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INTERET DU CONE BEAM DANS LA GESTION DES PARODONTITES APICALES DE GROS VOLUME : A PROPOS D’UN CAS CLINIQUE Docteur Faouzia BOUSSETTA – Docteur Eric BONNET
Quel que soit son volume, la parodontite apicale est une
retraiter la dent 35 qui présente une lésion apicale impor-
réaction inflammatoire résultant d’un combat dynamique
tante découverte fortuitement à l’occasion d’un examen
entre d’une part, des agresseurs principalement d’origine
radiographique.
bactérienne, qui, s’organisant, potentialisent leurs viru-
Le patient n’a jamais ressenti de douleur ou de gêne au
lences propres et d’autre part, les défenses de l’organisme
niveau de cette dent.
qui tentent d’endiguer l’infection bactérienne. La conséquence principale de cette «bataille des tranchées», siégeant au foramen apical, est la résorption osseuse qui
II. EXAMEN CLINIQUE
concerne à la fois le périapex et les tissus durs de la dent
L’examen exobuccal ne révèle aucun signe d’asymétrie
(dentine et cément).
faciale.
Plus largement dans le monde, la prévalence de présence
L’examen endobuccal est alors réalisé :
d’une lésion apicale varie de 15 à 75% [RILLIARD et BOU-
- la dent 35 est coiffée d’une couronne céramo-métallique,
CHER, 2001], ce qui place la parodontite apicale dans les
- le sondage périphérique objective une attache parodon-
affections les plus courantes de la planète.
tale intègre,
Les parodontites apicales de gros volume sont qualifiées,
- les palpations, vestibulaire et linguale, sont négatives,
dans la littérature, de «volumineuses» par l’interprétation
- les percussions, axiale et transversale, sont également
des clichés radiographiques : la perte périapicale osseuse
négatives,
est considérée importante, à partir de 8 mm de diamètre,
- la gencive en regard de la dent ne présente ni fistule ni
en général.
tuméfaction.
Au travers d’un cas clinique, nous allons voir que le dia-
Les dents adjacentes sont également examinées : la dent 34
gnostic de ce type de lésion repose principalement sur
est nécrosée (avec un test de sensibilité pulpaire négatif).
l’examen radiographique. Si le cliché rétroalvéolaire (= bidimensionnel) permet d’objectiver la présence d’une
III. EXAMENS RADIOGRAPHIQUES
lésion, le recours à un examen tridimensionnel type Cone
La prise et l’analyse des clichés radiographiques est une
Beam ( =3D) en seconde intention s’avère incontournable
étape incontournable et indispensable en endodontie. Une
afin d’évaluer, d’une part l’étendue de l’atteinte, et, d’autre
radiographie panoramique initiale, complétée de clichés
part, les rapports avec les éléments adjacents.
rétro-alvéolaires, sert à confirmer les conclusions de l’examen clinique.
I. MOTIF DE LA CONSULTATION
Les lésions périapicales sont classiquement caractérisées en
Monsieur Olivier G., âgé de 36 ans et en bon état de santé
radiographie bi-dimensionnelle par un épaississement
général, est adressé au cabinet par son praticien afin de
desmodontal, une interruption de la lamina dura et par
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Système d’imagerie extra-orale KODAK 9000 3D
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*A PPORT
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la présence d’une image radioclaire. L’interprétation de
DE LA
R ADIOGRAPHIE T RIDIMENSIONNELLE (3D)
l’examen radiographique bidimensionnel est limitée par
Voici une coupe de cette tomographie mettant nettement en
des superpositions, distorsions/déformations [GRÖNDAHL
évidence le rapport des images radio-claires avec les apex
et HUUMONEN 2004]. Des lésions de plus de 8 mm peu-
des dents 34 et 35 :
vent être présentes sans image radioclaires ni liseré d’ostéocondensation périphérique (RICUCCI et coll. (2003)).
*I MAGERIE
BIDIMENSIONNELLE
Des clichés mésiocentrés et orthocentrés sont réalisés à l’aide d’un angulateur et objectivent, entre autre, une résorption dentino-cémentaire et une image radio-claire de gros volume en rapport avec la dent 35.
Coupe tomographique mettant en évidence la lésion infectieuse.
