Kaktum #5_Juin 2015

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KAKTÜM LA CULTURE DES POTES

#5

JUIN 2015


AU MENU 2 J’Y ÉTAIS PAS Le carnavaL de rio

4 À SAVOIR OU NON Les fruits frais

8 SURVIE URBAINE mot du quotidien astuce de grand’ma peu chère

10 ENTRETIEN À La rencontre de La grenouiLLe

11 DIVAGATIONS 24 LUDIQUE têteketa ! retrouve La bd !

18 ART

L’art contemporain est-iL corrompu ?

22 CURIOSITÉS de La pure à La pute devoir de mémoire

20 CINÉMA

REMERCIEMENTS :

KOPECK

cLichés & cinéma

PARTICIPATION :

OU

La ièvre de l’écriture vous prend soudainement ? La page blanche ne vous efraie plus du tout ? Un projet personnel vous tient à coeur ? Eh bien vous êtes des petits veinards car nous invitons quiconque le veut à participer à Kaktüm. Pour cela une seule adresse : kaktum.magazine@gmail.com


Récemment à Kaktüm, on s’est questionné. L’aventure ayant commencé comme une futilité, nous fûmes surpris qu’elle perdure jusqu’à maintenant. Un an d’existence, 4 numéros, une belle évolution, et beaucoup de promesses. Il était alors grand temps de se demander qu’est-ce qui était réellement ofert dans ce magazine. Dans notre éditorial fondateur nous clamions trois choses : la coniance dans le papier, un éclairage sur des sujets nous tenant à cœur, le tout avec un ton décalé. Laissez nous reformuler cela de manière plus explicite aujourd’hui. Kaktüm s’intéresse à la culture. Mais la culture peut être bien des choses diférentes. Tellement diférentes qu’on ne peut que très diicilement la déinir. Heureusement, sa déinition n’est pas notre priorité. Son utilité l’est. À quoi sert la culture aujourd’hui ? Nous croyons qu’elle doit être un décrypteur. Dans un monde surchargé de toutes parts, on a vite fait de se noyer dans le lot d’informations superfétatoires. Et sans les références appropriées, tout devient rapidement illisible. C’est précisément à ce moment là que la culture intervient. Qu’elle soit générale, dominante, de masse ; qu’importe son nom, elle doit permettre d’y voir plus clair. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité, mais espérons apporter notre maigre contribution à l’édiice. Aussi bordélique qu’un capharnaüm, mais piquant comme un cactus, Kaktüm se fera un plaisir d’attiser votre curiosité. Bonne lecture.

LES POTES


AIS PAS MAIS... T É Y J’ REMENT PASSÉ COM ÇA

T SÛ S’ES

LE

2 J’Y ÉTAIS PAS

AVAL DE RIO CARN

Selon nos envoyés spéciaux chez nos amis brésiliens, le carnaval de Rio de Janeiro, eh ben j’y étais pas et j’ai raté quelque chose ! J’imagine, les déguisements légers et colorés, agités au rythme d’une batacuda endiablée, donnant corps et âme à une foule en liesse, emprise d’une générale ivresse. Peu de monde semble résister au son exaltant des caixa, tamborin ou cuica. Je ne vois que ce grand type, posé au sommet d’une de ces drôles de collines, les bras ouverts. En deux temps, trois mouvements l’interview était ixée !

Kaktüm : Pour commencer, jamais froid aux aisselles ? Christ : Ahah (rires), on ne me l’avait jamais faite celle-là ! K : La célébrité, chance ou fardeau ? C : Chandeau. En réalité, la célébrité je la partage : les gens viennent aussi pour le patron d’en haut, il parait que je ressemble à son ils, et la vue d’en bas, qui est plutôt magniique. K : Plutôt touristes ou religieux ? C : Les touristes, c’est photo photo et après ciao ! Ils ne prennent pas le temps, enin,

ME Ç A

!


vous savez comment ils sont ! Les religieux, ils m’adorent, baisent mes pieds, prient sous ma toge, ça latte mon ego, mais c’est parfois trop ! Le meilleur proil pour moi ? Le touriste lâneur, croyant modéré. Il prend du recul, mais pas trop, pour ne pas que je l’empêche de proiter de la vue ! Se positionner comme moi, légèrement en retrait de

ce monde, depuis ma colline, essayer de le comprendre, ou bien juste rêver. K : Et le carnaval, vous le vivez comment ? C : Intensément ! Je le vis presque de l’intérieur, même perché sur ma butte. Pour le carnaval, je ne suis pas très tradi’, mon masque, je l’enlève. À la base fête sacrée, je préfère me laisser envoûter par la samba, ses danseuses et les vapeurs de caïpirinha qui les accompagnent. Je me sens revivre (sic) ! Un seul petit bémol, les jours fériés du carnaval. Ils le sont pour tous les brésiliens, mais pas pour moi, faut bien qu’il y en ait qui bossent pour occuper les autres ! Vos trente cinq heures françaises je les fais en un jour, minimum ! J’ai besoin de quelques semaines pour m’en remettre après, c’est que je ne suis plus tout jeune.. K : Quel âge ça vous fait déjà ? C : 84 ans mais je ne les fais pas non ? De toute façon, d’ici quelques années j’aurais droit à un peu de chirurgie esthétique, ravalement de façade, et hop une nouvelle jeunesse commencera pour moi !

