Bakchich N° 21

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La pouffe se presse au kiosque | P. 11

bakchich

N° 21 | du SAMEDI 24 au jeudi 29 avril 2010 | informations, enquêtes et mauvais esprit

enseignement

Les poches percées du Cnam | P. 5 Grigny, ville sous tension | P. 6-7 Alors que Sarko 1er se resaisit du thème sécuritaire, plongée au cœur d’une des villes les plus pauvres d’Ile-de-France. Entre violence et résignation.

environnement

Éco Huile grippée par Total et Veolia | P. 9 mode

BAK, la marque qui braque la police | P. 10

L 13723 - 21 - F: 1,00 �

pipole

malgré l’interdiction de voler, certains pistonnés ont pu s’envoyer en l’air : les patrons de lvmh, le prince aga khan, le grand argentier du foot jean-claude darmon… page 3

Bel : 1,50€ - CH : 2,50FS

Franck Ribéry en la mineur | P. 15 Et sur Internet


Apéro catastrophe

minc au four et au moulin

ces lieux ou l'on ne fait que survivre

N

B

rasillia a cinquante ans. Les Brésiliens en ont fait leur capitale. L’architecte Oscar Niemeyer savait les volumes et le jeu des ombres. Le palais présidentiel donne l’impression d’être posé sur le sol. Et la cathédrale voudrait redonner la foi au pire des mécréants. La France a aussi ses villes nouvelles conçues par des architectes qui n’étaient pas tous mauvais. Ils portaient l’espoir du formica, des plaisirs découverts de la salle de bains et des cuisines orange. Mais plutôt que d’installer, là aussi, des ministères et la présidence de la République, la France y a relégué ses pauvres en ghettos. En 1967, à La Grande Borne de Grigny (92), on a déporté des habitants du XIIIe arrondissement de Paris, et d’autres qui survivaient sur de vagues terrains (lire pages 6 et 7). Ainsi libérés, cités de transit et bidonvilles ont été remplacés par des tours. De nouveaux arrivants se sont installés dans ces HLM de la « grande couronne ». À La Grande Borne, confinée entre l’autoroute, où l’on voit si bien passer le train-train des vacanciers sans jamais y grimper, et une nationale, ils ont élevé leurs enfants, non à l’ombre d’un palais d’État mais de Fleury-Mérogis, la plus grande taule d’Europe. La peur de la prison, déjà. Politique policière qui n’a servi à rien, qui recommence et sera stérile. Quand, en violence, La Grande Borne est dépassée, c’est qu’il n’y a plus de limites. Qu’à s’intéresser, enfin, à ceux qui survivent là ✹

la rédaction

coup de boule

silence sur un acte barbare C

apable de payer 190 000 euros la belle Monica Bellucci pour qu’elle accepte d’honorer de sa présence un gala de soutien au régime, comme l’avait raconté Bakchich (n° 8 du 11 novembre 2009), le dictateur ouzbek Karimov a du sang sur les mains. En 2005, ses soldats ont massacré 500 protestataires dans la ville d’Andjian. Les pays de l’Otan avaient quand même répliqué en imposant des sanctions. Mais, en 2009, avec le fort soutien de la France, l’Union européenne, qui a soif du pétrole d’Asie centrale, a levé l’embargo sur la vente d’armes à Karimov, décrété après ce massacre.

activisme

Depuis 2005, le dictateur persécute les ONG, dont plus de 300 ont été contraintes de cesser toute activité. L’une d’entre elles s’est récemment attiré les foudres de Karimov : le collectif antisida Izis. Izis a été fondé par un jeune psychologue de 28 ans, Maxime Popov, qui a écrit une brochure – financée par le Fonds mondial de lutte contre le sida et l’Unicef – prônant le safe sex et l’utilisation de préservatifs, y compris dans les rapports sexuels entre hommes. Il avait aussi distribué une autre plaquette, publiée par l’ONU, sur la prévention du VIH chez les homosexuels. Même si, en Ouzbékistan, la croissance du taux d’infection par le VIH est l’une des plus rapides du monde, ce pauvre Maxime Popov s’est retrouvé inculpé de tous les

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maux pour avoir tenté de freiner ce fléau : incitation à l’homosexualité (un crime en Ouzbékistan), abus de mineurs sans violences (parce que Popov avait distribué ses brochures antisida aux éducateurs)… Le jugement qui a envoyé Popov en prison pour sept ans a qualifié ses publications de « contraires à la mentalité, aux bases morales de la société, de la religion, de la culture et des traditions du peuple d’Ouzbékistan ».

homophobie

Si envoyer un jeune homme en prison pendant sept ans pour avoir parlé de capotes semble barbare, le régime de Karimov espère ainsi apaiser le mouvement islamiste intégriste, grandissant et férocement homophobe, principale menace au dictateur dans un pays musulman à 90 %. Dans une région où des innocents meurent chaque jour, le calvaire de Popov n’a pas attiré la compassion du monde. Les États-Unis et la France, qui prétendent être les phares des droits de l’homme, n’ont pas considéré que demander l’amnistie pour Popov était de leur devoir – car, pour eux, la guerre contre les talibans et la raison d’État priment sur tout. Leur silence est assourdissant. La presse occidentale n’a pas non plus parlé du cas de l’innocent militant anti-VIH. Le New York Times n’a publié qu’une seule phrase sur lui. Et Maxime Popov croupit toujours dans une geôle de Karimov ✹ doug ireland

Bakchich Hebdo N°21 | du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010

coulisses

les trophéEs Le vol de la semaine

Pour honorer ses meilleurs clients de l’île de la Réunion, Air France a organisé une soirée de gala au Grand Hôtel du Lagon. Habitué à prendre l’avion pour raison professionnelle aux frais du ministère de la Justice, le premier président de la cour d’appel, Jean-François Gabin, était de la partie. Et le veinard n’est pas reparti les mains vides. Le site réunionnais Clicanoo.re rapporte que l’heureux patron des juges locaux a gagné deux billets allers-retours en première classe pour Tahiti (d’une valeur d’environ 30 000 euros). Deux vols mis entre les mains d’un juge, ça semble normal, mais les Réunionnais auraient préféré que Gabin ne touche pas à ce grisbi.

Le malchanceux de la semaine

« Depuis dix-huit ans, il scrute les mouvements de la croûte terrestre au millimètre près », explique l’AFP à son sujet. Mais au moment de la fameuse éruption islandaise, qui a bloqué le trafic aérien européen, Freysteinn Sigmundsson s’est retrouvé bloqué… en France. La veille, le grand spécialiste du volcan Eyjafjöll avait pris l’avion pour Paris pour participer à une réunion de vulcanologues. Toute la semaine, le pauvre Sigmundsson a donc vécu le moment le plus intéressant de sa carrière derrière son ordinateur.

Le téléspectateur de la semaine

En promo mondiale pour son livre, Nasser Al-Bahri, celui qui se présente comme l’ancien garde du corps de Ben Laden, a révélé que le chef d’AlQaida n’était même pas devant sa télé le 11 septembre 2001. Les petits copains d’Oussama ne seraient pas parvenus à capter le signal satellite en Afghanistan. Autre anecdote contée par Al-Bahri, cette fois dans les journaux anglais: lors de sa première rencontre avec le chef des pirates de l’air Mohammed Atta, celui-ci « jouait à un jeu vidéo de la Playstation dans lequel il pilotait un avion ». Très, très cathodique tout ça ✹

Mot à Mot

Ne comptez pas sur moi pour écrire le nom de ce trou fumeux qui a empêché tonton Rémy et tata Suzette de revenir de Saint-Barth à temps pour nourrir le chat. Résultat : le petit chat est mort. Salaud de volcan. Nous dansions sur un volcan et nous ne le savions pas ! En comparaison de ce truc capable de tétaniser cent aéroports pendant des jours, la CGT-Cheminots et SUD, c’est du pet de lapin, avec leurs petites grèves de terminus de tram,

même au sud d’une ligne Dijon-Bordeaux, là où les premiers beaux soleils, qui donnent envie de merguez grillées et de siestes coquines, facilitent forcément la mobilisation de la base. Ne sous-estimons pas le poids des volcans sur l’Histoire : il est considérable. On a rappelé, ces jours-ci, qu’en 1783 l’éruption du Laki, autre chaudière islandaise, avait pourri le climat au point que les pauvres, affamés, ont fini par faire la Révolution française six ans plus tard (les pauvres sont lents). Avant, en 79 ap. J.-C., le Vésuve avait englouti Pompéi et procuré une destination touristique aux Japonais dix-neuf siècles plus tard (les Japonais ne sont pas rapides non plus). Mais le plus gros coup, on n’en parle guère : en avril 1815, l’éruption du Tam-

e dites surtout pas à Alain Minc qu’il est un homme d’affaires intéressé avant tout par l’argent qu’il peut gagner en utilisant son carnet d’adresses. Il se croit penseur. D’où sa propension à sortir régulièrement des livres écrits avec l’aide de nègres généreusement rétribués. D’où, aussi, ses interventions fréquentes sur les sujets les plus divers dans des médias particulièrement complaisants. Depuis quelques mois, ce défenseur de « la mondialisation heureuse » (titre d’un ouvrage signé par lui en 1997) se répand partout pour donner son avis sur la crise économique et financière qui a éclaté en 2008. Ce qui fait hurler les économistes, les vrais, même si cette profession n’est pas exempte de reproches. Dernière saillie de Minc, un récent matin sur une radio publique : la crise est finie. Ceux qui doivent s’inscrire en ce moment au Pôle emploi en raison des difficultés de leur entreprise apprécieront. Mais ça, c’est pour la galerie. Comme on vient de le voir au sujet de la nomination du nouveau président de France Télévisions, Minc veut placer ses pions. Rappelons les faits : il explique à Super Sarko qu’il faut supprimer la pub sur la télé publique et qu’il faut vendre sa régie publicitaire. Cette régie doit être cédée pour 20 millions d’euros à un duo formé par Publicis et Stéphane Courbit, que Minc présente comme son poulain, lequel lui a généreusement ouvert le capital de sa holding. Et qui doit hériter du poste de patron de France Télévisions ? Alexandre Bompard, un autre poulain. Sous d’autres latitudes, on parlerait de République bananière. Les patrons occidentaux de passage à Paris disent qu’aux États-Unis un tel mélange des genres provoquerait un scandale d’État et la démission des dirigeants politiques. Des prudes qui n’ont rien compris à l’entreprise de modernisation engagée par Super Sarko✹

gari john

bora, en Indonésie, grilla 70 000 gus et sa fumée salopa le monde entier (d’où, paraît-il, les couchers de soleil sur ciels charbonneux du peintre Turner – pour Waterloo, faut voir). On appela 1816 l’« année sans soleil », les colons de l’Est des États-Unis crevaient de froid, la Suisse criait famine, il gelait le 15 août en France et ça râlait sec. Résultat : la conquête de l’Ouest fut lancée, on inventa les banques chauffées et Louis XVIII dut dissoudre sa fameuse Chambre introuvable, celle dont parlent les journalistes chaque fois que la droite gagne la queue du Mickey. Éruption, pollution, dissolution : pourquoi pas ? À chaud, Sarko ! Ça nous ferait un bel été ! En quelque sorte : sous le volcan, la plage… ✹

jacques gaillard


Apéro

Les riches continuent de s’envoyer en l’air transports Après l’éruption du volcan Eyjafjöll, le simple mortel, privé de vacances, était cloué au sol. Pourtant quelques grands de ce monde pouvaient s’envoler du Bourget.

I

ls en rêvaient : traverser les Jean-Claude Darmon, grand arairs pour rejoindre une desgentier du foot et très proche du tination fantasmée. Avion, clan Sarkozy, a ainsi pu s’envoyer hôtel, musées… tout était en l’air à bord d’un Falcon 900 réservé. Loupé ! Depuis le 16 avril, EX immatriculé GP NJ. L’avion des millions de personnes ont été de Bernard Arnault, le PDG de empêchées de prendre l’avion. LVMH – qui n’était pas à bord –, Maudit volcan ! Un fâcheux a, lui aussi, décollé sans problème. contretemps que De son côté, le n’ont pas connu prince Karim Face au principe de les hommes Aga Khan IV, un précaution, ordinaires et richissime chef d’affaires, qui ont continué de spirituel musulVIP ne sont pas égaux. décoller depuis man, gros bras l’aéroport des financier de la grands de ce monde, Le Bourget Françafrique, a quitté ses écuries (93). En plein embargo du ciel après de Chantilly pour sauter dans son l’éruption d’un volcan islandais Bombardier Global enregistré au au nom imprononçable, l’aviation Luxembourg (LX ZAK). Précisons d’affaires a plané au-dessus des que ces avions à réaction volent à règlements et des nuages chargés la même altitude que les Airbus de silice. A320 transportant les voyageurs

anonymes – même si certains tronçons de vol ont été effectués à vue, comme pour l’aviation légère des aéro-clubs. Décidée progressivement par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), l’interdiction de voler ne frappe que les citoyens ordinaires. Il est difficile de savoir si la DGAC a fait une bourde en oubliant l’aviation d’affaires, ou si cet oubli fut volontaire. Face à cette dérogation de fait, certains contrôleurs aériens du Bourget n’ont pas caché leur réticence au moment d’accorder les autorisations de décollage. D’autres ont parfois perdu les plans de vol. Avant l’interdiction générale, le vendredi 16 avril, des petits chanceux ont réussi à embarquer dans les rares avions de grande ligne qui décollaient encore. Ce vendredi, Claire Chazal a pu embarquer, de Roissy, pour les Seychelles. Les portes de l’avion, déjà fermées, ont été rouvertes pour la princesse de l’info. La veinarde. Air France a choisi, lorsqu’il fallait arbitrer entre plusieurs vols, les destinations lointaines et prestigieuses. Ainsi, en début de semaine, les long-courriers vers les États-Unis ont été privilégiés sur des ParisToulouse. A posteriori, il s’avère que voler malgré le fumeux nuage ne représentait qu’un danger limité. Arrivé en Afrique, un pilote d’un vol privé a constaté que les bords d’attaque et les prises d’air de son engin n’avaient ingéré aucune poussière. « Tout cela remet en question le principe de précaution poussé jusqu’à l’absurde », affirme un syndicaliste du transport aérien. Le respect du principe de précaution reste un libre choix pour quelques privilégiés, une obligation subie pour le bon peuple ✹ françois nénin

chef scoop L’attaché culturel français au Niger accusé de pédophilie

L’Enquêteur (n° 383 du 13 avril 2010), journal francophone de Niamey, incrimine Philippe G., attaché culturel à l’ambassade de France au Niger, pour acte de pédophilie. Grave accusation pour un journal qui tire à 2 000 exemplaires ! Après le scandale des prêtres pédophiles, c’est au tour de la diplomatie française de « titiller » la petite adolescence, cette fois-ci subsaharienne. Réunies dans un kiosque téléphonique le 29 mars dernier, quatre fillettes de 12 à 14 ans sont, après dénonciation, interpellées par la police avant d’être interrogées au commissariat. Elles avouent se rendre « de temps en temps chez un expatrié blanc qui les contacte par téléphone ou qui vient les chercher dans son véhicule Toyota 4x4 de couleur blanche ». L’immatriculation est même mentionnée. Une perquisition au domicile de l’homme en question, alors en France, met la main sur des clichés des fillettes et sur un attirail digne d’un studio photo. Philippe G. a été arrêté en France grâce à la collaboration des représentants de l’ambassade de France au Niger. Le Quai d’Orsay a saisi la justice française, qui a ouvert une instruction, laquelle est en cours, confirme à Bakchich la direction de la communication Henry de Saint Clair du ministère ✹

Atomes crochus

Y a qu’HSBC pour ramasser

En récupérant la liste de milliers de comptes issus de la banque HSBC, le procureur niçois Éric de Montgolfier a découvert tout un univers de fraudeurs fiscaux. Auxquels s’intéressent nos voisins ou alliés. L’Italie a demandé – et obtenu – que le parquet niçois lui transmette le nom de 10 000 de ses compatriotes inscrits sur les fichiers. Et les ÉtatsUnis, après avoir récupéré des milliers de comptes de leurs ressortissants dans la grande banque suisse UBS, ont découvert que des passerelles étaient établies vers HSBC… Pour éviter les fuites, Bercy et la chancellerie ont trouvé leur plombier. La proc adjointe de Bobigny, Solange Morrachini, en pole pour être nommée à la tête des douanes judiciaires. Service en charge, notamment, du dossier HSBC.

