Bakchich N°6

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Danone, 0 % de matière sociale | P. 3

bakchich

N° 6 | 28 octobre 2009 | Informations, enquêtes et mauvais esprit

L’identité nationale coulée dans le Besson

É

ric Besson fait du zèle. Le converti de fraîche date a-t-il un autre choix ? Le voici qui appelle à un vaste débat sur « l’identité nationale », la vieille scie de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Soucieux d’arriver vite à Matignon, le béat se place en tête de ces bergers capables de conserver les

électeurs du Front national dans le troupeau sarkozyste. Mars et ses élections régionales approchent. Tout paraît réussir à Besson, passé de l’ouverture à la fermeture, selon le joli mot de l’écrivain Mathieu Lindon. Bien en cour à l’Élysée, heureux en amour avec une charmante étudiante tunisienne. Cette jeune femme

devrait obtenir, sans trop de mal nous dit-on, son titre de séjour. Trois Afghans expulsés valent bien l’accueil d’une fille de Carthage. La politique bulldozer du ministre est-elle efficace ? Les notes de fin d’année de l’élève Besson s’annoncent bien médiocres : 27 000 reconductions à la frontière en 2009 contre 30 000 pour son prédécesseur.

chirac, retraité et miraculé | P. 4 Malgré toutes ses casseroles, l’ancien Président devrait éviter les poursuites judiciaires.

Près de 45 000 demandes d’asile cette année, soit un tiers de plus qu’en 2008. Sans parler de l’échec « des contrats d’accueil et d’intégration », rendus obligatoires par un ministre de l’Intérieur du nom de Sarkozy, en 2006. Ces contrats obligent certains migrants à suivre cinq cents heures de français et à intégrer quelques rudiments d’instruction civique. « Personne ou presque, constate un haut fonctionnaire, ne va suivre ces cours. » Le crash annoncé du charter franco-anglais Éric Besson cause à la télé, puis ça fait pschitt. Le 28 septembre, un charter vers l’Afghanistan avait été organisé de conserve avec les Anglais, soit six jours après la destruction de « la jungle » de Calais. « Nous avons trouvé des moyens efficaces, écrivaient les Anglais, pour favoriser les retours forcés. » Hélas, à Paris, les services d’Éric Besson avaient oublié de prendre en compte l’intervention des juges des libertés et de la détention (JLD), des emmerdeurs chargés d’appliquer la loi qui ont fait se crasher le charter franco-anglais. À Calais enfin, Besson or not Besson, quatre cents migrants campent toujours. Le Haut Comité aux Réfugiés (HCR) s’était bien proposé de les aider à formaliser leur statut de réfugiés. Mais la maire UMP de la ville, s’est opposée à l’initiative, laissant juste des associations humanitaires leur distribuer la soupe populaire. Les Afghans feront-ils Calais Éric Besson ? ✹ Sabrina Kassa

Sarko Junior a évité le pire | P. 5 les tarifs shadok de la sncf | P. 9 Les forçats du Vélib’ | P. 8 soutien pour Khalid | P. 12

Le bazar du net Il était une fois dans l’oueb, les coups de gueule des bakchichnautes et le meilleur de nos webreportages | P. 11

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| Apéro

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

coulisses et coupssemaine tordus dans bakchich hebdo n° 0 cette

LA BELLE AVENTURE Nicolas Beau

M

erci à tous ces amis dessinateurs qui, mas­ sivement, se sont mon­ trés solidaires de notre carica­ turiste, Khalid Gueddar, dont le coup de crayon aurait porté at­ teinte, d’après la justice maro­ caine, à la famille royale (voir pages 12 et 13). La semaine der­ nière, dans Le Monde, Plantu a sauvé l’honneur de la presse. En effet, nos confrères ont été bien longs à la détente pour protéger un dessinateur qui risque cinq ans de prison. Merci aux 20 000 lecteurs des premiers numéros de l’hebdo de Bakchich. Grâce à eux, nous pourrons continuer l’aventure, compromise cet été par l’écroule­ ment des recettes publicitaires. La progression de 20 % du nom­ bre de nos internautes montre que l’initiative d’un hebdo pa­ pier a été comprise. L’écrit peut et doit sauver l’écran. Depuis le 23 septembre, Bakchich Hebdo a publié des infos exclusives sur les négociations avec l’Iran, les caisses noires des constructions navales ou les relations mafieuses de Ber­ nard Tapie. Autant d’enquêtes qui ne sont pas passées inaper­ çues. Bakchich a bénéficié de la une du Financial Times ; le journal a eu les honneurs d’un grand papier dans le Washington Post ; nos informations ont été largement reprises à l’AFP, dans Libération, à France Info et dans le premier quotidien de Taïwan. Pas un mot en revan­ che de Bakchich dans la mati­ nale de France Inter, dont le patron, Philippe Val, nous a in­ terdits publiquement d’anten­ ne. Rien sur notre ami Khalid ! Aujourd’hui, le fameux modèle économique est à notre portée. À condition que le concept du journal soit revu : 16 pages au lieu de 20 ; 2 euros et non 1,8 euro. Sous réserve aussi que l’hebdo touche cinq à dix mille lecteurs supplémentaires. Vous nous aimez ? Que vos amis, les amis de vos amis et tous les amoureux de la presse nous achètent. On aimerait vous of­ frir une cafetière pour parrai­ ner un proche mais, pour l’ins­ tant, vous devrez vous contenter du journal sans le café ✹

On ne vous cache rien Jean Sarkozy fait un heureux

La bataille perdue de l’Epad a au moins fait un pubeux heureux à l’UMP. Le communicant Christophe Lambert, qui a coaché « gracieusement » Jean Sarkozy jusque sur les plateaux télé a été réintégré au sein de la cellule stratégique de com’ du parti. D’où il avait été banni pour trop grande proximité avec Richard Attias et Cécilia ex-Sarkozy. De l’histoire ancienne…

Nono et Mémé Guérini, même combat

Patron fort peu contesté de la fédé socialiste marseillaise, JeanNoël Guérini goûte peu le surnom de « Nono » que lui a attribué Bakchich. « Nono Guérini, avouent ses proches, cela sonne trop à ses oreilles comme Mémé Guérini. » Feu Barthélémy Guérini, dit « Mémé », ancien patron du Milieu marseillais, originaire de Calenzana en Corse, comme Nono. Ah, les vieilles querelles de voisinage…

Sarkozy, autiste ?

De nombreux visiteurs récents de Nicolas Sarkozy ont fait le même constat à leur sortie de l’Élysée : le Président, notamment dans l’affaire concernant son fils, est devenu totalement « autiste ». Epad’bol…

Chez Fadela, ça valse…

La valse des collaborateurs de Rachida Dati, à l’époque où elle dirigeait le ministère de la Justice, faisait sourire. Ce n’est rien à côté de ce qui se passe au secrétariat d’État à la Ville de Fadela Amara : 53 collaborateurs sont passés et partis en 18 mois. Pour un cabinet qui compte… 9 membres.

... et ça banquette

À l’UMP, les mauvaises langues disent volontiers que Fadela Amara « ne sert à rien ». En tout cas, elle n’est pas débordée. La semaine dernière, recevant des journalistes à déjeuner, elle était encore à table à 16 heures.

David Douillet : paroles, paroles

Dernier héros en date de l’UMP après son élection comme député des Yvelines, David Douillet avait annoncé pendant sa campagne électorale son intention de déposer plainte contre Eva Joly. L’ancienne juge d’instruction était coupable, à ses yeux, d’avoir fait référence au procès perdu par le judoka contre Bakchich, après que notre site a évoqué un compte au Liechtenstein détenu par l’ancien champion olympique. Un mois a passé et cette belle promesse de campagne tarde à être honorée.

La schizophrénie de la SNCF dénoncée par les routiers

Pour relancer un fret ferroviaire catastrophique, la SNCF s’est lâchée dans les pubs. Une campagne de 7 millions d’euros avec comme cible… les camions ! Or, depuis l’OPA lancée l’an dernier sur Geodis, la SNCF est devenue le premier transporteur routier français ! Des camions qui épongent les déficits chroniques de ses trains. À la SNCF, tout est possible.

OM-PSG : l’important, c’est de garder le contact

Tous les résidents parisiens qui voulaient assister au match OMPSG n’ont pas été pris de court par le report du match, dimanche dernier. Ainsi, l’Orléanais Vincent Labrune, par ailleurs président du conseil de surveillance de l’OM, n’a pas fait le déplacement. Prévenu dix minutes avant de prendre son train par les autorités policières du report de la rencontre. Cela sert d’avoir été convoqué par le patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, le 20 juillet... L’important est de garder le contact !

Mouchards d’Américains

Viré sans ménagement de son poste de ministre des Affaires étrangères du Sénégal, qu’il occupait depuis 8 ans, Cheikh Tidiane Gadio a en fait été dénoncé auprès du Président Wade par les conseillers de la Maison Blanche à Washington. « Les Américains nous ont prévenus de son manque de fidélité. Il n’arrêtait pas de le critiquer, ainsi que son fils Karim », confirme-t-on à la présidence sénégalaise. Et la famille, au Sénégal, c’est sacré…

BHL versus Onfray, combat de titans

Belle ambiance chez Grasset, l’éditeur fier de publier BHL et Michel Onfray. Ce dernier collabore à Siné Hebdo, tandis que BHL cornaque Philippe Val. Et Le 12 octobre, Bernard-Henri Lévy s’indigne dans Libé des réactions sur le passé thaïlandais de Frédéric Mitterrand, fustigeant le « moralement correct cher à nos Pères et Mères la Pudeur ». Réponse cinglante la semaine suivante de Onfray, dans ces mêmes pages : « BHL a le droit de défendre la pédophilie et le tourisme sexuel sous couvert de soutenir un ami probable, mais pas avec n’importe quel type d’arguments. » Des (d)ébats de haut vol…

L’Équipe dépouille BFM

L’Équipe, quotidien du sport et de l’automobile, prolonge le mercato des journalistes. Et vient de débaucher Marc Bombarde comme secrétaire général des rédactions, poste qu’il occupait auparavant dans le groupe d’Alain Weill, Next Radio TV (le 10 sport, RMC, BFM). Un transfert considéré par tous comme une progression… Sauf au Centre de formation des journalistes (CFJ). La « grande école du journalisme » l’a démissionné de son poste d’administrateur. Qu’elle a aussitôt refourgué à un homme de BFM. Entre les rois du low cost et un journal où le salaire moyen est de 5 000 euros brut par mois, le CFJ fait ses choix…

Bakchich contre Val : coïtus interruptus

Philippe Val, patron de France Inter, va devoir repasser devant la XVIIe chambre correctionnelle de Paris, pour avoir comparé Bakchich au journal collaborationniste Je suis partout. Lors de l’audience du 24 septembre dernier, il est apparu que l’un des magistrats, Nicolas Bonnal – en position d’assesseur – avait co-signé en janvier une tribune sur la diffamation avec l’expatron de Charlie Hebdo. Une relation de proximité qui a conduit le tribunal à décider de « rouvrir les débats ». Autrement dit, de repartir à zéro ✹

Réseaux Mestrallet le cumulard

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epuis quelques semaines, certains communicants de Gérard Mestrallet, le patron de GDFSuez, expliquent, en off bien sûr, à des journalistes, qu’il se passe quelque chose d’incroyable en France : nommé à la tête d’EDF, l’actuel p-dg de Veolia, Henri Proglio, veut garder la présidence de l’ancienne Générale des eaux. Comment un seul homme peut-il diriger deux entreprises totalisant pas loin de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 500 000 salariés ? Bizarrement, ces communicants – et ils sont nombreux à travailler chez GDF Suez – oublient de signaler que Mestrallet est p-dg de GDF-Suez et président de Suez Environnement. L’ensemble génère un chiffre d’affaires de 83 milliards d’euros et emploie 200 000 personnes. Et ça ne s’arrête pas là. Le « beau Gérard », comme on le surnomme en interne, est aussi président de Paris Europlace, un machin qui regroupe notamment des banques pour défendre la place financière de Paris. Il préside le Groupe de haut niveau France-Brésil, qui doit favoriser le commerce entre les deux pays. Enfin, il est conseiller du maire de Chongqing, la plus grande ville chinoise. C’est dire l’étendue de son réseau. Un homme indispensable, comme on le voit. Parfois, ce cavalier émérite cale devant l’obstacle. Après avoir dit et redit qu’il ne donnerait pas l’argent réclamé par la Belgique en échange de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires de GDF-Suez dans ce pays, il vient de signer un compromis. Comment ses communicants vont-ils vendre cette reculade ? ✹ Jean Roques-Fellet


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dérapage Lait tourné Le management moderne n’est pas réservé aux salariés de France Télécom. Aux mêmes causes les mêmes effets. Les cas de dépression se multiplient chez le géant de l’agroalimentaire, qui n’hésite pas à employer des méthodes à la limite de la légalité pour ficher son personnel.

Le social chez Danone, un produit allégé C

’était il y a quelques mois, sur une plate­f or me logistique de ­Danone. Un jeune manutentionnaire, entouré par cinq membres de la direction venus l’interroger au sujet d’un manquement aux règles de sécurité, s’écroule à terre, et menace de se suicider. Évacué par le Samu, le jeune homme a fini aux urgences psychiatriques. « Il subissait des pressions depuis des mois, il n’en pouvait plus », raconte José Buraca, délégué syndical CGT. À son retour, il est mis à pied trois jours pour n’avoir pas respecté les fameuses règles de sécurité à la lettre. Sympathique.

