Donner un sens à sa vie by Torah-Box

DONNER UN SENS Ã&#x20AC; SA VIE

AUTEUR Rav Mordekhaï NEUGROSCHEL • TRADUCTION Sarah KOEN Rivka BRAMI Miriam LICHTENAUER • RELECTURE Tamara ELMALEH Moshé Haïm SEBBAH • MISE EN PAGE Dafna UZAN • COUVERTURE Zelda LEOTARDI • COORDINATION Moshé Haïm SEBBAH • DIRECTION Binyamin BENHAMOU Publié et distribué par les

• Imprimé en Israël Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où, ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.

Note de l’éditeur Les Editions Torah-Box ont la joie de vous présenter l’ouvrage “Donner un Sens à Sa vie”. L’athéisme, contrairement à ce que l’on pourrait croire, est un phénomène relativement nouveau. Jusqu’à très récemment, il ne faisait aucun doute pour personne que le monde possède un Créateur, que Celui-ci interagit avec Son monde et qu’Il a certaines attentes de la part de Ses créatures. Avec l’émergence des théories marxistes, nationalistes et socialistes, les masses ont été lentement convaincues que D.ieu n’existe pas, que la foi est une affaire purement subjective et que les théories religieuses sont dénuées de tout fondement rationnel. Mettant en scène deux personnages (pas si) imaginaires, l’un croyant et l’autre athée, le Rav Mordékhaï Neugroschel aborde de manière structurée et graduelle les questions les plus fondamentales concernant la foi : ıı Ne suffit-il pas de mener sa vie de façon honnête ? ıı L’existence de D.ieu est-elle démontrable d’un point de vue logique ? ıı Je ne crois pas en D.ieu… Chacun sa vérité, après tout, n’est-ce pas ? ! ıı Qui dit que D.ieu a une quelconque attente de l’homme ?

Le Rav Neugroschel est un conférencier et un écrivain réputé dans le monde entier. Ses cours, ainsi que son style actuel, franc et limpide, attirent un public issu de toutes tendances, jeunes ou moins jeunes, orthodoxes et laïcs, universitaires et gens du peuple. Nos sincères remerciements à Mesdames Sarah Koen, Rivka Brami et Miriam Lichtenauer pour l’excellence de leur traduction. ‫להגדיל תורה ולהאדירה‬ L’équipe Torah-Box

Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Vayizra’ Itshak » Centre d’étude de Torah pour Francophones à Jerusalem

sous l’enseignement du rav Eliezer FALK à la mémoire de M. & Mme Jacques -Itshak- BENHAMOU au Roch-Collel : Rav Eliezer FALK aux Rabbanim : Rav Tséma’h ELBAZ Rav ‘Haïm BENMOCHÉ Rav Eliahou UZAN

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Yechiel ALLOUCHE Rabbi Ylan BENHAMOU Rabbi David BRAHAMI Rabbi Amir MADAR Rabbi Nethanel OUALID Rabbi Raphael SABBAH Rabbi Franck SAYADA Rabbi Jonathan PEREZ Rabbi Haï ZBERO

Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Torat Yé’hia »

Centre d’étude de Halakha pour francophones à la mémoire de M. & Mme Yé’hia TEBOUL au Roch-Collel : Rav ‘Haïm BENMOCHÉ

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Shlomo AFLALO Rabbi Nathan CHEMLA Rabbi Moché DABI Rabbi Jérémy MAHFODA Rabbi Lionel SELLEM

Table des matières PARTIE 1 : VOYAGE VERS LES PROFONDEURS DE L’EXISTENCE Avant-Propos �� 9 Débat 1 : Arrêter de se poser des questions = cesser d’exister ��17 Débat 2 : Examinons nos voies et recherchons la vérité �� 22 Débat 3 : Le doute philosophique et le bon sens ��25 Débat 4 : « À chacun sa foi » ?! ��29 Débat 5 : L’art du questionnement ��34 Débat 6 : À qui de prouver ? ��39 Débat 7 : Le pari décisif �� 48 Débat 8 : Notre monde a-t-il un Père ? ��53 Débat 9 : Le mystère de l’homme ��84 Débat 10 : Le monde a-t-il un sens ? ��97 Débat 11 : À la recherche du but… �� 100 Débat 12 : Où se cache le sens de la création ? �� 107 Conclusion du voyage �� 114

