Bien dans son corps, bien dans son âme d'après le Rambam

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Guide en Or

Bien dans son corps, bien dans son âme


​AUTEUR ​Rav Moch​é​ FOGUEL • ​TRADUCTION​ & ADAPTATION​ Rav Mordekhaï BITTON • RELECTURE Tamara ELMALEH • MISE EN PAGE Jérémie ARGAMAN • COORDINATION Moshé Haïm SEBBAH • DIRECTION Binyamin BENHAMOU Publié et distribué par les EDITIONS TORAH-BOX France Tél.: 01.80.91.62.91 Israël Tél.: 077.466.03.32 Email : contact@torah-box.com Site Web : www.torah-box.com © Copyright 2018 / Torah-Box • Imprimé en Israël Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où, ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.


Note de l’éditeur Les Editions Torah-Box sont heureuses de vous présenter le livre « Bien dans son corps, bien dans son âme » dans la série « Guide en Or ». L’homme moderne, malgré les moyens technologiques, n’en reste pas moins un être fragile en proie aux maux du corps et de l’âme. Preuve en sont le nombre toujours croissant des malades à travers le monde et le fait que les antidépresseurs comptent parmi les médicaments les plus prescrits ! Maïmonide, qui fut l’un des plus grands Sages que le judaïsme ait produit, philosophe, homme de sciences mais également décisionnaire et médecin, est célèbre pour nous avoir légué des recommandations médicales précieuses qui, si elles firent leurs preuves de son temps, continuèrent d’être appliquées avec succès jusqu’à notre époque moderne. Dans ce livre où l’auteur, le Rav Moché Foguel a compilé et explicité les recommandations de Maïmonide recueillies à travers ses nombreux ouvrages, vous trouverez réponse aux questions suivantes : -

La médecine de Maïmonide, encore efficace aujourd’hui ? Quels conseils de médecine préventive Maïmonide préconise ? Contredisent-ils la médecine conventionnelle ? Pratiquer les Mitsvot a-t-il une influence sur notre santé physique ?

« Vous prendrez bien garde à vos personnes » nous ordonne la Torah (Dévarim 4,15), en cela qu’elle souhaite faire de nous des êtres sains de corps et d’esprit. Nous serons alors fin prêts à accueillir le Machia’h dont l’avènement sera accompagné de la guérison de tous nos maux, bientôt et de nos jours, Amen ! Nos adressons nos plus sincères remerciements à Rav Mordekhaï Bitton pour son remarquable travail de traduction et d’adaptation. ‫להגדיל תורה ולהאדירה‬ L’équipe Torah-Box


Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Vayizra’ Itshak » Centre d’étude de Torah pour Francophones à Jerusalem

sous l’enseignement du rav Eliezer FALK à la mémoire de M. & Mme Jacques -Itshak- BENHAMOU au Roch-Collel : Rav Eliezer FALK aux Rabbanim : Rav Tséma’h ELBAZ Rav ‘Haïm BENMOCHÉ Rav Eliahou UZAN

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Moché AVIDAN

Rabbi Amir MADAR

Rabbi Binyamin BENHAMOU

Rabbi Nethanel OUALID

Rabbi David BRAHAMI

Rabbi Mikhael RIMOKH

Rabbi Yossef COHEN

Rabbi Raphael SABBAH

Rabbi Anthony COOPMANS

Rabbi Franck SAYADA

Rabbi Aaron DANA

Rabbi David SITBON

Rabbi M. Moché GOLDBERGER

Rabbi Itshak ZAFRAN

Rabbi Binyamin JAMI

Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Torat Yé’hia »

Centre d’étude de Halakha pour francophones à la mémoire de M. & Mme Yé’hia TEBOUL au Roch-Collel : Rav ‘Haïm BENMOCHÉ

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Shlomo AFLALO Rabbi Réouven GAMRASNI Rabbi Gamliel LEVY Rabbi Lionel SELLEM


TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE : Les thérapies • Introduction

p. 9

• Chapitre 1 : Principes et objectifs thérapeutiques

p. 21

• Chapitre 2 : Les principes de la psychologie selon Maïmonide

p. 31

• Chapitre 3 : Les grands axes de la médecine du corps

p. 49

• Chapitre 4 : Jeunesse et vieillesse du point de vue médical

p. 89

• Chapitre 5 : Duo gagnant : thérapie du corps et de l’âme

p. 93

• Chapitre 6 : Les processus de diagnostic et de thérapie

p. 99

DEUXIÈME PARTIE : Un psychisme sain • Introduction

p. 107

• Chapitre 1 : Les 13 articles de Foi

p. 109

• Chapitre 2 : Le naturel, l’homme et son but

p. 115

• Chapitre 3 : Les miracles

p. 133

• Chapitre 4 : La révélation du mont Sinaï

p. 141

• Chapitre 5 : La perception humaine

p. 145

• Chapitre 6 : La sanctification du Nom divin

p. 151

• Chapitre 7 : Pourquoi fait-on les Mitsvot ?