Pour accumuler des infos sur les salariés, la délation est largement encouragée. Cas isolé ? Difficile de le dire. Sur ce même site de Tremblay-enFrance, en Seine-Saint-Denis, plusieurs salariés sont actuellement en dépression. Tous évoquent un climat social délétère et des méthodes de management bien éloignées des grands discours du PDG de Danone, Franck Riboud, sur la responsabilité sociale de l’entreprise. En mai 2008, une plainte pour « harcèlement moral », « atteinte à la dignité humaine » a été déposée par un salarié, Lahcen Ben Abdelak. L’instruction est en cours. Lui aussi s’était un jour écroulé en chambre froide. « Assommé par les médicaments », comme il le dit

lui-même, il attend que la justice se fasse, et s’offusque de la com’ de Danone. « Ils ne parlent que de forme, de santé, alors que nous, on est cassés », s’énerve-t-il. Lahcen Ben Abdelhak avait alerté la presse, notamment France 3 et l’AFP, qui avait médiatisé son cas l’an dernier. Depuis, rien. « Tout a continué comme avant », racontent ses collègues. Sauf que ceux qui ont témoigné pour le soutenir lors de l’enquête interne qui a suivi ont, depuis, eu droit à un « traitement de faveur ». « C’est à partir de là qu’ils ont commencé à me faire la misère », affirme ainsi Foued Aïdouni, en arrêt maladie. Les exigences de la direction de Danone de renforcer la sécurité, a priori louables, ont conduit à une surveillance permanente des salariés. « On est tracé, comme les yaourts », ironise Lahcen Ben Abdelhak. « C’est insidieux. Au départ, ça commence par des détails anodins : bien mettre en place sa coiffe, respecter les règles d’hygiène, mais finalement, c’est tout notre comportement qui est formaté », souligne Mario Pisanu qui travaille sur le site de Saint-JustChaleyssin, près de Lyon, où l’on fabrique des yaourts. « Le problème, c’est que respecter toutes ces procédures, c’est irréaliste, quand on voit qu’ils augmentent tout le temps les cadences. Et on nous répète que, si on a un accident, c’est de notre faute. » D’ailleurs, les résultats sont là. À l’usine de Lesquin, zéro accident du travail ces dernières années. Officiellement. « Tout le monde sait très bien que c’est complètement faux », affirme José Buraca. « En réalité, la direction refuse de reconnaître les accidents du travail. Car, si elle le fait, c’est elle qui paie et qui écope en plus de sanctions financières. Alors qu’en cas de maladie, c’est la Sécu qui prend en charge. » Comme toutes les grandes entreprises, Danone a depuis quelques années mis en place des outils d’évaluation individuelle pour juger les résultats des salariés. Mais ils prennent en compte des critères un poil

a Les résultats quotidiens, chiffrés, de chaque salarié, sont affichés au vu et au su de tous. flous, comme, par exemple, les « compétences comportementales » (lire encadré). Des dispositifs propices aux dérapages. Sur un fichier qu’a pu consulter Bakchich, on trouve ainsi d’étonnants commentaires pour un des salariés : « assimile lentement », « ne suit pas les grèves, anxieux », ou encore « un enfant handicapé, souvent malade, pas bon en général ». Pour accumuler ces informations, la délation interne, pardon « la remontée d’information », est large-

ment encouragée. Les syndicats ont ainsi pris connaissance de lettres transmises aux chefs d’équipes racontant par le menu l’emploi du temps de tel ou tel collègue, en général pour souligner qu’il n’a pas bien fait son travail. « C’est la condition nécessaire à remplir, si l’on veut avancer dans sa carrière », témoigne un salarié. Sur certains sites, les résultats quotidiens, chiffrés, de chaque employé, sont affichés au vu et au su de tous, histoire de mettre un peu d’ambiance. « M. X s’est

trompé dans trois commandes, il a fait perdre tant à l’entreprise », peut-on lire sur des panneaux. « Comme parfois la prime revient à une équipe, vous imaginez le climat quand on se rend compte que c’est à cause de l’erreur d’untel qu’on ne l’a pas eue », raconte un salarié. Le temps du paternalisme de Riboud père semble bien loin. Mais la force de Danone, c’est que, contrairement à ses yaourts, ce qu’il fait à l’intérieur ne se voit pas à l’extérieur… ✹ Lucie Delaporte

« Abus prononcé de bavardages en chambre froide » Depuis l’affaire du fichage illégal révélée l’an dernier par France 3, Danone poursuit tout à fait officiellement, à travers un programme baptisé « SMI », système de management intégré, un « suivi individuel » de ses salariés. « Le SMI est un outil permettant l’animation de nos basiques sécurité, qualité, hygiène, règles de vie », indique un document interne. Il permet, « à partir de faits

observables, de questionnements… de récupérer des éléments factuels qui peuvent comporter à la fois des points positifs et des points d’amélioration ». Florilège. Certes, « Pierre* tient une moyenne de 100 % en efficacité et de huit erreurs au trimestre », mais voilà il « fume en salle de pause » et a des « débords sur les temps de pause ». Jacques, quant à lui « a été surpris en plein bavardages à différen-

tes reprises pendant son temps de travail ». Plus grave, « il a été surpris en date du … en conversation téléphonique en chambre froide ». Quant à Philippe, son compte est bon. Non content d’avoir « de très mauvais résultats qualité », il se livre à « un abus prononcé de bavardages en chambre froide » ✹ l. d. * Les prénoms ont été changés


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casseroles et mitraillettes grande muette

veinard Laissez Chichi tranquille ! Les ordres de Nicolas Sarkozy semblent avoir été ­entendus. L’ancien maire de Paris a toutes les chances d’éviter le tribunal correctionnel.

Chirac, le miraculé

L

e dossier était tout ce qu’il y a de plus béton. « Il tenait à la colle », résume un magistrat, excellent connaisseur des affaires financières. Et pourtant, Jacques Chirac, l’ex-mis en examen pour détournement de fonds publics dans l’affaire dite des « emplois fictifs de la mairie de Paris », a toutes les chances d’échapper aux rigueurs du banc des prévenus du tribunal correctionnel. Dans sa grande bonté, le futur ex-procureur de Paris, JeanClaude Marin, n’a en effet eu de cesse de saboter le beau dossier monté contre « le Chi » par la meilleure lame du pôle financier, la juge d’instruction Xavière Simeoni. Il a d’ores et déjà requis le non-lieu. Bien sûr, la magistrate peut toujours s’entêter et demander sa mise en jugement. Mais à quoi cela servirait-il de poursuivre l’ancien chef de l’État, alors que le ministère public refuserait de soutenir l’accusation ? Voire la démolirait méthodiquement si, comme il en est question, le parquet de Paris passait aux ordres de Philippe Courroye, un magistrat qui n’a jamais fait mystère de son opposition à voir un ancien président de la République traîné devant les tribunaux. Et ce, même s’il est aujourd’hui démontré que Chirac a entretenu à l’Hôtel de ville un vaste système clientéliste fondé sur l’octroi de rémunérations de complaisance à ses amis politiques. Pêle-mêle, François Baroin

pas encore député, ou les épouses de Dominique Perben et d’Hervé de Charrette, en mal de complément de salaire, sont notamment cités dans le dossier. Qu’importe ! Les ordres de Sarko transmis ont été clairs : laissez Chirac tranquille. Selon L’Express, le Président l’avait d’ailleurs promis à Bernadette dès l’année dernière. En visite à l’Élysée pour déjeuner avec Carla, « Maman » avait eu la satisfaction d’entendre Sarko lui susurrer à l’oreille que « les emplois fictifs n’ennuieraient plus son mari ». Un veinard, ce Chichi, décidément. Il avait déjà échappé à une mise en cause dans l’affaire Clearstream, là encore grâce à la magnanimité de son

successeur. Après avoir longtemps menacé de prendre au fameux croc de boucher Chirac et Villepin, l’hyper-Président s’est contenté du second. À l’audience, Me Thierry Herzog a même cru bon de préciser que son client n’avait jamais pensé à l’éventuelle implication de Chirac dans la manip’ des faux listings bancaires. Un gros mensonge évidemment. Une affaire du côté de Tahiti menace toujours l’ex-Président Mais pourquoi donc Sarko se faitil tout miel avec son prédécesseur ? Parce qu’il détiendrait des dossiers compromettants sur le mari de Carla, comme l’insinue, sans grande précision Le Canard Enchaîné ? Parce que « le Vieux » caracolant en tête dans les sondages de sympathie des Français est aujourd’hui une cible trop populaire pour être atteinte ? Ou, simplement, pour l’endormir avant de lui porter l’estocade finale ? Même s’il a traversé sans encombres les premières turbulences judiciaires, Chichi a en effet encore une petite inquiétude du côté de Papeete, à Tahiti. En Polynésie Française, une escouade de juges coriaces, supervisée par José Thorel, un procureur sarkozyste en mission commandée, sont en train de soulever une par une les pierres de la maison Flosse, réputé pour être l’un des plus fidèles financiers de Chirac. Et, pour l’instant, Sarko n’a pas encore levé le pouce... ✹ Olivier Broussel-Lambert

Canebière

les poulets marseillais sont en batterie

L

es policiers marseillais sont chagrins. Et pas seulement parce qu’OM-PSG, reporté, les a fait bosser tard dimanche soir, sur le Vieux-Port. Comme des casques bleus capables de calmer la guerre entre supporters parisiens – ­descendu de la capitale pour rien –, et fan marseillais. Plus que les coups de bâtons à distribuer, c’est la réforme de la sécurité départementale, au double objectif d’améliorer l’accueil des victimes et le taux d’élucidation des affaires, qui a un peu coupé les pattes des poulets. Ils souffrent de confinement. ça y est. Les renforts envoyés dans

les services d’investigation – afin de traiter les 6 000 dossiers en souffrance de la police judiciaire phocéenne – ont bien débarqué. Dans le bruit et la fureur, ils squattent souvent un service qui les héberge de bonne grâce « parce que ce sont des collègues ». En attendant de trouver des locaux. Dans les services visités par Bakchich, au moins, l’accueil est chaleureux. Quatre bureaux disposés dans une pièce de 20 m2, des dossiers qui traînent dans des cartons « déménagés et transportées nousmêmes », murs décrépis « l’administ ra t i o n n o u s a interdit de les repein-

dre », ordinateurs et imprimantes qui dérapent. Dans cette agréable promiscuité se croisent délinquants et victimes. Parfait pour résoudre au plus vite une affaire qu’il faut cloisonner… Mais point d’inquiétude, les conditions de travail ne sont que provisoires. De nouveaux locaux seront bientôt prêts, jurent les chefs. Quand le grand commissariat de la Canebière, en lieu et place de l’ancien palace Noailles, a mis dix ans à voir le jour, tout espoir n’est pas abandonné. Pas encore. Ni le soleil, ni les mauresques ne suffisent à élever le moral des jeunes recrues qui, selon les responsables de groupe, montrent déjà des signes de grande lassitude. Depuis le 1er janvier, selon le syndicat Unité Police (majoritaire), 80 policiers se sont déjà suicidés en France. Nul doute, à la maison Poulaga, la batterie est en danger… ✹ G. J.

Un guru pour Hervé Morin

L

es ignorants de la chose militaire n’en ont jamais entendu parler. Et pourtant, il est la star des états-majors français, le nouveau cocorico des troupes. Galula ! Celui dont le nom ressemble à un cri de ralliement n’est pourtant pas un héros tombé au combat. Juste un officier français de la coloniale mort en 1968, aujourd’hui ressuscité pour les besoins de cause : la glorification d’une doctrine militaire française enfin internationalement reconnue… Grâce aux Américains ! David Galula est cet officier qui a élaboré dans les années cinquante soixante, notamment grâce à l’expérience du terrain algérien, une nouvelle théorie de la lutte contre-insurrectionnelle. Celle-ci prônait, à rebours des doctrines belliqueuses en vigueur à l’époque, le recours à une stratégie de proximité en direction des populations civiles pour isoler les insurgés. Plutôt que la violence massive qui conduit les civils à rejoindre les insurgés, les armées doivent les protéger et gagner leur adhésion. Telle est la doctrine à la française dont on chante aujourd’hui les louanges, notamment aux alliés de l’Otan, comme la solution pour sortir de la crise afghane… De quoi faire faire à Galula une galipette dans sa tombe. Car la France, de son vivant, ne lui a pas été si douce. À l’époque, l’institution militaire juge les réflexions de ce saint-cyrien quelque peu intempestives et l’envoie prendre l’air en Virginie pour une mission de formation. L’officier d’infanterie y est remarqué et l’originalité de ses réflexions fait mouche. L’Amérique lui offre un pont d’or pour prolonger ses recherches, notamment à Harvard. Il quitte l’armée française

qui lui refuse son détachement, et s’installe en 1962 dans sa nouvelle patrie d’élection. C’est donc en anglais que « notre » lieutenant-colonel publie ses travaux, tient conférences, fait des émules… Et pas des moindres. Héritier revendiqué de la doctrine galulesque, le général quatre étoiles David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan est fan. Il s’est largement inspiré des théories de Galula pour l’Irak en lançant, en 2007, l’opération dite du « surge » (renforts), sous administration Bush, et que Barak Obama veut appliquer à l’Afghanistan. Autrement dit, se rallier les populations civiles pour mieux isoler les insurgés et limiter les bavures. Quitte à monnayer leur soutien : c’est la Petraeus touch sur les préconisations de son mentor français.