PARTIE 2 : VOYAGE AU SOMMET DU MONT SINAÏ Avant-propos : De voyage en voyage ��119 Débat 1 : La révélation au mont Sinaï – un fait historique ��121 Débat 2 : Les prophéties et leurs réalisations ��181 Débat 3 : Les prophéties codées ��231 Débat 4 : Le Créateur connaît Son univers ��251 Débat 5 : Démonstration ��263 Débat 6 : Les treize principes de la foi ��269 Débat 7 : La Torah orale ��272 Débat 8 : La signification des Mitsvot ��289 Épilogue : Le voyage touche à sa fin ��299 Annexe 1 : Le lièvre et le lapin ��301 Annexe 2 : Polémique autour de la théorie de Velikovsky ��309 Annexe 3 : La nécessité du libre arbitre ��317 Annexe 4 : Les codes démontrant une unité d’ensemble ��321 Annexe 5 : Les miracles durant le millénaire de prophétie ��345 Glossaire ��353

Partie 1

VOYAGE VERS LES PROFONDEURS DE L'EXISTENCE Dialogue entre un athÃ©e et un croyant

« Tout instrument forgé contre toi sera impuissant, toute langue qui se dressera contre toi pour t’accuser sera convaincue d’injustice; tel est le partage des serviteurs d’Hachem, et l’arrêt équitable qu’ils obtiennent de moi, dit Hachem. » Isaïe 54, 17

Hachem nous a annoncé par le Prophète Isaïe, que toute tentative de contestation coercitive de notre Torah ou de destruction du judaïsme par les armes, sera anéantie et vouée à l’échec. De même, tout contestataire qui viendrait remettre en question notre héritage (par un quelconque débat idéologique), sortira perdant. Maïmonide, Iguéret Téman

Avant-Propos Préparation au voyage Notre génération, où priment la science et la technologie, essaye de construire sa vie sur une base rationnelle. D’autre part, les diverses technologies appliquées à tous les domaines de la vie, et exploitées en particulier afin d’améliorer la qualité de vie matérielle du genre humain et d’accroître ses plaisirs, ont créé un « climat matérialiste ». D’après un sentiment répandu au sein du large public séculaire, et en particulier chez celui qui a reçu une éducation scientifique et académique, le mode de pensée rationnelle conduirait nécessairement à la négation d’une création et d’un Créateur dirigeant le monde. Or, l’analyse minutieuse de ce sentiment risque de mener à des surprises qui seraient loin de réjouir le public incroyant. Dans son livre Da’at Tevounot, Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato

(Ram’hal) énumère et définit cinq doctrines idolâtres qui se

succédèrent jusqu’à son époque. Ses cinq définitions étaient censées inclure les erreurs d’athéisme de toutes sortes. En effet, en étudiant cet ouvrage, on pourra se rendre compte que le Ram’hal ne visait pas exclusivement l’idolâtrie dans le sens strict du terme, mais l’ensemble des théories divergeant de la foi d’Israël qui risquaient de naître du fait de la dissimulation de D.ieu dans le monde. Néanmoins, aucune de ces doctrines ne renie totalement l’existence d’un D.ieu éternel, d’un D.ieu Qui a créé l’univers dans son ensemble. Cela nous montre que cet athéisme de « tout n’est que matière » ne constituait pas, au fil des générations, un phénomène courant dans l’ensemble

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Donner un Sens à Sa Vie du Peuple juif (bien que l’on trouve une minorité de Sages d’Israël qui philosophent également sur ce genre de théories). Jusqu’à l’ère moderne, le monde juif n’a pas connu de problème d’athéisme au vrai sens du terme (voir Maïmonide dans son ouvrage Le Guide des égarés, tome II, chapitre 13, qui traite des doctrines philosophiques au sujet de la création). Le Ram’hal ne

vit donc pas l’intérêt d’analyser des questions qui n’avaient pas été posées à son époque, et des sujets qui n’étaient pas du tout débattus par les renégats de son temps. En effet, comme on apprend les mathématiques de mathématiciens et la physique des physiciens, les thèses des renégats sont à apprendre des renégats eux-mêmes ; les domaines que ces derniers, aussi acharnés soient-ils, n’avaient pas réussi à rejeter ne devaient donc pas faire l’objet d’un quelconque débat. Nous vivons aujourd’hui à une autre génération, où l’on peut entendre d’autres arguments contre la foi et où l’on trouve des gens qui prétendent que le monde n’a pas de Créateur. Ces derniers ont influencé la masse de leurs idées et ont causé une remise en question de fondements qui, jusquelà, représentaient de simples axiomes. Nous devons donc commencer par examiner ces questions de base. Autrefois, les débats avaient lieu face à des « sceptiques » qui croyaient en l’existence de D.ieu, avaient même compris que ce D.ieu avait donné une Loi, mais recherchaient quel était ce Testament légué par D.ieu et quelle était la religion qui l’avait réellement reçu. (Telle était par exemple la foi du roi des Khazars

