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Gratuite 2015 Août

vol. 24 Fait divers local

« Ueno Natsumatsuri Parade (Défilé de la fête estivale d’Ueno)»

QUALITY REVIEW

Un tracé régulier et une mine incassable avec ces portemines ultra performants Article 9 de la Constitution

Ojiya, Niigata

La fête de Katakai

【Spécial】Le

roman de Tokyo, en route vers 2020 (1er épisode)

Les jardins seigneuriaux de l’époque d’Edo

Comment définir le jardin d’une résidence seigneuriale ? Il s’agit d’un jardin idéal de l’époque d’Edo, caractérisé par son utilité (sa fonction) et ses paysages (sa beauté).

SHINJI Isoya

Lors d’une journée d’automne, un jardin de daimyo et la sophistication de l’esthétisme japonais m’émurent.

PETER FRANKL

Hamarikyuonshi teien Koishikawa Korakuen Rikugien

● RLe Rikugien à travers dessins et photos ● L’entretien des jardins, ce sont des hommes qui s’en occupent ! ● Profitons des jardins seigneuriaux ● Le guide JQR des jardins seigneuriaux

fre.jqrmag.com


vil.24 (sortie le 25 Août 2015). C OV E R

Photography/Satoru Naito

C O N T E N T S 04

Fait divers local

« Ueno Natsumatsuri Parade (Défilé de la fête estivale d’Ueno)»

05 D’autres yeux, d’autres oreilles Vol.8 Le « pacifisme positif» détourné de son sens originel

06 【Spécial】Le roman de Tokyo, en route vers 2020 (1er épisode)

Les jardins seigneuriaux de l’époque d’Edo Promenade dans des jardins magnifiques

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Comment définir le jardin d’une résidence seigneuriale ?

Il s’agit d’un jardin idéal de l’époque d’Edo, caractérisé par son utilité (sa fonction) et ses SHINJI Isoya

Hamarikyuonshi teien Koishikawa Korakuen Rikugien

● Le Rikugien à travers dessins et photos ● L’entretien des jardins, ce sont des hommes qui s’en occupent ! ● Profitons des jardins seigneuriaux

Lors d’une journée d’automne, un jardin de daimyo et la sophistication de l’esthétisme japonais m’émurent. PETER FRANKL

Un tracé régulier et une mine incassable avec ces portemines ultra performants Article 9 de la Constitution

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Ojiya, Niigata

La fête de Katakai

Jun Shinozuka

Editors

Jun Nakaki Mariko Hatada

●Le guide JQR des jardins seigneuriaux QUALITY REVIEW

Editor-in-Chief

Designer

Wakako Kawasaki

Web

Motoki Nakae

Translation

Manabiya Inc.

Rédaction JQR 2-1-14 Sarugaku-cho, Chiyoda-ku Tokyo 101-0064 03-3518-2270 Publicité JQR (Integral Corp.) 2-1-14 Sarugaku-cho, Chiyoda-ku Tokyo 101-0064 03-3518-4488

Le Japon et ses guides Vol.2 Plan des ruelles du quartier de Tsukishima, version anglaise Invitation écrite à la main à une flânerie dans des ruelles nostalgiques Le « plan des ruelles de Tsukishima, version anglaise», réalisé par les étudiants inscrits au séminaire d’urbanisme local de l’ Institut de Technologie de Shibaura, a été primé au concours organisé par Walk 21 – organisation internationale qui tente de promouvoir un urbanisme piétonnier– dans le cadre de sa dernière conférence internationale. Il s’agit d’un plan dessiné à la main visant à faire découvrir les ruelles de Tsukishima qui ont su préserver leur cachet d’antan. Ce sont principalement les étudiants qui se sont chargés de la sélection des points forts du quartier, des illustrations et de la traduction des légendes en anglais. Le fruit de leurs efforts a ceci de particulier qu’il s’ intéresse non seulement aux sites retenus par les guides touristiques, mais aussi à des recoins chers aux seuls habitants du quartier, comme par exemple un « vieux magasin de primeurs ».

Mais la promotion des charmes de Tsukishima auprès des touristes étrangers n’était pas le seul objectif de ce projet. « Il s’agit également de laisser un témoignage sur ce quartier », explique Hideaki Shimura, le professeur qui a dirigé les travaux des étudiants. « Car de nombreux endroits perdront à jamais leur aspect actuel avec le réaménagement du quartier pour les JO de Tokyo en 2020 ». Ce plan est disponible, entre autres, à l’office de l’association pour la promotion du Tsukishima monja et à la bibliothèque de Tsukishima gérée par l’arrondissement Chuo-Ku. Sinon, vous pouvez le télécharger gratuitement depuis le site internet de Tsukishima-Nagaya-Gakko : http://tsukishima. arc.shibaura-it.ac.jp. 2015 vol.24

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ce du

Fait divers local

« Ueno Natsumatsuri Parade (Défilé de la fête estivale d’Ueno)»

vous permet de découvrir le patrimoine festif du Japon

rvi au se n e i el ~ otid u qu ercultur d s t t e in s mo ~ Le dialogu

耳 異 異目 >>>

Vol.8

D’autres yeux, d’autres oreilles

Le « pacifisme positif» détourné de son sens originel

Photograph: Gary Cameron/Reuters

Élégamment vêtus de costumes de danse ou de yukata, les artistes ont défilé sur le Boulevard Central en exécutant leurs numéros très variés. Un spectacle splendide qui a émerveillé la foule.

Ueno Natsumatsuri » est une manifestation estivale qui se tient tous les ans pendant un mois autour de l’étang Shinobazunoike et l’amphithéâtre Suijo-Ongakudo (Ueno, Taito-ku, Tokyo). L’un de ses événements, « Ueno Natsumatusi Parade », a été créé en 1982 pour célébrer la mise en service de la ligne TGV Tohoku-Shinkansen avec la participation d’une trentaine de groupes qui exécutent danses et spectacles pour reproduire notamment les fêtes du Tohoku (le nord de l’île principale de l’archipel japonais) comme le Nebuta d’Aomori ou le Kanto d’Akita. Sa 32e édition a eu lieu le 18 juillet de cette année, mais le soleil n’était pas au rendez-vous. Malgré la pluie, une foule immense s’est rassemblée le long du Boulevard Central pour acclamer le défilé auquel ont participé des groupes issus de différentes régions du Japon, d’Okinawa (île du Sud) à Aomori. Outre des habitants locaux, il y avait de nombreux touristes japonais et étrangers. Les prestations du défilé étaient enthousiasmantes au point de faire oublier la chaleur lourde de l’été japonais.

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Un couple espagnol qui vit au Japon depuis un an. Ils sont venus à Ueno pour voir ce défilé.

Deux sœurs venues de France pour visiter le Japon. Elles s’estiment chanceuses parce qu’elles sont tombées par hasard sur cet événement en se promenant dans les parages.

Un Canadien et un Américain installés au Japon depuis plus de 10 ans. C’est ce défilé qui les a attirés à Ueno ce jour-là.

Deux Iraniens qui vivent au Japon depuis près de 10 ans. De retour d’Akihabara, ils ont fortuitement croisé ce défilé.

Ovation debout !! Toute la salle se lève pour applaudir l’orateur. C’était le 29 avril de cette année. Premier Japonais à prononcer un discours devant le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis réunis en Congrès, le Premier ministre Shinzo Abe a été applaudi par 10 ovations debout au cours de son intervention de 50 minutes. Il doit ce succès notamment au fait qu’il a insisté sur la « contribution proactive (du Japon) à la paix » en prononçant deux fois l’expression « proactive contribution to peace ». Déclamée devant les parlementaires des États-Unis, alliés du Japon (sur le plan militaire), cette expression risque d’être interprétée comme la volonté nipponne de pouvoir mener une attaque préventive. En effet, dans le cadre du débat sur le droit à l’auto-défense collective, le cabinet Abe a défini le premier juillet 2014 trois conditions requises pour recourir à la force, en évoquant notamment le cas où le Japon ou un autre pays lié étroitement au Japon par des intérêts communs serait attaqué (NDLR avec pour corollaire une lourde menace pesant sur la souveraineté du Japon, la vie et la liberté du peuple japonais ainsi que son droit au bonheur). Quand on sait que

HAMAJI Michio

« un autre pays lié étroitement au Japon » n’est autre que les États-Unis, il n’est pas étonnant que les parlementaires américains se lèvent comme un seul homme pour ovationner un Premier ministre japonais proactif. Or, chargé de traduire en japonais ce discours, le ministère des affaires étrangères du Japon a choisi le terme « sekkyokuteki heiwashugi (pacifisme positif) » pour transcrire l’expression « contribution proactive à la paix ». Mais le pacifisme positif est un concept développé en 1969 par Johan Galtung, politologue né à Oslo en 1930. Pour ce chercheur norvégien, la simple absence de conflit armé correspond à un état de « paix négative » par opposition à la « paix positive » qui, outre l’absence d’hostilités, demande un système social assurant en permanence l’absence de violences structurelles (pauvreté, oppression, discrimination…). Cette approche qui a révolutionné la notion de paix jouit aujourd’hui d’une notoriété mondiale. Notre Premier ministre a donc parlé de la « contribution proactive à la paix » en anglais – ce qui risque d’être interprété comme un engagement du Japon à mener au besoin une attaque préventive - à

l’adresse des parlements américains ou de la communauté internationale, tandis que cette expression est traduite en japonais – à l’adresse du peuple japonais - comme « pacifisme positif ». Il s’agit d’une interprétation intentionnellement décalée et d’un détournement du concept imaginé par Galtung. L’article 9 de la Constitution japonaise, qui interdit la guerre et l’usage des armes comme moyens de résoudre les conflits internationaux, et par lequel le Japon renonce au droit de belligérance, est un « trésor » rarissime qui honore notre pays. Nous autres Japonais, qui sommes attachés à cet article, devons nous montrer proactifs et vigilants par rapport à l’orientation politique de notre pays.

Source: Galtung-Institute

Consultant en affaires internationales. Consultant de la Fondation Global Human Development Japan. Diplômé de la faculté d’économie de l’Université Keio en 1965, il poursuit ses études à l’Institut d’Études et de Formation Internationales avant de s’ expatrier en Moyen Orient travaillant dans la division pétrole d’une société commerciale japonaise. À 45 ans, il change d’entreprise pour travailler à New York dans le secteur numérique. Après être passé par une société de traduction et une entreprise américano-japonaise de télécommunication, il s’ installe à son compte en 2002. Il s’occupe notamment du Pavillon d’Arabie Saoudite à l’Exposition Universelle d‘Aichi et dirige, entre autres, la production d’une série de documents audiovisuels consacrés au grand chef d’orchestre Bernstein. Après avoir été consultant pour le marché japonais de l’entreprise américaine Cognizant et du groupe anglais Pearson, il est maintenant coordinateur exécutif de la filiale japonaise d’Atos, entreprise française de service du numérique.

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Derrière ce portail se cachent les vestiges de l’époque d’Edo

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Hamarikyu-onshi teien 08

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Koishikawa Korakuen

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Rikugien 12

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Image du Rikugien Document conservé à la Bibliothèque nationale de la Diète

Le roman de Tokyo, en route vers 2020 (1er épisode)

Les jardins seigneuriaux de l’époque d’Edo Promenade dans des jardins magnifiques Mise en page / Rédaction de JQR Collaboration / Association des jardins publics de la ville de Tokyo (Fondation d’utilité publique)

Palais intérieur de Chiyoda – Les cerisiers en fleurs conservé à la Bibliothèque nationale de la Diète

Document

Hamarikyuonshi teien Koishikawa Korakuen Rikugien

Le roman de Tokyo, en route vers 2020 est une série de dossiers exceptionnels qui présentent les divers attraits de la ville de Tokyo, dans l’attente de l’ouverture des Jeux olympiques. Sous la direction éditoriale de Murao Koichi, professeur invité à l’université Tokyo Metropolitan University et l’université Tokyo City University, la rédaction de JQR rend compte de 14

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l’actualité de TOKYO, ville géante en perpétuelle évolution.