La doctrine miliaire de David Galula, officier français mort en 1968, est enfin reconnue… Grâce aux Américains. Le général américain a d’ailleurs préfacé la récente traduction française de l’ouvrage de référence de David Galula, Contreinsurrection - Théorie et pratique, (éditions Economica), publié en anglais en 1964. Acerbe, Petraeus écrit que si « si Galula a reçu jusqu’ici un hommage plus appuyé de notre côté de l’Atlantique […] on peut imaginer que des effets similaires se fassent sentir en France sur la doctrine, l’entraînement, la formation et jusque dans la politique de défense »… Hervé Morin appréciera ! ✹ Anne Giudicelli


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Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

petits sous et gros soucis Business park

La dette de la france expliquée à mon beauf’

vite fait La plaidoirie, un commerce comme un autre

Pratique courante aux États-Unis, la présence de cabinets de communication dans les prétoires a, en quelque sorte, été officialisée lors du procès Clearstream. Ainsi, a-t-on pu voir JeanLouis Gergorin éprouver la nécessité de faire appel aux services d’une attachée de presse pour assurer sa com, le temps du procès. Les amis de Dominique de Villepin ont, eux, ouvert un site Internet, tandis que Me Olivier Pardo, le défenseur d’Imad Lahoud, a recouru au « cabinet d’intelligence média » (sic) CClarisse pour annoncer urbi et orbi qu’il plaiderait jeudi 22 octobre à 14 h 30. Une information stratégique qui, sans ce communiqué, aurait certainement échappé à la centaine de Rouletabille qui suivent les débats ! L’agence CClarisse assure également la communication de TF1 Games et celle du fabricant de peluches Jemini. Preuve que la plaidoirie est devenue une marchandise comme une autre ✹

Dupont Moretti, avocat routier

L

a dette, c’est un sujet qui ­fiche la trouille. Bruno, mon beauf ’, ne comprend pas comment on peut lancer un grand emprunt alors que la France doit déjà 1 600 milliards. « Non mais, tu ne trouves pas ça bizarre, me lance Bruno. On est là, tranquille, à prendre le café, alors que la France est pratiquement en faillite. » La dette de la France – sur laquelle toute la presse s’est penchée ces derniers jours avec l’examen du projet de budget 2010 – Bruno, ça le rend malade. Lui que son banquier sermonne au moindre découvert ! Alors, quand il a vu son Président en remettre une louche en annonçant un grand emprunt, il a sombré dans des abîmes de doutes. C’est sûr, les chiffres filent le tournis. Tu l’as vu, Bruno, la France « doit » 1 600 milliards d’euros. À qui ? À des entreprises ou à des particuliers, beaucoup à l’étranger, qui trouvent que, somme toute, la France est un placement sûr. Rien que le remboursement des intérêts engloutit à lui seul la quasi-totalité des recettes de l’impôt sur le revenu : 55 milliards d’euros. Deux fois les dépenses de l’État pour l’emploi et la solidarité. « Il paraît que chaque bébé qui naît aujourd’hui hérite d’une dette de 20 600 euros », s’offusque Bruno. Certes, l’image est forte. Rien de tel pour préparer le terrain à un discours bien rodé : le système français est au bord du précipice, l’époque où chaque génération cotisait pour la précédente est derrière nous. Alors, assurez-vous auprès d’institutions privées pour

financer vos soins, préparer votre retraite… « Réduire le train de vie de l’État c’est bien, mais cela ne suffira pas. Il faut aussi se demander s’il est vraiment nécessaire qu’il s’occupe de certains sujets, comme le logement, par exemple », suggère ainsi l’économiste JeanMarc Daniel. Un sujet en or dans un pays prompt à s’angoisser Mais tu vois, Bruno, il faut regarder ça de plus près. Sur une ligne ­opposée, l’économiste Henri Sterdyniak rappelle que le bébé français qui naît avec cette dette, hérite en même temps, contrairement à son alter ego africain, d’un pays avec des infrastructures modernes, des écoles gratuites… À sa naissance, il possède virtuellement 29 000 euros d’actifs rien qu’en comptant le patrimoine de l’État. C’est pas la dèche, quand même. Quant à l’intérêt de la dette, là encore, il faut mettre cela en perspective. La France emprunte à des taux faibles (de 3,5 à 4 %), qui, compte tenu de l’inflation (disons 2 % en moyenne), et de la part d’impôts prélevés sur ces intérêts (environ 30 %), sont pratiquement amortis sur dix ans. « Oui, mais aujourd’hui, la dette a atteint quasiment 80 % du PIB, c’est quand même pas normal. T’imagines ça dans mon entreprise ? » Mais la France, c’est pas une entreprise. Je te le concède, la dette, c’est un sujet en or dans un pays prompt à s’angoisser. Pas étonnant que Bayrou en ait fait son principal thème de campagne en 2007 ✹ Lucie Delaporte

Basé à Lille, mais en vadrouille dans toute la France pour défendre la veuve et, surtout, le grand brigand, Me Éric Dupond-Moretti s’est taillé, au long de sa carrière, une forte réputation. Que ses laudateurs alimentent savamment, le glorifiant d’un titre, celui du plus grand nombre d’acquittements. Lui préfère se définir en privé comme « le routier le mieux payé de France », et sourire en coin. Las ! Ses dernières aventures marseillaises lui ont valu le sobriquet « d’avocat forain ». Défenseur de Jacques Mariani, fils de feu Francis, ponte du gang corse de la Brise de mer, Dupond s’est tout naturellement rendu à son procès, en février 2008. Et a rencontré à cette occasion les patrons de l’antre de la nuit aixoise, Le Mistral, qui lui ont gentiment offert le gîte et le couvert. Puis, début 2009, le sieur Dupond a fait connaissance avec d’autres animateurs des soirées du Cours Mirabeau, les boss de la Joïa, une autre discothèque. Bien urbainement, ces charmants garçons lui ont remis quelques liasses, ses honoraires pour le boulot réalisé en faveur de Jacques Mariani. Malheureux hasard ! Jacques Mariani est justement soupçonné d’avoir organisé le racket de ces deux établissements. Et Dupond-Moretti a été gentiment invité à s’expliquer dans le bureau du juge qui enquête sur les extorsions de fonds, le 23 juin dernier. En tant que simple témoin. Le forain va continuer de tourner... ✹

mauvais comptes

Epad : Jean Sarkozy a échappé au pire

E

n renonçant à prendre la tête de l’Epad, Jean Sarkozy échappe à une avalanche de problèmes calamiteux. Car aménager La Défense, la mission de ce très opaque organisme public, n’est pas de tout repos. Il faut marchander les droits de construire avec les investisseurs (le seul gagne-pain de l’Epad). « Une petite tour rapporte entre 20 et 30 millions d’euros et une grande entre 50 et 80 millions », susurre cette élue des Hauts-de-Seine. Mais, avec la crise, les promoteurs quémandent ristourne… Et, à en croire la gauche du 9-2, remontée à bloc par l’affaire Jean Sarkozy, les finances de l’Epad seraient dans un piètre état. Voire pas claires. En 2007 et 2008, la Cour des comptes a d’ailleurs épinglé l’établissement pour cause d’anomalies comptables. Argent toujours. Pour Jean-André Lasserre, conseiller municipal PS de la ville de Courbevoie, l’Epad va devoir gratter les fonds de tiroir pour participer aux projets pharaoniques qui se profilent : « le grand barnum mégalo » du Grand Paris, gare TGV, boulevard circulaire de La Défense, enfouissement de la RN13, extension du RER Eole… Il y en a, à l’aise, « pour plus de 15 milliards d’euros » ! Autre problème auquel échappe Sarko Junior en se contentant d’un poste d’administrateur au sein de l’Epad : la mise aux normes de sécurité de La Défense. « Un audit est en cours », claironne Martine Volard, conseillère municipale MoDem de Courbevoie. Et il va faire mal au portefeuille : « La Défense ne possède pas de PC de sécurité centralisé et les tunnels sous la dalle ne sont pas aux normes », détaille l’opposante, pour qui le plus gros scandale reste celui du quartier des Damiers. Il s’agit de 250 logements sociaux

détenus par une filiale de la RATP, Logitransports. « Or, elle va les vendre au promoteur russe Hermitage, qui veut construire une tour de logements à 10 000 euros le mètre carré », s’indigne Martine Volard. Quant aux habitants des Damiers qui ont découvert ce qui se tramait derrière leur dos dans la presse, ils n’ont qu’à se reloger à Vitry ou à Argenteuil ! C’est d’ailleurs ce qu’on leur propose…

L’établissement public va devoir gratter les fonds de tiroir pour participer aux projets du Grand Paris, de gare TGV, du RER… À cette affaire, s’ajoute une véritable bronca politique des villes entourant le petit Manhattan français. En cause cette fois ? Le projet de fusion de l’Epad et de l’Epasa, la structure qui aménage des terrains du côté de Nanterre. Le nouvel ensemble, l’Epadsa, sera en plus chargé d’aménager quelques lopins à La Garenne-­Colombes. Mais à gauche (et pas seulement) on dénonce une « OPA de l’Epad sur l’Epasa » et le détroussage d’une partie des territoires de Nanterre et de La Garenne. Quant à Courbevoie et à Puteaux, toutes deux administrées par l’UMP et qui se trouvent sur les terres de l’Epad, leurs conseils municipaux ont voté contre la fusion EpadEpasa. Mais leur avis n’est que purement consultatif. La méthode Sarkozy a encore de beaux jours devant elle dans le 9-2 ✹ Catherine Graciet Retrouvez la vidéo d’Olivier Perrin « Une pétition pour soutenir Jean Sarkozy ! » sur www.bakchich.tv


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| Gamberge

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

(d)ébats mot pour mot

big bizness

Gribouille à L’Élysée matthieu adenil Professeur éconoclaste d’une grande école de commerce.

L

a politique économique de mi-mandat serait… au milieu du gué. C’est le discours officiel de nos dirigeants sur la situation conjoncturelle au moment où s’engage la discussion budgétaire. En pratique, plus personne ne sait que penser de ce que fait, ou prétend faire, Nicolas Sarkozy. Les théories qui affirment que la politique économique est moins efficace quand on peut en anticiper les contours sont à la fête : il est impossible d’anticiper ce que va décider le Président… Seule certitude : la dette publique s’envole et la saga du grand emprunt est là pour rappeler qu’aux yeux de Sarkozy, cela n’a aucune importance. Le FMI prévoit que la dette publique atteindra 100 % du PIB en 2015, ce qui ne perturbe en rien la sérénité de nos hiérar-

ques. Certes, l’enthousiasme « emprunteur » a un coup de mou. Le montant du grand emprunt, annoncé officieusement par le conseiller spécial de l’Élysée, Henri Guaino, comme pouvant atteindre 100 milliards, ne sera pas supérieur à 40 milliards, d’après ce qui se murmure à Bercy. Michel Rocard, supposé présider à la définition de l’opération, refuse de se prononcer sur les modalités pratiques. Il envisage même de placer les titres non pas auprès du public, mais auprès des marchés, selon les ­ procédures usuelles gérées par l’Agence France Trésor. Quant au président de la commission des finances, le socialiste Didier ­Migaud, il soutient désormais qu’il n’y aurait rien de scandaleux à tout arrêter, après avoir admis que cette idée de grand emprunt

n’était peut-être pas ce qu’il y a de plus génial. Évidemment, dans les rangs de la majorité, on se gausse du soudain esprit parcimonieux d’une gauche au passé dépensier. Le monde à l’envers en somme. les idées inapplicables Pour réduire le déficit abondent Cette confusion se confirme lorsque l’on parle de réduire le déficit. À ce sujet, les candidats au concours Lépine des propositions inapplicables pullulent. Chacun dans la majorité a une idée pour augmenter les recettes en bricolant le bouclier fiscal, en réorganisant la taxe carbone ou ce qu’il en reste, en aménageant la nouvelle contribution territoriale des entreprises qui remplace la taxe professionnelle. Là encore, une certitude : on va vers n’importe quoi sans que l’on sache si ce

n’importe quoi va amplifier le ­déficit ou juste l’ébrécher. Une fois le cauchemar de ce budget passé, Sarkozy a l’intention de revenir sur le problème des retraites. La sécurité sociale, toutes branches confondues, va enregistrer cette année 30 milliards de déficit qu’il va bien falloir transférer à la Cades, la caisse chargée de l’amortissement de la dette sociale. Les retraites constituent un sujet important sur lequel, symboliquement depuis la fin des grèves contre la réforme des régimes spéciaux, le gouvernement et l’Élysée auraient les moyens d’engranger des bénéfices politiques. Même si de plus en plus s’interrogent sur ce que fut réellement la fin de l’affaire des régimes spéciaux, et si l’insistance des divers ministres en charge du dossier à répéter que tout est réglé intrigue. À l’Élysée, Raymond Soubie, grand manitou du social et plus patelin que jamais, reçoit et disserte avec les syndicats sur le recul de l’âge du départ à la retraite et la façon la plus habile d’abandonner la référence à 60 ans. En attendant de s’attaquer aux 35 heures. Il faut dire qu’en deux ans et demi de sarkozysme, on avait presque oublié l’essentiel, qui reste, aux yeux de ses plus solides soutiens, de supprimer l’ISF et les 35 heures… Il ne faudrait quand même pas trop tarder… ✹

Allô Paris, ici New york

Feu sur Fox News Doug Ireland

A

près l’Afghanistan et l’Irak, Barack Obama ouvre un troisième front : mater la chaîne de télé Fox News, propriété de Rupert Murdoch. La semaine dernière, le Président a dépêché une brochette de ses plus proches conseillers sur les autres chaînes pour répandre l’idée que la Fox « n’est pas une chaîne d’information légitime », comme l’a décrété Rahm Emanuel, alias « Rahmbo », le secrétaire général de la Maison Blanche. Pendant ce temps, la dir’com d’Obama, Anita Dunn, assénait que la télé de Murdoch était « une succursale du parti républicain » et David Axelrod, le stratège politique du Président, tonnait que « sur Fox, le news n’est pas le news. » La Maison Blanche a même créé un blog pour réfuter les « mensonges » de la chaîne et

