Une vie engagée (Rabbanite Jungreis)

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Une Vie Engagée Vivre selon les principes éternels de nos Sages

Rabbanite Esther Jungreis


AUTEUR ​​ Esther JUNGREIS • TRADUCTION ‘Haya Esther Igla Carole Moses Beilin • DIRECTION LITTÉRAIRE Stéphanie SIMON • MISE EN PAGE Sarah ITTAH • COUVERTURE Yehoshoua VINCENT • DIRECTION Binyamin BENHAMOU

Publié et distribué par les

EDITIONS TORAH-BOX France Tél.: 01.80.91.62.91 Israël Tél.: 077.466.03.32 contact@torah-box.com www.torah-box.com © Copyright 2017 / Torah-Box

• Imprimé en Israël Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où, ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.


Note de l’éditeur L’équipe Torah-Box est heureuse d’offrir au public francophone l’ouvrage “Une vie engagée”, dans la série des 4 livres de la Rabbanite Esther Jungreis. En se fondant sur la sagesse de la Torah, la Rabbanite nous rappelle quels sont les principes nécessaires pour mener une vie heureuse et engagée et ajoute les mots suivants : “Si la lecture de mon livre parvient à ramener une seule personne vers une vie plus spirituelle ; si une seule personne parvient à maîtriser sa peur, à chasser sa colère et la jalousie de son cœur ; si une seule personne parvient à reconnaître la valeur du temps et à se montrer un parent avisé, un enfant plus dévoué, alors je saurai que mon travail a porté ses fruits. Je vous dédie mes jours, cher lecteur. Que vous ayez le privilège de mener une vie engagée, une vraie vie”. Ce livre est à lire, relire et offrir. Il est presque essentiel. Qu’Hachem bénisse tous les participants à l’édition de ce livre et tous nos remerciements à M. Avraham Médina.

‫להגדיל תורה ולהאדירה‬ L’équipe Torah-Box


Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Vayizra’ Itshak »

Centre d’étude de Torah pour Francophones à Jerusalem

sous l’enseignement du rav Eliezer FALK à la mémoire de M. & Mme Jacques -Itshak- BENHAMOU au Roch-Collel : Rav Eliezer FALK aux Rabbanim : Rav Tséma’h ELBAZ Rav ‘Haïm BENMOCHÉ Rav Tsvi BREISACHER Rav Eliahou UZAN

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Michael ABITBOL Rabbi Noam ABITON Rabbi Yaakov ADLER Rabbi Mikhael ALLOUCHE Rabbi Moché AVIDAN Rabbi Binyamin BENHAMOU Rabbi David BRAHAMI Rabbi Yaron COHEN Rabbi Anthony COOPMANS

Rabbi Menahem Moché GOLDBERGER Rabbi Binyamin JAMI Rabbi Moché KRAKOVITCH Rabbi Nethanel OUALID Rabbi Mikhael RIMOKH Rabbi Nathan SABBAH Rabbi David SITBON Rabbi Itshak ZAFRAN Rabbi Emmanuel ZAOUI

Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Torat Yé’hia »

Centre d’étude de Halakha pour francophones à la mémoire de M. & Mme Yé’hia TEBOUL au Roch-Collel : Rav ‘Haïm BENMOCHÉ

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah : Rabbi Lionel SELLEM Rabbi Mikhaël MATÉ Rabbi Shlomo AFLALO Rabbi Mordékhaï STEBOUN Rabbi Saadia ATTIAS

Qu’ils puissent grandir ensemble dans la Torah et la Crainte du Ciel.


Table des matières Introduction

p.13

Chapitre 1 : L’engagement

p.19

Chapitre 2 : Invitez D.ieu dans votre vie

p.35

Chapitre 3 : La responsabilité

p.57

Chapitre 4 : La Charite, tzedaka

p.73

Chapitre 5 : La paix

p.93

Chapitre 6 : La prière

p.115

Chapitre 7 : Le pardon

p.137

Une vie engagée Le rabbin de Szeged

Cours, Chaï, cours Il suffit parfois d’un chat... Eclairer le monde Un souvenir ineffaçable

Tikoune Olam, guérir le monde Je ne suis pas responsable !

Nous devons tous donner Mama Charité bien ordonnée commence par soi-même

Faisons la paix dans la famille Chalom, plus qu’un bonjour Qui va gagner ?

Prendre les cieux d’assaut Parfois, la réponse est non Passe-moi un coup de fil de temps en temps

Le premier pas Le juste tombe sept fois Une âme n’est jamais perdue

p.21 p.30

p.37 p.42 p.47 p.52

p.59 p.66

p.75 p.81 p.85

p.95 p.101 p.107

p.117 p.124 p.129

p.139 p.148 p.153


Chapitre 8 : Vaincre la peur

p.159

Chapitre 9 : La compassion

p.177

Chapitre 10 : La foi

p.193

Chapitre 11 : L’espoir

p.211

Chapitre 12 : La gratitude

p.223

Chapitre 13 : Le temps

p.235

Chapitre 14 : Parvenir à se controler

p.249

Chapitre 15 : L’engagement dans le mariage

p.281

Tout est pour le bien L’action entraîne la bénédiction Peur de vivre

Ressentir la douleur de son frère Des actes de bonté Aimer sans compter

Comment croire ? Aller de l’avant Les gens religieux ont-ils des problèmes spirituels ?