p. 155

• Chapitre 8 : La répartition des Mitsvot

p. 161

• Chapitre 9 : Rédimer son cœur

p. 167


• Chapitre 10 : Agir avec justesse

p. 177

• Chapitre 11 : Les bonnes conceptions

p. 189

• Chapitre 12 : Comment rester en bonne santé ?

p. 199

• Chapitre 13 : Comment conserver un bon psychisme ?

p. 205

• Chapitre 14 : Aimer les convertis

p. 213

• Chapitre 15 : La parole

p. 219

• Chapitre 16 : L’étude de la Torah

p. 223

• Chapitre 17 : Approfondir et améliorer sa manière de penser

p. 235

• Chapitre 18 : La prière

p. 249

• Chapitre 19 : Servir par amour

p. 253

• Bibliographie

p. 263

• Glossaire

p. 267


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 PREMIÈRE PARTIE Les thérapies : leurs moyens et leurs objectifs



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Introduction Maïmonide a mérité ce que seule une minorité d’excellents esprits a pu recevoir. Ses paroles, ses écrits, ses livres ont trouvé leur place dans toutes les maisons juives où l’on chérit la droiture des paroles de vérité. Ils tracent en effet un sentier de rectitude, car leur langage est fin et choisi ; ils sont vrais et droits pour ceux qui y réfléchissent et en comprennent les vérités intimes et les secrets. La Torah de Maïmonide enlace les sciences pour les mettre au service de la Torah, laquelle occupe ainsi la place de « maîtresse de maison », comme il le suggère lorsqu’il explique que l’être humain, avant même sa naissance, est façonné pour étudier la Torah. Dans un même mouvement, Maïmonide sait, mieux que quiconque, nous démontrer que faute d’être sain et fort, l’être humain est incapable de servir Hachem. En effet, les constituants de l’individu sont liés les uns aux autres, et témoignent les uns envers les autres. Plus encore, ils témoignent de l’existence du D.ieu Unique Qui les a créés à partir du néant, et sur le fait qu’il n’y a rien à part Lui, avant qu’Il ait créé le monde et après qu’Il l’eut créé, qu’il n’existe aucune autre réalité que Lui. C’est la raison pour laquelle l’homme a non seulement l’obligation de veiller à sa santé en vertu de la Mitsva de « préserver sa personne », mais il doit également opter pour une conduite adaptée à chacune des phases de son existence : les périodes de bonne santé comme les phases de maladie, et bien sûr, la jeunesse, l’âge mûr et les vieux jours. Les Guéonim (les Sages de Babylonie du IIIème au IXème siècle) nous ont avertis que les conseils médicaux et les médications prescrites par le Talmud ont été modifiés. De la même manière, la nature de chacun, les climats, la qualité de l’air avaient déjà évolué à l’époque de Maïmonide. Les possibilités thérapeutiques ainsi que la connaissance du corps humain ont ainsi fait des bonds gigantesques depuis son époque. Il semble que les bases de la médecine grecque soient complètement dépassées de nos jours (et ce, bien qu’elle comporte beaucoup plus qu’une graine de vérité) de même que les médications naturelles auxquelles Maïmonide accordait souvent une certaine légitimité. Tout ceci a été remplacé par une médecine basée sur les études, les enquêtes approfondies et des expériences répétées. Par le mérite du droit concédé au médecin de « participer au processus de guérison géré par le Créateur », et


