Une Torah Vivante
Rabbi ‘Haïm KANIEVSKY
AUTEUR Yaakov ‘HALOFSKY • TRADUCTION Miriam LICHTENAUER • DIRECTION Binyamin BENHAMOU
Dans la même collection : Rav Ovadia Yossef Rabbi Itshak Abi’hssira, « Baba ‘Haki » Rav Steinmann Rav Elyashiv Rabbanite Kanievsky Rabbanite Kanievsky (Tome 2)
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• Imprimé en Israël Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où, ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.
Note de l’éditeur Les Editions Torah-Box ont le privilège de vous présenter ce recueil autobiographique consacré à l’un des Grands de la Torah de notre génération, le Rav ‘Haïm Kanievsky. Plus que tout autre discours, le récit des conduites de nos Maîtres éveillent chez nous de nobles sentiments, plus particulièrement l’envie de nous élever spirituellement, de nous améliorer dans l’étude de la Torah, de parfaire nos traits de caractère. Chacune des anecdotes de cet ouvrage regorge d’enseignements dans le domaine de la crainte du Ciel, du rapport à autrui, de l’éducation des enfants, etc. Mais ce livre retrace également l’influence qu’eurent d’autres Grands du peuple juif sur le Rav ‘Haïm Kanievsky, tels que son père, le célèbre Steipeler et son oncle le ‘Hazon Ich, deux grandes figures du monde de la Torah. Au fil des pages, vous découvrirez l’exceptionnelle assiduité du Rav dans l’étude, la sainteté de sa conduite et son attachement à la Torah – qu’il étudie environ 20 heures par jour ! – et les bénédictions qu’il prodigue à des milliers de Juifs qui le consultent de par le monde Prions pour que la conduite du Rav éclaire nos propres voies afin que nous aussi, nous nous élevions dans notre service divin ! Toutes nos plus grandes bénédictions à la traductrice Mme Miriam Lichtenauer. להגדיל תורה ולהאדירה L’équipe Torah-Box
TABLE DES MATIÈRES 1
Les débuts d’un Gadol La Brit-Mila Ses premiers pas dans la vie Je connais tout le Chass ! Vers Israël Auprès du ’Hazon Ich Tu as raison ! Ce n’était pas juste ! La Bar-Mitsva La force des premiers apprentissages A la Yéchiva Tiféret Tsion Le premier Siyoum de tout le Chass A la Yéchiva Guédola J’ai tout mangé… Jouer au chat et à la souris : pas question ! Les gens lui courront après…
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2 - Le mariage Le Chiddoukh Le ’Hatan a disparu ! Juste avant le mariage La cérémonie Les débuts du couple
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3 - Le ’Hazon Ich Dans la Jérusalem de Lituanie L’arrivée du « lion de Bavel » Développer l’étude de la Torah Une relation privilégiée Un véritable Chimouch
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Changement d’endroit Un enseignement pour les générations futures Le meilleur en calcul mental Patience et respect des parents Ça se sent dans l’air Il garde les pas de Ses fidèles Un jugement sûr Avec lui, on ne peut pas ruser Des Brakhot d’une grande force Une parole, un gage de vie Avec les Talmidé ’Hakhamim, tout est différent Pourquoi ne vient-on pas m’annoncer les bonnes nouvelles ? Le coucher du soleil La piqûre du scorpion
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4 - Le Steipeler Rien d’autre au monde que la Torah Sacrifice dans le froid russe De retour à la Torah Dans la tête d’un Goy… Vers Erets Israël Une existence empreinte de sainteté A la tête du peuple juif Contre toute forme de croix Une nation de Cohanim et un peuple saint Une relation unique Un respect des parents hors-normes L’étude du père avec son fils Les derniers jours d’un Gadol
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5 - Torah et assiduité Douze heures, si peu… Juste un verre de thé Tu voulais quelque chose ? Même en dormant… Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