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Comment définir le jardin d’une résidence seigneuriale ?

Question

e s n o p Ré Il s’agit d’un jardin idéal de

l’époque d’Edo, caractérisé par son utilité (sa fonction) et ses paysages (sa beauté). SHINJI Isoya

A l’époque d’Edo (1603-1867), le système de la résidence alternée impose à chaque seigneur féodal la possession d’une demeure à la capitale. Les seigneurs rivalisent dans la construction de résidences équipées de vastes jardins. On dit que le nombre de ces jardins avoisinait le millier. Après la Restauration de Meiji (1868) ils tendent à disparaître progressivement, mais il reste encore, dans le Tokyo d’aujourd’ hui, quelques jardins qui rappellent cette époque. L’origine de ces jardins seigneuriaux, leur signification et la façon de les apprécier nous sont expliquées par SHINJI Isoya, figure de premier plan dans le domaine de la recherche sur la création des jardins. Interview et texte / Rédaction de JQR Photos / Takai Tomoya

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Le charme incomparable des jardins seigneuriaux réside dans un subtil équilibre entre la beauté de leurs paysages et leur utilité

C

omme son nom l’indique,

utilisés pour accueillir des invités et

de thé ou encore une rizière. On tentait

on a placé les îles de Horai et de Chikubu

le jardin seigneurial était le

entretenir des relations sociales. On y buvait

même d’y acclimater de nouvelles

représente aussi bien la mer que le lac Biwa.

jardin d’une famille de

du thé aussi bien que du saké, on y

productions, comme le prouve la tentative

Dans l’enceinte de ce jardin, on a disposé

guerriers. Il était donc très

organisait des repas et les dames y étaient

d’Aoki Kon.yo de faire pousser des pommes

avec art des représentations de lieux

différent des jardins attachés aux temples

évidemment nombreuses. Autrement dit, le

de terre de Satsuma dans le jardin Hama-no-

célèbres tels que les cascades de Shiraito

bouddhiques ou aux résidences de la

jardin n’était pas uniquement une destination

gyoen, un bel exemple de soutien au

(mont Fuji) ou les digues du Lac de l’ouest

noblesse de cour. Sa beauté n’était pas la

raffinée où l’on venait admirer des paysages.

développement de l’économie. Les

de la province chinoise de Hangzhou, lieux

seule chose qui importait. Par exemple, le

C’était également un lieu stratégique, ainsi

gouvernants de l’époque devaient s’occuper

que tous les gens cultivés connaissaient.

jardin Hamarikyu-onshi dans lequel nous

qu’un endroit où l’on pouvait jouir de plaisirs

aussi bien de l’industrie que de la culture,

Bien entendu, comme il était impossible de

nous trouvons était à l’origine, sous le nom

divers. On peut appeler cela la culture

des arts, ou encore de l’éducation.

les reproduire grandeur nature, on a créé des

de Hama-no-gyoen, un jardin appartenant à

globale de l’époque d’Edo.

Finalement, pour les multiples aspects de

modèles réduits. On appelle cela des

son fonctionnement concret, la société des

paysages miniatures. Il s’agit donc de

guerriers s’appuyait largement sur les jardins

construire à l’intérieur d’une clôture un

seigneuriaux, espaces qui remplissaient donc

paradis en miniature. C’est sur cette idée

un rôle très important.

originale que se fonde la création des jardins

la famille du shogun. Il contenait deux espaces dédiés aux canards sauvages, Shinsenza et Koshindo, endroits dans lesquels on pouvait chasser ces animaux. Il y avait également un terrain d’équitation, ainsi qu’un espace pour pratiquer le tir à l’arc.

Des jardins d’autant plus beaux qu’ils ont une fonction, un usage pratique

Ce qui est important dans cette culture des

Comme les guerriers devaient toujours être prêts à combattre, l’entraînement quotidien aux arts de la guerre était indispensable. C’est pourquoi on trouvait ces lieux d’entraînement

Le principe essentiel du jardin seigneurial est de reproduire un idéal en miniature, à l’intérieur d’une enceinte

70 ans après le Korakuen, on a reproduit en modèle réduit des paysages des 88 lieux célèbres loués dans les poèmes du Man. yo-shu ou du Kokin-waka-shu (recueils de poèmes, respectivement du 8e et du 10e siècle), tels que le plan d’eau Deshio-nominato et le col de Fujishiro. C’est une sorte de parc à thème inspiré du monde des waka.

1600 10 20

50

80

20

40

principe cela ressemble fort à Disneyland ou

un espace. Jardin se dit garden

Universal studios. Dans un endroit clos, les

construction aussi bien

en anglais, et ce terme

concepteurs ont reproduit un monde idéal en

que le choix du terrain

contient la notion de garder.

utilisant habilement les références de la

étaient stratégiques. Le

Un mur de pierres, une

poésie japonaise de style waka.

jardin Hama-no-gyoen,

palissade, un fossé… il existe

80

entouré de solides murs de

plusieurs façons de clôturer un

90

pierre et équipé d’une

espace. L’enceinte la plus

Construire des paysages grandioses en reliant le jardin à l’extérieur

Yamashita depuis le château d’Edo, on pouvait descendre la rivière Tsukiji

d’une montagne. Dans ce cas,

Ce qu’on appelle paysage emprunté ne

l’espace est un petit monde

consiste pas simplement à avoir une vue sur

formé par un bassin. La clôture

l’extérieur, mais à intégrer une montagne ou

est la condition essentielle qui

une pagode située hors du jardin dans le

et atteindre l’embarcadère de la plage, ce qui

jardins, c’est l’harmonie entre l’utile et le

permet aux êtres humains de vivre en

paysage de ce dernier. Les humains,

permettait de prendre la mer en cas d’

paysage. L’utile renvoie à l’usage pratique,

sécurité, et

lorsqu’ils sont toujours enfermés, sentent vite

urgence. Tout était prévu pour que

concret. Le paysage évoque bien entendu

c’est pour cette raison que les anciennes

bouillonner en eux le désir d’établir des liens

l’on puisse s’enfuir au besoin.

l’esthétique des panoramas, mais aussi leur

capitales du Japon ont toutes été situées

avec l’extérieur. A l’époque d’Edo, durant

Cependant, les guerriers n’étaient pas

caractère pittoresque. L’attention portée à

dans des bassins.

laquelle le pays était fermé, les gens rêvaient

obsédés par la guerre en permanence.

ces deux aspects, le respect de l’équilibre

Il s’agit donc de construire une clôture, gage

de l’étranger. Pendant la période féodale, la

Comme l’indique l’expression La guerre, mais

qui les relie sont centraux dans la création

de sécurité, et de bâtir à l’intérieur un paradis

vie quotidienne et les activités sociales des

aussi la paix, ils savaient certes se battre,

des jardins, et communs à tous. C’est en

(Eden). Cependant, l’idéal diffère selon les

seigneurs avaient aussi lieu, d’une certaine

mais n’en étaient pas moins habiles dans la

unissant l’utile et le paysage que l’on fait

époques. Dans l’Antiquité, on priait

manière, au sein d’un univers mental clos. Il

diplomatie et la gestion des affaires. Dans

naître la beauté.

simplement les kamis et le Bouddha. A

en allait de même pour le shogun, et si

ces domaines, le jardin était un atout fort

Lorsqu’on parle de l’utile pour les jardins

l’époque moderne, les hommes ont acquis

Tokugawa Ienari (1773-1841) venait souvent

utile.

seigneuriaux, cela n’est pas limité aux

puissance économique et capacités

se détendre ici, dans le jardin Hama-no-

On trouve dans le jardin Hama-no-gyoen

aspects militaires. Les domaines de la

techniques, et se sont mis à représenter le

gyoen, c’est sans doute parce qu’il voulait

plusieurs maisons de thé : la maison de la

médecine, de la nourriture et de l’agriculture

monde et les paysages qui leur plaisaient.

échapper à cette atmosphère suffocante.

Petite île au milieu de l’étang, la maison des

en font partie, et ces jardins incluaient un

Par exemple, des lieux célèbres du Japon et

Ienari, débarrassé des contraintes, retrouvait

Pins, ainsi que la maison de l’Hirondelle

endroit où cultiver des plantes médicinales,

de la Chine ont été reproduits dans le jardin

ici toute sa vigueur, et sa descendance ne

restaurée récemment. Ces endroits étaient

un potager, une forêt de pruniers, un champ

Korakuen de Koishikawa. Le lac sur lequel

compta pas moins de cinquante-trois enfants.

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Ienobu Ietsugu Yoshimune

(Hama-no-gyoen)

Zhu Shunsui, confucianiste de la Achèvement Chine des Ming invité par Mito Mitsukuni, choisit le nom de Korakuen.

Keisho-in, mère du shogun Tsunayoshi, visite le jardin. Elle trouve ses chemins trop pénibles, et fait enlever la plupart des gros rochers décoratifs. Environ 700 arbres sont coupés.

30

faut commencer par clôturer

empruntant le fossé

Tsunayoshi

1700 10

Hamarikyu-onshi

Ietsuna

90

une éventuelle bataille, la

par le flanc

Korakuen de Koishikawa

1629

70

Parce qu’on envisageait

imposante sera celle fournie

Iemitsu

60

Le thème est certes différent, mais pour le

Selon le Dr. Shinji, les discours visant à comprendre les jardins japonais à partir de la pensée Zen ou de la pensée bouddhiste en général ne font que compliquer les choses. L’important, explique-t-il, est de commencer par prendre plaisir à utiliser les jardins.

Hidetada

40

Pour construire un jardin, il

évoque une forteresse. En

Ieyasu

30

même dans les jardins.

place carrée à l’entrée,

18

japonais. Dans le jardin Rikugien, construit

Les shoguns Tokugawa et les jardins seigneuriaux

50 60

1654

Début de la construction du pavillon de plage de Kofu.

Ce pavillon devient résidence secondaire de la famille du shogun, et est nommé Hama- goten.

Rikugien

1695 Achèvement

Tokugawa Yoshimune y installe un atelier de tissage, une sucrerie, une saline, une forge et un jardin de plantes médicinales. Un éléphant offert au shogun arrive de Nagasaki. Il sera élevé plusieurs années.

Ieshige

Ieharu

70 Ienari

A partir du 6ème seigneur du fief de Mito, Harumori, le jardin est en grande partie reconstruit et on installe la cascade de Shiraito.

Construction de la Maison de thé de l’ Hirondelle, la Maison Achèvement de thé des Pins et la Maison de thé du Faucon.

1800 10

L’épouse du shogun Tokugawa Ienari, Kodaiin, lui rend visite et ils pêchent ensemble.

20 30 40 50

Les filles du shogun Tsunayoshi, Tsuruhime et Mai-hime, font une visite au jardin.

L’eau de l’étang est tarie. Pendant vingt ans le jardin se délabre. Des travaux de rénovation durent environ un an.

Ieyoshi

Iesada

60

Iemochi

70

Yoshinobu

Le centre d’entraînement des bateaux militaires est déplacé de Tsukiji à Hamarikyu.