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grâce à ce qu’Il a placé dans Son monde ainsi que la volonté implantée en chaque être, des millions d’humains ont été sauvés, leur espérance de vie ainsi que leur longévité ont augmenté, et leurs souffrances ont été allégées. Cependant, un certain nombre de traits naturels ou de caractéristiques humaines ont transcendé le temps, étant toujours d’actualité. C’est la raison pour laquelle la majorité des principes médicaux codifiés par Maïmonide ont eux aussi résisté à l’épreuve du temps, et que les médecins reconnaissent leur validité. L’importance de pratiquer une activité physique, de faire de la gymnastique, de ne pas trop manger, d’espacer correctement les repas, d’éviter de manger une nourriture gorgée de matières grasses, de choisir des aliments de qualité, de privilégier des repas nutritifs avec du pain à la farine complète plutôt qu’une farine blanche dépouillée de tous ses éléments nutritifs sont autant de conseils qui sont désormais entrés dans la norme et le quotidien. En matière de bien-être, tout le monde reconnaît le lien entre l’esprit, le mental et le corps. On admet volontiers la nécessité d’être joyeux, ainsi que l’aide et l’influence que la joie exerce sur le processus de guérison. Cependant, aucune explication rationnelle n’existe s’agissant du lien entre le corps et l’âme ; on préférera évoquer un problème psychosomatique. Les médecins actuels, qui sont aussi des guérisseurs d’âmes, ne considèrent pas toujours le travail sur soi, l’amélioration de son caractère, comme un enjeu médical. Il s’agit d’un paradoxe, car les mauvais traits de caractère (colère, orgueil, gloutonnerie, paresse, etc.) dégénèrent souvent en problèmes de santé, voire en maladies ou en troubles psychiques, que la médecine et/ou la psychiatrie doivent traiter. Si un homme s’emploie à travailler son caractère, en s’éloignant de la tristesse et en s’efforçant de rester joyeux, comme la Torah nous l’ordonne, il s’évitera, avec le temps, nombre de maladies que la psychiatrie moderne traite à coup de comprimés ou de psychothérapies plus ou moins longues. Ainsi, l’observance des commandements de la Torah, d’après Maïmonide, n’est finalement qu’un moyen de parfaire son âme. L’objectif de ce livre est de présenter les règles d’hygiène de vie selon Maïmonide, bien qu’elles soient déjà connues et faciles d’accès. Je n’ai fait ici que les compiler et y accoler d’autres principes développés dans des ouvrages comme Hanhagat Habriout ou Pirké Moché Birefoua, ces derniers ouvrages n’étant pas à la portée de chacun du fait de leur longueur ou de leur complexité. N’oublions pas que lorsque nous


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souhaitons explorer les conceptions de Maïmonide en matière de santé et de bien-être, il nous faut commencer par admettre qu’il existe un lien intime entre le bien-être de l’âme et celui du corps. On a un jour posé la question suivante à Rav Kadouri : « Comment se fait-il que vous ayez bénéficié d’une telle longévité ? » Le Rav a répondu : « Je ne me suis jamais mis en colère contre qui que ce soit et n’ai jamais rien pris comme une attaque personnelle ». Il semble donc que nous connaissions d’ores et déjà le principe auquel Maïmonide adhérerait, ce qui pourrait nous dispenser de toute enquête supplémentaire. Cependant, il n’en est rien, car pour préserver sa santé, il convient de prendre en compte de nombreuses données ; notre travail ne s’arrête pas à une décision comme celle de ne plus se mettre en colère, fût-elle d’une importance cruciale en elle-même. Il nous faut tout à la fois connaître, accepter et prendre en compte sinon la totalité des données, du moins la majorité d’entre elles. Maïmonide a vécu il y a 800 ans. Depuis, le monde a subi de nombreux changements. Les Guéonim considéraient déjà les médications proposées par le Talmud comme dépassées. Comment devons-nous donc nous positionner concernant celles proposées par Maïmonide ? Les Rabbanim contemporains sont tous d’avis que depuis l’époque de Maïmonide, les climats, et même le corps humain, ont subi des modifications. Nous aurons donc à nous poser quelques questions fondamentales dans la suite de notre propos. Si toi, cher lecteur, tu me demandes pourquoi je me suis risqué à glisser ma tête entre de si « hautes montagnes », à me mêler de santé et de médecine : « Es-tu médecin ? » me lanceras-tu. « Et si tu es médecin, comment pourras-tu contester, voire t’opposer à la médecine moderne et ses formidables avancées technologiques ? » La réponse sera la suivante : la Torah a été donnée à tout individu doué d’une intelligence « toraïque », et de plus, elle n’adresse ses injonctions qu’à des êtres doués d’intelligence (par opposition à des handicapés qui ne peuvent pas comprendre ce qu’on leur dit du fait de leur déficience). En outre, l’intelligence est un honneur pour D.ieu, et ce qu’un homme parvient à percevoir par son intelligence et par son « flair de vérité » est, sans aucune contestation possible, de l’ordre de la vérité. Ça n’est pas seulement parce que


