Les secrets des RG sur le polygame | P. 5
bakchich
N° 23 | du sameDI 8 au vendredi 14 mai 2010 | informations, enquêtes et mauvais esprit
la france soldée
aux riches étrangers page 3 bobigny
Tabou sur une agression raciste | P. 4 grand paris mauvaise mise | P. 6-7 Hyper-métro, recentralisation, réquisitions de terrains. Les projets pharaoniques de l’Élysée laissent les élus franciliens amers. Et les usagers sur le quai.
eau
Le privé flambe avec l’argent public | P. 9 écologie
À quoi sert encore Borloo ? | P. 2 et 10
L 13723 - 23 - F: 1,50
livre
Bel : 2€ - CH : 2,90FS
Les jours tranquilles d’Henry Miller | P. 13 Et sur Internet
Apéro come-back
Kerviel contre les méchants Q
Borloo bien seul sur sa banquise
J
ean-Louis Borloo a d’autres joies dans sa vie que de jouer à la belote avec Arthus-Bertrand. Il a la chance d’être riche. Pourquoi s’accroche-t-il à son ministère, mort depuis que le président de la République a déclaré : « L’environnement, ça commence à bien faire ! » ? Il y a trois ans, chaque candidat à la présidence, dans une démarche grotesque, se prosternait devant l’oratoire de Nicolas Hulot, un animateur de TF1. Les promesses sont délavées. La France est condamnée pour non-respect des lois environnementales. Copenhague a été un Woodstock sans fleurs ni couronne. Après l’abandon de la « taxe carbone », le démaillage de la politique écologique s’accélère (lire page 10). Le Grenelle II, soumis aux députés, est une verdâtre pantalonnade. Dans la vie ordinaire, les paysans et les trusts agroalimentaires font ce qu’ils veulent. L’Assemblée nationale, où des lobbyistes de Publicis rédigent des lois, vient de déclarer que les pesticides sont une bénédiction. Prévue pour 2011, la taxe sur les poids lourds est déjà morte. On aurait pu imaginer qu’empêché de sauver la planète, Borloo s’occuperait du quotidien : proximité d’un élevage, d’une déchetterie, d’une route polluante. Qu’il mettrait là un peu de plaisir dans le mieux-vivre… Non. Seule la fonte de la banquise, son cheval de bataille, ne le laisse pas froid. Manquait plus que ça… ✹ la rédaction P.S. Règle du cœur, nos amis lecteurs nous sont très chers. Règle du capitalisme, nous allons être un peu plus chers à nos amis. Bakchich Hebdo passe à 1,50 euro. Merci…
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J’ai sauvé les banques et les constructeurs automobiles. Mais sauver la presse ? Je suis président, pas faiseur de miracles !
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Barack Obama, au dîner annuel des correspondants à la Maison Blanche.
coup de boule
les rosbifs voient rouge L
e 5 mai, dans les clubs anglais, on a savouré le champagne. Comme tous les ans à pareille date. C’est l’anniversaire de la mort de Napoléon et il n’est pas un seul gentleman qui n’estime devoir s’en désoler. Il faut dire que c’était le bon temps. À l’époque, personne n’avait à subir des campagnes électorales du type de celle qui vient de s’achever. Communication, communication, tout n’est que communication. Tel pourrait être le bilan de ces dernières semaines. Les programmes sont restés dans le flou et tout le monde s’est mis d’accord sur le fait que la situation du pays est grave et même désespérante. Le plus critique était sûrement Gordon Brown, qui a fini sur les chapeaux de roue, très à gauche de son bilan.
excentrique
Le New Labour achève le programme initié en 1997 en Old Labour avec un très keynésien déficit budgétaire de 13 % du PIB et un impôt sur le revenu porté
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Le scud
de 40 à 50 % pour la tranche supérieure. Et pourtant, il était moins à gauche que le héros de la campagne, l’ineffable Nick Clegg. Certes, en Grande-Bretagne, on aime bien les excentriques. Mais là, il en a fait beaucoup : vouloir faire payer les riches en solidarité avec les pauvres – reconnaissons que, si c’est de l’humour, ce n’est pas drôle –, respecter les traités européens et, même, rejoindre l’euro – là, c’est de l’humour, parce que, si on ne tire pas sur les ambulances, on n’est pas obligé non plus de vouloir y monter à toute force. Quant à Cameron, il a inventé la notion de « Tory rouge », proposant un système de quasi-autogestion pour les services publics ! Cameron, en fait, était encore plus à gauche que Clegg. Bon, heureusement, maintenant, tout cela est fini. C’est business as usual et il va falloir se colleter avec la spéculation contre la livre. Du grand classique, finalement, au paradis de la finance ✹ alceste
Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010
les trophéEs Le héros national de la semaine
Après un verdict très contesté – un an de prison avec sursis contre Charles Pasqua –, les explications. La Cour de justice de la République a publié son arrêt le 3 mai : « Les faits commis présentent une gravité certaine » : « complicité et abus de biens sociaux ». « Toutefois, compte tenu de l’âge de M. Pasqua et de son passé au service de la France, il y a lieu d’assortir du sursis la peine prononcée. » Pourquoi ne pas lui édifier un monument ?
