plantés là par erreur. Gilles et Arnaud ont inventé des vestiges, les ont rangés, triés et redistribués autrement. Ensemble ils collectent des matériaux sur place comme la terre, les pierres, les plantes et les redistribuent à leur manière, ce qui s’appelle un arrangement, d’où le titre choisi.
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6. La bouche de l’ogre
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Avec le temps les plantes vont manger le filet comme l’érosion digère la forteresse ? La proposition repose sur un jeu de clissage de tissage-métissage d’images le filet enveloppe la construction en imitant le végétal qui se développe pour venir à son tour recouvrir le simulacre. Ce jeu d’analogies se nourrit de la mémoire de la rocaille historique et de l’art des jardins.
À l’entrée de la cour seigneuriale la ruine du logis-porte renvoie sans le moindre doute à l’image de la porte de l’ogre (l’entrée des Enfers) dans les jardins de Bomarzo. L’histoire parfois sinistre du château bouscule avec force le calme du lieu. Un filet de camouflage militaire recouvre la rocaille. Quelques plantes enracinées entre les pierres traversent péniblement les mailles du camouflage. Dans l’étroit passage assombri une voix synthétique récite un texte incompréhensible dont on ne perçoit que des bribes entrecoupées par un flux sonore qui évoque la mastication les gargouillis intestinaux la digestion, la décomposition l’œuvre au noir ?
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es tasser les doigts vrasser les branches ramasser des membres mêlés racines assez masse mains tas onceau de mousse amassée morceau de décor des corps brûlés sarcler biner sarcler biner tailler l’œi coction les corps végétaux couper morceaux hachés semés coupés macération corps coupés comp décor des Centranthes rouges Centranthus ruber, appelés aussi Lilas d’Espagne ou Valériane rouge nérale teinture noire brûlante hurlante tenture jusqu’au noir du teinturier du teintre peintre pour u neçon jacobée, Jacobée ou Herbe de Saint-Jacques Jacobée sarclerbiner culture brûler brûle bru laid e espace moule lieu au lieu moule moulé ou les bordures moulent et milieu d’angles morts lieu mou s sans terre tu Salignas ligne végétal de l’ordre de la Cymbalaire des murs Linaire cymbalaire de la ru t j’arrangeais j’ai cultivé la Grande chélidoine Chelidonium majus ou Grande éclaire Grande hirond rbes avalées les légumes gume grume je couper récolter plantes sauvages Vergerette du Canada Con gne solopots tables cour seigneuriale travail de femmes et jeux d’enfants Leotodon ou Lion dent mo âteau or eau réo aux hommes dansent en ce jardin en ce jardin jardiner danse olimoler au lieu du ja er maraniber récolter gratter gratter maraniber gratter tété fleur tête et tête gratter tête et fleur tasser es tasser les doigts vrasser les branches ramasser des membres mêlés racines assez masse mains tas onceau de mousse amassée morceau de décor des corps brûlés sarcler biner sarcler biner tailler l’œi coction les corps végétaux couper morceaux hachés semés coupés macération corps coupés comp décor des Centranthe rouge Centranthus ruber, appelés aussi Lilas d’Espagne ou Valériane rouge nérale teinture noire brûlante hurlante tenture jusqu’au noir du teinturier du teintre peintre pour u neçon jacobée, Jacobée ou Herbe de Saint-Jacques Jacobée sarclerbiner culture brûler brûle bru laid e espaces moule lieu au lieu moule moulé ou les bordures moulent et milieu d’angles morts lieu stucas sans terre tu Salignas ligne végétal de l’ordre de la Cymbalaire des murs Linaire cymbalaire s laids sait j’arrangeais j’ai cultivé la Grande chélidoine Chelidonium majus ou Grande éclaire Gran lée aux herbes avalées les légumes gume grume je couper récolter plantes sauvages Vergerette du Ca ts compagne solopots tables cour seigneuriale travail de femmes et jeux d’enfants Leotodon ou Lion âteau or eau réo