Ancien chroniqueur pour le Village Voice et Libération, ce ­ étéran du journalisme collabore à The Nation et Vanity Fair. v la boycotte en refusant que ses représentants y soient interviewés. Autant d’arguments que l’on peut difficilement réfuter… L’homme qui a créé la Fox pour Murdoch en 1996, et qui la préside toujours, est Roger Ailes, un pugnace conseiller des républicains pendant 30 ans, qui a débuté comme directeur de la campagne médiatique aux relents racistes de Richard Nixon, en 1968. Murdoch pensait qu’il y avait un créneau à prendre pour une chaîne conservatrice et bas de gamme. Du coup, Ailes a ancré Fox bien à droite et lui a imprimé un ton populiste destiné à attirer des téléspectateurs blancs en colère contre la modernité et « l’élitisme » des démocrates progressistes. Aujourd’hui, la Fox est la maison mère d’une foule de démago-

gues aux accents racistes, xénophobes et réactionnaires, comme le très populaire Glenn Beck, qui a récemment décrété dans son émission quotidienne qu’Obama a « une haine profonde pour tous les blancs » ! Et, pendant ses heures consacrées aux « news », la Fox se fait le promoteur des manifs protestataires baptisées « tea parties », qui regroupent des contribuables accusant Obama de mettre le pays sur la voie du « socialisme » et même du « communisme ». Le pire est que la formule s’avère payante, puisque les deux autres chaînes d’information continue que sont CNN et MSNBC n’arrivent pas, ensemble, à attirer autant de téléspectateurs que la Fox à elle seule. Depuis l’élection de Barack Obama à la présidence, la télé de

Rupert Murdoch bat tous les records d’audience, avec une hausse en prime time de 31 %. CNN, elle, a dévissé de 36 % et MSNBC de 26 %. Un président qui s’attaque à un organe de presse se diminue Mais Obama & Co ont oublié la maxime que l’ex-Président Nixon a sortie à ses proches : « Ne jamais tirer vers le bas. » Un Président qui s’abaisse à attaquer publiquement un organe de presse diminue sa stature et gonfle celle de son ennemi, tout en apparaissant comme un pleurnichard, donc un faible. D’ailleurs, la nouvelle guerre d’Obama contre la Fox essuie les foudres de la presse écrite. Le critique média du New York Times, au demeurant fort dédaigneux, a écrit que « ça fait commun » et pense que la Maison Blanche semble « sortir un couteau au milieu d’une fusillade ». De son côté, le chroniqueur du prestigieux quotidien Baltimore Sun, qui ne porte pourtant pas la Fox dans son cœur, accuse Obama de se conduire comme « un matamore ». Le diagnostic de Michael Wolff, le spécialiste des médias à Vanity Fair, ne fait pas non plus dans la dentelle : tu « ne peux pas battre [Ailes, car] il vit de ta rage et ton sang ». Bien vu ✹

A

«

h ! Monsieur fait de la politique politicienne ! Le coquin ! » C’est une réplique de David Douillet en campagne à un quidam qui l’interrogeait sur l’ascension de saint Jean de Neuilly au sommet de La Défense. Le grizzly des tatamis a bien assimilé la doctrine de l’Union pour le Marécage Présidentiel : est dit « politicien » tout ce qui, ayant des rapports évidents avec la politique, doit être balayé d’un revers de manche. Donc, à peu près tout, selon saint Xavier-Bertrand. Dire que grâce au bouclier, tous les « ajustements » fiscaux décidés pour réduire la dette augmenteront le total des impôts pour tous les contribuables, sauf pour les habitués du Fouquet’s, monsieur Pinault et autres miséreux, c’est politicien. Observer que les déplacements du Président en province, dans les usines et au zoo de Vincennes ne se font que si un bon casting a farci le site de sympathisants stipendiés, c’est politicien. La mode est aux incultes, aux musclés, aux Deug ratés Dire que l’incompétence d’Hervé Novelli est inversement proportionnelle à la baisse des prix de la restauration après le gaspillage de 4 milliards d’euros que les clients du bistrot paieront de toute façon, c’est politicien. Soutenir que le mariage de Cambadélis est le seul événement notable qui ait marqué la vie intra-utérine du « nouveau » PS depuis six mois, puisque DSK est venu, c’est politicien. Considérer que les choix tactiques du PS, du MoDem, des petits bouts de gauche et des Verts dynamitent d’avance le premier tour des régionales et offrent sur un plateau au moins six régions à l’UMP, c’est une vue très politicienne. Souligner que si Douillet a été élu, c’est peut-être grâce à des adversaires infoutus de réaliser au premier tour une solidarité demandée mollement aux électeurs huit jours plus tard, c’est politicien. Car lui, Douillet, ne fait pas de politique, n’en parle pas, ne sait pas ce que c’est, ne pense rien, ne calcule rien. Il s’en vante. Alors, comme l’a prévu Audiard, quand les gars de cent trente kilos disent certaines choses, ceux de soixante kilos les écoutent. Et la gauche est bien maigre, ces temps-ci. La politique n’est plus nulle part, il n’y a que du politicien. Et Gala. Car la politique est chose intellectuelle avant d’être une pratique. La mode est aux sous-doués, aux incultes, aux musclés, aux Deug ratés, aux « hommes de terrain ». À force de dénigrer les intellos, réputés collabos, élitistes ou sociaux-traîtres, que voudriez-vous récolter ? Vous vouliez le vide ? Il est là ✹ jacques gaillard


Bazar social | 7

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

travail à la chaîne bicloune Tout ne roule pas pour les 280 salariés chargés de la maintenance de la flotte Vélib’. Mauvaises conditions de travail, sécurité insuffisante… Les procédures prud’homales se multiplient contre JCDecaux, soupçonné par ailleurs de flouer la mairie de Paris.

Ils rament, vous pédalez «

V

ous vous rendez compte qu’on est placé sous la convention collective des vendeurs d’articles de sport, comme ceux de Décathlon ! », tempête Meissa Fall, délégué syndical Sud-Solidaires, trois grèves et deux débrayages au compteur. Le jeune salarié de Cyclocity (la filiale de JCDecaux exploitante du système de vélo en libre-service), qui gagne 600 euros par mois pour 20 heures hebdomadaires, précise : « C’est un des statuts les moins avantageux et qui ne correspond en rien à l’activité des 280 salariés en charge de la maintenance de la flotte Vélib’. » « Cette convention est la plus adaptée à notre activité », rétorque Albert Asséraf, le directeur de la stratégie du groupe JCDecaux. Alors, qu’on ne vienne pas lui réclamer des primes de risque et d’intempéries. les camions qui transportent les vélos ne freinent pas sous la pluie Pourtant, ses agents ne ménagent pas leurs efforts pour entretenir quotidiennement un parc de 24 000 vélos à Paris et en banlieue. Du vélo, ils en mangent d’ailleurs à toutes les sauces. Car les soutiers de Cyclocity se déplacent avec les 100 Sparta, des vélos électriques hollandais qui ont la particularité de tomber en panne régulièrement. Du coup, ils roulent… à Vélib’ ! Pas facile, quand on trimballe 22 kg de matériel de réparation sur le dos, 7 heures par jour… Lorsqu’ils ne pédalent pas, ils empruntent une des 22 remorques appelées « véhicule articulé » par JCDecaux. Problème, selon Meissa Fall : « Ils affirment que la remorque pèse moins de 750 kg. Mais parfois, c’est bien

plus. » Et, évidemment, aucun des employés de Cyclocity n’est titulaire du permis qui permet de tracter une remorque. Résultat, des accidents à la chaîne. Les camions qui transportent les Vélib’ en panne ne freinent pas quand il pleut à cause du poids de l’attelage, les embrayages cassent en permanence, les feux de recul sont invisibles. Conseil de Meissa Fall : « Priez pour ne jamais être devant un véhicule à remorque sous la pluie. » Nous voilà rassurés. Un agent a fait les

frais de ce manque de sécurité. En avril 2008, gêné par l’absence de rétroviseur, il est tombé dans le port de l’Arsenal, à Bastille, en voulant récupérer des vélos sur la péniche de JCDecaux où s’effectue la réparation des Vélib’. Le turn-over est plus élevé que chez McDonald’s Autre aberration du dispositif  : les salariés chargés de la régulation des Vélib’ n’ont pas de GPS, mais seulement des cartes papier qu’ils ont dû quémander. Pas d’ordinateur non plus pour connaître les stations vides ou pleines. Tout se fait par téléphone. Une perte de temps considérable. Selon Boris, 27 ans, technicien borne, « on n’a pas assez de matériel, il faut tout se prêter ». Dans ces conditions, pas étonnant que les salariés de Cyclocity craquent. « Le turn-over ici, c’est pire que chez McDo, l’ancienneté moyenne c’est moins d’un an », nous dit Thibault Prenez, viré fin 2007 pour avoir, selon lui, posé trop de questions sur la sécurité des remorques. Selon les syndicats, il y a eu 128 licenciements en 2008. Sans confirmer ce nombre, JCDecaux avance que « plus de 85 % d’entre eux sont des licenciements pour abandon de poste ». Reste que les procédures devant les prud’hommes se multiplient : plus d’une vingtaine de dossiers, à en croire le même Thibault ­Prenez. Les salariés s’interrogent

aussi sur les objectifs qui leur sont fixés. L’accord d’indemnisation conclu avec la mairie de Paris (lire encadré) pousserait-il JCDecaux à gonfler le nombre de vélos à réparer ? « C’est quoi un vélo dégradé ? Quand le pneu est percé, quand il manque des rayons ? Il n’y a aucun critère ob-

jectif. Ils font plus que gonfler les chiffres. Du coup, des collègues gonflent leur nombre de réparations pour atteindre les objectifs », affirme encore notre Thibault. Selon JCDecaux, il y aurait jusqu’à 1 500 réparations de Vélib’ chaque jour. Impossible, pour Meissa Fall, qui chiffre entre 800 et 900 le nombre d’interventions quotidiennes : « On doit réparer de 7 à 8 vélos par jour, c’est complètement illégal car ces objectifs ne sont pas précisés dans le contrat. » Certaines réparations prennent 5 minutes alors que d’autres nécessitent une bonne demi-journée de travail. Tout cela, bien sûr, ne crée pas un climat social particulièrement détendu. D’autant que le compte n’y est pas toujours sur le plan financier. Selon Néfa, technicien borne au dépôt de Saint-Cloud, des heures supplémentaires restent impayées et les rémunérations du week-end non majorées. Mais surtout, le jeune homme de 25 ans évoque les « rapports horribles » avec la hiérarchie et les « blagues » de mauvais goût de certains cadres sur l’origine sociale des salariés. Pendant ce temps-là, les bobos parisiens et les touristes pédalent ✹ Élodie Bui et Paul Gypteau Retrouvez Vélib’ : un vélo qui ne tourne pas rond, sur www.bakchich.info

Delanoë se contente d’encaisser Du côté de l’Hôtel de ville, on dit en substance que les problèmes des salariés de Cyclocity, c’est avant tout celui de JCDecaux. L’entreprise a bien été saisie fin 2008 par les services municipaux, mais seuls des accords d’intéressement et sur les locaux techniques ont été conclus depuis. Le taux de satisfaction des Parisiens restant très élevé, la mairie n’avait pas très envie d’en rajouter, d’autant que Vélib’ lui rap-

porte 15 millions d’euros par an. Sauf que le vandalisme s’est invité dans la partie : 15 000 vélos volés ou dégradés en 2008. Hors de prix. Depuis l’an dernier, un nouvel avenant au contrat lie la capitale à Decaux : la mairie doit lui rembourser 400 euros par vélo volé ou dégradé. Une arnaque, selon les salariés de Cyclocity qui ont fait leurs petits calculs. Pour eux, un vélo neuf coûte 280 euros à JCDecaux ✹


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| Au bazar des pipoles

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

stars et barreaux Pas sage « L’homme qui monte dans les médias », comme l’a baptisé VSD, en agace plus d’un. Après avoir fait la une des magazines people, l’ex de la première dame de France étale sa « pensée » aseptisée dans toute la presse.

La philo molle d’Enthoven R endre la philosophie télégénique : en voilà une ambition qu’elle est jolie, non ? C’est celle de Raphaël Enthoven, bellâtre qui va sur ses 34 ans, le regard ténébreux, la bouche sensuelle, les maxillaires virils. Du coup, cette tête bien faite bien pleine (normalien, agrégé de philo, prof à Polytechnique et à Sciences Po), bien née aussi (fils de Jean-Paul Enthoven, l’écrivain-journalistetoujours-hâlé, directeur éditorial chez Grasset, grand ami de BHL) est partout : à la télé, à la radio, dans la presse, en librairie… Mais seulement pour la bonne cause philosophique ! Finies les « pipoleries » du temps où il s’affichait avec Carla Bruni (laquelle s’était préalablement tapé son père, Jean-Paul), en une de Paris Match, pour témoigner de leur grand bonheur mis à mal par les révélations de son ex-femme, Justine Lévy. La « fille de » racontait dans un roman autobiographique, Rien de grave, publié en 2004, comment Carla lui avait grossièrement chipé son mari avant de lui faire un fils, Aurélien, prénom précisément choisi par Justine pour l’enfant qu’elle attendait de lui, et qu’elle avait perdu. Élégant, non ? Finie la seule gloire tirée d’une chanson, Raphaël, complaisamment fredonnée par la Bruni : « Raphaël a l’air d’un sage, mais

liste juge sa façon d’aborder la philo « light ». À L’Express, Enthoven se pique d’avoir réalisé le spécial Nietzsche du 7 juillet. « Un truc inepte, genre digest pour lycéens », s’insurge un salarié de l’hebdo… qui s’est très mal vendu cette semaine-là. « Qu’importe ce qui n’importe qu’à moi », aurait pu répondre le penseur, prompt à citer ce mot de Malraux.