Delanoë à l’école Chirac

Le chantier de rénovation des Halles est un dossier qui pourrait bien empoisonner la mairie de Paris. L’association Accomplir vient de déposer un référé afin d’annuler la destruction du jardin. Le juge du tribunal administratif statuera le 6 mai. « Nous ne sommes évidemment pas opposés au principe de la rénovation des Halles, mais il n’est pas nécessaire d’en passer par la destruction de ce jardin », plaide Élisabeth Bourguinat, de l’association. La Ville de Paris se serait « autoaccordé » le permis de démolition sans passer devant les élus. Pourquoi s’embarrasser de procédures si lourdement démocratiques ?

Muselier convoqué

a Les belles bêtes ! Ici, l’avion privé du prince Karim Aga Khan IV. À droite, celui du self-made-man JeanClaude Darmon. Ils ont fait partie de ces VIP qui ont pu décoller malgré le nuage de cendres.

Chose promise, convocation due. En début de mois, une violente altercation avait opposé Alexandre Guérini, le frère du patron des socialistes marseillais, Jean-Noël, et principale cible de l’enquête sur les marchés publics dévoilée par Bakchich en octobre dernier, au député Renaud Muselier. Si bien que l’avocat de « Lou ravi de la politique marseillaise » s’était fendu d’une lettre au procureur. Muselier a donc été convoqué, le 19 avril, au commissariat central de Marseille, pour être entendu. Sans qu’une quelconque plainte soit déposée. Pas encore avec cette sardine que le Vieux-Port sera bouché…

Petite surprise au sommet sur le nucléaire organisé par le primesautier président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, le 17 avril. La présence à Téhéran du ministre des Mines centrafricain, Sylvain Ndoutingaï. Suffisant pour que s’affolent département d’État américain, Union européenne et industriels français. La Centrafrique possède l’un des plus importants gisements d’uranium du monde.

Areva en apesanteur

Le favori pour remplacer Anne Lauvergeon à la tête d’Areva était jusqu’à ces derniers jours Yazid Sabegh, le pote du patron d’EDF, Henri Proglio, fort de ses relations dans le monde arabe. La perspective a provoqué un sérieux tir de barrage d’Alain Minc… allié, pour le coup, aux proches de François Fillon. Et l’Élysée de se transformer en standard pour sonder les possibles candidats. Jusqu’au directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo ! Un certain Jean-François Carenco, haut fonctionnaire de deuxième rang, qui n’hésite pas à envoyer des courriers à Proglio (avec copie à Claude Guéant) pour se faire mousser. Ce qui fait sourire, en prime, son patron Jean-Louis !

Bruxelles en eaux troubles

Les géants français de l’assainissement, la Saur, Veolia et Suez environnement, ont tous trois dû soulever leurs jupes, les 12 et 13 avril devant la Commission européenne. Bruxelles, soupçonnant des ententes sur le marché de l’eau, s’est appuyée sur les équipes de la répression des fraudes françaises pour perquisitionner les sièges des trois industriels. « D’ordinaire, quand ce genre de descente a lieu, décrypte un spécialiste, c’est que l’un des trois a balancé pour être amnistié. » L’eau ne dort jamais.

Guéguerre sénégalaise

La doucereuse baie de Hann séduit toujours les diplomates français. Qui se pressent pour succéder à Jean-Christophe Ruffin, le littéraire ambassadeur de France à Dakar. Jamais le dernier à placer ses copains, Bernard Kouchner a d’abord voulu nommer Dominique de Comble de Nayves. Retoqué par le Sénégal. Et c’est désormais Nicolas Normand qui se trouve en lice, l’ancien ambassadeur au Congo, dans le bureau duquel le ministre des factures étrangères avait l’habitude de signer ses contrats de prestations avec les gouvernements africains. Kouchner a bien saisi le sens de l’ouverture sarkozienne ✹

du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010 | Bakchich Hebdo N°21

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Apéro bernadette chirac nommée à lvmh

afrique du sud

le spectre de l’apartheid rôde le plus grand événement sportif D’autres chiffres accablent : 80 % des Blancs ont le baccalauréat, mondial, cela fait tache. Pour ne contre 40 % des Noirs, et 90 % des pas choquer les touristes qui vont terres arables appartiennent aux venir en masse durant la compéBlancs. Pas étontition, les diffénant que de vives munici49 % des Noirs vivent sous rentes tensions raciales palités hôtesses subsistent entre le seuil de pauvreté contre de la Coupe du fermiers blancs monde comptent 3,6 % pour les Blancs. qui ne veulent adopter diverses pas rendre les mesures pour « nettoyer leurs rues ». Parmi ces terres et leurs employés noirs, sous-payés. Plus de 2 000 autres mesures, certaines consistent fermiers ont été tués depuis 1994. à déplacer les SDF à l’extérieur Dans les grandes villes, la ségrédes villes ou loin des lieux à forte gation existe bel et bien. Là où fréquentation touristique. L’idée s’enferment les Blancs, les seuls a même été soufflée de créer des sortes de « camps de concentraNoirs qui circulent sont domestition » pour accueillir les plus ques. Les sans-abri se comptent par dizaines de milliers dans tout démunis. D’autres municipalités, le pays. Pour qui veut organiser comme celle du Cap, comptent encourager les touristes à ne pas donner de pièces aux sans-abri. Un système de bons d’achat devrait être organisé, qui permettrait aux visiteurs de leur offrir de la nourriture. Cela n’est pas sans rappeler le maire de Denver (États-Unis), qui, pour cacher les homeless de sa ville lors la venue de Barack Obama pour la convention démocrate en 2008, offrait repas, places de cinéma, sorties au zoo ou dans les musées aux sans-abri errant dans ses rues ✹ David Courbet

bab’ el web Pacte avec le game

« En passant commande, vous acceptez de nous accorder l’option de réclamer votre âme, maintenant et pour toujours. » En commandant un produit sur Gamestation. co.uk, plus de 7 500 personnes (environ neuf clients sur dix) se sont fait damner sans le savoir… Un simple clic permettait pourtant d’annuler la clause et même de récupérer un bon d’achat. Le site de jeu, qui a certifié rendre prochainement les âmes par e-mail, a voulu ainsi démontrer que les clients ne lisent jamais les conditions des contrats de vente en ligne. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Jésus crise

D’après un imam iranien, qu’est-ce qui aggrave les catastrophes naturelles ? A. Le réchauffement climatique. B. Les discours de Barack Obama. C. Les manifestations anti-Ahmadinejad. D. Les femmes en tenue indécente. Réponse : D. L’imam Hojatoleslam Kazem Sedighi, le 16 avril. « Elles corrompent leur chasteté, ce qui augmente les tremblements de terre », a tonné l’excité.

L

e meurtre du leader d’extrême droite Eugène Terre’Blanche par deux jeunes travailleurs agricoles noirs, le 3 avril, a fait les gros titres de la presse internationale. À l’aube de la Coupe du monde (lire page 12), voilà une bien mauvaise publicité pour l’Afrique du Sud. Cet assassinat nous renseigne surtout sur l’état de la société sud-africaine. Aboli en 1999, l’apartheid demeure. La présence croissante d’une minorité noire riche ne suffit pas à masquer la réalité. Les statistiques pour 2008 sont édifiantes : 49 % de la population noire vit sous le seuil de pauvreté, contre 3,6 % pour les Blancs. La nation arc-en-ciel est le deuxième pays le plus inégalitaire du monde.

L’Église recrute des prêtres aspirants. Le service national des vocations a lancé, le 21 avril, sa campagne Internet en visant clairement les jeunes (consentants, bien sûr) en pleine crise de foi. Etpourquoipasmoi.org présente le job et des portraits à travers la Prêtre Academy, une série déjà diffusée sur le Web en 2008. L’Est républicain a relevé un petit couac de la com : les prêtres épanouis et charmeurs des brochures sont des mannequins qui, contrairement à ce qu’ils proclament, n’ont jamais porté la soutane. Le service national des vocations soutient qu’il s’agissait de « ne pas personnaliser la campagne ». Avec un peu de mauvaise foi.

Google sans états d’âme

Google en a plein le dos, alors il balance. Sur une page spéciale, le moteur de recherche expose , au moyen d’une carte, les requêtes de censure et les demandes d’informations personnelles que les gouvernements des pays du monde lui ont demandé d’effectuer entre le 1er juillet et le 31 décembre 2009. Mauvaise nouvelle : la France est la cinquième nation à demander le plus de données privées avec 846 demandes, dont moins de dix retirées. Derrière le Royaume-Uni, les États-Unis et le Brésil, qui culmine avec 3 663 requêtes. Samba !✹

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jeux interdits

Les cendres de la presse

Pas d’échos du patron

L’info. « Les ambitions discrètes de Stéphane Courbit » Les Échos, le 20 avril. Le décryptage. Le quotidien économique livre une enquête flatteuse sur l’un des nouveaux rois du capitalisme de l’ère Sarkozy. On y apprend par exemple que l’homme d’affaires a « démontré son savoir-faire », qu’il « revendique son extraction modeste », qu’il a une sensibilité politique « résolument ancrée à gauche », ou encore que, dans les affaires, « il se refuse aux allers-retours permanents et aux raids à la Vincent Bolloré ». En revanche, on n’y apprend pas que Bernard Arnault, PDG de LVMH et propriétaire des Échos, est en affaires avec Stéphane Courbit, notamment dans la société Rentabiliweb, dont ils sont tous deux actionnaires. Et encore moins que Bernard Arnault fait partie de l’actionnariat historique de Banijay, la société de production de Courbit.

« Le Monde » à l’envers

L’info. « Photographie, identité : ce que dit la loi » Lemonde.fr, le 21 avril. Le décryptage. Sous l’article consacré aux révélations du quotidien sur Zahia D., la désormais célèbre escort-girl des Bleus, le journal explique pourquoi, malgré les nombreux clichés de la jeune femme circulant sur Internet, « la rédaction du Monde.fr, conformément à la loi et aux pratiques du Monde, ne publiera pas ces photographies ni ne révélera l’identité de la jeune femme ». Une décision responsable, néanmoins altérée par le fait que le site du Post, filiale du Monde, un poil moins regardant, dévoilait son identité et mettait en ligne, ce même 21 avril, photos et vidéos de la jeune femme. Et le groupe Le Monde hésite encore à vendre Le Post ?

L’info. « Roissy, Orly, reprise des vols sous conditions » Le Figaro, le 21 avril. Le décryptage. Non content d’avoir bloqué des dizaines de milliers de voyageurs, le nuage du volcan islandais s’en est pris de manière indirecte à la presse écrite. Celle-ci, déjà bien mal en point, compte beaucoup sur les exemplaires distribués gratuitement aux lecteurs dans les avions. Un bon moyen pour les patrons de presse de vendre des pages de pub à grands frais. C’est le cas du Monde, du Figaro ou encore des Échos. Mais sans avions, point de salut. Heureusement que Ribéry donne de sa personne pour assurer les ventes.

Une parution express

L’info. « L’Express paraîtra désormais le mercredi » Le Monde, le 22 avril. Le décryptage. Le quotidien du soir précise : « Selon Éric Matton, le directeur exécutif de l’Express, paraître le mercredi permettra au magazine de disposer de quatre jours de vente avant le week-end au lieu de trois. » Effectivement, c’est pas bête, et on se demande pourquoi ils n’y avaient pas pensé plus tôt. À moins que cette raison ne soit quelque peu farfelue et qu’il ne s’agisse en fait d’arriver en kiosque, un jour où la fréquentation est traditionnellement plus forte, tout en devançant d’une journée ses deux principaux concurrents, le Point et le Nouvel Observateur.

La rumeur fumeuse

L’info. « Islande : un nouveau volcan est entré en éruption » Lepost.fr, le 19 avril. Le décryptage. Prenant des tweets pour des lanternes, le média participatif du Monde s’est un peu emballé en annonçant sur sa page d’accueil qu’un deuxième volcan, Hekla, était entré en éruption. Patatras ! Alerté par des internautes attentifs, le journal a modifié l’article, en changeant son titre et en requalifiant ce qu’il présentait comme une « info vérifiée par la rédaction » en « rumeur ». C’est pratique, Internet ✹


Filouteries enseignement Les professeurs titulaires de chaire (PTC) devraient se contenter d’enseigner et éviter de gérer l’argent du contribuable. C’est la conclusion d’un discret rapport de la Cour des comptes que Bakchich s’est procuré sur la gestion du Conservatoire national des arts et métiers.