aux hommes dansent en ce jardin en ce jardin jardiner danse olimoler au lieu du ja ée maraniber récolter gratter gratter maraniber gratter tété fleur tête et tête gratter tête et fleur tasser es tasser les doigts vrasser les branches ramasser des membres mêlés racines assez masse mains tas onceau de mousse amassée morceau de décor des corps brûlés sarcler biner sarcler biner tailler l’œi coction les corps végétaux couper morceaux hachés semés coupés macération corps coupés comp décor des Centranthe rouge Centranthus ruber, appelés aussi Lilas d’Espagne ou Valériane rouge nérale teinture noire brûlante hurlante tenture jusqu’au noir du teinturier du teintre peintre pour u neçon jacobée, Jacobée ou Herbe de Saint-Jacques Jacobée sarcler biner culture brûler brûle bru laid e espaces moule lieu au lieu moule moulé ou les bordures moulent et milieu d’angles morts lieu stucas sans terre tu Salignas ligne végétal de l’ordre de la Cymbalaire des murs Linaire cymbalaire s laids sait j’arrangeais j’ai cultivé la Grande chélidoine Chelidonium majus ou Grande éclaire Gran lée aux herbes avalées les légumes gume grume je couper récolter plantes sauvages Vergerette du Ca ts compagne solopots tables cour seigneuriale travail de femmes et jeux d’enfants Leotodon ou Lion âteau or eau réo aux hommes dansent en ce jardin en ce jardin jardiner danse olimoler au lieu du ja ée maraniber récolter gratter gratter maraniber gratter tété fleur tête et tête gratter tête et fleur tasser es tasser les doigts vrasser les branches ramasser des membres mêlés racines assez masse mains tas onceau de mousse amassée morceau de décor des corps brûlés sarcler biner sarcler biner tailler l’œi coction les corps végétaux couper morceaux hachés semés coupés macération corps coupés comp décor des Centranthe rouge Centranthus ruber, appelés aussi Lilas d’Espagne ou Valériane rouge nérale teinture noire brûlante hurlante tenture jusqu’au noir du teinturier du teintre peintre pour u neçon jacobée, Jacobée ou Herbe de Saint-Jacques Jacobée sarclerbiner culture brûler brûle bru laid e espaces moule lieu au lieu moule moulé ou les bordures moulent et milieu d’angles morts lieu stucas sans terre tu Salignas ligne végétal de l’ordre de la Cymbalaire des murs Linaire cymbalaire
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Deux traits végétaux ténus dessinent les contours du logis nord aux pieds des murs et en ligne d’arase. Les végétaux poussent spontanément du persil, Petroselinum crispum des giroflées, Erysimum cheiri aussi appelées violier jaune ou ravenelle, de la pariétaire officinale Parietaria officinalis ou casse-pierre ou perce-muraille ou encore herbe à bouteille. L’effet de plate-bande a été renforcé par les gestes simples du jardinier déplacer les plantes sélectionner, supprimer, tailler.
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7. Les plates-bandes
Le travail est presque imperceptible rien n’indique une intention de faire œuvre. Les plates-bandes semblent naturelles pourtant tout est décidé parfois refait, déplacé. Les plantes dessinent une ligne au pied du mur, puis une autre à mi-hauteur. Ailleurs toute présence végétale a été effacée méticuleusement.
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Dans le château les installations artistiques échappent parfois au visiteur qui peut passer à côté sans les percevoir. Gilles Bruni n’impose pas de point de vue. L’enjeu n’est pas de changer le regard du visiteur mais de créer le doute d’initier un sentiment d’empathie avec le lieu. L’expérience esthétique n’est-elle pas plus accessible dans un musée ou une galerie ?
Une partie de ce qui est mis en œuvre est autant de l’ordre la production de formes que de l’expérience invisible. C’est certainement une des clefs du travail de Gilles Bruni. Peut-être est-il le premier sujet ou cobaye de l’expérience du processus avant même l’arrivée du visiteur ?