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nos Sages nous enseignent « que ce qui ressort de la vérité est reconnaissable », mais c’est aussi parce que la reconnaissance de la vérité est possible pour tous, pour peu que l’on sache éliminer les théories superflues. J’ai agi à la lumière des textes du Guide des égarés, et bien que je ne sois pas médecin, j’ai étudié une partie du savoir médical ; les principes médicaux sont accessibles à tout homme, et chacun a la possibilité et le devoir de les comprendre et de les appliquer. De la même manière, je ne suis pas venu contredire les principes de la médecine moderne, mais tout simplement ajouter, les expliquer et les comprendre du point de vue de Maïmonide. L’application de ses principes est une contribution bénéfique à la médecine de notre temps, notamment et essentiellement sur le terrain de la prévention. Notre mode de fonctionnement est donc le suivant : Chacun d’entre nous est tenu de comprendre et d’examiner ce qu’on lui propose. De même, une bonne compréhension des constituants du corps humain et de l’âme est fondamentale pour appréhender « les Voies divines » ; c’est même une Mitsva qu’il nous faut accomplir du mieux que nous le pouvons. En la matière, l’indifférence et l’insouciance sont à proscrire. On ne doit surtout pas accepter les choses telles qu’elles nous parviennent. On peut aisément contredire une idée valable. Cependant, la vraie difficulté est de la comprendre. Avant de rassembler les éléments qui constituent ce livre, j’ai adopté un certain nombre de principes afin de ne pas trébucher avec de fausses idées ou des interprétations incorrectes de concepts qui proviennent du Guide des égarés. Ces idées sont la clé du bien-être psychique ; elles sont vraies, et de fait, il n’y a rien de plus important que de savoir que l’on vit dans la vérité et que ce que l’on prend pour soi est vrai. Voici donc ces principes : 1– L’agitation, pour ne pas dire la fureur des jeunes années, empêche l’acquisition de la majorité des bons traits de caractère. Plus encore, elle neutralise l’acquisition, par la pensée, des plus hauts niveaux de perception. « Les philosophes, écrit Maïmonide, nous ont déjà expliqué que les forces physiques à l’œuvre durant les jeunes années contrecarrent l’acquisition de la majorité des bons traits de caractère. » (Guide des égarés 3, 51) C’est la raison pour laquelle ce livre a été écrit après les jeunes années de l’auteur.


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2– C’est l’habitude de ceux qui développent de mauvaises théories ou des idées fausses de se défendre par de longs discours, des cris, et par-dessus tout, le dénigrement de « la partie adverse ». Ils sont « comme tu le sais, ajoute Maïmonide, et comme le sait toute personne qui ne cherche pas à se tromper, des gens qui se défendent par de longs discours et des paraboles mensongères. Ils débattent en criant et en insultant, ou tout autre procédé propre aux débats stériles. » (Guide des égarés 1, 51) C’est ce qui arrive à beaucoup d’entre nous, notamment lorsque nous ne savons pas argumenter de manière intelligente et que nous nous contentons d’insulter notre contradicteur et de l’éloigner de nous. Je me suis donc efforcé de ne pas répéter ce qui avait déjà été dit et j’ai conservé une forme résumée. Je ne me suis pas non plus exprimé contre telle ou telle pratique médicale, sans avoir vérifié au préalable ses erreurs. Je ne suis pas non plus parti en guerre contre certains médecins, me contentant plutôt d’élargir le débat. 3– Une vérité ne devient pas plus vraie parce que le monde entier l’adopte. On ne doit pas non plus s’en méfier si le monde entier s’en sépare, « car toute chose prouvée ne sera pas plus juste parce que le monde entier y adhère, et sa vérité ne s’affaiblira pas parce que le monde s’y oppose ». (Guide des égarés, 2ème partie, chap. 15) J’ai donc expliqué et éclairci ce qui m’est apparu comme vrai, c’est-à-dire lié aux principes médicaux et non pas à certaines habitudes passagères. 4– C’est une obligation absolue, pour celui qui veut exercer un jugement juste, de ne pas haïr ceux qui ne partagent pas son point de vue. La décision n’est pas de nature judiciaire ; il s’agit plutôt de départager des points de vue, comme l’explique Maïmonide : « C’est une obligation, pour qui veut exercer un jugement juste, de ne pas haïr ceux qui ne partagent pas son point de vue ; il faut plutôt se montrer conciliant. (Guide des égarés, 2ème partie, chap. 15) J’ai donc aussi produit les points de vue de ceux qui s’opposaient quelque peu à Maïmonide. 5– Les 5 raisons qui empêchent un homme d’étudier la science de D.ieu sont les suivantes : la difficulté de la chose en elle-même, l’étroitesse d’esprit, les préparatifs nécessaires, la prédisposition naturelle et le travail d’affinement du


