MOUSSAR DE LA PARACHA Réflexions d'ethique juive du Rav Gefen pour élever nos actes quotidiens
AUTEUR Rav Yehonathan GEFEN • TRADUCTION Myriam HAVIV • COUVERTURE Zelda LEOTARDI • MISE EN PAGE Jeremie ARGAMAN • DIRECTION Binyamin BENHAMOU • Publié et distribué par les EDITIONS TORAH-BOX France Tél.: 01.80.91.62.91 Israël Tél.: 077.466.03.32 contact@torah-box.com www.torah-box.com © Copyright 2017 / Torah-Box • Imprimé en Israël Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où, ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.
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Que ce livre contribue à la réussite du
Collel « Vayizra’ Itshak »
Centre d’étude de Torah pour Francophones à Jerusalem
sous l’enseignement du rav Eliezer FALK à la mémoire de M. & Mme Jacques -Itshak- BENHAMOU au Roch-Collel : Rav Eliezer FALK aux Rabbanim : Rav Tséma’h ELBAZ Rav ‘Haïm BENMOCHÉ Rav Tsvi BREISACHER Rav Eliahou UZAN
et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Michael ABITBOL Rabbi Yaakov ADLER Rabbi Moché AVIDAN Rabbi Binyamin BENHAMOU Rabbi David BRAHAMI Rabbi Yaron COHEN Rabbi Anthony COOPMANS Rabbi Menahem Moché GOLDBERGER Rabbi Binyamin JAMI
Rabbi Moché KRAKOVITCH Rabbi Nethanel OUALID Rabbi Mikhael RIMOKH Rabbi Nathan SABBAH Rabbi Raphael SABBAH Rabbi David SITBON Rabbi Itshak ZAFRAN Rabbi Yossef COHEN Rabbi Yonathan LUMBROSO
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Collel « Torat Yé’hia »
Centre d’étude de Halakha pour francophones à la mémoire de M. & Mme Yé’hia TEBOUL au Roch-Collel : Rav ‘Haïm BENMOCHÉ
et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Lionel SELLEM Rabbi Mikhaël MATÉ Rabbi Shlomo AFLALO Rabbi Mordékhaï STEBOUN
Qu’ils puissent grandir ensemble dans la Torah et la Crainte du Ciel.
THE JERUSALEM KOLLEL Rav Its’hak Berkovits, Roch Kollel Sanhedria Hamurchevet, 140 Jerusalem, Israel 97707
Mon cher ami, le Rav Yonathan Gefen, a une nouvelle fois publié un recueil de textes, passionnants et instructifs, cette fois autour du thème du calendrier juif et du cycle de la vie. Comme lors de son précédent travail, Rav Gefen offre au lecteur toute la sagesse de la Torah, en se concentrant sur un mode de vie plein de sens et une capacité de vivre, pour un juif, à la hauteur de ses responsabilités, à notre époque et de nos jours. Que l’auteur puisse continuer à éclairer et à inspirer - et à atteindre nos frères, toujours plus nombreux - avec ce message d’une Torah authentique et pleine de sens. Sincèrement, Rav Its’hak Berkovits, Roch Kollel
TABLE DES MATIÈRES
BÉRÉCHIT Parachat Béréchit Savoir prendre du recul .................................................................................... 15 Notre civilisation fuit le message divin ............................................................ 17
Parachat Noa’h Le vol est une faute irréparable dans certains cas ........................................... 21 Affronter ou fuir l’épreuve ............................................................................... 24
Parachat Lekh Lékha Fuir les conflits comme Avraham Avinou ........................................................29 Avraham a été placé au-dessus des étoiles, pourquoi ?....................................32
Parachat Vayéra Avraham n’imposait pas ses propres exigences aux autres ............................ 35 La curiosité excessive de la femme de Loth .................................................... 39
Parachat ‘Hayé Sarah L’utilité d’avoir un « vrai ami ».........................................................................43 Confiant en Dieu, mais pas insouciant .............................................................45
Parachat Toldot Ce qu’on obtient par l’effort a une valeur illimitée ! ....................................... 47 Utiliser sa force à bon ou mauvais escient ...................................................... 50
Parachat Vayétsé Les graves événements nous rapprochent de la Fin ....................................... 55 L’unique guide de moralité : le Ratsone Hachem ........................................... 56
Parachat Vayichla’h Certains événements nous obligent au Repentir .............................................61 Comment rapprocher son entourage du Bien ................................................. 64
Parachat Vayéchev L’attachement à la matérialité ..........................................................................67 Le poids éternel de nos actes ............................................................................70
