#49 Janvier Février
Place Publique
2015
Place #49 Publique
La Loire au cœur !
NANTES/SAINT-NAZAIRE
p. 133 LE PRIX DU CAUE : L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI EN LOIRE-ATLANTIQUE p. 76 DANS LE DÉPARTEMENT, LA MÉTROPOLISATION HARMONIEUSE ? p. 143 HANDICAP : LE PARCOURS DE LA COMBATTANTE
9 782848 092386
LA REVUE URBAINE | Janvier-Février 2015
DOSSIER | P 5 | L’HISTOIRE, LES FRANCHISSEMENTS, LE DÉBAT, LES EXEMPLES EUROPÉENS…
La Loire au cœur ! CONTRIBUTIONS | P. 141 | LES PROJETS FERROVIAIRES DANS L’OUEST
Nantes et le rail : cinq scénarios pour 2040 10€
Place 6 numéros 50 € Publique www.revue-placepublique.fr
LA REVUE URBAINE NANTES / SAINT-NAZAIRE
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Place Publique
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| SOMMAIRE ÉDITO
PLACE PUBLIQUE
Nantes/Saint-Nazaire. La revue urbaine Tour Bretagne Place Bretagne BP 72423 - 44047 Nantes Cedex 1 www.revue-placepublique.fr
LA CARTE & LE TERRITOIRE
2 Place publique
LE DOSSIER
76 Laurent Davezies et Benoît Ferrandon
Nantes et le reste du département : une interdépendance bénéfique
La Loire au cœur
Directeur de la publication : Jean-Claude Murgalé
Directeur : Thierry Guidet thierryguidet@wanadoo.fr
Chargée de diffusion : Marine Jaffrézic diffusion@revue-placepublique.fr Tél. 06 75 06 32 67
Comité de rédaction : Jean-Paul Barbe, Pierre-Arnaud Barthel, Philippe Bataille, Goulven Boudic, Paul Cloutour, Alain Croix, Laurent Devisme, Benoît Ferrandon, Didier Guyvarc’h, Marie-Hélène Jouzeau, Martine Mespoulet, Jean-Claude Pinson, Franck Renaud, Laurent Théry, Jean-Louis Violeau, Gabriel Vitré.
Ont participé à ce numéro :
Dominique Amouroux, Cécile Arnoux, Philippe Audic, Guy Baudelle, David Bensoussan, Goulven Boudic, Hubert Chémereau, Olivier Chupin, Paul Cloutour, Alain Croix, Laurent Davezies, Laurent Devisme, Marc Dumont, Benoît Ferrandon, Xavier Fouquet, Pierre Gras, Thierry Guidet, Georges Guitton, Didier Guyvarc’h, Dominique Hervouët, Florentin Joguet, Nicolas de La Casinière, Daniel Morvan, Amélie Nicolas, Jean-Claude Pinson, Jean-Luc Quéau, Emmanuelle Quiniou, Jean Renard, Danielle Robert-Guédon, Martine Staebler, Laurent Théry, Gabriel Vitré. Place publique est une revue éditée par l’association Mémoire et débats.
1. L’histoire 7 Alain Croix et Didier Guyvarc’h La Loire 15 21 29 33 38
2. Le débat 43 Philippe Audic Un nouveau pacte
entre Nantes et la Loire 45 Martine Staebler « Ah ! se rebaigner
Direction artistique : Bernard Martin éditions joca seria, Nantes. info@jocaseria.fr Concept graphique : Rampazzo et associés, Paris/Milan. Impression : Offset 5, La Mothe-Achard (85)
plats 84 Alain Croix Comment naît un roman
photo… 92 Hubert Chémereau 1745, le dernier
des Stuart à Saint-Nazaire
SIGNES DES TEMPS 98 100 122 124 126 128 133
Bloc-notes Critiques de livres La chronique de Cécile Arnoux La chronique de Jean-Luc Quéau Courrier des lecteurs Les expositions La chronique d’architecture de Dominique Amouroux
dans la Loire ! » 47 Laurent Théry « L’Île de Nantes 51
Administrateurs :
Soizick Angomard, Philippe Audic, Jo Deniaud, Suzy Garnier, Jean-Luc Huet, Jean-Claude Murgalé, Bernard Remaud, Françoise Rubellin.
est une œuvre humaine André Péron Les ponts, un défi permanent Pierre Gras Les villes et leurs cours d’eau : un roman fleuve Emmanuelle Quiniou Angers et son Grand paysage liquide Laurent Devisme Quand la Loire fait Place publique… Jean-Claude Pinson Au bord de l’eau
PATRIMOINE 82 Nicolas de La Casinière Hip hip hip à
54 59 65
a réconcilié la ville et la Loire » Gabriel Vitré Franchissements de la Loire : pendant le débat les études continuent Amélie Nicolas Peut-on réconcilier le port et la ville ? Goulven Boudic Un nouveau maire, un nouveau projet urbain Laurent Devisme Des utopies pour décaler le regard
CONTRIBUTIONS 141 Guy Baudelle Nantes et le rail en 2040 143 Dominique Hervouët Handicap :
le parcours de la combattante 149 Jean Renard Prospective : quand
l’estuaire s’imaginait en Ruhr au 21e siècle…
INITIATIVES URBAINES 154 Marc Dumont Projets urbains
ISSN 1955-6020
Place publique bénéficie du soutien de La Poste et de RTE Diffusion presse Nantes et Saint-Nazaire : SAD Diffusion librairie : Joca Seria/Pollen
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 1
ÉDITO |
À l’occasion du Grand débat sur la place de la Loire à Nantes, nous revenons sur l’histoire indissociable du fleuve et de la ville. Nous cernons les enjeux politiques et urbanistiques de la discussion en cours.
V
ille-gué, ville-pont, port de fond d’estuaire, Nantes est fille de la Loire. Et c’est bien l’estuaire du plus grand fleuve de France qui constitue le trait d’union entre Nantes et Saint-Nazaire, cet avant-port devenu rapidement une vraie ville. C’est dire que la Loire s’inscrit vraiment au cœur de la métropole. Et que le Grand débat lancé sur la place du fleuve dans l’agglomération nantaise ne pouvait nous laisser indifférents. Le dossier que nous consacrons au sujet tient en deux volets : l’histoire, mais aussi des exemples glanés ailleurs ; le débat lui-même,
La Loire et nous la manière innovante dont il s’organise et ses principaux enjeux. Les historiens Alain Croix et Didier Guyvarc’h nous le rappellent d’emblée : nos rapports avec la Loire, et les questions que nous nous posons aujourd’hui, doivent être replacés dans le temps long, dans le temps très long. Ainsi, la Loire fut longtemps subie par ses riverains avec ses crues et les raids de Vikings qui remontaient son cours. Le fleuve et son estuaire sont ensuite devenus le vecteur du commerce atlantique qui a tant enrichi Nantes avant de se changer en espace de développement industriel mais aussi en enjeu de la concurrence avec SaintNazaire. Aujourd’hui, sans doute est-on en
2 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
train de passer du fleuve-travail au fleuveévasion. Bref, la géographie propose, mais l’histoire dispose. Hier, aujourd’hui, demain, la Loire a été, est et sera ce que les hommes veulent bien en faire. Le fleuve est aussi une œuvre humaine. Réduisant la focale à la question des ponts, André Péron ne dit pas autre chose. Ils offrent un témoignage de la façon dont les Nantais, au cours de l’histoire, ont habité le site. Aujourd’hui, tout choix de franchissement est une manière de répondre à la question des usages possibles et souhaitables de la Loire. Cette question, Nantes n’est évidemment pas la seule à se la poser. L’historien lyonnais Pierre Gras dresse un panorame européen des rapports entre les villes et leurs cours d’eau. De Londres à Hambourg en passant par Copenhague, après une période de mise à l’écart, les temps sont à la redécouverte et à la mise en valeur, non sans contradictions entre le tourisme et le travail, la mémoire et le développement. Plus près de nous, Angers offre un « grand paysage liquide » tout à fait remarquable qu’Emmanuelle Quiniou, la directrice de l’Agence d’urbanisme, nous invite à parcourir. La méthode d’investigation choisie par nos voisins de l’amont pourrait bien inspirer les organisateurs du Grand débat. Bien entendu, ce n’est pas la première fois que Place publique s’intéresse à la Loire. Laurent Devisme revient sur les principaux débats mis en scène dans cette revue autour de l’omniprésence de l’eau à Nantes, de la redécouverte de l’estuaire, du rôle du port… À vos collections !
Et Jean-Claude Pinson, philosophe et poète, clôt ce premier volet de notre dossier par une approche intime et sensible du rapport à la Loire. Il nous invite à ne pas perdre de vue l’essentiel : « Quand la ville est fluviale, le droit à la ville doit inclure un droit essentiel et imprescriptible au fleuve », car « plantes humaines, animaux humains, nous avons nous aussi besoin du contact des éléments, nous avons besoin de terre et de ciel, de soleil et de vent. Et d’abord peut-être besoin d’eau. » Ainsi situé, le débat, le Grand débat peut s’ouvrir. Nous donnons d’abord la parole aux deux co-présidents de la commission chargée de l’organiser. Philippe Audic, par ailleurs président du Conseil du développement, rappelle les préconisations que ce dernier a formulées et qui ont été en partie – mais en partie seulement – retenues. Plus largement, il appelle à la conclusion d’un « nouveau pacte » entre Nantes et la Loire dont l’ampleur dépasse la simple question d’un nouveau franchissement. Martine Staebler, qui a dirigé naguère le Groupement d’intérêt public Loire Estuaire, définit un bien beau programme : pouvoir demain, ou après-demain, se rebaigner dans la Loire… Aujourd’hui préfet délégué à Marseille, Laurent Théry, grand prix national de l’urbanisme et ancien aménageur de l’Île de Nantes, nous fait profiter à la fois de son expérience et de sa distance. Oui, l’Île de Nantes a changé le regard porté sur le fleuve. Mais on n’a sans doute pas assez compris qu’elle n’était qu’une pièce d’un projet plus vaste, à l’échelle de l’estuaire. Et le futur franchissement ? « Le plus simple est de
construire un pont entre le Bas-Chantenay et Rezé. » En effet, pendant le débat, les études sur les scénarios de franchissements se poursuivent, nous rappelle Gabriel Vitré, le secrétaire général du Conseil de développement. Il décrit les possibilités et signale l’urgence d’une décision vu les délais de construction : huit ans pour un pont, dix pour un tunnel. La sociologue Amélie Nicolas met au jour une question un peu occultée : peut-on concilier le port et la ville ? Le citadin qui jouit du fleuve et le travailleur du port ? Le Grand débat aura tout intérêt à bien prendre en compte ce conflit d’usages et les élus à arbitrer dans la clarté en pleine connaissance de cause. Goulven Boudic, en spécialiste de la science politique, analyse les enjeux de pouvoir à l’œuvre dans ce Grand débat. C’est l’occasion, selon lui, pour Johanna Rolland, nouveau maire de Nantes et nouvelle présidente de Nantes Métropole, d’asseoir son leadership politique. En acceptant une forme inédite de concertation, mais surtout en lançant un vaste projet qui conduit de la gare au pont de Cheviré. À nouveau maire, nouveau projet urbain ! Pour conclure, Laurent Devisme nous propose en images des utopies qui ont pour mérite de décaler le regard. C’était déjà l’intérêt de l’étude conduite en 1992 par Dominique Perrault et François Grether, puis, sept ans plus tard, par les projets en lice lors du marché de définition remporté par l’équipe d’Alexandre Chemetoff. Il n’est pas inutile d’y jeter rétrospectivement un œil. Utopies modestes dessinées par des étudiants
de l’École d’architecture attentifs aux usages quotidiens du fleuve. Utopies grandioses échafaudés par d’autres étudiants, sensibles à la singularité de l’estuaire. Elles n’ont pas pour objet de déboucher sur des applications immédiates, mais de faire rêver à des futurs hypothétiques. En cela, ces rêveries de Loire ont toute leur place dans le Grand débat. n
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 3
LE DOSSIER
LE DOSSIER La Loire au cœur
1. L’histoire
7 Alain Croix et Didier Guyvarc’h La Loire 15 21 29 33 38
est une œuvre humaine André Péron Les ponts, un défi permanent Pierre Gras Les villes et leurs cours d’eau : un roman fleuve Emmanuelle Quiniou Angers et son Grand paysage liquide Laurent Devisme Quand la Loire fait Place publique… Jean-Claude Pinson Au bord de l’eau
2. Le débat
43 Philippe Audic Un nouveau pacte
entre Nantes et la Loire 45 Martine Staebler « Ah ! se rebaigner
dans la Loire ! » 47 Laurent Théry « L’Île de Nantes
a réconcilié la ville et la Loire » 51 Gabriel Vitré Franchissements
de la Loire : pendant le débat les études continuent 54 Amélie Nicolas Peut-on réconcilier le port et la ville ? 59 Goulven Boudic Un nouveau maire, un nouveau projet urbain 65 Laurent Devisme Des utopies pour décaler le regard
La Loire au cœur
1
L’HISTOIRE
LA LOIRE AU CŒUR | DOSSIER
La Loire est une œuvre humaine RÉSUMÉ > La géographie propose, l’histoire dispose. La Loire a toujours été ce que les hommes ont choisi d’en faire : un moyen de défense, un axe d’échanges, une rue industrielle, une invitation au rêve… Dès lors, débattre de l’avenir du fleuve, c’est débattre de l’avenir des hommes qui ont fait et font ce « chemin d’eau ».