Le chofar de Bergen-Belsen A l’extremité des cieux Rien n’est jamais perdu

Le mot le plus important Jetez votre pain sur les eaux

La sainteté du temps Si seulement...

La vie et la mort dépendent du langage Surmonter la colère Lutter contre la dépression Triompher de la tentation

Marieur, Marieur Je t’aime, mais… Il y a des questions

p.161 p.166 p.171

p.179 p.185 p.189

p.195 p.202 p.206

p.213 p.216 p.220

p.225 p.231

p.237 p.244

p.251 p.258 p.267 p.274

p.283 p.291 p.305


Chapitre 16 : Le chabbat

p.313

Chapitre 17 : Creer une famille

p.335

Chapitre 18 : L’heritage des grands-parents

p.359

Epilogue

p.375

Il faut le vivre La magie de Chabbat

Dois-je honorer mon père ? Réussir le mariage

Les enfants se souviennent Sur les traces de mon Grand-père

p.315 p.324

p.337 p.349

p.361 p.368


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Remerciements

C

’est lors d’un séjour en Israël que m’est venue l’idée d’écrire un livre. Depuis la création de Hinéni, l’organisation de kirouv1 que j’ai fondée il y a plus de vingt-sept ans, j’ai eu le privilège de diriger un voyage en Terre Sainte chaque été. Ceux parmi vous qui en ont l’habitude, savent que l’on passe la journée à se rendre en autobus d’un endroit à l’autre. J’indique chaque site touristique, je raconte des histoires, des histoires de la vie, des histoires qui démontrent combien la sagesse du passé a de l’impact dans notre quotidien. Par la suite, mes chères amies, Suzanne Friedman et Sheila Lambert, m’ont demandé de consigner ces récits dans un livre. Ce qui devait arriver arriva. A peine rentrée aux Etats-Unis, j’ai reçu un coup de téléphone de Freya Manston, un agent littéraire de renom à New York. Elle avait lu des commentaires sur mon travail pour Hinéni et elle était persuadée qu’il y avait là matière à écrire un livre. Les événements se sont succédés de façon surprenante. Freya aimait beaucoup les histoires : « J’ai l’impression d’entendre ma grand-mère lorsque je lis ces récits. C’était une femme remarquable et d’une grande sagesse. » Freya fit quelques suggestions pertinentes et soumit les écrits à Diane Reverand, la rédactrice en chef de Cliff Street / HarperCollins. C’est elle qui a suggéré l’ordre des chapitres dans le livre. C’est Diane aussi qui, après une première lecture du manuscrit, a pensé que le titre adéquat serait « Une vie engagée ». Pour cela entre autres, je la remercie ainsi que Freya, Suzanne et Sheila. 11


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Une vie engagée Je voudrais aussi adresser mes remerciements à ma très chère amie Barbara Janov, la directrice de Hinéni, qui se tient à mes côtés depuis la création de l’organisation, et qui sans montrer le moindre signe de fatigue, a saisi mon texte sur ordinateur jusque tard dans la nuit. Je pense que c’est aussi l’occasion de remercier de tout cœur la direction et les membres de Hinéni. Beaucoup de gens ont aidé à la mise en place de cette incroyable organisation de kirouv, qu’ils en soient tous remerciés même si je ne cite pas leurs noms individuellement. Certaines familles m’ont permis de créer et de subventionner Hinéni tout au long des années. Par ordre alphabétique : Pat et Jimmy Cayne, Sheila et Jeffrey Lévine, Selma Meyerson Milgrim, la famille Pilevski, Jill et Bill Roberts, Elinor Wohl, Ronne et Joe Wohl, et un homme qui désire garder l’anonymat mais qui est resté, au fil des années, un ami fidèle et hors du commun. Il se reconnaîtra sûrement. Je voudrais aussi remercier les rédacteurs du Jewish Press, le rabbin Chalom Klass et son épouse Irène pour leur amitié et leur soutien. Toute ma profonde gratitude à mes très chers parents. Mon père, le Rav Avraham HaLévi Jungreis, Z’tl (de mémoire bénie), a disparu il y a huit ans, mais son esprit et son inspiration m’ont guidée pendant toute la rédaction du livre. Ma très chère mère, la Rabbanite Myriam Jungreis, (qu’elle soit en bonne santé) m’a donné et continue de me donner du courage et de la force. Tout mon amour et ma totale dévotion à mon associé dans la vie, mon mari, le Rabbin Méchoulem HaLévi Jungreis, à qui ce livre est dédié. Enfin, je remercie mes merveilleux enfants, ma bénédiction, qui m’ont toujours soutenue durant les bons moments ainsi que dans les jours difficiles de ma vie et qui sont mes associés dans Hinéni. Que D.ieu soit toujours avec eux : ’Haya Sarah et le Rav Chlomo Gertzulin, le Rav Israël et Rivka Jungreis, Slovi et Mendy Wolff, le Rav Ocher et Yaffa Jungreis, tous leurs enfants, mes précieux petits-enfants, qui poursuivent le chemin de leurs ancêtres et qui sont la plus grande joie de ma vie. Mais surtout, je tiens à exprimer ma gratitude à l’Eternel de toutes Ses bontés, pour m’avoir permis d’écrire ce livre, qui je l’espère, 12