Parachat Mikets Même dans l’abondance, le Tsadik se tourne vers Dieu ..................................73 Yossef pardonne et réjouit ses « ennemis » .....................................................77
Parachat Vayigach Seule la spiritualité préoccupait Yossef ............................................................81 Chaque maison doit être un mini-Temple .......................................................84
Parachat Vayé’hi Comment éradiquer l’origine de nos fautes ? ..................................................87 La tentation de fauter à des « fins utiles » ! .....................................................90
CHÉMOT Parachat Chémot Un Juif doit donner pour donner ....................................................................95 La souffrance de l’autre est aussi la mienne ....................................................98
Parachat Vaéra Impulsivité et goût du « plaisir immédiat »....................................................101 Assumer ses responsabilités « comme la grenouille » ...................................104
Parachat Bo Tout événement négatif est en réalité positif .................................................107 Calme et serein face aux événements ..............................................................111
Parachat Béchala’h Les 3 prières quotidiennes incluent TOUS nos besoins .................................113 Qui est entré le premier dans la mer Rouge ? .................................................116
Parachat Yitro Savoir écouter l’autre, fondement de la Sagesse ............................................119 Le lien entre le Chabbath et le respect des parents ........................................123
Parachat Michpatim Comment maximiser l’aide apportée à autrui ? ............................................ 127 S’attacher aux érudits comme le fit Yéhochoua ..............................................131
Parachat Térouma La paresse se cache derrière tous nos justificatifs ..........................................133 Trouver le juste milieu ....................................................................................137
Parachat Tétsavé La haine est un Lachone Hara « silencieux » .................................................141 Avoir les « 6 Mitsvot permanentes » en tête ..................................................144
Parachat Ki-Tissa Notre regard sur l’argent ................................................................................ 147 « Porter la faute » de nos frères, c’est-à-dire ? .............................................. 150
Parachat Vayakel Être cohérent dans ses actes, avant le Jour du Jugement .............................153 Les miroirs des femmes vertueuses ................................................................156
Parachat Pékoudé Le système de valeur de la Torah ................................................................... 159 Chaque événement difficile a son point positif ..............................................162
VAYIKRA Parachat Vayikra Des dirigeants dignes de confiance .................................................................167 Il existe une bonne jalousie, la « Kinat Sofrim » ! .........................................170
Parachat Tsav La bataille contre le Yétser Hara .....................................................................173 L’attirance pour l’argent, un esclavage ...........................................................176
Parachat Chémini Avoir de vrais amis ......................................................................................... 179 Les relations interpersonnelles pour se parfaire ...........................................182
Parachat Tazria La Brit-Mila : pourquoi le huitième jour ? .....................................................185 Les épreuves de la vie sont la prophétie d’aujourd’hui ................................. 188
Parachat Métsora Le silence, une solution au Lachone Hara ? ...................................................191 La lèpre sur nos maisons, une stratégie d’Hachem ....................................... 194
Parachat A’haré Mot Utiliser les mauvaises influences pour le bien ...............................................197 Aller de l’avant ............................................................................................... 200