TEXTE > ALAIN CROIX ET DIDIER GUYVARC’H « Léo découvrait, non sans surprise, l’étendue du miroitement à l’horizon. Le soir approchait, et il était soulagé de sortir des forêts d’aulnes, de chênes et de sapins qui avaient environné sa marche pendant toute la journée. Son groupe l’avait envoyé en éclaireur, avec l’espoir de découvrir un site protégé, le plus possible entouré d’eau, et qui permette aussi de franchir la grande barrière du fleuve dont ils suivaient le cours depuis de nombreuses lunes. Depuis le haut du coteau, il apercevait le grand fleuve semé de tant d’îles qu’il se demandait s’il n’était pas possible de le franchir à gué, et puis, sur la droite, une rivière, l’Erdre, qui venait à son confluent délimiter un promontoire ni trop haut ni trop étroit. Léo ne savait pas qu’il venait de découvrir le site de Nantes, et non plus que le coteau d’où il l’admirait serait un jour celui de Mauves. […] Était-ce il y a 300 000 ans, à une époque où un climat relativement tempéré régnait sur la région nantaise ? [ …] La date à vrai dire importe peu, et, le lecteur l’a compris, l’histoire de Léo est pure invention, tout comme le paysage, qui a beaucoup évolué en fonction notamment des très importantes variations du niveau de la mer. »1
ALAIN CROIX et DIDIER GUYVARC’H sont historiens. Ils appartiennent tous deux au comité de rédaction de Place publique.
1. Nantais venus d’ailleurs. Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, Presses universitaires de Rennes/Association Nantes-Histoire, 2007, p. 9.
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2
LE DÉBAT
LA LOIRE AU CŒUR | DOSSIER
Philippe Audic : un nouveau pacte entre Nantes et la Loire RÉSUMÉ > Le Conseil de développement de Nantes Métropole a été saisi par la collectivité pour réfléchir à la manière dont le débat devait s’organiser. Non seulement, il a fait des propositions de méthode, mais il a aussi proposé d’élargir l’objet même du débat et énoncé des principes de transparence. Il ne s’agit pas seulement de décider où et comment franchir le fleuve. Il faut surtout conclure un nouveau pacte entre Nantes et la Loire
PLACE PUBLIQUE > Vous présidez le Conseil de développement de Nantes Métropole. Vous co-présidez aussi la Commission du débat. Quel rôle le Conseil de développement joue-t-il dans ce débat sur la Loire ? PHILIPPE AUDIC > Nous avons, d’une part, été saisis par Nantes Métropole, bien avant les élections municipales d’ailleurs, pour réfléchir à la manière dont le débat pourrait avoir lieu. Et ça, c’est très nouveau : on ne nous a pas demandé un avis sur un projet déjà ficelé ; on nous a sollicités en somme comme des experts en débat public. Et, d’autre part, nous avons bien l’intention de contribuer au débat ouvert aujourd’hui à partir de nos propres préconisations.
PHILIPPE AUDIC est le président du Conseil de développement de Nantes Métropole. Il co-préside la Commission du débat.
PLACE PUBLIQUE > Un signe des temps ? PHILIPPE AUDIC > Sans doute… Il devient en effet difficile pour les élus de mener des politiques publiques qui se voient régulièrement contestées alors que, paradoxalement, les procédures de concertation légale lancées en amont, à l’occasion de grands projets, intéressent assez peu de citoyens. Et puis la nouveauté de la démarche tient aussi au renouvellement des élus. La question de la gouvernance a été l’un des sujets des municipales. Le débat sur la Loire est le premier test. JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 43
© valéry Joncheray
savez-vous que Le CCo est un ConCentrateur d’idées nouveLLes ? une base stable, solidement ancrée dans son époque et son territoire... un sommet d’où l’on contemple l’avenir, sans frein à l’imagination... La Tour Bretagne est un lieu de confluence et de débats pour concevoir ensemble notre destinée.
nantes, la Loire et nous, la métropole de demain, la mixité dans les cercles de décision... toutes les questions publiques se débattent au CCo, à l’image des nombreux rendez-vous proposés en association avec le Conseil de développement et la revue place publique. nous vous invitons à y contribuer. CCo, tour Bretagne, nantes programme : www.cco-nantes.org
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PATRIMOINE
82 Nicolas de La Casinière Hip hip hip à plats 84 Alain Croix Comment naît un roman-photo… 92 Hubert Chémereau 1745, le dernier des Stuart à Saint-Nazaire
TEXTE et DESSIN > NICOLAS DE LA CASINIÈRE
82 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
PATRIMOINE | PHOTO
Comment naît un roman-photo…
TEXTE > ALAIN CROIX
Nous étions le lundi 2 juin 2014, autour de 9 heures 50. Une revue d’histoire qui accorde une grande place à une illustration de qualité, Bretagne Magazine Histoire, était curieuse de savoir quelles retombées iconographiques pouvait avoir eues le Dictionnaire de Nantes au bénéfice des collectivités publiques. J’accompagnais donc Véronique Guitton, la conservatrice des Archives municipales, et Patrick Jean, son photographe attitré, dans une de leurs missions de numérisation de la collection de Jean-Claude Potet1. Toujours aussi généreux, Jean-Claude Potet avait en effet accepté que sa collection, déjà bien utilisée pour illustrer le dictionnaire, soit entièrement numérisée puis, après le travail scientifique de Véronique Guitton, mise gratuitement à la disposition du public.
84 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
Il était donc 9 heures 50, et Jean-Claude Potet brandissait le numéro 44 de Place publique dont il avait été jusqu’à surligner plusieurs passages de l’article dans lequel Bertrand Guillet évoquait les plus anciens photographes de Nantes, des daguerréotypistes donc2. « Oh mais, il y en a bien d’autres ! ». Et de m’entraîner vers une de ses armoires aux trésors. La suite se raconte, en partie au moins, en photographies. 1. Les lecteurs de Place publique ont découvert Jean-Claude Potet en janvierfévrier 2013 (n° 37), et le travail personnel du photographe Patrick Jean en juillet-août 2014 (n° 46). Le récit de « l’aventure Potet » au profit des Nantais est publié dans Bretagne Magazine Histoire de ce mois de janvier. 2. « Quatre images uniques de Nantes : elles datent de l’invention de la photographie », Place publique n° 44, mars-avril 2014, p. 78-87.