K : Le carnaval a fêté son 450ème anniversaire. Quelle impression ça fait de fêter l’anniversaire d’une fête ? C : C’est fou comme il perdure… Et ça fait plaisir ! J’ai ressenti cette année une atmosphère encore plus intense que d’habitude. Jamais la ville n’a semblé endormie, elle dégageait une véritable envie de faire la fête. Simple besoin contemporain, rattrapage d’un mondial bien loin du 7e ciel (re-sic) ou célébration des 450 bougies, aucune idée ! En tout cas, cette année, j’ai eu droit à une banda sur ma colline. Mais c’est avant tout un moment social extrêmement intense. K : C’est beau ce que vous dites Christ ! Votre futur, ici ou ailleurs ? C : Disons que j’ai pas trop à me plaindre ici, j’ai une sacré vue depuis Curcovelo : Copacabana à mes pieds, des touristes aux tenues légères, des.. oh pardon je m’égare ! Paris me tente bien aussi. Hubert Bonisseur de la Bat, qui est venu m’épauler ici il y a quelques années, m’a bien vendu sa chère France. René Cotti est toujours en vie ? La France c’est aussi une terre qui m’est familière, c’est celle de mon père, Paul Landowski. Sinon Cologne, son carnaval est assez fou aussi paraît-il. Je suis dans un groupe de parole UNESCO avec la Cath’ (La Cathédrale de Cologne) et apparemment, il se passe de ces trucs là-bas ! K : Vous avez de bons gôuts ! Merci M. Redemptor, restez comme vous êtes. C : Merci à vous ! Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas prêt de bouger ! J’aimerais au passage faire passer le message : je trouve ma position un peu démodée, si vous pouviez vous renseigner pour une un peu plus moderne, du style main dans les poches ou en place posé dans un bon gros fauteuil en cuir, que j’en impose quoi ! REM’S

3 J’Y ÉTAIS PAS


Comment se défendre

4 À SAVOIR OU NON

Cette question métaphysique vous a forcément traversé l’esprit par une enchanteresse journée estivale. Non ? Elle a du moins traversé le nôtre. Là où les Monty Python ne considéraient qu’une utilisation active du fruit, nous envisageons sa pernicieuse passivité. Qui n’a jamais eu peur de se retrouver les quatre fers en l’air après avoir glissé sur une peau de banane subrepticement disposée sur le pas de sa porte ? Qui, se relaxant dans un hamac sur une plage paradisiaque, n’a jamais considéré la rencontre fortuite – mais douloureuse – entre sa tête et une noix de coco ? Ce n’est pas Isaac Newton qui vous arguera le contraire. Ou bien, qui, lors d’une champêtre promenade n’a jamais éprouvé l’ardent désir de croquer dans cette vermeille et appétissante baie, qui, en seule guise de remerciement lui laissera le mauvais souvenir d’une nuit passée sur le trône. Oui, les fruits au quotidien peuvent être bien plus dangereux par leur seule

existence que par leur utilisation en tant qu’objets contondants. Mais alors comment faire ? Ėtudions les diférentes solutions par rapport aux principaux risques existants : glissade, gravité, gastronomie. Premièrement, la glissade. Là rien de plus simple. Avant toute incursion dans le monde extérieur, faites vous précéder d’un méchant. N’importe lequel fera l’afaire. Car, depuis que Tintin est allé en Amérique, nous savons que tous les méchants tombent à chaque fois dans les pièges les plus enfantins, qui plus est lorsqu’ils sont placés par le meilleur ami de l’homme. Vous n’avez pas de vilains à votre disposition ? Alors bon courage dans le chaos inextricable qu’est devenu le monde quotidien. Deuxièmement, la gravité. Encore ici, très simple. Si vous avez la chance de faire bronzer votre agréable fessier sous les cocotiers, cela

« La vieil esse est un état indécent que l'on devrait s'interdire à temps. » Gabriel Garcia Marquez


face aux fruits frais ? signiie vraisemblablement que la crise est une notion bien étrangère pour vous, donc on vous conseillera d’aller voir là bas si on y est. Si vous devez vous contenter, à la manière d’Isaac, d’une tristounette sieste sous un pommier, renoncez tout simplement à ce maigre plaisir qui vous reste ; la gravité ayant déjà été découverte il y a près de 400 ans, faudrait se réveiller mon vieux. Dernièrement, la menace gastronomique, la plus vile et dangereuse. Vous n’avez pas la patience d’apprendre à dissocier quels fruits sont bons pour votre organisme et lesquels ne le sont pas. Pas de soucis, suivez nos conseils si vous désirez survivre dans cette environnement de tous les dangers. Prévoyez déjà une bonne heure avant de pouvoir seulement penser à vous délecter de ces magniiques baies sur lesquelles vous venez de tomber. Quatre étapes d’immunité vous attendent. Commencez par ouvrir le fruit

et frottez-le sur votre peau. Si dans le quart d’heure vous ne vous retrouvez pas avec des pustules vous promettant à une mort douce et atroce, dites bonjour à la deuxième étape. Prenez votre courage à deux mains, et passez le fruit sur vos lèvres, pendant trois minutes. Là encore, priez Dieu pour ne pas succomber à votre ininie bêtise. Toujours sain et sauf ? Alors passez à la mise en bouche. Gardez le pendant un quart d’heure. Priez encore une fois, ça peut toujours servir. Mâchez-le maintenant quinze minutes. Le fruit ne vous a rien fait, et l’attente, d’un mortel ennui ne vous a pas achevé ? Alors félicitations vous venez de trouver une source de nourriture. En cas d’intoxication, vous trouverez dans notre prochaine parution un guide pratique richement illustré pour se faire vomir le plus rapidement possible, testé et approuvé par nos soins. D’ici là, nous vous souhaitons bonne chance pour votre survie dans ce monde devenu plus qu’impitoyable. HOOD

« Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. » Filippo Tommaso Marinetti

5 À SAVOIR OU NON


Mot du Quotidien

PAR HOOD

Ich bin ein Berliner

Today

Heute

Oggi

Hoy

LV2 tu peux pas test

Hoje

Ma que cosi !

aujourd’hui

ANATOMIE

Vous pouvez répéter la question ?