Les muets de la semaine
Le naufrage de la plateforme pétrolière de BP, dans le golfe du Mexique, a cloué le bec de Sarah Palin et celui de ses copains républicains qui hurlaient naguère « Fore, bébé fore ! » Et la foule de railler le manque d’entrain d’Obama pour le forage en mer. « Tous les trouducs qui ont déjà scandé ” Fore, bébé, fore ! ” devraient participer au nettoyage », a résumé l’humoriste Bill Maher. Même avec du pétrole, on peut avoir des idées.
La question de la semaine
Nicolas Sarkozy a ressorti son projet de suppression « totale » des allocations familiales pour les parents des élèves absents à l’école. Street Press a eu l’idée de demander à la sénatrice Isabelle Debré et au député Éric Ciotti, à l’origine du projet de loi : « Comment lutter contre l’absentéisme des gosses de riches ? » Oups. Pour combattre l’école buissonnière à Neuilly, faudrait penser à sucrer le bouclier fiscal.
L’amoureux de la semaine
Quand Jean-Pierre Pernaut ne dit pas du bien de Nicolas Sarkozy, il s’occupe aussi de la promotion de la pièce de théâtre de sa femme. « Le spectacle est un triomphe », assure le bon mari. Ah bon, pleine comme un œuf, la salle ? « Il n’y a aucun problème, vous pouvez prendre vos places au guichet juste avant d’entrer », nous a garanti le théâtre. L’abus de Pernaut ferait-il voir les spectateurs en double ? ✹
Mot à Mot
Reporters sans frontières a publié, le 3 mai, la liste de 40 « prédateurs » de la presse à travers le monde. De la sorte, j’aurai entendu, en une semaine, traiter de « prédateur(s) » : les financiers cupides qui ont étranglé la Grèce et permis au monde de savoir combien ce pays comptait de fonctionnaires ; les membres de je-nesais-quelle-compagnie de doux Jésus, soupçonnés par Tonton XVI lui-même de couvrir leurs jeunes brebis ; le mec à la
nana ensachée qui s’est fait gauler pour conduite aveugle, soupçonné d’abord de polygamie, puis de vendre de la chair de moukère draguée à l’intégrisme radical ; dans le même ordre d’idées, mais côté client, un footeux gros consommateur de charia à saucisse ; un autre beau gosse, l’Espagnol qui raquette tous les tournois de tennis sur terre battue (elle aussi !) ; et même les pacifiques loups du Mercantour, qui saignent le broutard, espèce non protégée, avec la bénédiction des amis des bêtes mais au grand dam d’éleveurs qui se font sauter le caisson devant le charnier. Oui, partout, des prédateurs, et même les végétariens sont, si l’on y réfléchit, les prédateurs de la carotte, dont le cri perçant reste bien trop souvent ignoré (il n’est pire sourd qu’un herbivore). Le
uel monde odieux que la finance ! Jérôme Kerviel, accusé d’avoir fait perdre la bagatelle de 5 milliards d’euros à la Société générale, début janvier 2008, se fait fort, dans l’ouvrage qu’il publie, de nous instruire sur un monde sans pitié. « Aucun trader ne ménageait sa peine. C’est tout juste si nous nous autorisions une ou deux fois par demi-journée une courte pause-café ou cigarette au pied de la tour. » De l’esclavage moderne ? Songez que les traders, parfaitement désintéressés, n’ont qu’une obsession : faire gagner de l’argent à leur banque. Notre ami Kerviel passe rapidement sur les bonus pouvant atteindre jusqu’à dix fois le salaire annuel. Ainsi, JK avait obtenu la promesse d’avoir 300 000 euros au titre de l’exercice 2007 en plus de son salaire de base de 40 000 euros, le lot de tous les Français ou presque. À quelques semaines de l’ouverture de son procès, Kerviel veut prouver que c’est le système qui l’a écrasé et pour cela il a besoin d’aide. « Je lance donc ici, écrit-il, un appel à témoin. » Ce chevalier blanc reconnaît avoir pris des positions un peu osées sur les marchés boursiers, plaçant jusqu’à 50 milliards d’euros – quasiment deux fois les fonds propres de la banque – ou réalisant des opérations fictives. Mais ses supérieurs, nous explique-t-il, le couvraient. La preuve ? Leur manque de réaction face aux multiples alertes des services de contrôle. Et là, on découvre que notre trader favori peut aussi être très drôle. Car les courriers électroniques qui figurent dans le dossier judiciaire montrent qu’à chaque alerte il inventait une explication suffisamment convaincante pour que ses chefs le croient. Des chefs, il est vrai, pas très curieux ✹ gari john L’Engrenage, mémoires d’un trader, par Jérôme Kerviel, éd. Flammarion, 268 pages, 19,90 euros.