COMMENT NAÎT UN ROMAN-PHOTO | PATRIMOINE
Le beau jeune homme La plupart des daguerréotypes sont des photographies comme cellesci, bien différentes des exceptionnelles vues de Nantes acquises par le Musée d’histoire de la ville et présentées par Bertrand Guillet. Des portraits donc : rien qu’à Paris, on en estime le nombre à 100 000 pour l’année 1849, et à plusieurs milliers chaque année pour un atelier dans une grande ville de province. Ils ne sont pas datés, sinon d’un hypothétique « années 1840-1850 », pas localisés, sinon grâce, parfois, à l’étiquette apposée par l’auteur au verso du cadre : ici, Jean-Ambroise Duval, installé au plus tard en 1864, nous disent les almanachs de Nantes, 21 rue Contrescarpe. Et surtout, on ne sait absolument pas qui est photographié,
à l’exemple du « beau jeune homme » ici représenté. Ce document est pourtant un bel exemple de la passion qui s’empare des classes aisées, désireuses de faire réaliser des portraits à relatif bon compte – meilleur évidemment qu’en recourant à un peintre –, même si c’est au prix d’un certain effort : les temps de pose atteignent couramment dix à quinze minutes, si bien qu’au cours des années 1840 se diffuse un modèle de siège comportant un appui-tête destiné à soulager les victimes ! On comprend mieux pourquoi les sujets appuient un bras sur une table ou un guéridon et pourquoi, sur trop de daguerréotypes, les yeux sont flous : le sujet ne doit pas cligner des yeux pendant la pose… JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 85
PATRIMOINE | 1745, LE DERNIER DES STUART À SAINT-NAZAIRE
Le 23 juillet, après de multiples péripéties, le prince pose enfin les pieds sur le sable de l’Île d’Eriskay dans les Hébrides extérieures. Au fil des semaines l’armée jacobite grossit. Le 19 août l’étendard royal confectionné par la Nantaise Marie Walsh est hissé à Glenfinnan devant 3 000 Highlanders. Le 21 septembre, contre toute, attente les Jacobites écrasent l’armée du roi George II à Prestonpans. Après avoir volé de victoire en victoire jusqu’à Derby, Charles-Edouard Stuart voit son étoile pâlir. En avril 1746 son aventure s’achève tragiquement sur les landes de Culloden rougies par le sang de ses fidèles Highlanders. Une répression impitoyable va s’abattre sur les Hautes Terres. Après des mois d’errance, son salut va venir de Bretagne. En août 1746, une expédition est mise sur pied avec le soutien de l’armateur irlandais Richard Butler qui met à disposition deux de ses navires basés à Saint-Malo. Le 19 septembre Charles-Edouard Stuart embarque sur la côte ouest écossaise pour Roscoff avec une dizaine de partisans à bord de l’Heureux commandé par le Malouin Marion Dufresne. Son retour est fêté par la bonne société de Morlaix qui compte alors une importante communauté irlandaise. Le caractère impétueux de Bonnie Prince Charlie et un alcoolisme chronique vont progressivement le couper des cours d’Europe, à commencer par les Bourbons. Il meurt à Rome le 31 janvier 1788 sans avoir revu la terre de ses ancêtres. Le 13 février 1788, en Australie, Arthur Philip, gouverneur de Nouvelle Galles du Sud, prête allégeance à George III « seul souverain incontesté du royaume » et non aux descendants de Charles Edouard Stuart. Comme le souligne l’universitaire
96 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
australien Edward Duyker, « quelle ironique mention quand on connaît l’importance de la Caledonia Australis directement liée à l’arrivée de nombreux Highlanders en Australie suite à la défaite de Culloden ». La dernière révolte jacobite marque aussi la fin de l’immigration irlandaise en Bretagne. Jean Guiffan note : « À Nantes les demandes de naturalisation cessent presque complètement après 1760 ». Des Irlandais de Bretagne vont continuer le combat en s’engageant dans des régiments irlandais qu’ont retrouve sur tous les champs de bataille d’Europe contre l’Angleterre. À l’exemple du jeune Thomas Gelagh, de Saint-Herblain, qui s’engage dans le régiment d’infanterie irlandaise de Dillon. En 1757 à l’âge de 26 ans il est blessé au combat. Il revient à Saint-Herblain mourir au manoir de La Garotterie. Au cours du 19e siècle, de vieilles familles nantaises aux origines irlandaises, ou apparentées, entretiendront pieusement le souvenir du dernier des Stuart. Jules Verne était lui-même un amoureux de l’Écosse, qui lui inspira plusieurs de ses romans, et un grand admirateur de Walter Scott. Ce dernier a été fortement inspiré par les révoltes jacobites et son héros, le très romanesque Bonnie Prince Charlie. L’écrivain d’Édimbourg, né en 1771, a connu dans sa jeunesse des acteurs et des témoins de la dernière révolte jacobite. Robert Louis Stevenson, contemporain de Jules Verne, évoque lui aussi les guerres jacobites dans Enlevé et Le Maître de Ballantrae. Nombre de balades écossaises et irlandaises font encore de nos jours vivre la légende du « joli prince Stuart » comme l’avaient surnommé les jeunes filles de la bonne société d’Édimbourg. n
SIGNES DES TEMPS
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Bloc-notes
100
Critiques de livres
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La chronique de Cécile Arnoux
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La chronique de Jean-Luc Quéau
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Courrier des lecteurs
128
Les expositions
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La chronique d’architecture de Dominique Amouroux
SIGNES DES TEMPS | BLOC-NOTES
LE BLOC-NOTES THIERRY GUIDET directeur de Place Publique
Le paysan des villes
«E « T VOUS, vous y dormez, au bureau ? – Bah non… – Eh bien moi, c’est pareil. Je ne vois pas pourquoi j’habiterais sur mon lieu de travail. » n IMPARABLE ! Je ne dois pas être le premier à qui Benoît Rolland assène l’argument. À cela près que Benoît exerce un métier qui ne prédispose guère à vivre en ville. Son bureau à lui, c’est la ferme des Neuf-Journaux, à Bouguenais, sur la rive Sud de la Loire. Avec deux associés, sur 160 hectares de prairies et de marais, il élève un beau troupeau de vaches, principalement des nantaises, cette race rustique et locale qui faillit bien disparaître. Élevage bio, comme il se doit, pour le lait et pour la viande. Vente aux Amap et à quelques restaurateurs nantais. n
Son bureau à lui, c’est la ferme des Neuf-Journaux »
SA JOURNÉE DE TRAVAIL terminée, Benoît rentre chez lui, dans une maison du quartier de Toutes-Aides, à l’est de Nantes, à une douzaine de kilomètres de son étable. Matin et soir, il croise le flot de ceux qui font le chemin inverse, travaillent en ville et dorment aux champs – ou presque. « Je les aime bien, mes vaches ! Mais vivre avec elles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ça non ! » n
98 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
C’EST PAR UN MATIN de décembre plutôt frisquet que nous avions rendez-vous avec ce paysan des villes sur la très villageoise place de l’Église de Toutes-Aides. Nous ? Un petit groupe d’urbanistes, d’architectes, d’universitaires, de cadres territoriaux – et votre serviteur, qui n’est rien de tout cela. Voilà quelque temps que nous travaillons sur les relations entre villes et campagnes dans la foulée de la démarche prospective lancée par la Région sur ce que pourraient bien être les Pays de la Loire en 2040. Surtout sur un tel sujet, réfléchir en chambre trouve vite ses limites. Voilà pourquoi nous étions tous à vélo ce matin-là : nous ferions plus de kilomètres qu’à pied, nous y verrions de plus près qu’en voiture. n NOUS AVONS LONGÉ la Loire, le fleuve auquel, chaque matin, au pied des tours de Malakoff, Benoît jette un œil pour savoir s’il doit se dépêcher de rejoindre la vallée où paît son troupeau : affaire de marées, de précipitations, de force du vent… La Haute
BLOC-NOTES | SIGNES DES TEMPS
Île, North House, Trentemoult la pimpante sur la rive Sud, des zones industrielles, le pont de Cheviré, comme une frontière, puis un espace vague, propriété du port, que sillonnent des camions. Un chemin longe un étier qui conduit à Port Lavigne, un peu en retrait de l’estuaire. À gauche, au-delà des prairies inondables, sur une butte, la massive église de Bouguenais. On parle. Benoît, la petite quarantaine, est le fils d’un éleveur de porcs des environs d’Ancenis. Pas question de reprendre l’exploitation. Ni le père ni le fils n’y songent. Ce sera la fac où il passe une maîtrise de physique et puis, tiens, comme c’est curieux, il choisit quand même de travailler à la Chambre d’agriculture. Et c’est là qu’il comprend ce que sera sa voie. n LES VÉLOS SONT POSÉS dans l’herbe. Nous avons franchi la clôture. Benoît nous présente un troupeau, y compris le placide taureau qui répond au doux nom d’Esteban. En selle à nouveau pour le raidillon qui mène aux Neuf-Journaux. Vouloir se faire éleveur au plus près de la ville, c’est bien joli, mais hors d’atteinte financièrement sans un soutien public, en l’occurrence celui de la Ville de Bouguenais. En 1998, un conseiller municipal, éleveur décidé à partir à la retraite, avait sensibilisé le maire d’alors Françoise Verchère au problème : encore une exploitation qui fermerait dans une commune où 150 paysans travaillaient encore quarante ans plus tôt ! Comme on le fait parfois pour une boulangerie ou un cabinet médical, la municipalité décide d’investir dans des bâtiments agricoles pour donner ses chances à un jeune. Et voilà comment en 2008, Benoît Rolland et son associé Olivier Renaudin s’installent à Bouguenais, à la suite d’un premier repreneur. Ils investissent près de 500 000 € dans le cheptel et le matériel. La Ville leur construit une belle stabulation toute neuve,
«
Oui, notre modèle est reproductible »
avec panneaux photovoltaïques sur le toit, dont ils sont locataires. Depuis, un troisième agriculteur les a rejoints. n LA PORTÉE DE L’EXEMPLE dépasse Bouguenais. Aux lisières de la ville, le maintien de l’agriculture est le plus sûr moyen de contenir l’extension des friches, environ 6 000 hectares, sur lesquels lorgnent évidemment bien des aménageurs. Entretien des paysages, productions de qualité, liens entre citadins et paysans… les 330 exploitations agricoles que compte le territoire de Nantes Métropole sont une chance pour tous, qui ne se borne pas aux 1 400 emplois directs ainsi créés. n LE MIDI, NOUS DÉJEUNONS à la Ranjonnière, pas très loin de l’usine Airbus, au bout des pistes de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Voici une ferme encore en activité où les enfants viennent visiter veaux, vaches, cochons, couvées. Elle accueille un très convenable restaurant et un magasin où sont en vente les produits de tout ce que les environs comptent
de producteurs bio. Et des jeunes gens bien mis viennent y suivre des stages dans une salle de formation équipée de l’informatique dernier cri. Ni ferme à la Marie-Antoinette, ni lambeau de campagne menacé par la ville vorace, non, une charnière entre deux mondes, entre hier et demain. n À TABLE, Benoît nous parle du dernier venu aux Neuf-Journaux. Lui, n’habite pas à Nantes, mais à… La Rochelle où vit sa compagne ! Et chaque semaine se rend à Paris pour mener à bien sa thèse d’éthologie. Trois jours par semaine, tout de même, il travaille à la ferme de Bouguenais. J’apprends aussi que la femme de Benoît est architecte. De quoi troubler l’image qu’on se fait des paysans. Marginal, Benoît ? « Oui, quand je suis en ville car je n’y ai pas beaucoup de collègues, mais à Bouguenais, je suis complètement intégré à mon milieu professionnel. » n D’AVANT-GARDE ALORS ? L’éleveur de nantaises fait la moue. On ne lui fera pas dire que l’avenir de l’agriculture réside tout entier dans le bio et les circuits courts, mais ce mutant, ce paysan du troisième type, y croit dur comme fer : « Notre modèle est reproductible. » Et sûrement plus porteur d’avenir que celui prôné par ces agriculteurs venus manifester en novembre aux abords de la préfecture de Nantes. Quelques-uns avaient lâché des ragondins peints en rose, parce que, c’est bien connu, ces rongeurs sont tout aussi nuisibles, et de la même couleur politique, que la ministre de l’Environnement… En pédalant de retour vers Nantes par les routes et les chemins de terre, on en découvre des friches disponibles, des espaces en jachère, des lieux en attente. Et l’on se dit que, oui, il y a du jeu, à tous les sens du mot, entre la ville et la campagne. n JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 99
SIGNES DES TEMPS | LIVRES
CINÉMA
La revue Répliques met en mots les images CINÉMA 100
Répliques
HISTOIRE 102 102 103 104 105 105 107
Jean-Joseph Julaud, Les malchanceux de l’histoire de France Jean-Charles Stasi, Opération Chariot L’incroyable raid qui redonné espoir aux Britanniques Guy Haudebourg, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple Anne-Marie Quenette, Jean Quenette. Un Lorrain dans le 20e siècle Stéphane Pajot, Nantes et la photographie. Histoires croisées Hubert Guillotel, Actes des ducs de Bretagne (944-1048)
Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne. Tome XCII, Actes du Congrès de Nantes, Nantes et le pays nantais. Archaïsme et modernité
108
Dominique Le Page, Nantes en Bretagne ? Nantes et la Bretagne du Moyen Âge à nos jours
GÉOGRAPHIE 109
Cartes et cartographies, n° 133 de la revue 303
PATRIMOINE 110
Ronan Durandière, Alain Gallicé, Gildas Buron, Christophe Devals, Laurent Delpire,
111
Christian Cussonneau, Guérande. Ville close, territoire ouvert Jean-Yves Andrieux (dir.), Villes de Bretagne. Patrimoine et histoire
POLITIQUE 112 113 114
Mikael Bodlore-Penlaez, La France charcutée. Petite histoire du « big bang territorial » Christophe Clergeau, Erwan Lecœur, Écologie et politique. Le progrès peut-il être durable ? Emmanuel Daniel, Le tour de France des alternatives
LITTÉRATURE 114 115 116 117 118
Images de Jules Verne, n° 134 de la revue 303
119
LIVRES REÇUS
Vies imaginaires de Plutarque à Michon Sylvain Coher, Nord-nord-ouest Morten Søndergaard, La Pharmacie des Mots Dominique Vaugeois (direction), Jean-Loup Trassard
100 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
Nantes, haut lieu de l’édition d’ouvrages consacrés au cinéma ? L’affirmer serait sans doute présomptueux. Pourtant, à elle seule, l’existence des éditions Capricci n’est pas sans donner quelque crédit à une telle affirmation. Rappelons-le, Capricci est d’abord un « label cinéphile indépendant » qui produit et diffuse des films. Mais il édite aussi des livres, essentiellement des essais et entretiens avec des cinéastes. À cet éditeur, vient désormais s’ajouter, dans le paysage, la revue Répliques, dirigée par Nicolas Thévenin, spécialiste du cinéma asiatique, assisté de Morgan Pokée et de Tifenn Jamin. « Revue d’entretiens autour du cinéma », Répliques, à rebours de ce qui se pratique habituellement dans la presse, a pris le parti d’entretiens longs et approfondis avec des cinéastes et autres créateurs liés au cinéma. Ils font toujours l’objet d’un accompagnement iconographique très soigné. Le dernier numéro paru, le n° 4 (été 2014), a choisi d’aborder la question des corps « pensants et agissants » et de l’incarnation physique de leurs affects à l’écran. Au sommaire, des entretiens avec ces réalisateurs d’importance que sont Bruno Dumont ou encore ce considérable cinéaste qu’est le Chinois Wang Bing. L’auteur du magnifique et monumental documentaire À l’ouest des rails y revient longuement sur ses techniques de tournage et notamment sur la manière dont il laisse le matériau filmé imposer lentement sa logique visuelle.