10 Lettres 4 Syllabes 3 Consonnes successives 1 Apostrophe

POURQUOI UNE TELLE DIFFÉRENCE ? 6 SURVIE URBAINE

A l’origine il y avait, le latin :

HODIE Désignant le jour où l’on est, qui a muté en :

HUI Le sens était le même en vieux français. Mais pour renforcer le sens on rajouta :

AU JOUR DE HUI Soit une redondance, qu’on contracte dans la forme que l’on connaît !

AUJOURD’HUI « Si l'on veut être capable de briser les règles avec élégance, encore faut-il les connaître. » Jan Tschichold


Astuce de Grand’ma PAR MO

T’en as marre de te lever avec un nouveau bouton tous les matins et des cernes plus profondes que le Paciique ? Trop de fête, trop de café, trop de cigarettes ? Évidemment on ne va pas te donner le miracle qui te rendra sain et musclé en 3 secondes, mais une petite astuce rapide et pas chère : l'eau chaude citronnée. Grâce à ses propriétés détoxiiantes et diurétiques, le citron permet de garder une peau saine et lumineuse. En efet, sa nature alcaline détruit quelques-

unes des bactéries qui sont à l’origine de l’acné et d’autres problèmes de peaux. La vitamine C et autres antioxydants que contient le citron contribuent également à combattre le vieillissement de la peau. Consommé à jeun, le citron nettoie le foie et permet une meilleure digestion grâce à son PH alcalin, il permet au PH de ton corps de s’équilibrer à tous les niveaux.. Prends toi un petit verre d'eau chaude citronnée de temps en temps et ton corps te dira merci !!

Peu PAR MO

7 SURVIE URBAINE

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Chère Si tu n’as plus de place dans ta penderie arrête de jeter tes capsules de canette ! Optimise l’espace en accrochant tes cintres deux par deux à l’aide d’une capsule de canette. Normalement tous les cintres sont au même niveau, il prennent donc plus de place. Il suit de créer un deuxième niveau pour économiser de l’espace dans le dressing.

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« Prenant sans cesse conseil de tout le monde, il n'avait le courage de suivre aucun avis jusqu'au bout. » Stendhal

3


Ă la rencontre de la grenouille

8


P

our ce numéro, une fois n’est pas coutume, c’est un retour aux sources, c’est une investigation dans l’une des choses qui nous habitent inlassablement depuis cinq ans. Juste avant notre découverte ébahie de l’architecte voleur de poules et maestro de la provocation, nous avions tout juste trouvé notre bande-son de charrettes, Radio Grenouille. C’était confus, dense, plusieurs bruits faisaient échos : radio tenue par des étudiants, éclectique au possible, située à la Friche. Il était diicile de s’y retrouver dans ce gloubi-boulga, les années nous y ont aidé depuis. Mais quoi de mieux qu’un petit entretien avec ceux qui la font pour comprendre la démarche de cet « opérateur culturel » majeur de la scène marseillaise. Bien évidemment, la question que tout le monde se pose est le pourquoi du comment de ce nom aux accents dadaïstes. Mais pourquoi donc la Grenouille ? Nous avions pensé que cette question serait optimale pour engager la conversation. Malheureusement, nous aurons la brillante idée d’y trouver la réponse la veille de la rencontre. Il aura fallu attendre le dimanche soir – l’entretien ayant lieu le lendemain après-midi – pour enin daigner écouter une interview de son fondateur, Richard Martin, racontant à merveille la genèse de ce projet, et l’origine du nom. Pour faire court, la radio émerge lors de la libération des ondes, en 1981, elle émet depuis le théâtre Toursky, près du métro National. Elle est plus au moins la radio du héâtre, sa fenêtre ; elle est dans l’esprit de l’époque – l’arrivée au pouvoir de Mitterand – porteuse de grandes perspectives de changement. Elle veut donner la parole à tous, au peuple, avec des émissions tel que Radio-Trottoir, ou bien

Radio Taulard. Les débuts sont laborieux, plein d’espoirs, le rayon de difusion ne porte que pas plus loin que 500 mètres. Qu’importe, c’est l’énergie qui compte, elle soule un vent libertaire, insolent, tout comme son géniteur, grand ami de Léo Ferré, qui viendra d’ailleurs faire un petit concert en direct. Et la Grenouille dans tout ça ? L’anecdote est délicieuse. Avant la Révolution, les grenouilles ouvraient leurs gueules la nuit, ce qui ne manquait pas d’emmerder les seigneurs, qui en retour, ne se privaient pas de faire battre les douves par leurs domestiques. Après la Révolution, les grenouilles pouvaient gueuler en pleine liberté, elles pouvaient enin emmerder les seigneurs. Voila la métaphore qui permet de saisir dans quelle ambiance baignait la radio. Dix ans après elle déménage à la Friche, pour devenir progressivement la radio qui trône en bonne place dans la présélection de votre autoradio. Tout cela a donc amené notre chère baleine à rencontrer un de ses compagnons aquatique, en ce mois de janvier. On nous fait attendre dans le salon, qui tient plus du lieu de passage obligé, une sorte de couloir élargi, coincé entre les studios et les bureaux, juste après la porte d’entrée. Cette position fut rétrospectivement bénéique, permettant d’interpeller sans vergogne, la personne concernée passant par là, pour un éclaircissement sur le sujet en question. Nos principaux interlocuteurs furent Pauline et Julien, respectivement responsable de communication et journaliste. Nous la jouons honnête, nous n’avons plus d’introduction, puisque l’origine du nom de la radio n’a plus de secret pour nous. Nous avons merdé,