top ? Les meufs défripées au botox, qui sont, aux Amériques, traitées de prédatrices quand elles bouffent du jeunot – on les appelle « cougars », ce qui veut dire, en français, « couguars ». Pour la presse, on retrouve le frère Castro, les narco-pouvoirs, les Russes (lire la presse rase Poutine), Mugabe, les tyrans d’Iran, mais aussi le mollah Omar-m’a-tuer, et, tiens donc, Kagame, le Rwandais de la « bonne » ethnie certifiée Kouchner. Ah mince, il y a dix-huit mois, une association française très droits-de-l’hommiste dans ses bottes empruntait les pantoufles et les avocats de ce monsieur pour traîner un malpensant devant le tribunal. Re-mince, c’était un journaliste, un certain Pierre Péan… Ouf ! On l’a relaxé ! ✹
jacques gaillard
Apéro
La France
chef scoop La classe du fils Hortefeux visite la préfecture de police
nouveau paradis fiscal
eldorado La France, terre d’accueil bienveillante pour les entreprises étrangères prêtes à investir. Bakchich s’est procuré un document éloquent du ministère des Finances.
L
a France est-elle un paradis fiscal ? Ce serait cocasse pour la nation dirigée par l’homme qui, de sa foudre menaçante, a « moralisé le capitalisme mondial ». On se souvient de sa bravoure, la veille du G20 de Pittsburgh (2425 septembre 2009) : « Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. » Patatras ! Un document de 42 pages produit par Invest in France, une officine du ministère des Finances, explique aux compagnies étrangères et aux expatriés que la France est devenue un nouvel eldorado pour les affaires. « Les réformes fondamentales bénéficient aux entreprises et aux expatriés. » « La France a incroyablement changé ces dernières années, devenant beaucoup plus attractive pour les affaires. » Sous ces séduisantes assertions,
les auteurs font la synthèse de seur de 50 à 74 places), à propos tout ce qu’a accompli l’efficace du crédit impôt recherche (CIR). gouvernement Sarkozy pour que C’est beau… mais imprécis. On la France devienne très « business sait du CIR des choses peu reluifriendly ». Une France aux atours santes. Ainsi, le député UMP Gilles de Liechtenstein, en somme. Carrez, ayant examiné cette niche La suppression de la taxe profiscale, a souligné, en juillet 2009, fessionnelle ou la défiscalisation qu’elle permettait le remboursedes heures sup’ sont avancées en ment aux entreprises du tiers de hors-d’œuvre. leurs dépenses Avant d’entrer de recherche, Le gouvernement permet « sans aucune dans le détail du menu, véritable aux sociétés étrangères de évaluation, ni discernemodus operandi se développer à nos frais. même pour se faire un ment ». Au total, maximum de blé les cadeaux faits sans trop contribuer à la solidaau nom de la recherche s’élèvent à 4 milliards d’euros, dont les rité nationale. Ah vraiment, les expatriés sont choyés ! deux tiers vont aux « banques, assurances et sociétés de conseil », Exemptés de la moitié de leurs impôts sur le revenu grâce à un toujours selon le député UMP « bonus » qui leur est réservé, ils Gilles Carrez. Autant de secteurs ne cotiseront pas à la Sécu lors où l’innovation technologique de leurs cinq premières années est, c’est certain, prioritaire. « En réalité, les banques financent en France. Idem pour les revenus leurs recherches sur les produits des capitaux : un abattement de dérivés, ceux qui ont plongé le 50 % leur est consenti. Invest in monde dans la crise. Alors que ce France, c’est vraiment le Loto. dispositif est censé booster l’innoCôté social, les boîtes qui choivation technologique, nous confie sissent la France bénéficient de facilités pour se séparer Damien Vandembroucq, chargé de leurs employés à l’amiable de recherche au CNRS. Le crédit impôt recherche n’est qu’une inciou les transformer en autotation au dumping fiscal. Quand entrepreneurs, histoire de ne pas trop s’ennous sommes obligés, au CNRS, de gager à les payer. justifier le moindre euro dépensé. » Pour tout étranger Invest in France, ou comment le fortuné qui veut gouvernement incite les sociétés investir dans étrangères à profiter de l’argent la recherche, public pour se développer à nos le document frais. Ne dit-on pas « gagner le paradis sur terre » ? ✹ devient poétique. « I l e x i s t e e n RENAUD CHENU France une sorte d’harmonie entre la terre et le ciel », www.bakchich.info s’enthousiasme Aldo Amnistie fiscale, etc., les recettes Mucciardi, secréde M. Woerth pour une France en taire général d’ATR France (leader monfaillite : http://minu.me/2bdc dial du turbopropul-
coulisses
les américains maîtres du « monde » ?