L’imagerie 3D est utilisée depuis de nombreuses années dans différentes disciplines médicales mais son utilisation en endodontie restait limitée. Le développement récent d’une nouvelle technologie de tomographie volumique numérisée à faisceau conique, en terminologie anglosaxonne, Cone Beam x-ray Computer Tomography (CBCT),
Radiographie préopératoire de 35
se fonde sur l’enregistrement des données de la région
La taille de la lésion est telle qu’un examen radiographique
d’intérêt sous forme d’un volume cylindrique projeté par un
complémentaire tridimensionnel est demandé. Il s’agit d’un
faisceau de rayons conique. Par une simple rotation à
examen de type tomogaphie volumique par faisceau
360Åã, similaire à celle d’une panoramique, les données
conique (= cone beam), effectué, dans notre cas, avec le
enregistrées permettent la création d’une image en 3D
Kodak 9000 (Kodak Carestream, France).
constituée de voxels (équivalent du pixel pour la 2D).
Dans le cas d’une lésion volumineuse, la radiographie
La précision de cette technologie réside dans la taille du
cherche à déterminer sa source, son étendue et son rapport
voxel qui est plus faible que celle d’un scanner (variant de
avec les structures voisines. Notons que selon ZAIN et coll.
0,08 à 0,15 mm). En effet, on a une meilleure image du
1989, en cas d’image radioclaire de plus de 200 mm_,
fait de l’absence de déformation et de superposition [MAR-
l’incidence du kyste est d’au moins 92%.
MULLA et coll., 2005]. On peut donc, selon HASHIMOTO et coll. (2006), appréhender avec à une meilleure résolution par rapport au scanner, d’une part la morphologie
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radiculaire, l’anatomie canalaire de manière plus pré-
par 40 mm; or, ces appareils se caractérisent par une limi-
cise (résorptions, fractures, nombre de canaux, leurs
tation du faisceau de rayons X. Ils respectent donc davan-
convergences/divergences, canaux non-traités...) grâce
tage les organes radiosensibles tels que la cornée, les
à différentes coupes simultanément observées (notam-
glandes salivaires ou la thyroïde d’autant plus qu’ils néces-
ment axiale et proximale) et d’autre part la région péri-
sitent un temps d’irradiation moindre (moins d’une minute)
apicale. Ainsi, peut-on visualiser le volume des lésions
et non continu. A titre de comparaison la dose effective de
osseuses avec précision selon PINSKY et coll. (2006),
deux radios périapicales dans la région molaire a été
leur exacte localisation et leur association à une racine
mesurée à 0,01-0,02 mSV et selon IWAI et coll. (2000) en
en particulier.
utilisant le 3D Accuitomo à 0,006-0,012 mSV.
Selon LOFTHAG-HANSEN et coll. (2007), on détecte 62% de lésions périapicales en plus par rapport à une
*N OUVEL I NDEX P ÉRIAPICAL (NIP)
radiographie intraorale classique. Le CBCT permet donc
Compte tenu de ce nouveau type d’imagerie, Carlos
de voir des lésions plus petites (fig.7), parfois non dia-
ESTRELA et coll. (2008) proposent une nouvelle classifica-
gnostiquées [NAKATA et coll. 2006]. Découvertes plus
tion des lésions périapicales basée sur leur altération
précocement, le traitement endodontique de ces lésions
osseuse. Il attribue un «score» en fonction du diamètre des
aura de meilleurs résultats selon FRIEDMAN (2002).
défauts osseux, affecté d’une variable suivant le degré d’at-
Le CBCT apporte également un intérêt dans la planifica-
teinte des corticales (fig.8 et 9). Néanmoins, cette classifi-
tion pré-chirurgicale. Outre l’épaisseur des corticales, la
cation n’est mise en corrélation avec aucun pronostic ou
quantité d’os spongieux, les fénestrations, la forme des
plan de traitement.
maxillaires, l’inclinaison des racines, on peut localiser certaines structures anatomiques redoutées par le chirurgien dentiste (sinus maxillaires, nerf alvéolaire inférieur et artère palatine dans leur trajet intraosseux uniquement). Par exemple, le canal alvéolaire inférieur est identifié dans tous les cas mais dans moins de 40% des cas en utilisant une radio conventionnelle [VELVART et coll., 2001]. En terme de lecture, si le scanner montre des artefacts importants au niveau des éléments métalliques, pour le cone beam, en revanche, ces artefacts de l’image peuvent être diminués, notamment par le biais du traitement
Le nouvel index périapical selon ESTRELA et coll. à partir de
d’image.
l’examen radiographique réalisé par le cone beam.