« Ce n’est pas un imposteur, mais il promeut une philosophie de la naïveté, sans grand intérêt. » Un prof de philo.

a « Raphaël a l’air d’un sage, mais ses paroles sont de velours », Carla Bruni. ses paroles sont de velours/De sa voix grave, et de son regard sans détour/Quand il raconte, quand il invente, je peux l’écouter nuit et jour »… Désormais, Enthoven junior ne jure que par la philo. Notamment sur Arte chaque dimanche, en marchant non-stop pendant une demi-heure, au motif que « selon Nietzsche, c’est en mouve-

ment que viennent les grandes idées ». « L’homme qui monte dans les médias », dixit VSD, sévit aussi sur France Culture, du lundi au vendredi, dans Les Nouveaux chemins de la connaissance. Sa voix précieuse prononce toutes les liaisons. À Philosophie Magazine, où Raphaël Enthoven tient la rubrique « Sens et vie », un journa-

Tout ce qui sert son ego est bon à prendre, d’où une production livresque un poil narcissique. L’endroit du décor (2009) recueille ses ­ textes parus dans Philosophie Magazine ; et sa collection Les nouveaux chemins de la connaissance, ses prestations radiophoniques. Autant d’ouvrages jamais vilipendés par une presse bien intentionnée. « Raphaël Enthoven n’est pas un imposteur, reconnaît un prof de philo parisien. Mais il promeut une philosophie de la naïveté sans grand intérêt. Il ne se démarque pas. » Il préfère nettement qu’on le remarque ! ✹ Jehan Ango

le pipole de la semaine

joey Starr laisse pas traîner son fric

C

ondamné à deux ans de prison dont six mois ferme en juin dernier, pour avoir quelque peu malmené (hachoir à la main) une voiture dans laquelle se trouvaient quatre passagers, Joey Starr devrait recouvrer la liberté d’ici à la fin du mois d’octobre. Soit deux mois avant la fin de sa peine. Le chanteur, au casier judiciaire presque aussi fourni que sa discographie, se révèle être un détenu modèle. Incarcéré à Fleury-Mérogis depuis bientôt quatre mois, Didier Morville, dans le civil, fait preuve d’un comportement exemplaire. Pourtant, soumis à des mauvais traitements de la part de ses codétenus comme l’a raconté Closer (en prison, on n’aime pas les voyous qui ont mal tourné), la forte tête du groupe NTM a été placée à l’isolement pour sa propre sécurité. Précisément dans le quartier réservé aux détenus particulièrement surveillés où l’on retrouve des terroristes,

des braqueurs multirécidivistes, et parfois même d’influents membres de l’ultra-gauche. Mais si sa libération est proche, les soucis sont devant lui. D’abord, il faudra compter les sous perdus dans l’annulation des performances prévues pour le groupe dans plusieurs festivals. Si son partenaire, Kool Shen, en a assuré une partie, les cachets pour le tourneur, Yardie Productions, ont été revus à la baisse. Ensuite, le chanteur n’en a pas tout a fait terminé avec quelques vieux dossiers. Ainsi, l’hôtesse de l’air qu’il avait frappée en 1998, agression pour laquelle il avait écopé de deux mois de prison ferme et d’une amende de plusieurs milliers d’euros, a le plus grand mal à être indemnisée. Aussi a-t-elle porté plainte le 14 mars 2008 pour « organisation frauduleuse d’insolvabilité » après qu’une saisie d’huissier s’est révélée infructueuse. L’argent pourrit les gens... chantait NTM en 1993 ✹

Simon Piel

a Joey, à base de po-po-po-po.

bruits de la ville

Éric Besson : Et la fidélité bordel ? S’il vient de divorcer (son exfemme nous raconte tout dans un livre faussement à charge), Éric Besson reste très attaché à l’institution du mariage. Et s’apprête à convoler de nouveau. L’heureuse élue, de 25 ans sa cadette, s’avère être une jeune tunisienne de bonne famille, Yasmine Torjmann. Ce qui écarte a priori l’hypothèse d’un mariage de complaisance… En revanche, un doute subsiste sur la force de son engagement. Lors de son précédent mariage, en 1983, notre actuel ministre de l’Immigration s’était distingué en refusant publiquement à la mairie de jurer fidélité à l’élue de son cœur. L’ex-socialiste passé en sarkozie osera-t-il la récidive ? NKM allaite en bimédia Secrétaire d’État au développement de l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, alimente Facebook et Twitter des vagissements de son nouveauné. Le deuxième. Mais, futée, la ministre a aussi gardé quelques billes pour Gala. À savoir, primo, qu’elle avait fait le choix d’allaiter, deuxio, celui « d’élever son fils dans le bio ». Buzz assuré sur les forums, très actifs, de l’allaitement comme sur ceux du biologique. Voilà une maman ministre qui a compris l’intérêt du bimédia… Audrey Pulvar n’en fait qu’à sa tête Transfert de l’été, Audrey Pulvar a quitté le Soir 3 pour rejoindre i-Télé, la chaîne d’info en continu du groupe Canal +. Sans que personne ne semble la retenir. Et en laissant l’impression que son accrochage avec Nicolas Sarkozy après une question sur les sans-papiers avait laissé des traces. En réalité, Dame Audrey avait réclamé à France 3 de présenter un magazine de société, en sus du journal. Faveur qui lui a été refusée. Et la belle de s’en aller, vexée. Johnny be good C’est confirmé. Johnny Halliday n’a jamais eu de cancer. Il l’a avoué à la chaîne Paris Première, jeudi 22 octobre. Il avait effectivement un coup dans le nez au moment de son interview par Télé Star, qui a révélé le scoop mondial. Une information annoncée dès notre édition du 7 octobre. Ah que Bakchich avait raison ! ✹


Au bazar du Bazar | 9

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

rails et rayons millésimes

Filou L’extravagant système de tarification de la compagnie ferroviaire présente des failles. Pour payer moins cher un billet, il suffit de détourner les « Bons Plans ».

La SNCF invente les tarifs Shadok

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our faire oublier le coup de Jarnac du début d’année – une hausse de ses tarifs de 3,5 % – la SNCF veut se racheter. Bonne fille, elle a fait savoir qu’elle augmentera l’an prochain le quota de places soldées sur son site Internet. En revanche, pas question de toucher à son système de tarifications burlesque, qui fait passer le prix d’une place du simple au triple sur un même train en fonction du moment où on l’achète. Le tout, sans que le client connaisse le prix de base de son voyage. Le député UMP poil à gratter façon Villepin, Hervé Mariton, a prévu de pousser un nouveau coup de gueule ces jours-ci, à l’occasion du vote du budget des transports dont il est le rapporteur. Sans doute insuffisant pour faire bouger les lignes de chemin de fer. Pourquoi changer un système que personne ne comprend, mais qui permet de remplir les trains ?

Alors, autant essayer de profiter des failles de cette tarification extravagante. Avec un esprit un peu filou, on peut détourner les « Bons Plans » du site web en prenant la SNCF à son propre jeu. Comment, par exemple, aller à Chambéry pour pas cher ? Très simple, il suffit en ce moment d’acheter un billet Paris-Turin et de descendre du train quand il s’arrête dans la préfecture savoyarde. Grâce à une promotion temporaire, il n’en coûte que 35 euros. Mieux vaut ne pas trop fanfaronner durant le voyage, vous risquez de casser l’ambiance car vous avez toutes les chances que votre voisin se tende quand il réalisera qu’il a payé son billet plus du double du vôtre. En effet, à l’heure où nous bouclions, on pouvait donc, sur la bourse des valeurs du site Internet de la SNCF, dégoter un billet Paris-Turin à 35 euros sur la rame quittant Paris à 7 h 42, samedi 21 novembre.

Et même pousser le luxe jusqu’à s’offrir une place en 1re pour le prix royal de seulement 45 euros. Tandis que sur le même train, une place Paris-Chambéry en seconde classe était proposée au premier prix de 87,60 euros ! De quoi rallumer la lutte des classes ! Un voyage longue distance coûte moins cher qu’un trajet court Voilà un train que les Shadoks auraient apprécié. Il suffit d’acheter pour plus loin afin de payer moins cher, tout en descendant au même endroit que ceux qui ont payé très cher. On ne s’émerveillera jamais assez de ce système. Lequel semble illustrer à merveille cette fameuse maxime que le président de la SNCF, Guillaume Pépy, aime à répéter pour entretenir le mystère : « Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé. » Malheureusement, ce genre d’affaires sur les bons plans de la SNCF n’est possible que de façon temporaire. La promotion sur Paris-Turin ne dure que jusqu’au 6 décembre. Au-delà, le client aurait pu espérer tirer parti de l’arrivée à la mi-décembre des TGV sur ce même trajet de la compagnie publique italienne, Trenitalia. Sûr qu’un concurrent aurait fait un gros effort sur les prix pour faire son trou. Las ! On vient d’apprendre que les autorités françaises ont refusé leur sésame aux Italiens dont l’entrée en ligne est renvoyée à on ne sait quand. Pas touche au TGV et à son système tarifaire, c’est la vache à lait qui fait vivre toute la SNCF ✹ Émile Borne Retrouvez Vent Fret sur la SNCF  sur www.bakchich.info

Tamiflu

OM-PSG, première grippe pour le clasico

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n l’a appelé le derby de France. Puis le Clasico. Des appellations sans fondements, autour desquelles la presse tente de faire monter la pression. Quand, de toute logique, une mauresque, au pire, se trouble, au mieux, se descend. Bref, deux fois l’an, le championnat de France de Ligue 1 fait semblant de s’arrêter pour regarder OM-PSG. Au début des années 90, Bernard Tapie (au faîte de sa gloire) et Michel Denisot, présidents respectifs des

clubs, montèrent en épingle la rivalité. Une tambouille qui a perduré. Malgré l’absence de titre de champion pour les deux clubs depuis 1994. Alors, depuis 15 ans, il a fallu un peu tirer à la ligne pour présenter le choc. Déclarations fracassantes des joueurs et des entraîneurs dans les années 90. Guerre des supporters au tournant de l’an 2000. Vexation des présidents (Diouf et Blayau s’invectivèrent gracieusement en 2006, avant que l’OM n’envoie

jouer son équipe B). Toujours des menaces de report. Mais jamais, ô grand jamais, le match n’avait été ajourné. Ni Canal +, ex-proprio du club parisien et grand prêtre de la diffusion télévisuelle de la Ligue 1 (donc son plus gros financier), privé de son pic d’audience. Las ! Le coup de chaud annoncé a fait prendre froid aux joueurs du PSG, dont trois sont atteints du virus H1N1. Et, en cet an de fantasme pandémique, enfin, le Clasico s’est grippé ✹ x. M.

Carrefour séduit la haute à coups de rouge

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lus besoin d’épier les gens fortunés pour connaître les secrets de leur cuisine. Grâce à Carrefour, qui vient de ripoliner son hyper d’Auteuil, dans le XVIe arrondissement de Paris, les petites habitudes du grand monde peuvent être découvertes en parcourant les rayons. Une visite guidée riche d’enseignements. Dès le parking, une constatation. Les codes de la bourgeoisie ont évolué en dix ans. Finies ou presque les raquettes de tennis sur la plage arrière des voitures. Ce sport est devenu ringard. Le golf l’a remplacé. Et les clubs encombrent les banquettes arrières. Côté marques, les modes changent. On voit beaucoup moins de BMW, mais les Audi pullulent. Plus discret ? En attendant de vendre des bagnoles, le deuxième épicier mondial s’intéresse surtout aux codes alimentaires des gens aisés. Ainsi, dans les écoles de commerce, pouponnière des beaux quartiers, depuis une décennie, se dispensent des cours d’œnologie. À HEC, les commerciaux peuvent déguster, dans l’association Grand Cru, les meilleurs vins de France. À l’Essec, Elyxir rassasie les goûteux soiffards, à l’ESCP, c’est Oenocratia, et à Sciences Po, c’est Oenopo. À croire qu’il faut maîtriser ses millésimes, comme hier le baisemain et les plans de table. Pour satisfaire ces riches amateurs, l’hypermarché d’Auteuil dispose de tous les grands crus classés de Bordeaux. Trois rayons différents proposent le nectar des dieux. Une sélection

des meilleures bouteilles accompagne également les fromages. Enfin, pour ceux qui veulent sortir du lot, le stand bio du magasin distille aussi de très bons breuvages à base de raisin... Signe des temps ou Grenelle à retardement, Carrefour a mis le paquet sur le bio, installé à droite des caisses, une place stratégique dans tous les supermarchés. L’offre, fournie, rivalise avec celle du marché Raspail, le plus chic et le plus cher de Paris sur ce créneau.