A
rnaud Lagardère, qui détient 17 % du capital du Monde, l’a dit lors de l’assemblée générale des actionnaires de son groupe : c’est à cause de la société des rédacteurs du Monde (SRM) qu’il renonce à prendre le contrôle du quotidien vespéral. Moyennant quoi, le journal risque de passer sous contrôle américain. Explication. Compte tenu du veto de la toute-puissante SRM à un renforcement de Lagardère, l’espagnol Prisa, qui édite El Pais, devrait apporter au Monde l’argent dont il a besoin (on parle de 50 millions d’euros) pour éviter le dépôt de bilan cet été. Comme les candidats ne se bousculent pas, Prisa va prendre le contrôle du Monde et dépouiller la SRM de ses droits.
Mais Prisa sera-t-il vraiment en position de force ? Le géant espagnol, très endetté, vient de céder 50 % de son capital au fonds Liberty Acquisitions Holding Corporation. Si Prisa détient 50 % du capital du Monde à l’issue de la recapitalisation, le fonds américain en possédera indirectement 25 %. Or une loi de 1986 limite à 20 % la part du capital appartenant à un actionnaire non membre de l’Union européenne. C’est pourquoi le jeune Pougatchev s’est dépêché d’obtenir la nationalité française pour acheter France-Soir. Si le montage est contesté juridiquement, les très orgueilleux membres de la SRM risquent de devoir bien vite faire allégeance à Lagardère ✹ G. J.
Ah, comme ils en ont de la chance, les enfants de l’école Sainte-Clotilde ! Quand elle ne rôde pas dans les magasins Dior, Valérie, la mère du petit Hortefeux, élève dans cette école – la plus chic de Paris, au cœur du VIIe arrondissement –, participe aux sorties de classe. Ainsi, le 15 avril, rue de la Cité, dans le IVe arrondissement, l’épouse du ministre de l’Intérieur (la blonde aux lunettes sur la tête), accompagnée d’une garde du corps (sur le scooter, à gauche au premier plan), emmène une vingtaine d’élèves, dont son fils, à la préfecture de police. Une première. D’habitude, les policiers se déplacent eux-mêmes pour donner quelques leçons de prévention. Mais le fils du ministre de l’Intérieur méritait bien de voir de près les fonctionnaires de son ministre de père. Bientôt la relève ? ✹
anaëlle verzaux
Lumineux comme du Blanc
MAM l’indépendante…
Michèle Alliot-Marie prend bien soin de ne nommer aucune tête sarkozyste aux postes clés de la magistrature. À l’instar de la filloniste Maryvonne Caillibotte, nommée à la direction centrale des affaires et des grâces. Ou encore de Véronique Malbec, nouvelle directrice des services judiciaires en lieu et place de la sarkozyste Martine Ceccaldi. À défaut de garantir l’indépendance de la justice, la garde des Sceaux cultive la sienne…
…avant Matignon
Une tenue à la marge de MAM qui ne manque pas d’agacer à l’élysée. Et Sarko Ier de commencer à envisager de la nommer à Matignon, cette héritière chiraquienne. Une nomination en hommage à Godard et à sa maxime : « C’est avec la marge qu’on tient les pages. » Sarko plus proche de Godard que de Machiavel, l’influence de Carlita, sans doute.
Villepin sans préméditation
« La République ne doit pas être soumise aux calculs politiciens et aux arrière- pensées », déclarait récemment Dominique de Villepin. Fort de cet adage, le poète flamboyant a retrouvé l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, le 30 avril, dans les salons cossus du Bristol. Un couple rapidement rejoint par Corinne Maugée, l’assistante de Christian Frémont, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy. Évidemment sans « calculs politiciens » ni « arrière-pensées ».
Christian Blanc, sous-ministre au Grand Paris, s’est enivré, le 3 mai, de la sortie prochaine de son ouvrage le Grand Paris du XXIe siècle. « Un livre courageux pour éclairer les Français », assure l’auteur. Sûr que les voyageurs du métro devraient se ruer dessus pour passer le temps (lire notre dossier pages 6-7).