Parachat Kédochim Aimer son prochain, c’est l’élever ! ................................................................203 « Ne hais pas ton frère en ton cœur » ........................................................... 206
Parachat Emor Notre part dans le Olam Haba ...................................................................... 209 Le secret du compte du Omer sur la Parnassa ...............................................212
Parachat Béhar Une vie entière sans faire de peine à quiconque ............................................217 La plus noble charité, lorsque le pauvre garde sa dignité ..............................221
Parachat Bé’houkotaï Comment renforcer son Bita’hone .................................................................225 Vivre notre étude ........................................................................................... 228
BAMIDBAR Parachat Bamidbar Les « fils » de Moché ......................................................................................233 Exigeant avec soi, indulgent envers les autres ...............................................236
Parachat Nasso L’impact du regard dans la sainteté de l’homme ...........................................239 Considérer chaque personne avec le respect qui lui est dû ...........................242
Parachat Béhaalotékha Décoder les plaintes et l’amertume de nos proches .......................................245 Travailler la gratitude, se concentrer sur le positif ........................................249
Parachat Chéla’h Lékha La prière, une arme contre le mauvais penchant ...........................................253 Le secret de l’élévation spirituelle ..................................................................256
Parachat Kora’h Le danger de la moquerie et des moqueurs ....................................................259 Amorcer une réconciliation, c’est ça être un « grand » ..................................262
Parachat ’Houkat L’importance de pardonner à 100% ...............................................................265 Ne pas contrôler les naissances, c’est aimer la vie .........................................268
Parachat Balak La recherche incessante de richesses est destructrice ...................................271 Respecter un mode de vie cohérent à chaque étape de la vie ! .......................275
Parachat Pin’has Pourquoi le successeur fut-il Yéhochoua ? .....................................................279 Moché, l’enseignant idéal qui s’adapte à chacun ...........................................282
Parachat Matot La valeur de chaque instant de vie ! ...............................................................285 L’homme sage sait accepter les reproches ! ...................................................289
Parachat Massé Etre un homme de charité, d’après la Torah ! ................................................293 Développer une sensibilité à l’égard de l’autre, à travers les Mitsvot ................296
DÉVARIM Parachat Dévarim La confiance en D.ieu efface le stress .............................................................301 La Torah de celui qui peine est plus rémunératrice ......................................304
Parachat Vaet’hanane Lorsque mon « bon penchant » exagère ........................................................307 Aller au-delà de la stricte loi ...........................................................................310
Parachat Ekev Se « cramponner » aux Sages, un impératif pour évoluer .............................313 Comment craindre un D.ieu aussi généreux ? ...............................................317
Parachat Réé L’obligation de l’effort, pas du résultat ! ........................................................321 Savoir prodiguer du bien aux autres ..............................................................324
Parachat Choftim Sois intègre sans être naïf ! ............................................................................327 Considérer chacun avec l’attention qu’il mérite ............................................330
Parachat Ki-Tetsé À bas les Mitsvot faites par habitude .............................................................333 Echapper à la froideur d’Amalek ....................................................................337
Parachat Ki-Tavo Parlons des Minhaguim, les « coutumes » .....................................................339 Comment recevoir la Torah des Léviim ? .......................................................342