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En récompense des efforts Pas de raccourcis Etudiez avec lui ! Un bon père ? Il voudrait tellement… Ne mépriser aucun élève Si tu étudies, tu deviendras un Talmid ’Hakham ! A quelle tâche se tuer ? L’étude avant tout Supérieure au sauvetage de vies Une association impossible La tentation du repos 6 - Maître de toute la Torah Dès sa jeunesse C’est son affaire ! Qu’est-ce qui est mieux ? Faire des fleurs à la Torah Et qu’est-ce qui est un ? Quelle était la première fois ? Les poissons de la mer, pas de l’aquarium Une liste instantanée Un répertoire systématique Quand l’ordinateur montre ses limites Mieux qu’un moteur de recherche Qui a raison ? « Tanou Rabbanan » – mensonge ! Où est-ce écrit ? Je vais te montrer la source Il va falloir revoir tout Zraïm… Une mémoire sélective 7 - Torah – ’Hovot Les ’Hovot Remplir ses ’Hovot en toutes circonstances J’ai des dettes…
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Dès la jeunesse Un chapitre de Ben Adam La’havéro De l’importance d’être constant Une Torah de vie L’heure, c’est l’heure ! Un autre ’Hov : les lettres
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8 - Une perspective de Torah Une perspective totalement différente Presque la lapidation – pourquoi ? Plus que l’or et l’argent Puni par la richesse A mon fils, je n’apprends que la Torah Un supplément de vie Une joie bien particulière Pourquoi avons-nous des yeux ? La meilleure protection Se soumettre à la justice divine La bonne voie Ce qu’un étranger ne peut comprendre Comment en sont-ils arrivés là ? L’essentiel : faire la volonté d’Hachem Pile à temps Tout le monde y gagne Il est plus difficile de se taire De simples rêves ? Une récompense dans ce monde Une justice parfaite
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9 - Téfila Prier sans relâche La prière de Vatikin La Téfila de Yom Kippour Katan Un tremplin pour la Téfila La maison de la Chounamite Quelques minutes par-ci par-là…
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10 - La minutie dans la Halakha Même ce que les hommes foulent du pied… Une ’Houmra justifiée Le zèle, privilège des empressés Autour du calendrier Comment dormir tranquille Comment font-ils pour la Bédikat ’Hamets ? Le respect des livres Le respect des anciens Un retard providentiel Le Ribbit qui fit caler un moteur Pointilleux… jusqu’à la pointe d’un Youd La soumission, supérieure au bénévolat Une Mitsva dispense d’une autre Le respect des parents avant tout Une Téchouva sur-mesure Ton grand-père aurait eu honte de toi ! Une Brakha sans aucun doute : quelle chance ! Une solution si simple Cela ne te causera aucun tort… Un miracle de ’Hanouka
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11 - ’Hessed Résorbe les dettes avec mes fonds ! La dette de l’âne Un reproche latent Aimer le converti Il soutient la veuve et l’orphelin Que répondre à un enfant de six ans ? Faire chaud au cœur, même quand le feu est éteint Recevoir des invités Visiter les malades Un écran entre la maladie et la mort De ta chair, ne te détourne pas Exercer Léchem Chamayim
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12 - Conseil et assistance Conseiller Léchem Chamayim Ce qui est bon pour chacun On ne change pas les Sédarim classiques La meilleure manière d’étudier Il vaut mieux attendre avant d’imprimer Une veillée à vingt ans La Torah contre les angoisses Sauf la Yirat Chamayim Participer aux funérailles d’un Tsadik Un Korban Toda Tu mangeras et tu mangeras… Quand le vin trahit son propriétaire Tout est sous contrôle ? Le vrai Médecin Roch Hachana, une nouvelle donne Une Brakha ciblée Parler à une poupée, un jeu d’enfant ? A qui donner la préférence ? Tout est dans la Torah Question de vie ou de mort… Des réponses bien pesées