Les jardins seigneuriaux étaient construits sur de vastes terrains, et leur construction pouvait prendre de nombreuses années. Le jardin Korakuen de Koishikawa fut créé en l’an 6 de l’ère Kan.ei (1629) par Tokugawa Yorifusa, fondateur de la branche de Mito de la famille Tokugawa, dans l’une des résidences du fief à Edo (cette résidence allait devenir plus tard la résidence principale du fief de Mito à Edo). Le jardin fut finalement achevé par son successeur, Tokugawa Mitsukuni. Quant au jardin Hamarikyu-onshi, il s’agissait au départ d’un endroit où le shogun pratiquait la chasse au faucon. C’est Matsudaira Tsunashige, frère cadet du quatrième shogun Tokugawa Ietsuna, qui reçut du shogun le terrain en cadeau en l’an 3 de l’ère Jo.o (1654) et décida d’y construire une résidence après avoir fait faire des travaux de remblaiement sur la mer. Par la suite, les shoguns successifs ont construit ou reconstruit de nombreux jardins, avant que leur forme actuelle ne se fixe sous le onzième shogun, Ienari. D’autre part le jardin Rikugien, dont la construction a pris sept années, a été édifié en l’an 8 de l’ère Genroku (1695) par Yanagisawa Yoshiyasu sur un terrain reçu en cadeau du cinquième shogun, Tokugawa Tsunayoshi.

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C’est là l’influence la plus remarquable de ce

c’était le mont Fuji. En considérant que la

jardin (rires). Je donne peut-être l’impression

vue proche était devant l’étang, le Fuji

de plaisanter, mais ce que je dis est sérieux,

miniature constituait la vue intermédiaire,

au moins en partie. La plupart des gens

tandis que la vue lointaine montrait les

considèrent les jardins uniquement comme

bateaux dont les voiles s’agitaient au large

des biens culturels qu’il faut préserver, mais

de Shinagawa. Encore plus loin se dressait

c’est une idée bizarre. Car ces jardins

majestueusement le véritable mont Fuji.

renferment aussi une histoire de la vie

C’est ainsi que l’on concevait les paysages,

Il est indéniable que, dans les jardins, le rôle

glycines, des hortensias ou encore des

quotidienne. En étudiant celle-ci, on

en tenant compte avec beaucoup de

principal revient aux arbres. La beauté qu’ils

érables.

comprend comment étaient organisés le pays

précision de la superposition des vues

dégagent est liée aux dizaines, voire

Les jardins japonais sont essentiellement

et la société. En parcourant sans relâche la

proches, intermédiaires, lointaines et très

centaines d’années pendant lesquelles ils se

faits de paysages naturels. Les forêts aux

culture, la société et l’époque, on parvient

lointaines. La magnificence des jardins

transforment. Cependant, le premier rôle est

couleurs vives qu’engendre la mousson

finalement à saisir une image d’ensemble

seigneuriaux est étroitement liée à leur

tenu par un arbre unique, véritable œuvre

asiatique créent un environnement verdoyant.

cohérente.

conception intégrant des panoramas

d’art. Selon les jardins on peut l’appeler le

Comme l’humidité et la température sont

Pour revenir au sujet, il faut dire que la

extérieurs, c’est-à-dire à la beauté des

Pin unique, ou le Pin de trois cents ans, et la

élevées, les plantes poussent vite.

position géographique occupée par ce jardin

paysages empruntés.

forme de chacun de ces arbres est originale.

Cependant, il est important que les paysages

recèle une certaine force. A l’origine c’était

Imaginez la vue, grandiose et magnifique. Ne

Pour compléter le paysage, il faut également

conservent leur état d’origine. Il faut donc

encore plus impressionnant.

dirait-on pas un tableau ? Ce spectacle

des forêts. Par exemple, au jardin Korakuen

arracher les mauvaises herbes et contrôler la

Malheureusement, les gratte-ciel construits

d’une grande valeur artistique, en harmonie

de Koishikawa, comme le lac est une

croissance des arbres, ce qui a entraîné

aux alentours ont gâché la grande valeur de

avec la nature, a été saccagé par des

métaphore de la mer, on a utilisé des pins

l’essor des techniques de taille et d’élagage.

ce paysage.

immeubles contemporains construits à tort et

noirs pour les forêts plantées tout autour. Sur

Ainsi, la beauté des jardins japonais est

Par exemple, lorsqu’on contemple l’étang

à travers. De nos jours, comme ces

le plateau de Koishikawa, on trouve plutôt

indissociable des soins apportés par la main

d’eau de mer depuis la maison de thé des

immeubles constituent l’arrière-plan, la valeur

des pins rouges, mais les forêts de pins noirs

de l’homme.

Pins où nous nous trouvons, on aperçoit de

du jardin Hama-no-gyoen atteint à peine le

sont utilisées pour mettre en scène un

En dernier viennent les plantes couvre-sol,

l’autre côté un monticule artificiel

millième de celle de l’époque d’Edo. La

paysage côtier. Enfin, on plante des futaies

qui forment une sorte de couverture cachant

représentant le mont Fuji. Comme on le

culture de l’époque moderne, irremplaçable

denses qui font le tour du jardin et servent de

la surface du terrain. C’est le rôle de la

compare avec

et dont le Japon est si fier, disparaît ainsi

clôture. En l’isolant du monde extérieur par

pelouse. On sait qu’il existait déjà des

l’immeuble situé en arrière-plan, il est difficile

progressivement.

un mur de verdure, elles transforment

pelouses à l’époque de Heian (794-1185),

de penser qu’il s’agit d’une montagne, mais à

l’intérieur du jardin en une sorte de petit

mais ce n’est qu’à l’époque d’Edo qu’on en

l’époque d’Edo on imaginait sans peine que

univers indépendant.

plante en grande quantité dans les jardins

Le rôle principal revient aux arbres touffus Les saisons sont mises en scène par les fleurs et les feuilles d’automne

Les arbres dont nous venons de parler détiennent le rôle principal et constituent la structure du jardin, tandis que les arbres à fleurs, ou ceux qui donnent de magnifiques feuilles en automne servent à mettre en scène la succession des saisons. Il s’agit des pruniers, des cerisiers, des azalées, des

Mu r d e p ierres et fossé s e nt our ant un ja rd in Le jardin Hama-nogyoen, qui jouait le rôle d’annexe du château d’Edo, était doté d’une place carrée construite avec d’énormes pierres de Komatsu. C’était l’entrée principale du château. Assurément, il s’agissait d’un jardin prêt pour la bataille.

Un e mise en scèn e et un co n tra ste d estin és à sur pr e ndr e les in v ités

seigneuriaux. Dans les anciennes capitales, cet usage était rare. A Kyoto, c’est la mousse qui domine. Les jardins seigneuriaux, L’interview a eu lieu à la maison de thé des Pins, située dans le jardin Hamarikyu-onshi. A l’époque d’Edo on pouvait apercevoir, en arrière-plan de l’étang d’eau de mer, les voiles des bateaux naviguant au large de Shinagawa et, dans le lointain, le mont Fuji.

disposant de vastes espaces bien exposés à la lumière, étaient sans doute des endroits parfaits pour créer des pelouses.

Quelques dispositifs d’expérience temporelle pour apprécier les jardins Les jardins seigneuriaux contiennent d’ingénieux dispositifs qui, en jouant sur la notion de temps, permettent de mieux profiter de leurs paysages. Ces dispositifs sont très divers, et jouent aussi bien sur le temps court que sur le temps long. Pour le temps court, on peut prendre l’exemple des chemins qui traversent les jardins. Quand on se promène dans le Korakuen de Koishikawa, certains chemins sont faits de rochers espacés, d’autres se séparent en deux, escaladant la montagne ou descendant vers le lac, et le parcours est très compliqué. Comme dans un film, des paysages changeants semblent défiler au fur et à mesure que l’on progresse. Lorsqu’on marche sur un gros rocher, on ralentit naturellement le pas pour contempler les plantes couvre-sol étendues à ses pieds. Puis, de cet endroit, on profite au maximum du panorama, qu’il s’agisse du lac, de l’île ou de la cascade. Afin d’apprécier les alternances d’états calmes et de mouvement, les sinuosités du parcours, s’adaptant aux dépressions du terrain, dessinent les virages

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2015 vol.24

Jardin placé à l’entrée de la résidence du fief de Mito, que l’on traversait avant d’arriver au Korakuen de Koishikawa (photo du haut). Après avoir traversé deux ponts on se trouvait face à un imposant portail. Une fois le portail franchi, on pénétrait dans le jardin Korakuen, puis on s’engageait sur le chemin Kisoji (évocation en miniature d’une ancienne route commerciale de la province de Shinano). Il fallait avancer un certain temps sur ce chemin serpentant entre des arbres hauts et touffus (photo du milieu), qui finissait par déboucher sur le lac (photo du bas). On dit que les invités, contemplant soudain une grande étendue d’eau après avoir traversé la pénombre d’un chemin de montagne, étaient surpris par l’éclat du jardin qu’ils découvraient. 2015 vol.24

21


de la lumière qui, après s’être reflétée sur l’étang, danse sur son plafond. Un auvent profond rend l’extérieur plus lumineux, et assombrit la pièce. Selon les dimensions de l’auvent, on peut obtenir 5-6 degrés d’ombre,

Les a rb res jo u en t le r ôl e pr i nc i pal , et l’o n a d mire le p re m i e r d’e nt r e e ux

comme l’explique Tanizaki Jun.ichiro dans son Eloge de l’ombre. Qu’il s’agisse de la vue que l’on contemple depuis la maison de thé, ou depuis une maison donnant sur une ruelle, c’est la même chose. Quand la lumière extérieure est forte, mais aussi quand tombe une pluie battante, un auvent profond crée une beauté profonde. L’architecture japonaise nous rend plus sensibles à la beauté d’un jardin noyé sous la pluie. On utilise beaucoup l’expression wabi/sabi, et pour ma part, lorsque je souhaite donner une explication claire à des étrangers, je parle de beauté de l’âge, c’est-à-dire de la beauté produite par la maturation qu’apporte le temps. Le terme sabi s’écrit en japonais avec un kanji utilisé dans le mot nature

Hamarikyu et son Pin de trois cents ans, le Korakuen de Koishikawa et son Pin unique (photo), le Rikugien et son Cerisier pleureur… bien souvent un arbre particulier, très ancien ou renommé, est placé au centre du paysage. Chacun de ces arbres a une histoire, et tient le premier rôle dans son jardin.