Parachat Nitsavim « Kol Israël Arévim Zé Lazé » .........................................................................345 Quelle est notre motivation à l’étude de la Torah ? .......................................348
Parachat Vayélèkh Se dévouer pour l’éducation de ses enfants ....................................................351 Écrire son propre Séfer Torah ........................................................................354
Parachat Haazinou Notre approche face à l’étude de la Torah .....................................................357 Ne jamais renoncer au retour d’un Juif ........................................................ 361
Parachat Vézot Habrakha Chaque détail dans la Torah est une instruction pour nos vies ......................365 La leçon de Moussar de Vézot Habrakha et Sim’hat Torah .......................... 367
Glossaire.............................................................................. 373
BÉRÉCHIT
Béréchit | 15
Parachat Béréchit
Savoir prendre du recul D ans la première Paracha de la Torah, il est écrit : « D.ieu termina, le septième jour, l’œuvre qu’Il avait faite ; Il se reposa, le septième jour de toute l’œuvre qu’Il avait faite. » (Béréchit, 2:2) L a Torah nous informe que D.ieu acheva la création du monde le s eptième jour, le Chabbath. Les commentateurs notent qu’Hachem n’a v raisemblablement rien créé pendant Chabbath. Alors pourquoi l’œuvre f ut-elle achevée le septième jour ? Il aurait fallu dire qu’Il termina Sa c réation le sixième jour ! R achi aborde le problème de deux manières. Dans la seconde, il écrit : « Que manquait-il dans le monde – la Ménou’ha – Chabbath arriva et la Ménou’ha arriva [c’est alors que] le travail fut terminé[1]. » Rachi estime qu’Hachem a bel et bien créé quelque chose pendant Chabbath – le concept de Ménou’ha. Ceci nous apprend une leçon importante : on a urait pu penser que le repos est un comportement passif, et non une e ntité qui doit être créée. Or, nous déduisons d’ici que selon la Torah, c ’est une activité créatrice d’Hachem – celle de n’entreprendre aucune Mélakha[2]. Ainsi, la Ménou’ha d’Hachem ne fut pas seulement cessation de travail, mais elle impliqua un arrêt d’activité qui « permit » à Hachem, pour ainsi dire, de réfléchir et d’apprécier les fruits de l’incroyable œuvre des six précédents jours.
[1]
Rachi, Béréchit, 2:2, s.v. Vayékhal.
Par opposition à l’autre terme de la Torah employé pour parler de repos : « Chvita », qui fait référence à une abstention passive de Mélakha. [2]
16 | Moussar de la Paracha
Comme nous le savons, en nous « reposant » durant Chabbath, nous émulons le « repos » original d’Hachem. Nous apprenons de Rachi que la Ménou’ha qu’il nous faut entreprendre ne signifie seulement de ne faire aucune Mélakha, mais elle demande un effort actif. Quel est-il ? De la même manière qu’Hachem « prit du recul » pour réfléchir sur toute Sa Création effectuée pendant les six journées passées, nous devons aussi analyser nos actions accomplies en semaine et apprécier ce que nous avons fait. La Avoda de Chabbath est donc principalement axée sur l’introspection, qui doit nous permettre d’entamer la semaine suivante en sachan t comment nous améliorer dans divers domaines.
Béréchit | 17
Notre civilisation fuit le message divin Dans Parachat Béréchit, après le meurtre perpétré par Caïn, Hachem décréta qu’il errerait sur terre, qu’il n’aurait jamais de résidence fixe. Hachem ne punit jamais arbitrairement, le but de la sanction est de corriger. Cette instabilité était censée expier la faute de Caïn. Mais il refusa de se soumettre à ce décret et tenta d’y fuir. La Torah nous informe, juste après le récit du meurtre, que « Caïn était un bâtisseur ». Le Ramban note que les mots employés par la Torah indiquent qu’il construisait continuellement des villes, mais elles s’effondraient immédiatement à cause de la malédiction énoncée. Pourtant, au lieu de prendre leçon et d’accepter son statut de nomade, Caïn bâtit de nouvelles villes, durant toute sa vie. Ce comportement semble avoir déteint sur ses descendants qui esquivent également les amendements soumis à l’humanité pour réparer la faute d’Adam. Ce dernier devait travailler la terre et gagner sa vie à la sueur de son front. Or, les descendants de Caïn préférèrent éviter ceci et se tournèrent vers d’autres moyens de subsistance. « Et Ada enfanta Yaval ; ancêtre de ceux qui habitent sous les tentes et conduisent les troupeaux. Le nom de son frère était