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Le parcours végétal du château de Clisson (IV) Jean-Louis Vincendeau
Il serait trop long ici de reprendre toute la polysémie du mot même de « nature », les principaux sens paraissent s’être formés par rayonnement autour d’une idée primitive, celle du développement spontané des êtres vivants. Dès l’Antiquité ce mot présente toutes les variétés qu’on lui a conservées chez les modernes. Afin de bien cerner le terme, on l’a opposé de tout temps à d’autres termes : Aristote oppose la nature au hasard, Montaigne l’oppose à la coutume, Kant à la liberté, Spinoza à Dieu… Le thème de la nature est bien sûr important chez Jean-Jacques Rousseau, il la personnalise même à plusieurs reprises, il l’oppose, lui, à « réflexion » et à « monde ». Dame Giraude et son blanc mantel, Dame Giraude et ses retraits, sa transparence pareille à la voix d’un feu. Gestes sortis en traces, comme les images ne sortent pas de nulle part, ils sont déjà là enfouis, tapis dans la mémoire et l’irrigant, ils n’attendent que l’occasion pour sortir dans la rocaille, au grand jour de leurs foggaras, leurs galeries souterraines d’irrigation. Jardin susceptible d’accueillir des hiérophanies, des moments de grâce, Cymbalaria muralis, poétiquement nommée ruine-de-Rome. Dire la généreuse existence de la vie autour de nous produit ou peut produire l’étonnement, le saisissement béat devant les choses. Et la pensée est un pas de côté pour saisir autrement ce saisissement. Des tas de boulets de canons bien rangés en pyramides qui se révèlent en fait des mottes de tourbe moulées avec un peu de paille ; à ces tas répondent sur la même aire des meules de foin en quinconce et ceci en témoignage sans doute des activités agricoles et guerrières du château aux temps anciens.
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8. Les tables d’arases ou tables-jardins
Les tables d’arases sont nées de l’observation de la végétalisation des dessus de murs qui marquent l’emplacement des anciens bâtiments dans la cour seigneuriale. Les orpins et les mousses envahissent les plateaux des tables. Quelques chaises invitent le visiteur à faire une pause, à se poser à venir voir de plus près les paysages miniature à s’y promener, à s’y perdre peut-être ?
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L’image des tables d’arases fluctue en fonction du temps qui passe des aléas climatiques et des saisons. C’est le temps qui permet d’intégrer la plante dans la construction des stations. Elle agit presque librement pour produire des images jamais tout à fait contrôlées.
Le laboratoire impose des protocoles qui font agir la plante. Elle se développe, créée du volume des formes, des couleurs suggère des images. La plante est à l’œuvre elle réagit aux actions du jardinier elle lui répond en quelque sorte au fil d’une improbable conversation.
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Travailler dans le paysage, c’est l’habiter, y passer des journées entières, bricoler, manger, déambuler, regarder, se poser jusqu’à se sentir chez soi, faire corps avec le lieu, lui faire prendre corps. Il devient comme une extension physique. Les scientifiques ont découvert qu’il n’y a pas de coupure entre la microflore intérieure des êtres vivants et le milieu dans lequel ils évoluent. Il y a une continuité bactériologique, un voile qui ne s’interrompt jamais et qui traverse l’ensemble des êtres vivants sur la terre. Le lieu rejoint cette réalité scientifique, l’idée d’un continuum entre l’homme et son environnement, d’une alliance entre l’humain et le non-humain.