Alea jacta est
Montée de température dans les cercles de jeu parisiens. La police des jeux a réalisé une petite tournée de présentation, dans la nuit du 29 au 30 avril, dans ces nouveaux temples du poker. Enquêtes à venir ou coup de bluff ?
Passerelles prises Dassault
À Corbeil-Essonnes, le fief de Serge Dassault, les jeunes perturbateurs sont chouchoutés. En janvier, 60 d’entre eux ont bénéficié d’un emploi passerelle – à l’hôtel. Quatorze autres les ont rejoints après une délibération du conseil municipal, le 26 avril. Une façon de préparer les municipales de septembre ?
Le mauvais rêve d’Hortefeux
Mauvaise nuit pour Brice Hortefeux, en début de semaine. L’électrocution d’un jeune coursé par les flics (pronostic vital engagé) à la gare du Nord, à Paris, l’a fait sauter de son lit, place Beauvau. Au ministère, on se rappelle que c’est la mort de deux jeunes poursuivis par les poulets, à Clichy-sous-Bois, qui avait provoqué les émeutes de 2005 en banlieue.
Atomic Anne rayonne
Faute de candidats dans le réacteur, Anne Lauvergeon, malgré les pronostics, devrait sauver sa tête à la présidence d’Areva. Au moins jusqu’au printemps 2011, date de la fin de son mandat. Contrairement aux apparences, l’atome protège ✹
du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010 | Bakchich Hebdo N°23
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Apéro
Course-poursuite mortelle à Bobigny
coup de feu
agression Un silence médiatique pesant entoure l’étrange noyade d’un vigile de Bobigny d’origine marocaine, agressé par une bande de jeunes juifs, le 30 mars à Paris.
L
e 31 mars, à 16 heures, un sur le chemin de halage en direchomme est retrouvé mort tion de Pantin. Tout se passe si dans le canal de l’Ourcq vite que les témoins restent cloués à Bobigny, en Seinesur place. Saint-Denis (93). Il s’agit de Saïd Un peu plus tard, trois employés Bourarach, un vigile d’origine se rendent sur le canal de l’Ourcq. marocaine de 35 ans, travaillant à Ils trouvent le blouson, mouillé, Batkor, un magasin de bricolage de Saïd sur la berge. Grâce à la de la ville. Cette étrange noyade voiture laissée par l’un des agresavait été précédée d’une courseseurs sur le parking, la police poursuite le long de la berge, épiretrouve rapidement la trace de la sode pendant lequel Saïd tenta bande. Les quatre individus, âgés d’échapper à ses agresseurs. de 19 à 25 ans, sont connus des serLe mardi 30 mars, en toute fin vices de police pour des faits de d’après midi, le vigile refuse à un violence. Ils sont immédiatement couple l’accès au placés en garde magasin, fermé à vue. Pour Après la mort suspecte depuis dix s e d é f e n d re, minutes. Le ton le principal de Saïd dans le canal monte, quelques accusé soutient de l’Ourcq à Bobigny, la insultes sont que Saïd Bouraéchangées. Les rach lui aurait justice noie l’affaire. protagonistes refusé l’accès du en viennent aux magasin en promains. Grâce à l’intervention férant des insultes antisémites. d’un autre vigile, le client finit Pas un article ou presque dans par s’éloigner en lançant un : « Je la presse. Les quatre agresseurs reviens avec du monde. T’es mort ! » sont défendus par un ténor du Et s’empresse d’appeler son frère, barreau, Georges Kiejman. Et la son cousin et un ami, qui arrivent procureure Sylvie Masson, chef en renfort quelques minutes plus du parquet à Bobigny, ouvre une tard. La situation dégénère très enquête judiciaire pour homirapidement et les employés se cide involontaire ayant entraîné réfugient dans le magasin. la mort sans intention de la La chienne de Saïd, Diana, restée donner, avec usage ou menace à l’extérieur du magasin, est brud’une arme. Le représentant du parquet de Bobigny insiste : « Il talisée par les agresseurs, munis n’y a aucun élément de matière à d’un cric et d’une grosse pierre. donner à cette affaire une connoL’animal, muselé, est incapable tation raciste ou religieuse. » Face de se défendre. Le vigile sort alors pour lui porter secours. C’est alors à ce qui ressemble à un enterreque la course-poursuite s’engage ment judiciaire, la tension monte.