Youval, celui-ci fut la souche de ceux qui manient la harpe et la lyre. Tsila aussi – elle enfanta Touval-Caïn qui façonna toute sorte d’instruments de cuivre et de fer… » Rachi explique que ces versets « anodins » sont très importants, parce qu’ils montrent un aspect fondamental de la civilisation moderne. Yaval choisit d’être berger, échappant ainsi à l’obligation de travailler la terre. L’« habitation sous les tentes » fait également allusion au monde des affaires, qui ne concorde pas non plus avec la rectification qu’Hachem imposa à l’humanité. Youval fut le premier à cultiver l’art de la musique. Et Touval-Caïn fabriqua les premières armes pour permettre à l’homme de survivre en dominant et en accablant les autres ; autre manière de contourner la malédiction. Fuir la volonté d’Hachem Voici comment les hommes évitèrent le dur travail de la terre (qui devait rectifier la faute d’Adam Harichone) en vaquant à d’autres activités et divertissements. Ainsi, l’humanité se développa en ignorant la volonté
18 | Moussar de la Paracha
d’Hachem et ceci la conduisit à la décadence morale puis à sa destruction lors du Déluge. Seule une personne essaya d’agir selon les directives d’Hachem : Lémekh. « Lémekh… engendra un fils. Il l’appela Noa’h, en disant : "Celui-ci nous soulagera de notre travail, du labeur de nos mains, causé par la terre qu’Hachem a maudite." » Rachi nous informe que Noa’h inventa les outils agricoles, ce qui facilita le travail de la terre. Noa’h fut le premier à ne pas essayer d’éluder la malédiction émise après la faute d’Adam Harichone, mais à l’affronter. Ceci explique pourquoi il fut le seul à être sauvé du Déluge. Contrairement aux autres, sa vie fut dédiée à l’exécution de la volonté d’Hachem, il ne fut donc pas exposé à la dégénération morale qui frappa l’humanité. On peut tirer deux leçons fondamentales de ce voyage dans l’histoire antique. Tout d’abord, nous avons vu comment le développement de la civilisation est caractérisé par un désir de fuir la volonté d’Hachem. La société actuelle est également mise à l’épreuve dans ce domaine. Les avancées technologiques et les découvertes ne cessent pas – elles peuvent être très bénéfiques à l’homme, au niveau spirituel, si les intentions sont bonnes, mais ce n’est pas toujours le cas.
Béréchit | 19
Prioritaire ou accessoire ? Les téléphones portables, par exemple, sont d’une grande utilité, mais les dommages qu’ils causent l’emportent trop souvent sur les avantages qu’ils présentent. Un manque de respect envers Hachem et à l’égard d’autrui en a été l’une des conséquences. On s’est malheureusement habitué à la sonnerie d’un portable au milieu de la prière, d’un mariage, d’un discours… Rav Issakhar Frand raconte qu’il est même arrivé qu’un portable sonne lors d’un enterrement. Non seulement son propriétaire n’avait pas pris soin de l’éteindre, mais il ne s’empêcha même pas d’y répondre et de bavarder en plein milieu des obsèques ! Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas exploiter le grand potentiel que présente la technologie moderne, mais il faut rester vigilant et s’assurer que nous l’utilisons pour exaucer la volonté divine et non pour la négliger. Deuxièmement, Hachem nous place souvent dans une situation de laquelle Il souhaite que nous grandissions, mais nous avons tendance à éviter de saisir cette opportunité. Hachem communique avec nous à travers les épreuves – qui ne sont forcément les pires tragédies ; même les petites difficultés que nous rencontrons tous au cours de notre vie sont là pour transmettre un message. Prenons l’exemple du mariage et de la relation entre conjoints. En relevant les principaux sujets de débats et de controverse, on peut savoir dans quel domaine et sur quels traits de caractère travailler pour améliorer sa relation de couple. Parfois, en voulant progresser dans un domaine, on se focalise sur des choses qui sont plus simples et naturelles ; on va peut-être consacrer une grande partie de son temps à aider les autres, mais négliger par là ses obligations vis-à-vis de son conjoint et de ses enfants. La Paracha de cette semaine, est bien plus qu’une description historique des générations antérieures. Elle montre comment Hachem communiqua avec l’homme, comment ce dernier devait rectifier ses erreurs et comment la grande majorité de l’humanité refusa d’obtempérer. Nous devons corriger cette faille, comprendre les messages de la Providence divine et tenter d’exaucer Sa volonté.