LIVRES | SIGNES DES TEMPS
Une double page intérieure de Répliques
HISTOIRE
Les malchanceux de l’histoire de France
Quelques-unes des photos exposées au printemps dernier par Wang Bing au Centre Pompidou complètent l’entretien. Stéphane Bouquet, poète, traducteur, scénariste, est également au sommaire de ce numéro 4. Dans l’entretien qu’ont conduit avec lui Morgan Pokée et Nicolas Thévenin, celui qui est aussi à l’occasion danseur développe toute une réflexion sur le cinéma comme « art du geste ». Dans le sillage de Pasolini, Stéphane Bouquet s’interroge en outre sur les rapports de la poésie et du cinéma. Il remarque ainsi qu’il y a poésie au cinéma quand le film est « hésitation entre le sens et le temps » (ou l’espace). Quant à ses livres de poésie, il les conçoit comme « des suites de séquences », attachant à la place de la narration dans le poème beaucoup d’importance (contrairement à ce qui est selon lui la ligne générale de la poésie contemporaine française). L’histoire du cinéma, disait Deleuze, est « un long martyrologe » où la nullité de la production industrielle écrase trop souvent les vrais auteurs. Mais justement, parce que le cinéma, pas moins que la littérature ou la peinture, appartient à « l’histoire de l’art et de la pensée », il importe que des revues comme Répliques se vouent à faire connaître autrement que de façon superficielle, en la mettant longuement en mots, la réflexion qui habite le travail des cinéastes auteurs. Car c’est bien quelque chose comme de la pensée qu’ils s’emploient dans leurs œuvres à faire advenir, au moyen des signes optiques et sonores d’une « image-mouvement » qui est aussi une « image-temps » donnant à sentir la durée. n JEAN-CLAUDE PINSON
Jean-Joseph Julaud qui, vivant à Conquereuil, enseigna le français et l’histoire-géographie en Loire-Atlantique, est un polygraphe de talent. On compte à son actif des dizaines et des dizaines de titres dont les considérables succès publics que furent L’Histoire de France pour les Nuls ou bien La Littérature française pour les Nuls et leurs déclinaisons, y compris en bande dessinée. Cela n’a pas gâché un bonheur d’écriture déjà perceptible dans l’un de ses premiers livres, Mort d’un kiosquier (Criterion, 1994), une série très réussie d’uchronies littéraires : et si la voiture de Racine et de Pascal avait versé dans un étang glacé ? Et si Chateaubriand avait réussi son suicide d’adolescent ? Et si Jean Rouaud avait été tué par l’effondrement du kiosque à journaux qu’il tenait rue de Flandre, à Paris ? Trente ans après, Jean-Joseph Julaud trousse vingt brefs récits historiques liés par un fil ténu : il nous conte les tribulations de vingt « malchanceux » de l’histoire de France. Le livre, qui privilégie le Moyen Âge et la Renaissance, nous mène de Clotilde, veuve de Clovis, à Charlotte, éphémère impératice du Mexique, en passant par Louis le Pieux, Jacques Cœur ou Agrippa d’Aubigné. L’ouvrage nous rappelle des épisodes oubliés. Il nous en apprend d’autres. Mais vaut surtout par quelques belles pages et sa vision tragique de l’histoire – qu’est-ce d’autre que la malchance ? – où les hommes, humbles ou puissants, se retrouvent broyés par le sort, la conjonction des planètes, la folie qui les hante, la coalition imprévue des intérêts ennemis : tout ce qui fait que les choses se passent autrement que prévu. n T.G.
Répliques, revue d’entretiens autour du cinéma, n° 4, été 2014, 150 pages, 16 €.
Jean-Joseph Julaud, Les malchanceux de l’histoire de France, Cherche Midi, 220 pages,14,90 €
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 101
SIGNES DES TEMPS | LIVRES
HISTOIRE
Opération Chariot : le raid qui a redonné espoir aux Alliés
Les éditions Coop Breizh publient dans leur collection « Enquête » un travail d’investigation sur l’Opération Chariot. Ce raid britannique du 28 mars 1942 allait être un tournant dans la Bataille de l’Atlantique. On doit cette enquête à Jean-Charles Stasi, journaliste spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Il nous fait vivre au plus près, la préparation et l’action sur les eaux de l’estuaire de la Loire et les quais de Saint-Nazaire de ces héros ordinaires qui vont accomplir une opération extraordinaire. Comme le confiera Lord Mountbatten, responsable des Opérations combinées : « c’était le fait que cette mission ait été considérée par tous comme impossible qui l’a rendue justement possible ». Depuis les années 1950 on doit la plupart des livres sur l’Opération Chariot à des historiens et journalistes britanniques, exception faite du très bon livre de l’Irlandais James Dorrian1, qui n’est pas disponible en version française. Ce dernier a guidé JeanCharles Stasi dans son travail d’investigation au cœur des archives britanniques. Le style est alerte et le rythme nous rappelle que l’auteur est journaliste. Jean-Charles Stasi met en valeur l’exploit maritime de la Royal Navy qui va signer une véritable prouesse nautique en amenant le destroyer Campbeltown et les vedettes qui sont dans son sillage à bon port. La réussite de ce raid est liée à sa préparation dans les landes écossaises, au chantier naval de Devonport et dans les installations por102 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
tuaires de Cardiff et Southampton comme le rappelle Jean-Charles Stasi « dans une atmosphère fiévreuse mais bon enfant, mélange de bachotage et d’entraînement en vue d’une compétition sportive, les démolisseurs comme les membres des équipes d’assaut ou de protection répètent inlassablement les gestes qu’ils devront accomplir ». Ce raid va être la première lumière d’espoir pour les Britanniques après une série de catastrophes qui s’achève avec la chute de Singapour en février 1942. Le port de Saint-Nazaire est d’une grande importance pour les Allemands avec la forme Joubert, le plus grand bassin marin sur l’Atlantique capable de recevoir le redoutable cuirassé Tirpitz. Même si, comme le rappelle l’auteur, on sait aujourd’hui que le haut commandement allemand n’envisageait plus d’utiliser le Tirpitz dans l’Atlantique après le départ de Brest, en février 1942, des cuirassés Scharnhorst, Gneisenau et du croiseur lourd Prinz Eugen, le raid sur Saint-Nazaire se justifiait. Pour Jean-Charles Stasi « à la suite du raid, Hitler a en effet prélevé des troupes sur le front russe pour renforcer ses défenses à l’Ouest. Décision qui n’est pas étrangère à la victoire finale des Soviétiques sur leur théâtre d’opération ». Le livre est enrichi d’un cahier photos avec quelques clichés inédits dont la reproduction d’un croquis des installations de la forme Joubert transmis par la résistance nazairienne à Londres. Il y a très une forte probabilité que ce dessin soit l’œuvre d’André Batillat. Au sein du réseau créé par l’artiste et ethnologue René-Yves Creston2, cet architecte reproduisait des installations portuaires fournies par l’oncle de Creston qui avait d’importantes responsabilités à la Chambre de commerce. Ce document illustre l’importance du renseignement dans la préparation du raid. Dans sa conclusion, l’auteur insiste sur le fait que « l’on ne peut apprécier l’utilité de Chariot sans prendre en compte son impact psychologique. Si ce raid a tant marqué les esprits, en Europe occupée, mais aussi en Allemagne, c’est qu’il a porté un premier – mais sérieux – coup de canif à l’image d’invulnérabilité de la machine de guerre nazie ». n HUBERT CHÉMEREAU Jean-Charles Stasi, Opération Chariot L’incroyable raid qui redonné espoir aux Britanniques, Coop Breizh, 272 pages, 16 €.
1 James Dorrian est sans nul doute l’historien qui connaît le mieux l’Opération Chariot de l’intérieur ayant tissé des liens très étroits avec nombre de survivants des commandos et marins engagés dans ce raid. Saint Nazaire Operation Chariot - 1942 by James Dorrian, Pen & Sword Military, 2006. 2 Lire dans Place publique n° 11 « René-Yves Creston, une certaine idée de la Bretagne ».
LIVRES | SIGNES DES TEMPS
HISTOIRE
Les fusillés de 1943
vichystes amis des occupants. Qui démontrent aussi que l’oubli n’a pas été total, grâce aux commémorations organisées à la Bourse du travail par la CGT et la Fédération des déportés. Qui rappellent, encore, et la ligne ne plaira pas à tous, que la presse locale de ces années cinquante et soixante retrouve de bons vieux réflexes en occultant totalement ces manifestations de la mémoire. Qui montrent, enfin, le rôle d’historiens comme Alfred Gernoux dès 1946 puis, bien plus tard, de Jean Bourgeon, de Carlos Fernandez et du Comité du souvenir, en oubliant – décidément – celui de Didier Guyvarc’h.