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Le parcours végétal du château de Clisson (V) Jean-Louis Vincendeau
Une chambre de plein air au milieu de la cour, délimitée de grandes toiles blanches imprimées ; comme photocopiées directement « à la main » avec des maillets. De grandes consoudes et fougères. Et les oiseaux sont conviés à la fête, chambre à ciel ouvert, ce par quoi le monde en chacun de ses détails se souvient du monde entier ; au détour d’une ornière un mulot se promène, créant son chemin dans la terre durcie. Les cairns existent un peu partout et depuis les temps les plus reculés, des tas de pierres plus ou moins solides en fonction de leur arrimage entremêlé ; ils signalent les limites de terrains, les sommets des montagnes ou encore une sépulture ou un monument commémoratif ; ici sur le flanc d’un pré en pente ils ont une fonction artistique et symbolique comme de répondre aux constellations du ciel étoilé. La veduta, depuis un point de vue ; l’herbe à Robert et les chélidoines recouvrent en partie des pots brisés pour dire le goût des ruines des personnages comme Lemot, Cacault et Valentin qui ont sauvé le lieu dans son esprit romantique. Des piquets bien rangés sur une terrasse semblent monter la garde, référence à Walter de Maria ou simples piquets d’étendage pour la nombreuse lessive des habitants du château. Les mulots n’en sont pas perturbés pour autant, ni les lapins et leurs familles nombreuses, lorsque les portes sont fermées ils sont chez eux sous la lune. Des étendards imprimés de manière très artisanale. Un arbre minéral couché est visible depuis une échauguette ; arbre plaqué sur le tranchant, sur le flanc, ou encore « face contre terre », il est là dans ce monde et appartient aussi à un autre monde à la fois à l’abri et en fuite. Sur le sol sensible et généreux cet arbre fossile gardé là tout exprès non pour les oiseaux mais pour le regard disponible. Deux traits végétaux ténus dessinent les contours du logis nord, au pied des murs et en ligne d’arase. Cela a tout l’air d’être naturel, d’être venu là tout seul. Ici, les végétaux poussent spontanément : du persil sauvage, des giroflées, de la pariétaire officinale…
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9. Les saules mis en pots
L’endroit ombragé évoque un lieu de stockage des végétaux mis en réserve par le jardinier, comme dans une pépinière. Il s’agit d’un trompe-l’œil, puisque les saules marsault, Salix caprea, qui poussent librement dans cet espace clos, ont été mis en pots sans être arrachés. La mise en pot est factice, elle prépare une déplantation/transplantation. Les apparences sont parfois trompeuses. La transplantation masque la déplantation… 64
Les saules ont été déplacés à l’automne pour échapper à une destruction certaine et recouvrer la liberté sur les rives d’un ruisseau dans la campagne clissonnaise. L’exfiltration a été vidéographiée pour garder une trace de cette action artistique qui sinon serait invisible aux yeux du visiteur. Ici, le jardinier fait son cinéma.
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Les saules mis en pots sont très vite devenus les Solopots. La fosse contient un groupe d’arbustes clairement identifiés. Les saules sont mis en réserve. Quel sort leur est réservé ? Sont-ils stockés, réfugiés, en transit ? Pour aller où ? Pourtant, ici, un peu à l’écart les saules ne dérangent personne ils ne craignent pas l’assaut du jardinier. Le dispositif s’est imposé dans cette cellule à ciel ouvert qui contient en creux la mémoire de la tour qui s’y dressait. Le château est fait d’une multitude de lieux qui ont chacun leurs propres logiques. Le travail de l’Arrangement révèle l’existence de ces lieux minuscules parfois insignifiants fragmentaires, résiduels traces de lieux / lieux traces.
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Sur le plan horticole, sous l’effet de la mise en pot factice, les tiges de saules ont produit des racines. Ce phénomène qui s’apparente au marcottage a permis de procéder à une transplantation devenue possible, de construire une fiction : l’enlèvement des arbustes de leur cul-de-basse-fosse vers la prairie, au bord du ruisseau. C’est le marcottage, procédé bien connu par les jardiniers qui a été à l’origine de la station.
Les Solopots ont disparu par un tour de passe-passe. Personne n’a rien vu.
La proposition est à la fois fiction et installation paysagère. La manipulation est assez vraisemblable pour que le visiteur ne se pose pas la question du vrai ou du factice. C’est le principe même du processus du laboratoire.
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10. Le rocher-montagne
Un bosquet d’arbres nains composé parmi les plantes rudérales transforme le rocher en montagne. Cette mise en scène du végétal et de la pierre convoque des images qui rappellent l’art chinois de la peinture de paysage. Un effet de miroir inversé s’établit avec la colline aux cairns de l’autre côté de la vallée.