Plusieurs manifestations s’organisent à Bobigny et à Paris, réclamant la « justice pour Saïd ». En effet, la thèse de l’homicide involontaire est doublement mise à mal par les résultats de l’autopsie et par les premiers éléments sur le profil des agresseurs. L’autopsie de la victime met en évidence des ecchymoses et des hématomes au niveau des épaules, de la clavicule et des avant-bras… Les accusés soutiennent avoir vu, de loin, Saïd Bourarach se jeter dans le canal et ne peuvent pas expliquer pourquoi son blouson, mouillé, a été retrouvé sur la berge. Étrange scénario où Saïd, connu pour être sportif, aurait d’abord déposé son blouson… déjà mouillé, se serait jeté à l’eau et aurait finalement coulé. « Mon mari est venu clandestinement en Europe par la mer, à l’aide d’une barque, raconte son épouse. Le passeur l’avait déposé à 300 mètres des côtes espagnoles. Il savait très bien nager et n’a pas pu se noyer seul dans le canal de l’Ourcq, qui fait à peine 5 mètres de large. » La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a rejeté, le 14 avril, deux demandes de remise en liberté, mais a donné son feu vert pour le troisième, qui s’est alors empressé d’effacer son compte Facebook. Bakchich s’en est procuré une copie (lire ci-dessous), qui donne à l’agression une tonalité nettement différente de celle présentée par la défense ✹ Sabrina Kassa
Prostituée et vitrine
Polanski, un roman de BHL
L’info. « Je ne peux plus me taire », Roman Polanski, Libération, 3 mai. Le décryptage. Fort d’avoir récupéré en exclusivité la lettre ouverte du cinéaste sous le coup d’un mandat d’arrêt américain pour relations sexuelles illégales, le quotidien a consacré sa une ainsi qu’une double page à l’affaire. Dans son éditorial, Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, prend la défense de Polanski, « gibier de magistrat en campagne électorale ». En revanche, pas un mot sur BernardHenry Lévy, qui a eu la primeur de la lettre. L’homme, qui a aussi le plus beau décolleté de Paris, est actionnaire et membre du conseil de surveillance de Libé. A-t-il soufflé le vent de la une ?
France 5 n’y va pas Naulleau
a Lucien Dadoun, un des jeunes juifs mis en examen dans l’affaire du vigile noyé dans le canal de l’Ourcq, fait partie du groupe Facebook « Sioniste et fier », un label provoquant mais inconnu. La parente d’un des quatre autres jeunes mis en examen a également rejoint ce joyeux groupe de sionistes. Après avoir été remis en liberté, le 14 avril dernier, Lucien Dadoun s’est empressé de se désinscrire du groupe de réseau social. Le bandit qu’il prétend être sur son image de profil Facebook ferait-il une petite trêve ?
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Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010
L’info. « Objectivement, surtout pas la promotion de l’invité. (…) Rien ne guide nos choix, si ce n’est l’envie de recevoir et de passer un bon moment autour d’un dîner », Alexandra Sublet, présentatrice de l’émission C à vous sur France 5, répondant le 14 septembre 2009 à une question du Buzz Média Orange-le Figaro sur ce qui guide le choix de ses convives. Le décryptage. C’est sans doute en vertu des mêmes principes que la joyeuse équipe de C à vous a reçu le sympathique Éric Naulleau à trois reprises, la dernière fois, le 30 avril, pour la promotion de son livre. Le même Éric Naulleau qui anime StarMag, une émission culturelle diffusée sur TPS Star, produite par la société Troisième œil… qui produit aussi l’émission C à vous. On ne dit pas macache Naulleau.
L’info. « Zahia, nouvelle star des médias », Jean-Marc Morandini, Direct Soir, 3 mai. Le décryptage. Dans un billet dont lui seul a le secret, l’animateur de télévision s’indigne, et vise à mots couverts Paris-Match, de ce que « certaines rédactions paient pour obtenir des interviews, car là, on quitte le journalisme pour le monde des affaires, et tout cela n’est pas très sain ». Morandini, Père la morale, dont le blog titrait récemment : « Zahia, bientôt dans un film porno de Dorcel ? » Ni pute ni soumise.
« Match » choie Mathilde
L’info. « Mathilde Seigner, sous l’œil de l’amour », Paris-Match, 10 avril. Le décryptage. Après avoir consacré de nombreux articles au film Camping 2, l’hebdomadaire offre sa une à l’actrice Mathilde Seigner, l’une des stars de ce chef-d’œuvre. Ce que l’on ignore, c’est que ce sujet a eu une conséquence indirecte sur le traitement de l’affaire Polanski. En effet, l’hebdo possédait quelques paparazzades du cinéaste en train de boire un coup sur sa terrasse avec ses potes. Pour ne pas fâcher Mathilde, belle-sœur de Roman, Match n’a pas publié le scoop en image. Que ne ferait-on pas pour assurer la promo du cinéma de blaireaux.