11 touchera le cœur de tous Ses enfants. Qu’Il me trouve digne de Le servir dans l’honneur et la vérité. HINENI, ME VOICI !

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Introduction

L

e Talmud nous enseigne que lorsqu’une femme conçoit un enfant, un ange porte l’âme du futur bébé à D.ieu, qui lui confie une mission unique. Il décide si ce sera une fille ou un garçon, s’il sera malade ou en bonne santé, riche ou pauvre, grand ou petit, intelligent ou sot. Puis l’ange emmène l’âme faire le tour du Paradis et du Guehinom (l’Enfer), révélant les récompenses et les punitions qui l’attendent, à son retour à la source, après la mort. Tout est prédestiné. Libre à nous, cependant, de suivre le droit chemin et d’accomplir notre mission. Notre choix est proportionnel au respect que nous avons pour D.ieu. En fin de compte, c’est le seul point important. Malheureusement, c’est un domaine que nous connaissons mal. Nous avançons à l’aveuglette en essayant de donner un sens à nos vies. Notre génération manque de fondements moraux. Il n’y a pas de valeurs auxquelles se raccrocher. Les vedettes de cinéma, les héros sportifs et les chefs d’Etat sont les « idoles décadentes » de notre époque. Nos foyers manquent de stabilité et de sérénité. Le divorce et la violence sont devenus la norme et nos écoles sont dans le meilleur des cas, des tremplins vers le monde économique, en préparant nos enfants à des carrières commerciales et au marché de l’emploi, mais non à la vie. Notre monde est un monde de colère, fondé sur l’amertume et le ressentiment, sans trace de générosité ni de bonté. Les gens souffrent car leurs âmes sont meurtries. Ils se demandent : " Quel sens donner à la vie ? Pourquoi suis-je là ? Quel est mon but sur terre ? " Ils n’ont pas de réponse. Notre génération a été décrite par le prophète Amos : « Et dans le futur, J’enverrai la famine sur la 15


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Une vie engagée terre, dit le Seigneur. Pas une faim de nourriture, pas une soif d’eau, mais une faim du Verbe divin. » Depuis quarante ans, j’ai eu le privilège de m’adresser à de nombreux publics partout dans le monde. J’ai pu remarquer qu’il y a un point commun parmi ces publics si différents : que je m’adresse à des soldats de l’armée américaine à Fort Hood au Texas, ou à des étudiants de l’université d’Oxford, au public de Madison Square Garden, au Colisée de Johannesburg, ou au Centre de Conférences de Jérusalem, à des gens d’une petite communauté comme Wichita dans le Kansas ou à Coventry en Angleterre : partout, il règne une famine spirituelle. La quête transcende toutes les différences culturelles et sociales. Bien que nous ne puissions nous souvenir de notre promenade au Paradis et en Enfer, il subsiste une partie cachée de notre âme qui s’en souvient, qui nous pousse à faire le bien et non le mal, qui cherche la bonté et non la vengeance, qui aspire à l’amour et non à la haine, qui désire accomplir la mission que D.ieu lui a confiée. Je faisais une conférence à Londres. C’était particulièrement important car tout le programme avait été organisé et sponsorisé par des jeunes gens. Le grand auditorium était plein à craquer ; les gens se tenaient debout le long des murs. Il faisait chaud et cela manquait de confort, mais personne n’avait l’air de s’en plaindre. Il y avait une énergie spéciale dans la salle qui témoignait de cette quête. Je suis restée longtemps pour répondre aux nombreuses questions, questions qui venaient des profondeurs du cœur, qui décrivaient le désespoir et la douleur, questions sur le chemin vers une « vie engagée ». Andrew, un jeune homme d’une trentaine d’années, s’est avancé. Il était l’image du succès. Il semblait tout avoir pour être heureux, mais ses remarques révélèrent une grande incertitude. « - Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit ce soir. Je reconnais que c’est vrai. Je voudrais me rattacher à la partie de mon âme qui souhaite le bien. Je voudrais comprendre quelle est ma mission dans la vie, mais je suis plein d’animosité et de rancœur envers certaines personnes. Comment puis-je me libérer de ces sentiments ? - Faites semblant de les aimer, dis-je. 16