Défaite militaire, victoire politique
Basilio Blasco Martin, Jean-Marie Bouvier, Eugène Le Parc, Marcel Bosquet… Ces quelques noms, parmi d’autres, sont une bonne manière d’entrer dans un livre remarquable par son extrême sobriété. Il s’agit de résistants fusillés à Nantes en 1943 et restés dans un parfait anonymat. Gaston Turpin, Georges Barbeau, Robert Douineau, Louis Bâle : autre manière d’entrer, avec quelques-uns des douze – parmi les cinquante victimes – qui ont donné leur nom à une rue de Nantes, Rezé, SaintSébastien, Bouguenais, ou encore à un groupe scolaire dans le cas d’un instituteur. La mémoire publique, très parcimonieuse sauf à Rezé. Marcel Duguy, Raymond Hervé, Louis Le Paih, Paolo Rossi encore : quatre parmi les vingt-quatre (il y en a en réalité au moins trois de plus…) qui ont donné leur nom à une cellule du Parti communiste français. Mémoire militante, dont il resterait, tâche bien difficile, à mesurer la durée : je puis témoigner n’avoir rencontré personne, dans les années 1970 déjà, qui puisse m’expliquer qui étaient certains d’entre eux. Il faut, pour une fois, commencer ce livre par la fin : les biographies très riches des 61 hommes et femmes « jugés » par les occupants allemands en deux procès, dits « des 42 » en janvier 1943 et « des 16 » en août de la même année. Exceptionnelle ouverture vers ce que furent, en Pays nantais, les résistants communistes d’alors, presque tous ouvriers, citadins, et jeunes. Vers ce que fut alors aussi la classe ouvrière, ensemble complexe de Nantais et d’immigrés venus de tout l’Ouest et de bien au-delà. Le seul regret que laisse ce livre est qu’on y trouve seulement esquissée, en conclusion, l’histoire de la mémoire, il est vrai accessible ailleurs et en particulier dans la thèse de Didier Guyvarc’h1. Quelques pages donc, qui montrent cependant l’inflexion très sensible de 1947, au temps de la Guerre froide et du retour au pouvoir municipal des
Restent, bien sûr, les 140 premières pages du livre : une analyse classique, solide, toujours maîtrisée de ce qui s’est passé à Nantes de 1941 à 1943 en matière de résistance communiste. Comment était organisée cette résistance, ce qu’elle a fait et ce qu’elle n’a pas réussi, comment l’État français et ses agents, la Municipalité aussi, et tout particulièrement la police avec son bras armé et parallèle du SPAC (Service de police anticommuniste) ont férocement lutté contre ces militants. Comment la presse, Le Phare de la Loire en particulier, s’est faite le relais servile de l’occupant, avant que les journalistes ne modèrent le ton après le double choc du débarquement allié en Afrique du Nord et de la victoire soviétique de Stalingrad, générateurs de bien des doutes sur l’issue finale de la guerre.Le spécialiste ne fera sans doute pas là de découverte, mais l’honnête lecteur aura ainsi accès, pour la première fois je crois, à une synthèse de ce qui demeure, avec l’affaire des Cinquante otages et les bombardements de septembre 1943, un des trois grands épisodes de la Seconde Guerre mondiale à Nantes. Agréable à lire qui plus est. Et source de judicieux rappels, ainsi à propos du rôle des femmes, toujours sous-estimé « y compris par elles-mêmes » (« je n’ai rien fait de particulier », dit une survivante…) ; ainsi à propos du local actuel des Archives municipales de Nantes, ancien commissariat central de la rue Garde-Dieu, lieu de torture de plusieurs dizaines de ces résistants qui, autre rappel salutaire, sont certes « jugés » et exécutés ou, pour quelques-uns et quelques-unes, déportés par les Allemands, mais traqués et torturés par la police française. Et Guy Haudebourg de ciseler très justement sa conclusion : ces résistants communistes ont subi une lourde et incontestable défaite militaire, mais ont remporté la victoire politique. n A.C. Guy Haudebourg, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple, Geste éditions, 293 p., 22 €.
1. La mémoire d’une ville. Nantes, 1914-1992, éditions du Septentrion, 1997.
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 103
SIGNES DES TEMPS | EXPOSITIONS
tique du décor et des personnages que leur réalisme. Des éléments de la peinture classique – mappemonde, coquillage – sont présents pour souligner son attachement à la tradition picturale mais aussi à son renouveau. « Car être dans la tradition ne veut pas dire imiter les anciens, mais bien s’exprimer fortement comme eux », écrit-il.
Celliers et pressoirs
De son enfance dans le vignoble, il a gardé le souvenir vif des celliers et pressoirs qu’il peint dans ses teintes de prédilection, bruns et ocres avec seulement quelques taches plus claires, chandelles posées sur une barrique laissant deviner un sol de terre battue. Tonalités sourdes, jeu subtil d’ombre et de lumière qui annoncent déjà sa méfiance pour des couleurs trop séduisantes. À l’instar de Courbet qu’il a découvert au musée de Nantes, La Patellière multiplie les scènes paysannes mais dans un style très personnel, excluant les gestes de labeur et l’utilisation réaliste des outils. Ce sont des scènes de repos où même la bêche est abandonnée contre un mur, où les animaux ne sont pas attelés. Un chien allongé, la tête sur les pattes fait référence à la peinture hollandaise tout comme le clair-obscur. D’ailleurs, les animaux sont présents dans nombre de toiles, traités de la même manière que les humains, ces derniers n’étant jamais idéalisés. Les visages sont dénués d’expression, les gestes sont éternels, l’ensemble de l’œuvre atemporel. Toujours, la composition prend le dessus et pourtant une grande humanité se dégage de ces personnages dont les mains fortes happent le regard. La main au poulet, La main près de la table, Le philosophe à la bouteille ou La conversation dans l’atelier, autant d’œuvres conçues en dédaignant les détails pour aller à l’essentiel du rythme, du temps suspendu. Main tendue ou geste d’offrande parlent d’absence et de mystère, de lutte et de générosité. La Patelière est animé d’une foi profonde qui s’exprime dans l’amour de la vie, de la vie des formes soumises à la dialectique entre ombre et lumière.
La vie réelle et la légende
Pourtant, comme le note Blandine Chavanne dans le catalogue, les sujets d’inspiration religieuse ou mythologique sont rares dans l’œuvre d’Amédée de La Patellière. Elle le cite : « La peinture doit porter la vie réelle qui nous entoure sur le plan de la légende. » En effet, dans L’Enlèvement d’Europe au coquillage, Europe est une paysanne en sabots et le taureau n’est pas plus déifié que les vaches représentées dans les scènes rustiques. L’arrière plan est toujours indistinct, à peine devine-t-on ce qui serait le consentement d’Europe à son enlèvement. Cette adaptation d’un sujet légendaire n’est qu’un prétexte pour affirmer encore l’harmonie entre l’homme, les animaux et la nature. Tout au moins ce qu’elle devrait être. Une harmonie que La Patellière devait tant appeler de ses vœux durant la guerre. Le 130 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
Portrait de Claude Crussard, 1920 © Ville de Nantes Musée des Beaux-Arts Photographie : C. CLOS
traumatisme de cette période lui fait adopter une palette sombre pour décrire un monde étrange oscillant entre réalisme et onirisme. Les baigneuses à Bandol, grande toile surprenante qui devrait par son titre suggérer insouciance et gaîté n’a rien de paisible. Les baigneuses semblent engluées dans une mer lourde sous un ciel crépusculaire, pétrifiées dans leurs mouvements. Leurs mains se tendent comme pour s’extraire de la gangue. Les tranchées et la boue seraient-elles toujours présentes à l’esprit du peintre ? Car son univers est peuplé de soleils noirs, d’orages, d’éclipses, de comètes, d’orbites vides et de portraits tourmentés. Les nombreux dessins, sanguines et fusains témoignent d’une grande liberté dans le tracé, d’un sens très sûr de la construction et de l’équilibre. Leur présentation sur une tapisserie telle une tenue de camouflage peut néanmoins surprendre. Le parti pris s’explique : c’est en 1914 que Louis Guingot inventa le camouflage militaire avec ses couleurs vertes et brunes, celles que La Patellière privilégia. Cet œuvre trouve un étrange écho avec la peinture figurative et allégorique de l’artiste contemporain Georges Garouste qui se nourrit lui aussi des grands maîtres anciens pour revisiter la Bible ou la Divine Comédie. C’est dire qu’Amédée de La Patellière, artiste inclassable, est véritablement inscrit dans la modernité. n DANIELLE ROBERT-GUÉDON Amédée de La Patellière. Les éclats de l’ombre. Musée des beaux-arts. Chapelle de l’Oratoire. Jusqu’au 25 janvier
EXPOSITIONS | SIGNES DES TEMPS
Pour ouvrir les regards Nul doute que cette exposition ébranlera plus d’un spectateur, tant, si nous écoutons Pessoa, « ce que nous voyons n’est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes. » C’est bien cela que pointent Jean-Jacques Lebel, Alain Fleischer et Danielle Schirman, tous trois accoutumés au questionnement sur le statut de l’image et persuadés de la nécessité pour un artiste aujourd’hui de faire irruption dans le monde de l’art pour déciller les yeux, pour ouvrir les regards.1 Figure emblématique d’une génération d’artistes qui a contribué à la « révolution culturelle » dans les années 1960, Jean-Jacques Lebel, à l’origine de cette exposition, s’est toujours attaché à concilier démarches artistiques, philosophie de vie et expérimentations collectives. Dans cette optique, il a convié ses amis à présenter l’irreprésentable, c’est-à-dire la violence, la mort, le sexe et l’effroi2.Mais aussi hallucinations, fantômes, censure et mensonges. L’exposition s’articule autour d’une œuvre créée en 1960, Grand tableau antifasciste3, en réaction aux tortures perpétrées en Algérie. Tableau qui fut, lors d’une exposition en 1961 à Milan, confisqué par les autorités
italiennes et mis sous séquestre durant vingt-six ans « pour offense contre la figure et le prestige du pape Jean XXIII et insulte publique à la religion de l’État » avant d’être restitué. (Cette œuvre, aujourd’hui en dépôt au musée des beaux-arts de Nantes préfigure le Fonds de dotation des œuvres de la collection de Jean-Jacques Lebel qui seront exposées à la réouverture du musée.) Les traces de pliures, opérées par les carabiniers lors de la confiscation, sont encore visibles et font sens autant que la genèse de l’œuvre. Plus loin, avec Les revenants du hangar à bananes, Jean-Jacques Lebel a voulu rendre hommage aux esclaves noirs que l’on remplaçait, sitôt débarqués des cales, par les régimes de bananes. C’est une installation légère, constituée des fameuses boîtes de chocolat « y’a bon banania » et de deux figurines aussi souriantes que mensongères. Jean-Jacques Lebel s’interroge avec humour et sérieux sur la persistance du mythe de Vénus à travers les siècles. Pendant des années, il a collecté des images de femmes, depuis la préhistoire avec la Vénus de 1. Jean-Jacques Lebel interviewé par Claire Moulène, le 29 nov 2009 pour les Inrocks 2. Le sexe et l’effroi. Pascal Quignard, 1994, éditions Gallimard. 3. Jean-Jacques lebel, Enrico Baj, Roberto Crippa, Gianni Dova, Errò, Antonio Recalcati : Grand tableau antifasciste collectif
Jean-Jacques Lebel, Les Avatars de Vénus, 2007-2011 Vidéo installation composée de quatre écrans transparents disposés en cube ouvert sur lesquels sont projetés quatre séquences d’images en mouvement d’inégales longueurs. Édition de la Fondation Antoine de Galbert, La Maison rouge © Mamco, Ilmari Kalkkinen. © ADAGP, Paris, 2014
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 131
SIGNES DES TEMPS | LA CHRONIQUE D’ARCHITECTURE DE DOMINIQUE AMOUROUX
Herman-Sigwalt : coller les références
Karine Herman et Jérôme Sigwalt, eux, précipitent simultanément plusieurs références à la rencontre les unes des autres pour édifier le nouveau théâtre de Saint Nazaire. La pertinence de cette approche largement pratiquée depuis deux décennies vaut par le choix judicieux des références et par la pertinence de leur traduction. Les deux architectes choisissent ici comme point de départ la figure très 19e siècle du théâtre : une façade un peu grandiloquente abrite une salle à l’atmosphère rougeoyante. Ils en tirent une forme qui diffuse une ambiance chaleureuse dans un quartier plutôt austère. Mais, dans cette ville de tradition ouvrière, le point de départ n’aurait-il pas plutôt dû être celui de la conception des théâtres des années 1950-1965 où les salles se sont dépouillées, les scènes ouvertes, les gradins répartis ? Et pourquoi ne pas affronter la question d’une mise en forme actuelle de ces espaces qui accueillent culture et divertissement, musique, théâtre et danse, symphonie et lecture ? Faute de s’emparer de cette question, le propos ne parvient pas à se constituer. Ainsi, selon les architectes, leur béton ferait référence à celui de la célèbre base sous-marine. On imagine aisément ce que Claude Parent ou l’agence RCR auraient tiré d’une telle proximité… La vêture de bois de châtaigner qui habille les deux volumes connexes à la grande salle aurait été choisie en référence aux amas de palettes visibles sur les quais. Le port de Saint-Nazaire semble être plutôt réputé pour les pièces métalliques herculéennes destinées à la construction navale, des silos et des pipelines et éventuellement des conteneurs. On mesure quel gisement de matériaux pour l’architecture ils constituent… L’attribution à cette réalisation du prix du public clôt par anticipation le débat du jury sur ces questions.