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13 - Le Zivoug, prédestiné A dix-huit ans, le mariage Ni trop tôt, ni trop tard Se marier dans l’ordre d’âge La concordance des prénoms Prier : la Ségoula la plus sûre Bossue ?! Le ’Hazon Ich, élogieux ? Un Chiddoukh orchestré par le Ciel Participer dans tous les cas La monnaie de sa pièce A cœur brisé, vie brisée Trois mois de réparation
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14 - La parole du Tsadik On peut se fier à sa promesse ! Si Rabbi ’Haïm vous l’a certifié… Un sacrifice, une promesse Baroukh Mé’hayé Hamétim De la pluie en été ! L’enfant du Chabbath Quand le Chabbath se défend vaillamment Si tu annules le voyage, Hachem t’aidera Qu’il te promette un fils ! Rien de plus facile pour les médecins que de tuer L’enfant du Rav Celui qui prie pour l’autre… Une Brakha quadruple D’abord un Minyan de filles… Un changement de nom salutaire Vendre un œdème à un Goy ? Si tu ne désertes pas la Torah, tu n’as rien à craindre ! Il s’est causé du tort à lui-même Qui dit que c’est bon pour vous ? Un suivi personnalisé
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15 - La direction de la génération Les honneurs le poursuivent Si la Torah elle-même l’exige… Il a laissé un fils comme lui ! Sa relation avec le Rav Lefkovitch Le pilier de la Halakha dans notre génération La Parole d’Hachem Je vais dire le Kaddich Mon Rav et Maître De Maître et d’élève Une discussion d’érudits Ses relations avec le Rav Steinman Qui a conféré de Sa sagesse à ceux qui Le craignent La défense d’un Gadol… par un Gadol
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Faites attention à leurs braises… … De peur de t’y brûler On a besoin de lui Rien que cela en valait la peine 16 - Devinettes et déductions Se divertir avec la Torah D’énigme en énigme Une fine connaissance de la nature humaine… Une erreur ?
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17 - Ségoulot p.261 A chaque mal, son remède 263 Contre la calvitie 266 De mystérieux maux de pieds 267 La barbe, beauté du visage 268 Des Ségoulot dans tous les domaines 269 La rédaction de livres de Torah : Ségoula pour avoir des fils 270 Pour chaque enfant, un livre 271 Ségoulot pour avoir des enfants 272 Les enfants de Chounem 273 18 - Les livres de Rabbi ’Haïm Un auteur prolifique La rédaction du Kiryat Mélekh Du moment que ce n’est pas le contraire Tout cela pour Rabbi ’Haïm… Les doléances de la Rabbanite Auerbakh C’est moi qui ai besoin de vous ! Une Siyata Dichmaya proportionnelle à l’effort La Brakha de Chéhé’héyanou Si précieux à ses yeux Le feu arrêté par une main invisible Une bonne remarque Rabbi ’Haïm dit que… Des années d’efforts rétribuées
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19 - L’épouse d’un Gadol Le monde s’arrêtait de tourner L’étude de Rabbi ’Haïm avant tout ! Le temps, c’est du Limoud Ne me donnez pas la clé ! Une muraille sans faille Un Siyoum, une apothéose Une patience illimitée Un don de soi absolu Du pain et de l’eau Le luxe : il n’en est pas question ! Une maison ouverte à tout vent La Halakha avant tout En cas d’accouchement le Chabbath Sans l’ombre d’un doute La vraie cause
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20 - Conteur et moraliste La verve du narrateur Céder ou gagner ? La troisième option L’interrogation qui faillit tourner court Pourquoi ne reviendrait-il pas ? La falsification du Talmud Qui passe avant ? Où ce Din est-il évoqué ? Enseignements du ’Hafets ’Haïm Un remède universel ? Un chèque du Réma me suffit
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Glossaire
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Galerie de Photos
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Les débuts d’un Gadol
les débuts d’un gadol
C’est à Pinsk, en Pologne, qu’est né le fils aîné du Gaon Rabbi Yaakov Israël Kanievsky, communément appelé le Steipeler, et de la vertueuse Pécha Myriam, sœur cadette du ’Hazon Ich.