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caractère ainsi que le surcroît d’intérêt pour le corps. (Guide des égarés, 1ère partie, 35) 6– Maïmonide accorde beaucoup d’importance à la collaboration entre le médecin et le patient en vue d’obtenir des résultats significatifs. La conception de Maïmonide est citée par le Dr Zisman Montener dans un article paru aux éditions du Mossad Harav Kook : « Les jours de la vie sont limités, le travail à accomplir par les médecins est considérable, l’heure propice aux efforts physiques est passagère, les connaissances sont incertaines et les décisions difficiles à prendre. Le médecin doit faire son travail tout autant que le patient doit s’engager dans son traitement. Les conditions extérieures doivent aussi être propices. » Ce livre n’est pas destiné à supplanter ou à prendre à la légère la médecine moderne ; il sert en premier lieu à adresser des remarques constructives, à éclairer, ainsi qu’à dévoiler de nouveaux horizons qui complèteront utilement son travail. Avant que nous examinions les méthodes préconisées par Maïmonide, nous devons commencer par poser sept questions fondamentales : 1. Quels sont les buts pour lesquels on s’efforce de rester en bonne santé, selon Maïmonide ? 2. Est-ce que la médecine de l’âme dont parle Maïmonide est la même que celle que nous connaissons aujourd’hui ? Si ce n’est pas le cas, comment les différencier ? 3. Quelles sont les lignes directrices fondamentales de la médecine du corps selon Maïmonide ? Quelle est la part de la médecine préventive et comment considérer aujourd’hui les médications préconisées par Maïmonide ? Maïmonide propose, par exemple, de limiter la consommation des fruits et des légumes, alors que la médecine moderne, à l’appui de recherches sérieuses, recommande fortement leur consommation. Comment choisir entre des conceptions si opposées ?


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4. La médecine préventive peut-elle être la même pour tout le monde ? 5. Comment combiner la médecine du corps et celle de l’âme ? 6. Quelles sont les sources qui nous permettent de vérifier les affirmations de Maïmonide ? 7. Maïmonide a-t-il modifié ou changé ses conceptions médicales ? On discerne facilement, quand on parcourt les textes de Maïmonide, sa véritable conception du bien-être. Le manteau dont il recouvre ses recommandations et la couronne qu’il pose à leur sommet portent un même nom : la sainteté. Il entend aider chacun à poser la suprématie de l’âme divine sur le corps. Il est interdit de se soumettre aux forces physiques ; l’homme se doit de les orienter, les diriger et les concentrer sur son objectif, en tant qu’être humain. Bien que l’observance des commandements de la Torah soit une véritable médication pour l’âme et non pour le corps, leurs liens sont si puissants que le bien-être psychique ou spirituel finit lui aussi par guérir le corps, ou tout au moins, lui éviter de grandes souffrances. En même temps, Maïmonide rappelle que ses recommandations ne sont valables que pour ceux qui les suivent depuis leur plus jeune âge, et tout au long de leur existence. Cependant, si des perturbations interviennent en cours de route, il est certain qu’il faudra s’adapter ou changer sa ligne de conduite. Nous n’aborderons pas, dans le cadre de ce livre, les implications personnelles de ces changements, car elles concernent des cas particuliers, et nous voulons avant tout présenter des principes généraux. « La médecine ne fonctionne pas comme la menuiserie ou la couture. Ces deux activités marchent d’abord sur le mode de l’habitude et de la répétitivité. En effet, en médecine, on agit après avoir réfléchi et observé. Chaque malade nécessite un renouvellement de la réflexion. On ne dira pas que cette maladie ressemble à une autre. » (Séfer Haktsara, chap. 13) Prenons comme exemple « la température naturelle du corps » ; ce vocable apparaît fréquemment chez Maïmonide, ou plus généralement dans les écrits de nos Sages. On aurait tendance à le rapprocher systématiquement de ce


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que l’on nomme aujourd’hui « température ». S’il est clair qu’il existe un lien, il faut cependant se rappeler que ce concept est d’abord lié à la notion de mouvement, en ceci qu’il exprime une capacité du corps à lutter contre son propre refroidissement. La température est donc une preuve de la présence d’une force qui s’appelle la vie, et qui apparaît dans la Torah en ces termes : « Et l’homme fut un Néfech ‘Haya » (« un être vivant », une âme vivante ; une force de vie et de vitalité, « vivante »). Il n’était pas inerte, il était en mouvement, et donc en vie. (Pirké Moché, Maamar 17) Bouger son corps est donc un impératif absolu, selon Maïmonide, comme il l’écrit (Pirké Moché, Maamar 17) : « Il est bon de ne pas oublier de bouger son corps, comme cela est le fait des gens qui se livrent à des activités intellectuelles, qui taisent leur corps jour et nuit. Au contraire, il est bon que tu bouges ton corps et l’ensemble de tes membres d’une même manière. Que chaque membre fasse un mouvement ; ainsi, les membres extérieurs ou intérieurs en tireront bénéfice. » Une contradiction apparente chez Maïmonide concernant l’utilité des médecins… Nous avons expliqué plus haut que la médecine est aussi une affaire individuelle. Il revient donc à chacun de tenter ses expériences. En effet, il est possible que certains types d’aliments, de boissons ou de comportements soient indiqués pour les uns et destructeurs pour les autres. Maïmonide l’explique de manière inattendue et paradoxale : « Je donne un conseil à tous les gens pieux qui ont choisi de ne pas faire comme le commun des mortels, qui, pour leur part, ont pris l’habitude de se comporter comme des animaux, c’est-à-dire de ne rechercher que ce qui leur est le plus agréable. Il est juste que chacun puisse essayer ce qui lui convient le mieux, en faisant des expériences. Qu’il s’agisse d’aliments, de boissons, de mouvements ou de l’intimité, chacun devra vérifier par lui-même ce qui lui convient, ou ce qui lui porte préjudice. Par la suite, on adoptera certaines conduites et on en repoussera d’autres. Celui qui se comportera ainsi rendra