Après la Révolution, les grenouilles pouvaient gueuler en pleine liberté

9 ENTRETIEN


10 ENTRETIEN

nous n’avons plus de question d’ouverture, de mise en bouche, d’échaufement idéal pour enchaîner sur la suite. Ce n’est pas bien grave, Pauline n’en tiendra pas rigueur, en proitera même pour rebondir, et nous

dans un équipement onéreux et à l’obsolescence presque programmée en laisse dubitatif plus d’un. Surtout depuis que Grenouille tend à explorer plus profondément les liens entre la radio et les

demander si nous connaissons l’historique de la radio. Elle le (re)dresse brièvement en deux minutes, conirmant la petite anecdote révolutionnaire de Richard Martin, ajoutant qu’elle n’est pas connue par tous à la radio. La voila notre mise en bouche. Vient alors la première question sur les diférentes initiatives que mène la radio, histoire de rafraîchir un peu nos mémoires, et mesurer l’ampleur de leurs actions. La volonté clairement énoncée est de proposer quelque chose de plus que la simple difusion radiophonique, de ne pas se contenter de faire de la couverture médiatique, mais être le déclencheur d’évènements. Les projets sont multiples : les promenades sonores, les radios de quartiers, la production artistique à travers son atelier Euphonia accueillant des artistes en résidence, la programmation des mixs sur le Toit-Terrasse pendant l’été. Une pluralité de propositions alléchantes, qui force le respect, tout comme leurs rélexions sur les éventualités de développement.

autres médias émergents, principalement la vidéo et Internet. Mais, devant ces tâches herculéennes, on se demande combien de personnes sont nécessaires pour les mener à bien. La radio compte une douzaine de salariés, puis une armée fourmillante d’une quatre-vingt-dizaine de bénévoles. Devant nos yeux ébahis, une notice explicative était nécessaire. On se doute bien que, au vu de l’éphémère vision des locaux que nous avons pu avoir, un tel régiment ne rentrerait pas là-dedans, quoique. Ce chifre, il faut le prendre au sens large, c’est à dire que tous les bénévoles ne travaillent pas tous en même temps, ni le même jour, ni la même semaine. Pour démêler cette afaire, il faut comprendre premièrement comment fonctionne la programmation de la radio.

Des projets tels que la Radio Numérique Terrestre – vous vous souvenez, il y a une dizaine d’années quand on vous promettait l’apparition d’une douzaine de nouvelles chaînes grâce à la fameuse TNT, plus proche de la léthargisation des consciences que de l’efet dynamitant de son dangereux homonyme, – et bien la RNT c’est le même principe, avec pour but d’ouvrir les ondes puisque la bande FM est saturée aujourd’hui. Cela permettrait entre autres à la radio d’avoir un rayonnement plus large. Mais dans un monde où Internet peut potentiellement se retrouver demain dans votre voiture, la question de l’investissement

Grenouille n’a déinitivement pas les moyens d’aligner une grille des programmes homogène toute la semaine, avec des quotidiennes à une heure bien déinie de la journée du lundi au vendredi. Oui ne faites pas cette tête d’innocent, là vous savez bien de quoi l’on parle. Nous aussi nous avons eu nos heures de déperdition adolescente, où l’on était réveillé par le 6/9 de NRJ, bercé par les sons de Skyrock et où le son Danceloor de Fun Radio nous était bien indispensable. Le premier contact avec la radio n’était pas forcément le plus épanouissant, mais il est un âge où le recul fait cruellement défaut dans l’établissement des goûts et des jugements de valeur. Mais oublions notre triste mélancolie de ces temps pré-pubères lointains, revenons au sujet. Pour être explicite au possible, une radio fonctionne globalement de la sorte, avec des émissions quotidiennes les

« Les hommes, dit Hemingway, deviennent des intellectuels pour échapper au désespoir. » Charles Bukowski






jours ouvrés, et des émissions diférentes le samedi et le dimanche. Tout cela est bien beau, mais une radio associative telle que Grenouille ne possède pas la force ouvrière suisante pour mener à bien cette gargantuesque organisation. Heureusement, elle dispose de plusieurs tours dans son sac. Sa programmation est bihebdomadaire, voire mensuelle. L’exemple parfait est l’émission de rencontre littéraire mensuelle, Le Livre de Frog, animée par deux thésardes qui ne peuvent malheureusement pas honorer la radio de leur présence quotidienne. De cette organisation bricolée en résulte une grille des programmes totalement farfelue et illisible pour le profane. Et elle a de quoi frustrer, si l’on oublie son émission préférée dont on ne sait plus si elle passait en semaine A ou B, vu que le collège demeure un souvenir ingrat dont on préférerait qu’il reste bien tranquillement niché au in fond d’une cavité cérébrale au nom obscur. Mais rassurez vous chers lecteurs, la Grenouille n’est point cruelle. Elle aura même l’honnête bonté de remettre au goût du jour une pratique que l’on croyait disparue depuis l’avènement du 2.0 : la redifusion. Ce qui en plus de donner une seconde chance aux auditeurs distraits, permet de toucher probablement d’autres personnes. Le tout agrémenté par de délicieuses playlists, gérés par un logiciel salvateur. Il permet en efet de pré-programmer ce qui va passer à l’antenne, faisant fonctionner la radio quand l’équipe est en congés. Les problèmes arrivent ; malgré l’existence d’une playlist de secours, il est déjà arrivé que la radio difuse du blanc pendant un week-end ; c’est encore le cas au moment même où nous rédigeons cet article. Efectivement, la radio n’a pas la force de frappe des radios publiques et commerciales. Son inancement demeure précaire, voire périlleux, le bilan de in d’année n’est pas