lézards et métiers ça conserve H

éritier de la Révonationale et de la Recherche et, lution, comme en 2007, la redoutable Inspection Normale Sup ou générale des Finances, qui constaPolytechnique, ce tent des détournements de fonds « grand établisseet des prises illégales d’intérêts. ment » qu’est le Trois millions d’euros se seraient Cnam, fondé par l’abbé Grégoire envolés. Dans la ligne de mire, ceren 1794, se faisait le chantre de la tains PTC pour lesquels les difféméritocratie. Dédié à la formation rents rapports demandent purecontinue, à la recherche, à la proment et simplement la suppression motion scientifique, le Cnam est de tous les avantages… « Quelques devenu, avec la multiplication des PTC ont fait leurs valises à la suite centres régionaux, un centre d’ende ces enquêtes, partant pour la seignement pléthorique. 1 500 spéplupart en préretraite, sans que cela soit justifié », remarque, un cialités, 480 diplômes, 80 000 étudiants ; un immense paquebot à la brin amusé, un syndicaliste de SUD-Cnam. Il poursuit : « Chriscarlingue rouillée, voire perforée. L’abbé, qui fut l’un des rares à tian Forestier a été nommé admine pas perdre sa tête pendant la nistrateur du Cnam en 2008 pour terreur, la perdrait sans doute remettre de l’ordre. Ce qu’il a fait aujourd’hui devant une telle gesen partie, mais la disparition des tion. Pendant les PTC n’est touannées 2000, le tefois pas au La suppression pure et programme. » Cnam a été une chasse gardée simple de tous les avantages Et ce n’est pas pour une cenl’ancien grand des PTC a été demandée. taine de profesmaître Alain seurs titulaires Bauer qui va de chaire, les PTC comme on les s’en plaindre puisqu’il est désigné, appelle. Selon deux inspections en 2009, par ce même Forestier, à financières et un rapport de la la tête de la chaire de criminologie Cour des comptes, les PTC se du Conservatoire. En mars 2008, la brigade de sont tout bonnement gavés. Avec la bénédiction de la direction (lire répression de la délinquance écol’encadré). Au moment même où le nomique a repris l’enquête et a Cnam a creusé son déficit, passé transmis, en juin 2009, ses conclude 28 millions d’euros en 1999 à sions au tribunal de grande ins56,5 millions en 2007. tance de Paris. Chantal de Leiris Sans vergogne, ces charmants dirige l’enquête préliminaire. pontes de l’enseignement supéJointe au téléphone par Bakchich, rieur, réputés proches des milieux la vice-procureur de la section francs-maçons, obtiennent en financière ne peut encore se pro2002 une réorganisation plus noncer sur des poursuites, « faute de temps ». « D’ici juin, je devrais décentralisée du Cnam. Les pôles me prononcer. » régionaux d’activité deviennent quasi indépendants. Certains PTC En revanche, pas d’enquête pour savoir comment 12 millions cumulent les casquettes, dirigent des départements entiers et ne d’euros ont disparu des caisses rendent de comptes à personne. en 2003. La Cour des comptes, qui Les rémunérations s’envolent, a découvert le pot aux roses en les heures sup explosent. La 2007, a demandé des explications. direction et l’agence comptable La direction a évoqué une faute semblent peu regardantes et n’efd’écriture. Une subvention aurait fectuent aucun contrôle. Alors été comptée deux fois… En 2004, certains y vont franco et profiraconte à Bakchich une source tent d’un système original. Des bien informée, « les deux agents professeurs titulaires de chaire comptables ont quitté les lieux sont parties prenantes d’associamanu militari juste avant le vote du budget ». Ils ont été remplacés tions régionales liées au Cnam. Aussi des chèques ont-ils pu être par le président de l’association détournés de la trésorerie cendes agents comptables d’univertrale pour atterrir directement sité, Pierre Dumaz, qui n’a pas dans les caisses de ces associamoufté sur l’état des comptes. tions. Mais, en 2006, le ministère Parallèle intéressant, Dumaz de l’Enseignement supérieur fut mis en examen et accusé de diligente l’inspection générale de complicité d’escroquerie pour l’administration de l’Éducation ses activités comptables à Paris-

VIII-Saint-Denis qu’il menait parallèlement à celles du Cnam. Le ministère de l’Enseignement supérieur commence alors à s’interroger sur la gestion du Conservatoire mais se contente, dans un premier temps, d’augmenter de 22 % sa subvention d’exploitation en 2003… Un record ! « Tout va mieux au Cnam aujourd’hui. L’arrivée de Forestier a assaini la situation », nous assure un membre de la direction. Ce n’est pas l’avis des syndicats, qui déplorent des cas de harcèlement, un stress au travail grandissant, des inégalités de promotion, une pression sur les contractuels… Depuis sept ans, des préfabriqués sont installés dans la cour du Cnam, rue Saint-Martin (IIIe arrondissement de Paris), en attendant la réfection de certains bâtiments. Problème : prévus pour six mois, les travaux s’éternisent. « L’hiver on se gèle, et l’été on crame, raconte une secrétaire. On a dû évacuer des ordinateurs parce qu’ils fondaient. Ici, on a davantage de respect pour les livres de notre fonds historique que pour le personnel. Si on doit les préserver à 19 °C toute l’année, nous, on nous laisse crever, c’est du pur mépris ! » ✹

anthony lesme

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Des chambres régionales des comptes bientôt aveugles, ça fait brailler : http://minu.me/1fg6

La gestion du Cnam épinglée par plusieurs rapports Inspections financières, Cour des comptes… À la lecture des différents rapports pondus sur le Cnam, on ne peut qu’être effaré par la gestion de l’établissement. Toujours mesurés dans leurs propos, les dignitaires du Palais Cambon n’y vont pas par quatre chemins : « Dominé par sa communauté enseignante, l’établissement est caractérisé par la défense des intérêts de cette communauté, au détriment de la réalisation et de l’adaptation d’une mission de formation spécifique dans le paysage de l’enseignement supérieur. » Même l’essentiel n’est pas acquis au Cnam : « L’établissement ne connaît pas avec précision le nombre de ses

auditeurs. Ce qui lui permet de ne pas se poser de questions sur l’assiduité des auditeurs, le succès ou l’échec de telle ou telle formation. » Autre étonnement : « Une sous-occupation préoccupante des locaux, attestée par un taux d’utilisation de 71 % seulement des salles réservées et un taux d’utilisation moyen des places disponibles de 27 % seulement. » Ce qui n’empêche pas le Cnam de voir toujours plus grand. Et de construire de nouvelles surfaces. En Seine-Saint-Denis, une petite partie des locaux a été implantée sur le site du Landy, à Saint-Denis. Outre les « classiques » dépassements budgétaires des travaux (+78 % !), la perte en surface utile atteindrait 68 %,

selon la Cour ! Le site du Landy devait s’agrandir et recueillir davantage d’unités d’enseignement mais, selon une formule lapidaire de la Cour des comptes, les travaux « n’ont été que très partiellement réalisés en raison des réticences du corps enseignant à quitter Paris pour La Plaine-Saint-Denis ». Des réticences qui coûtent cher. En 2006, la direction du Cnam, consciente de la disparité géographique de ses locaux, prévoyait de les réunir en un seul lieu. Deux scénarios étaient évoqués : SaintDenis, ou Paris. Le choix du Cnam s’est porté sur la capitale, malgré un montage financier beaucoup plus onéreux ✹ a. l.

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BANLIEUES En visite à Tremblay-en-France le 20 avril pour installer le nouveau préfet de Seine-Saint-Denis, Nicolas Sarkozy a joué les gros bras en annonçant le retour de l’ordre public dans les quartiers. Une gueulante sans lendemain ? Bakchich s’est plongé dans le quotidien de Grigny, une des communes les plus pauvres d’Ile-de-France. Entre violence et résignation.

O a La Grande Borne, cité sensible de 8 000 habitants à Grigny, le 7 avril, 19h30. Une centaine de CRS chargent des jeunes jusqu’au rond-point de l’Ellipse, le rendezvous des enfants heureux au regard triste.

a Orkia, entre pleurs et révolte : « Un CRS

n les appelait jadis les « cités radieuses » tant elles représentaient l’avant-garde d’une nouvelle modernité. Mais du rêve du bonheur HLM à une hantise du ghetto, l’histoire des banlieues est tissée d’un voile d’illusions perdues.

sous-citoyens

Jamais utopie urbaine n’a débouché sur une telle faillite. C’est au début des années 80 – aux Minguettes, dans la banlieue lyonnaise – que la société française connaît ses premières émeutes urbaines. La gauche au pouvoir décrète alors l’urgence de la réhabilitation des cités oubliées de la République. Mais, une décennie plus tard, avec l’explosion de Vaulx-en-Velin – toujours dans l’agglomération de Lyon – le problème devient endémique. En termes d’acquis sociaux, les dispositifs publics mis en place au prix de plusieurs centaines de millions de francs ne débouchent sur rien. Ou

A

des adolescents ont brûlé un bus en réponse aux violences de la veille.

partition radicale

si peu. L’accès à l’emploi, au logement ou à la reconnaissance sociale reste un mirage pour les sous-citoyens de banlieue, stagiaires à perpétuité, chômeurs longue durée ou intermittents des maisons d’arrêt. L’impuissance de la

Les émeutes de novembre 2005 ne changent pas cette nouvelle donne. L’éternel retour des violences urbaines sur la scène publique dessine ainsi les nouvelles frontières intérieures de la société française. Comme une partition radicale, une « rupture postcoloniale* » entre citoyens reconnus et citoyens de seconde zone ✹ ahmed boubeker Professeur de sociologie à l’université de Metz

* A. Boubeker et collectif, Ruptures postcoloniales : les nouveaux visages de la société française, éd. La Découverte, mai 2010.

dépités, Les Grignois créent leur parti

a menacé mon fils de 12 ans avec un fusil à pompe en lui disant : “Dégage, ou je t’éclate.” J’ai accouru à son secours, je me suis pris des coups de matraque. Ils sont fous, on ne tape pas une maman ! »

a À La Grande Borne, le mercredi 8 avril,

politique de la Ville à combattre efficacement les racines sociales du malaise des cités laisse bientôt les coudées franches à la panacée sécuritaire. C’est le thème de la dérive mafieuse, islamique ou communautariste des quartiers qui met en scène une version ethnique des classes dangereuses liguées contre la République.

ux élections municipales de 2008, la liste Prendre le parti des Grignois (PDG) a récolté 21 % des suffrages au premier tour, près de 26 % au second. De quoi faire frémir les vieux partis, socialiste et communiste : « Des islamo-fascistes de droite ? », raillent des militants de gauche. Même pas ! Créée en 2001, la liste citoyenne divers gauche

est constituée de Grignois qui « en ont marre de la gestion à la “mords-moi le nœud” de la municipalité communiste. » Pour eux, « l’histoire du bateau » construit par et pour des jeunes mais jamais sorti de sa boîte symbolise ce gaspi. « Ici, c’est plein de coquilles vides », explique Pascal Troadec, tête de liste. « Les activités de la ville n’intéressent pas les habitants. » En 2008, la commune a dépensé 46 600 euros pour un carnaval, et 32 400 autres euros ont été déboursés pour Grigny au fil du théâtre. C’est réservé aux « petits bourges », critique Mohammed. Sans compter ce coach pour les conseillers municipaux payé 120 000 euros l’an… Les 265 associations de la ville, elles, n’ont que des miettes. Le parti des Grignois est déjà dissous : pas de fric, pas de leader. Leur reste encore quelques crédits SMS pour harceler la Mairie ! ✹ a. v.

les débrouillards À la station du RER, gare de Grigny, deux jeunes montent dans le train en direction de Paris. Discussion sur le vif, entre rêve et galère. – Je vais t’expliquer le truc, mec. Tu choisis cinq personnes de confiance. Ils achètent des produits et les revendent. – Et toi, tu prends ta com au passage ? – Ouais, ouais… Mais, mec, ça ne se fait pas tout seul. Ton pote Ahmed, y passe son temps à relancer ses gus. L’autre le reprend : « Certains rêvent de braquer les banques et terminent en taule. D’autres volent nos idées et vont faire fortune. » Ainsi va la légende des cités maudites ✹

b. R.

À la mosquée, un baraquement sur le parking de Grigny-II, le vendredi, l’imam Eddouk calme les ardeurs de quelques excités salafistes. Proche des fondamentalistes, ce Marocain connaît bien ce petit monde, qu’il rencontre également en tant qu’aumônier à la prison de Fleury-Mérogis. À ses heures perdues, l’imam travaille à Paris dans une librairie musulmane de la rue Jean-Pierre Timbaud (XIe). Pour les milliers de musulmans grignois, une « vraie » mosquée devait être construite cette année, à côté du commissariat de police. Les travaux, pour un budget de 4,5 millions d’euros, n’ont pas débuté.

a Quelques mères ont porté plainte pour violences, avant d’être reçues par le maire communiste, Claude Vasquez. Orkia s’y est rendue, sans être dupe : « Il tente de nous récupérer. Je ne marcherai pas. » Et d’ajouter : « Le maire dit qu’il est de notre côté, mais il est surtout de celui des policiers. Depuis vingt-trois ans qu’il dirige la mairie, si Vasquez était compétent, on le saurait ! Quant au préfet, il a eu le culot de nous demander de l’aider pour dénicher les dealers » ✹

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Nous sommes à Grigny (Essonne), 27 000 habitants, à cinquante minutes au sud de Paris. Dirigée depuis vingt-trois ans par le communiste Claude Vasquez, Grigny est, en Ile-de-France, l’une des villes les plus pauvres (18 % de chômeurs) et les plus jeunes (40 % de moins de 20 ans).

A

Dessins de Khalid Gueddar

u cœur du quartier sensible de La Grande Borne, Ahmed et Ali, assis sur une pierre, fument une cigarette. Nous les saluons, ils nous dévisagent, demandent sèchement : « Vous êtes des journalistes ? » Alentour, des dizaines d’enfants s’amusent, une fillette s’envole sur son tricycle, un paquet de biscuit entre les dents. La petite fille s’approche, échange quelques mots avec les deux « grands » peu accueillants. Depuis le dossier de ParisMatch consacré à La Grande Borne en octobre 1998, goulûment intitulé « J’ai vécu dans une cité qui fait peur », les Grignois se méfient des médias. Dans

son enquête, l’hebdo de Lagardère s’était répandu en clichés grossiers. Décrivant des « rues aux allures de coupe-gorge », des « coins semblant dévastés par la guerre », et même un enfant apeuré dormant « avec son couteau de boucher ». Bakchich n’est pas Match. Les soupçons passent, les visages s’animent, les langues se délient. À 17 ans, Ahmed et Ali ne sont pas souvent sortis de leur cité. Ils ne connaissent pas Paris. Car « ici, il y a tout, même une école et un collège ! » lancent-ils. L’architecte qui a dessiné le quartier, Émile Aillaud, voulait réussir une « cité des enfants » : 90 hectares

sans routes, 70 % des 3 000 logements disposant de de plus de quatre pièces, des immeubles bas. Mais le quartier a aussi les défauts de ses qualités. Un habitant confie : « Enfermé entre l’autoroute et la nationale, c’est un peu Fort Alamo… »

CITÉ-DORTOIR

Construite au début des années 70 au moment où l’on chassait du XIIIe arrondissement parisien les habitants les plus pauvres, Grigny, qui n’était alors qu’un village de 3 000 âmes, est vite devenue une cité-dortoir. Sans guère d’activités économiques, ni d’infrastructures adaptées. On trouve tout juste, à la sortie de la gare RER, en face des immenses copropriétés de Grigny-II (13 000 habitants), un supermarché et des lacs. Plus de 80 % des personnes ayant un emploi sont forcées de travailler à l’extérieur. Même le commissariat est vide. Une trentaine de policiers y travaillent, et encore, seulement pour recueillir les plaintes. Le reste se passe à Juvisy, la ville voisine, ou avec les CRS de Paris. Une vraie police de proximité ! Pour combler cette absence, les propriétaires de Grigny-II s’apprêtent à faire installer 100 caméras de vidéosurveillance dans le parking de la cité, où « plus personne n’ose mettre les pieds », et 50 caméras à l’extérieur. Conséquence de ces vides : un grandiose taux d’abstention aux élections – 70 % aux dernières régionales. La ville est aussi très endettée. À la fin 2009, le déficit atteignait 15 millions d’euros. Un record. Les aides de l’État et de l’Europe n’y ont rien fait. La mairie s’est expliquée dans une lettre : « L’État avait attribué à Grigny une dotation spécifique de 4 millions d’euros en 2003 et de 3 millions d’euros en 2004. [Elle] n’a plus été versée depuis 2005. » Le préfet gère maintenant le budget communal. Il vient d’augmenter la taxe d’habitation de 44,26 %, et celle sur le foncier bâti de 50 %. Pour le plus grand bonheur des gentils petits propriétaires ✹ Anaëlle Verzaux

uarante ans après sa naissance, le quartier spaQ certains ghetti de La Grande Borne a perdu ses couleurs, mais pionniers sont encore là. À l’association

a Un habitué, un peu éméché, se noie dans des considérations philosophiques. À Grigny, on peut marcher longtemps avant de trouver un bistrot. À moins de s’arrêter dans le village historique, plus chic. Les Grignois préfèrent les bars de la cité voisine, Ris-Orangis.

des locataires, rue des Herbes. Annie et Alain racontent leur arrivée dans le quartier. C’était en 1976, juste après leur mariage. Elle venait de quitter « la cité d’urgence » avec ses baraques au toit goudronné où sa mère l’avait élevée. Elle se souvient des rapatriés d’Algérie, qui attendaient, eux aussi, un logement décent : « Le quartier avait déjà mauvaise réputation. » « C’était trop mal desservi », ajoute son mari en ancien de la RATP. Lidia s’est posée en 1981 dans cette architecture minérale. Sa première visite l’a conquise, elle y a élevé ses sept enfants. Son seul regret : l’absence de balcon. Monique a d’abord été tentée par le Patio, le quartier bourgeois. Mais les loyers trop élevés l’ont vite rappelée à sa condition de femme de ménage. Elle se souvient jus-

qu’aux matons de Fleury-Mérogis qui vivaient ici. Mais préfère parler des solidarités de son quartier : « Quand je rentre des courses, les petits Noirs me crient : “Eh Mamie, pourquoi tu portes ça ?” Et ils me portent mon cabas » ✹ bertrand rothé

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Filouteries diète

confidences Pierre Charon, Élysée-moi !