Introduction - Faire semblant ? répéta-t-il, incrédule. Vous ne voulez certainement pas dire jouer la comédie ? - Mais si. Il m’a regardé d’un air perplexe. - Laissez-moi partager avec vous une formule que nos Sages ont élaborée pour modifier notre personnalité. Un homme, disent-ils, est défini par ses faits et gestes (Sefer Ha’hinoukh, Le livre des Commandements). Cela ne paraît pas une idée révolutionnaire, mais c’est diamétralement opposé à la pensée laïque : nos convictions font de nous ce que nous sommes. Cela peut paraître un truisme mais il y a un monde entre ces deux points de vue. Selon les principes de la laïcité, il faut procéder à une auto-analyse qui peut prendre une vie entière avant de rejeter les mauvaises habitudes pour en acquérir de bonnes. Plus encore, l’esprit est malin, capable de rationaliser et de jouer des tours, avec des idées que le cœur trouve trop exigeantes ou trop contraignantes. Le Sefer Ha’hinoukh nous conseille de faire fi du cérébral pour nous concentrer uniquement sur nos faits et gestes. En agissant ainsi, nos personnalités et nos traits de caractère seront transformés jusqu’à ce que nous découvrions que nous sommes devenus les nouveaux êtres humains auxquels nous aspirions, que nous sommes reliés à la bonté de nos âmes et que nous sommes sur la voie d’accomplir notre mission sur terre. - Vous voulez dire que je dois agir sans ressentir ? demanda-t-il. - Oui, c’est exactement ce que je vous suggère. Et je vais vous démontrer que ça marche vraiment. Vous m’avez demandé comment se libérer des sentiments d’animosité et de rancœur. Forcez-vous à sourire, à être amical, et vous verrez que l’intensité de l’hostilité va immédiatement diminuer. Si vous continuez ainsi, vous découvrirez un jour que votre haine a totalement disparu. Cette même logique s’applique à chaque chose dans la vie. Si vous êtes avare, forcez-vous à donner. Si vous éprouvez de la rancœur envers vos parents, vous devez vous imposer de les respecter. Si l’on n’est pas d’humeur à prier, on doit s’obliger à ouvrir un livre de prière et prononcer chaque mot sacré. Les exemples sont infinis. Mais si l’on maintient cette auto-discipline, nous pourrons rejoindre ce qui est pur dans nos âmes et devenir ainsi ce que D.ieu veut que nous soyons. » 17

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Une vie engagée Pour illustrer mes propos, j’ai raconté à Andrew une merveilleuse histoire écrite par Max Beerbohm, l’un de ses compatriotes, qui illustre l’efficacité de cette technique. Il s’agit de Lord George Hell, qui était aussi terrible que son nom l’indique (Hell veut dire enfer en anglais) : méchant, cruel, laid et vicieux. Il terrifiait tout le monde. « Un beau jour, Lord Hell rencontra une ravissante jeune fille et il en tomba éperdument amoureux. Mais elle ne voulait aucun contact avec cet homme et fit savoir qu’elle se marierait avec une personne au visage gracieux et saint reflétant bonté et gentillesse. Le pauvre Lord Hell ! Eperdu d’amour et irrémédiablement repoussé ! Mais il lui vint une idée. Il se rendit chez un artiste qui pourrait lui confectionner le masque le plus magnifique qui soit. "Faites-moi le visage d’un saint, exigea-t-il, et je paierai n’importe quel prix." Aussitôt dit, aussitôt fait. L’artiste façonna un masque représentant un homme doux, gentil, beau et angélique. Affublé de son nouveau visage, Lord Hell vint frapper à la porte de sa bien-aimée et elle tomba immédiatement en pâmoison. Peu après, ils se marièrent et vécurent très heureux. Quelques années plus tard, l’un des ennemis de Lord Hell vint chez eux et le démasqua devant sa femme. Mais aussi incroyable qu’il puisse paraître, le visage dévoilé était identique au masque ! Durant toutes ces années, Lord Hell avait prétendu être bon et généreux pour que sa conduite corresponde à son déguisement et pour que sa femme ne découvre pas la supercherie. Le temps avait laissé une empreinte sur son esprit et sur son âme. Il était devenu la personne vertueuse qu’il prétendait être. » Je dis alors aux jeunes gens qui nous avaient rejoints : « C’est vraiment très simple. On devient bon en agissant avec bonté, droit en agissant avec droiture, gentil en agissant avec gentillesse. Vous comprendrez maintenant pourquoi D.ieu nous a donné tellement de commandements : pour nous apporter une structure. Ce sont les masques qui nous permettent de devenir meilleurs. » Au fil des années, j’ai constaté que les gens qui adoptaient cette conduite recevaient de nombreuses bénédictions. Cela leur a permis de surmonter de graves problèmes et de recommencer une nouvelle vie. J’ai réuni leurs histoires dans ce livre pour les partager avec 18


Introduction vous, pour que vous puissiez à votre tour devenir celui ou celle à qui vous souhaitiez tant ressembler, lors de votre promenade au Paradis. Les histoires sont contemporaines. Elles sont toutes fondées sur des faits réels et touchent de nombreux domaines, abordent divers problèmes d’aujourd’hui. Dans certains cas, j’ai gardé les véritables noms, dans d’autres, j’ai utilisé des pseudonymes. J’ai fait de même pour les lieux. Les personnages tirent leur force de la Torah, de la religion juive, mais le message est universel car la Parole de D.ieu s’adresse à toute l’humanité. Je prie afin que les lecteurs trouvent dans ce livre une source de force et qu’il les inspire à s’engager dans une vie pleine de sens.