(shizen). Il a aussi le sens de ce qui doit être. Autrement dit, ce terme décrit ce qui finit, avec le temps, par ressembler parfaitement à la nature. Les jardins étant créés par l’homme, ils ne sont pas, lorsqu’ils sont tout

Co n temp ler, en ja mbe r , appr é c i e r l e s ro ch ers esp a cés

récents, stables et apaisants. Comment faire pour qu’ils finissent par ressembler à la nature ? La réponse est simple : il faut du temps. Au Japon, on n’aime pas l’aspect de la peinture neuve. Les Anglais parlent de beauté de la patine (le terme weathered exprime la façon dont un objet se fond dans Selon le Dr. Shinji, la grande qualité du jardin Hamarikyu est la douceur de son horizontalité. Les bâtiments construits à l’horizontale, l’allure horizontale du pont et la vaste surface constituée par l’étang s’unissent pour former un paysage digne du jardin d’un membre de la famille shogunale.

son environnement quand la pluie ou le soleil l’ont fait changer de couleur ou lui ont donné un aspect délavé). Le bois blanc, exposé à la pluie ou à la rosée, perd progressivement sa

22

les plus serrés . Cela permet, par exemple,

musique en se promenant dans le jardin. En

plantes des jardins japonais, on ne passe pas

couleur pour devenir grisâtre. C’est ce que

de reprendre sa respiration en faisant

mettant ainsi en scène le temps et les

du vert au rouge et au blanc, mais on suit

recherchent les Japonais. Le bois blanc de la

lentement le tour d’un point d’eau après

déplacements du corps, on allait jusqu’à les

plutôt une subtile variation des verts au fil

maison de thé de l’Hirondelle, qui vient d’être

l’essoufflement d’une ascension.

associer avec les variations de bruits et de

des saisons. D’abord la germination, puis les

achevée, est très beau, mais ce n’est pas

Il en va de même pour les revêtements du

paysages. Autrement dit, le rythme de la

bourgeons, le reverdissement, le vert foncé,

une beauté qui se fond dans le paysage.

sol, et l’on passe de voies pavées à des

promenade était entièrement conçu pour que

les feuilles jaunies, les feuilles d’automne, et

Nous deviendrons admiratifs quand elle aura

chemins de rochers espacés, de pierres

l’on profite des paysages. Voilà pour les

enfin les feuilles mortes. A l’arrière-plan sont

été exposée au vent et à la pluie, quand

enfoncées dans le sol, de tuiles, de graviers

temps courts.

disposés des conifères, ce qui met en valeur

avec le temps sa couleur sera devenue grise

ou de terre. Les chemins de rochers espacés

Après les temps courts viennent les

la période qui va des feuilles d’automne aux

ou marron, tandis que son toit sera couvert

peuvent se terminer brutalement après neuf

questions du matin et du soir. Pour montrer

feuilles mortes.

de mousse. Selon moi, la particularité des

ou douze pas, ou bifurquer soudainement, et

un magnifique lever ou coucher de soleil, ou

D’un côté on met en scène l’accumulation de

jardins japonais, leur valeur ultime réside

l’on ne suit jamais le même type de chemin

encore la tombée de la nuit, on imaginait des

brefs intervalles de temps, de l’autre on met

dans la beauté du temps, la beauté de

bien longtemps. Dans les chemins de gravier

solutions ingénieuses ayant recours à des

en valeur le poids des changements

l’histoire, la beauté de la patine.

on marche d’un pas rapide, mais sur les

lanternes ainsi qu’à des torches. Fallait-il

qu’apporte le temps long, sur des périodes de

La beauté du temps grave son âge dans le

rochers espacés il faut être prudent et faire

choisir le haut de la colline, le bord de

10, 100 ou 1000 ans. Pour illustrer cette

jardin japonais. L’étendue des racines d’un

attention à chaque pas. Si, pour quelqu’un

l’étang ? Les circonstances et la direction du

pratique, on utilise parfois l’expression

arbre, la hauteur de ses branches, les pierres

qui marche dans la rue, la vitesse est

lever et du coucher de soleil étaient

chinoise suivante : 10 ans pour un paysage,

moussues, les lanternes en pierre abîmées

d’environ 1.3 mètre/seconde, sur les chemins

importants dans ces choix.

100 ans pour un site splendide, 1000 ans

des jardins elle ne dépasse guère 0.7 mètre/

Ensuite, il y a les quatre saisons. Dans le jeu

pour une culture.

auxquelles s’accrochent les fougères… les pièces pour le thé ou le repas dont le bois

seconde. Les variations du chemin servent à

de cartes japonais appelé Hanafuda, plantes

mettre en scène le plaisir de la promenade et

et animaux de toutes les saisons sont décrits,

la jouissance des paysages.

de janvier à décembre. Pour le mois d’avril,

Selon les revêtements, le bruit des pas varie.

ce sont la glycine et le coucou, pour juillet la

A l’époque, on marchait avec des socques de

lespédèze et le sanglier. Ce jeu met ainsi en

L’architecture des maisons de thé est un

notre vie dans cet environnement. Je

bois, ou des sandales de paille. Cela créait

scène l’atmosphère associée à chaque

élément indispensable des jardins

conseille à chacun de venir au moins une

une certaine musique, le rythme de chacun

saison, en combinant plantes, animaux et

seigneuriaux. Si l’auvent est profond, cela

fois se promener dans les jardins d’Edo, afin

étant particulier, et on accompagnait cette

fêtes rituelles. En ce qui concerne les

crée une ombre profonde et l’on peut profiter

d’apprécier le charme de cette atmosphère.

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Eloge de l’ombre et esthétique de la patine

Un parcours mettant en scène les multiples visages du jardin. Parce qu’ il faut regarder où on met les pieds, on avance pas à pas sur les rochers espacés. On contemple leur disposition, et l’on prend plaisir à accélérer ou ralentir, selon l’espacement des rochers.

profil

SHINJI Isoya

est pourri… des paysages à la beauté fugace, changeante, qui naissent de la lumière et du vent qu’apportent chacune des quatre saisons. Et nous autres humains, qui menons

Les jardins japonais (Editions Chuko shinsho)

Docteur en agronomie. Chercheur spécialisé dans l’étude de la création des jardins. 1999-2005 : Président de l’Université d’ agronomie de Tokyo. Occupe ensuite successivement les postes de Président de l’Académie consacrée à l’étude de la création des jardins, Président de l’Académie de planification urbaine, Président de l’ Association internationale d’agronomie pour l’Asie du sud-est. Actuellement professeur émérite à l’Université d’agronomie de Tokyo. Reçoit en 2007 la Médaille du Mérite (ruban violet), puis en 2015 le Prix des Etudes scientifiques « vertes ». Ouvrages publiés : L’ère de l’agriculture (Editions Gakugei), Particularités des jardins japonais – Style, espace, paysages (Editions de l’Université d’ agronomie de Tokyo), Jardins japonais – Esprit et technique de la conception de paysages (Editions Chuo-koron shinsha), Les jardins japonais (Editions Chuko shinsho)…

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Début de l’ère Hoei environ 1704 Image du Rikugien (dessin) Bibliothèque nationale de la Diète

An 38 de l’ère Meiji 1905 Photo de l’île au milieu de l’étang Musée Seikado Bunko

An 27 de l’ère Heisei 2015 Photo de l’île au milieu de l’étang

320ème anniversaire de la création du jardin !

Le Rikugien à travers dessins et photos 24

2015 vol.24

Un dessin et des photos centrés sur

l’ère Hoei (1705). A l’époque, il y avait

Yataro a organisé dans le jardin, pour

l’île qui émerge au milieu du lac du

peu de bosquets sur l’ile, et l’on

célébrer la victoire du Japon sur la

Rikugien ont été disposés par ordre

distinguait bien le couple formé par les

Russie, un banquet auquel il a convié

chronologique. On peut ainsi observer

montagnes Imoyama et Seyama. Vers

officiers et soldats triomphants. On peut

les variations du paysage au fil des

la fin de l’époque d’Edo, de nombreux

voir que les bosquets ont bien poussé,

époques. Le dessin provient de

jardins ont disparu. Cependant, le

et que l’île abrite alors un bois touffu.

Rikugien a été racheté en l’an 11 de

Enfin, la photo de 2015 montre une île

jardin Rikugien, réalisé par Kano

’ère Meiji (1878) par Iwasaki Yataro,

réaménagée conformément au dessin ;

Tsunenobu et ses fils, Chikanobu et

qui en a fait une résidence secondaire.

le paysage initial, simple et net, a été

Misenobu, et offert au Palais impérial

La vieille photo qui vient en deuxième

restauré.

Sento le huitième mois de l’an 2 de

position date de l’année ou Iwasaki

l’ouvrage en trois volumes Images du

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L’entretien des jardins, ce sont des hommes qui s’en occupent ! Les arbres comme les plantes, ça pousse ! Ça perd ses feuilles ! Et ça pourrit !

Le quotidien d’un jardinier paysagiste se consacrant avec ardeur aux travaux d’entretien

M. Kimura a accepté se de faire prendre en photo dans sa tenue de jardinier paysagiste. Ses outils sont accrochés à l’arrière de sa ceinture. Il porte de solides protègepoignets en tissu.

Quelle que soit la période de la visite, les jardins seigneuriaux présentent en permanence des panoramas soignés. Pour conserver ces magnifiques paysages, il faut travailler sans relâche et je suis toujours débordé, nous raconte Nemoto Koichi, jardinier paysagiste du Rikugien. Par exemple, quand la floraison des azalées est terminée, il faut retirer un millier de fleurs fanées au cours du mois suivant. Bien entendu, il faut durant la même période s’occuper de l’élagage des pins, mais aussi de la réfection des chemins qui se détériorent sans prévenir. Une véritable course de vitesse contre la nature. Les feuilles des arbres qui tombent tout au long de l’année, surtout durant l’automne et l’hiver, donnent aussi du fil à retordre. Portées par le vent, elles troublent l’eau en s’accumulant au fond de l’étang ou des rivières. A la saison chaude, cela génère des odeurs pestilentielles. Pas question d’accueillir les clients qui nous font le plaisir de la visite avec de mauvaises odeurs, nous explique Kimura Hiroshi, jardinier paysagiste du Korakuen dont l’équipe est obligée de nettoyer la rivière une fois par mois. Dans chaque jardin seigneurial, ce sont entre 5 et 7 jardiniers paysagistes de différentes spécialités qui s’occupent en permanence de la gestion et de l’entretien. Dans ces jardins, on trouve des arbres plusieurs fois centenaires, des plantes qui donnent des fleurs de saison magnifiques, et les garder en bonne santé requiert une attention constante. Les jardiniers doivent faire face aux menaces climatiques telles que les typhons ou la neige, à l’apparition d’insectes nuisibles et porteurs de maladies engendrés par le

réchauffement climatique, et ils se démènent chaque jour face au rythme des saisons qui ne leur laisse aucun répit.

Tenue de travail et outils des jardiniers paysagistes La tenue de travail du jardinier est faite de vêtements traditionnels spécifiquement adaptés. Par-dessus ses sous-vêtements, il enfile un tablier équipé d’une poche ventrale,

Entretien du jardin (2)

L’élagage à la main Période : chaque année, d’avril à fin mai Lorsqu’arrive le printemps, chaque branche de pin donne entre 5 et 10 pousses. Comme elles détruisent l’équilibre de l’arbre, il est indispensable de les élaguer tant qu’elles sont encore tendres. Le jardinier paysagiste du Rikugien, Nemoto Koichi, nous explique qu’après un examen de l’équilibre de l’arbre, il réfléchit à la forme vers laquelle doit tendre sa croissance. En examinant la direction que prend chaque pousse, il peut ensuite décider s’il faut la laisser se développer ou l’enlever. Ce travail lui prend entre 2 et 3 heures pour chaque pin.

Au printemps, les pousses de pin sont en pleine croissance (photo en haut à gauche). Une fois qu’on a décidé lesquelles laisser sur l’arbre, on arrache les autres une par une (photo de gauche). Quand ce travail est achevé, on a sous les yeux un pin net et bien ordonné.

ainsi qu’un pantalon ample qui le laisse libre de ses mouvements, resserré au niveau des mollets afin qu’il ne s’entortille pas dans les herbes folles. Il est chaussé de bottes bleu foncé antidérapantes qui garantissent une bonne sensation du terrain, et porte une courte veste.

Entretien du jardin (3)

Enfin, il est équipé de protège-poignets. Comme l’explique M. Kimura, l’expression pas

La taille

de protège-poignets, pas de salaire était autrefois populaire, sans doute parce que les

Période : chaque année, de fin avril à juin

blessures aux poignets étaient fréquentes.

Ciseaux de jardin Utilisés pour des feuilles ou des branches de l’épaisseur d’un petit doigt.

Sécateur Utilisé pour des branches de l’épaisseur d’un index.

Pour tailler les bosquets en forme de boules, on utilise une cisaille. Lorsqu’on manie cet outil, une main sert de soutien fixe tandis que l’autre déplace le manche pour couper. Quand le travail est joliment fait, apparaît un paysage bien arrangé.