Le conseiller en com de Sarko, Pierre Charon, n’aime pas Rachida Dati. Au point de le crier sur tous les toits médiatiques en la soupçonnant d’être à l’origine des rumeurs du couple présidentiel. Et de finir privé des réunions de cabinet à l’Élysée. C’est oublier que le fou du roi, aussi conseiller municipal parisien, lorgne un siège de sénateur pour les élections de septembre 2011. Devinez qui le concurrence au poste ? Des UMP parisiens, proches de Fillon, qui n’en manquent jamais une pour voler au secours de dame Dati ! Les jardins du palais du Luxembourg sont à ce prix.

« France-Soir » sur vos écrans ?

nos amis africains ont de la ressource

Tout à son désir d’influence, Alexandre Pougatchev, propriétaire de FranceSoir et fils de Sergeï, oligarque russe multimillionnaire et futur constructeur des navires Mistral, de confection française, songe à créer la version télé de France-Soir. Lancée le 17 mars dernier, la nouvelle formule du quotidien peine à rassembler et plafonnerait sous les 100 000 exemplaires vendus. Ce n’est pas pour arrêter le jeune garnement, qui a déjà pris contact avec des sociétés de production parisiennes. Il en est persuadé, la déclinaison audiovisuelle de la marque est un nouveau moyen de développement. De l’influence du Kremlin en France ?

Pasqua : let’s tweet again !

L’HUMEUR DE PROBST Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité. Cela me fait mal, ces jours-ci, de voir Charles Pasqua ricaner mécaniquement : « Je n’en ai rien à péter. » Oh que si ! Fils qu’il est d’un modeste fonctionnaire de police devenu ministre d’État, Charles Pasqua est meurtri d’être jugé par ses pairs. On sent bien que quelques superpuissances de la politique française ont intérêt à le claquemurer définitivement. Pasqua méritait mieux que cette vendetta molle.

fils. Une junte règne au Niger, assise sur sa mine d’uranium. Au Maghreb, les régimes sont gangrenés par la corruption, alors même qu’ils ont éloigné le péril sécuritaire et les barbus. Dans les deux Congos et au Cameroun, les besoins éducatifs et sanitaires ne sont plus assumés. Quant à la Côte d’Ivoire, elle ne se remet pas sur les rails. Entre une élection qu’on attend et une guerre civile qu’on pressent.

Les vrais amis de Bongo, Biya, Sassou et de leur argent, c’était d’abord Chirac l’Africain. Dans les années 80, quand je travaillais avec Pasqua au Sénat, nous affrétions des avions pour « le Grand ». Lequel Jacquot ne se préoccupait ni d’intendance ni d’où venait l’argent. Le tort de Charlie est d’avoir été trop loyal avec ses amis voyous, de ne pas les avoir tenus à distance. Il s’est aperçu, mais trop tard, que les Marchiani, Paillé et autres Leandri se sont fait des couilles en or sur son dos. Sans parler de son fils Pierre, assez benêt pour recevoir l’oseille sur des comptes à son nom !

Heureusement, l’Afrique revit ailleurs. L’Angolais Dos Santos a su organiser la Coupe d’Afrique des nations, en dépit de trois Congolais assassinés. En ex-Guinée espagnole, l’argent du pétrole sert à financer les infrastructures, une fois n’est pas coutume. Au Malawi, le Président remarié donne de l’élan à l’Union africaine, qu’il préside. Enfin, l’Afrique du Sud, bien sûr, va nous démonter en juin que le continent africain est capable de fête, de solidarité et, pourquoi pas, d’amour. Le foot, ce ne sont pas seulement les call-girls. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre à Ribéry !✹

Ceux qui n’oublient pas Pasqua, ce sont nos amis africains. Et cela, malgré leurs soucis. Les successions se font mal : le vieux président Moubarak, en Égypte, revenu très affaibli d’une intervention chirurgicale, s’obstine, comme beaucoup, à placer son

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Jean-François Probst vous stimule ? Dégustez ses chroniques vidéo : http://minu.me/1vbh

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retraites

françois chérèque ric-rac

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n spectre hante la CFDT, projet de Sarko. Ni qu’il ait décidé celui des retraites. Frand’annuler, d’un commun accord, çois Chérèque, son présisa visite au congrès de la CGT en dent, le sait trop bien, qui, en 2003, décembre dernier. Qui aurait pu avait été le seul des principaux ternir l’image de la réélection syndicats à signer l’acte I de la d’un Bernard Thibault alors réforme des retraites. Soit le pascontesté. sage de 37,5 à 40 années de cotisaInutile d’être grand clerc pour tions pour les fonctionnaires du comprendre que le leader de la secteur public. Sous la houlette CFDT ne veut pas à nouveau de François Fillon, alors ministre finir en loup solitaire. Un appel du Travail de Chirac. C’est dire si unitaire a été lancé par l’interles deux hommes se connaissent syndicale, dont Chérèque est bien, à la veille de l’acte II censé signataire, pour le grand raout donner du lustre, cette fois, à un du 1er mai. Défileront, bras dessus Sarkozy mal-aimé. bras dessous, CGT, Unsa, FSU, « Les éléments de 2003 ne sont plus CFE-CGC et CFDT. À l’exception contestés et la France n’a pas bede la FO de Jean-Claude Mailly. soin d’un conflit Une stratégie sur ce sujet », a habile qui Le leader de la CFDT coutume de réen cache une ne veut pas à nouveau péter Chérèque. autre. Celle du Une décision qui congrès de la finir en loup solitaire. avait conduit à CFDT en juin la perte de milprochain où liers de militants CFDT dans les François Chérèque se porte canfédérations, passant de 889 000 en didat pour briguer un troisième 2002 à 807 000 en 2005. mandat. Le jeu actuel consiste Chez les camarades de lutte, CGT en réalité à ne pas finaliser sa et FO de surcroît, on se méfie des position sur les retraites avant patrons de la CFDT comme de l’heureux événement. Pour l’eau qui dort. Surtout depuis éviter de s’attirer les foudres de 1995, quand Nicole Notat avait la base. C’est donc l’agenda du été la seule à soutenir le tollé du gouvernement qui est devenue sa plan Juppé sur les régimes spécible privilégiée : « Trop court. » ciaux de retraite. En 2007, Sarko Chérèque n’exclut pourtant pas fraîchement élu fait repasser le de « tout mettre sur la table, et étudier les différents systèmes de plat, et qui mange cette fois dans retraites par répartition qui exisl’assiette ? François Chérèque ! tent en Europe ». La même année, le bougre avait dû quitter dare-dare une manif Sans toutefois jamais évoquer le nom du démon : l’allongement ou de la fonction publique au son de « Sarkozy-Chérèque, même non de l’âge de départ à la retraite, combat ! » aujourd’hui à 60 ans. « Une quesPas étonnant, donc, qu’il tion qu’il faudra toucher à la fin », n’ait même pas tenté de se précise François Chérèque. Après joindre au cortège syndical, en sa réélection sûrement ✹ novembre 2008, à l’annonce du louis cabanes

Un système qui remonte à Pétain ouchnok Entre Twitter et les bruits de couloir de magistrats, le procès Pasqua devant la Cour de justice de la République pour trois dossiers tourne à la pantalonnade. Comme cette déclaration d’amour de Philippe de Villiers à son vieil ami à la barre du tribunal, le 20 avril, rapportée sur le site du Nouvel Obs : « Pasqua est plus porté à la simplicité qu’au luxe, il préfère un saucisson corse dans un Tupperware plutôt qu’un grand restaurant. » Sous les robes, ça tempête autant. Surtout entre Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, et le juge Philippe Courroye, bête noire de Môssieur Charles et fidèle de Sarkozy. En privé, Nadal, franc-mac devant l’éternel, qui n’a rien d’un anti-Pasqua compulsif, voit d’un mauvais œil les intentions du Sarko-magistrat qui transparaissent dans ses ordonnances de renvoi. Sans pour autant être aveugle. « La défense de Pasqua est très faible, il ne fait rien pour la muscler, il se braque sur son innocence sans rien apporter », confie-t-il au premier jour de procès. Si, avec ça, le vieux Corse ne se réveille pas…✹

Pour battre en retraite face aux nazis, Pétain avait un talent certain. Qu’aujourd’hui nul n’oublie. Pourtant, entre deux lois antijuives, le régime de Vichy, le 14 mars 1941, a édicté un système toujours en place aujourd’hui : les retraites par répartition, à l’époque aux plus de 65 ans. Le maréchal avait alors abandonné aux experts les affaires socio-économiques du pays. Et c’est à un ancien dirigeant de la CGT, René Belin, passé du rouge au brun, nommé secrétaire d’État au Travail, qu’avait été confiée ladite tâche. Lui qui avait, un an plus tôt, dissous les confédérations patronales et syndicales en faisant d’une pierre deux coups : affaiblir les organisations ouvrières et mettre la main sur ces fonds de pension qui permettaient aux salariés d’épargner pour leur retraite. Yves Bouthilier, ministre des Finances de Pétain, note dans son ouvrage le Drame de Vichy, paru après la guerre : « La retraite des vieux permit de libérer les fonds de chômage d’une catégorie d’attributaires. (…) Nous

nous soumettions au réel. Ce n’est pas du tout se soumettre aux Allemands. Cette soumission au concret apparaîtra, quand les passions seront apaisées, comme le mérite du gouvernement du Maréchal » ✹ l. c.


Bazar écologie Au Havre, Éco Huile retraite les huiles de moteur usagées dans le strict respect des directives draconiennes de l’Union européenne. Tout irait pour le mieux pour cette usine pionnière si elle n’avait, face à elle, deux géants bien décidés à lui barrer la route, Total et Veolia.

Conflits de régénération

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e business écolo, ce chée – que l’entreprise est seule n’est pas la petite sur ce créneau porteur. De plus, maison dans la prairie. elle a consenti d’énormes inves« C’est un marché tissements pour moderniser son de requins », grince procédé, comme en atteste une un fonctionnaire du rapide visite de l’usine où de rutiministère de l’Écologie. Et dans lantes cuves côtoient un vieux ce nouvel écosystème, les petits four à incinération. Faiblesse de la demande ? « Pas du tout. poissons ne sont pas encore une Nous n’avons aucun problème espèce protégée. Située au cœur de commercialisation, explique du bassin industriel du Havre, l’usine Éco Huile est en train Julien Baillon. Les grandes enseignes font appel à nous car d’en faire l’amère expérience. nous leur offrons un bon suivi Confrontée aux deux géants du de leurs déchets par rapport aux secteur, Total et Veolia, l’usine, collecteurs. Et elles en ont de plus spécialisée dans la régénération en plus besoin pour obtenir leur d’huiles usagées pour moteur – label qualité. » A priori, donc, le un déchet extrêmement polluant qu’elle transforme en huile de modèle est validé. base –, tourne depuis plusieurs Le problème pour Éco Huile, c’est mois au ralenti. Son chiffre l’accès aux déchets. Depuis 2007, d’affaires s’est écroulé. En deux l’approvisionnement de l’usine en ans, l’entreprise, qui comptait huiles usagées est en chute libre. 70 employés, a « Notre capacité supprimé une de traitement est En association avec Total, vingtaine de de 125 000 tonnes Veolia s’aprête à installer postes. de déchets par Les salariés une usine de retraitement an. L’an dernier, nous n’avons se demandent qui menace Éco Huile. traité que désor mais à 68 000 tonnes », quelle sauce ils vont être mangés, conscients qu’à déplore Yvan Terrassoux, le resce rythme-là leur usine n’en a plus ponsable technique. Résultat, pour longtemps. Pour tous, le senl’usine est pratiquement fermée timent de gâchis domine. « On a un mois sur deux. « Veolia et fait des avancées technologiques Total se sont associés pour nous gigantesques. Nous suivons des supprimer », assène le patron de normes draconiennes de respect de l’usine, Joël Picard. l’environnement. C’est une usine En ligne de mire de cet industriel qui tourne comme une horloge ! exaspéré, l’installation, à une Notre procédé est même cité dans dizaine de kilomètres de son site la documentation internationale de régénération, d’Osilub, une comme l’une des meilleures techfiliale commune créée par Veolia niques de régénération », s’agace et Total, qui fera, elle aussi, du Julien Baillon, responsable colrecyclage d’huile pour moteur. Or, entre le « recyclage » façon lecte chez Éco Huile. La déconfiture d’Éco Huile paraît Total et Veolia et la régénération d’autant plus étonnante par ces des pionniers d’Éco Huile, il y a temps de ferveur écologique – affiun peu plus qu’une nuance (lire

l’encadré). Avec une capacité de traitement comparable à Éco Huile et, là aussi, une cinquantaine de salariés, cette usine jumelle menace de cannibaliser sa frangine. Longtemps sceptiques sur la régénération, Total et Veolia assurent désormais vouloir rivaliser sur ce terrain écolo. Quand, pour M. Picard, il s’agit principalement de fournir à Total du car-

La France, cancre du retraitement des huiles Prônée dans toute l’Europe comme le procédé le plus propre devant être choisi en priorité, la régénération est un terme quasi inconnu des pouvoirs publics français. Contrairement au recyclage, elle consiste à rendre aux substances leurs propriétés initiales et permet donc de moins puiser dans la ressource. Étrangement, la directive européenne 75/439/ CEE, relative à la régénération des huiles usagées, n’a jamais été transposée en France. Dans un long argumentaire de deux pages que Bakchich s’est procuré, le ministère de l’Écologie explique, en septembre 2004, tout le mal qu’il pense de la régénération. « Les analyses de cycle de vie réalisées confirment que la régénération est moins favorable en termes d’impacts environnementaux. Une étude réalisée en 1998 a ainsi montré que la co-incinération en cimenterie était la solution préférable », indique dans sa note le directeur de la prévention des pollutions et des risques du ministère. Et apparemment le ministère de l’Écologie ne tient pas compte des progrès

réalisés depuis 1998 en matière de procédés de régénération des huiles usagées, appliqués par Éco Huile au Havre. Ce retard à l’allumage en matière de retraitement arrange beaucoup de monde : Total, qui produit de l’huile neuve, mais aussi des cimentiers comme Lafarge, qui n’entendent pas se passer d’un combustible si bon marché. Insensible aux arguments français, l’Union européenne continue d’affirmer que la régénération est une priorité. Une nouvelle condamnation pour la France, qui, malgré son sémillant Grenelle de l’environnement, est l’un des plus mauvais élèves de l’Union en matière de respect des directives environnementales ? Pas forcément. Ironie de l’histoire, alors que Veolia et Total ont décidé d’investir ce créneau, la position de la France est en train d’évoluer. Et la transposition de la fameuse directive devrait, explique Jacques Tricard, le patron de la filiale Osilub, intervenir d’ici à la fin de l’année ! L’acteur historique du secteur, à savoir le pionnier Éco Huile, ne sera peut-être plus là pour en bénéficier ✹ l. d.