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rarement visite aux médecins et sera toujours en bonne santé. » (Pirké Moché, Maamar 17) Ces propos sont, à première vue, surprenants. Comment les accorder avec les recommandations de Maïmonide qui prescrit de ne jamais se séparer de son médecin ? Comment comprendre que l’expérience, à elle seule, puisse suppléer aux services d’un professionnel de la santé ? La réponse réside dans le fait que tout celui qui veille à sa santé, en suivant les indications de Maïmonide, ne tombera pas malade, ce qui n’est pas le cas de celui qui ne suit pas ses conseils. Ce dernier tombera d’une manière ou d’une autre dans la dépendance vis-à-vis des médecins. Par ailleurs, bien qu’il soit possible de se préserver par des moyens naturels, en suivant les conseils de Maïmonide, il est difficile d’affirmer que le plus grand nombre suit cette méthode. En outre, étant donné que la santé dépend de nombreux facteurs, on peut ajouter que même ceux qui suivent les recommandations de Maïmonide ne seront jamais complètement dispensés de se rendre chez un médecin. La médecine à l’époque messianique Quel sera le sort de la médecine à l’époque messianique ? Réponse de Maïmonide (Michné Torah, lois des Rois, 12) : « En ce temps-là, il n’y aura ni famine ni guerre, ni jalousie ni antagonisme. Car le bien sera déversé en abondance. Tous Mes délices seront à portée de tous comme de la poussière. Le monde ne s’affairera qu’à la connaissance de D.ieu. Et c’est pourquoi les Juifs seront de grands sages et connaîtront des choses cachées de tous, et seront capables de comprendre l’intelligence de leur Créateur, selon la force donnée à l’être humain. Comme le dit le verset : ‘Car la Terre sera remplie de connaissance de D.ieu, comme les eaux recouvrent la mer.’ » Toutes les ressources humaines seront tournées vers l’acquisition de bons traits de caractère, de sagesse et de finesse d’esprit. Il est donc clair, dans un climat si empli de sérénité et d’entendement, que les humains ne pourront que grandir, tant sur le plan spirituel, que sur le plan physique et psychique. La durée


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de vie s’allongera notablement puisque l’espèce humaine sera occupée à des activités constructives de manière bien plus sereine qu’aujourd’hui. Le bénéfice que chacun peut tirer de ce livre – Mise en application et apprentissage progressif des principes qui permettent d’établir un équilibre Néfech (corps), et de rester ainsi en bonne santé. – Mettre en œuvre les bons principes concernant la gymnastique, le nettoyage de l’organisme et le sommeil. – Éviter de trop boire et trop manger. Connaître les principes de base d’une alimentation saine et équilibrée, profitable pour le corps comme pour l’esprit, le psychisme et l’âme. – Savoir quand et comment utiliser certains aliments pour leurs vertus médicinales. Maïmonide recommande par exemple certaines variétés de radis afin de faire disparaître des humeurs susceptibles de générer des difficultés respiratoires. Précisons « encore » une fois que les conseils publiés dans ce livre n’ont pas pour objectif de remplacer la médecine moderne. Cependant, ils la complètent si l’on sait agir par étape et de manière contrôlée. – Il n’est pas conseillé de chercher la guérison par l’utilisation exclusive des conseils donnés par ce livre. En effet, la médecine traditionnelle aidée de la médecine alternative peut tout aussi bien produire des effets positifs. Il s’agit d’abord de favoriser des prises de conscience ! Il est fondamental d’intégrer que la médecine a changé, que le corps humain n’évolue plus dans le même environnement. – Les principes exposés dans ce livre ont pour but d’alléger, même de manière limitée, la manifestation de certaines maladies, et de maintenir le corps en parfait état de fonctionnement. Ces dernières étant liées à l’alimentation, l’effet de ces principes est nécessairement limité suite aux changements intervenus depuis l’époque de Maïmonide et parce que nous ne sommes pas médecins ou parce qu’ils n’ont pas été testés. Dans un même temps, il faut rappeler que l’apport essentiel de Maïmonide concerne en premier lieu la médecine préventive. Il a parfaitement compris et intégré la nécessité de