qui débat avec le représentant du Peuple juif dans les discussions dont fait l’objet le livre du Kouzari de Rav Yéhouda Halévi.)

À notre génération, la situation a changé. Si nous voulons nous adresser également aux incroyants, nous devons commencer au tout début.

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Avant-Propos

Aujourd’hui, on ne peut lancer à n’importe qui : « Discutons la thèse selon laquelle la Torah d’Israël est la Loi donnée par D.ieu », puisque la réaction risque d’être : « Qui dit que D.ieu a donné une Loi ? » On répondrait du tac au tac : « Dans ce cas, prouvons que D.ieu a donné une Loi… ». Mais on nous couperait la parole : « Qui dit que D.ieu existe ? » On rétorquerait alors : « Nous allons te prouver que D.ieu existe », mais notre interlocuteur répliquerait : « Qui dit qu’il est nécessaire de poser de telles questions ? »… On a l’habitude d’amorcer tout débat, sur quelque sujet que ce soit, depuis les fondations afin d’arriver, étape par étape, au sommet. Concernant notre sujet également, nous sommes tenus de commencer au tout début, depuis la question de base : « Est-il nécessaire de poser des questions ? » On tracera un programme logique des questions qui s’imposent, on mettra ainsi de l’ordre dans les idées, et on poursuivra par un exposé logique de réponses utilisant un système de preuves rationnelles. Ce développement propose une méthode de pensée au fil de laquelle le lecteur avancera pas à pas, d’une indifférence manifeste et d’une totale impassibilité vers un début de recherche quant à la place de la Torah. Tout ce processus s’effectuera sans aucune hypothèse de base ou un quelconque axiome à accepter a priori. Nous allons donc suivre dans notre parcours les sentiers de la connaissance. La question surgira aussitôt : est-ce réellement possible ? Le judaïsme n’est-il pas basé sur la foi du cœur ? Il est pourtant bien « connu » que les principes du judaïsme reposent sur la foi… Ne parle-t-on pas de « la foi du judaïsme » et des « principes de foi » ?

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Donner un Sens à Sa Vie Dans le langage usuel, le concept de « foi » définit certes un certain sentiment du cœur, une sensation intérieure qui n’est pas nécessairement basée sur des connaissances de faits. Il est donc clair que le concept de « connaissance » exprime un niveau de certitude incomparablement plus élevé que le concept de « foi ». En fait, le concept de Émouna dans le judaïsme a une signification totalement différente de celui employé dans le langage courant. La foi du judaïsme exprime une certitude et une clarté d’un niveau bien plus élevé que toute autre conviction pouvant être acquise de quelque manière que ce soit, même par la connaissance ! La foi vient donc après la connaissance, elle s’acquiert à la suite de la connaissance et pas avant elle, comme le souligne le Prophète Isaïe : « afin de savoir, de croire en Moi et d’être convaincu que Moi Je suis… » (Isaïe 43, 10). Ce verset sous-entend qu’après la connaissance, il existe un niveau encore plus haut qui se dénomme la Émouna. On comprend que pour le Maamin, la vérité est incomparablement plus claire que pour celui qui sait uniquement, mais n’est pas encore arrivé à une foi intérieure en résultat des connaissances qu’il a acquises. Il convient de mentionner toutefois qu’au-delà de toutes les preuves, il existe une expérience de la foi, cette expérience profonde qui enveloppe la personnalité et laisse la personne qui l’éprouve sans un quelconque besoin de preuves supplémentaires. Nous nous adressons ici également à celui à qui une telle expérience est étrangère, ainsi qu’à celui qui cherche à la faire précéder d’une base rationnelle solide. Même lorsque les preuves rationnelles seront exposées et qu’elles seront décisives et convaincantes sans laisser place au doute, cela ne suffira pas. Il faudra leur ajouter la profonde dimension de la Émouna.