burant pour bateaux : « La même substance que celle qui se trouvait dans l’Erika », assure-t-il. Or, dans cette partie, la société Veolia dispose d’un sacré joker dans son jeu : c’est elle qui collecte les huiles usagées, les vend à Éco Huile et rechigne à livrer ces précieux déchets à l’entreprise de Joël Picard. À croire que le mastodonte aurait décidé d’asphyxier son futur concurrent… « Pas du tout. Il y a eu des aléas climatiques, les gens ont un peu moins utilisé leur voiture. Les garages nous en ont donc moins fourni », explique Jacques Tricard, le futur patron d’Osilub. Avant d’ajouter, plus sérieusement, que son concurrent « propose des prix de rachat des déchets inférieurs à ceux du marché [et qu’il] n’est donc pas étonnant qu’il rencontre des difficultés à s’approvisionner ». Et l’environnement dans tout ça ? Pas sûr qu’il sorte gagnant de cette bataille. Annie Leroy, présidente de l’association Écologie pour Le Havre, s’oppose à la création d’Osilub : « Contrairement à ce que [Total et Veolia] laissent entendre, Osilub ne fera pas la même chose qu’Éco Huile. Ils ne feront pas à proprement parler de la régénération mais, pour une grande partie, ils feront du carburant. » De fait, le

projet de la filiale ne comporte aucun engagement réel sur la part dévolue à la régénération et se réserve bien la possibilité de recycler l’huile pour obtenir du carburant, ce qui n’a évidemment pas le même impact environnemental. Mais qui, d’un point de vue économique, est beaucoup plus rentable. Du côté d’Osilub, on reconnaît à demimot que Total aura besoin de « souplesse ». Comprendre « de carburant ». À très court terme, c’est donc Éco Huile, l’unique site français qui respecte les directives européennes en matière de régénération, qui pourrait fermer ses portes. Sans aucune garantie que la concurrence reprenne réellement le flambeau. Selon Joël Picard, « Total a l’hégémonie des huiles neuves. Ils ont tout intérêt à tuer un procédé qui signifie qu’on pourrait, si on le voulait, moins produire, alors que c’est pour eux un marché extrêmement rentable » ✹ Lucie delaporte www.bakchich.info

Fièvre garantie avec le scandale français de la pollution au mercure : http://minu.me/267j

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Bazar mode

bak, la fringue qui froisse la police «

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ique la police ! » Stéphane Da Silva, 36 ans, prévient d’emblée qu’il ne fait pas dans ce genre de cliché. Le créateur de la marque de vêtements BAK (prononcer « bé-a-ka ») reçoit dans un salon de thé de l’île SaintLouis – de quoi casser quelques stéréotypes sur la banlieue. Depuis dix ans, ce commercial né à la Courneuve s’accroche à sa Brigade anti-K : « Anti-keufs, antikrack, anti-Kalachnikov ou antiKärcher, le concept est déclinable à l’infini », explique ce jeune père de famille issu de la cité des 4 000. Problème, sa série a commencé en 2000 par un tonitruant Brigade anti-keufs. Le parquet de Bobigny ouvre alors une information et deux syndicats de police, Alliance et SGP-FO, se portent partie civile. Au fil des années, la vie de Da Silva se transforme en bras de fer avec la police pour sauver sa marque. Outre les perélargir la gamme. La drogue, les quisitions et les saisies de stocks, armes, l’homophobie, l’antisémitisme ou le racisme primaire : le il ne compte plus les gardes à vue : discours « anti » se veut militant « Une bonne dizaine, une vingtaine peut-être. Mais je laisse faire, sinon et universel, mais reste celui c’est rébellion à agent. » d’une banlieue qui s’oppose. « Je Tout commence par un ras-le-bol : suis d’accord pour ne pas toucher « En bas de mon immeuble, les aux symboles de la République, on contrôles d’idendoit par contre tité étaient fréêtre capable d’enLe jeune créateur attend quents – une fois, tendre le malaise son procès, prévu le 17 juin d ’ u n e p a r t i e deux fois, trois de la société. » fois même pour au tribunal de Bobigny. certains dans Cette nuance, la une soirée. » En police n’y croit hommage au zèle de cette BAC pas, et les jeunes vêtus en BAK naît la BAK. Un coup marketing atterrissent régulièrement au « sincère mais maladroit », admet commissariat. son créateur. La BAK s’adoucit en Da Silva attend avec impatience son procès, prévu le 17 juin pro« Brigade anti-keufs korrompus ». Au final, c’est un « K libre » qui chain au tribunal de Bobigny. Le est déposé, en juillet 2001, pour jeune créateur demandera la rescalmer définitivement le jeu et titution des stocks saisis au cours

écolo façon nicolino Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concession sur l’environnement, Planète sans visa. e livre n’est pas follement écrit C et contient quelques menues erreurs, mais… Mais il parle d’un héros

des années chez les fournisseurs – un manque à gagner qu’il estime entre 40 000 et 50 000 euros. Des flics, Da Silva en a rencontré beaucoup en une dizaine d’années. Certains sont devenus des proches, voire des amis, d’autres entendent son message : « À Toulouse, en 2004, deux condés de la BAC m’ont chacun acheté un teeshirt à l’issue d’un contrôle routier. » La preuve selon lui que tous les policiers ne se sentent pas obligatoirement visés par son message. Mieux, certains sont prêts à y adhérer : « Certains flics en ont assez du manque de dialogue avec les citoyens. » Et si porter du BAK était le début d’un dialogue avec les policiers ? Da Silva veut y croire. Da Silva a surtout appris à communiquer ✹ ANNE STEIGER

gare aux sans-papiers

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Las ! l’huissier dépêché sur place par la société ferrovière n’a guère eu de prise sur les occupants, dont certains ont élu domicile aux abords des voies depuis près de huit mois. « Mis à part une personne, toutes les autres rencontrées ne semblent pas parler la langue française », décrit, décontenancé, l’huissier. Face à aux hordes de squatters, l’homme de loi est impuissant : « J’ai fait sommation de partir sans délai, conformément à la demande qui m’en avait été préalablement faite. » Sans succès. « Ils n’avaient aucunement l’intention de partir, n’ayant nulle part où aller », si ce n’est vers leur trentaine d’abris. L’huissier ne dispose bien entendu pas d’un pouvoir d’expulsion, ni même d’un pouvoir de vérification des identités. Or, sans identité, impossible d’assigner un individu lambda… Taquine, la présidente du TGI de Lyon a déjà refusé, par deux fois, de délivrer des ordonnances favorables au Réseau ferré de France. Même la grève terminée, la gare de Lyon-Part-Dieu ne désemplit pas ✹ ignacio manga

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méconnu, le Russe Nicolaï Vavilov, et montre que ce type a sa place au Panthéon des hommes. Né en 1887, sous le tsarisme, Nicolaï meurt en 1943, dans une prison stalinienne. Comme des millions d’autres, il n’a rien fait. Ou plutôt, il a existé, ce qui peut passer pour une provocation politique au pays où nul n’existe. Il a vécu en aventurier de la plante et de la semence, ce qui mérite explication. Après cinq années d’études dans un institut botanique, Vavilov se prend de passion pour ce qu’il appelle les « centres de diversité ». Avant tout le monde, il devine qu’il existe sur terre des points chauds de la biodiversité agricole et alimentaire. Des territoires où se concentre – la géographie, le sol, la température, les précipitations – une immense variété de plantes sauvages à partir desquelles l’humanité a sélectionné celles dont elle s’est nourrie pendant sa longue aventure. Son rêve est de tout rassembler. Son délire le pousse à tout voir, tout envoyer au pays pour y réaliser une banque de semences qu’on pourrait continûment dupliquer. Grâce à laquelle on pourrait nourrir tous les peuples, à jamais ou presque. À partir de 1916, il est sur les chemins les plus hasardeux, du Pamir au Mexique, de l’Éthiopie à l’Amazonie. On lui tire dessus plus d’une fois, les guerres civiles défilent comme des

décors de cinéma, on le voit sur de rares photos avec un chapeau mou à ruban, vêtu d’une chemise blanche à col cassé. La banque est finalement créée et installée à Leningrad, qu’on appelle aujourd’hui Saint-Pétersbourg. Mais l’impitoyable Seconde Guerre mondiale gronde. Le 22 juin 1941, les barbares nazis entrent en Union soviétique. Leningrad compte au moins deux immenses trésors. Le premier est constitué de plus de 1 million d’œuvres d’art rassemblées au musée de l’Ermitage. Staline déménage par train spécial et cars réquisitionnés les tableaux et sculptures. Mais le second joyau de la ville, la banque Vavilov, est laissé sur place. Commence une tragédie shakespearienne : Leningrad est assiégée et le restera neuf cents jours. Le ravitaillement est presque impossible, et au moins 1,5 million d’habitants périssent avant leur libération. Par la force des choses, le cannibalisme fait sa réapparition. Et les semences ? L’incroyable est que les conservateurs formés par Vavilov, dont les propres enfants claquent des dents, ne touchent pas à la moindre semence, certaines étant pourtant de pommes de terre. Mieux : ils la cachent, dans une ville où l’on tue pour une promesse de repas, et la sauvent. La morale de l’histoire vous appartient ✹

Semences

lyon

e train de la grève à la SNCF est arrivé à son terminus. À l’heure où Bakchich pose les rails de ces lignes, le mouvement vient tout juste d’être levé. Petit réconfort pour les cheminots, il est des usagers qui aiment à se lover près de leur gare et qui ont même le plus grand mal à la quitter. Quand la plupart des voyageurs n’attendent que de déserter au plus vite les stations, d’autres ne songent qu’à rester tranquillement à quai. Enfin, tout à côté. « Des occupants sans droit ni titre se sont installés en gare de Lyon-Part-Dieu, à Lyon », a pourtant geint le Réseau ferré de France (RFF), plutôt ingrat envers ses fans, dans un courrier adressé le 8 février à la présidente du tribunal de grande instance de Lyon (TGI), aux fins d’expulser les malotrus sans papiers. Et le RFF d’ajouter : « Il convient de préciser que les occupants, au nombre de plusieurs dizaines, dont des enfants, se sont installés à seulement 150 mètres de l’extrémité des quais (…), ce qui gêne considérablement la circulation normale des trains. » Sauf en cas de grève !

Vavilov, l’inconnu magnifique

Aux sources de notre nourriture, par Gary Paul Nabhan, éd. Nevicata, 304 pages, 23,80 euros.

bakchich c’est aussi sur internet !

bakchich info informations, enquêtes et mauvais esprit


Bazar

La pouffe a bonne presse

bruits de la ville

magazines De nouveaux hebdos débarquent en force dans les kiosques. Destinés aux jeunes femmes actives et libérées, ces journaux véhiculent une bien pauvre image de la gent féminine et répondent à un seul dogme : la pub.

«

L

es femmes sont l’avenir et Be (Lagardère) sont-ils récemde nos groupes de ment venus garnir les étalages presse », lance Bruno de nos kiosques. Des publications Lesouef, éditeur des grâce auxquelles les femmes ont magazines féminins chez Lagardécouvert le respect dans lequel dère. À tel point que trois des plus les tenaient les éditeurs. Pour gros groupes de s’en convaincre, presse magazine l’analyse des « Grazia » dépend à 70 % en France ont sommaires de lancé, coup sur des recettes publicitaires ; Grazia, Envy et coup, des hebsuffit. Vaste « Envy » et « Be », à 50 %. Be domadaires desprogramme. tinés à choyer À la lecture de non pas la ménagère de moins de 50 ces journaux qui font la gloire de ans, mais la gazelle de 20 à 35 ans, la presse, on se réjouit pour les active et libérée. Ainsi Grazia femmes qui vont apprendre une (Mondadori), Envy (Marie Claire) foule de choses passionnantes.

En vrac : « Être branchée au lit en 2010 », « Avoir un corps de rêve pour être canon », « Les dix sacs tendance à absolument avoir pour l’été » ou encore « Les conseils pour devenir une vraie foufounista ! » Voilà qui indique assez bien l’image de la femme véhiculée par cette « pouffe presse ». En résumé, celle-ci se doit d’être une experte au lit, maigre comme un clou et vénérer les sacs à main portés par les pipoles. Et là, l’esprit pointilleux se dit que c’est décidément une étrange de façon de traiter l’avenir. Ou plutôt non.

Car si les femmes sont l’avenir des groupes de presse, c’est bel et bien parce que ces hebdos ne répondent qu’à une seule logique : celle des annonceurs. Grazia dépend à 70 % des recettes publicitaires ; Envy et Be, à 50 % environ. De plus, agences médias et annonceurs font savoir depuis longtemps qu’ils répondraient présents sur les hebdos féminins à destination des jeunes femmes issues de milieux socioprofessionnels élevés. L’attention portée à ces dames se comprend mieux. Du sexe, de la mode et du régime : voilà qui fera vendre et rentrer de l’argent dans les caisses d’éditeurs en manque de fraîche. Car c’est bien là le point clé. Les patrons de presse ne se sont pas découvert une passion soudaine pour les femmes. Ils ont simplement compris que ces hebdos attrape-pub leur permettaient de se refaire quelque peu après une année 2009 marquée par la crise de la publicité. Du coup, celles et ceux qui espéraient une presse pour dames « plus féminine du cerveau que du capiton » (slogan du bimestriel décalé Causette) en sont encore pour leurs frais, obligés d’avaler un énième dossier sur « Comment faire fondre son mec au lit ». Mais, à cela, JeanPaul Lubot – directeur général du groupe Marie Claire – a une réponse : « Nous respectons nos lectrices et nos journaux se vendent, alors arrêtons de caricaturer. » Pardon, Jean-Paul, c’est vrai, c’est nous qui caricaturons ✹ David Baldacci

télé

l’inspection du travail titille la chaîne info

A

près s’être intéressée aux conditions sociales en vigueur à TF1 (Bakchich n° 10 du 25 novembre 2009), voilà que l’inspection du travail fouine chez LCI, filiale de la Une. Et comme le relate le courrier envoyé le 19 février par l’inspectrice au président du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l’ambiance à la chaîne info n’est pas folichonne. Ainsi, la nouvelle salle, dite « phosphore », où est installée la rédaction, comporte « de nombreux inconvénients majeurs ». L’inspectrice détaille l’aménagement du lieu : « La taille réduite des box », « le peu d’espace entre les salariés », « la situation des box, à côté du passage ». En résumé, « tout cela concourt à ce qu’il y ait du bruit à ces postes ». Une organisation qui oblige, par exemple, l’équipe chargée du montage des

sujets à murmurer pendant que la présentatrice assure le direct sur le plateau d’à côté. Pas franchement pratique. Et l’inspectrice du travail de noter que « la durée du travail, parfois, dépasse très largement les maxima autorisés par le code du travail ».

terrain d’entente

Si, depuis, quelques ajustements ont été réalisés dans la salle, notamment sur l’organisation de l’open-space, la direction de TF1 commence à s’agacer de l’opiniâtreté de l’inspectrice. Aussi la Une a-t-elle pris contact avec la direction départementale de l’inspection, qui chapeaute la visiteuse, pour savoir s’il n’était pas possible de trouver un terrain d’entente. En attendant, et si elle continue comme ça, LCI aura tous les atours d’un chantier Bouygues ✹ simon piel

Les entrepreneurs à la rue

Accusés de faute grave par leur direction après des démêlés avec l’une de leurs assistantes, les deux animateurs de l’émission Rue des entrepreneurs, sur France Inter, Didier Adès et Dominique Dambert, ont été convoqués en conseil de discipline, vendredi 16 avril. L’émission existe depuis vingt-huit ans, or, observe un cadre de la maison ronde, « le tempérament tumultueux des deux journalistes est connu depuis longtemps ». Et d’ajouter : « Cette affaire éclate peu après que Didier Adès a voulu négocier son départ à la retraite contre de menus émoluments. » De là à y voir un lien de cause à effet.