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« combiner » différentes méthodes. Surtout, il a su attirer l’attention sur la nécessité d’intégrer dans le diagnostic les processus physiques et psychiques/ mentaux/spirituels. Cette vision de la médecine peut favoriser le développement de nouvelles thérapies qui combineront les aspects psychiques/spirituels et les aspects plus physiques. La doctrine ‘hassidique parle de cet « édifice » en ces termes : « On traite la maladie ou le dysfonctionnement de telle manière qu’il ne soit plus possible, au cours du traitement, de discerner les aspects corporels des aspects spirituels, car l’essence de l’homme est unique. En effet, l’Unique (le Créateur) a fait un unique (l’être humain), comme Lui-même. C’est ce qui nous est enseigné lorsque nos Sages disent : ‘l’homme est tenu de penser que le monde a été créé pour lui.’ » – Connaître les principes qui régissent la vision de la philosophie de la vie, selon Maïmonide (2ème partie de ce texte). Vision et objectif pour le futur Une juste synthèse de la médecine moderne avec une partie de ses meilleures composantes, ainsi que les plus avérées, de la médecine de Maïmonide, permet d’adopter une vision plus pertinente du patient. On combinera ainsi la chaleur naturelle, le nettoyage du « superflu », la gymnastique, les bains, l’amélioration de l’entourage du patient, une gestion contrôlée du corps et du psychisme, une attention accrue à sa situation particulière, et surtout, un renforcement du psychisme et du physique ainsi que des encouragements. La séparation qui existe aujourd’hui entre la médecine complémentaire et la médecine traditionnelle empêche parfois la mise en marche des processus thérapeutiques, parce que finalement, elle somme chacun de faire son choix, sans possibilité de synthèse. Les conceptions de Maïmonide n’ont pas non plus été correctement intégrées ni dans la médecine moderne ni dans la médecine alternative. Il incombe au médecin de considérer son patient comme un Tsélem Elokim, un être à l’image des forces du Divin, et de comprendre qu’« On » lui a donné la possibilité, et donc le devoir de soigner. Il lui est interdit


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Thérapies : moyens et objectifs

de considérer son patient comme un objet médical. Il doit plutôt le considérer comme un univers en soi et traiter sa pathologie comme un problème particulier, qui ne correspond pas forcément à un modèle médical spécifique. La question centrale est donc de savoir comment faire une synthèse exacte, judicieuse et scrupuleuse de la médecine moderne et de certaines conceptions de Maïmonide. Une utilisation prolongée et irréfléchie des principes de Maïmonide, dans la médecine du corps, n’est pas adéquate. La synthèse est encore loin, mais la prise de conscience qui va en grandissant constitue le premier pas en la matière. « La guérison de celui qui a de la Émouna est parfaite. Il préserve l’alliance et observe l’injonction du verset : ‘Ne méprise aucun homme’. Sa guérison ne repose pas sur les herbes particulièrement efficaces contre cette maladie. Il peut se guérir avec tout aliment ou toute boisson. » (Séfer Hamidot, Erekh Émouna, § 5)


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Chapitre 1

Principes et objectifs thérapeutiques



Principes et objectifs thérapeutiques

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Étant donné que la majorité des principes posés par Maïmonide ont été écrits alors qu’il n’avait pas encore atteint l’âge de 50 ans et que le Guide des égarés fait partie de ses derniers ouvrages, il est difficile d’imaginer que ces principes aient changé. Nous verrons effectivement à quel point ces principes sont immuables. 1– Les sources de Maïmonide concernant la santé L’ouvrage principal de Maïmonide est le Michné Torah. Il contient une série de recommandations inscrites dans les Hilkhot Dé’ot ; il s’agit des principes médicaux les plus importants. Par ailleurs, dans ses Chemoné Prakim, qui précèdent son commentaire sur les Maximes de nos Pères, il rapporte les principes directeurs du traitement des maladies physiques ou psychiques. Dans ses autres ouvrages, Maïmonide recense les diverses pathologies connues à son époque. Il s’agit notamment des Pirké Moché Birefoua, ou bien encore de Hanhagat Habriout ou le Séfer Hakatséret. Les sources, concernant le domaine médical, sont donc les suivantes, par ordre d’importance décroissant : le Michné Torah, les Chemoné Prakim, les Pirké Moché Birefoua, Hanhagat Habriout et le Séfer Hakatséret. Dans un autre ouvrage, le Séfer Hamaor, Maïmonide s’intéresse aux points de convergence entre la psychologie et la médecine classique. Avant de poursuivre, et afin de saisir combien il est important de prêter attention à sa santé psychique et physique, il faut saisir les enjeux que la Torah nous fixe. 2– Les objectifs de la Torah Bien que l’objectif de la Torah ne soit pas le bien-être du corps, son but reste l’amélioration du corps pour atteindre le but suprême qui est l’acquisition de bons traits de caractère et de conceptions justes. Tout cela est donc étroitement imbriqué avec les obligations concernant la santé. Le but des Mitsvot est de parvenir à la perfection tant sur le plan individuel que sur le plan social. De même, le but de la Torah est de permettre à la Création de réaliser un Tikoun, une réparation complète du corps et de l’âme. C’est la raison pour laquelle