Au départ, un simple hangar agricole…
Angélique Chédemois : citer sa référence
L’héritage ouvre sur une réalisation familiale : les parents se font promoteurs, Angélique Chédemois, leur fille, applique son talent d’architecte et le fils son savoir-faire de charpentier. Le point de départ est un hangar agricole à deux pentes de toiture, clos de parpaings et de tôle ondulée que l’on entreprend de reconvertir en logements. Mais, le chantier révèle la faiblesse de la charpente en bois qu’il faut reconstruire… à l’identique. Ajouté aux espaces intérieurs lumineux, aux panneaux photovoltaïques et à l’enthousiasme des parents, le fait que ce volume, bardé de bois noir, s’inscrive dans la lignée des salorges, fait attribuer à cette réalisation le Prix de la première œuvre.
Le théâtre de Saint-Nazaire a obtenu le prix du public.
136 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
LA CHRONIQUE D’ARCHITECTURE DE DOMINIQUE AMOUROUX | SIGNES DES TEMPS
Phytolab : une dernière fois, la mer
Un stade d’athlétisme indoor à deux pas du campus de Nantes.
La catastrophe comme catalyseur de l’aménagement paysager ? Le long travail de remise en état des espaces souillés par la marée noire de 1999 s’achève. Il aura permis à Phytolab, l’agence chargée de conduire ces travaux, parfois avec l’aide d’architectes dont l’agence Forma 6, d’apporter une indéniable qualité à ce type d’intervention. L’aménagement de la frange côtière de La Bernerie-en-Retz l’atteste. Le jury le confirme par l’attribution du prix d’aménagement. Le texte du catalogue de l’exposition itinérante qui prolonge le prix, souligne d’ailleurs ce fin traitement des différentes composantes du projet : « Le cheminement de bois parcourt la plage au gré des irrégularités des murs de soutènement des jardins de villas, dont il s’éloigne pour laisser se développer une bande végétalisée d’oyats et de cyprès de Lambert, en lien avec les parcs des villas. Par places, le platelage de bois s’élargit, se fait bancs ou banquette abritée par une pergola de métal, s’épanouit en jeux pour les enfants. Les escaliers et venelles descendant du bourg se parent de murets de pierre. Des ganivelles entourent les oyats, protègent les accès aux jardins. Les teintes de la pierre rousse et du bois grisé dominent, discrètement ponctuées d’acier galvanisé et d’inox ».
Jean Guervilly : la fascination de la grande dimension
Couvrir un hectare au sol : tel était le volume à construire pour accueillir des manifestations d’athlétisme indoor significative. Implanté sur le campus nantais, en léger contrebas de la rue du Fresche-Blanc et du boulevard Guy-Mollet, le Stadium métropolitain Pierre-Quinon réunit un anneau de course aux virages relevés, des pistes de saut, de course et de lancer, une coursive centrale, des gradins pour 532 spectateurs, des aires de saut, des espaces dédiés aux sports collectifs, une salle de musculation, des vestiaires et divers locaux. Dessiné par Jean Guervilly, le stade présente une enveloppe extérieure lisse en aluminium et verre, douce aux regards et d’amples espaces intérieurs baignés par la lumière naturelle diffusée à travers les sheds que supporte une structure intérieure laquée de blanc. Ce monument discret séduit par ses dimensions, la relation visuelle établie entre l’intérieur et l’extérieur, l’atmosphère des aires sportives et par le soin apporté aux détails.
Un long travail de remise en état des espaces souillés par la marée noire.
JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 137
CONTRIBUTIONS
141 GUY BAUDELLE GÉOGRAPHE NANTES ET LE RAIL EN 2040 : CINQ SCÉNARIOS
145 DOMINIQUE HERVOUËT HANDICAP : LE PARCOURS DE LA COMBATTANTE
149 JEAN RENARD GÉOGRAPHE PROSPECTIVE : QUAND L’ESTUAIRE S’IMAGINAIT EN RHUR DU 21E SIÈCLE…
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Nantes et le rail en 2040 : cinq scénarios GUY BAUDELLE > GÉOGRAPHE
RÉSUMÉ > La Ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes en construction n’est qu’un des grands projets ferroviaires dont l’Ouest est le théâtre. Les défis sont considérables, en particulier pour Nantes dont la liaison avec Paris va souffrir dans l’immédiat de la comparaison avec Rennes. Pourra-t-elle cependant tirer profit des différents investissements envisagés ? Des géographes ont mené une étude prospective des enjeux d’aménagement pour Bretagne et Pays de la Loire à l’horizon 2040. Résumé des cinq scénarios1.
La Ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire en cours d’aménagement fera gagner 37 minutes entre Paris et Rennes, abaissant la durée du trajet à 1 h 26, soit une notable différence avec le temps nécessaire depuis Nantes qui ne bénéficiera que d’un gain de 8 minutes (2 h 04). D’autres chantiers sont en cours pour diminuer les temps de parcours vers Brest et Quimper. Plusieurs autres projets ferroviaires sont en outre envisagés, dont une desserte LGV de NotreDame-des-Landes (l’aéroport du Grand Ouest), sans certitude toutefois de réalisation. Réseau Ferré de France (RFF), propriétaire des infrastructures ferroviaires, a sollicité une équipe universitaire pour construire des scénarios d’accessibilité ferroviaire et de développement territorial pour la Bretagne et les Pays de la Loire d’ici 20402. 1. Guy Baudelle, Ingrid Brugioni, Arnaud Lepetit, L’Ouest et le rail. Enjeux et prospective, Presses universitaires de Rennes. 159 p. tout en couleur, 20 €. 2. Ont contribué à l’ouvrage : Loïc Avry (laboratoire ESO-Rennes), Bernard Fritsch (université de Nantes), Lionel Prigent (université de Bretagne occidentale), Florence Gourlay et Ronan Le Délézir (université de Bretagne Sud).
Trois enjeux majeurs et cinq scénarios
La réflexion sur les conséquences possibles de ces projets a cerné trois défis majeurs : • la compétitivité, c’est-à-dire l’aptitude à résister à la concurrence : l’accessibilité est une condition nécessaire (mais non suffisante) du développement territorial ; • l’environnement : pas de développement durable sans prise en compte de l’écologie ; • le territoire : pas non plus de développement durable sans cohésion territoriale, attentive aux équilibres géographiques. Ces trois enjeux identifiés ne sont pas toujours compatibles entre eux. La compétitivité par exemple exige la vitesse, incompatible avec la desserte fine de chaque territoire. Les cinq scénarios tirent plus ou moins vers l’un de ces objectifs. Ils montrent que la place que Nantes est appelée à tenir d’ici à 2040 dépend des futurs souhaitables que les acteurs voudront bien définir et mettre en œuvre d’ici là.
GUY BAUDELLE est géographe, professeur d’aménagement de l’espace et urbanisme à l’université de Rennes 2 (UMR 6590 CNRS). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes.
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CONTRIBUTION | HANDICAP : LE PARCOURS DE LA COMBATTANTE
de loisirs – ont l’obligation d’accepter les enfants en situation de handicap, quelle que soit la nature de celui-ci. En deux jours, toutes les solutions étaient trouvées : la halte-garderie du Chêne Gala accepta d’accueillir Marine le lundi matin. En deux minutes, la responsable du périscolaire accepta Marine en accueil périscolaire du soir dans le groupe de maternelle de l’école Salengro. L’association Loisirs Pluriel accueillait Marine durant les petites vacances scolaires et le mois de juillet, mais affichait complet les mercredis après-midi. Je réaménageai mes horaires afin de me libérer sur ce temps-là, je ne connaissais pas encore Handisup. Cette organisation a tenu deux ans, mais, en progressant en âge, Marine demandait davantage d’attention. Elle avait 6 ans. Nous avions atteint la limite de l’exercice.