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Sur le rocher, le jardinier ne produit rien, ses gestes sont éphémères. Les arbustes, les « pins nains » ne sont que de passage, l’endroit est trop hostile. Ici, leur présence perturbe le fonctionnement habituel du lieu, provoque un glissement d’espace, trouble l’image. Le rocher devient montagne sous l’effet d’une gullivérisation. Mais tous les visiteurs ne voient pas la montagne dans le rocher. Chacun voit selon sa sensibilité. Comme une sculpture, le rocher produit son propre cadre. Où commence l’œuvre, jusqu’où agit-elle dans l’espace qui l’entoure ? Comment créer une tension chez le visiteur qui provoquera une image, une vision ?
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11. La colline aux cairns
La première expérience de Gilles Bruni dans un espace-paysage s’est déroulée en 1985, près de Clisson. Il a réalisé un travail de marquage à la peinture sur les arbres, c’était pour lui une manière de transposer les codes de la ville dans la campagne. Il en est arrivé à écrire le mot « paysage » sur des troncs. C’est alors qu’il a commencé à photographier. En entrant dans l’espace du tableau, il a abandonné la peinture. Aujourd’hui, dans les installations de l’Arrangement végétal, le visiteur peut prendre à tout moment le statut de regardeur pour entrer dans le tableau. 72
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Un ensemble de cairns, répartis en équilibre instable sur la pente d’une colline simulée, évoque l’image les « hommes de pierre », les disparus, les absents. Les cairns sont tout à la fois les images des sentinelles et de simples stockages de cailloux prélevés dans le pierrier sous les remparts, vestiges du château-carrière. Ils rappellent le socle géologique. En face, le rochermontagne renvoie au minéral.
La construction des cairns relève d’une activité agricole : circulation, transport, empilement. Des pratiques qui sont anciennes dans le travail de Gilles Bruni depuis « Les sentiers » réalisés en collaboration avec Marc Babarit près de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu en 1989.
Dans l’Arrangement végétal, la préoccupation de ne pas détruire telle ou telle plante répond à une question esthétique, bien entendu, la nécessité de ne pas laisser la trace du passage du jardinier mais cette manière particulière d’agir pose de fait la question du respect de l’existence de la plante. Pourquoi couper une plante plutôt qu’une autre ? Quel droit avons-vous sur l’existence du végétal ?
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12. La vallée des herbes
Dans les douves un chemin étroit marque le passage du jardinier au milieu des herbes folles qui poussent en toute liberté. Suivant le principe du jardin en mouvement de Gilles Clément l’homme observe fait preuve d’indulgence laisse pousser et apprivoise la friche pour donner forme à la vallée. 76
Dans la vallée, le travail du jardinier n’est pratiquement pas perceptible, le visiteur ne voit que la trace des passages répétés, un chemin. Le jardinier est hors-champs, il cultive son absence. Son geste devient artistique, poétique.
Pourtant, le jardinier est bien passé dans le lieu, il l’a traversé, il a arraché quelques herbes, il a ratissé, ramassé, brûlé, planté mais rien n’apparaît, rien de ce que le visiteur s’attend à voir après le passage du jardinier. La friche est un lieu en désordre, à l’abandon, envahit par la végétation. Elle est à l’exact opposé de l’ordre imposé par l’architecture du château, l’ordre militaire des occupants d’hier, patrimonial et touristique des habitants d’aujourd’hui.
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Dans la vallée, l’histoire de l’artiste jardinier est plus visible, plus évidente. Ici, le travail est lié à la terre, à la marche, à la circulation. le jardinier œuvre en bas, dans l’enclos de la douve. Le visiteur observe du haut des points de vue sans jamais pouvoir accéder à ce jardin dont il est exclu. La vallée a tous ses bords, toutes ses limites, l’œuvre a un cadre. Dans cet espace clos se développe un jardin presque invisible qui est le résultat d’un entretien minimal pour maintenir la végétation dans l’apparence d’un aspect convenable. La vallée est une boîte dans la boîte qui permet de cultiver la présence de la friche sans trop déranger le regard. Ici, le jardinier n’a rien fait, il a juste laissé faire. C’est certainement avec l’arrivée des fleurs au printemps que la friche s’est transmutée en un magnifique jardin « naturel ».