Scie élagueuse Utilisé pour couper des branches épaisses.

Afin d’entretenir les aménagements réalisés par la main de l’homme, comme les haies plantées, il est nécessaire de tailler. C’est particulièrement vrai pour des variétés comme les azalées, qui ne poussent pas tellement en hauteur, et il faut les tailler pour les mettre en valeur tout en respectant l’équilibre avec les plantes qui les entourent. Il y a une saison bien précise pour ce travail. Dans le cas des azalées, une fois la floraison terminée, il se passe environ un mois avant que les bourgeons du printemps suivant ne sortent. Comme on ne veut pas être amené à couper ces nouveaux bourgeons, le temps disponible pour la taille est limité à un mois.

Entretien du jardin (1) Entretien du jardin (4)

Le nettoyage des cours d’eau

Le frictionnement des pins

Période : 1 fois par mois. En été : 2-3 fois par mois. Même si les pluies sont abondantes à Tokyo, il n’est pas simple d’assurer l’approvisionnement des jardins en eau, et dans le Korakuen de Koishikawa on pompe l’eau d’un puits. L’écoulement de l’eau des rivières dépend du relief. Ceci entraîne, aux endroits où il y a peu de fond et où le courant est ralenti, une augmentation de la température et une accumulation des déchets. Il est donc indispensable de nettoyer le fond des rivières, et même en plein hiver, ce nettoyage doit absolument avoir lieu une fois par mois.

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Période : chaque année, d’octobre à mars

A l’aide de râteaux (photo de droite), on remue longuement les feuilles mortes et les algues vertes attachées au fond de la rivière (photo de gauche) pour les décrocher et les récupérer, puis on laisse s’écouler les petites saletés dans le courant. A huit personnes, ce nettoyage prend une demi-journée.

Les pins aimant la lumière, on profite de l’hiver pour faire en sorte que chaque arbre soit entièrement exposé à la lumière. On commence par examiner les branches qui doivent être enlevées, puis on passe à l’élagage. Ensuite, on procède à un frictionnement qui permet d’enlever les feuilles mortes ainsi que celles qui ont commencé à changer de couleur. Cela se fait en inspectant l’état des branches une par une. Comme il s’agit d’un travail délicat, qui demande beaucoup de patience, l’entretien d’un grand pin ne nécessite pas moins d’un mois de travail.

La silhouette des pins dont les feuilles ont trop poussé finit par perdre de sa netteté (photo en haut à droite). On enlève à la main le vieux feuillage (photo de gauche), on élague les bourgeons et les branches inutiles (photo en haut à gauche), puis on frictionne les branches.

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Le guide JQR des jardins seigneuriaux

Programme des manifestations

Profitons des jardins seigneuriaux

Dans les jardins seigneuriaux, des manifestations culturelles sont organisées tout au long de l’année. C’est l’occasion de participer à des événements exceptionnels, auxquels on n’a pas accès d’ordinaire. Les horaires d’ouverture étant modifiés chaque année, il est nécessaire de se renseigner à l’avance.

Il serait dommage de n’en apprécier que le paysage. Voici nos conseils pour profiter à fond des jardins seigneuriaux.

Janvier

Palais intérieur de Chiyoda Promenades en bateau Bibliothèque nationale de la Diète

Le calendrier des fleurs

Mars

Dans les jardins seigneuriaux, les fleurs rivalisent de beauté tout au long de l’année. L’émotion de l’instant où l’on fait face à cette beauté reste gravée dans la mémoire à jamais.

Hamarikyu

Rikugien

3

Octobre

10

cerisier pleureur

magnolia de kobé

2 et 3 janvier ※ Annulé en cas de pluie jardin Hamarikyu-onshi, Place des douves Frais de participation gratuit (entrée du jardin payante) présentation de la technique traditionnelle de la chasse au faucon

● Illumination des cerisiers pleureurs Pendant deux semaines à partir du 20 mars ※ Pendant cette période, l’ouverture du jardin est prolongée jusqu’à 21 heures Rikugien gratuit (entrée du jardin payante) Contempler les magnifiques cerisiers pleureurs flottant dans le ciel nocturne

Démonstration de chasse au faucon / Hamarikyu-onshi teien

Illumination des cerisiers pleureurs / Rikugien

● Grande cérémonie du thé à Tokyo 11 octobre 2015 jardin Hamarikyu-onshi Billets pour la maison de thé 700 yens Autres billets 300 yens Pour la maison de thé, réservation obligatoire sur le site internet ou par carte postale préaffranchie (Date limite de réservation : 31 août) Pour les autres billets, la participation se fait dans l’ordre d’arrivée Une cérémonie du thé à grande échelle, où l’on pourra participer à une cérémonie dans une maison de thé, une cérémonie de thé en plein air, une première expérience de la cérémonie du thé… Renseignements ● secrétariat de la Grande cérémonie du thé de Tokyo 03-6268-8602 http://tokyo-grand-tea-ceremony2015.jp

Novembre

11

● Cérémonie de thé en plein air organisée par l’école Edosenke 3 novembre - 11h Koishikawa Korakuen Matsubara ※ En cas de pluie, la cérémonie a lieu dans le pavillon Kantoku-tei gratuit (entrée du jardin payante) Chaque cérémonie accueille les trente premiers arrivés Présentation de la préparation du thé vert par l’école Edosenke, suivie d’une dégustation

● Illumination des feuilles d’automne

● Présentation des mesures de protection des arbres contre la neige Période novembre Hamarikyu-onshi teien / Rikugien Gratuit (entrée du jardin payante) participation libre le jour même Préparatifs d’hiver traditionnels pour protéger les pins des gelées et de la neige. On pourra observer les jardiniers au travail

Irrégulier

5 9

4 Fête de la nature

15〜21

10

semaine des personnes âgées

ratuit pour les plus de 60 ans avec un accompagnateu

1 Fête des habitants de Tokyo

Le plaisir du thé vert dans une maison de thé Dans les jardins seigneuriaux, shogun et seigneurs donnaient des réceptions. A l’époque, on admirait les paysages, on se régalait d’excellents plats dans les maisons de thé, et l’on buvait du saké avec les invités. Quel plaisir de faire une dégustation dans une maison de thé en imaginant cette atmosphère ! On peut goûter thé vert et gâteaux japonais dans la Maison de thé de la Petite île du jardin Hamarikyu-onshi, ainsi que dans la Maison de thé Fukiage du Rikugien.

● Faire revivre la cuisine du shogun Hamarikyu-onshi teien ※ Se renseigner auprès du Hamarikyu-onshi teien Manifestation permettant de préparer et goûter la cuisine que mangeait le shogun Tokugawa Ienari

● Visite guidée par le directeur du jardin Dates non fixées ※ Se renseigner auprès de chaque jardin Hamarikyu-onshi teien / Koishikawa Korakuen / Rikugien Gratuit (entrée du jardin payante) Le jour même, par ordre d’arrivée Le directeur, tout en parcourant le jardin, donnera des explications sur son histoire et sa végétation

Reconstitution de plats d’époque / Hamarikyu-onshi teien

Renseignements ● Hamarikyu-onshi teien 03-3541-0200 ● Koishikawa Korakuen 03-3811-3015 ● Rikugien 03-3941-2222

( (

t.

érable ) feuilles d'automne

) feuilles d'automne succedraneum

) feuilles d'automne idesia

camélia violet (fruit)

automne

érable

t. succedaneum

イチョウ

farfugium japonicum

camélia ’ d

fleur d'équinoxe

Bush clover

Irrégulier

Illumination des feuilles d’automne / Rikugien

Jours de gratuité

A partir du 20 novembre environ, pendant deux semaines ※ Pendant cette période, l’ouverture du jardin est prolongée jusqu’à 21 heures Rikugien gratuit (entrée du jardin payante) Profiter du jardin et des magnifiques feuilles d’automne flottant dans le ciel nocturne

azalée Satsuki

rhododendron kaempferi, rhododendron x obtusum

lagerstroemia

Magnolia grandiflora

Hortensia macrophylla

lycoris sanguinea

épi de riz

lespédèze

Cluster amaryllis

hydrangea involucrata

lotus

lagerstroemia

pollia japonais

Lis bordé de l'or

cosmos jaune

campanule

Hortensia de montagne

hortensia

iris

rhododendron dilatatum, e. perulatus

spirée du Japon

Prunus serrulata

cerisier Yoshino

cerisier repiquage

glycine

iris japonais

grandiflorum

cornus officinalis

prunier

camélia

chimonanthus praecox

camélia

prunier

adonis

chimonanthus praecox Waterlily

azalée Tsutsuji

cosmos

2015 vol.24

lagerstroemia

28

érable

décembre

t. succedaneum

novembre

pivoine

octobre

fleur d'équinoxe

septembre

hibiscus mutabilis

août

campsis radicans

hortensia

juillet

glycine

cerisier à fleurs doubles

iris

azalée Satsuki

juin

amygdalus persica (Prunus persica)

cerisier Yoshino

mai

magnolia yulan

fleur de colza

mars

avril

Koishikawa Korakuen

narcisse

prunier

février

chimonanthus praecox

janvier

1

● Démonstration de chasse au faucon

Reconstruction de la Maison de thé de l’Hirondelle du jardin Hamarikyu-onshi Détruite dans un incendie causé par les bombardements américains de 1944, la Maison de thé de l’Hirondelle (construite au début du 19e siècle, c’était l’une des cinq maisons de thé du jardin à l’époque de Tokugawa Ienari), a été reconstruite au mois de mai de cette année. Les 24 types de cache-clous en bronze en forme d’ hirondelle qui lui avaient donné son nom ont été restaurés et réutilisés. Auvent profond typique du style Sukiya, murs extérieurs en plâtre blanc, toit fait de planches de cyprès Sawara de 3 mm d’épaisseur superposées… en s’appuyant sur des documents historiques, on est parvenu à une reproduction fidèle de l’aspect originel.

Avec une surface de 60m2, le bâtiment est étonnamment petit. Au centre de la pièce se trouve un espace surélevé en tatamis, où s’asseyait le shogun.

29


My Memory of Daimyo Teien

Sous le charme depuis 30 ans

Lors d’une journée d’automne, un jardin de daimyo et la sophistication de l’esthétisme japonais m’émurent. Peter Frankl est un mathématicien et grand voyageur originaire de Hongrie. Venu au Japon en pensant que c’était sa première et dernière visite, il s’y installa définitivement. Une des raisons de sa décision ? La beauté d’un jardin de daimyo (seigneur), qu’il visitait pour la première fois. Interview et texte / Rédaction JQR Photos / Satoru Naitoh

J

e suis venu pour la première

Je suis venu au Japon à l’automne 1986

des paysages de toute beauté. Le travail des

fois au Japon il y a 30 ans, à

avec mes parents pour les guider pendant 4

Japonais y est d’une grande finesse et leur

l’invitation de l’Université de

semaines dans ce pays que j’aimais tant.

minutie transparaît dans les moindres détails.