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Avant-Propos

Le voyage vers les profondeurs de l’âme de chacun ne pourra donc débuter qu’une fois le parcours dont notre livre fait l’objet terminé. Notre parcours rationnel servira dès lors de préparation au grand voyage qui suivra. Pour des raisons techniques, nous avons estimé le mode de la discussion comme étant le plus adapté. Ce mode recèle en effet plusieurs avantages : 1. Il rend plus vivants des sujets philosophiques complexes et facilite ainsi leur analyse. 2. Après tout, nous traitons de questions qui font l’objet de débats et de remises en question. Quoi de plus naturel que d’exposer ces sujets sous forme de débat ! Le débat aura lieu entre Ilan, l’interrogateur, et Moché qui tente de répondre en se servant des capacités dont Hachem l’a dotées. Je ne peux conclure cet avant-propos sans lui ajouter une note personnelle. On me demande souvent si ma Émouna est réellement basée sur les preuves que je rapporte dans cet ouvrage, ou sur des preuves similaires. Je voudrais répondre ainsi à cette question. Chaque jour, à la clôture de la prière du matin, nous nous exclamons : « Ein Kélokénou, Ein Kadonénou, Ein Kémalkénou, Ein Kémochi’énou » (« Il n’y a pas comme notre D.ieu, il n’y a pas comme notre Maître, il n’y a pas comme notre Roi, il n’y a pas comme notre Sauveur »). Nous poursuivons aussitôt

après : « Mi Kélokénou, Mi Kadonénou, Mi Kémalkénou, Mi Kémochi’énou » (« Qui est comparable à notre D.ieu ? Qui est comparable à notre Maître ? Qui est comparable à notre Roi ? Qui est comparable à notre Sauveur ? ») Il est clair que la question

est ici purement rhétorique et émet un défi : peut-on trouver

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Donner un Sens à Sa Vie quelqu’un de semblable à notre D.ieu ? Il est clair qu’on n’y parviendra pas ! Il est évident qu’il n’y a rien de tel que notre D.ieu ! Pourtant on peut se demander : pourquoi poser cette question, même en tant que simple défi rhétorique, après avoir clairement affirmé qu’« il n’y a pas comme notre D.ieu » ? On veut de toute apparence nous enseigner que ce n’est qu’une fois qu’il nous est clair sans l’ombre d’un doute qu’« il n’y a pas comme notre D.ieu,… comme notre Maître,… comme notre Roi,… comme notre Sauveur » que l’on peut se permettre de poser en toute honnêteté les questions les plus fondamentales, et de répondre à tous les défis que nous présente le public incroyant. Nous non plus n’ouvrirons pas notre débat, débat qui sera des plus aigus, avant de proclamer qu’avant tout et après tout, il nous est clair qu’« il n’y a pas comme notre D.ieu, il n’y a pas comme notre Maître », et que les treize Principes de Foi sont ancrés chez nous sans remise en question possible. Après cette déclaration, nous sommes en mesure d’aborder plus sereinement le débat rationnel. Si quiconque remet en question les principes de foi du judaïsme et cherche à effectuer un débat approfondi de façon rationnelle, il est invité à se lancer avec nous dans cette expédition. Et si quiconque possède une foi du cœur claire, mais cherche néanmoins à faire l’analyse rationnelle de sa foi, il est lui aussi invité à se joindre à notre débat en tant qu’observateur. Puisque nos interrogations nous mèneront à de longs développements, nous tenons à avertir le lecteur de ne pas s’arrêter au milieu, afin de ne pas en rester à l’étape des questions. Et s’il se fatigue avant la fin, qu’il sache qu’il est impossible de tirer une quelconque conclusion sans avoir étudié de façon approfondie l’ensemble des éléments présentés.

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Avant-Propos

Qu’Hachem nous aide à compréhension ne soit faite.

qu’aucune

erreur

Nombre de Grands en Torah ont donné leur bénédiction à la parution du livre. Je les en remercie.