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Chapitre 1

L’engagement “Il ne suffit pas d’une longue vie, mais d’une vie bien remplie.”


L’engagement

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Une Vie Engagée

M

on mari était l’exemple même de l’engagement aussi bien dans sa vie privée que publique, en temps de guerre comme de paix, malade ou bien portant, dans la vie ou face à la mort. Son dévouement ne faiblit jamais. Pendant les quarante ans de notre mariage, je ne l’ai pas entendu prononcer une parole malveillante, lever la voix ou perdre patience. C’était véritablement un homme accompli, à l’image de son prénom, Méchoulem, qui signifie « complet » en hébreu. La Michna nous enseigne qu’il existe certains principes pour lesquels il ne doit pas y avoir de restrictions : on doit s’y engager de tout son cœur, sans aucune réserve. Parmi celles-ci se trouvent les dons aux pauvres et le respect de la foi, les actes de bonté, ainsi que l’étude de la Torah, le tout contribuant à l’édification d’une vie engagée. Malheureusement, la plupart d’entre nous négligent cette triple formule car nous vivons dans un monde de fausses priorités. En ce qui concerne la course au matérialisme et la recherche du bienêtre physique, nous tombons dans l’excès au lieu de nous contrôler. Finalement, nous devenons avares, oubliant toute générosité. Nous ignorons nos responsabilités envers les plus démunis, notre devoir de bonté ainsi que notre obligation d’étudier la Torah. En conséquence, nous ne comprenons pas les défis d’une vie engagée. Mon mari, lui, avait compris. Il vécut selon les règles. Son don de soi ne connut pas de limite. Il considérait chaque être humain comme un juste et il avait des élans de générosité et d’amour pour tous. Tous les vendredis, avant Chabbat, il vidait mon congélateur pour 23


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Une vie engagée

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apporter des gâteaux et des ’hallot aux veufs, aux veuves et aux plus démunis. Vous pourriez vous demander si les membres d’une communauté de Long Island manquent de ’halla et de gâteaux ? D.ieu merci, il était plutôt rare de rencontrer une telle misère mais il existait bien d’autres sortes de dénuement. Mon mari entendait les appels silencieux des cœurs brisés et solitaires et répondait à tous. Ses visites aux malades ne relevaient pas de l’obligation due à sa charge de rabbin et l’histoire de la petite Yaffa en est une bonne illustration. Yaffa était tombée des barres de jeu dans la cour de son école maternelle. On l’avait transportée d’urgence à l’hôpital où elle avait subi une lourde intervention chirurgicale. Mon mari se rendit à son chevet chaque matin avant d’aller à la synagogue pour lui raconter des histoires et la distraire. Ensuite, il appelait les parents de Yaffa pour leur donner des nouvelles récentes et les rassurer. Et tous ceux qui, comme Yaffa, étaient souffrants, bénéficiaient de cette même bonté. Comme pour tous les Rabbanim, les fêtes de Tichri étaient particulièrement éprouvantes pour mon mari. Il rentrait épuisé de l’office, mais ne s’accordait aucun repos avant d’avoir rendu visite à tous les malades de la communauté, afin qu’ils puissent entendre le chofar. Malgré la foule des fidèles, il avait le don de savoir exactement qui assistait au service religieux, et qui en était absent. Certaines personnes se montrent aimables et respectueuses envers les étrangers mais pour une raison inconnue, elles n’ont pas l’air de comprendre que l’on doive aussi gentillesse et respect aux membres de sa famille. Mon mari était un père et un grand-père parfait. Lorsque nos enfants étaient encore tout petits et qu’ils se réveillaient la nuit, il avait coutume de me dire : « Tu sais pourquoi les bébés pleurent la nuit ? Pour que leur père se lève et aille étudier la Torah. » Alors, il prenait l’enfant dans ses bras, le déposait dans sa poussette et d’une main le berçait pour qu’il se rendorme tandis que de l’autre, il tournait les pages de son Talmud. C’est lui qui leur racontait des histoires et leur apprit à peindre et à dessiner. C’est lui aussi qui leur enseigna la parole de D.ieu, leur montra les merveilles de la nature et la beauté de l’univers qu’Il a créé. Il était là aussi lors de leur premier jour d’école afin d’adoucir 24