Canal+, faut pas décoder

La chaîne cryptée a assez peu goûté que le Parisien se fasse l’écho, début avril, des rumeurs sur le remaniement qui pourrait toucher l’équipe du Grand Journal. Évoquant un possible départ d’Ariane Massenet, le quotidien s’était vu opposer un virulent démenti. En coulisses, la direction de Canal s’est même fendue d’un petit coup de fil au groupe Amaury, menaçant de remettre en question le partenariat qui unit les deux médias sur le festival de Cannes. Que les fouineurs se le disent, pas touche au Grand Journal !

« VSD » comme dehors

La grève se poursuit à VSD. Les salariés, quelque peu échaudés par la volonté du groupe Prisma de supprimer dix postes au sein de la rédaction et de remplacer douze pages de rédactionnel par des programmes télé, tiennent bon. La grève, reconduite à trois reprises, menace la parution du prochain numéro. Aujourd’hui, 60 % des membres de la rédaction sont en grève. Les ajustements de la direction sont la conséquence de l’échec de la nouvelle formule, lancée en avril 2009. Une mouture conçue par les brillants Jacques Séguéla et Denis Jeambar. De son côté, Philippe Labi, éditeur des pôles FémininActualité-People et Télévision au sein de Prisma, paraît peu enclin au dialogue. Ainsi a-t-il proposé publiquement, lors d’une récente assemblée générale, à un délégué syndical un peu remuant « d’aller s’expliquer dehors » ✹

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Bazar ÉCHOS DES CABAS

foot

un bien Triste printemps

le mondial hors de prix

les petites fables d’angelina Angelina chronique les grandes et les petites histoires du quotidien entre militance, humour et informations sérieuses. ’étais dans la cuisine, maquillée, joliJcraquer. ment habillée. Une maison pleine à Mes amies françaises, les amis

Le coup de la panne

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our sa première incurment privative, avec petits fours, sion en Afrique, en juin et pavillon d’après-match et suites juillet prochains, le Mondans des hôtels grand luxe, au dial de foot a mis les petits plats pack One Shot, pour assister à un dans les grands. À ceci près que, seul match. Rien de tel, pour rescomme l’a narré Bakchich (n° 19 sentir la ferveur d’un continent du 10 avril 2010), la tambouille pour le football, que de passer son risque d’être un peu rance pour temps entre des loges et des hôtels les finances de la Fifa, puissante de luxe, n’est-ce pas ? et lucrative organisation interCe n’est pas tout. Match Hospitalinationale qui compte plus de ty « peut vous proposer séparément pays membres que l’ONU. Avec des transferts pour les matchs, 185 000 billets de matchs vendus par voie terrestre ou aérienne ». Il sur 660 000 disponibles et surtout suffira d’une petite rallonge sur 148 000 « forfaits d’hospitalité » la douloureuse. Ou plutôt la saiachetés sur les 380 000 estampillés gnante. Si tant d’attention portée VIP (des formules de luxe avionau VIP fan de foot n’a évidemment hôtel-match). pas de prix, les tarifs affichés n’ont Dur, pour la Fifa, Match Hosabsolument rien d’hospitalier. De pitality (la so550 dollars miniciété détentrice mum (410 euros) La Fifa a misé gros des droits de pour un passionces forfaits) et sur la vente de ses forfaits nant Suisse-HonSportfive (la fiduras jusqu’à… de luxe. Un bide. 1,5 million de liale de Lagardollars (1,1 mildère chargée de refourguer la came en Europe), lion d’euros) pour le pack Big qui ont beaucoup misé sur ces Five, qui permet d’assister, en groupe (32 sièges maximum), fameuses formules. « Match Hospitality vous propose un programaux 36 matchs de la compétition. me sans égal dans l’histoire de la Si le foot reste soumis à la gloCoupe du monde pour que votre rieuse incertitude du sport, la séjour en Afrique du Sud soit une première Coupe du monde afriexpérience véritablement inoubliacaine aura au moins atteint des sommets de prix ✹ ble », décrit Africa and the Beautiful Game, la brochure officielle. Woodward et Newton Le dépliant ne manque pourtant pas d’allant : fond noir, photo de l’Afrique éternelle et sauvage et www.bakchich.info cette « expérience inoubliable » Coupe du monde de foot en (lire page 4) dont on nous rebat les Afrique du Sud, du tourisme de oreilles à chaque demi-page. Une expérience à déguster selon haut vol : http://minu.me/1tql cinq offres. De la loge entière-

Une assistance automobile est censée vous dépanner le jour où votre voiture rend l’âme. Or, début avril, difficile de joindre un téléconseiller de l’assurance MMA. Une heure trente plus tard, une hôtesse finit par évoquer une attente due à des circonstances exceptionnelles, qui datent de plus d’un mois : « Vous ne savez pas ce que c’est ? Les inondations en Vendée, vous connaissez ? » Zéro tracas, zéro blabla.

Facture poivrée

L’éditeur du livre de cuisine Bible Pasta a dû détruire 7 000 exemplaires de l’ouvrage à cause d’une erreur de frappe qui a provoqué un ramdam en Australie. Dans une recette, le bouquin conseillait d’ajouter du « peuple noir fraîchement moulu » (« black people ») au lieu du « poivre noir » (« black pepper »). « Si quelqu’un est assez faible d’esprit pour se plaindre de cette stupide erreur, nous serons heureux de remplacer son livre », a expliqué l’éditeur. L’offre ne manque pas de sel.

Argent comptant

Pour une expérience publiée par la revue Psychological Science, des chercheurs américains ont demandé à un groupe d’étudiants de compter de l’argent en espèce pendant que d’autres en faisaient autant avec des feuilles de papier blanc. Les cobayes ont ensuite plongé les mains dans de l’eau très chaude. Résultat : ceux qui avaient manipulé le fric ont supporté la douleur plus longtemps. Mieux que l’aspirine, les billets de banques ✹

justice soit rendue à l’om la mauvaise foi de monnier nfin, rappelons la douce vérité aux E oreilles et aux yeux du foot français. Sans le bel esprit et l’honnêteté du

plus grand club du monde, l’Olympique de Marseille, la France n’aurait jamais remporté la Coupe du monde en 1998. Petite explication. Frappé en 1993 par un vil complot ourdi dans les plus hautes sphères politiques pour l’abattre, nom de code OM-VA, Marseille est rétrogradé (avant un quelconque procès) en deuxième division,

dès 1994, et privé de participation à la Coupe d’Europe, qu’il vient pourtant de remporter, par la fédération européenne l’UEFA. Rarement avare de passements de jambes, le président d’alors, Bernard Tapie, attaque la décision devant le tribunal de Berne et obtient la réintégration du club… Drapées dans leur fairplay, l’UEFA et la Fifa menacent dès lors de retirer à l’Hexagone l’organisation du Mondial 1998. Sous la pression, Nanard accepte de laisser tomber sa plainte.

Mauresque

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Bakchich Hebdo N°21 | du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010

L’OM entrera au purgatoire… et la France atteindra les sommets. Merci qui ? Alors, dix-sept ans après, pour réparer l’injustice, il serait de bon ton d’achever illico le championnat français. Et de laisser l’OM, cinq points d’avance à cinq journées du terme de la compétition, tranquillement parader avec son titre de champion. La Bonne Mère, près de vingt ans après le dernier titre olympien (quoi, la Coupe de la Ligue ?), trépigne d’exulter. Et de laver dans la mauresque l’honneur du Vieux Port ✹

de mes colocataires, même un collègue du département de maths. J’étais dans la cuisine, entourée par quatre garçons subjugués par mon accent français. Ce soir-là, j’avais 25 ans. J’avais 25 ans pour la première fois. Je n’étais même pas étonnée d’être le point de mire de ce groupe. L’année de mes 25 ans, j’ai rencontré Neil, mon amour anglais. J’ai chanté Mon amant de la Saint-Jean devant le public du Contact Theater qui n’y pigeait que dalle mais qui adorait la chanson. J’ai vu un concert de Morrissey. L’année de mes 25 ans, j’ai aimé, écrit, travaillé, raté ma licence d’anglais. Aujourd’hui, 25 avril, j’ai encore 25 ans. Mais je ne peux ni écrire ni lire. Je ne vois ma mère qu’une fois tous les quinze jours. Aujourd’hui 25 avril,

j’ai 25 ans. Mais je ne peux ni aimer, ni jouer, ni travailler parce que je suis Salah Hamouri. Français et Palestinien, il croupit en prison en Israël depuis cinq ans. Condamné sur une accusation sans preuve par un tribunal militaire en Cisjordanie, donc illégitime. 25 ans et paradoxalement « le plus vieux prisonnier politique français dans le monde ». Monsieur le Président, nous savons aujourd’hui que, si cela arrivait à l’un de nos fils, nous ne pourrions pas compter sur vous pour aller le chercher. Monsieur Sarkozy qui refusez de requérir sa remise de peine, nous savons aujourd’hui que votre parole ne vaut rien. Depuis deux mois, Salah est privé de son courrier qui était un précieux réconfort. Pour son anniversaire, submergeons la prison, écrivons-lui par milliers à : Salah Hamouri, Doar nah Guilboa, 10900-Beit Shean, Israël ✹

Prisonnier

conso

racket au bout du fil

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orsque Emma cherche à se désabonner de Canal+, elle comprend vite que sa première demande par courrier a été ignorée. Les prélèvements sur son compte continuent, à date fixe. Elle enchaîne alors les coups de fil à la « chaîne qui enchaîne ». Là, une téléconseillère la bombarde de questions sur les motifs de son abandon. Puis oublie soigneusement de prendre en compte sa demande. Emma finit par hausser le ton et obtient la résiliation. Elle s’en sort malgré tout avec une facture de téléphone salée. Ses nombreux coups de fil ont été donnés à un numéro surtaxé à 0,34 euro la minute. Et lorsqu’elle appelait depuis un téléphone portable, son opérateur se prenait une petite com au passage, faisant allègrement doubler le coût de la note. Car ces appels sont généralement hors forfait.

numéros surtaxés

« Le coût des appels passés par les clients sur ces numéros peut représenter plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année », analyse un agent de la répression des fraudes. Non seulement cette attitude n’est guère fair-play – les consommateurs sont rarement informés du racket en direct –, mais, en plus, c’est illégal. La loi du 1er juin 2008 interdit en effet aux entreprises la vente à distance et aux opérateurs de téléphonie mobile de surtaxer les numéros non liés au passage de commandes. Mieux, le dispositif a été élargi, en janvier 2009,

à toutes les sociétés en relation directe avec des consommateurs. Les professionnels doivent donc mettre à disposition, pour toutes les actions de réclamation, des numéros non surtaxés, inférieurs à 0,15 euro la minute. Canal+ est bien connue des services de la répression des fraudes, mais Cdiscount.com, le « créateur de pouvoir d’achat », n’est pas plus pressé de s’exécuter. Et planque soigneusement son numéro pas (trop) cher, le 0810 004 025, mettant plutôt en avant le 0899 700 480 (1,35 euro + 0,34 euro la minute depuis une ligne fixe). En fait, les margoulins du numéro surtaxé sont nombreux et c’est un véritable jeu de cache-cache avec les consommateurs. Tantôt le numéro est planqué dans les conditions générales de vente que personne ne lit, tantôt dans un des courriels envoyés lors d’une commande. À La Redoute, c’est un numéro en 0892 que nous avons trouvé à la page 1190 du catalogue, mais le numéro « abordable » demeure introuvable. La Fnac ne s’embarrasse pas avec ces détails : pour exercer son droit de rétractation, il faut envoyer un courriel. Presque gratuit ✹ F. N.


Un peu de culture LITTÉRATURE À l’âge de 6 ans, Robert Flematti franchit clandestinement la frontière franco-italienne en tenant, pendant 300 kilomètres, la main de sa maman. Alpiniste, ce fils d’ouvrier italien part à l’assaut des plus hautes montagnes du monde. Une ode à la vie, même amère.

flematti, sublimissime alpiniste

I

maginez Mozart qui aurait écrit ses mémoires sans y mettre une note, même de bas de page. Flemattissime, c’est ça. Un livre signé Robert Flematti, un homme qui ne joue jamais de violon sur son moi, ni son toit, alors qu’il est alpiniste. Son bouquin n’est pas occupé par le vide des précipices. Vous connaissez le genre de l’odyssée alpine ? Où celui qui rapporte ses aventures est forcément un héros. Montagnarde, la bête humaine triomphe de tout, des abîmes, du froid polaire, des parois lisses et des surplombs. Vous avez dit blizzard ? Parfois, un ami de sacs et de cordes meurt, ce qui vient valoriser les souvenirs publiés par le rescapé.

déserts verticaux

Flematti, alpiniste immense et discret, aime trop la montagne pour la raconter. Ses déserts verticaux, il faut s’y accrocher pour sentir la glace ou le caillou donner du bonheur. Flematti ne raconte que sa vie, qui est de la littérature. L’histoire d’une mère aussi belle que Sylvana Mangano qui, juste après-guerre, survit d’un riz amer à Valmalenco, un petit village du nord de l’Italie d’où l’on aperçoit la Bernina et la frontière suisse. Après avoir eu deux enfants d’un premier mari mort d’une silicose attrapée dans les mines de France, la jeune femme a épousé Gervasio Flematti. Pour lui comme pour tous ces Ritals dont la seule richesse est de posséder deux bras, le salut est dans l’exil. Gervasio fait de la contrebande, ne rentrant à la maison qu’entre deux clairs de lune, comme un

chat. Un jour, les Alpes franchies, il obtient un statut d’immigré et un emploi dans d’autres montagnes, les Pyrénées. Sa femme et ses deux fils, des gamins de 9 et 11 ans, partent en expédition vers une France qui rejette les sans-papiers. On marche à pied pour économiser l’argent du car. Mais les douaniers embarquent ces trois misères pour les lâcher au milieu de nulle part. L’assaut reprend, plus discret. On se cache mieux à l’approche des cols quand l’herbe est assez haute. Passée en France, la mère se loue à la journée. Pour faire les foins, gagner de quoi poursuivre la route. Le tout en silence, dans la dignité, fortune de ceux qui n’ont rien. La dame en robe noire, avec ses deux gosses et une serviette nouée qui contient un peu de nourriture, a maintenant assez de sous

pour emprunter une kyrielle de trains, gagner Carcassonne puis embarquer dans un autocar vers le cœur des Pyrénées. Des gendarmes montent à bord : « Contrôle d’identité. » La fin du monde… Les képis passent devant les fauteuils de la jeune femme et des gosses. Ne demandent rien. Une femme s’écrie : « Vous n’avez pas contrôlé tout le monde ! » Un gendarme répond : « C’est parce que je les connais. »

enfant libre

Encore une nuit passée dans une cabane de bord de route, le ventre creux, puis un chauffeur, un cousin italien, embarque la famille dans son camion. La fin du voyage, on s’installe dans le baraquement qui abrite Gervasio. Le bonheur sous les planches. Bientôt, les Flematti déménagent à Arrens, là où chaque mot fait un

bouquin

le foot business se fait recadrer L e procès de Jérome Kerviel pointant à l’horizon comme le radieux soleil du capital, les polémiques sur nos amis banquiers reviennent à la mode. Profitant de l’aubaine, Renaud Lecadre, courtier en mots à Libération, acoquine jargon financier et ballon rond dans Les Super bonus du foot. Rétrocommissions entre clubs et agents, comptes truqués et faux transferts, tout ça est bien trop tordu pour que ces garçons, ayant passé l’âge des culottes courtes, se mettent à courir après un ballon pour gagner des millions. Mais est-ce bien tout, ces truquages ordinaires, déjà bien connus ? Non, nous dit Lecadre (au foot, il faut viser le cadre). Aveugles sur tous les détournements, les fédérations nationales ou internationales, par ailleurs myopes sur les matchs truqués, regardent ailleurs, comme les banquiers et les traders. Ou usent d’un bouclier image – « nous sommes des amis

du peuple » – pour véhiculer sans souci le fruit des gros casses. Quel politique, s’il a l’intention d’être élu, va griffer le sport le plus populaire du monde ?