La nécessité de l’aide humaine
Le maintien de l’accueil en périscolaire et le passage dans le groupe des primaires étaient désormais conditionnés à la mise en place d’une aide humaine aux côtés de Marine. Laurence, responsable du périscolaire de maternelle, m’invita à me rapprocher d’une toute jeune association rezéenne : Handicap Loisirs et Scolarité. L’association était spécialisée dans l’accompagnement des enfants en situation de handicap. Elle fusionnera, quelques années plus tard, avec Handisup. Marine fut l’une des premières à bénéficier de cet accompagnement humain. Ainsi, depuis huit ans, par son intervention, Handisup permet à Marine de vivre pleinement la vie ordinaire d’une enfant de son âge, élargissant considérablement les circonstances d’inclusion en milieu ordinaire : accueil sur les temps de centre de loisirs, participation à des minicamps de vacances, ou encore sorties au zoo, au cinéma ou à la piscine. L’accompagnant est un médiateur qui apporte des clés de compréhension par des réponses simples à des questionnements ordinaires. Marine, par sa nature très solaire et son charme, a su, dès le plus jeune âge, tisser des liens avec les enfants et les adultes de ce monde ordinaire qui ne l’attendait pas. Leur action commune a contribué à faire évoluer le regard de certains enfants à l’égard du handicap, comme celui de cette étrange fillette. Marine et moi assistions à un concert donné dans la cour de récréation de l’école, quand tout à coup une petite fille 148 | PLACE PUBLIQUE | JANVIER-FÉVRIER 2015
maigrelette se retourna, et s’exclama en regardant fixement ma fille : « Ça fait peur ! » Je rétorquai calmement : « Elle ne peut pas marcher, c’est pour cela qu’elle est en fauteuil, mais tu sais, ça ne fait pas peur. » Et elle de réaffirmer avant de se retourner : « Si, ça fait peur ! » Deux ans plus tard, par une belle fin de journée ensoleillée, je venais chercher Marine au périscolaire, quand soudain des rires de petites filles attirèrent mon attention. La petite fille maigrelette poussait joyeusement le fauteuil de Marine. La peur avait laissé place à une grande complicité…
L’adolescence, un nouvel enjeu à ne pas manquer !
À l’entrée de l’adolescence, ce rôle de médiation va encore s’élargir pour permettre à Marine de se construire hors de la présence parentale, à travers ses propres choix, ses relations amicales et amoureuses. Sortir de chez soi et partir à l’aventure pour s’autoriser une sortie au cinéma, ou prendre juste un verre, ne va pas de soi, comme j’ai pu le constater en écoutant certains jeunes de l’IEM de La Marrière où se trouve désormais Marine. Les parents témoignent de leur impuissance face au rejet, bien naturel, dont ils font l’objet de la part de leurs ados. L’intervention d’un accompagnant professionnel, qui connaît parfaitement les ressorts du handicap, me semble primordiale, sous peine de conduire ces jeunes peu à peu dans l’exclusion sociale. Un vrai défi en zone rurale ou périurbaine. Le handicap n’est qu’une partie de l’équation, il ne représente pas l’individu tout entier. Il l’empêche seulement de voler de ses propres ailes. n
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Prospective : quand l’estuaire s’imaginait en Ruhr du 21e siècle… JEAN RENARD > GÉOGRAPHE
RÉSUMÉ > On prévoyait que l’estuaire deviendrait la Ruhr du 21e siècle. Mais on n’avait pas anticipé l’arrivée du TGV ni le développement de la façade balnéaire. Les exercices de prospective menés au temps des Trente Glorieuses font planer le doute sur ceux pratiqués aujourd’hui, même si les manières de faire ont changé.
« Pour faire de la prospective, il faut d’abord regarder le passé » Pascal Boniface, Futuribles, n° 401, juillet 2014
Scientifiques, élus et simples citoyens, se mobilisent depuis quelques années pour envisager le futur des territoires, et ce à toutes les échelles géographiques. Il s’agit là d’un exercice qui revient de façon récurrente. L’opération « Ma ville demain » est à Nantes la réflexion la plus récente en ce domaine, mais la révision du Scot (Schéma de cohérence territoriale), l’avenir de Saint-Nazaire, les évolutions des communes du littoral, ou encore les interrogations sur le découpage régional offrent d’autres exemples. Certes, la prospective se défend de prévoir l’avenir. Elle cherche plutôt à imaginer des évolutions possibles à partir d’un examen de l’état des lieux, des tendances lourdes et de l’émergence de signaux faibles. Il n’empêche, elle tend à dessiner notre futur. Aux temps lointains de la croissance et des Trente Glorieuses, la Datar (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale), sous la houlette d’Olivier Guichard, avait multiplié ce type de recherches, dessinant à vingt et à trente ans les évolutions souhaitables
des territoires, des activités et des populations. Cela se traduisait par les Sdau (schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) et les Sdaam (schéma directeur d’aménagement de l’aire métropolitaine) pilotés alors par les services de l’État. Dans la région nantaise une structure d’études et de réflexions avait été mise en place par le préfet le 20 mai 1966. Il s’agissait de l’Oream (Organisme régional d’étude et d’aménagement d’aire métropolitaine), peuplée d’experts et de fonctionnaires chargés d’imaginer le futur de l’estuaire et de la métropole dite d’équilibre Nantes/Saint-Nazaire reconnue peu avant. Trois cellules composaient l’Oream : un groupe permanent d’études dirigé par un fonctionnaire d’État ; un comité technique composé des responsables des services techniques et présidé par le préfet ; enfin une commission de coordination où se retrouvaient élus et représentants des Chambres de commerce et d’agriculture. L’État et ses services étaient maîtres d’œuvre.1)
JEAN RENARD est géographe. Rapporteur général du Conseil de développement de Nantes Métropole, il a aussi été conseiller à la Datar. Il a notamment publié ces dernières années Nantes à la croisée des chemins, Presses universitaires de Rennes, 2008, et Les campagnes nantaises1960-2010, un demi-siècle de révolutions sociales et paysagères, Presses universitaires de Rennes, 2012.
1. Sur le rôle de l’Oream et ses visions prospectives, lire « Quand Nantes/Saint-Nazaire rêvait à l’an 2000 », Place publique n° 26, mars-avril 2011, un article de Philippe Le Pichon, qui fut lui-même chargé d’études à l’Oream.
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Vient de paraître
Situé à l’est de Nantes, ce quartier fut longtemps celui des maraîchers qui y cultivaient carottes, salades et petits pois. Aujourd’hui intégré dans l’agglomération, le quartier Bottière-Chénaie reste un morceau de campagne en ville : une fidélité aux origines mais aussi la volonté de promouvoir un habitat durable. Épousant la géographie du site, bien relié au reste de la ville, le quartier est un exemple de densité intelligente et d’attention portée à la nature. Il offre aussi toutes les facettes de l’urbanité : école, médiathèque, commerces, espaces publics, vie associative naissante… Ce hors-série de la revue Place publique retrace l’histoire du quartier, décrit l’ambition des élus et des urbanistes, fait témoigner les habitants et les commerçants. Il a été rédigé par Philippe Dossal, journaliste indépendant, collaborateur régulier de Place publique, et par Emmanuelle Morin, de l’agence Double Mixte.
En vente en kioque et en librairie au prix de 5 €
INITIATIVES URBAINES
154 Marc Dumont Projets urbains
INITIATIVES URBAINES
PROJETS URBAINS > MARC DUMONT MARC DUMONT est professeur en urbanisme et aménagement urbain à l’université Lille I Sciences et technologies. Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes. À travers ces projets urbains d’ici et d’ailleurs, il partage sa veille des innovations insolites, surprenantes et toujours instructives.
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Les friches, c’est tendance ! Dans un contexte de récession économique imposant de faire mieux avec moins, les friches représentent des espaces stratégiques d’invention de nouvelles manières de faire. En témoigne le projet « SaintSo », quasiment au centre-ville de Lille. Ce site fait actuellement objet d’une vaste réflexion d’aménagement prolongeant les deux premiers actes majeurs de sa reconquête : la réouverture de la gare Saint-Sauveur (désormais lieu culturel d’exposition, de spectacle et de sport) et la création du parc Jean-Baptiste Lebas. Récemment, au terme d’un dialogue compétitif, les acteurs publics ont donc retenu les propositions de « plan-guide » de l’équipe de l’urbaniste danois Jean Gehl. Celui-ci sera en charge, sur 23 hectares, d’une programmation de 200 000 m² de logements, 50 000 m² de bureaux et 30 000 m² de commerce. Les propositions stimulantes de l’urbaniste sont fortement inspirées des villes nordiques. Le secteur nord concentrerait l’effervescence de la vie festive et artistique du site autour de petites unités de vie publique constituées par l’entremêlement d’espaces publics, de petits commerces et de lieux alternatifs et culturels. La partie sud sera davantage réservée à l’habitat, avec un maillage de rues et de petites places visant à constituer des espaces propices à de véritables relations de voisinage, à échelle humaine. Élément phare de ces deux parties, le cours, une promenade publique s’étendant comme une colonne vertébrale du parc Jean-Baptiste Lebas au futur Jardin de la Vallée. Une des originalités de ce plan-guide est d’inviter les habitants de manière ludique à réadapter, certes, à la marge, la maquette du projet réalisée en Lego. Les chantiers, accélérés par l’accueil par la ville de l’Euro 2016, devraient démarrer en 2017.
INITIATIVES URBAINES
Non loin de là, à Fives, dans les faubourgs de la ville, en plein cœur d’un tissu urbain déjà bien dense, les locaux de l’usine Fives Caill vont être transformés sous l’égide de Djamel Klouche, architecte du projet. Emblème d’une histoire industrielle désormais révolue, le site de 17 hectares proposera 1 000 logements, une piscine, un lycée hôtelier et un petit parc de 5 ha, tout en conservant certaines structures emblématiques de halles à l’image de celles du projet de l’Île de Nantes. On retrouve trait pour trait la même démarche dans l’impressionnant projet de reconversion de l’usine de Battersea à proximité de la Tamise à Londres, véritable ville dans la ville où vont œuvrer Franck Guery et Norman Foster en vue d’y faire émerger un nouveau quartier d’ici 2025.
rie comme toujours très compétitifs. Le manque à gagner de la société d’économie mixte en charge de la gestion de ces parkings, sera couvert pendant un an par la collectivité pour un montant d’environ 500 000 euros. Dans un autre univers culturel, la ville de Lévis, au Québec, est en train de mettre en place une voie réservée au covoiturage sur l’autoroute 20, complétée par une voie centrale réservée aux bus.