La Brit-Mila Lors de cet évènement, le Sandak n’était autre que… le père du nouveau-né. Ne se trouvait-il pas, parmi les invités de marque, quelque personnalité de premier plan qu’on aurait pu honorer de ce rôle ? En fait, c’est justement du fait des grandes précautions du Steipeler dans ses relations avec autrui – et à plus forte raison avec les Talmidé ’Hakhamim – qu’il préféra remplir lui-même cet office. En effet, comment choisir l’un d’entre eux au détriment des autres ? « A ma Brit-Mila, témoignera Rabbi ’Haïm lui-même, se trouvaient plusieurs Talmidé ’Hakhamim dignes de se voir attribuer l’honneur d’être Sandak, parmi lesquels le Rav Baroukh Epstein, auteur du Torah Témima, fils du Aroukh Hachoul’han et gendre du Rav de Minsk. Aussi, pour ne blesser personne, mon père remplit lui-même le rôle de Sandak. » Le nouveau-né fut prénommé Chémaryahou Yossef ’Haïm, du nom de ses deux grands-pères : les deux premiers prénoms d’après son grandpère maternel, Rabbi Chémaryahou Yossef Karélitz, Rav de la ville de Kossova, et le troisième à la mémoire de son grand-père paternel, Rabbi ’Haïm Pérets Kanievsky.
Ses premiers pas dans la vie Le Steipeler mit au point un système ingénieux pour éviter que le nourrisson n’éveille sa mère la nuit : il accrochait une longue corde, d’un côté, à son pied, et de l’autre au berceau de son fils. Lorsque celui-ci se mettait à vagir, son père le berçait ainsi depuis la pièce où il étudiait.
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Dès que le petit ’Haïm sut parler, son père lui apprit par cœur les noms des différents traités : Brakhot, Péa, Démaï, etc. Il l’habitua également à identifier, dans la bibliothèque, les volumes du Chass, du Rambam, du Choul’han Aroukh. Ainsi, avant même qu’il sache lire, le petit ’Haïm aimait déjà la Torah.
Je connais tout le Chass ! Pour l’anecdote, lors d’une visite du Rav Zéev Eidelman à la Yéchiva Beth Yossef, à l’époque où elle était sous la direction du Steipeler, celui-ci fut accueilli par le petit ’Haïm. Encore tout jeune, ce dernier demanda à leur hôte de l’interroger sur tout le Chass, fier et heureux à l’idée de montrer son savoir : il connaissait le nom de tous les traités du Talmud dans l’ordre ! A l’occasion, Rabbi ’Haïm confia à son proche, Rav Eliahou Man, que son père lui avait également Rabbi ’Haïm enfant appris, sur une mélodie particulière, les noms de toutes les Parachiot ainsi que des 24 livres du Tanakh. « Cela m’a été particulièrement profitable, car intuitivement, j’ai compris qu’il fallait connaître la Torah en entier », commenta Rabbi ’Haïm. Jusqu’à sa Aliya à l’âge de six ans, il n’étudia pas au ’Héder, mais auprès de son père, qui eut le temps de lui enseigner Béréchit et Chémot – il fit le Siyoum de ce livre à sa descente du bateau.
Vers Israël A l’issue du repas de Pourim de l’année 1934, entouré de sa famille, ’Haïm quitta sa terre natale pour Erets Israël – un départ qui le marqua beaucoup :
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Rabbi ’Haïm sur les genoux de son père, à Pinsk
« Lorsque nous avons quitté la Pologne pour monter en Erets Israël, relatera-t-il, la Rabbanite Schneidmann courut après nous pour nous accompagner, et Papa la bénit en lui souhaitant d’avoir également le mérite de monter en Erets. C’était en plein banquet de Pourim.
« Finalement, la Brakha s’accomplit, puisqu’après un certain temps, elle eut le mérite de monter en Israël. Je me souviens encore de sa ’Houppa, lors de laquelle Papa fut Méssader Kiddouchin. » Le voyage jusqu’en Israël dura trois semaines, et en Nissan de la même année, ils purent enfin fouler le sol de la Terre sainte. Le Rav Matityahou Stiegel, directeur de la Yéchiva Beth Yossef à Bné Brak, délégua son élève, Rav Tsvi Kagan, pour accueillir les nouveaux arrivants au port de ’Haïfa. Rav Tsvi leur offrit des victuailles pour leur permettre de reprendre des forces – et notamment des cacahuètes, fruit tout nouveau pour ces Européens. Le petit ’Haïm s’écria alors, plein de joie : « Voilà un nouveau fruit sur lequel nous pourrons dire Chéhé’héyanou à Pessa’h ! » Il ignorait bien sûr que ces graines font partie des Kitnyot, que les Ashkénazes ne consomment pas à Pessa’h…
Auprès du ’Hazon Ich La famille du Rav Kanievsky élut d’emblée domicile à Bné Brak – au début, dans la maison de son éminent oncle, le ’Hazon Ich, en attendant de trouver un appartement à Guivat Rokéa’h, près de chez le ’Hazon Ich.