encore une sinécure. C’est du cinquantecinquante. Une partie publique, avec le ministère de la Culture et son Fond de soutien à l’expression radiophonique (FSER), puis la Région et le Conseil Général. L’autre partie, c’est Grenouille qui va la chercher par des réponses à appels à projet, des coproductions, des partenariats. Les promenades sonores furent entièrement inancées par MP2013 pour la petite histoire. Chaque année c’est un déi pour Grenouille que de chercher d’autres sources d’apports inanciers. Et l’on comprend pourquoi. Combien de médias indépendants ont vu leur avenir remis en question après un bilan inancier plutôt terne. Et c’est bien souvent ceuxlà qui développent une qualité éditoriale inédite,originale, riche, stimulante : Le Tigre, Feuilleton, AAARG! , pour ne citer que ceux qui trônent inlassablement sur nos tables de chevet. En parlant de ligne éditoriale, il est grand temps de percer à jour celle de notre amphibien préféré. Lorsque la question fut mise sur le tapis, elle ne manquât pas d’en désarçonner plus d’un, puisque nous l’évoquions sous le terme « d’éclectisme de la programmation ». Le hasard it bien les choses, car c’est à ce moment précis que le responsable de la programmation, Stéphane, décida d’emprunter le couloir pour aller enregistrer son émission. Coupé dans son élan, il hésita brièvement, ébaucha un début de réponse complété par nos deux interlocuteurs. Ce long et épineux processus sera résumé par une métaphore opportune : le chercheur d’or. Dans la rivière, avec ses tamis successifs, du plus gros au plus précis, il ne garde que le meilleur, le plus pur. Certes quelquefois il passe à côté de certaines choses, d’autres fois il en garde qui ne valent pas forcément la peine, mais que voulez vous c’est la vie. Vous pouvez

« Un cimetière de poètes c'est toujours vivant. » Richard Martin

15 ENTRETIEN


l’excuser, car écumer la rivière représente un travail pantagruélique, vu la multiplicité des aluents : entre 2 et 5 CDs reçus par jour, des mails, des coups de téléphones, des suggestions par les partenaires privilégiés (maisons de disques, artistes, collaborateurs), sans même évoquer l’océan insondable qu’est devenu le monde connecté. Dans l’élaboration de cette précieuse réponse collective, une expression retiendra notre attention : « On n’y arrive pas tout seul, on est un collectif. » Voila, le mot est dit : collectif. Car, si nous ne devions garder qu’une seule impression de cette rencontre, ça serait celle-ci, celle de la grande famille ouverte, où la parole, la participation de chacun compte. Ce n’est qu’en sortant de l’entretien et en le réécoutant soigneusement que cette impression viendra nous frapper ; en prêtant attention aux ins de phrases en suspens que l’autre viendra compléter, aux petites interrogations implicites, à la confrontation d’opinions, au ton qui avance une hypothèse en attente de conirmation plutôt qu’une martiale et déinitive airmation. Ce sont ces minuscules attitudes passant inaperçues à première vue, la parole maltraitant la syntaxe au bénéice de l’immédiateté, toutes ces choses ininiment complexes à retranscrire à l’écrit, qui révèlent l’esprit de la radio, sa philosophie.

elles nous permettent aujourd’hui d’avoir cette heureuse impression. Pour bien faire saisir cette sensation, rien de mieux que de partager une petite anecdote révélatrice. Cela faisait quelque temps qu’un « zinzin » du quartier avait pris pour habitude de passer fréquemment saluer l’équipe dans ses locaux et d’en proiter pour s’intéresser, questionner la tâche de chacun. Coutume mignonne, s’il en est, mais à certains moments pesante, si bien qu’on doit lui dire de réduire un peu sa fréquentation quotidienne, interférant avec le travail de l’équipe. Le hasard voudra que quelques instants après nous l’avoir raconté, ce même « zinzin » se pointe tout sourire à la porte pour souhaiter la bonne année à tous. Il poussera même le vice d’enrichir la réponse à la question sur l’origine des si joliment nommées « virgules », soit les transitions parlées entre les morceaux. L’une d’elle reviendra à l’esprit de nos hôtes, incarnant à merveille la splendeur de Marseille, à travers la parole poétique d’un de ses pêcheurs : « Il faut que ça pite, si ça pite pas, on attend. »

« on est un collectif. »

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Dans cette perspective là, les allées et venues des uns et des autres, prennent un sens diférent. Ces interruptions dont fut victime l’entretien ne sont plus des imprévus de l’instant, mais la preuve par neuf, que tout le monde a voix au chapitre chez Grenouille. Ces coupures, considérées parasitaires dans le feu de l’action, furent multiples, vite oubliées et pardonnées, car

Voila, l’entretien se termine paisiblement sur ces oniriques virgules, tirées de ilms, d’émissions, de sons naturalistes ; mais la discussion continue. Juste avant de couper le micro, c’est Pauline qui prépare la transition en saisissant Kaktüm et en déclarant : « Bon maintenant tu peux couper, et on va parler un peu de ça. » Ce qui n’a pas manqué d’attiser notre curiosité et notre ierté, de nous voir proposer une éventuelle participation à l’activité de Grenouille. Notre envie est immense, l’opportunité de rejoindre et de participer aussi à la vie de cette grande famille est plus que charmeuse. Il se pourrait bien que le futur de la Baleine ne s’écrive plus qu’entre ces colonnes mais trouve une place dans la grille de la Grenouille. HOOD

« Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. » Léo Ferré



L’ART CONTEMPORAIN EST-IL CORROMPU?