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Premier débat

Le jour où j’arrêterai de me poser des questions, je cesserai d’exister Ilan commence : Tu prétends que je devrais me poser des questions. Je ne comprends pas pourquoi. Je vis, je mange, je bois, je dors et j’agis d’après mes instincts. Pourquoi devrais-je me tourmenter par des questions superflues ? Je me sens bien comme je suis et en vivant comme je m’y suis habitué. Moché répond : Quand tu t’apprêtes à te marier, à conclure une affaire, à acheter une maison ou à investir une certaine somme d’argent dans une affaire qui t’est proposée, ou de laquelle tu as pu être informé par les journaux, comment fais-tu en général pour parvenir à des décisions ? Comment choisis-tu les moyens à employer pour les mener à bonne fin ? Ilan : Cela dépend, s’il s’agit d’une petite affaire dont le risque de perte n’est pas significatif pour moi, peut-être me lanceraisje à l’essai sans trop réfléchir. Il va de soi que plus l’étendue de l’affaire proposée est importante, plus les chances de bénéfice ainsi que les risques de perte sont importants, plus j’accorderai d’attention et de réflexion au sujet. Moché : Dans ce cas, tu t’es trahi ! Si avant de te lancer dans une affaire, qui, aussi importante qu’elle soit, n’est somme toute qu’une affaire, tu vérifies soigneusement toutes les conséquences possibles, lorsque c’est toute ta vie qui est en jeu, tu te dois d’autant plus d’accorder davantage qu’un brin d’attention à vérifier soigneusement les fondements sur - 17 -

Donner un Sens à Sa Vie lesquels tu construis ta vie ! Il y a là une nécessité d’ordre d’importance bien plus élevé que toute affaire qui puisse exister, c’est toute la construction de ta personnalité qui est ici en jeu. Puisqu’une vie entière se joue ici, il n’y a là pas qu’une nécessité secondaire de l’ordre du monde du travail, mais un véritable impératif existentiel. Plus encore. Supposons que tu continues à mener tranquillement ta vie tant que ce sujet te concerne à toi uniquement, avec le sentiment qui anime une partie des jeunes de notre génération (et il est possible que tu en fasses partie) : « Je vis comme cela m’arrange ; s’il s’avère que j’ai vécu correctement, c’est parfait, et s’il s’avère que je me suis trompé, cette erreur est la mienne et moi seul devrai rendre des comptes là-dessus ». Mais n’oublions pas que tu t’apprêtes à faire entrer tes chers enfants dans le système de valeurs selon lequel tu vis. Est-ce juste de les introduire dans un tel système de vie sans savoir exactement pourquoi ? Ce système repose en effet sur des valeurs et des concepts dont tu n’as jamais pris le temps d’examiner soigneusement et objectivement la véracité. Pourquoi tes enfants devraient-ils souffrir de tes erreurs ? Peux-tu déclarer sereinement à leur sujet également : « C’est moi qui me suis trompé et c’est moi qui devrai rendre des comptes là-dessus » ?

Ilan : Cet argument me contraint, tout au plus, à donner à mes enfants l’occasion d’étudier et d’acquérir de l’instruction, afin qu’ils soient capables de choisir correctement par eux-mêmes. Moché : Chaque enfant voit en ses parents un modèle à imiter ; par ton comportement même, tu lui donnes un exemple personnel et le diriges vers le chemin de vie qui est le tien. D’autre part, le système d’éducation que tu choisiras pour tes enfants est celui qui te convient et est adapté à ta façon de - 18 -

Arrêter de se poser des questions = cesser d’exister

vivre. Que signifie alors « donner aux enfants la possibilité de choisir » ? D’autre part, te considères-tu comme un homme moral ?

Ilan : Bien sûr, et cela est l’essentiel. Peu importe la philosophie à laquelle on adhère, l’essentiel est d’être un homme aux valeurs morales élevées. Moché : Puisque tu te considères comme un homme moral, daigne répondre à ma question : l’ingratitude peut-elle coexister avec des valeurs morales correctes ? Un homme ingrat peut-il être considéré comme un homme moral ? Ilan : Un homme ingrat ne peut certainement pas être considéré comme un homme moral, la reconnaissance constitue sans aucun doute l’un des fondements de la morale. Moché : Dans ce cas, comment peux-tu dormir paisiblement sans craindre d’être quelqu’un d’ingrat ? Ilan : Tu commences à me vexer. En quoi suis-je selon toi ingrat, quelle tare trouves-tu dans ma conduite ? Connaîtraistu quelqu’un qui m’accuse de lui avoir rendu le mal pour le bien, ou auquel j’aurais manqué de reconnaissance ? Moché : L’une des raisons pour lesquelles personne ne s’est plaint de toi réside dans le fait que nombreux sont ceux qui manifestent ce type d’ingratitude… Ilan : Je ne comprends pas, tu parles de façon énigmatique… Moché : Imagine-toi qu’un homme réalise des actes de bienfaisance et de charité, et distribue aux pauvres gens et aux nécessiteux des produits qu’il a volés au supermarché… Ilan : Que veux-tu dire ? Insinues-tu que je suis un voleur ? - 19 -