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Douze ans plus tard, en 1947, le ’Hazon Ich emménagea dans la maison construite à son intention dans le quartier de Zikhron Méïr. Du fait des problèmes de santé de son épouse, il demanda à la famille de son beau-frère d’emménager avec lui, afin que sa sœur puisse l’aider. Après leur installation en Israël, ’Haïm fut inscrit au Talmud-Torah Rabbi Akiva-Merkaz, mais son père continua en parallèle à étudier avec lui. Il lui enseigna plusieurs traités de Guémara jusqu’à l’âge de la Bar-Mitsva – par exemple, celui d’Erouvin, vers l’âge de dix ans.
Tu as raison ! Ce n’était pas juste ! A l’époque où il étudiait au ’Héder eut lieu un incident désagréable. L’un des enfants fit une bêtise et, voulant le punir sévèrement, le maître demanda au petit ’Haïm, qui avait une belle écriture, d’inscrire sur une grande feuille les mots « mauvais garçon » afin de la coller dans le dos de l’enfant. Cela, pensait-il, dissuaderait tous les autres de l’imiter. Mais ce n’était pas ainsi que ’Haïm voyait les choses, et il refusa d’obéir au maître. Lorsque, de retour chez lui, il raconta ce qui s’était passé à son père, celui-ci lui donna raison. « Tu n’es pas obligé d’accepter de faire quelque chose qui t’attirera la colère de tes camarades », approuva-t-il.
La Bar-Mitsva La Bar-Mitsva de Rav ’Haïm se déroula en présence de personnalités rabbiniques telles que le ’Hazon Ich et son frère, Rabbi Méïr Karélitz, ainsi que le Rav de Poniewicz. Le Bar-Mitsva fit une courte Dracha, élaborée à partir de sources que lui avait indiquées son père. Aucun des Rabbanim présents ne
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l’interrompit pour faire des remarques. Le Steipeler imprima par la suite le contenu de l’intervention dans son livre.
La force des premiers apprentissages Rabbi ’Haïm raconta qu’avant d’atteindre l’âge de la Bar-Mitsva, son père étudia avec lui des traités difficiles tels que Erouvin, Zéva’him, Ména’hot et ’Houlin. « Avant de commencer à étudier le traité de ’Houlin, confia Rav Kanievsky, mon père m’emmena à l’abattoir pour que je voie concrètement comment on procède à la Ché’hita, afin que le sujet me soit plus familier. » Quant aux autres traités, son père souhaita qu’il les étudie seul. « Jusqu’à ce jour, je me souviens moins bien des traités que j’ai étudiés par la suite. Par exemple, le traité Baba Batra que j’ai appris en dernier est celui dont je me souviens le moins bien. » Le Gadol cite par ailleurs à l’appui le traité Chabbath (2b), où il est rapporté que les Sages énoncèrent devant Abayé une Halakha au nom de Rabbi Yirmiya, qu’il réfuta. Pourtant, lorsque la même Halakha lui fut répétée au nom de Rabbi Yo’hanan, il l’accepta. « Si j’avais été plus méritant, avoua le Maître, je l’aurais déjà apprise la première fois. » Quelle différence cela fait-il, demande la Guémara, puisqu’en fin de compte, Abayé accepta la Halakha ? Quel intérêt si c’était à la première ou à la seconde fois que cette Halakha lui fut présentée ? La différence tient à la force de l’étude dans la jeunesse. « Ainsi, même sur un intervalle de temps court, conclut Rabbi ’Haïm, ce phénomène a son importance, et plus un sujet est étudié jeune, plus il s’inscrit dans la mémoire. »
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A la Yéchiva Tiféret Tsion
Photo d’une promotion de la Yéchiva Tiféret Tsion
Arrivé à l’âge d’environ 10 ans, le jeune ’Haïm entra à la Yéchiva Tiféret Tsion, fondée par son éminent oncle, le ’Hazon Ich. C’est ainsi qu’il fut l’un des premiers élèves du Rav Mikhel Yéhouda Lefkovitch. Il avait été nommé à ce poste aussitôt après son mariage, si bien que les élèves le surnommaient « Der ’Hatan – le jeune marié ».