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En 2013, le Balloon Dog de Jef Koons a été vendu à 58,4 millions de dollars, c’est à ce jour le montant le plus onéreux de l’Histoire pour l’achat aux enchères d’une oeuvre d’un artiste vivant. Ça fait cher le toutou non ? La marchande d’art Elisabeth Royer-Grimblat explique : « Avoir un Jefs Koons chez soi dispense de justiier ses goûts tout en envoyant un message clair : "Je suis riche." » Il est vrai que Jef Koons – l’ancien trader qui a su faire monter sa côte – est aujourd’hui un des artistes les plus en vue de la planète, mais il n’est pas le seul à faire l’objet de telles dépenses. Quel est l’intérêt, pour un non-collectionneur, d’investir une telle somme dans une oeuvre d’art ? C’est un bon placement. Beaucoup de débats sur le sens de l’art contemporain,

et sur les spéculations inancières dans le marché de l’art existent aujourd’hui et, grands passionnés d’art que nous sommes, nous avons voulu comprendre. À quel moment l’art est-il devenu un moyen de placer son argent ? Depuis 1982, la loi de inances créée par Laurent Fabius – pensionnaire du ministère pas encore situé à Bercy, dans le Vaisseau Amiral dessiné par Paul Chemetov – stipule que : « Les objets d’antiquité, d’art ou de collection ne sont pas compris dans les bases d’imposition » de l’ISF (Impôt Sur la Fortune). Traduction : toutes les oeuvres d’art (peinture, sculpture, lithographie, gravure…), quel que soit leur âge, à condition qu’elles aient été réalisées par la main de l’artiste, ou sous son contrôle, sont exonérées d’impôts. Bonne nouvelle pour les grosses fortunes, l’achat d’une quelconque croûte laisse tranquillement dormir votre argent, et le fait même fructiier puisqu’une oeuvre prend de la valeur avec l’âge, contrairement à une villa taxée au minimum à 50% de la valeur locative cadastrale. Les bourses s’afolent, elles ont renilé le ilon. Cette loi a souvent été remise en cause depuis sa promulgation, notamment en 2014 par un amendement de l’UDI , mais a toujours été maintenue par l’Assemblée. Pourquoi résistet-elle si bien ? Qu’est-ce qui vaut à la sphère artistique un tel traitement de faveur ? Nous n’avons certes pas la réponse, mais on se doute bien que ceux qui la défendent ne


pointent pas à Pôle Emploi… Pour l’ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, cette mesure entraînerait « l’efondrement du marché de l’art en France ». Eh oui, moins d’avantages, moins d’acheteurs. Les français sont frileux, et vivent une crise économique. S’en suit une nouvelle question : cette loi ne porte-t-elle pas atteinte à la légitimation de l’art ?

bénéique pour l’état des inances de notre pays, elle est donc inacceptable pour la création artistique. D’un autre côté, cette publicité des artistes contemporains n’a-t-elle pas un bon côté ? Celui d’ouvrir le monde de l’art au grand jour, et ainsi, le promouvoir auprès du public ?

Farideh Cadot, galeriste et commissaire d’expositions depuis quarante ans écrira sur liberation.fr : « Posséder de l’art contemporain étant devenu un signe extérieur d’appartenance à la classe des grands de ce monde, tous les nouveaux riches en veulent. {…} Le plus grave, c’est que ce sont ces nouveaux collectionneurs, ces hommes qui ne prennent le temps ni de regarder ni de réléchir, qui font le goût d’aujourd’hui. » Ce dont il parle ici, c’est qu’avec ce fonctionnement, les investisseurs achètent de l’art, pour faire un placement, sans se soucier de la démarche de l’artiste. De fait, certains de ces derniers deviennent de vrais stars du showbiz, augmentant peu à peu leur côte sur le marché de l’art.

Un record d’aluence à été enregistré pour la seule journée du samedi 29 novembre 2014 durant l’exposition Jef Koons au Centre Pompidou avec 9143 visiteurs. Ce chifre est bien représentatif de l’augmentation de la fréquentation des musées ces dernières années, et ça, c’est bon pour les inances, mais surtout pour le niveau culturel des français. Bien sûr, la spéculation inancière n’est pas l’unique raison de cette augmentation, car la forme d’exposition des oeuvres s’est beaucoup améliorée (arrivée du numérique dans les musées, formats plus ludiques d’exposition, etc.), mais elle participe sans aucun doute à la difusion de l’art.

Cette mode crée un classement des artistes, des tendances stylistiques, qui ne sont plus dues à une rélexion artistique, mais bien à une spéculation inancière. Si cette nouvelle pratique est apparemment plutôt

Alors même si on attend plus longtemps pour acheter son ticket d’entrée au Palais de Tokyo, on pourra peut être parler art avec son voisin de palier !! Et puis, rassurez-vous, le site jaimeattendre.com indique que « les pires {iles d’attentes} ne dépassent pas les quatre heures ». Ouf !! OCHEUNE

19 ART


clichés

E

n avril 2014 sortait Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ? ilm ouvertement raciste, grotesque et hautement stéréotypé qui m’a valu la première fois où je sortais du cinéma à la moitié du ilm, horriiée. Car, oui dans une France où le parti d’extrême droite séduit de plus en plus , on choisit de prendre tous les clichés racistes et d’en faire en ilm. Au second degré tu comprends ? Comme ça, cela plaira aux racistes ET aux français à l’humour discutable (Bienvenu chez les ch’tis plus gros succès du cinéma Français, oh oui ils sont nombreux) . Récidive en janvier 2015 avec Toute première fois. Un an après le déferlement de haine provoqué par le mariage pour tous (Frigide Bargot, les crimes homophobes et autre ignominies), sort un ilm qui dépeint une France où l’hétérosexualité doit être assumée face à une famille désapprobatrice.