L’hypermarché d’Auteuil propose tous les grands crus classés de Bordeaux. Trois rayons différents exposent le nectar. Tirant leur Caddie sur le sol « garanti antibruit », des anciens patrons du CAC 40 cherchent à faire quelques économies. Et il n’y en a pas de petites. Carrefour le sait, qui avait déjà implanté ses premiers ED, l’enseigne de hard discount, dans le quartier. Cette fois-ci, le magasin inaugure ses premières caisses automatiques. Toujours ça d’épargné sur le petit personnel ! Le patron du magasin espère sûrement montrer à ses clients qu’ils partagent les mêmes valeurs. C’est ça le commerce ✹ Bertrand Rothé Retrouvez tous nos articles conso dans la rubrique Modes de vie sur www.bakchich.info


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| Au bazar des médias

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

Fritures et tartufferies mauvaises ondes

La radio numérique est complètement brouillée «

L

a radio numérique sera le cadeau de Noël 2008 », déclarait, fin 2007, devant un parterre de pontes de la radio, Christine Albanel, alors ministre de la Culture. Problème : Noël 2009 approche et la radio numérique terrestre (RNT) se fait attendre. Rachid Arhab, en charge du dossier au CSA, a annoncé la semaine dernière que le déploiement de la RNT débuterait avec six mois de retard, en avril 2010. Les patrons de radio, si prompts à faire hier l’apologie de cette nouvelle technologie – qui permettra notamment à l’auditeur de circuler dans toute la France sans changer de fréquence avec une qualité d’écoute parfaite – se sont quelque peu ravisés. Alexandre Bompard, le PDG d’Europe 1, n’a-t-il pas éludé la question lors de la conférence de rentrée de la station en déclarant que la « RNT était désormais l’une des pistes choisies pour le développement numérique ». Un glissement de langage qui s’explique aisément par une histoire de gros sous. En effet, en refaisant leurs calculs, les opérateurs radio se sont rendu compte que la double diffusion FM et numérique qu’ils

devront supporter impliquait des surcoûts de 70 à 80 % pour des perspectives de croissance, somme toute, limitées. Une facture qui risque d’être très lourde puisqu’un foyer français possédant en moyenne six transistors radio, les spécialistes estiment que le renouvellement du parc prendra une bonne dizaine d’années. Pas étonnant que les opérateurs ne soient plus très chaud… D’autant qu’ils commencent à réaliser que la RNT a de grandes chances de se déployer grâce aux smartphones, type iPhone ou BlackBerry, bien moins chers que la norme T-DMB, retenue en 2003. « Aujourd’hui, plus personne ne s’accorderait sur cette norme », note un acteur important du secteur. Et le constat dressé par Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, et Sylvain Anichini, ancien DGA de Radio France, dans une tribune publiée par Le Monde, sonne le glas d’une révolution qui apparaissait, il y a quelques mois, comme un eldorado : « La RNT est un futur de retard, dépassé par une révolution technologique qui a surpris des industries entières. » Voilà une belle épitaphe… ✹ David Baldacci

vite fait Du prestige de la carte de Presse La récente vexation essuyée par Denis Olivennes, patron du Nouvel Obs, a qui la commission de la carte de presse a refusé l’attribution de la « carte d’identité des journalistes », rappelle à tous le prestige de ce titre. Ainsi, Pierre Lazareff, mythique patron de France Soir, la distribuait aux stagiaires qu’il appréciait. Un simple coup de fil à son ami le directeur de la commission, et le tour était joué. Las ! Au bout de cinq demandes successives, l’ami de Lazareff a tenté de calmer le jeu. Et le bon Pierre de lui répondre : « Écoute, c’est moins cher qu’un manteau de fourrure et ça leur fait plus plaisir. » C’est pas sympa pour Denis ✹

brosse à reluire

À l‘Équipe, on est les champions, on est les…

les amis du patron sont nos amis

Chouchoute de Perdriel lors de son recrutement, Ariane Chemin, grand reporter au Nouvel Obs, vient de perdre des points. La journaliste a en effet révélé l’identité du « Toubib », le médecin arrogant décrit par Justine Lévy dans son dernier roman, Mauvaise fille (Stock) : David Khayat, 53 ans, anciennement à la tête de l’Institut national du Cancer, et très ami de Perdriel. Fureur du chirurgien qui a fini par obtenir un papier dégoulinant de flagornerie, signé Jean-Gabriel Fredet, dans L’Obs du 22 octobre ✹

Les Pommés de France 2

L’heure est grave à France 2. En effet, les scribouilleux de la chaîne n’ont pas de téléphones 3G, qui permettent de se connecter à Internet. Un véritable handicap pour rester branché à l’actualité sur le terrain. Orange, lié à France 2 par contrat, ne leur fournit que d’antiques Nokia. Heureusement, le contrat est en cours de renégociation, et devrait aboutir prochainement sur la livraison d’iPhone, d’Apple. Et les journalistes de France 2 arrêteront de passer pour des pommes… ✹

Ravi de vous avoir connu

Après 6 ans d’existence, Le Ravi, mensuel satirique de la région Paca, traverse de grandes difficultés. Les 1 500 exemplaires vendus chaque mois et ses 400 abonnés ne suffisent pas à remplir les caisses. Aussi, début octobre, le journal a décidé de lancer un appel à souscription ; 6 000 euros ont déjà été envoyés, il en faudrait 24 000 de plus. Plus d’infos sur www.leravi.org ✹

a L’Équipe a limité le recul de ses ventes. « Une véritable lueur d’espoir. »

I

l existe des directeurs généraux de journaux heureux. Et même, satisfaits de leur directeur de la rédaction. Si, si… Enfin, on en connaît au moins un, François Morinière, qui officie à L’Équipe, et vient de révéler tout le bien qu’il pensait de ses équipes dans Les Échos. Et pour cause, les ventes ont résisté en 2009. Après un recul de 7 % par rapport à 2008 enregistré en mars, le « quotidien du sport et de l’automobile » a redressé la barre, le ramenant à 3,5 % en septembre. Toujours par rapport en 2008. « Une véritable lueur d’espoir », s’emporte le ponte d’Amaury, le groupe de presse proprio de L’Équipe et du Parisien, qui vient des « transformations mises en œuvre par Fabrice Jouhaud, directeur de la rédaction depuis mai dernier ». Et de sortir sa brosse à reluire. « Il a insufflé un esprit nouveau, un traitement plus anglé, avec plus d’aspérités et des prises de position, mais aussi davantage de visuels, d’infographies, de niveaux de lecture. » Encore un peu… « Jouhaud incarne la nouvelle génération, très créative, tout en étant un

très bon dépositaire de l’histoire du journal. Il saura mener ces transformations par petites touches. » Et voilà l’ancien directeur du CFJ (centre de formation des journalistes), banni de L’Équipe en 2003, installé dans un fauteuil d’Imperator. Sous quelques sarcasmes tout de même.

Voilà Jouhaud, directeur de la rédaction du quotidien sportif, installé dans un fauteuil d’Imperator. L’argumentaire déroulé par ­Morinière tout au long de son interview aux Échos rappelle un mail de Jouhaud, reçu par les journalistes de L’Équipe, le 9 octobre dernier. « Évidemment, c’est l’argumentaire de Jouhaud pour expliquer la remontée du journal, s’amusent les gratte-papier sportifs. Quant au portrait de Jouhaud, en interne, il est légitimé. Et les éventuels chasseurs de tête ont déjà son CV » ✹ Xavier Monnier


Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

Au bazar du net | 1 Deux point zéro il était une fois dans l’oueb

l’humeur des bakchichnautes

Tiens, r’voilà du Boulin !

Touchez pas à nos élus

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e triste sort de nos élus locaux qui risquent de passer au billot de la réforme territoriale, de 6 000 à 3 000, vous a dérouté, internés de l’Internet. L’article de Daniel Carton Les élus à la casse, sur Bakchich.info, fin prêt à tenir le manche de la hache pour couper la poire des collectivités en deux, a déclenché la foudre numérique. Le constat dressé est pourtant clair. On ne sait plus qui fait quoi, ou, comment et pourquoi. Seule solution, un bon coup de bistouri ! Ce qui a eu le mérite de jeter le trouble de cet internaute pour qui « ce papier n’est pas un article, mais de la paraphrase, de la propagande UMP ». Moins frondeur, mais au jugement non moins critique, Remiz admet : « Je suis dans l’ensemble d’accord avec vous. » En revanche « de là à dire que Sarkozy a raison, c’est gravement anticiper sur sa réponse… » Mais c’est sur la malheureuse phrase de notre jour naliste « nous détenons le record du monde du nombre d’élus au mètre carré », ô triste exploit, que vos banderilles ont porté l’estocade.

Un anonyme à la vigilance féline de s’interroger : « Ah bon ? On a des statistiques mondiales du nombre d’élus au mètre carré ? Vite, des sources… » Avant de conclure : « Daniel Carton, je crois que, définitivement, vous ne connaissez rien à la démocratie locale… » Les belges, toujours là pour rassurer les français D’autant que lorsqu’un docteur ès maîtres de la vida locale se promène par là, la leçon tourne à l’homélie doctorale. Ainsi « vous mélangez : le train de vie des collectivités territoriales ; le cumul des mandats de nos élus ; la rente de situation sénatoriale en récompense de bons et loyaux services politiques ; le nombre des élus ». Carton rouge ! Heureusement que le lecteur belge est toujours là pour réchauffer le cœur de Bakchich : « Je crois que la Belgique bat la France en matière de record de nombre d’élus. Le jour où on aura quatre gouvernements en France, on en reparlera. » Pas mieux ✹ L. C.

laurent macabies

TF1 s’acharne sur le cerveau de ses pauvres téléspectateurs et les sites suisses remontent la pendule de Jean Sarkozy. Tout cela ne pouvait finir que par un drame, le retour du fantôme de Boulin… Papa, c’est quoi ce verre de Lay ?

Malmenée par la concurrence, TF1 reste, disent ses patrons, leader en matière de « temps de cerveau disponible ». La chaîne de Bouygues a même lancé une campagne réalisée par TBWA pour se vanter de cela auprès des annonceurs. Dans le spot visible sur le compte wat.tv de TF1 (1), un scientifique (traduction publicitaire : un chauve en blouse blanche) observe un téléspectateur. Avachi sur son canapé, celui-ci voit débarquer dans son salon un bonhomme déguisé en bouteille de lait issu d’une « chaîne Y ». Le travesti se fait virer illico, ce qui agace profondément le scientifique. Test n° 2, avec les mêmes acteurs. Cette fois, le gugus laitier est siglé TF1. Miracle, le cobaye bichonné sur son canapé accueille avec bienveillance la bouteille de lait. Le spot se conclut en beauté : « C’est prouvé, les téléspectateurs de TF1 se laissent plus volontiers tenter que les

téléspectateurs des chaînes concurrentes. Leurs dépenses sont supérieures en moyenne de 11 %. » La pub pour promouvoir l’abrutissement de la pub : la boucle est bouclée.

En direct de Des loyers de 1 500 euros pour des 9m2 souvent insalubres. Faute de logements sociaux, les services publics financent toujours au prix fort des marchands de sommeil pour loger des familles précaires dans des hôtels menacés d’incendie. Une absurdité qui devient intolérable au vu des révélations du député UMP Étienne Pinte. Enquête à découvrir sur www.bakchich.tv

Directeurs de la rédaction : Nicolas Beau, Xavier Monnier • Conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Chroniqueurs : Matthieu Adenil, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Eric Laurent • Rédacteurs en chef édition : Eric Walther, Cyril Da • Maquette : Rampazzo et associés (conception), Émilie Parrod • Secrétaire de rédaction : Sarah Zegel • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud Chenu, Gaëlle Corvest, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Marion Gay, Catherine Graciet, Eric Laffitte (rubrique people), Anthony Lesme, Laurent Macabies, Simon Piel, Enrico Porsia, Bertrand Rothé (rubrique conso), Grégory Salomonovitch, Anaëlle Verzaux• Dessinateurs : Baroug, Ray Clid, Khalid, Kerleroux, Mor, Morvandiau, Nardo, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski • Directeur de la publication : Xavier Monnier. Groupe Bakchich, SAS au capital de 51 430 euros • Siège social : 121 rue de Charonne 75011 Paris. CPPAP : en cours • ISSN : en cours • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France Offset

les vidéos de la semaine :

Gestion des Ventes au numéro : A.M.E | Otto Borscha | Tél. 01 40 27 00 18 | oborscha@ame-press. com | N° Vert : 0800 590 593 réservé uniquement au réseau de vente.

• Assemblée : les députés sont-ils motivés par la réforme des collectivités ? • Maroc : pas de prison pour Khalid Gueddar ! • Réforme des collectivités : Probst annonce la bronca des sénateurs UMP ✹

Bakchich Hebdo près de chez vous : www.trouverlapresse.com Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.

© ina

1. Tapez sur wat.tv : « Test n° 1 – La consommation. »

Jean montre moins

Des commentaires de toutes sortes ont explosé le web dès la fin de l’interview de Jean Sarkozy, sur France 2 (le 23 octobre). Le site de La Tribune de Genève (1) a pourtant trouvé le détail que personne n’a vu : le fils du Président porte une Swatch ! Gros plan à l’appui, l’article explique ce choix du petit prince par une volonté de paraître plus humble. Soit. Le journaliste suisse, forcément précis surtout en matière de montre, a cru bon d’ajouter la photo, le nom (une Skin ligne de vie) et le prix du modèle porté par Jeannot (75 €). Le même article a été quasiment copiécollé sur les sites helvétiques de 24 Heures et du Matin. Ce dernier semble apprécier la marque si l’on en croit son publi-reportage du 8 mai (2). Des internautes hurlent d’ailleurs à « la pub clandestine » dans leurs commentaires mais en oublient le principal : en plus de renoncer à la présidence de l’Epad, Jean Sarkozy n’a pas de Rolex. Dur de rater sa vie à 23 ans.

La mort du ministre du Travail, Robert Boulin, le 30 octobre 1979, continue d’intéresser une poignée de journalistes (voir Bakchich.info cette semaine). À chaque date anniversaire, de nouvelles révélations remettent en cause la thèse du suicide, servie bien encadrée dès la découverte du corps dans l’étang de Rambouillet. Les archives de l’ina.fr (1) illustrent à merveille ce serpent d’étang médiatique. « Il y a une certitude, il y a bien eu suicide », proclamait pendant une bonne demi-heure PPDA dans son 20h du soir de la mort, il y a trente ans. Le 10 mai 2007 (2), le toujours pape de l’info lançait une enquête qui prouvait exactement l’inverse. Contrairement à notre Poivre gris, la version retenue par la justice n’a pas bougé d’un iota depuis 1979. Comme le dirait Giscard, la déraison d’État, c’est moi.