Manuscrit militari
L’info. « Lettre et le néon », le Nouvel Observateur, 29 avril. Le décryptage. L’hebdo revient sur l’ouverture d’un musée de manuscrits sous la houlette de Gérard Lhéritier, fondateur et président de la société Aristophil. Le Nouvel Obs dresse le portrait d’un homme « enthousiaste et de caractère » qui « a deux passions : ses carpes bichonnées dans sa propriété de Nice et la guerre de 1870 ». Pas un mot en revanche sur les contrats que Lhéritier propose aux amoureux des belles lettres soucieux d’investissements rentables et défiscalisés. Pour cela, il est conseillé d’ouvrir le n° 21 de Bakchich Hebdo ou de se rendre à l’adresse suivante : http://miniurl.org/z5g ✹
Filouteries exclusif Tartuffe, patron indélicat, macho notoire… La personnalité de Lies Hebbadj, mari de la conductrice verbalisée à Nantes pour le port du voile intégral, a attiré toute l’attention des ex-Renseignements Généraux (RG). Bakchich s’est procuré la note en question. Du lourd…
La
fiche RG qui accable
Lies Hebbadj B
rice Hortefeux ne [le diable, ndlr] en personne », ont serait-il pas devenu prévenu ces jeunes musulmans. un peu mou du Ce « diable » d’Hebbadj montre genou ? En effet, effectivement dans ses relations lorsque le ministre amoureuses une certaine rudesde l’Intérieur se, tempérée par son goût pour déclare, le 27 avril, que le mari de l’exotisme, lorsqu’il présente, la conductrice verbalisée pour le lors de voyages dans le Golfe, de port du voile intégral au volant est riches hommes d’affaires à ses un polygame qui n’a pas sa place jeunes conquêtes. Le document en France, il se montre particulièdes ex-RG décrit la situation de rement modéré. Au vu en tout cas plusieurs de ses compagnes, acde la note accablante de six pages tuelles et passées. pondue par l’ancien service des - Nina G, dite Nisrin Renseignements Généraux (RG) À dix-huit ans, Nina G. devient « l’épouse religieuse » d’Hebbaque Bakchich s’est procuré (lire dj et donne naissance à un garci-dessous). C’est que Lies Hebbadj se révèle çon. Après trois ans de vie plus être un sacré tartuffe. Ce grand riou moins commune, son mari lui goriste apparaît, présente, lors dans sa vie perd’un voyage aux Les Jeunes Musulmans, liés Émirats Arabes sonnelle, comme bien peu respecUnis, un ami aux fondamentalistes de tueux des règles avec lequel elle l’UOIF, qualifient Hebbadj élémentaires de vit désormais. la morale. Seulement de « sheitan » (diable) ! À la tête d’une voilà, Hebbadj boucherie haa conservé la lal, d’un magasin de taxiphonie carte bancaire de sa dulcinée, son et d’un commerce de produits alichéquier et sa pièce d’identité. mentaires de gros, ce petit entreD’où la plainte, en 2007, de la preneur, né en 1975 à Alger, gère pauvre Nina, chez les gendarses affaires comme le pire des mes, contre son ancien compamarchands de sommeil : « On note gnon. D’où aussi le blog qu’elle qu’en 2005, écrivent les flics de la tient la même année à la rubrique « sœurs nantaises ». « Elle y sous direction de l’information générale, un contrôle URSSAF (...) décrit, notent les flics, son endocavait permis de mettre en évidence trinement, son “mariage” dans l’emploi dissimulé de plusieurs sal’arrière-boutique de la librairie lariés de M. Hebbadj. À l’époque, de l’intéressé, en présence de percelui-ci déposait régulièrement des sonnes qu’elle ne connaissait pas. déclarations préalables d’embau(...) Ses conditions de vie, les coups reçus d’Hebbadj. » che. Il n’était pas à jour des cotisations et employait des salariés - Sonia Y. ayant le statut d’étranger avec des Cette autre épousée est retrouvée récépissés valables quelques mois, errante, dans les rues de Nantes, donc en situation précaire, quand en juin 2004, vers minuit, sans pail ne s’agissait pas d’étrangers mapiers, ni argent, mais avec le voile lades ». Et cela sans parler du resur le visage. La jeune femme est dressement fiscal de 17 324 euros enceinte. « Mon mari, expliquedont il a dû s’acquitter. Autant de t-elle, voulait me faire avorter en dérives sur lesquelles mettre un me rouant de coups. » Entendu par voile ! les services de police, Hebbadj reLa plus grave des accusations des connaît l’existence d’une dispute RG concerne la vie privée de Lies en raison d’un désaccord sur le Hebbadj. La police n’est d’ailleurs fait de garder cet enfant. Aucune pas la seule à dénoncer son complainte ne sera déposée. portement détestable. Même les - Yona I. militants des Jeunes Musulmans Notre saint homme est mis en de France (JMF), ce mouvement cause pour avoir emmené une rattaché aux fondamentalistes jeune mineure voilée à Dubaï, de l’UOIF, se sont inquiétés dans Yona I., sans le consentement le passé de ses agissements. Au des parents, qui portent plainte. point de rendre visite à la mère Un projet de mariage religieux d’une mineure séduite par Lies avec Lies Hebbadj naîtra de cette Hebbadj : « Hebbadj est le sheitan échappée. La fiche RG ne dit pas