&

puissant lobby LGBT. Ce qui explique que notre sympathique héros se prononce contre la Gay Pride, sur le principe que « on est au XXIe siècle, les hétéros ne déilent pas avec des slips en cuir ! » Parce qu’évidemment au XXIe siècle l’égalité est en place et la discrimination un mauvais souvenir, alors pourquoi la maintenir, cette marche ridicule ? Ma scène préférée reste quand même le « coming-in », où un ils précédemment gay init par avouer à ses parents qu’il est tombé amoureux d’une femme, et s’entend dire par son père : « T’as changé d’orientation, tu change de père ! », par sa mère : « Tu pouvais pas t’empêcher de rentrer dans le rang comme un con de bourgeois ! » et par sa sœur : « À cause de ta diférence, on m’a toujours traitée comme une paria dans cette famille ! »

PLUS VIRIL ! SURTOUT PAS PÉDÉ !

20 REGARD SUR

En voyant la bande annonce, le scénario peut faire penser à White Man (1995), un ilm dans lequel la réalité est totalement inversée : les personnes blanches sont pour la plupart au bas de l’échelle sociale tandis que les afroaméricains ont le pouvoir et l’argent. Mais loin d’être une parabole, qui imaginerait un monde alternatif pour sensibiliser la majorité aux discriminations subies par les minorités, Toute première fois présente cette vision fallacieuse comme une réalité contemporaine, attisant la théorie réactionnaire qui fait des hétérosexuels les nouveaux opprimés, soumis aux quatre volontés du tout-

Parce que BIEN ENTENDU, en 2015 ça se passe comme ça, les licornes existent et elles vomissent des arcs-en-ciel. Car oui, dans ce conte de fée réac’, les homosexuels sont juste des hétéros qui couchent (à peine) avec des hommes. Les scénaristes ont pris bien soin de leur imaginer des métiers « non-connotés » (chirurgien ou directeur d’institut de sondage) et précisent dès que possible qu’ils ne ratent jamais un match de foot. Et quand ces gays-là font un strip-tease pour leur mec, ce n’est pas à cheval sur un fauteuil au son de Partition de Beyoncé, mais en gesticulant pataudement sur du Screamin’ Jay Hawkins. C’est tout juste si on n’entend pas les réalisa-

« Ce n'est donc pas la faute du public s'il demande des sottises, mais de ceux qui ne savent pas leur offrir autre chose. » Cervantes


CINÉMA teurs hurler à leurs acteurs : « PLUS VIRIL ! SURTOUT PAS PÉDÉ ! » Cela me rappelle l’évolution des personnages noirs dans le cinéma Américain. On constate qu’au début de leur apparition dans le 7e art, les noirs étaient représentés exclusivement comme des esclaves ou des domestiques (Autant en emporte le vent, ça te dit quelque chose ?). La première phase étant alors celle du stéréotype le plus extrême. Pour les gays il s’agira de « plus folle, tu meurs », façon Zaza Napoli ou l’impérissable Gérard des Filles d’à côté. Ensuite, in passage au politiquement correct avec la phase « Sidney Poitier ». Cette phase vise alors à prendre ses distances avec le stéréotype, au point de gommer soigneusement tout ce qui fait sa spéciicité, ain que le public consente à tolérer l’existence de la minorité représentée. Sidney Poitier donc, premier homme noir à avoir remporté l’Oscar du meilleur acteur pour le ilm Le Lys des champs en 1964, emblème de l’Amérique progressiste des 60’s, condamné à ne jouer que des héros irréprochables, policiers ou médecins ultrasuccessfuls, qui parlent et s’habillent comme des bourgeois blancs, dénués de la moindre trace trop visible de culture afro-américaine. Ce qui est bien gentil, mais participait à nier la réalité de l’expérience de 99% des noirs de son époque. C’est exactement ce que fait Toute première fois pour les homosexuels, sans même avoir l’excuse d’être un ilm plein de bonnes intentions destiné à faire passer lourdement un message maladroit

sur l’acceptation. Comme on pouvait s’y attendre, les personnages féminins se révèlent aussi lamentablement conçus que les personnages gays : une suédoise complètement décérébrée – mais si bonasse – et une harpie aigrie qui devient enin aimable après s’être fait dérouiller par le beauf de service. Misogynie quand tu nous tiens ! Disons le clairement, le premier ilm français abordant un thème LGBT depuis l’adoption de la loi sur le mariage pour tous nous raconte la jolie histoire d’un homosexuel qui choisit au inal de rentrer dans le droit chemin de l’hétérosexualité. Problématique, dites-vous ? Pas de souci, rajoutons une demi-douzaine de plans du cul de Pio Marmaï, et les gays n’y verront que du feu ! Et hop, la couverture de Têtu, parce que l’approbation des hautes instances de la communauté gay, c’est comme tout le reste, ça se négocie. J’entends déjà les fondamentalistes du LOL, pourfendeurs des méchantes cyniques que je suis: « Mais c’est pour riiiiire ! » À ceux-là je n’ai qu’une chose à répondre : notre vision du monde est façonnée par des représentations – littéraires, cinématograp hiques,télévisuelles, iconographiques – et la comédie ne fait nullement exception à la règle. Alors plutôt que de balayer d’un revers de la main toute tentative d’analyse déterminée à aller plus loin que « mdr/<3/ lol#gayfriendly », il serait peut-être temps de s’interroger sur ce que véhiculent, plus ou moins consciemment, nos œuvres *pour rire*. KIRKOU