Tokyo. Comme je pensais

Nous avons visité le Kenroku-en à Kanazawa,

Cette maîtrise se retrouve dans la gestion

que cela allait être ma première et dernière

le Koraku-en à Okayama, l’Ohori-koen à

horticole : les feuilles des arbres poussent et

visite, j’ai voulu visiter le pays. Equipé d’un

Fukuoka en admirant les feuillages cramoisis

tombent, leurs branches cassent lors des

forfait de voyage en train valable deux

des érables japonais. Mes parents en ont été

typhons, ce qui est tout à fait normal pour

semaines, j’ai mis le cap sur Fukuoka. Je

vivement impressionnés. L’idéogramme

des jardins, et pourtant ces jardins sont

suis descendu en route en gare d’Okayama,

japonais pour « momiji » (érable japonais)

toujours beaux et ordonnés. Les iris japonais,

et j’ai pris le tram pour aller visiter le jardin

se compose de la clé de l’arbre et du

si splendides lors de la saison des pluies, ne

Koraku-en. L’automne était bien avancé. De

caractère « fleur », ce qui démontre la

peuvent présenter de floraison aussi

magnifiques pots de chrysanthèmes ornaient

créativité linguistique des Japonais.

magnifique que parce que la main de

l’entrée et les érables se paraient de rouges

J’ai visité par la suite de nombreux jardins

l’homme s’en est assurée. Ce n’est qu’au prix

flamboyants. Où que se pose mon regard,

dont le Shukkei-en à Hiroshima, le Ritsurin-

d’efforts sans relâche que les jardins peuvent

mon premier jardin de daimyo m’offrait des

koen à Takamatsu, le Suizen-ji Joju-en à

atteindre ce degré de beauté. C’est un des

vues si magnifiques que j’ai ressenti une

Kumamoto, ou encore le Sengan-en (Iso-

facteurs qui m’ont fait aimer le Japon.

profonde vague d’émotion.

teien) à Kagoshima. Tous ces jardins offrent

Peter Frankl s’extasie sur l’explosion de verdure du jardin Rikugi-en au cœur de l’été.

Les non-Japonais qui n’apprécient pas les feuillages flamboyants de l’automne n’ont jamais vu l’automne et ses couleurs au Japon

savais pas qu’il y avait aussi à Tokyo des jardins de daimyo. Le premier que j’ai visité était le Hama-Rikyu. L’atout de ce jardin, c’est qu’après l’avoir visité, on peut faire une croisière sur la Sumida jusqu’à Asakusa. J’ai d’ailleurs fait faire cette ballade à des mathématiciens allemands et des équipes de tournage de chaînes de télévision étrangères.

On entend souvent dire que les non-Japonais

Puis ç’a été le Koishikawa Koraku-en. Un

ne montrent aucun intérêt envers les couleurs

ami hongrois en visite au Japon m’avait dit

ardentes de l’automne, mais c’est sans doute

qu’il était parti seul à la découverte du

parce qu’ils n’ont jamais vécu l’arrière-saison

Koishikawa-Koraku-en et qu’il l’avait adoré.

dans l’archipel. Quand je suis arrivé au

« J’étais sûr que tu le connaissais, Peter »,

Japon, début septembre, il faisait une chaleur

m’a-t-il dit. Je m’y suis donc rendu à son

insupportable. Mon professeur me disait

incitation. C’est une véritable oasis en pleine

« Mi-octobre, les couleurs de l’automne vont

ville. Une fois les immeubles des alentours

faire leur apparition » ou encore « les feuilles

escamotés de mon champ de vision, je suis

des ginkgos vont changer peu à peu de

enveloppé d’une verdure foisonnante et je

couleur », mais je ne pouvais que feindre un

ressens une grande sérénité. Je suis

intérêt poli (rires). Ayant vu des dizaines de

incapable d’écrire un waka ou un haiku qui

fois en Hongrie les feuillages des arbres virer

tienne la route, mais je me retrouve dans le

au jaune puis tomber, à l’époque, cela ne me

pavillon de thé à réfléchir à ma vie, à ce que

faisait ni chaud ni froid. Mais c’est alors que

j’ai envie de faire à l’avenir. Un endroit idéal

je suis allé au Koraku-en à Okayama et que

pour les jeunes couples pour faire une sortie

j’ai pu voir les érables, écarlates, comme

… Les jardins de daimyo ne manquent jamais

incandescents, et admirer la beauté délicate

de me procurer un plaisir esthétique que je

de chaque feuille jusque dans les moindres

ne retrouve qu’au Japon.

détails. Ces couleurs contrastaient avec le

Il y a bien sûr des jardins hors du Japon,

vert des alentours et leur foisonnement

mais ils ne servent pas le même objectif. Les

d’arbres y sont moins riches qu’ici. Le Japon,

conférait au jardin une atmosphère

jardins du château de Versailles ou des

avec son climat tempéré et sa forte

majestueuse.

châteaux de la Loire en France sont des

pluviométrie, donne naissance à de multiples

jardins où la nature est ordonnée et maîtrisée

nuances de vert aux belles teintes brillantes.

l’automne japonais, flamboyants et comme

et où chaque arbre a pour fonction de

La richesse de ce vert entre la chute des

ciselés, vont impressionner et émouvoir

rehausser la valeur du château. Pour cela,

pétales des cerisiers au début de l’été et le

jusqu’aux visiteurs étrangers. Un seul

tous les arbres sont taillés pareil. Les arbres

festival O-bon est vraiment impressionnante.

problème : les Européens prenant

ne sont pas là pour le jardin mais pour servir

Les fleurs au Japon ont une longue période

généralement leurs vacances en été, il est

d’écrin à la beauté du château.

de floraison. Certains trouveront même

difficile pour eux de prendre un long congé

En Europe, c’est en Angleterre que les

ennuyeux un paysage sans fleurs. Ils ont tort.

automnal pour venir admirer les feuillages de

jardins sont particulièrement nombreux. En

Là, on est fin juillet au Rikugi-en et le

la saison. Et c’est vraiment dommage.

France, en Espagne ou encore en Italie, le

dégradé de vert est très vif, une vraie

soleil estival est brutal et grille les pelouses.

splendeur.

Grâce à son climat pluvieux, l’herbe est

33 Le jardin de daimyo est un patrimoine

toujours verte en Angleterre. Par contre, le

culturel dont le Japon peut être fier et un lieu

pays étant situé plus au nord que le Japon,

spécial que chaque visiteur étranger se doit

les couleurs des feuillages et les essences

de venir admirer.

Il ne fait nul doute que les coloris de

Méditer sereinement en admirant le paysage Quand je suis venu habiter au Japon, je ne

J’aimerais que les guides touristiques portent la mention suivante : « le Koishikawa Koraku-en et le Rikugi-en sont des symboles de l’esthétique japonaise et sont un écrin pour la beauté de chaque saison ».

profil

PETER FRANKL (Nom japonais : Furan Heita)

Mathématicien et artiste de rue. Membre de l’Académie des Sciences de Hongrie. Conseiller honoraire de l’Association Japonaise de Jonglerie. Né en 1953 en Hongrie, il s’exile en France en 1979 et visite le Japon pour la première fois en 1982. Il s’y installe définitivement en 1988. Il parle couramment 12 langues et a visité plus de 100 pays. Dans le cadre de ses activités de conférencier, il s’attache à transmettre des astuces pour mieux profiter de la vie. Son dernier ouvrage s’intitule « Sû ni tsuyoku narô » (Plus forts en chiffres) et est publié chez Iwanami Junior Shinsho.

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2015 vol.24

2015 vol.24

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Le guide JQR des jardins seigneuriaux

Le jardin Hamarikyu-onshi

Une fois passé le portail, un espace immense s’offre à la vue du promeneur qui en oublierait presque qu’il est en ville. Rafraîchi par la brise de la baie de Tokyo et doté d’une foison de verdure et de fleurs, le jardin Hamarikyu-onshi est né en 1654 lorsque Matsudaira Tsunashige, seigneur de Kôfu et frère cadet du 4ème shôgun Tokugawa, Ietsuna, décida le comblement d’une zone située en bordure de mer. Cette zone devint connue sous le nom de « Kôfu Hama-yashiki » (« pavillon de plage de Kôfu), puis au terme de nombreux aménagements prit sa forme quasi définitive et le nom de « Hama-Goden » (« Palais de plage ») sous le règne du 11ème shôgun, Ienari. Son statut après la Restauration de Meiji fut celui de villa impériale (« Rikyu »), d’où son nom actuel, « Hama-Rikyu ». L’un de ses éléments les plus remarquables est l’étang de marée Shioiri-no-ike, alimenté en eau de mer depuis la baie de Tokyo, que l’on peut traverser en passant le pont Otsutai-bashi pour rejoindre la maison de thé sur l’île du plan d’eau, Nakajima-no-ochaya, qui offre une perspective imprenable. Las, la vieille ville d’Edo n’est plus, mais les grands immeubles qui ceinturent ce jardin japonais offrent un spectacle inhabituel où se télescopent présent et passé. A ne rater sous aucun prétexte, l’imposant pin tricentenaire planté par le 6ème shôgun Tokugawa, Ienobu.

Un plan du Hama-Goden écrit il y a environ 210 ans au cours de l’ère Edo (conservé au Tokugawa Institute for the History of Forestry). Près de l’entrée se trouvaient les résidences des bureaucrates et les pavillons de garde. Au même endroit a été construit l’Enryokan, en 1870, qui servait à l’accueil des dignitaires étrangers. Fleuve Shiodome Colline Fujimi-yama

Mare de chasse aux canards Shinsenza-kamoba

Pont Naka-nohashi Colline Ochinyama Vestiges du pavillon de thé Umite-chaya

Etang de marée Shioiri-no-ike

Plan d’eau Yokobori

Colline Hinokuchi-yama

INFORMATIONS PRATIQUES Adresse : arrondissement de Chuo-ku, jardin Hama-Rikyu Teien Téléphone : 03-3541-0200 Jours de fermeture : du 29 décembre au 1er janvier Heures d’ouverture : de 9h à 16h30 et à partir de 7h30 du 1er juillet au 10 août (fermeture à 17h) Entrée : 300 yens (150 yens pour les plus de 65 ans). Gratuit pour les collégiens résidant à Tokyo et les écoliers

Vestiges du terrain d’entraînement des chevaux

Pavillon de thé de l’île Nakajima-noochaya

Pont Otsutai-bashi

Pont UmiteOtsutai-bashi

Pavillon de thé des pins Matsuno-ochaya Mare de chasse au canard Koshindokamoba

Ecluse Baie de Tokyo Colline Shinhinokuchi-yama

Monument funéraire dédié aux canards

Jardin de pivoines

Embarcadère du shôgun

Parc floral Kaboku-en

Porte Naka-nogomon

Pavillon Hobai-tei

Vestiges de l’Enryokan

Champ de fleurs

Centre de services

Verger d’abricotiers du Japon Embarcadère/ débarcadère des navettes fluviales

Fleuve Tsukijigawa

Entrée

Pin tricentenaire

Pont Otemonbashi

Gare de Shinbashi / Gare de Shiodome

En haut à gauche, une treille de glycines en fleurs avec en toile de fond les grands immeubles du quartier. En bas à gauche, l’étang de marée Shioiri-no-ike, dont le niveau est régulé par l’intermédiaire d’une écluse en fonction du flux et reflux de la marée en baie de Tokyo. En haut à droite : le Rainbow Bridge, pardelà la baie de Tokyo. En bas à droite, des pins typiques de cette zone maritime, éparpillés sur l’étendue du jardin.

A gauche: la maison de thé de l’île vue depuis l’étang de marée. A droite, le pin tricentenaire planté par le 6ème shôgun Tokugawa, Ienobu, qui présida au réaménagement du jardin.

Visitez le jardin à l’aide d’un guide multimédia portatif Ces guides multimédia portatifs sont mis à disposition gratuitement et présentent les éléments remarquables du jardin. Ils sont disponibles en japonais, anglais, chinois (caractères simplifiés et traditionnels) et coréen.

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Deux kamoba (mares pour la chasse au canard) Le Hama-Goden comprenait deux mares destinées à la chasse au canard, le Koshindokamoba et le Shinsenzakamoba. Chacune des mares est munie de tranchées étroites qui se terminent par un remblai abritant un poste de guet (photo ① ). Les canards étaient apprivoisés : ils étaient nourris au son d’un maillet frappant une plaque de bois (photo ② ). Les canards apprivoisés se rassemblaient dans la tranchée au son du maillet frappant la plaque de bois et les canards sauvages suivaient leur mouvement (photo ④ ). Un judas (photo ③ ) permettait alors de guetter le bon moment pour jeter sur les canards sauvages des filets qui les retenaient captifs.