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Thérapies : moyens et objectifs

préserver sa santé et son bien-être, c’est servir activement les objectifs de la Torah. « L’ensemble des 613 commandements sert à établir une conception juste et à rejeter les mauvaises conceptions, ou bien encore à permettre l’établissement d’une loi juste et à rejeter l’injustice, et encore à établir des comportements nobles et à rejeter les comportements négatifs. » (Guide des égarés, 3ème partie, 31) Il ne fait donc aucun doute que l’adoption de conceptions justes facilite le maintien d’une bonne santé. 3– L’importance du traitement médical Maïmonide accorde une importance essentielle au traitement médical, le considérant comme partie intégrante du maintien de l’espèce humaine. Ceci transparaît clairement dans son commentaire sur la Michna (traité Pessa’him, 4ème chapitre), lorsqu’il évoque les raisons pour lesquelles le roi ‘Hizkiyahou a enterré le Livre des guérisons. En effet, il démontre que le livre a été soustrait au public parce qu’il contenait des éléments qui tendaient à l’idolâtrie, et non en raison des thérapies efficaces qu’il proposait. En effet, il semblait que ceux qui se traitaient et se guérissaient en suivant les conseils de cet ouvrage « croyaient dans le livre » plus qu’en le Créateur. Maïmonide explique qu’il existe un parallèle entre les moyens de subsistance et les moyens de se soigner ; les uns comme les autres sont présents dans la nature et à la portée de tous. Cette conception renforce l’idée selon laquelle le maintien en vie, sur le plan social, de la majorité des humains, repose sur des relations d’entraide et sur un lien vivant apportant un bénéfice au particulier, en tant que partie d’un ensemble. Parallèlement, Maïmonide explique que l’attention portée à la santé est si importante et efficace qu’il est certain que ceux qui s’habitueront à se gérer et à se surveiller auront un corps en parfaite santé, ne seront atteints par aucune maladie, et de plus, pourront se passer des services d’un médecin. (Commentaire sur la Michna, traité Pessa’him, 4ème chapitre)


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4– Un objectif saint L’une des phrases les plus célèbres de Maïmonide se trouve dans les Hilkhot Dé’ot : « Étant donné que le corps est sain et parfait, il procède des Voies divines. Il est impossible que l’on sache quoi que ce soit des voies de D.ieu si l’on est malade. C’est la raison pour laquelle l’homme doit s’éloigner de tout ce qui détruit son corps, et adopter toute conduite qui lui procure une bonne santé et qui le fortifie. Par ces paroles, il montre que la gestion de la santé est un but saint. Il incombe à l’homme de veiller à sa santé afin de pouvoir servir son Créateur. » Maïmonide considère que les aspects physiques et psychiques sont profondément liés et que le grand nombre d’éléments qui participent à la réalité dans laquelle nous vivons témoignent les uns sur les autres, et n’ont en fait qu’une seule et unique source : « Et tu sais que toutes ces choses sont liées les unes aux autres ; car il n’y a dans la réalité que D.ieu et Ses créatures ». (Guide des égarés 1, 34) 5– Qu’est-ce que la santé ? La bonne santé se définit par l’équilibre entre les forces du corps et celles de l’âme, du psychisme et du mental. Cette définition permet de déduire, a contrario, que la maladie est la rupture de cet équilibre. Plus encore, on peut ajouter la remarque du Rabbi de Loubavitch : « Les bien-portants ne sentent pas leur corps ». Autrement dit, ils ne ressentent aucune lourdeur ni aucun empêchement dans l’accomplissement de leurs tâches. 6– L’équilibre dans le juste milieu Cette approche des enjeux liés à la santé est de loin la plus positive pour le corps et le psychisme. Elle tient qu’il ne faut pas exagérer, et qu’ainsi, en recherchant le juste milieu, on arrive plus facilement à une bonne gestion de son psychisme et de son corps. Cette approche a un défaut : elle ne s’occupe pas des détails. Elle ne fait que poser des principes généraux. Cependant, sa force l’emporte de loin sur ce défaut mineur. On en trouve une excellente illustration dans


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