Parmi ses camarades de la Yéchiva, un autre excellent élève allait plus tard se distinguer dans le monde de la Torah : le Rav Naftali Tefli. Tous deux étaient de temps à autre interrogés par le Rav Mikhel Yéhouda sur ce qu’ils avaient étudié dans son cours. Chacun de ces « examens » durait plusieurs heures : chaque page d’étude était passée au crible ! Rabbi Naftali connut une existence de souffrances et disparut en 1972, à près de cinquante ans, seul et sans enfants, purifié par ses tourments. Ami indéfectible depuis cette période, Rabbi ’Haïm entreprit de pérenniser son souvenir notamment en éditant des écrits de Torah qu’il avait laissés, sous le titre Zékher Naftali. Avant l’impression, le Rav Kanievsky présenta les épreuves au Rav Mikhel Yéhouda, pour qu’il les vérifie et y ajoute quelques mots d’éloges sur cette grande âme précocement disparue. Au cours de cette relecture, le Rav Lefkovitch tomba sur un passage de l’introduction retraçant la vie de l’auteur : « Il étudia à la Yéchiva Tiféret Tsion pendant environ un an, dans le cours supérieur, auprès du Gaon et Tsadik mon Maître le Rav Mikhel Yéhouda Lefkovitch. Il n’avait de cesse de répéter que cette année avait été la meilleure de sa vie. » Ce dernier demanda alors que cette précision soit effacée.
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Le premier Siyoum de tout le Chass A l’âge d’environ seize ans, Rabbi ’Haïm termina l’ensemble du Talmud, avec les analyses de Rachi et Tossefot. Il relisait chaque Guémara quatre fois, conformément à la méthode rapportée dans Erouvin.
A la Yéchiva Guédola Avant de partir pour la Yéchiva Guédola – il était prévu qu’il aille étudier à la Yéchiva de Lomza à Peta’h Tikva, son père voulut qu’il reste un Zman avec lui, le temps d’étudier à ses côtés le traité de Yévamot, dans le cadre de la Yéchiva Beth Yossef. Voici son témoignage : « Lorsque Yévamot fut étudié à la Yéchiva Beth Yossef, Papa voulut que je vienne étudier avec lui, car il s’agit d’un traité difficile, après quoi je suis allé étudier à Peta’h Tikva. Avant mon départ, Papa m’a mis en garde : “Macht nicht kein Torah, foyer weiss Chass ! Ne rédige pas de ’Hidouché Torah, tu dois d’abord connaître le Chass !” « A l’âge de 17 ans, j’ai suivi pendant deux ans les cours du Rav Elazar Ména’hem Chakh, qui enseignait alors à la Yéchiva de Lomza à Peta’h Tikva. J’étudiais alors avec le Gaon Rav Dov Weintraub. A Pourim, nous avons envoyé à notre Rav en guise de Michloa’h Manot un commentaire sur chaque traité. »
Rabbi ’Haïm dans sa jeunesse
Pendant cette période à Lomza, Rabbi ’Haïm se rapprocha également du Machguia’h de la Yéchiva, Rav Eliahou Duschnitzer.