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ce moment difficile. Il emmenait nos enfants et, des années plus tard, nos petitsenfants, nourrir les canards de l’étang près de chez nous. Le jour des funérailles de mon mari, il se passa quelque chose d’incroyable : les canards traversèrent la rue et se tinrent immobiles lorsque passa le long cortège dont faisait partie la Police du Comté de Nassau. Toute la brigade assista en effet à la cérémonie car mon mari était leur aumônier bien-aimé. Je n’avais jamais vu une chose pareille en trente-deux ans de vie dans cette communauté. Les poches de mon mari étaient toujours remplies de bonbons qu’il offrait aux enfants qu’il rencontrait. Il avait une patience infinie avec eux, que ce soit les siens ou ceux des autres. Pendant les chiva après son décès (les sept jours de deuil qui suivent la disparition d’un membre de la famille), une petite fille dont le père était invalide, me demanda en pleurant : « Mais qui va m’aider chaque soir à faire mes devoirs, maintenant que le Rav n’est plus là ? » Quand je ferme les yeux, je l’imagine portant un bébé sur ses larges épaules mais en vérité, il nous « portait » tous, enfants et adultes, car tel est le pouvoir d’un homme dont la vie est engagée. J’entends encore sa voix douce et forte me dire : « Des soucis ? Des mauvaises pensées ? Chasse-les de ton esprit. Souris, même si tu es triste, et D.ieu te donnera toutes les raisons d’être heureuse. » Mon mari avait ce don extraordinaire de faire rire les gens et savait toujours ce qu’il faut dire pour redonner la joie de vivre. Ceux qui lui téléphonaient se sentaient les plus importants au monde et ce n’est que lors de son hospitalisation que nous avons découvert qu’une personne handicapée mentale l’appelait chaque soir et qu’il avait toujours pris le temps de lui parler patiemment. Pendant ses derniers jours à l’hôpital Memorial Sloan Kettering, il me demanda de poursuivre l’éducation des enfants avec amour. Je lui répondis que grâce à D.ieu, nous l’avions toujours fait. Il rétorqua, dans sa grande sagesse : « Le travail n’est jamais fini. Nous ne terminons jamais l’éducation de nos enfants. » Il était non seulement un père et un grand-père parfait mais aussi un mari parfait. Etant cousins au troisième degré, tous deux descendants de la même dynastie rabbinique, nos noms de famille étaient identiques. Je le considérais comme mon meilleur ami, 25

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mon partenaire dans la vie, mon inspiration et mon Rav. J’insiste là-dessus car c’est à la façon dont nous nous comportons avec ceux qui nous sont le plus proches que l’on jugera un véritable engagement dans la Torah. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il est parfois plus facile d’être affectueux et gentil avec des étrangers qu’avec les membres de sa propre famille. Lorsque l’idée de Hinéni germa dans mon esprit, mon époux ne cessa de m’encourager. Il fit de même pour toutes mes entreprises. Que ce soit la conférence de Madison Square Garden, mon article hebdomadaire dans le Jewish Press, la parution de mon premier livre, une émission de radio ou de télévision, il m’a toujours épaulée, aidée et inspirée. Si je me sentais découragée et dépassée par les événements, il me mettait du baume au cœur : "Tu y arriveras, j’en suis sûr !", me disait-il, d’un ton convaincu et chaleureux. Je n’oublierai jamais le jour où les médecins annoncèrent à mon mari qu’il avait un cancer. Il se sentait en pleine santé, si ce n’est quelques petits ennuis digestifs. Lors d’un check-up, on lui fit subir une série de tests qui s’avérèrent tous négatifs. Le médecin prescrivit donc qu’il passe un scanner. Nous étions si loin d’imaginer que mon mari puisse avoir un problème que ce jour-là, je donnai mon cours de Torah comme tous les jeudis. Mon mari se trouvait donc seul lorsque le médecin lui annonça qu’il avait une tumeur maligne au colon. Au lieu de s’effondrer, c’est lui qui consola le porteur de mauvaises nouvelles, le remerciant de sa gentillesse et l’assurant que notre destin est entre les mains de D.ieu. Le médecin m’annonça la nouvelle un peu plus tard dans la journée. En effet, quand il sortit du cabinet médical, mon mari alla directement à l’école juive de notre communauté pour discuter avec les élèves. Ensuite, il rendit visite à nos petits-enfants, avec lesquels il parla de Torah, et relut quelques passages difficiles du Talmud avec l’aîné. Personne ne se douta qu’il avait un problème. Les voies de D.ieu sont impénétrables. Nos vies changèrent en un instant. Comment ai-je pu donner cours ce jour-là, je ne sais pas, je respirais à peine. Pendant chaque recréation, je passais mon temps au téléphone, essayant de prendre des rendez-vous pour le lendemain matin. 26