« La vie moderne autorise les voyages, mais ne procure pas d'aventure. » Jean Mermorz

21 REGARD SUR


De la pure à la pute « Oh franchement, vous êtes magniique avec cette petite jupe… » suivi brutalement d’un « dis pas merci sale pute ! » Pardonnezmoi, mais je me sens tout à coup un peu perplexe… En l’espace de quinze secondes, vous me considérez comme une pure beauté avant de brutalement retourner votre veste. De pure à pute, il n’y a qu’une lettre qui change, me direz-vous. Mais quand même, un changement d’avis aussi prompt ! Je sais bien que la rapidité du monde contemporain n’est plus à déinir mais quand même. Peutêtre, mon cher ami, êtes-vous schizophrène ? Cela expliquerait bien des choses… Mais il ne me semble que vous ne soufriez d’aucun symptôme, si ce n’est, celui de la bêtise. Un symptôme si dur à combattre ! « C’est terrible la bêtise » comme dirait l’autre. Comment vous expliquer ? Comment trouver les mots ain de vous faire comprendre une fois pour toutes, que, non, nous ne sommes pas obligé(e)s de vous remercier pour un compliment que l’on n’a pas demandé. Tu sais – je me permets de te tutoyer, vu que tu te permets de m’insulter – si le matin je décide de porter cette jolie jupe que je me suis achetée la veille, ce n’est pas pour te faire plaisir, ce n’est pas pour te perturber, ce n’est pas pour t’encourager… En fait, si tu veux tout savoir, tu n’as aucun poids dans le choix de ma tenue. Aucun. Et tu sais pourquoi ? Parce que je m’habille comme il me plaît. Mon avis est l’unique chose qui compte dans un choix aussi léger que celui d’une tenue. Si je porte une jupe, c’est parce qu’elle me plaît, parce que je me sens bien avec. Cette

simple jupe exprime ce que je veux véhiculer aux autres de ma personne. Aujourd’hui, c’est cet objet qui relète mon état d’esprit ; demain, je ressortirai peut-être mon legging tout délavé et troué que j’ai depuis le collège. Mais, dans tous les cas, tu n’auras aucune inluence sur ces choix-là. Tu ne me forceras pas à m’habiller comme tes chers petits yeux faiblards daigneraient le supporter. Et ne me dis pas que je t’impose cette vision, que tu te sens agressé. Mon pote, on vit sur un même territoire, dans la même ville, on est contraint de vivre ensemble. Et de toute façon, tu ne pourras pas contrôler l’aspect de chaque personne qui croisera ta route. Si ce n’est pas moi, ça en sera une autre. Estce que je te dis, moi, que je trouve que ton allure manque d’élégance, que le combo jogging-chaussettes ne te met pas tellement en valeur, que ta gueule d’abruti m’agace ? Non, parce que, malgré tout, je te respecte. Je respecte ce que tu es, ce que tu nous montres de toi, parce que, derrière tout ça, il y a une histoire. Ton histoire. Et je vois pas pourquoi elle ne devrait pas être respectée, au même titre que toutes celles des personnes qui nous entourent. Alors arrête de jouer au con. Et puis d’abord, ça a déjà marché sérieusement ? Si on essayait plutôt de se parler avant de s’insulter ? Je t’expliquerai pourquoi je mets des jupes et tu m’expliqueras pourquoi tu remontes systématiquement ton pantalon mi-mollet. Imagine déjà la scène ; toi, moi, tes chaussettes, dansant dans un tourbillon efréné… On tient le scénar’ du prochain Disney, bordel ! CHUB

dis pas merci sale pute !

22 CURIOSITÉS

« Les crocodiles ne suivent pas les enterrements, ne sachant pas pleurer. » Francis Picabia


devoir de mémoire

23 CURIOSITÉS

« UNE CHOSE N'EST PAS NÉCESSAIREMENT VRAIE PARCE QU'UN HOMME MEURT POUR ELLE.

» Oscar Wilde

« Les poètes ne tuent point. » Vladimir Nabokov


TÊTEKETA

!

PAR MONA

MACHOIRE ANGULEUSE :

SOURIRE DOUTEUX :

MOUSTACHE HACHÉE :

Votre volume capillaire s’accroît. À croire que l’harmonie s’établit en perçant votre aquilin si joli qui vous permet de sentir.

Vilain sentimental, il ne suisait pas de s’y jeter mais plutôt de prévoir comment s’en détacher. L’arme l’oeil, je vous sais en mélodie latine.

Rose depuis les racines. Les pistils printaniers s’excitent et les pétales se draguent. Malheureusement la faune présente n’est guère alléchante.

Votre ridicule altesse restera couchée pour cause de froideur pluviale. Prévoyez une petite laine et des navets bien salés. Bon repos!

RETROUVE LA BD PAR KIRIKOU & OCHEUNE

A

B

C

!

1

Les Cités Obscures

4

Asterios Polyp

2

Adèle Blanc-sec

5

Green lantern

3

rahan

6

titeuf

E

F

A

D

A: 4 ; B : 6 ; C : 3 ; D : 2 ; E : 5 ; F : 1

24 LUDIQUE

WOEMMEO :


ILLUSTRATEURS

: MONA & ARK



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