1. Tapez sur tdg.ch : « Pour faire modeste, Jean Sarkozy porte une Swatch. » 2. Sur lematin.ch : « Swatch : poignet féminin. »

1. Sur ina.fr, tapez ja2 20h, émission du 30 octobre 1979. 2. Sur tf1.lci.fr, vidéo : « Affaire Boulin : des zones d’ombre subsistent. » ✹

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L’être de mon Boulin

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| Bédérésistance

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

soutien

Pas de prison pour Khalid

a Willem, Libération, Charlie Hebdo.

a Geluck, Siné Hebdo.

a Soulcié, CQFD, Psikopat, Siné Hebdo.

L

e caricaturiste Khalid Gueddar, poursuivi par la justice marocaine pour avoir osé représenter la famille royale, sera finalement jugé lundi 26 et vendredi 30 octobre. Pour un dessin, il risque de trois à cinq ans de prison. En fait, comme en témoigne son interrogatoire de garde à vue, les autorités marocaines n’ont pas digéré la BD publiée dans Bakchich.info, croquant Mohammed VI, un roi qui ne voulait plus être roi. Rien de bien méchant. Plutôt la transgression d’un sujet tabou. Celui de la famille royale. La condamnation à un an de prison ferme d’un journaliste marocain qui avait écrit un article sur la santé du roi et la fermeture du journal Akhbar Al Youm, où travaillait Khalid, témoignent de menaces sur la liberté d’expression au Maroc. De Siné Hebdo à CQFD en passant par Le Canard Enchaîné, Le Monde, Charlie Hebdo et Psikopat, près de 30 dessinateurs ont tenu à exprimer leur solidarité. Tous seront publiés sur le site Internet de Bakchich. Merci à eux. En voici quelques-uns ✹

a Jul, Charlie Hebdo.

a Dilem, Liberté.

a Plantu, Le Monde, L’Express.

a Lindingre, CQFD, Siné Hebdo.

a Goubelle, Siné Hebdo.


Bédérésistance | 13

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

soutien

a Berth, CQFD, Siné Hebdo. a Lefred-Thouron, Le Canard Enchaîné.

a Wozniak, Le Canard Enchaîné.

a Lasserpe, CQFD, Psikopat, Siné Hebdo.

a Roy, CQFD.

a Kerleroux, Le Canard Enchaîné, Bakchich.

a Large, Siné Hebdo.

a Jiho, Siné Hebdo.

a Rémi, CQFD.


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| Un peu de culture

Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

effeuillages pépite

De la France et de son ennui Jacques-Marie BOURGET

Le conseiller éditorial de Bakchich s’est ému d’un inédit d’Emil Cioran, écrit en 1941. L’auteur y dresse le tableau d’une France moribonde, en mal d’idéal. Actuel, trop actuel.

U

n homme qui écrit : « J’ai connu toutes les formes de déchéance, y compris le succès », ne saurait être fondamentalement mauvais. Vous avez déjà compris que le philosophe dont il est question ici n’est pas BHL. L’auteur de cette phrase est un inconsolable désespéré, qui ne fut sauvé du suicide que par l’arrivée dans sa vie de la maladie d’Alzheimer. Il est mort en 1995 et s’appelle Emil Cioran. Dans le très modeste logement qui était celui de ce minimaliste, passé à un zen bien à lui par absence d’espoir et par l’étude du bouddhisme, on a retrouvé de nombreux manuscrits. Comme souvent, l’œuvre d’un génie qu’on a laissé crever dans l’indifférence provoque la bataille entre des ayants droit qui n’ont jamais fait leur devoir. Sous le matelas de Cioran, on a, par exemple, découvert un tout petit livre de 90 pages, en petit format au titre sonnant Barrès, un peu ridicule aujourd’hui : De la France. Cette sorte de cantique des Kantiques, écrit en 1941, d’un aphorisme l’autre, a l’avantage d’être d’actualité. Non pas que Cioran soit un prophète mais, la pen-

dule du temps ayant reculé ses aiguilles, l’absence d’espoir de la France de 2009 est comparable à celle qui occupait nos cerveaux la première année de la « dernière » guerre. Avant de s’installer dans ce Paris occupé, Cioran, né roumain d’un père pope et d’une mère incroyante, avait accompli un parfait parcours du combattant du savoir pour publier, à 22 ans, Sur les cimes du désespoir. Un texte où il rêve d’échapper à sa lucidité, à son intelligence des choses. Et vou-

drait être aveugle et inconscient face au poids de la vie. Le jeune intello roumain étudie dans le Berlin du chancelier Hitler où il traite la tentation nazie par un radical antidote, le bouddhisme ; qui va l’extraire à vie du tourment des idéologies. Cioran a trente ans quand il découvre une France en triste État. Venu ici poursuivre ses travaux sur Bergson, il parcourt surtout le pays à vélo et squatte les cafés de Montparnasse et Saint-Germain. Son texte, De la France,

est émouvant, car le jeune auteur n’est pas encore totalement occupé par l’idée fixe du désespoir. Il sait que, pour notre pays, des jours formidables ont existé. C’est à travers eux, et la mémoire de ce bonheur que génère la « grandeur » d’un peuple, que Cioran peint une France en train de mourir, faute de mythes auquel croire, d’idéal. Le jeune homme des Balkans porte encore en lui l’illusion française répandue en Europe à la Révolution, l’idée d’une nation mère des autres. Et Cioran se sent orphelin. Peutêtre aussi le veuf, l’inconsolé de Madame du Deffand, qui écrivait : « Je ne trouve en moi que le néant et il est aussi mauvais de trouver le néant en soi qu’il serait heureux d’être resté dans le néant », « Je ne crois pas que je tiendrais aux Français s’ils ne s’étaient pas tant ennuyés au cours de leur histoire… C’est l’ennui de la clarté. C’est la fatigue des choses comprises. » La France du petit Roumain, c’est « l’élégance », l’art pour l’art, celui du jeu, du rien, du raffinement incompréhensible. Alors que l’Allemand cultive le « mauvais goût » et le Russe l’irrationnel et

Bédés…

Q

« La vie n’existe plus qu’en banlieue. Une France prolétaire est désormais la seule possible », Emil Cioran, 1941. Dur ? Cioran ? Amoureux en tout cas et déçu par un présent qui mérite mieux que ce que nous sommes, « des Français usés par excès d’être. Ils ne s’aiment plus, parce qu’ils sentent trop qu’ils ont été ». Un dernier aphorisme pour le voyage : « Si les Français n’étaient pas dégoûtés d’eux-mêmes, ils mériteraient le mépris. » Pour finir, rappelons-le, Cioran parle ici d’un temps noir et révolu. Toute comparaison avec l’actualité serait donc fortuite ✹ De la France, d’Emil Michel Cioran, éditions de L’Herne, 9,50 euros.

… et belles planches

Bonnet rouge lave plus vert uand il ne s’ennuie pas au d’être prix Nobel d’économie club des grands disparus pour comprendre qu’on ne peut entre Diana et l’abbé Pier« croître » indéfiniment et que re, le fantôme du commandant cette invention récente qu’on apCousteau (qui a découvert l’écopelle « développement durable » logie en même temps ressemble fort à un que Pétain), fait des apoxymore. Isa, scénario paritions remarquées et dessin, a choisi auprès d’une colonie d’aborder ce problème de mérous décimée par en passant par les la pèche intensive. Bonocéans et avec l’aide, net rouge sur la tête et post mortem, du tout cœur sur ma main, premier des aventul’ami des baleines riers écolo-prophètes bleues, des requins médiatiques (invenblancs et des habits teur, rappelle-t-elle, du verts offre ses services concept de « généraà la petite communauté Le fantôme du commantions futures »). Usant aquatique. Mais l’infa- dant Cousteau, par Isa, d’un trait classique au tigable baroudeur n’est éditions Audie, service d’un humour plus tout jeune et les 9,95 euros. ravageur, l’auteur prosirènes du marketing mène son fantomatiécolo sont bien séduisantes… que personnage de séances à Dans un système fermé comme l’Académie Française en réul’est le globe terrestre, pas besoin nions chez les marchands de

le fatal. L’infini, donc le rêve, n’a pas de place dans notre paysage travaillé comme un jardin. Que survienne un accident de l’histoire, aucune folie ne peut nous en guérir. « Les romans de Dostoïevski nous révèlent la désolation prophétique du cœur de l’homme ; ses personnages sont des héros. Les Fleurs du mal – désolation privée d’avenir ; l’individu souffre sans pouvoir agir dans une direction du temps. » En 1941, Cioran nous voit ainsi, la tête dans le sac : « Français des Croisades, ils sont devenus Français de la cuisine et du bistrot : le bien-être et l’ennui. » « La vie n’existe plus qu’en banlieue. Une France prolétaire est désormais la seule possible. »

poissons, avant de mettre le patron de la Calypso en demeure de choisir entre une écologie de surface (où l’on calcule son bilan carbone avant de sauter dans son jet privé) et une réflexion de fond sur les modèles de développement en présence. Car Isa s’est visiblement documentée. On apprend notamment que la majorité des espèces prélevées par la pêche intensive sert à fabriquer des farines d’élevage (5 tonnes de poissons sauvages pour 1 tonne de poissons d’élevage) ou comment les premières algues tueuses (Caulerpa taxifolia) sont apparues en Méditerranée. Entre deux éclats de rire, on s’interroge : l’écologie est-elle aussi apolitique qu’on voudrait nous le faire croire ? Cet album impertinent, « garanti sans jeu de mots sur la peau des mérous », répond à sa façon, originale et drôle ✹ j.-m. B.

Ne manquez pas ce Poe

L

’écrivain Edgar Allan Poe a accompagner la BD. Et l’interacporté la croix de son imagitivité fonctionne. Le format « linaire et l’a délivrée aux forvret » aux pages de papier glacé ceps de l’écriture comproduit l’effet d’un me un haltérophile lève bouquin, un vrai bel ses poids. Nouvelles objet. L’illustration après nouvelles, avec la dans un style « comics » rigueur ascétique d’un noir américain, évite athlète, jusqu’à sa mort habilement ce qui précoce, à l’âge de 40 aurait pu être un parans. L’adaptation en fait raté : le dessin ne BD du court récit La se laisse pas écraser chute de la maison par la puissance du Usher aux éditions du verbe de Poe. On est point d’exclamation englouti mètre après La chute de la maison constitue en France mètre jusqu’à toucher Usher, de Edgar Allan une révolution. Celle Poe, adapté par Philip la nappe phréatique où de mettre en cases des Craig Russell et Jay Geld- nagent, comme des fœclassiques de la littéra- hof, Les éditions du point tus, les personnages ture mondiale, ce qui d’exclamation, 14 euros. obscurs du nouvelliste. se fait aux États-Unis Sortie le 13 novembre . Preuve que dans nos depuis plus de 50 ans. bibliothèques, c’est-àL’exercice n’était pas facile, puisdire dans la vie, on manque touque l’éditeur s’est compliqué la jours de Poe ✹ vie en créant un CD musical pour louis Cabanes


Bakchich Hebdo | mercredi 28 octobre 2009

Un peu de culture | 5 technicolor on s’fait une toile ?

Micmacs… : le fabuleux rien de Jeunet marc godin

Les tribulations d’une bande de chiffonniers en guerre contre de méchants marchands d’armes. Une pantalonnade kitsch et débile par le papa d’Amélie Poulain.

P

as possible d’allumer la télé ces jours-ci sans voir la trogne de Dany Boon. - Le cinéma français est financé par la télé. Pour cartonner en salles, les décideurs veulent absolument un comique capable de faire le show chez Denisot, Arthur ou Drucker. C’est pour cela que Jean Dujardin, Kad Merad, Gad Elmaleh, Franck Dubosc ou Dany Boon trustent maintenant le haut de l’affiche. - Et Jamel ? - C’est marrant que tu mentionnes Jamel, il devait être la vedette de Micmacs à tire-larigot. Deux mois avant le début du tournage, il a laissé tomber. Pour une fois, il avait peut-être lu le scénario… - On dirait que tu n’as pas apprécié le Jeunet à sa juste valeur ? - On peut dire ça comme ça. - Alors, le pitch ? - Bazil n’a pas de chance dans la vie. En plus d’avoir un look de clodo Jean Paul Gaultier, son papa a fait boum sur une mine et il a lui-même, logé à l’intérieur de son front, une balle qui peut le faire mourir à tout instant. Avec une bande de chiffonniers bas de plafond, il va se venger des méchants marchands d’armes.