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Le chirurgien, qui comptait parmi nos meilleurs amis, assistait à une conférence au Japon mais heureusement, son retour était prévu cette même nuit, ce qui nous permit de le rencontrer le matin suivant de bonne heure à l’hôpital universitaire de New York. Il n’y avait pas grand-chose à dire et le regard du médecin était éloquent. Il voulait faire hospitaliser mon mari immédiatement et le préparer à l’opération. Le cauchemar devint réalité. Il accepta finalement de repousser l’hospitalisation au samedi soir afin que nous puissions passer le Chabbat en famille et au sein de la communauté, à condition que mon mari s’abstienne de toute nourriture. Les enfants restèrent ce Chabbat avec nous et nous faisions de notre mieux pour respecter l’interdiction d’être triste ce jour-là. Lorsque, selon la tradition, mon mari se leva pour bénir ses enfants, nous n’osions pas nous regarder les uns les autres, et un lourd silence planait. Pendant le Quiddouch (la bénédiction sur le vin), la voix de notre fils Ocher se brisa et nos yeux se remplirent de larmes. Ce fut notre seul moment d’abandon. Après s’être racontés à voix basse des histoires de malades qui avaient guéri d’un cancer, nous nous sommes dit qu’avec l’aide de D.ieu, tout irait bien. Mon mari, bien qu’il ne mangeât pas, s’assit avec nous à table, entonna des chants de Chabbat et commenta la Torah. Après le dîner, il prit sur une étagère un volumineux Talmud et se mit à étudier avec notre petit-fils. Le samedi matin à la synagogue, il salua tout le monde avec sa bonne humeur habituelle. Aucun fidèle ne se douta que leur rabbin était malade. Son dvar Torah, qui ne prenait normalement que quinze à vingt minutes, dura presque une heure et il y mit tout son cœur, demandant à tous de vivre selon les commandements de D.ieu. L’office du Chabbat est toujours suivi d’un Quiddouch pendant lequel est servie une collation. C’est ce moment que choisit mon mari pour informer tranquillement la communauté qu’il devrait passer quelques jours à l’hôpital. Durant toutes les longues et pénibles semaines qui suivirent, son moral ne faiblit jamais. De son lit, il continua à enseigner avec amour la parole de D.ieu à ses visiteurs. Il les bénit tous et ne perdit jamais son doux sourire. Un jour que je marchais dans le couloir de l’hôpital, un homme 27

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Une vie engagée

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s’approcha : « - Etes-vous la rabbanite Jungreis ? me demanda-t-il. - Oui, répondis-je. - Appartenez- vous par hasard à la famille du Rav Méchoulem Jungreis ? Il était au camp de concentration avec mon père. - C’est mon mari. - Oh, j’ai entendu tant d’histoires au sujet du Rav. Mon père m’a dit qu’au camp, il montrait une grande force d’âme et donnait du courage à tous en récitant des passages du Talmud. On m’a aussi raconté que malgré les circonstances si tragiques, il refusait toute nourriture qui n’était pas cachère. » J’eus l’idée que ces histoires du passé intéresseraient peut-être mon mari et j’invitai cet homme à venir le voir. Cette visite le réjouit mais, fidèle à son humilité habituelle, il refusa d’entendre toute louange. Mon mari, après avoir brillamment étudié le Talmud, avait été ordonné rabbin à l’âge de dix-huit ans. Cependant, rien dans sa façon d’être ne laissait entrevoir un quelconque orgueil. La maladie nous conduisit de l’hôpital universitaire à Sloan Kettering où on lui posa un cathéter pour la chimiothérapie. Ce qui n’aurait dû être qu’une intervention mineure avant son retour à la maison, tourna à la tragédie. Il ne devait plus jamais quitter l’hôpital. Pendant les six dernières semaines de sa vie, il souffrit le martyre. Pourtant, lorsque les médecins lui demandaient : "Monsieur le rabbin, sur une échelle de un à dix, quel est le chiffre qui correspond à l’intensité de votre douleur ?", il répondait : "Zéro". Nous autres, membres de la famille, n’avons jamais quitté son chevet mais il voulut absolument que je continue à enseigner la Torah. Mes journées commençaient et se terminaient à Sloane Kettering d’où je partais en courant chaque fin d’après-midi pour aller donner mes cours. Je me souviens d’un jeudi... Mon mari s’était endormi et je somnolais dans ma chaise. Je me suis réveillée en sursaut, il était tard. Je saisis mon manteau et demandai à l’infirmière privée de revenir le lendemain pour que je lui règle son salaire. Soudain mon mari a ouvert les yeux et cita ce passage de la Torah : Les travailleurs journaliers doivent être payés le jour même (Lévitique). Je me suis donc assise et je lui ai fait un chèque. Au même étage, se trouvait un père de famille nombreuse qui 28