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Le guide JQR des jardins seigneuriaux

Le jardin Koishikawa Korakuen C’est en 1629 que Yorifusa, fondateur de la famille Mito du clan Tokugawa, se lança dans l’aménagement du jardin de ce qui était sa résidence principale, un jardin de promenade dont Mitsukuni, son successeur, présida à l’achèvement. Au-delà de la porte orientale, aujourd’hui condamnée, se dressait la résidence seigneuriale des Mito, à l’endroit où aujourd’hui se situe le Tokyo Dome. Le site couvrait à son apogée une superficie de 88 000 tsubo, contre 20 000 aujourd’hui. Autour du plan d’eau principal, l’Osensui, s’articulent des paysages aux thématiques diverses (paysage maritime, fluvial, de montagne et de rizières) qui sont l’opportunité d’une ballade aux plaisirs variés. Pour ce qui est du choix du nom du jardin, Mitsukuni en confia la charge à Shu Shunsui, un lettré confucéen de la dynastie Ming, qui choisit le nom « Korakuen » en référence à une citation du texte chinois Gakuyoro-ki de Hanchuen : « un souverain doit être le premier à se soucier, avant son peuple, et le dernier à se réjouir, après son peuple ». Ainsi, le nom « Korakuen » peut se traduire par « jardin de la réjouissance ultérieure »… Le « pont de la pleine lune », ou Engetsu-kyo, ainsi nommé car son reflet dans l’eau évoque la pleine lune, serait une création de Shu Shunsui.

Ce « Plan du jardin de la résidence du clan Mito à Koishikawa » (conservé au Musée de l’Université de Meiji) date du début de l’ère Edo. On peut y discerner en haut à droite un édifice nommé Kawahara Shoin ainsi qu’une scène de nô. La forme du plan d’eau étant par ailleurs très différente de ce qu’elle est actuellement, on peut en conclure qu’il représente le jardin avant son grand réaménagement. Vestiges du temple Hakkake-do

Pont Yatsu-hashi Pont de la pleine lune Engetsu-kyo Vestiges du temple Kiyomizu-Kannon-do

Champ d’iris

Temple Tokujin-do Chutes d’eau Shiraito-no-taki

Pont Tsuten-kyo Pavillon de repos Maroya Colline Pont Togetsu-kyo Shoro-zan

Colline Ryukyu-yama

INFORMATIONS PRATIQUES Adresse : arrondissement de Bunkyo-ku, Koraku 1 chome Téléphone : 03-3811-3015 Jours de fermeture : du 29 décembre au 1er janvier Heures d’ouverture : de 9h à 16h30 (fermeture à 17h) Entrée : 300 yens (150 yens pour les plus de 65 ans). Gratuit pour les collégiens résidant à Tokyo et les écoliers

Verger d’abricotiers japonais

Digue du lac Seiko-no-tsutsumi

Pierres du gué Sawa-watari

Pavillon Kantoku-tei

Pin Hitotsumatsu

Centre de services Vestiges du temple Saigyo-do

Kuhachi-ya

Débarcadère Ile Horai-jima Pierre du temple Tokudai-ji

Plan d’eau Osensui

Entrée

Gare d’Iidabashi

Rizières Pinède

Ile Chikubu-shima

Fleuve Tatsutagawa Chemin pavé de pierres Nobedan

Vestiges de la porte chinoise Karamon Jardin intérieur

Fleuve Kisogawa

En haut à gauche, le lac Osensui, créé à l’image du lac Biwa, qui abrite deux îles, Hôrai-jima et Chikubu-jima. Le pont de la pleine lune, Engetsu-kyo, créé par Shu Shunsui, nommé ainsi en raison du reflet du pont à la surface de l’eau qui, combiné à l’arrondi du pont lui-même, crée un rond parfait (en bas à gauche). En haut à droite, le temple Tokujin-do abrite des statues de bois de Bo Yi et Shu Qi ayant appartenu à Mitsukuni, qui fut fortement impressionné par leur histoire dans le récit historique chinois Hakui Retsuden. En bas à droite, un magnifique chemin pavé de pierres traverse le jardin.

A gauche, le célèbre pin à la forme remarquable. A droite, le plan d’eau Seiko-no-tsutsumi construit sur le modèle du Lac de l’Ouest situé près de la ville de Hangzhou en Chine. Ci-dessous, le plan d’eau Osensui vu depuis le Shorozan.

Les écoliers viennent faire l’expérience de la riziculture Le jardin des rizières, situé au nord du parc, est une zone rizicole aménagée sous les ordres de Mitsukuni qui tenait à ce que la femme de son fils Shinaeda soit exposée à la rudesse de la vie des fermiers. Cette tradition a été reprise à partir de 1975 et chaque année, au mois de mai, les écoliers des environs viennent repiquer les plants de riz, puis en septembre, récolter le riz. Imaginez l’excitation des enfants qui entrent pour la première fois pieds nus dans une rizière ! Sous la direction des responsables du parc, ils s’exercent aux gestes du repiquage des plants et de la récolte, ce qui leur laisse entrevoir la pénibilité de la vie des fermiers.

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Le guide JQR des jardins seigneuriaux

Le jardin Rikugien

Une fois qu’on l’a visité, on n’a qu’une envie : revenir, encore et encore, dans ce jardin qui respire la sérénité. C’est à partir de 1695 et sur une durée de 7 années que Yoshiyasu Yanagisawa construisit ce jardin sur un terrain qui lui avait été octroyé par le 5ème shôgun Tokugawa, Tsunayoshi. Le nom Rikugien provient des 6 principes fondamentaux de la poésie japonaise inscrits dans le recueil Kokin Wakashu par Ki no Tsurayuki, qui trouvent leur origine dans le recueil de poésie chinoise dit Mao Shi. Yanagisawa construisit un plan d’eau alimenté par les eaux de la Sengawa et y aménagea une île, Naka-no-shima, composée de deux collines, Imoyama et Seyama, et entourée de sentiers cheminant à l’infini : le rivage du lac baptisé Deshio-no-minato, le promontoire Fujishiro-no-misaka ou encore le sentier Sasakani-no-michi, qui se déroule comme un fil arachnéen, sont autant de tableaux empreints de poésie, tout droit sortis des paysages de Wakanoura (Kishu) célébrés dans le Manyoshu et le Kokin Wakashu. Chaque année, au printemps, le jardin se pare des tons délicats des cerisiers et des azalées, puis à l’automne, des tons flamboyants des feuillages de l’arrière-saison.

On peut voir sur ce plan ancien du Rikugien, conservé à la bibliothèque Yanagisawa Bunko, le Rikugikan ainsi que les bâtiments de la résidence secondaire et de la retraite de campagne de la famille Yanagisawa. Aujourd’hui, il n’en reste que le jardin.

Senri-jo (vestiges d’une piste d’entraînement pour chevaux) Colline aux hortensias Ajisai-yama

Pont Fujinami-bashi

Entrée

Gare de Sengoku

Pont Togetsu-kyo Sentier de promenade Sasakani-nomichi

Cerisiers pleureurs Pont Tazuru-hashi Promontoire Fujishiro-toge

Centre de services

Rivage Deshio-nominato

Porte NaiteiDaimon

Seyama Pont Yamakage-bashi

Gishun-tei Ile Naka-no-shima

INFORMATIONS PRATIQUES Adresse : arrondissement de Bunkyo-ku, Honkomagome 6 chome Téléphone : 03-3941-2222 Jours de fermeture : du 29 décembre au 1er janvier Heures d’ouverture : de 9h à 16h30 (fermeture à 17h) Entrée : 300 yens (150 yens pour les plus de 65 ans). Gratuit pour les collégiens résidant à Tokyo et les écoliers

Imoyama

Ile Horai-jima Pavillon de thé Tsutsuji-chaya

Shinsen-tei Rive Tamamo-no-iso

Pavillon de thé Fukiage-chaya Rive de Fukiagehama

Vestiges du Ginka-tei

Pont Chidori-bashi Pavillon de thé Takimino-chaya Cascade Mizuwakeishi

L’île Naka-no-shima vue depuis la rive Tamamo-no-iso

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En haut à gauche, la maison de thé Takimi-Jaya à l’ambiance rustique où se fait entendre le bruissement des eaux d’un torrent. Au milieu à gauche, le plan d’eau principal aux eaux généreuses ceinturées d’arbres. En bas à gauche, les tons flamboyants de l’automne dans le jardin. En haut à droite, les azalées en fleurs cernent le sentier de promenade du Fujishiro-no-misaka. Au milieu à droite, les cerisiers pleureurs illuminés. En bas à droite, les allées du jardin, si belles qu’on a du mal à croire qu’on est au cœur de la ville…

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QR 1

Quality Review

KURUTOGA&orenz

La gamme Orenz comprend deux modèles (0,2 et 0,3 mm). Prix : 500 yens + taxes.

La gamme Kurutoga comprend 3 modèles (0,3, 0,5 et 0,7 mm). Prix : 450 yens + taxes

KURUTOGA&orenz

Un tracé régulier et une mine incassable avec ces portemines ultra performants Reportage, texte, photos / Rédaction JQR

Des technologies sophistiquées au service de la beauté de l’écriture la plus fine

M

Avec l’apparition du portemine, plus de besoin de tailler une

mine, il suffit de cliquer pour la faire sortir. Du manchon facilitant la préhension au portemine qu’il suffit de secouer pour faire sortir la mine, de nombreuses améliorations ont été apportées depuis sa création pour le rendre toujours plus facile à manier et à utiliser. Il s’est imposé depuis des décennies comme le remplaçant du bon vieux crayon. De nouveaux portemines sont apparus récemment, qui mettent l’ accent sur la beauté de la calligraphie et rencontrent un vif succès auprès des étudiants, à qui leur confort d’écriture permet de couvrir des cahiers entiers de pattes de mouches, un exploit que les portemines n’autorisaient pas jusqu’ alors. L’un d’entre eux est le « Kurutoga » de Mitsubishi Pencil. Son nom est la combinaison de deux fonctions, la rotation (kuru) et l’aiguisage (togatta) et fait référence au mécanisme qui permet, lors de l’écriture, de faire tourner la mine de 9°à chaque contact avec la feuille de papier. 40 pressions et un tour complet, soit une rotation à 360°, est effectué, aiguisant au

passage la mine en une pointe conique.

designers d’intérieur pour leurs dessins

D’après Tsutomu Nakayama, du Centre

techniques. Sa technologie est unique :

de recherches et développement de

sa mine ultrafine ne casse pas car elle

Mitsubishi Pencil à Yokohama, « la

est intégralement protégée par le canon

mine ne s’use pas d’un seul côté, elle

du portemine. Comme avec les

reste taillée en pointe en permanence,

portemines normaux, il faut cliquer pour

ce qui permet d’écrire avec constance

faire sortir le canon, mais la mine, elle,

des caractères complexes. Les

reste insérée dans le canon et c’est

caractères écrits sont ainsi tous tracés

avec le canon que l’écriture se fait.

du même trait régulier. La mine ne

« C’est à peine visible à l’œil nu, mais

casse pas et donc ne produit pas de

en fait le canon est arrondi au bout. Le

petits débris : plus de cahiers et de

canon devient de plus en plus court car

mains sales ! ».

il glisse au fur et à mesure de l’usure

Lors des enquêtes de consommation,

de la mine, la mine ne dépasse jamais

les utilisateurs questionnés n’avaient

du canon et il n’accroche jamais le

jusqu’alors pas mentionné de motif d’

papier lors de l’écriture. Et comme le

insatisfaction particulier avec les

canon protège la mine en permanence,

portemines existants. Pourtant, une fois

elle ne casse jamais, même celle d’une

le Kurutoga en main, ils ont été

finesse extrême », explique Kazuya

agréablement surpris par les avantages

Mizuguchi, du département marketing

présentés par rapport aux anciens

de Pentel.

modèles : la mine n’accroche pas le

Les mines commercialisées par Pentel

papier et il permet d’écrire proprement

contiennent de la silice qui les rendent

des caractères complexes comportant

plus solides et leur structure spéciale

un grand nombre de traits.

les rend moins cassables : ainsi, des

Ecrire sans mine apparente

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Orenz

Le bout du canon est arrondi et glisse au fur et à mesure de l’usure de la mine.

mines deux fois plus fines que les mines normales sont plus résistantes.