Indépendamment de ces qualités d’imagerie, la dose
[ESTRELA et coll. dans Journal of Endodontics, 2008, Vol. 34,
effective est réduite comparée aux autres imageries
nÅã11, 1325-1331].
médicales conventionnelles. En effet, la plupart des applications endodontiques nécessitent un petit champ visuel ( = Field Of View) estimé, en moyenne, à 40 mm
8
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phérique. Les tests de sensibilité pulpaire sont négatifs, ainsi que les réponses à la percussion et à la palpation, sauf en cas d’exacerbation aiguë secondaire. Le diagnostic est de fait essentiellement radiographique. Lorsque de telles lésions augmentent de volumes, des rapports de contiguïté s’établissent avec les apex des dents voisines, ce qui implique donc de tester la sensibilité pulpaire des dents en rapport avec la lésion afin de déterminer celle(s) qui en est(sont) la cause. La croissance de ces lésions peut entraîner des versions/migrations et/ou des mobilités dentaires ainsi qu’une voussure dure à la palpation dans le vestibule. Rappelons que le diagnostic différentiel entre granulome et kyste ne peut être certain qu’après analyse anatomopathologique.
* D IFFÉRENTIEL Les principaux diagnostics différentiels sont représentés par le kératokyste et l’améloblastome (= tumeur odontogénique bénigne à potentiel invasif local). En général, les dents sont vitales. Toutes ces lésions peuvent prendre un aspect radiologique voisin et seul l’examen anatomopathologique per-
Exemples de détermination du nouvel index périapical à partir de
met parfois de poser le diagnostic positif.
la représentation schématique de prémolaires.
L’intégrité de l’attache parodontal et l’observation sous
[ESTRELA et coll. dans Journal of Endodontics, 2008, Vol. 34,
microscope opératoire permet également d’écarter la pré-
nÅã11, 1325-1331].
sence d’une fêlure.
*E TIOLOGIE dent 35 présente une obturation endocanalaire incom-
IV. DIAGNOSTIC
plète et non étanche.
*P OSITIF Les Parodontites Apicales Chroniques correspondent à des
La dent 34 est nécrosée. La cause majeure d’échec d’un
pathologies pulpo-parodontales sans douleurs (ou
traitement endodontique est due à la persistance d’une
minimes). Il s’agit d’une réponse inflammatoire de défense
infection microbienne au niveau apical (obturation cana-
des tissus périapicaux, dans laquelle la composante prolifé-
laire incomplète) (FIGDOR (2002). L’apparition d’une
rative (tissu de granulation) l’emporte sur la composante
inflammation pulpaire et d’une lésion périapicale, sont la
exsudative (abcès). L’absence de douleur s’explique par
conséquence directe d’une contamination bactérienne
l’absence de surpression du fait de la réaction osseuse péri-
(Kakehashi et coll.,1965) organisées en biofilm [NAIR,
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1987 et 2002]..
thérapeutique, l’abord chirurgical est envisagé alors en seconde intention. A ce moment là, seul l’accès est chirurgi-
L’importance des anaérobies strictes dans les infec-
cal, les autres étapes ne correspondent qu’à l’application
tions d’origine endodontique a été mise en évidence
des règles de l’endodontie, dont le but est de sceller de
par MÖLLER en 1966.
manière étanche le système canalaire et ses portes de sor-
La percolation bactérienne semble donc être l’étiolo-
ties.
gie principale de ces lésions périapicales.
L’extraction de la dent causale ne se présente qu’en ultime recours après que tous les autres traitements aient échoué
V. TRAITEMENT
dans la réhabilitation de la santé périapicale.
L’examen tridimensionnel nous permet d’anticiper et d’orienter notre choix thérapeutique. De fait, le curetage d’emblée de la lésion semble compromis. D’une part, le praticien s’expose à la difficulté de cureter l’intégralité de la lésion étant donnée sa taille. Mais également au risque de léser le nerf dentaire inférieur. Il est décidé d’éliminer l’infection bactérienne en traitant endodontiquement par voie orthograde les dents 34 et 35. En effet, les lésions d’origine endodontique en rapport avec le canal, source de la contamination bac-
Planification thérapeutique en endodontie d’une dent présentant
térienne, sont susceptibles de guérir dans la mesure
une parodontite apicale selon CARON et MACHTOU (2006).
où la source de la contamination est jugulée par une
[REALITES CLINIQUES Vol. 17, nÅã 3, 2006, 307-316]
mise en forme correcte, une décontamination maximale et une obturation tridimensionnelle du système
*S ÉANCE 1 :
endodontique. L’endodontie par voie orthograde est
Dépose de la suprastructure prothétique de la dent 35 et
donc la thérapeutique de choix en première inten-
pulpectomie de la dent 34 sous microscope opératoire et
tion. L’hydroxyde de calcium est un traitement qui
sous champ opératoire caoutchouté. Un important suinte-
continue à démontrer ses qualités dans la prise en
ment purulent est drainé via le canal radiculaire de la dent
charge des lésions de gros volume, en présence
35.
d’une dent symptomatique, d’anatomie complexe ou
Drainage purulent transcanalaire après la dépose de l’inlay core.
de retraitement. L’utilisation de cette médication en inter-séances prédispose l’endodonte à l’obturation dans de meilleures conditions, de désinfection notamment.