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L’Arrangement végétal a produit une forme d’inversion le château est un enclos qui renferme en son cœur une friche. Tout autour, il y a la ville avec ses espaces verts parfaitement entretenus. Historiquement la forteresse est le lieu du pouvoir du seigneur du civilisé, de la culture et tout autour au-delà des remparts c’est le domaine du sauvage. Il semblerait que la broussaille ou « clisse » qui entourait le château au Moyen-Âge constituait un élément de défense ait donné le nom de la ville : Clisson.
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Le château est un laboratoire. Quelques outils du tiers paysage des notions d’écologie quelques techniques horticoles et l’esprit de Lemot ressurgit. Ici, le sauvage rejoint le civilisé.
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Le parcours végétal du château de Clisson (VI) Jean-Louis Vincendeau
Ils sont tellement à l’aise dans ce lieu clos (le château) qu’ils en ressentent la forme de façon intuitive et continue, ils en connaissent tous les recoins, ils sont chez eux et peuvent restituer l’esprit du lieu. L’aura, quelque chose d’émouvant et d’obscur s’exprime à travers ces murs en haillons et leurs reflets de nuages ; sous l’écorce des bâtisses la présence magique de danseuses et danseurs, corps innombrables en attente de quel Plérôme ? Laissons-nous aller au charme de l’aubépine comme à la forme sensible d’une signature divine, et des dames en rouge qui sortent maintenant de la forêt. L’idée absolue n’a plus sa marque de fabrique, pourtant on peut dire de la moindre brindille qu’elle est sensible à la trace matérielle qu’elle adopte. Mais l’idée n’est peut-être pas perdue, comme le fil ne l’est pas lorsqu’il passe de l’autre côté de l’étoffe. L’effet de plate-bande a été renforcé par les gestes les plus simples du jardinier : déplacement des plantes, sélection, suppression. Les tables d’arase sont une idée pour dire et montrer le prolongement de la végétation spontanée des murailles, une « présentation » de ces plantes sur des tables aménagées à cet effet, elles ont pour conséquence de révéler la subtilité des couleurs et des formes de ces plantes qu’on ne remarque pas lorsqu’on visite le château. Le château et ses parties ouvertes forment un réceptacle pour deux points de vue qui après avoir exploré les moindres recoins ont expérimenté les possibles et proposé une lecture ludique et poétique du lieu. La bonne place, la meilleure est donnée à la végétation spontanée, Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte n’ont rien cassé, n’ont pas trop dérangé le cosmos, la nature telle qu’elle se présente, dans leur grande entreprise ils ont peut-être sauvé quelques fraises parmi les plus sauvageonnes, et de petits hérissons, et singularités diverses. Partis au départ pour un arrangement végétal, ils ont créé un véritable poème.
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13. La plate-forme aux tuteurs : les étendards
La première année, une plantation de piquets badigeonnés au lait de chaux occupait l’espace suivant un quadrillage en quinconce. L’usage de ce dispositif mettait en avant le plateau selon un principe horticole qui a pu prévaloir lorsque Lemot fit du château une fabrique. La seule présence des tuteurs évoquait l’absence de l’arbre.
La deuxième année apparurent les étendards comme des suaires marqués aux empreintes des habitants du château, ces fantômes végétaux qui peuplent les ruines : la grande chélidoine, Chelidonium majus, la cymbalaire des murs, Cymbalaria muralis, le géranium herbe à Robert, Geranium robertianum, les orpins, Sedum album, la vigne, Vitis vinifera, l’aulne glutineux, Alnus glutinosa. Tout un peuple se soulevant comme autant de flammes qui claquent dans l’air. Il est question du temps qu’il fait, du temps qui passe.