Grands et petits parcs urbains
Mobilité : des idées et choix ingénieux
Trois toutes petites initiatives mais significatives à souligner dans le monde de la mobilité. Caen vient ainsi d’enterrer définitivement le tramway sur pneu pour le remplacer par un tram sur fer, suite au changement d’équipe municipale et aux innombrables déboires de l’équipement sur pneu ces deux dernières années. Le choix finalement posé est celui de compléter le changement de matériel par la réalisation d’une ligne courte de tramway plutôt que de BHNS, pour desservir le secteur de la Presqu’Île. La ligne arrivant dans ce grand projet phare de l’agglomération sera donc prolongée lorsque les conditions des finances publiques seront plus favorables. Caen s’est aussi associée à cette occasion à Amiens pour faire de l’achat groupé de rames, manière ingénieuse pour les acteurs publics de faire baisser le coût des investissements portant sur les lignes de transport en commun. Autre mesure intéressante, la ville de Reims a décidé de proposer la première heure de parking gratuite dans tous ses équipements de stationnement souterrains. L’objectif, par cette mesure incitative, est de donner envie aux habitants de revenir en centre-ville et de favoriser son attractivité menacée par les équipements de périphé-
Autre secteur en pointe d’un urbanisme plus modeste, les parcs urbains. Le « Tégéval » est une coulée verte réservée aux piétons et aux vélos. Il devrait relier sur près de 20 kilomètres de long les villes de Créteil et Santeny, en région parisienne, en traversant trois départements et huit communes. Sa principale originalité tient au fait qu’elle est systématiquement reliée aux transports en commun tout au long de son parcours (RER A, réseau bus, métro ligne 8 etc.). Derrière ce projet d’armature verte et de mobilité, les acteurs publics dont au premier plan la Région Île-de-France, souhaitent dépasser les effets de coupure induits par la réalisation des interconnexion des lignes à grande vitesse. À New York, sur les rives de l’Hudson, à l’emplacement des anciennes jetées des docks (jetée 54 et 56), le Pier 55 se dessine actuellement sous l’égide de l’architecte anglais Thomas Heatherwick, mêlant des salles de spectacles, des espaces dédiés aux arts avec des réserves aquatiques et des espaces végétaux en suspension au-dessus du fleuve, sur pilotis. Une manière comme une autre de donner une nouvelle vie à ces espaces délaissés. Le nouveau parc du Heyritz, à Strasbourg, reprend lui aussi ce principe de jardins flottants et d’habitats pour la faune et la flore, pour doter la ville d’un bel espace vert, liant le quartier du Heyritz avec le nouvel hôpital JANVIER-FÉVRIER 2015 | PLACE PUBLIQUE | 155
L’AGENDA
LES REVUES URBAINES AUJOURD’HUI À l’occasion de la prochaine parution de son n° 50, Place publique organise une rencontre entre revues urbaines. Y seront représentées les revues Urbanisme (Antoine Loubière), Métropolitiques (Charlotte Vorms), CamBo (Jean-Marc Offner), M 3 (Pascale Fougère), Tous urbains (Philippe Panerai), Place publique Nantes/Saint-Nazaire (Thierry Guidet). La rencontre sera animée par Laurent Devisme et Jean-Louis Violeau, enseignants-chercheurs dans les Ensa de Malaquais et de Nantes, et tous deux membres du comité de rédaction de Place publique. Le compte rendu de cette recnontre sera publié dans notre prochain numéro. > Jeudi 15 janvier, à 15 h, à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais, 1, rue Jacques-Callot, 75006 Paris. Entrée libre.
QUESTIONS PUBLIQUES
QUESTIONS PUBLIQUES LE DÉPARTEMENT DANS LA GRANDE GUERRE
CHRISTOPHE CLERGEAU / ERWAN LECŒUR : ÉCOLOGIE ET POLITIQUE Christophe Clergeau, le premier vice-président (socialiste) de la région des Pays de la Loire et le sociologue Erwan Lecœur (proche des écologistes) viennent de publier un livre d’entretiens (lire le compte rendu, p. 113), Écologie et politique. Le progrès peut-il être durable ? (éd. de l’aube). Quel avenir pour l’alliance entre socialistes et écologistes ? Le désaccord sur Notre-Dame-des-Landes est-il insurmontable ? La notion de progrès a-t-elle encore un sens ? Quelles leçons peut-on tirer au plan national des politiques menées localement ? Tous deux poursuivront de vive voix le débat qu’ils ont entamé dans le livre. Questions publiques est un cycle de rencontres co-organisées par le Conseil de développement de Nantes Métropole, le CCO et Place publique. > Lundi 2 février à 18 h au CCO, tour Bretagne à Nantes. Entrée libre.
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Expositions, conférences, mémorial virtuel La Loire-Atlantique fait un effort de mémoire tout particulier pour le centenaire de la Grande Guerre. Plusieurs soirées seront organisées en partenariat avec Place publique. Le monde entier en Loire-Inférieure. La mondialisation du conflit a fait de la Loire-Inférieure un département ouvert comme jamais à l’étranger : réfugiés belges et contingent américain débarqué à Saint-Nazaire, Écossais défilant en kilt, Sikhs coiffés de leur turban, ouvriers venus d’Asie, prisonniers allemands… Avec Alain Croix, professeur émérite à l’université Rennes 2 et membre du comité de rédaction de Place publique. > Jeudi 8 janvier à 18 h 30 à l’Hôtel du département. Entrée libre. Une armée de citoyens. Avec la mobilisation de 8 millions d hommes, la Grande Guerre marque l apogée du système né avec la Révolution : tout Français doit être soldat par devoir. Sous la Troisième République, la caserne était devenue avec l école une véritable fabrique de citoyens. Avec Yann Lagadec, maître de conférences à l université Rennes 2 > Mercredi 4 février à 18 h 30 à l’Hôtel du département. Entrée libre. Programme complet : 14-18.loire-atlantique.fr
UN DIALOGUE ENTRE PIERRE BERGOUNIOUX ET PHILIPPE COGNÉE Pierre Bergounioux est l’une des voix essentielles de la littérature contemporaine en France. La Maison de la Poésie de Nantes propose deux soirées autour de son œuvre multiple : > jeudi 22 janvier au Pannonica, une soirée de lectures et un entretien avec l’auteur animé par Jean-Claude Pinson, précédée mercredi 21 janvier au Lieu Unique, d’une projection du documentaire d’Henri Colomer Vies métalliques, rencontres avec Pierre Bergounioux (2012, 52 minutes) et d’une conversation entre l’auteur et l’artiste nantais Philippe Cognée. Pierre Bergounioux a écrit de nombreux récits ou essais d’ordre philosophique, autobiographique, historique ou sociologique, principalement publiés chez Gallimard, Fata Morgana ou Verdier. Au travers d’un usage du langage d’une extrême justesse et d’une grande exigence, il aborde les thèmes de l’enfance, du temps, de la mémoire. Il entame en 1980 l’écriture de Carnet de notes (trois tomes aux éditions Verdier), récit autobiographique qui témoigne sans fard du quotidien, et auquel son auteur propose de se référer avec du recul pour accéder à une « compréhension plus exacte de cette étrange affaire que c’est de vivre ». Pierre Bergounioux nourrit une passion pour la sculpture, en particulier le matériau métallique. Il trouve son inspiration en récupérant dans les casses des épaves du monde industriel et agricole. Donner une vie seconde à d’obscures destinées oubliées « au fond des vallées du temps », c’est le propos de toute son oeuvre, et c’est celui du film d’Henri Colomer Vies métalliques, rencontres avec Pierre Bergounioux. La projection du film sera suivie d’un échange entre Pierre Bergounioux et Philippe Cognée sur leurs pratiques artistiques et leur proximité fructueuse, dont témoigne notamment Peindre aujourd’hui, Philippe Cognée (éditions Galilée, 2012). Ils viennent par ailleurs de signer ensemble le livre Mouche (Tarabuste, 2014). Philippe Cognée peint des scènes quotidiennes, objets manufacturés, allées de supermarché selon une technique de floutage qui transcende leur banalité, restituant des impressions plutôt que des visions. Il affirme ainsi le renouveau d’une certaine figuration. Place publique a d’ailleurs publié dans son n° 40 une de ses œuvres représentant le tour Bretagne. Jean-Claude Pinson, membre du comité de rédaction de Place publique a enseigné la philosophie esthétique à l’université de Nantes. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres (poésie et essais). > Mercredi 21 janvier, 20h, Lieu Unique, salon de musique. Gratuit > Jeudi 22 janvier, 19 h 30, Pannonica, 9, rue Basse-Porte, Talensac, Nantes. Entrée : 3 € / abonnés et demandeurs d’emploi : gratuit.
NAPOLÉON ET LIONEL JOSPIN AU PROGRAMME DE NANTES-HISTOIRE
De « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » au « Je vous ai compris » gaullien en passant par « L’État, c’est moi » de Louis XIV, nous avons tous en tête quelques-unes de ces phrases célèbres qui rythment notre histoire et aident à constituer un ensemble de points de repère historiques commun à beaucoup de citoyens et citoyennes. Le problème est que certaines de ces phrases sont inventées, parfois bien longtemps après les faits. Au point que certains historiens parlent de notre « roman national ». Cette « légende française » est l’objet du cours public 2014-2015 de Nantes-Histoire – le vingt-huitième ! Il s’agira de réfléchir au sens de cette mémoire collective, d’y faire la part du réel et du mythique, de montrer comment la mémoire, avec ses déformations, prend parfois le relais de l’histoire. > Lundi 5 janvier, Napoléon, De la guerre de libération à la guerre de conquête (1792-1815) ? avec Lionel Jospin, auteur du Mal napoléonien (Seuil). > Lundi 12 janvier, Églises et hérésies au Moyen Âge, avec JeanLouis Biget, professeur émérite à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud. > Lundi 19 janvier, La construction de la Bretagne, avec Jean-Michel Le Boulanger, maître de conférences à l’université de Bretagne-Sud. > Lundi 26 janvier, La gestion de l’après-guerre (1918-…), avec Stanislas Jeannesson, professeur à l’université de Nantes. Salle Bretagne, 23 rue Villebois-Mareuil à Nantes à 18 h 15. L’adhésion annuelle à l’association (15 €) donne l’accès gratuit au cours. Hors adhésion : 3 € chaque séance. Gratuit pour les étudiants de moins de 25 ans. www.nantes-histoire.org
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PROCHAIN NUMÉRO
PLACE PUBLIQUE # 50 PARUTION LE 7 MARS 2015
DOSSIER
Place publique fête son numéro 50 Une fois n’est pas coutume, c’est de Place publique que nous allons parler dans ce numéro 50. Pas pour nous regarder le nombril, mais parce qu’au seuil de notre neuvième année d’existence, au bout de cinquante numéros et de 8 000 pages, nous avons cru bon de faire le point et de mesurer le chemin parcouru. - Une revue urbaine, pour quoi faire ? Un débat avec nos collègues d’Urbanisme, Tous urbains, Métropolitiques, M 3 et CamBo. - Cinquante personnalités témoignent de leur rapport avec Place publique. - L’index de tous les sujets traités dans la revue ; la liste de tous ceux qui s’y sont exprimés et de tous les artistes, penseurs, écrivains dont les œuvres et les travaux ont été évoqués dans nos colonnes - Quels sont les autres lieux de discussion publique dans la métropole ? - Un regard sur d’autres exemples de revues nantaises dans un passé proche ou lointain.
n° D’ici là, suivez l’actualité de Place publique sur Twitter et sur Facebook @revPlacePubliqu
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Place 6 numéros 50 € Publique www.revue-placepublique.fr
LA REVUE URBAINE NANTES / SAINT-NAZAIRE
épuisé
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épuisé
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Place Publique
les numéros hors-série 5 €
#49 Janvier Février
Place Publique
2015
Place #49 Publique
La Loire au cœur !
NANTES/SAINT-NAZAIRE
p. 133 LE PRIX DU CAUE : L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI EN LOIRE-ATLANTIQUE p. 76 DANS LE DÉPARTEMENT, LA MÉTROPOLISATION HARMONIEUSE ? p. 143 HANDICAP : LE PARCOURS DE LA COMBATTANTE
9 782848 092386
LA REVUE URBAINE | Janvier-Février 2015
DOSSIER | P 5 | L’HISTOIRE, LES FRANCHISSEMENTS, LE DÉBAT, LES EXEMPLES EUROPÉENS…
La Loire au cœur ! CONTRIBUTIONS | P. 141 | LES PROJETS FERROVIAIRES DANS L’OUEST
Nantes et le rail : cinq scénarios pour 2040 10€