Donner un Sens à Sa Vie Moché : Réfléchis… Peut-être devons-nous remercier quelqu’un pour l’oxygène que nous respirons, pour la nourriture que nous consommons, pour les paysages extraordinaires et la beauté gracieuse de la création, et avant tout pour le fait même que nous vivons ! S’il existe un Créateur au monde, et que les créatures – et toi parmi eux – jouissent de Ses œuvres et ne cherchent pas de façons de lui témoigner leur reconnaissance, ils ne sont que de parfaits ingrats ! Dans un monde où il existe un Créateur Qui te donne, Lui, les forces de réussir, il se trouve que tout le bien et les bienfaits que tu as réalisés depuis toujours sont dépourvus de grande valeur, puisque ce que tu donnes ne vient pas de toi, mais du bien que le Créateur a bien voulu épancher sur toi. Ne vois-tu pas le rapport avec l’exemple du supermarché ?

Ilan : Et celui qui ne croit pas en l’existence du Créateur ? Moché : Celui qui ne croit pas sait-il avec certitude qu’il n’existe pas de Créateur ? Ilan : Et que peut-il faire ? Après tout, il ne connaît pas le Créateur. À qui doit-il payer ? Moché : En tant que personne morale, il se doit au moins d’effectuer un effort quelconque afin de découvrir le Créateur et de trouver une manière de Lui témoigner sa reconnaissance. Il y a là un minimum de politesse et de bienséance… Ilan : Ne me fais pas croire que le Créateur du monde a besoin de mes remerciements… Moché : Si le Créateur a besoin de tes remerciements ou non – telle n’est pas ton affaire, ce sujet n’est pas lié du tout au débat qui est le nôtre. Tu devrais ressentir un besoin d’exprimer ta reconnaissance si tu es un homme de qualité. - 20 -

Arrêter de se poser des questions = cesser d’exister

Le but du remerciement n’est pas de rendre quoi que ce soit au Bienfaiteur suprême, mais plutôt d’exprimer les sentiments du receveur et de témoigner ainsi de son humanité et de sa morale. En résumé, au moins trois bonnes raisons doivent t’éveiller à poser des questions : 1. Première raison utilitaire : en t’abstenant d’effectuer des recherches et de poser des questions sur un sujet aussi central et essentiel dans ta vie, tu risques de découvrir un jour que tu es passé à côté du sens profond de ton existence sans en être conscient. 2. Deuxième raison utilitaire : tu risques de réaliser que tu as fait erreur toute ta vie, et de découvrir que tu as par la même occasion conduit de tes propres mains tes enfants dans un chemin qui n’en est pas un, tu t’es trompé toi-même, as induit les autres en erreur et as tout perdu. 3. Raison morale : tu risques de découvrir qu’à cause de ton ignorance, tu t’es montré ingrat envers Celui à Qui tu dois en fait tellement…

Ilan : Tu me donnes matière à réflexion. En fait, il est possible que je n’aie rien à perdre à consacrer du temps pour éclaircir ce sujet…

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Deuxième débat

Examinons nos voies et recherchons la vérité Ilan : À te dire vrai, notre conversation précédente occupe ma pensée et ne me laisse pas de repos… Moché : Qu’est-ce qui te perturbe tellement ? Je ne t’ai pourtant apporté aucune nouveauté, mes propos ne comportaient aucune révélation qui t’était inconnue jusqu’alors… Ilan : C’est exactement cela ! C’est justement parce que tes propos étaient si simples et ne comportaient aucune nouveauté, que leur logique était si frappante et naturelle, que je suis si perplexe… Si cela est si simple et logique, comment n’y ai-je pas pensé jusque là, et pourquoi même à présent aije du mal à ressentir que je veux me conduire selon le simple ordre de logique qui s’ensuit ? De plus, je ressens que des tréfonds de mon cœur surgissent toutes sortes de prétextes qui essayent de repousser cette solide logique, la logique qui reconnaît la nécessité de commencer à examiner mes voies et mes pensées. Je ne me suis jamais heurté à un tel phénomène. Mes amis me considèrent généralement comme un homme logique, droit et à la pensée honnête. Peut-être peux-tu m’aider à comprendre où ont soudain disparu ces qualités ? Pourquoi dois-je me sentir à présent si étranger à moi-même, d’où provient ce manque de sérénité auquel je suis soudain confronté ?