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Gilles Bruni habite les lieux avec presque rien par des gestes simples presque quotidiens : planter des tuteurs tendre une corde étendre du linge. Ces gestes retenus laissent des traces presque imperceptibles. Il n’est pas venu dans le château pour agir en colonisateur en envahisseur. Il a posé avec précaution des gestes artistiques ou non pour provoquer de nouvelles images produire des glissements qui décalent le regard du visiteur. Sans jamais chercher à imposer une vision univoque.
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Il y a quelque chose de très enfantin dans ce travail. Quand l’enfant projette son imaginaire dans un espace, ce n’est pas un simple processus mental car il occupe réellement le lieu en apportant des choses, en construisant des cabanes, en inventant des histoires de chevaliers. Gilles Bruni a retrouvé dans le château cette sensation particulière liée aux jeux d’enfants et à la rêverie, ce sentiment particulier qui nous envahit lorsque nous passons de longs moments à regarder flotter dans le vent les linges devenus étendards.
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Il y a une disjonction entre ce qui a été fait et l’effet visuel qui en résulte. Lorsque Gilles Bruni a travaillé sur l’installation de la plateforme il a pris du recul pour l’observer depuis l’autre rive de la Sèvre ou du parvis de l’église de la Trinité qui fait face à la forteresse. Ces prises de distance sont souvent nécessaires à l’émergence de sens l’œil jauge, évalue facilite les mises en relations.
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14. La tente-index aux te(i)ntures
La tente évoque le campement la migration le jardinier est nomade. Des cordes ont été tendues entre les troncs des tilleuls plantés par Lemot des draps teints ferment l’espace. Réminiscence d’images qui renvoient à l’enclos de toile au début du film Ran d’Akira Kurosawa ou à l’utilisation des draps par le marquis de Girardin pour créer des repères, simuler des formes tester des installations. Réminiscence intime la lessive qui sèche dans le jardin familial.
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Le flux, le fluide. La représentation passe par la destruction. L’image de la plante a été obtenue en l’écrabouillant par l’opération du martelage, en faisant pénétrer la forme végétale dans la fibre du tissu. La teinture permet d’obtenir une image qui vient de l’intérieur du sujet représenté, de sa matière même. À l’opposé, on pourrait presque dire que la photographie produit une image désincarnée qui n’est que l’effet du reflet de la lumière renvoyé par la surface de la matière sur un capteur.
Malgré la violence du martelage, il y a un respect de la plante, une sensualité dans le touché, une délicatesse dans la disposition du motif sur le tissu. Le passage du fluide de la plante vers la fibre du drap, la transmutation dans les bains produit l’apparition de l’empreinte. Les opérations de séchage puis de couture évoquent les travaux de femmes et les jeux d’enfants.
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L’approche tinctoriale a fait repasser la plante dans le champ de la représentation de la couleur. Gilles Bruni est revenu à la question de l’image et de la peinture par l’utilisation de la toile du drap et du colorant. Au-delà d’une réflexion purement plastique cette pratique vient du désir de saisir la plante de s’approcher de ses qualités intérieures à la manière d’un herboriste. Avec la teinture on entre dans la réalité physique de la plante dans sa matière. Lors du finissage les visiteurs ont dégusté des soupes d’herbes. Au cours de cette action collective au-delà du partage d’un repas simple dégustation de soupes l’essentiel était peut-être l’idée d’atteindre une connaissance de la plante par son ingestion, son incorporation. D’un point de vue purement physiologique il y a quelque chose qui circule qui passe du corps de la plante à celui du mangeur.
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Le projet Arrangement végétal a été mené de mars 2012 à octobre 2013, à l’invitation du département de Loire-Atlantique dans le cadre d’une résidence d’artistes au Château de Clisson, sous la direction artistique de Virginie Bourget.