Noa’h | 21
Parachat Noa’h
Le vol est une faute irréparable dans certains cas « Hachem dit à Noa’h : "Le terme de toutes les créatures est arrivé à Mes yeux, parce que la terre, à cause d’elles, est remplie d’iniquité ; Je vais les détruire avec la terre." » (Béréchit, 6:13) Rachi explique sur les mots « Parce que la terre est remplie d’iniquité » : La décision finale de leur anéantissement ne fut arrêtée qu’à cause du vol. La génération du déluge commit plusieurs graves fautes. Pourtant Rachi écrit que le décret ne fut édicté qu’à cause du vol. Les commentateurs demandent pourquoi, parmi tous les péchés, le fait de dérober est si crucial. Le Maharal [1] explique qu’à partir du moment où l’on n’a plus la possibilité de faire Téchouva, le décret ne peut plus être annulé ou modifié. Toute faute peut être expiée, mais le vol est pratiquement irréparable quand il s’agit de Guézel Dérabim – dérober quelque chose qui appartient à tout le monde – parce qu’il est trop difficile d’identifier les victimes et de leur rendre ce qui leur a été pris. À l’époque du Déluge, la Torah affirme que « le vol avait empli le monde entier », ce qui signifie, selon le Maharal, que tout le monde escroquait tout le monde – c’est ce que l’on appelle Guézel Dérabim. Ce qui fait la gravité du vol est donc l’impossibilité de s’en repentir – c’est ce qui a décidé du sort de cette génération.
Gour Arié, 6:13. Deux autres interprétations y sont proposées.
[1]
22 | Moussar de la Paracha
On peut même dire que leur vol les empêchait de faire Téchouva. Le Midrach[2] met l’accent sur une particularité de leurs actes — ils ne dérobaient que des objets ou des quantités qui valaient moins d’une Prouta, et ce, délibérément. Ceci, parce que légalement, on n’est puni que pour un objet coûtant plus d’une Prouta. Le Kli Yakar explique que puisqu’ils étaient exempts de sanction, ils se croyaient innocents et parfois, ils s’estimaient même vertueux[3]! Le fait qu’ils ne pensaient pas faire quelque chose de mal rendait leur Téchouva quasi impossible – les fautes que les gens justifient et considèrent comme permises sont les plus difficiles à corriger, pour la simple raison qu’ils ne penseront jamais qu’un repentir est nécessaire ! Le fait de justifier le vol et de penser qu’il est autorisé est très courant, même de nos jours. La Guémara affirme que la plupart des gens en sont touchés d’une certaine façon[4]. Le Rachbam souligne que les gens s’autorisent certaines choses dans les domaines tels que le business. Ainsi, même les gens qui s’efforcent de respecter la Torah risquent de trébucher pour ce qui est du Guézel, parce qu’ils ne réalisent même pas que c’est interdit. La raison est rapportée dans le traité Makot, qui précise que l’immoralité et le vol sont les deux fautes que les hommes sont plus enclins à transgresser[5]. Les penchants d’un individu pour l’argent l’empêchent d’effectuer une analyse sincère et de vérifier si ses actions ne sont pas prohibées par la Torah. Rav Israël Salanter mettait souvent l’accent sur la nécessité d’être aussi vigilant sur le vol que sur les autres interdits. Dans Iguéret Hamoussar, il note combien les gens font attention aux lois de la Cacheroute, mais pas du tout aux affaires d’argent. Il montre à quel point c’est illogique, puisque les Mitsvot liées au vol sont jugées aussi sévèrement que celles de la Cacheroute[6].