Une fois, il développa pour un visiteur la notion de Maître et d’élève, telle qu’il la voyait :
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« Je vais m’expliquer : j’ai étudié à Peta’h Tikva, où Rav Eliahou Duschnitzer était Machguia’h. Lorsqu’il était assis dans un coin en train d’étudier, tous les élèves étudiaient assidûment, et quand il partait, ce n’était plus la même chose. Il en est de même partout où il y a un grand homme, l’étude est tout autre. Le simple fait de le voir apporte tellement ! » « Chaque année, le Machguia’h prononçait quelques paroles de ’Hizouk avant les sonneries du Chofar, raconta-t-il à une autre occasion. Une fois, il rapporta les paroles de nos Sages selon lesquels le quota de mots qu’un homme peut prononcer dans sa vie est déterminé avec précision. En conversation avec le Rav Aharon S’il le dépasse, il perd la capacité Yéhouda Leib Steinman de parler. Rabbi Eliahou ajouta alors que cela ne concerne pas les paroles de Torah – au contraire, dans ce cadre, plus on en fait, mieux c’est. Apparemment, le Machguia’h ajouta ce point par extrapolation, car cela n’est pas mentionné dans ce passage. Dans un autre, il est précisé que même les pas d’un homme sont comptés d’avance. » Dans son Or’hot Yocher, Rabbi ’Haïm rapporte les paroles de nos Sages mentionnées concernant la limitation verbale. Il discuta par ailleurs de ce thème avec le Rav Aharon Yéhouda Leib Steinman, quand celui-ci lui rendit visite lors des Chiva de la Rabbanite.
J’ai tout mangé… A chaque fois que ’Haïm quittait le domicile de ses parents pour la Yéchiva, la Rabbanite lui remplissait son sac de mets qu’elle avait concoctés. Mais tout à son étude, le jeune étudiant assidu avait tôt fait de les oublier, une fois arrivé à la Yéchiva.
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A la fin de la semaine, quand il rentrait chez lui pour passer Chabbath en compagnie du ’Hazon Ich, avant de partir, il remarquait soudain les aliments oubliés dans son sac et se dépêchait de tout avaler, afin de pouvoir ensuite remercier sa mère en lui disant qu’il avait tout mangé…
Jouer au chat et à la souris : pas question ! A une certaine période, la Yéchiva de Lomza fut infestée par les rats. Pour mettre fin à ce phénomène malsain, la direction prit des mesures radicales, en demandant aux Ba’hourim de placer des pièges dans toutes les chambres. Les consignes étaient claires : tout rongeur capturé devait être aussitôt noyé dans un seau d’eau. A la même époque et pendant près de six mois, Rabbi ’Haïm partagea sa chambre avec le Rav Moché Soloveitchik, qui allait plus tard rayonner sur le judaïsme européen depuis sa résidence en Suisse. Une nuit, ils furent réveillés par des couinements en provenance du piège installé dans leur chambre : un rat s’y était fait prendre. Nos deux amis savaient très bien ce qu’il leur restait à faire, mais dans leur délicatesse naturelle, ils ne purent se résoudre à noyer l’animal. Le relâcher, ils n’en avaient pas le droit, et c’est ainsi que le rongeur resta plusieurs jours prisonnier du piège. Quand Chabbath arriva, Rabbi ’Haïm interrogea son oncle : fallait-il nourrir l’animal en ce jour ? Le ’Hazon Ich lui répondit par la négative. Les jours passaient et, privé de nourriture, leur nouveau « compagnon de chambre » maigrissait à vue d’œil… tant et si bien qu’il finit par parvenir à se glisser en dehors du piège et disparut. « Il est arrivé à ce rat la même aventure qu’au renard décrit dans le Midrach Kohélèt, conclut Rav ’Haïm. C’est l’histoire d’un goupil qui voulait entrer dans un vignoble. Il avait bien repéré une petite fente dans la clôture, mais il était trop gros pour passer. Que fit le rusé animal ? Il jeûna pendant trois jours et une fois amaigri, parvint à se
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rabbi ‘haïm kanievsky
glisser dans le trou. Pour fêter sa victoire, il se gava de délicieux raisins mûrs à souhait. Après avoir bien fait bombance, il dut recourir au même stratagème qu’à l’aller pour pouvoir repartir librement. »
Les gens lui courront après… Il est intéressant de noter que, déjà à l’époque, son compagnon de chambre, le Rav Soloveitchik, avait déclaré au Rav Steinman : « Un jour viendra où les gens lui courront après pour recevoir des Brakhot… »