- Et ? - C’est tout ! - Arrête ! - Je t’assure. Comme il faut meubler les 1 h 44, Jeunet invente deux ou trois péripéties pour ses caricatures de personnages : une contorsionniste se planque dans un frigo, Dany Boon espionne des malfaisants, passe à travers les cheminées, fait l’homme-canon… - Ça fait beaucoup de passages dans des conduits sombres… Où il veut en venir, J. P. J. ? - Nulle part. Jeunet n’est pas un metteur en scène, c’est un enlumineur, un taxidermiste, le Monsieur Ripolin du kitsch. Le logo de sa boîte, Tapioca Films, c’est un opérateur qui tourne la mani-

velle de sa caméra. Son credo, le cinéma bricolo, le réalisme poétique, les films de Carné et Prévert, revus et corrigés par le numérique. Jeunet fait dans l’esthétiquetoc : un diable devant le MoulinRouge, les pavés luisants devant un pavillon de banlieue, le canal Saint-Martin… Un Paris qui n’existe plus, ou seulement dans le cœur des touristes japonais et des pubards, avec des couleurs Photoshop. C’est parfait pour une pub Chanel, un peu court pour du cinéma. - Et Micmacs à tire-larigot, qu’estce que ça raconte ? - Rien, et c’est ça le problème. La filmo de Jeunet est d’une consternante vacuité. Si Delicatessen pou-

vait faire illusion, il n’y avait rien dans La cité des enfants perdus ; Alien, la résurrection, dans lequel Sigourney Weaver affronte un suppo géant, était une cata ; Un long dimanche de fiançailles, une trahison du beau roman de Japrisot, et le triomphal Amélie Poulain, une histoire d’amour factice et insipide sur fond de poésie à deux balles. Avec Micmacs, Jeunet revisite la série Mission impossible qu’il transpose dans l’univers rétro-nostalgique-cucul d’Amélie. Le cinéma, c’est plus difficile à maîtriser qu’un logiciel Son modèle, le cinéma muet. On se poursuit, on tombe, on s’envole… Jeunet rêve de Chaplin et de Keaton mais fait du cinéma à la tronçonneuse, comme Albert Dupontel. C’est lourd, moche, sans grâce et surtout sans âme. La poésie, c’est plus dur à maîtriser qu’un logiciel. - Bah, pas de quoi s’énerver quand même. Jeunet n’est pas le seul mauvais réalisateur français. - On ne peut lui tenir rigueur de son manque de talent. Mais ce qui me débecte profondément, c’est sa mégalomanie. Depuis le triomphe d’Amélie Poulain, Jeunet ne se sent plus. Alors, dès qu’il peut, il passe ses nerfs sur les critiques, des ignares, des jaloux, incapables de reconnaître son talent. Comme Kaganski, le critique des Inrocks, régulièrement qualifié de « merde »… - Conclusion ? - Pour un film qui commence avec le générique du Grand Sommeil, on baille beaucoup… ✹ Micmacs à tire-larigot, de Jean-Pierre Jeunet, avec Dany Boon, Jean-Pierre Marielle, Yolande Moreau. En salles le 28 octobre.

zappette

« Ce soir ou jamais », un talk plus chaud du tout

A

vec Ce soir ou jamais, France 3 tient sa Roue de la fortune. L’an passé, regarder le barnum de Taddeï était s’assurer d’un bon moment. C’est fini. La qualité de cette émission pour noctambules relève d’un coup du sort. Elle est nulle ou, par miracle, intéressante. A-t-on rêvé l’an dernier quand on a entendu, ici, l’incroyable Jean-Didier Vincent, neurobiologiste, répondre à la question « Mais que faut-il faire de Sarkozy ? », répondre : « Eh bien, le flinguer ! » C’était de la bonne télé réalité. À l’écran, on croisait Alain Badiou, Schlomo Sand, des anars belges, des tas de types. Même des salopards, qui avaient des choses à dire, et parfois drôlement. Je soupçonne que l’on applique à Taddeï la recette qui a escamoté Frédéric Fernet de l’émission littéraire de France 5. Pour laisser la place à Busnel, un marchand d’une auto de marque satisfaction. Fernet ? On l’a obligé à s’entourer de pom pom girls comme Géraldine Muhlmann. Il en est mort.

Comme s’il était sponsorisé par Justin Bridou, on a l’impression que Taddeï a été contraint de saucissonner son talkshow, de le saupoudrer d’interventions de supposés artistes, ou d’un préambule d’images télé qui nous indiffèrent. Une manière de dire pour une manière de voir : « Mon émission est un divertissement et si, à Dieu ne plaise, vous entendez des gros mots contre Sarkozy, n’ayez pas peur, c’est pour de rire. » Taddeï se suicide en invitant de bruyants monomaniaques

Dans le passé, les invités avaient l’air de sortir du bistrot et continuaient de déconner, librement, puisque nous étions encore en République. E finita la commedia, maintenant, les experts se cooptent. Comme pourrait le dire un cire pompes très aimé de Taddeï, un nommé Maffesoli (le clown qui a accordé un doctorat de sociologie à l’astrologue Elizabeth Teissier) : Ce soir ou jamais n’est plus un forum, mais une tribu. Taddeï se suicide

aussi en invitant systématiquement de bruyants monomaniaques, dont il sait pourtant qu’ils vont saboter son émission. Comme Bernard Debré, un « maître queue », qui radote : « Jean Sakozy à l’Epad, c’est vraiment épatant. » L’unique souci de Taddeï est de ne plus faire sérieux. Cruel de voir un type intelligent et cultivé contraint par ses supérieurs de se tirer une balle dans la tête en direct. Pour nous quitter sur une note positive, signalons l’heureux tirage du Ce soir du mercredi 21 octobre. Là, le spectateur ébahi a pu constater qu’Allègre, ancien ministre nul et géologue au cœur de pierre, était mille fois plus compétent en matière de « réchauffement de la planète » que le pauvre Arthus-Bertrand. Par charité chrétienne, je vous indique donc une prière qui peut aider à la rédemption de Yann (merci Prévert) : « Notre Arthus qui êtes au ciel. Restez-y. Et nous nous resterons sur la terre. Qui est quelquefois si jolie » ✹ jacques-Marie bourget

Panique au village de Vincent Patar et Stéphane Aubier

Avec des figurines en plastique animées, Vincent Patar et Stéphane Aubier racontent l’histoire de cowboy et d’Indien qui veulent construire un barbecue en briques pour leur ami Cheval. C’est drôle, surréaliste, intelligent, poétique : bref, tout ce que n’est pas le Jeunet ! Irène d’Alain Cavalier

En 1972, Irène Tunc, la femme d’Alain Cavalier, meurt dans un accident de voiture. Peut-on filmer l’absence ? Réponse dans une magnifique décla­ ration d’amour du réalisateur de La Chamade et de Thérèse. Providence d’Alain Resnais (reprise)

J’ai découvert Providence à sa sortie, en février 1977. Trente-deux ans plus tard, plusieurs scènes, notamment une autopsie, sont toujours gravées dans ma mémoire. Pour Deleuze, c’est un des plus beaux films d’Alain Resnais. Il n’a pas dit que des conneries, Gillou… Cinéman de Yann Moix

Abandonné par Benoît Poelvoorde, le film de Yann Moix a été tourné il y a plus d’un an et demi, avec ce grand acteur shakespearien qu’est Franck Dubosc. Ça ne sent pas très bon… This is it de Kenny Ortega

Bambi est mort, mais on continue à traire le macchabée. Des répétitions de l’ultime spectacle de Jacko, montées par le réalisateur (oups !) de High School Musical. Pour faire événement, le film ne restera en salles que 15 jours. Et le DVD ? ✹


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| Ben la Der

Culture | bakchich

chaud, chaud, chaud

France

coup de coude

planètes politiques

L’horoscope d’Élisabeth Feissier

De grâce, cachez la mémère

VERSEAU, 20 JANVIER - 18 FÉVRIER Période de turbulences, Nicolas Sarkozy. Une partie des élus UMP vous a reproché votre acharnement à défendre la candidature de votre fils à la tête de l’Epad et regrette votre enfermement dans une tour d’ivoire. Votre envie de tout diriger irrite. Prenez le temps d’écouter ou vous filez tout droit dans le mur.

acrés mundélés façon­f açon, bizarres toubabs, vous nous ferez toujours rigoler. Petit Jeannot jette l’éponge et renonce à l’Epad (établissement public d’aménagement de La Défense), « fidèle à ses convictions » ! Les mêmes fortes convictions, probablement, que celles de son père… Mais cachez donc au bout du jardin la mémère Balkany et « ses besitos », parce que nous, en Afrique, on avait déjà soupé des

POISSONS, 19 FÉVRIER - 20 MARS Mercure la communication est au plus près de vous, Henri Guaino. Vous enchaînez les interviews et les plateaux télé, au point d’agacer votre congénère de zodiaque, François Fillon. Risque d’un chat persistant dans la gorge dans les prochains jours. BÉLIER, 21 MARS - 21 AVRIL Votre voyage en Chine a dépassé vos espérances, Xavier Bertrand. Vous avez signé un protocole d’échanges entre l’UMP et le Parti populaire chinois. Un rapprochement politique improbable qui devrait avoir son petit effet. Pensez à garder les pieds sur terre. TAUREAU, 22 AVRIL - 20 MAI Votre prestation télé, la semaine dernière sur France 2, n’a pas convaincu les Français, Brice Hortefeux. Pire, vous vous êtes placé en quatrième position des audiences ! De quoi exaspérer Nicolas Sarkozy qui regarde ces résultats à la loupe. Pensez à prendre des vitamines au petit-déjeuner.

GÉMEAUX, 21 MAI - 21 JUIN Saturne vous a fait une surprise, José Bové. Votre fille Marie a annoncé sa candidature aux régionales en Aquitaine. Famille Bové contre famille Sarkozy, le duel médiatique s’annonce serré. Le zodiaque s’en mêlera sûrement. Mollo sur la pipe en cas de stress. CANCER, 22 JUIN - 22 JUILLET Mars arrive près de votre signe, Benoît Hamon. Vous en profitez pour proposer votre candidature aux régionales. Depuis la perte de votre siège de député européen, vous attendiez une fenêtre pour revenir dans la course politique. En voilà une que vous ne comptez pas laisser passer. Prudence sur la route en scooter. LION, 23 JUILLET - 22 AOÛT Le lion reprend l’offensive. Vous avez surpris votre monde, Martine Aubry, en déclarant : « Je suis complètement ringarde et je le reste. » Face à vos petits amis du PS qui multiplient les apparitions posées dans la presse, vous cultivez votre différence. Maux de tête possibles cette semaine. VIERGE, 23 AOÛT -22 SEPTEMBRE On ne parle que de vous, Jean Sarkozy, et vous y prenez goût. Votre papa a jugé votre prestation télé éblouissante. Vous avez retenu les tournures et la gestuelle du Président. À ce rythme-là, votre entrée au Musée Grévin ne devrait plus tarder. Repos recommandé.

BALANCE, 23 SEPTEMBRE - 22 OCTOBRE Vous reprenez du poil de la bête, Frédéric Lefebvre. Votre patron Sarkozy vous a appelé à la rescousse pour faire oublier l’affaire du fiston. Moral en hausse. SCORPION, 23 OCTOBRE - 21 NOVEMBRE Vous préparez l’avenir, Dominique de Villepin, après la fin du procès Clearstream. Ainsi, avezvous fait offre de vos services en argumentant « être sans rancœur » vis-à-vis du chef de l’État, et « disponible pour servir la France ». Négociations à venir. Restez lucide.

S

couillonnades du grand ami de votre maxi-Kaiser, Paaatrick. Nous ne connaissions pas Isaaabelle, la vice-patronne du 9-2 et la tata-marraine politique du pauvre petit Jeannot, tout-nouveau à lunettes. De grâce, planquez-la et, surtout, parquez-la à Levallois, car elle est dangereuse pour l’image de la France et, en plus, elle a quelque chose de la Trabelsi-Ben Ali de Tunisie. À votre bonne santé ! ✹ s.a.r. le prince pokou

coup de griffe

SAGITTAIRE, 22 NOVEMBRE 20 DÉCEMBRE Les sagittaires sont dans l’angoisse, à commencer par vous Jacques Chirac. Cette semaine, vous connaîtrez la décision de la juge Simeoni de vous renvoyer ou non devant la justice, dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. La simple idée vous fait froid dans le dos. Pensez à mettre un pull chaud. CAPRICORNE, 21 DÉCEMBRE - 19 JANVIER Série de lapsus, Christine Lagarde, qui n’est pas passée inaperçue à l’Assemblée nationale. À croire que votre confusion entre Valéry Giscard d’Estaing et son fils était à rapprocher d’une autre affaire de famille. L’affaire ne gâche pas votre bonne humeur. Un écho paru dans la presse vous place en tête des premiers ministrables. Attention aux courants d’air ✹

coup de boule

Un nouveau suicide en prison

La partouze financière peut continuer

R

eprenons. Jean-François Lamour, député UMP ­maladroit, s’est trompé de bouton, vendredi dernier, à l’Assemblée. Résultat, un amendement – adopté préalablement en commission des finances grâce à l’apport de quelques voix de droite – condamnant les banques à une surtaxe de 10 % de leur impôt, a été voté à une courte majorité. Passons sur cette énième pitrerie législative, même si elle nous autorise à rappeler que ce multimédaillé olympique du sabre n’est plus une fine lame. Le chef Copé a, bien sûr, arrangé ça, nouveau vote à l’appui. Il a l’habitude. Revenons à l’essentiel. Un certain nombre d’élus avaient jugé légitime de demander à nos chères banques une contribution à l’effort de redressement des finances publiques. En remerciement – entre autres – de l’aide qu’elles avaient reçue au plus fort de la crise. Ces 10 %, c’était tout de même une affaire à un bon paquet de centaines de millions (600, selon les plus basses estima-

tions, celles de Bercy, bien sûr). Mme Lagarde, relevant sa mèche rebelle, avait suffoqué, parlant d’une mesure de nature à « plomber le système bancaire français », qui selon elle, n’avait été pour rien dans le déclenchement de la crise et en aurait même été la première victime. Et voilà un nouveau chapitre du grand livre de l’économie racontée aux enfants qui s’écrit. Qui peut croire que les grandes banques françaises n’ont pas participé, via toutes sortes de fonds, à la grande partouze financière en terre américaine ? Remarquez, on a déjà réussi pendant quelques mois à nous vendre l’idée, parfois sur le perron de l’Élysée, que le seul et vrai scandale des banques était celui des rémunérations de leurs dirigeants. De nature réservée, ils n’ont pas explosé de rire à l’époque. Juste souri en s’en retournant à leurs vraies affaires. Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde n’ont toujours pas compris que ces gens-là les méprisaient souverainement, mais poliment ✹ É. w.


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