Béréchit Rabba, 31:5.
[2]
Kli Yakar, Béréchit, 6:13.
[3]
Baba Batra, 165a.
[4] [5]
Makot, 23b. Iguéret Hamoussar, p. 195.
[6]
Noa’h | 23
Un jour, un Cho’het craignant D.ieu vint lui dire qu’il voulait cesser ce travail, parce que la responsabilité qui lui incombait était trop lourde. Quand Rav Israël lui demanda ce qu’il avait chioisi comme autre métier, il répondit qu’il voulait ouvrir un commerce. Rav Israël fut surpris ; il expliqua à cet homme que la Ché’hita n’implique qu’une seule proscription, tandis que dans un magasin, de nombreux interdits[7] risquent d’être transgressés[8]. Rav Chlomo Wolbe soulignait l’importance d’apprendre les nombreuses lois que le business implique. Il rencontra une fois un groupe d’hommes d’affaires qui étudiaient les lois de Tsitsit. Il leur dit que bien qu’il fût recommandé d’apprendre ces règles, il leur était bien plus fondamental d’étudier celle du ’Hochen Michpat[9]. Ils se conformèrent à ses instructions et découvrirent qu’ils avaient transgressé de nombreux interdits de la Torah ! Une négligence au sujet du vol peut être très courante – par exemple, sortir le charriot d’un magasin sans permission, ou bien ne pas le ramener après utilisation, emprunter l’objet d’autrui sans autorisation, emprunter un objet servant à accomplir une Mitsva[10] puis ne pas le remettre à sa place, entrer quelque part sans en avoir eu le feu vert, etc. La première étape pour s’améliorer dans ce domaine est tout simplement de réaliser que notre comportement en ce qui concerne l’argent, comme tout le reste, est basé sur des Halakhot et qu’il faut donc clarifier avec un Rav les actions permises et celles qui ne le sont pas. Ensuite, comme le prescrit Rav Wolbe, il convient de consacrer du temps à l’étude de ces lois, au moins au niveau le plus basique. Puissions-nous tous être exempts des terribles fautes impliquées par le vol.
[7]
Comme voler, oppresser, convoiter, tromper, mentir, ou bien utiliser des poids et mesures inexacts.
[8]
Sparks of Moussar, Rav ’Haïm Ephraïm Zaitchik.
La partie du Choul’han Aroukh qui traite d’affaires d’argent.
[9]
Qui peut être permis si l’on est sûr que la personne serait heureuse de voir un autre Juif accomplir une Mitsva avec. En revanche si le propriétaire risquerait de ne pas accorder sa permission, s’il savait que l’objet ne serait pas remis à sa place, c’est considéré comme Guézel. Voir Michna Broura, tome 1, Siman 14, s.k 13. [10]
24 | Moussar de la Paracha
Affronter ou fuir l’épreuve La Paracha de cette semaine nous informe : « Noa’h, homme de la terre, s’avilit et planta une vigne. Il but de son vin et s’enivra, et il se mit à nu au milieu de sa tente. » (Béréchit, 9:20-21) À la fin du déluge, quand Noa’h rejoignit la terre ferme, il dut entreprendre une tâche décourageante, celle de reconstruire le monde. Il commença par planter une vigne, acte qui eut des conséquences terribles.’Hazal critiquent sévèrement cette décision. Le vin peut grandement réjouir l’individu et l’aider à se sentir plus proche d’Hachem, mais Noa’h aurait dû commencer par quelque chose de plus nécessaire à l’environnement et à la société[11]. N’oublions pas, toutefois, que Noa’h était un grand Tsadik, on ne peut donc pas interpréter son erreur de manière superficielle. Les commentateurs tentent d’expliquer son raisonnement quand il planta la vigne[12]. Le Yalkout Chimoni explique que lorsque Noa’h but du vin, il ressentit une grande joie[13]. Rav Méir Rubman, dans son livre Zikhron Méir, précise que quand Noa’h regagna la terre ferme, il fit face à une destruction absolue, le monde dans lequel il avait vécu était complètement anéanti et tout être vivant avait disparu. Il se sentit accablé et découragé par cet horrible spectacle. Il savait que de tels sentiments ne l’aideraient pas à redonner au monde un aspect spirituel, parce que la Chékhina ne réside que lorsque l’on est joyeux d’accomplir la volonté d’Hachem[14]. Sachant que le vin avait la capacité d’enthousiasmer les gens, il décida de planter une vigne et d’en utiliser le fruit pour faire descendre la Chékhina sur terre.