132 millions de manque à gagner

Comme Sarkozy a embrassé Khadafi, Rama Yade étreint donc le foot. Et elle est fâchée qu’en juillet, un bel avantage fiscal soit retiré à ses amis du ballon rond. L’existence d’un droit à l’image collective (DIC), par exemple, c’est 132 millions de manque à gagner pour notre Sécu. Et pour sauver le mobile DIC, on a l’impression que les discours de Rama sont écrits par Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel ou par Jean-Michel Aulas, le gai foot-businessman de Lyon. Lui, bien content, en dépit de ses 5 millions de bénef annuel, d’engranger les subventions publiques. Aulas, lui aussi, est un indispensable ami du peuple ✹ x. m. Les Super bonus du foot, par Renaud Lecadre, Presses de la cité, 235 pages, 19 euros.

tour de trampoline avant de sortir des bouches. Par les mêmes chemins de contrebande, Gervasio ira chercher Liliane, la grande sœur restée en Italie. La vie d’Umberto « Robert » Flematti est celle d’un enfant libre. Son univers, son université qui lui

apprend la valeur des choses, c’est la montagne. Le gamin devient un as. ça se sait jusqu’à Chamonix, pourtant si peu ouverte aux autres. De l’École nationale d’alpinisme, on téléphone au maire d’Arrens : « Débrouillez-vous pour qu’un certain Flematti vienne suivre un stage à Gavarnie. » Pas d’argent ? Son frère lui achète des chaussures. Et Umberto, désormais « Robert », va devenir l’un des meilleurs alpinistes du monde. Son véritable exploit : être resté en vie. Grâce à sa force, à l’instinct développé dans la vie sauvage d’Arrens et à sa maxime : « Vous savez, si on va là-haut, c’est pour en revenir et raconter nos histoires à la veillée. » Grégory, son fils de 30 ans, ne racontera jamais la sienne. Il est mort dans une avalanche au pied de l’Annapurna. Comme le riz de Valmalenco, la vie est souvent amère ✹ jacques-marie bourget Flemattissime, par Robert Flematti, éd. Guérin, 246 pages, 14 euros.

Bédé Les banques des accusés ertolt Brecht s’était un B jour demandé, entre deux vers : « Qu’est-ce qui est plus

moral, créer une banque, ou l’attaquer ? » Thibaut Soulcié, dont la première des qualités est de jardiner nos pages de dessins, semble avoir résolu l’équation dans sa première BD, Banques de putes, aux éditions 12 bis. Preuve en est que l’esprit allemand a de vieux restes chez nos jeunes gens, cocos de préférence. En bon trotskiste, Soulcié a donc choisi de faire de l’entrisme artistique. Traduction pour les païens : pénétrer au sein d’une organisation, ici le système financier, pour en décrire les mécanismes et le noyauter de l’intérieur. Tout ça d’un simple pinceau magique. Pour mener à bien sa petite entreprise militante, l’artiste suit le destin de M. Plichon, un fauché sans bouclier fiscal. On lui pardonne. Par la magie du Loto, le brave type se retrouve plein aux as du jour au lendemain et tombe comme un fruit mûr de l’arbre de la précarité dans le panier ouaté de vils banquiers. De là, ils le font voyager dans le monde merveilleux de la finance mondialisée. Où vivent des espèces rares dans des bocaux ultra-protégés : traders, actionnaires, spéculateurs et golden-parachutés. Un voyage initiatique et pédagogique à l’humour naïf et potache destiné à notre jeunesse perdue, tentée entre une école de commerce et une fac de socio-psycho. Le bon Dieu ou Bourdieu, Lacoste ou Lacan, ne vous trompez pas d’urinoir et pissez droit ! ✹ L. C. Banques de putes, par Thibaut Soulcié, éd. 12 bis, 68 pages, 13 euros.

du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010 | Bakchich Hebdo N°21

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Un peu de culture Musique Go Jonsi

Difficile de croire que Jonsi est le chanteur de Sigur Ros – un groupe islandais qui allie depuis plus de dix ans postrock planant et musique minimaliste. Et pourtant. Son premier album solo vacille entre pop baroque, rock luxuriant et électro-acoustique. Mené par le timbre hermaphrodite du jeune homme, l’album exulte dans un feu d’artifice de cuivres, de cordes, de piano et de percussions. Go a été enregistré à Reykjavik avec les New-Yorkais d’Interpol. Joyeux, inventif, un petit bonheur. So in Love André Manoukian

Quel vieux playboy, ce Dédé. Sur son nouveau disque, le pseudo-philosophe de la Nouvelle Star est So in Love d’Anaïs, Helena Noguerra, Emily Loizeau ou Camélia Jordana. Elles ont eu carte blanche pour réinterpréter Fred Astaire, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald ou le standard Tea for Two, avec lui au piano. Également de la partie, le joli duo folk Cocoon, mais aussi les dispensables Tété et Benjamin Siksou. Agréable, mais peu originale, cette sélection jazzy fera merveille au réveillon chez Mémé. I Speak Because I Can Laura Marling

Une guitare sèche comme le désert du Mojave et un chant vibrant dans la pure tradition du storytelling façon Leonard Cohen ou Neil Young. Contre toute attente, le folk dépouillé de la ravissante Laura Marling ne vient pas d’outre-Atlantique, mais d’outre-Manche. Son deuxième album, I Speak Because I Can, brille par l’introspection de ses textes. Des histoires de passion, des odes à la campagne anglaise, des souvenirs d’enfance, entre autres angoisses mortifères, hantent ce beau disque.

Enter the Void

2010, l’odyssée de la défonce ciné Les errances de l’âme d’un petit dealer tokyoïte qui refuse de quitter le monde. Un maelström hypnotique orchestré par Gaspar Noé. Plus qu’un film, un trip.

A

u sein d’un cinéma français gangrené par des faiseurs cacochymes et des zauteurs prétentiards, Gaspar Noé fait figure de sale gosse, de rebelle surdoué, ricanant de ses mauvais coups du fond de la classe. Depuis ses débuts, Noé fait du cinéma comme on prépare un cocktail Molotov. Il goupille ses petits trucs dans son coin et balance ça sur les écrans : du sang, de la haine, des larmes, et surtout une puissance de feu extraordinaire. Mais attention, Noé n’est pas seulement un fan de gore provoc, c’est aussi et surtout un grand cinéaste, un immense formaliste, un obsessionnel qui signe des œuvres impossibles à aimer et impossibles à oublier. Fils de peintre, il éclabousse la pulsion de visions altérées de la toile – comme Jackson Pollock conscience où la caméra en ape– d’hémoglobine et réalise inlassanteur virevolte au-dessus des sablement le même film : une toits de Tokyo, un maelström dégringolade vertigineuse, qu’elle psychédélique où le passé, le présoit sociale ou sent et le futur familiale. et Un film radical qui vous s’imbriquent Présenté l’année se délitent. Avec dernière à Canplonge dans un au-delà ce film radical, nes, Enter the hanté par le cinématographique. Void est litté2001… de Stanley ralement une Kubrick, Noé descente aux enfers puisqu’il vous plonge dans un au-delà cinéraconte la mort d’un petit dealer matographique, un monde hypet l’errance de son âme qui refuse notique de sensations, de drogue, d’abandonner sa sœur et le monde rythmé par la musique anxiogène des vivants. S’ensuivent plus du Daft Punk Thomas Bangalter. de deux heures hallucinantes Bien sûr, Noé fait son intéressant tournées en caméra subjective, avec des plans ouvertement pro-

en salles Kick-Ass de Matthew Vaughn

Un ado timide enfile une panoplie plastoc de super-héros pour rendre la justice à coups de pompe dans la gueule, accessoirement défendre la veuve et l’orphelin. Problème, il n’a aucun super-pouvoir ! Harcelé par une bande de mafieux, il va se faire épauler par deux « vigilantes » en costume, Hit Girl, 11 ans, tranchante comme un katana, et son papa parano, Big Daddy. Adapté du comics de Mark Millar (Civil War, Wanted), Kick-Ass est une bonne surprise, comparé à toutes ces daubes décervelées genre Spider-Man, X-Men ou Iron Man. C’est pop, violent, cool et mal élevé, comme la BD. Pour la subversion ou le politiquement incorrect, il aurait fallu un vrai réalisateur derrière la caméra. Néanmoins, en l’état, le film vous colle une belle baffe. Greenberg de Noah Baumbach

vocs (la scène de l’avortement, la pénétration du pénis filmée de l’intérieur du vagin…) et ne parvient pas à trancher dans les scènes de défonce et de baise, laissant filer quarante-cinq minutes de trop. Néanmoins, Enter the Void est un des plus beaux trips de l’histoire du septième art, une virée cathartique dans le continent cinéma, le 2001 de la came. Simplement définitif ✹ marc godin Enter the Void, de Gaspar Noé, avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta. En salles le 5 mai. La semaine prochaine, interview de Gaspar Noé.

Le prototype même du film intello américain, prétentieux, chiant et insupportable. Scénariste de Wes Anderson, réalisateur du magnifique Les Berkman se séparent, Noah Baumbach se prend maintenant pour Woody Allen et nous lâche une diarrhée cinématographique sur un quadra dépressif, antipathique et misanthrope. Comment s’attacher à un perso pareil, même s’il est incarné par Ben Stiller ? C’est simple, on ne peut pas ! Comme les 5 doigts de la main d’Alexandre Arcady

Dans son nouveau film, Alexandre Arcady raconte le destin de cinq frères d’une fratrie juive, dont un, Vincent Elbaz, tombé dans le banditisme. Comment Arcady peut-il continuer à produire de telles daubes, c’est la grande question ✹ m. g.

10 Years – More GDM X Tigersushi

Dix ans que ce précieux label sévit dans l’underground parisien. Créé par le producteur surdoué Joakim, Tigersushi a collaboré avec le DJ culte du Pulp, Ivan Smagghe, et révélé une pléiade éclectique d’artistes novateurs. Les voilà rassemblés au sein de More GDM X. De la new-wave électronique de Poni Hoax au rock urgent de Panico, des synthés funky de Principles of Geometry au folk hybride de Guillaume Teyssier, cette compil comprend une face pop et une autre plus expérimentale. La fusion parfaite. DVD Stade de France Mylène Farmer

Complètement mégalo, la Mylène. Première chanteuse française à remplir deux Stade de France, elle immortalise sa performance dans un coffret de 7,5 kg contenant trois DVD plus un CD et, tenez-vous bien, une sculpture de cadavre putréfié de 70 centimètres utilisée pour ses lives. La fausse rousse momifiée égrène ses plus gros tubes et change de costume toutes les deux secondes. Tour à tour vestale gothique ou maîtresse SM… C’est Madonna qui va être jalouse ✹

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le méchant gagne toujours LA ZApPETTE de bourget a méritocratie a disparu. Elle a L laissé son strapontin au copinage et au pouvoir de l’argent. Pour

comprendre, vous devriez regarder le foot, c’est un sport qui reflète ce que nos rêves sont devenus, ceux de pipoles riches et truqueurs, de traders de l’existence. Un exemple : le match PSG-Quevilly en demi-finales de la Coupe de France. Le mérite et le talent étaient du côté des amateurs aventureux, intelligents et volontaires. Ils ont perdu, « contre le cours du jeu ». Je dirais plutôt conformément aux normes en vigueur, où le méchant gagne toujours. Nous avons eu, à l’occasion de ce match, le plaisir de voir apparaître, dans un coin d’écran, un vieux jeune homme, Daniel Horla-

Éléonore Colin

Bakchich Hebdo N°21 | du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010

ville. Il y a trente-cinq ans, c’était la star de Quevilly et le héros de tous les amoureux du jeu. Tuyauteur-soudeur la semaine, il était artiste enchanteur le dimanche, à l’heure de se mettre au vert et en culotte courte pendant les quatre-vingt-dix minutes d’un match de championnat de France amateur. Il est le seul non-professionnel à avoir été sélectionné en équipe de France, celle des pros, la « A ». Après avoir gagné, Horlaville était capable de sortir mécontent du terrain, parce qu’il avait « mal joué ». En dehors de Michel Platini, qui, dans le foot, se soucie de plaisir et de beauté ? Pour rester à la télé, c’est-à-dire dans le foot, avez-vous vu aussi ce grand crétin de l’OM roulant en Ferrari et

Crétin

distribuant une claque à un supporteur trop impulsif ? Et vous savez que quelques Bleus passent plus de temps avec de coûteuses gamines qu’à s’entraîner, mais leur reprocher de préférer une entraîneuse à un entraîneur serait misogyne. Les JT nous disent que tremperait là Franck Ribéry, notre scarfacebouc (lire page 15). On espère que Franck, prolo du Pas-de-Calais, accidenté de la route, va se tirer de cette mauvaise passe. Si j’ose dire. Ce qui m’inquiète, c’est son avocate, Sophie Bottai, qui fait autorité sur la Canebière. La dame a publié un communiqué qui nous dit que Ribéry « compte dans son relationnel un proche animateur d’un réseau d’escort-girls ». Si Sophie manie la langue de droit comme celle de bois, Franck va passer de footeux à foutu… En supporteur de la France qui gagne, je propose, après l’exception fiscale qui protège nos joueurs, de décréter un habeas corpus total : toute star du sport sera au-dessus des lois. Privés de tout souci pour aller droit au but, nos garçons n’auront plus qu’à gérer leurs pieds et leur agenda d’escort-girls. ça devrait le faire ✹

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Un peu de culture pour un chômage volontaire

Le pipole de la semaine franck ribéry dans de beaux draps

le billet d’alain riou

Si l’Équipe légende le sport, le quotidien n’a pas grand besoin de nourrir l’histoire de Franck Ribéry. Le Boulonnais globe-trotter passé par Metz, Munich, Istanbul, Brest ou Rodez a déjà construit son mythe. Celui d’un ch’ti gars, gueule cassée du foot, devenu l’un des piliers des Bleus contre un destin mesquin. Le gamin du Nord s’en est sorti à force de bonne humeur, de travail, de foi (en l’islam) et grâce à sa dulcinée, Wahiba. Décisive quant à ses choix de club. Beau comme l’antique et propice aux portraits louangeurs. Ce qui n’empêche pas certaines portes de se fermer devant lui : n’ayant reconnu le loustic, les hôtesses d’une bijouterie marseillaise furent à deux doigts d’appeler les flics, craignant un braquage… Blagueur en diable, le joueur du Bayern goûte souvent à l’humour policier. Reparti en début d’année à Marseille, dans le coffre d’une voiture après son interrogatoire sur une affaire d’escroquerie concernant l’un de ses transferts, Francky a eu droit, début avril, aux honneurs de la brigade de répression du proxénétisme parisien. Pour avoir trop fréquenté une boîte de nuit de Paname où les charmes tarifés d’une jeune Marocaine n’ont pas laissé insensible le caresseur de cuir. Petit souci, au commencement de sa relation avec le meneur de jeu, la muse n’avait pas atteint la majorité… L’encadrement des Bleus, les agents et les sponsors craignent une mise en examen pour détournement de mineurs. Et d’aucuns de ricaner : « Normal pour un gars du Nord d’aller vers des mineurs. » Carton jaune ! ✹ X. M.

Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma. e cauchemar de tous les gouverneL ments, quoi qu’ils disent ou qu’ils fassent, reste le chômage. Depuis bientôt

quarante ans, on nous fait croire que tout a été essayé pour vaincre le fléau. À d’autres. Le plus élémentaire bon sens indique qu’il s’agit d’un problème des plus simples à régler, à condition, bien sûr, de le prendre dans le bon sens. Suivant les calculs, on estime qu’il existe, en France, de 3 à 5 millions de citoyens sans emploi, et pour qui travailler serait un rêve. Mais il existe au moins autant de nos compatriotes dont le rêve serait précisément de ne rien faire. Le problème, on le voit, n’est en rien structurel, ou systémique, comme on l’affirme avec les mots chic d’aujourd’hui, mais la conséquence d’une inorganisation que réglerait un simple jeu de chaises musicales, voici comment. Considérant les salaires qu’offrent en général les employeurs, on comprend vite que ce n’est pas la rémunération qui fait saliver le chômeur, mais le désir d’un statut social honoré, qui s’oppose à la honte sottement attachée à l’inactivité. Plutôt que de laisser le chômeur devenir un laissépour-compte du progrès, il suffit de créer

les conditions qui rendront l’inemployé plus qu’honorable : glorieux. Je suggère donc que les places de chômeurs soient désormais mises au concours et que l’examen destiné à les pourvoir soit assez difficile pour épater les foules. Il s’agirait d’une sorte de profession de foi, une lettre de non motivation par laquelle le candidat exposerait les qualités qui, selon lui, le prédisposent à embrasser le statut de « fait-néant » professionnel. Et comme l’oisiveté est la mère de tous les vices, l’impétrant inactif devrait indiquer une occupation peu nécessaire et non concurrentielle qui occuperait son temps libre rémunéré. Je reçois précisément la belle communication d’un groupe de chercheurs qui viennent de procéder à « l’analyse culinaire de la Cène de Léonard de Vinci », démontrant après une observation minutieuse que ce n’est sans doute pas du hareng que dégustent Jésus Christ et les apôtres, mais plus probablement de l’anguille. On me signale que trois places de chômeur hors catégorie seront prochainement mises au concours, réservées aux bac + 12 ✹

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lettres

saumur et son salon du litre

I

l fallait avoir de sacrés bons Après un déjeuner digne des arguments pour parvenir à grandes heures de Versailles, le lever une armée d’écrivains public rencontrait ses écrivains à à 8 h 15 un dimanche matin, la dédicace royale et, pour certains regroupés voie 24 de la gare d’entre eux, l’adage de Blondin Montparnasse. Et le 15e Salon du prenait soudainement tout son livre et du vin de Saumur n’en sens : « Entre écrire et boire, il faut manquait pas, d’arguments. choisir, et j’ai choisi… » Il n’est pas D’entrée de jeu, Gonzague Saintsûr que certains auteurs n’aient Bris, l’un des pas plus « tutoyé principaux orgae s a n g e s » Le vin est aux écrivains ce lque nisateurs, indileurs lecquait à propos que le « Bateau ivre » est à teurs, mais peu de l’événement : Dans Rimbaud : incontournable. importe. « L’atmosphère une ambiance est tellement enicotonneuse, ils vrante qu’il n’y a pas que les tables regardaient avec autant d’émerqui soient rondes… » veillement la nouvelle bouteille Après une heure quarante-cinq qu’on leur proposait qu’un adode TGV, spécialement affrété, lescent du cru repartant avec où l’on croisait, notamment, un son livre préféré signé sous le Jean-Claude Dreyfus pimpant bras… saluant son camarade Jackie Berroyer déjà très en verve tandis que David Foenkinos prenait son petit déjeuner en amoureux, la gare de Saumur ouvrait ses bras aux lettres parisiennes avec des notes de musique orchestrées par une fanfare survoltée. Il n’est que 10 h 30 et l’on se croirait un soir de beaujolais nouveau. S’ensuit un court voyage en car, direction le Grand Manège pour une représentation des cavaliers du Cadre noir puis, après une remise de prix à des auteurs par un Patrick Poivre d’Arvor très en réserve et une Brigitte Fossey sans faux airs, les premières bouteilles s’offraient, telles des filles de joie à une garnison en permission. Le clairon des hostilités éthyliques venait de se faire entendre, une journée au rythme de la musicalité des verres embrassant les goulots s’officialisait.

La jour née passe trop vite lorsque des centaines de vins vous tendent leur robe en plein soleil. À 19 heures, pour ceux qui avaient encore une idée de l’heure, retour à la gare, direction Paris. Je me mets soudain à penser que l’affiche de ce quinzième salon est un tableau réalisé en 1872 par le peintre réaliste Henri Fantin-Latour, Coin de table, où l’on aperçoit Arthur Rimbaud nonchalamment assis au côté de Paul Verlaine tenant un verre d’absinthe. Bien vu. En 2010, le vin semble encore être aux écrivains ce que Le Bateau ivre est à Rimbaud : un incontournable. Tant mieux. Je dis cela, mais peut-être est-ce dû au fait que je suis ivre ? ✹ Renaud Santa Maria

du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010 | Bakchich Hebdo N°21

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Ben la der

gérard LHÉRITIER au pied de la lettre bandit Les manuscrits rares sont un vrai business et ce Gérard Lhéritier l’a bien compris, qui fait dans la défiscalisation d’œuvres introuvables.

G

érard Lhéritier, le fondateur du Musée privé des lettres et manuscrits, qui a rouvert en grande pompe le 15 avril, est intarissable sur la passion qui le nourrit. À l’inauguration de l’exposition Proust, du temps perdu au temps retrouvé soutenue par France Inter et le Figaro, ce quasi-mécène a pu, une nouvelle fois, partager sa marotte avec ses amis et invités. Dans le Monde, l’écrivain Christophe Donner l’a présenté comme le sauveur du patrimoine français, rien de moins. Son fait d’armes patriotique ? Avoir acquis la lettretestament de Louis XVI, qui croupissait chez des collectionneurs américains. Un manuscrit d’une valeur inestimable, explique-t-il. Inestimable, ça fait combien ? « Plusieurs millions », avance pudiquement l’intéressé.

bibliophile

Prolixe sur son amour des manuscrits, Gérard Lhéritier préfère rester discret sur ses finances. En 2008, il avait surpris son monde en allongeant 3,6 millions d’euros pour obtenir le manuscrit du Manifeste du surréalisme, d’André Breton, au nez et à la barbe des musées. Un chiffre tellement extravagant que certains s’étaient demandé, à l’époque, d’où lui venait toute cette oseille… Face à la bassesse de ces attaques, notre bibliophile s’est adjoint les services d’une pointure de la com, Christophe Reille, qui avait défendu Kerviel, le trader aux 5 milliards d’euros dilapidés, ou Antoine Zacharias, l’ex-patron trop glouton de Vinci.

L’exposition de vieux manuscrits que Lhéritier vient d’inaugurer montre que notre esthète a les pieds sur terre. Beaucoup d’œuvres présentées ont été en effet financées par sa société, Aristophil, spécialisée, d’après la plaquette de présentation, dans la « défiscalisation » et le placement « enrichissant ».

escroc

Quelque 8 000 adhérents deviennent copropriétaires des lettres exposées au musée. La formulation sibylline des contrats fait croire à nombre d’entre eux qu’ils peuvent espérer une prodigieuse plus-value. Que nenni ! Une dizaine d’actionnaires de la société intente alors une action pour résilier leur contrat. En 1996 déjà, cet homme d’affaires niçois avait été mis en examen et placé en détention provisoire pour escroquerie dans le cadre de la rocambolesque affaire des faux timbres de Monaco. Affable, Gérard Lhéritier se dépeint, dans un libelle qu’il vient de signer, comme victime d’un acharnement judiciaire, à l’égal des accusés d’Outreau. Il n’aime guère qu’on vienne lui chercher des poux sur un passé révolu. Ni d’ailleurs qu’on lui pose trop de questions sur le nombre de manuscrits revendus pour le compte de ses clients. Ah, les belles-lettres ! ✹ l. d. www.bakchich.info

À la recherche du temps de la défiscalisation retrouvé avec Marcel Proust : http://minu.me/23qp

retraité

Cap maigre

Querelle d’Allemand

L’omniprésence de notre omniprésident, aggravée, ces dernières semaines, par le micmac autour de Carla, a inspiré au grand quotidien (conservateur) allemand, le Frankfurter Allgemeine, repris par Courrier international ( 15 avril) une assez juste formule : « Les Français ont l’impression d’être coincés dans un ascenseur avec Sarkozy. » Un ascenseur dont le réparateur n’interviendra que dans deux ans…

Magique Pasqua

Les parlementaires et magistrats qui l’entendent depuis lundi 19 avril à la Cour de justice de la République sur trois dossiers sérieux gagneraient à faire gaffe. Môssieur Charles Pasqua détient, par « héritage corse », des pouvoirs de sorcier. Il l’a sérieusement expliqué, peu avant sa comparution, dans sa très longue interview au Point (15 avril) : « Il y a chez les Pasqua des dons exceptionnels ; enfant, j’ai vu un membre de ma famille guérir un bébé secoué de convulsions en jetant une mèche de cheveux dans une assiette d’eau (...) ou arrêter le sang qui coulait, juste avec les mains. » À vrai dire, on a plutôt l’impression que Pasqua a joué à l’apprenti sorcier !

Au-dessus du volcan

L’éruption du volcan islandais a interdit, officiellement du moins, à diverses hautes personnalités, dont Obama, de participer aux obsèques du président polonais. Ce qui a troublé de pieux cathos de la sainte Pologne, comme cette étudiante en russe de 22 ans, Anne Welo, dont le Monde (17 avril) a mis en exergue d’un long article, la puissante réflexion : « Dieu a voulu envoyer un message. Peut-être qu’ainsi le monde va enfin apprendre la vérité sur Katyn. » Peut-être aussi que, pour faire passer ses « messages », ce Dieu-là gagnerait à diffuser une campagne de pub un peu moins brutale.

Dien-Bien-Fou

Le généralissime américain Stanley McChrystal cause au moins Otan qu’il fait la guerre en Afghanistan. Pour Paris-Match (15 avril), il a évoqué ses livres de chevet professionnels : « J’aime beaucoup lire sur l’expérience française en Indochine. (...) Je trouve aussi que le livre du colonel Galula, en Algérie (sic), Contre l’insurrection, est remarquable de sagesse et d’aspects pratiques. » La haute « sagesse » de l’armée française en Indochine et en Algérie ? Ce galonné-là a un moral de vainqueur !

Dans un article très documenté, le Nouvel Obs (15 avril) décrit ainsi la détresse morale de « la première dame de son mari », comme l’appelle aussi et très irrespectueusement l’hebdo : « Que connaît-elle de son pays d’adoption ? Courchevel, le cap Nègre, Megève… Les bains de foule l’effraient, les pince-fesses la fatiguent. Désespérément, elle cherche sa place. » Elle la trouverait peut-être en consentant à s’intéresser, ne serait-ce qu’un instant, aux Français…

Pacte I, scène II

Pour ceux qui l’ignoraient encore, le pacte de Marrakech est l’accord qu’auraient conclu Dominique StraussKahn, familier de cette agréable villégiature, et Martine Aubry pour éviter de se voler fâcheusement dans les plumes. « Une vision de la politique à l’ancienne », a jugé de son côté le candidat à la candidature déclaré Manuel Valls, dans le Figaro (20 mars). Et un arrangement qui n’empêchera peut-être pas un coup de Trafalgar.

Sauce financière

Épouse, à la ville, du ministre du Travail, Éric Woerth, Florence Woerth va incessamment intégrer le conseil de surveillance du groupe Hermès. Mais attention, insiste le Figaro économie (17-18 avril), elle « n’a pas été recrutée pour ses liens maritaux, mais parce que c’est une financière de haut vol. (...) Elle gère aujourd’hui la fortune de la famille Bettencourt », pour tout ce qui ne concerne pas « directement » L’Oréal. Le Fig éco en fait vraiment trop : en matière de recrutement et plus encore sous Sarko, les milieux d’affaires n’ont jamais en vue que la compétence.

Nick story

La campagne pour les législatives britanniques (scrutin le jeudi 6 mai) ne manque pas de sel. S’y détache, médiatiquement du moins et à en rendre vert de rage un Bayrou, le chef des centristes, les libérauxdémocrates, Nick Clegg. Repris par Courrier international (15 avril), le respecté Financial Times rappelle que ce jeune leader (42 ans) s’est aussi fait connaître « par une interview célèbre (...) où il disait ne pas avoir couché avec plus de trente femmes ». Finalement, l’actuel débat politique français ne manque pas d’une certaine hauteur…

Planète Gollnisch

Incertain candidat à la succession de Le Pen, Bruno Gollnisch, vice-président du FN, ne craint pas, quand il s’agit de lui-même, de s’abriter derrière les plus hautes références (le Journal du dimanche du 18 avril) : « Pourquoi se bat-on ? Parce qu’on doit le faire. Pourquoi Galilée a-t-il défié l’Inquisition ? » Il n’est pas acquis que Galilée, qui, du reste, s’est incliné devant l’Inquisition, cherchait à faire plus de 20 % aux régionales italiennes… ✹

Patrice Lestrohan

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Bakchich Hebdo N°21 | du samedi 24 au jeudi 29 avril 2010


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