En haut, les 0,5 mm normaux ; en bas, 0,2 mm. Seul Pentel sait fabriquer des mines de 0,2 mm.

Ces portemines ne sont pas seulement

Orenz de Pentel est un portemine qui

des outils d’écriture, ce sont surtout les

fait beaucoup parler de lui : non

outils d’une belle écriture. De nos jours,

seulement il permet une écriture

où nous sommes habitués à voir les

prodigieusement fine, de l’ordre de 0,2

caractères parfaits qui s’affichent sur

à 0,3 mm, mais il le fait sans que

nos ordinateurs, il est d’autant plus

jamais la mine casse. L’Orenz est la

nécessaire d’avoir des outils qui nous

forme démocratisée et moins onéreuse

permettent d’écrire finement et joliment.

Kurutoga

A l’intérieur du portemine, le “système Kurutoga” et son mécanisme rotatif à base d’engrenages La mine touche le papier

Une pression s’exerce

La mine n’est plus en contact avec le papier

Quand la mine n’est plus en contact

du portemine favori des architectes et

● Pour toute information, veuillez contacter Mitsubishi Pencil au 70120-321433 ou sur http://www.mpuni.co.jp Pour contacter le service clients de Pentel, appelez le 70120-12-8133 ou consultez le site http://www.pentel.co.jp

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Que vous remplissiez des pages entières d’une écriture serrée ou annotiez des documents, le tracé sera toujours impeccable.

L’engrenage du milieu se soulève

Il s’engage avec l’engrenage du haut et se déplace vers la gauche

Un ressort repousse l’engrenage du milieu vers le bas

Il s’engage avec l’engrenage du bas et se déplace vers la gauche

Là où les portemines ordinaires sont composés d’une dizaine de pièces, le Kurutoga en comprend le double, soit 20.

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Quality Review

Article 9 de la Constitution

Article 9 de la Constitution

Le recueil des 6 Codes des éditions Yuhikaku Publishing, en incluant les traités, atteint 6500 pages. Le dictionnaire Kojien des éditions Iwanami Shoten ne contient pas moins de 3000 pages.

Article 9 de la Constitution Renonciation à la guerre, aspiration à la paix : l’article 9 de la Constitution japonaise Texte et photos / Rédaction JQR

On dit que l’article 9 de la Constitution n’a pas d’équivalent dans le monde. Examinons son contenu à l’aide du dictionnaire Kojien

chacun sait, ce projet est contesté par de nombreux constitutionnalistes et suscite l’opposition d’une grande partie des citoyens. Selon les critiques, le gouvernement Abe et le Parti libéraldémocrate feraient une lecture détournée de l’article 9.

I

40

maginer la paix n’est pas

Une lecture détournée ?

difficile. Cependant, aussi

L’article 9 de la Constitution serait-il un

étonnant que cela puisse

texte difficile, complexe et sujet à de

paraître, accomplir la paix s’avère

multiples interprétations ?

extrêmement compliqué. L’humanité n’a

Pour en avoir le cœur net, nous avons

cessé d’accumuler les disputes, et a

décidé de relire cet article. Le texte de

sans relâche teinté l’histoire du sang de

l’article 9 est présenté sur la page de

la haine. Le Japon, lui aussi, a autrefois

droite, ce qui permettra à chacun d’en

marché vers la guerre. Cela a conduit

prendre connaissance. Les définitions

de nombreux Japonais à la mort, et

de chaque terme, tirées du dictionnaire

l’invasion des pays voisins a imposé à

Kojien, sont notées dans le tableau de

leurs populations des sacrifices

droite.

irréparables.

De manière indiscutable, l’article est

La Constitution du Japon est entrée en

rédigé dans un langage simple, facile à

vigueur après la guerre. Son article 9

comprendre, et qui ne permet pas la

stipule clairement que le peuple

moindre erreur d’interprétation.

japonais renonce à jamais à la guerre.

Selon le Premier ministre Abe, le

Cependant, la proposition du

contexte sécuritaire aurait changé.

gouvernement Abe de rendre le recours

Pourtant, si l’on affirme promouvoir une

à l’autodéfense collective possible, en

diplomatie pacifiste positive, il semble

2015 vol.24

tenant compte du

plus approprié d’étendre l’application de

fait que le

l’article 9 que de s’engager dans des

contexte

affrontements militaires.

sécuritaire a

À ce propos, nous avons vérifié le sens

changé, est

du mot invasion dans le Kojien, qui en

actuellement

donne la définition suivante : le fait de

débattue à la

pénétrer dans un pays pour s’emparer

Diète. Comme

des territoires et biens.

Les termes qui apparaissent dans l’article 9, et leur définition selon le dictionnaire Kojien : Justice

Ordre

Paix

Raison juste. Voie correcte que doivent suivre les hommes . Rationalité. Ordre raisonnable des choses. État d’un monde paisible, sans guerre.

Sincérité

Fait d’être sérieux et sincère, dans son travail ou envers les autres.

Aspiration

Souhait, demande.

Droit souverain de la nation

Pouvoir, autorité de la nation. Suprématie et souveraineté de la nation.

Exercice

Mise en mouvement. Déploiement d’une activité.

Guerre

Lutte armée entre deux nations.

Force armée

Force d’une armée. Forces militaires.

Menace

Fait de menacer, en s’appuyant sur une force armée ou un pouvoir.

Usage

Utilisation effective d’un pouvoir, d’une force.

Conflit

Dispute difficile à résoudre. Discorde.

Règlement

Moyen

Fait de régler habilement un problème, une affaire compliquée.

Façon concrète d’atteindre un objectif.

Permanence

Fait de ne connaître aucun changement, à jamais.

Renonciation

Fait d’abandonner volontairement ses droits ou privilèges.

L’article 9 de la Constitution ne fait que huit lignes. Cependant, il exprime le but et l’idéal de l’humanité.

[Article 9 de la Constitution du Japon] ① Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant qu’exercice du droit souverain de la nation, et à la menace ou à l’usage de la force armée comme moyen de règlement des conflits internationaux. ② Pour atteindre le but fixé, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales ou aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu. 2015 vol.24

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Ojiya, Niigata

La fête de Katakai

La grande fête d’automne du temple Asahara est célébrée avec pour offrande un festin de feux d’artifice La fête de Katakai est connue pour ses fusées pyrotechniques de 4 shaku (environ 120 cm) de diamètre, les plus grosses du monde. Cette offrande lancée vers le ciel pour porter au firmament les vœux des habitants locaux est une tradition qui remonte à l’époque d’Édo.

Photos et texte: Yuko Iida 42

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C’est ici que des pièces pyrotechniques de 3 shaku et de 4 shaku (respectivement 90 cm et 120 cm de diamètre) ont été tirées pour la première fois !

Les feux d’artifice qui éclatent au-dessus des têtes créent d’impressionnants impacts visuels et sonores. La petite commune de Katakai qui s’étend le long d’une nationale se ranime le temps d’une fête, avec le retour des anciens élèves du lycée local. Vêtus d’une même veste de kimono teinte à l’indigo et la tête ceinte d’un bandeau, ils sont prêts à célébrer la fête. Sous les éclats de 15 000 feux d’artifice, ils défilent par groupes de condisciples en tirant des chars et en chantant un chant de travail traditionnel. Nous sommes à Ojiya, au sein du département de Niigata, pays

commune. Chaque lancement de fusée est accompagné d’un

producteur de riz. La fête annuelle de Katakai a lieu les 9 et 10

message diffusé au haut-parleur: « Mamie, nous te souhaitons

septembre, au moment où les tiges de riz courbant sous le

santé et longévité. De la part de tes petits-enfants. », ou : « Je

poids des grains dorés laissent présager l’imminence de la

lance cette fusée pour toi qui aimais les feux d’artifice. Que tu t’

récolte.

en régales au paradis ! ». Si les feux d’artifice de Katakai sont

De nombreux spectateurs venus des quatre coins du Japon

très souvent porteurs de pareils vœux personnels, c’est parce

assistent à cet événement. Ils sont surtout attirés par les 15

qu’ils sont offerts par les habitants qui les commandent aux

000 feux d’artifices tirés en deux jours. Des bombes faisant

pyrotechniciens.

plus de 30 cm de diamètre sont projetées dans le ciel les unes

Le 10 septembre, le lendemain de cette fête nocturne, des

après les autres et explosent en plusieurs fois – de deux à dix

fusées dédiées aux défunts sont tirées à midi. Leur explosion

fois - grâce à leur structure munie de dispositifs de retardement

dans le ciel diurne est-elle visible depuis l’au-delà ?

d’allumage. Quelle débauche de couleurs et de sons ! Le

Des projectiles tirés simultanément ou de grosses bombes de 3

lancement successif ou simultané de projectiles embrase la

shaku détonnent dans le ciel bleu de la fin d’été, mais ne

nuit à perte de vue.

produisent que des fumées colorées. Leurs sons, qui résonnent

Perpétués depuis l’époque d’Édo, les feux d’artifice de

dans l’enceinte du temple désertée par les spectateurs,

Katakai sont dès l’origine une offrande au temple Asahara,

annoncent comme chaque année la clôture de la saison.

vénéré comme sanctuaire qui assure la protection de la

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Les feux d’artifices sont ruineux, mais resserrent les liens familiaux et amicaux.

Les détonations des feux d’artifice qui retentissent semblent faire le compte à rebours de la fin de l’été.

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Envoyer de la terre au ciel des feux d’artifice qui illuminent la nuit

À la sortie du lycée local, les condisciples de chaque classe forment une équipe d’artificiers pour se retrouver à la fête et lancer des fusées, et ce, jusqu’à l’âge de 60 ans ou de 80 ans. Chaque équipe tire un char et défile en chantant un chant de travail traditionnel.

Informations pratiques

« La fête de Katakai» Lieu

Katakai-machi, Ojiya, Niigata

Dates

Tous les ans, les 9 et 10 septembre

Heure

ou la grande fête d’automne du temple Asahara, célébrée avec pour offrande un festin de feux d’artifice

De 19 h 30 à 22 h 20

Le lancement d’une fusée de 4 shaku a lieu à 22 h les deux soirs Accès Prendre, au sortir de la gare de Nagaoka (ligne JR Joetsu-Shinkansen), le bus d’Echigo Kotsu à destination d’Ojiya via Katakai pour descendre à l’arrêt « Katakai Gonomachi » après une trentaine de minutes de trajet et marcher 10 minutes. Ou prendre, au sortir de la gare d’Ojiya (la ligne JR Joetsu), le bus d’Echigo Kotsu à destination de Nagaoka via Katakai pour descendre à l’ arrêt « Katakai Ninomachi » après une vingtaine de minutes de trajet et marcher 10 minutes.

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