Voir Rachi, 9:20 et Yalkout Chimoni, Parachat Noa’h. Certains commentateurs disent que le vin peut être très néfaste s’il est mal utilisé, comme ce fut le cas lors de cet incident. Par conséquent, ils estiment que Noa’h aurait dû planter quelque chose qui provoque moins de dégâts que le vin. [1]
Voir l’explication du Chlah pour une interprétation plus profonde sur le fait que Noa’h choisit du vin. [2]
[3]
Noa’h, ibid.
[4]
Chabbath, 30a.
Noa’h | 25
Cette explication pose néanmoins une difficulté – si ses intentions étaient louables, pourquoi ses actions provoquèrent-elles tant de dégâts ? Rav Sim’ha Wasserman explique qu’il avait d’autres motifs, moins nobles, qui l’incitèrent à commencer à reconstruire le monde par la plantation d’une vigne. Devant une telle désolation, Noa’h éprouva le besoin de s’égayer et de sortir de l’affreuse situation à laquelle il était alors confronté. Par conséquent, il choisit de planter une vigne, et son vin devait lui permettre d’échapper au terrible malheur qu’il vivait[15]. Ce choix fut considéré comme un échec pour un homme du gabarit de Noa’h et il eut donc des conséquences négatives. ’Hazal le critiquent et affirment qu’il aurait dû chercher à reconstruire plutôt qu’à fuir. Rav Wasserman note que ’Hazal ne disent pas que Noa’h a commis une grave faute, mais qu’il fit quelque chose de « ’Hol » (du verbe « Vaya’hel », terme employé pour évoquer l’erreur de Noa’h), un acte manquant de pureté et de grandeur. Il y a environ soixante ans, plusieurs personnes durent affronter une épreuve épouvantable. L’Holocauste détruisit des millions de vies et des communautés entières furent déracinées ; nombreuses sont les personnes qui virent toute leur famille disparaître. Devant cette catastrophe, les rescapés avaient certainement très envie de « prendre la fuite ». Cependant, certains individus amorcèrent immédiatement une renaissance du peuple juif. D’illustres personnages, comme le Rav de Poniewicz ou le Rav de Klausenberg perdirent tous leurs proches durant la Shoah et se lancèrent malgré tout dans l’immense défi de la reconstruction. Rav Issakhar Frand offre l’exemple marquant de quelqu’un qui ne succomba pas au désespoir du post-Holocauste. Rav Joseph Rosenberg arriva aux États-Unis après la guerre et remarqua qu’il y avait une Mitsva en particulier, qui était complètement oubliée – celle du Chaatnez. Il fonda tout seul des laboratoires de vérification du Chaatnez et, durant des décennies, vérifia la présence de ce mélange dans des centaines de milliers de vêtements. Le ’Hourban qu’il dut affronter fut double. L’incroyable perte physique d’une part, mais aussi une misère spirituelle – l’abandon d’une Mitsva. Rapporté par Rav Issakhar Frand, Parachat Noa’h, 5768. Rav Its’hak Berkovitz propose une explication très ressemblante. [15]