Les membres du laboratoire L’équipe de la Garenne Lemot : les jardiniers, le personnel et les médiateurs du château ; Amaury Bourget, artiste sonore ; Laurence Caron, herboriste ; Bruno Corneille et François Liorzou, enseignants du lycée Jules Rieffel ; Guillaume Péron, David Picard et Marek Niel, Thibaut Rivallin, Noémie de la Cotte, assistants ; Jean-Louis Vincendeau, historien de l’art des jardins ; Laurence Neuveu, libraire ; Yoann le Clair, graphiste ; Yolande, Marc et Odile des Serres Barreau ; nos proches : Liliane, Nathalie, Clément, Corentin, Léobin, Bérénice, Elsa, Laëtitia, Olivier, Emmanuelle, Gilbert, Johann, Léo, Anne, Louann, Luc, Michel, Alain, Pascale.
Le blog : http://arrangementvegetal.blogspot.fr
Achevé d’imprimer en mai 2015 sur les presses de PBtisk. dépôt légal 2e trimestre 2015
Les stations 1. Le bastion du jardinier (page 6) 2. La ruine-de-Rome (page 12) 3. Le paysage des astéracées aux étiquettes (page 20) 4. La veduta (double point de vue) (page 28) 5. La chambre aux plantes (page 34) 6. La bouche de l’ogre (page 42) 7. Les plates-bandes (page 49) 8. Les tables d’arases ou tables-jardins (page 56) 9. Les saules mis en pots (page 64) 10. Le rocher-montagne (page 70) 11. La colline aux cairns (page 72) 12. La vallée des herbes (page 76) 13. La plate-forme aux tuteurs : les étendards (page 84) 14. La tente-index aux te(i)ntures (page 90)
Au fil d’une conversation, ils s’interrogent sur leur rapport au lieu, au visiteur et à la plante. Au fil des images ils reconstruisent l’espace de l’Arrangement, tissent des liens parfois ténus avec une histoire intime de l’art et la pratique de Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau, historien de l’art et des jardins, porte un regard poétique sur l’ensemble de l’Arrangement végétal ISBN 9782848092478
9 782848 092478
18,50 €
www.jocaseria.fr
Arrangement végétal Chateau de Clisson
Pendant deux ans, par l’enchantement de l’Arrangement, le château s’est peuplé de personnages navigants entre fiction et réalité : le jardinier, l’artiste, le visiteur, suivis par la petite foule clandestine des plantes qui habitent le lieu. Au rythme des saisons, 14 stations se sont déployées dans les espaces compartimentés de la ruine pour proposer une histoire parallèle.
Château de Clisson Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte accompagnés de Jean-Louis Vincendeau
Gilles Bruni réalise depuis plus de vingt ans des installations paysagères. Sa pratique concentre ses intérêts pour le paysage, l’écologie du lieu, ses habitants et leur histoire, privilégiant les collaborations et les partenariats. Par ailleurs, il a réalisé avec Marc Babarit une trentaine d’installations paysagères, en Europe et en Amérique du Nord principalement. Il est membre des collectifs d’artistes B4collective et l’Infüsoire. Arnaud de la Cotte accompagne des artistes et des écrivains en tant que directeur artistique de l’association L’esprit du lieu sur les rives du lac de Grand-Lieu. Il développe des approches poétiques alliant l’image et le texte dans le cadre de collaborations ponctuelles avec Paul-Armand Gette, Jean-Luc Parant, Anne Savelli et Gilles Bruni. Jean-Louis Vincendeau est enseignant, conférencier et plasticien, expert en jardins auprès de la Commission Nationale des Monuments Historiques au Ministère de la Culture. Responsable de Séminaire au département Sciences et Histoire de l’Art à l’École Normale Supérieure, rue d’Ulm, il est l’auteur d’une quinzaine de courts-métrages et de nombreux articles sur les jardins et l’art contemporain.
Gilles Bruni et Arnaud de la Cotte
L’Arrangement végétal est une expérience artistique menée par Gilles Bruni accompagné d’Arnaud de la Cotte dans le cadre d’une résidence d’artistes au Château de Clisson de mars 2012 à octobre 2013.
Arrangement Végétal
joca seria