Uniquement et seulement en cas d’échec de cette
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L’élimination de l’étiologie des LOE rend possible la cicaLe réseau canalaire est alors nettoyé et mis en forme en
trisation périapicale. Celle-ci est influencée par des fac-
utilisant une séquence Hero Shaper
(Micro-Méga,
teurs locaux (étendue de la destruction des tissus périapi-
Besançon, FRANCE) classique sous irrigation continue
caux, localisation) et des facteurs systémiques (âge, état
d’hypochlorite de sodium à 2,5 %.
de santé). A partir de deux mois des signes radiologiques sont
Une médication temporaire à base d’hydroxyde de cal-
observables. Un changement de densité, une néotrabécu-
cium est enfin mise en place.
lisation à partir des marges du défauts et une réhabilita-
Un pansement coronaire type IRM (Dentsply-Maillefer,
tion de la lamina dura en l’absence de symptômes et des
Ballaigues, SUISSE) permet de sceller la cavité d’accès de
tissus mous sains sont des indices d’une guérison en
manière étanche.
cours.
Rétroalvéolaire de 34
Le contrôle radiographique à 1 an objective la réparation
et 35 après mise en
«ad integrum» des tissus périapicaux.
place d’hydroxyde de radiographie de
calcium.
controle à 1 an post opératoire mettant en évidence la cicatrisation osseuse.
*S ÉANCE 2 : Une semaine plus tard, l’hydroxyde de calcium est éliminé par irrigation à l’hypochlorite de sodium. Le canal ne présentant plus de suintement peut être asséché grâce
*C A S
aux cônes de papier stériles. L’obturation définitive à la
D E L A C I C AT R I S AT I O N D E S L É S I O N S AYA N T D É T R U I T
LES CORTICALES
gutta percha thermocompactée scelle de manière étanche
:
CICATRISATION FIBREUSE
Les défauts osseux circonscrits semblent avoir le potentiel
les réseaux endocanalaires.
de se régénérer spontanément, à condition de ne pas Le patient est ensuite réadressé à son praticien traitant
dépasser une taille appelée “défaut de taille critique”. Si
afin que ce dernier réalise une obturation coronaire
cette taille critique est atteinte (si le défaut est très impor-
étanche (résine composite) sur 34 et un inlay core et une
tant ou s’il y a destruction des deux corticales), l’os péri-
dent provisoire (mise en fonction) sur 35 en attendant la
phérique ne se reconstitue que sur une certaine distance
cicatrisation.
à partir des bords du défaut. Le reste du défaut présente une réparation par un tissu fibreux dense, non inflamma-
VI. PRONOSTIC ET CICATRISATION
toire, provenant de la migration plus rapide des fibro-
Le pronostic est très bon étant donné que la perméabilité
blastes et cellules épithéliales, rentrés en compétition avec
apicale a été obtenue et que la désinfection canalaire a
les ostéoblastes ce qui bloque la régénération osseuse
pu être optimale.
(fig.20). Ce phénomène est d’autant plus favorisé que le
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périoste est détruit. En effet, sa couche interne au contact
BIBLIOGRAPHIE
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VII. CONCLUSION
Ce cas clinique a permis de mettre en évidence que, au même titre que les parodontites apicales de petite taille, les parodontites apicales de gros volumes, peuvent parfaitement cicatriser. La percolati0on bactérienne constituant la principale étiologie, l’élimination de cette dernière par voie orthograde conduit dans la majorité des cas à une guérison du périapex quelque soit la taille de la lésion initiale si, et seulement si, les protocoles de désinfection endodontique sont scrupuleusement respectés. Ce n’est qu’en cas d’échec du traitement orthograde que la microchirurgie endodontique est envisagé. L’examen tridimensionnel type Cone Beam, au travers de cette troisième dimension, nous fournit des informations précieuses et permet la planification thérapeutique adéquate.
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