Carte scolaire

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PRATIQUE ÉTABLISSEMENTS

CARTE SCOLAIRE: À LA RECHERCHE DU BON ÉQUILIBRE Réformée en 2007, la carte scolaire a élargi les possibilités de dérogations. Mais ces assouplissements se heurtent aux capacités d’accueil des établissements et renforcent les inégalités sociales entre les secteurs. Explications.

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L’ORIGINE DE LA CARTE SCOLAIRE

Instaurée en 1963, la carte scolaire est créée pour répartir au mieux les élèves entre les établissements et déterminer les ressources humaines et financières à attribuer aux différents secteurs. L’allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans (voté en 1959) et la croissance de la population ont rendu nécessaire cette organisation. Le principe est simple et toujours en vigueur aujourd’hui : chaque enfant doit fréquenter l’école associée à son lieu de résidence. Mais au-delà des objectifs administratifs, la carte scolaire affiche une dimension plus politique : favoriser la mixité sociale et réduire les inégalités entre les élèves. Pourtant, sur le terrain, la sectorisation ne produit pas les effets attendus. Les enfants des beaux quartiers se retrouvent dans une école, ceux de banlieue dans une autre. L’homogénéisation sociale est renforcée par le jeu des dérogations. Pour « échapper » à l’école de secteur,

Par Coralie Bach

certaines familles redoublent de ruses. Utilisation d’une fausse adresse, choix d’une option rare, horaires aménagés pour les sportifs ou musiciens, les astuces sont nombreuses mais pas connues de tous : « Seuls les initiés savaient comment contourner la carte scolaire, indique Cécile Vignes, secrétaire générale de la Peep (Fédération des Parents d’élèves de l’enseignement public). Il s’agissait en premier lieu des membres de la communauté éducative et de quelques parents avertis. En résumé, seules les catégories socioprofessionnelles supérieures demandaient des dérogations. »

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UNE CARTE SCOLAIRE ASSOUPLIE

Face à ce constat, Nicolas Sarkozy décide en 2007 d’assouplir la carte scolaire dans le second degré, afin d’offrir une liberté de choix aux parents. Toutes les familles sont désormais libres de demander une dérogation, sans qu’il soit nécessaire d’invoquer un motif particulier. Elles doivent simplement déposer un dossier auprès de l’inspecteur d’académie de leur département dans le courant du second trimestre. Les dérogations sont acceptées sous réserve des places disponibles. Si les demandes sont supérieures aux capacités d’accueil de l’établissement, sont prioritaires : les élèves handicapés, ceux bénéficiant d’une prise en charge médicale importante à proximité de l’établissement demandé, les boursiers, les élèves devant suivre un parcours scolaire particulier, les élèves dont un frère ou une sœur est scolarisé(e) dans l’établissement souhaité, les enfants dont le domicile est proche de l’établissement tout en étant en dehors du secteur.

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au plan des effectifs que de la mixité sociale. Autre point négatif : des établissements de niveau moyen, qui fonctionnaient de manière complémentaire jusqu’alors, sont désormais victimes de la concurrence. « Des déséquilibres se créent sur des questions d’image », précise Jean-Jacques Hazan. Résultat, certains collèges se vident tandis que d’autres se remplissent au-delà des capacités d’accueil de leurs infrastructures (salles de classe, cantine…). Enfin, bien que les boursiers soient prioritaires, les enfants de milieu modeste demandent peu de dérogations : « Il existe une série de raisons pratiques qui freinent les demandes, explique Cécile Vignes. Par exemple, il est difficile pour une famille vivant en banlieue d’envoyer son enfant dans une école du centre-ville. Les temps de transport sont trop longs. »

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L’AVENIR DE LA CARTE SCOLAIRE

En privilégiant les boursiers, l’Éducation nationale veut favoriser les familles les plus modestes, mais là encore le système montre ses limites.

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LES EFFETS DE L’ASSOUPLISSEMENT

Si les demandes de dérogation sont désormais totalement libres, elles ne sont pas toutes satisfaites : « Tout le monde veut aller dans les mêmes établissements, ça ne peut pas marcher, assène JeanJacques Hazan, président de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves). Les assouplissements de la carte scolaire n’ont fait qu’affaiblir les établissements déjà en difficulté. » En effet, plusieurs études – dont un rapport de la Cour des comptes publié en novembre 2009 et une enquête réalisée en mars 2010 par le SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale) – pointent les effets pervers des assouplissements. La principale critique concerne le phénomène de « ghettoïsation ». Autrement dit, les collèges et lycées bénéficiant d’une bonne réputation sont encore plus sollicités, tandis que ceux en difficulté perdent leurs bons élèves. Le SNPDEN souligne ainsi que les établissements ZEP/RAR sont les plus affectés, tant

La question de l’avenir de la carte scolaire n’est toujours pas tranchée. Lors du lancement de la réforme en 2007, l’objectif était de la supprimer à la rentrée 2010. Pourtant, la sectorisation perdure toujours et le ministère ne parle plus de suppression. De leur côté, syndicats et associations de parents d’élèves s’accordent à dire qu’une suppression, tout comme un retour à une application stricte de la carte, seraient une erreur. « Le système d’avant 2007 a montré ses limites, explique Michel Richard, secrétaire général adjoint du SNPDEN. Le fait de fixer des critères pour les dérogations est un progrès qui permet de réduire les passe-droits. Il faut toutefois revoir ces critères pour assurer une plus grande mixité sociale et scolaire dans les établissements. Une régulation reste en tout cas indispensable. » Jean-Jacques Hazan renchérit : « La sectorisation doit se baser sur une réflexion locale et être cohérente aux yeux des parents d’élèves. Il serait par exemple plus logique que les enfants d’une école primaire soient tous affectés au même collège. » En revanche, pour la Peep, les réflexions sur la construction de la carte scolaire ne répondent pas au véritable problème : « L’égalité des chances n’est pas assurée aujourd’hui, dénonce Cécile Vignes. C’est ce qui rend la sectorisation nécessaire. Si tous les établissements offraient les mêmes chances de réussite, la carte scolaire n’existerait plus. »

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