L’engagement

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venait de subir une grave opération. Quand mon mari l’apprit, il m’envoya remettre à son épouse une aide financière. Il restait à l’écoute de tous, malgré son état critique, et son engagement s’étendait au-delà de son lit d’hôpital. Il avait le don d’enrichir et de renforcer la foi de chaque individu. Il parlait de religion et bénissait tous ses visiteurs si bien que les jeunes de Hinéni, venus à l’hôpital, en repartaient plus que jamais engagés dans la Torah. Parmi eux se trouvait un jeune homme, David, que notre famille avait adopté depuis un an. Il avait découvert la voie du judaïsme par hasard un dimanche après-midi, alors qu’il regardait un match de football à la télévision. Pendant la mi-temps, il parcourut les autres chaînes et tomba sur mon programme d’étude de la Torah. Il en oublia son match et ne me quitta plus jusqu’à la fin de l’émission. Tout ceci était nouveau pour David. Il n’avait jamais vraiment étudié la Torah, bien qu’enfant, il ait fréquenté l’école juive et fait sa bar-mitzva. Or, ce système d’éducation est superficiel et insuffisant. Pire encore, il n’enseigne pas la parole de D.ieu et en éloigne les enfants. David décida d’approfondir la question et se rendit à Hinéni la semaine suivante. Il ne nous quitta plus et se prit d’affection pour mon mari. "J’ai enfin trouvé le rabbin que j’aime et respecte", disait-il. Chaque Chabbat après la synagogue, David l’accompagnait à la maison, profitant du savoir de mon mari et jouissant de son attachement, qui l’épanouissaient. Il rêvait que le jour venu, ce soit son rabbin qui le marie. Ce rêve prit du temps à se réaliser. "Ce n’est pas facile de trouver la bonne épouse", nous disait-il. Jusqu’au jour où, à Hinéni, je lui présentai une jeune femme adorable du nom de Caroline. Ils surent tout de suite qu’ils étaient faits l’un pour l’autre et la date du mariage fut rapidement fixée. Il va sans dire que ce serait mon époux qui les marierait et qu’il aurait quitté l’hôpital bien avant. Le temps passa et il devint évident que le rêve de David ne pourrait jamais se réaliser. Le cancer se généralisait et la vie de mon mari se transforma en cauchemar épouvantable. Son état s’aggravait et il ne pouvait plus respirer sans assistance. Toutefois, il restait conscient et le jour du mariage de David approchant, il demanda à notre fils aîné, le Rav Israël, de célébrer la cérémonie. 29

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Une vie engagée

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Le matin du mariage, les médecins nous informèrent que l’ange de la mort planait dans la chambre et que les heures étaient comptées. Toute la famille, jusqu’au plus jeune des petits-enfants, se tenait à son chevet. Israël ne pouvait se résoudre à quitter l’hôpital. "Et s’il arrive quelque chose pendant le mariage ?", s’inquiéta-t-il, la voix étranglée par les larmes. Il n’est pas difficile d’imaginer les sentiments d’Israël pendant la cérémonie, ni l’état des mariés qui adoraient leur rabbin. Son absence le jour le plus important de leur vie et la pensée qu’il se trouvait à l’article de la mort leur était insupportable. La semaine précédente, Israël et mon mari avaient parlé du mariage. Ce dernier lui avait demandé de ne pas retarder la cérémonie et de la célébrer dans la joie avec les jeunes époux, sans laisser prise à son chagrin. Il avait lui-même écrit un message à lire sous le dais nuptial. En souvenir des paroles de son père, Israël se montra à la hauteur de nos espérances. Après le mariage, il dansa avec David, rassembla un minyane (groupe de dix hommes pour la prière) et alors seulement se permit de téléphoner à l’hôpital. Il me demanda, en larmes : « - Comment va Abba ? - Il t’attend. » Afin de revoir ce saint homme, de lui embrasser la main, de lui parler encore, de prier et de recevoir une ultime bénédiction, Israël se précipita vers l’hôpital. Un peu plus tard, Caroline et David apparurent au milieu du couloir de Sloan Kettering, l’une dans sa superbe robe blanche, l’autre en smoking. Ils avaient abandonné les invités pour se rendre, vêtus de leurs beaux atours, au chevet du rabbin et se faire bénir. Celui-ci ouvrit les yeux et rassemblant ses dernières forces, leur sourit avec tendresse et dit tout bas : "Mazal Tov, mes enfants." Au petit matin, l’âme pure de mon mari quitta notre terre. Toute notre famille l’entourait. Il appela chaque enfant et petit-enfant par son nom pour les bénir. Parmi les nombreuses prières qu’il murmura, se trouvaient ces mots éternels qu’avait prononcé Jacob le patriarche sur son lit de mort : Hamalakh Ha goel... Que l’ange qui m’a délivré de tout mal, bénisse ces jeunes gens ! puissentils perpétuer mon nom et le nom de mes pères, Avraham et Isaac 30


L’engagement

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(Genèse 48 ; 16). Tandis que mon mari prononçait ces paroles, nos petits-enfants lui répondaient en chantant. Jusqu’à son dernier souffle, mon mari accorda des bénédictions. Il vécut et mourut dignement. Les sources de sa dévotion et de son engagement ne tarirent jamais. « Toujours dépasser les limites du don de soi », telle fut sa profession de foi du début à la fin de ses jours. Il nous a laissé en héritage la capacité de penser constamment aux autres en menant une vie d’engagement plus forte que la mort. Ce ne seront pas seulement ses enfants et petits-enfants qui perpétueront son nom mais aussi les milliers de personnes qui eurent la chance de le connaître. Alors que, plusieurs mois après sa mort, je rangeais des papiers, le cœur serré, j’ai trouvé cette note qu’il avait écrite : "Il ne suffit pas d’avoir une longue vie, mais une vie bien remplie."

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