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Examinons nos voies et recherchons la vérité

Moché : Tu assistes à un phénomène des plus naturels. Une lutte survient en ton cœur entre la volonté d’agir d’après la conclusion logique à laquelle tu es arrivé et la peur de la nécessité de devoir changer tes habitudes, sur le plan de la pensée et du comportement. Mais ne t’emporte pas, tu dois y aller doucement, dis-toi que tu ne t’apprêtes pas à introduire dans ta façon de vivre des changements radicaux, et que même si, en résultat des conclusions auxquelles tu arriveras, certains changements seront nécessaires, tu ne les mettras pas en application tant que tu n’y seras pas prêt. Être prêt pour le changement signifie s’y être disposé et être en mesure de le réaliser de façon contrôlée, par un processus naturel, sans en ressentir de difficulté ou de désagrément, au point de le désirer et d’en être heureux… Mais nous allons un peu trop vite… À quoi cela sert-il de parler déjà de « que va-t-il être si… et quand… » ? Nous n’avons pas encore commencé le débat théorique que nous parlons déjà des conséquences pratiques qui en résulteront… Laissons pour le moment de côté les analyses psychologiques et consacrons-nous à l’essentiel. Si j’ai bien compris, tu as été convaincu de la nécessité de commencer à poser des questions, de vérifier les bases sur lesquelles tu as construit ta vie. Tu as donc compris que c’est une erreur de laisser la réussite de notre vie aux mains du hasard. Pour cette décision intelligente, reçois mes félicitations ! Permets-moi de te citer un passage des propos de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato, dans son célèbre ouvrage Messilat Yécharim :

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Donner un Sens à Sa Vie « On se doit de surveiller avec introspection ses actions et ses voies et d’en vérifier le bien-fondé afin de ne pas abandonner notre âme au risque de perdition. Cette réflexion, l’intellect nous y contraint certainement. Celui qui mène sa vie sans réfléchir si son chemin est correct ou erroné est à comparer à un aveugle qui marche au bord d’un fleuve ; pour lui, le risque de se noyer dépasse sûrement les chances d’en être préservé. » (Messilat Yécharim, chap. 2). Ainsi, chacun mène sa vie, fonde un foyer et éduque des enfants. Mais prend-on le temps de réfléchir que l’on se trompe peut-être et que l’on perd ainsi l’occasion unique en son genre que constitue la vie ? D’autant plus que si l’on doit craindre de s’être trompé, on doit surtout craindre que ce soit par manque de réflexion. En effet, l’erreur est humaine, mais l’absence de réflexion n’est, elle, pas digne de l’humain… Commençons à présent l’analyse logique et essayons de poser les questions selon l’ordre le plus cohérent.

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Troisième débat

Le doute philosophique et le bon sens Moché : L’axiome de base unique auquel nous devons consentir est le fait même qu’un monde existe et que l’homme vit sur Terre. Si tu n’éprouves pas de doute quant à cet élément de base, nous pouvons entamer notre parcours avec assurance. Ilan : Je dois dire que je n’éprouve certainement pas de doute quant à cet élément de base, et je ne crois pas qu’il existe un homme honnête qui remette en question l’existence même du monde. Mais puisque je voudrais exploiter l’occasion de notre rencontre jusqu’au bout (je n’ai aucunement l’intention de mener à nouveau cette recherche), je voudrais émettre des idées ultra-hypothétiques, ne serait-ce que pour la seule nécessité de connaître les réponses à toute question qui pourrait être soulevée, et afin de détenir entre mes mains un système ordonné du début à la fin. Moché : Je suis d’accord, telle est l’approche la plus souhaitable, la plus saine et la plus sérieuse. La Torah d’Israël nous enseigne à ne craindre aucune question, aussi difficile soitelle. Mais pourquoi t’es-tu déjà alerté ? As-tu une objection à émettre, même des plus hypothétiques, sur mes propos quant à la clarté et à la certitude de l’existence même de l’homme et du monde ?

Ilan : La question est certes étrange et c’est pourquoi je l’ai fait précéder d’une introduction. Je m’explique. Tu dis qu’il n’y a pas lieu de remettre en question l’existence même d’un - 25 -