s’il sera couronné de succès. - Sandrine M. La désormais célèbre Sandrine M., verbalisée au volant de sa voiture et mère de quatre enfants, touche l’allocation de soutien familial. Le « soutien » financier de son « mari religieux », patron de trois PME, aurait-il été insuffisant ? On comprend que le cas Hebbadj embarrasse la communauté musulmane. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), regroupant les diverses sensibilités de l’islam de France, dont les fondamentalistes de l’UOIF qui ont la main sur les mosquées de Nantes, s’est fendu d’un timide communiqué pour se désolidariser de ce musulman si peu musulman. Tariq Ramadan, en se rendant sur place, s’est contenté de dénoncer ce ministre de l’Intérieur qui « trahit les valeurs de la France ». Un peu court. Alors que s’annonce le débat brûlant sur l’interdiction de la burqa, les musulmans doivent lâcher leurs brebis galeuses ✹
nicolas beau
a Le lundi 26 avril, les anciens flics des RG, désormais rattachés à la sous direction de l’information générale au sein de la Direction centrale de la sécurité publique, pondent une note assez sanglante sur « la personnalité de Lies Hebbadj », le mari de l’automobiliste verbalisée pour le port du voile intégral au volant. Le lendemain de la rédaction de cette fiche, soit le 27 avril, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux déclare publiquement qu’un « polygame » comme M. Hebbadj n’avait pas sa place en France.
du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010 | Bakchich Hebdo N°23
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les délires transports Projet phare du Grand Paris cher à Sarkozy, le super-métro écrase tout sur son passage. Et qu’importe s’il ne sait pas où il va, il fonce. Les élus réfractaires n’ont qu’à bien se tenir, les usagers aussi. Quant au financement, on le trouvera bien quelque part...
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lieue… Point d’orgue : un projet de rocade de RER de 60 kilomètres pour ’est un exploit dont Sarko se gargarise volontiers. TGV RhinRhône, fin du TGV Est et du TGV Atlantique : jamais la France n’a relier les périphéries. Prévu pour rouler en 2017-2018, Arc Express doit autant construit pour le train des cadres sup’ chers à Guillaume coûter 10 milliards. Piqué au vif, l’État propose plus grand, plus fort, plus Pepy, le patron de la SNCF. cher face au « manque d’ambition de la région » : 130 kilomètres de ligne Voilà qui fera sans doute une belle jambe aux 2,8 millions de de métro automatique à 21 milliards d’euros, pour une inauguration à l’horizon 2 025… si l’argent tombe du ciel (lire « Un hyper-métro plutôt bagnards des transports en commun d’Ile-de-France. Deux myope »). Le mirifique métro automatique de Christian Blanc, secréheures, c’est le temps que perd, chaque jour, près du quart d’entre eux pour aller bosser, dixit l’Insee. En attendant que ça change, le populo taire d’État à la région capitale, « entraînera producpratique le sport usant qui consiste à s’entasser comme façon tivité et compétitivité », nous promet son défenseur, Piqué au vif par le projet de saucisse dans des vieux trains. Voyager en RER A ou bien sur en mettant « Roissy à vingt-cinq minutes de la la sinistrée ligne 13 du métro a tout d’un périple dans un pays la région, l’état propose plus Défense ». Un « Grand Huit », de son nom officiel, en voie de développement (lire « Mon voyage avec les bagnards qui constitue le cache-sexe du Grand Paris, un grand, plus fort, plus cher. du RER A »). nébuleux et messianique projet visant à faire « L’Ile-de-France, qui représente 60 % du trafic ferroviaire en de Paname « une ville-monde du savoir, de France, a été sacrifiée au TGV. On a vingt-cinq ans de retard d’investissement ! la création et de l’innovation » et sur lequel les sénateurs se sont écharpés jusqu’au 27 avril. Une chance pour le pays ! accuse Jean-Paul Huchon, le patron PS du conseil régional. Jusqu’à peu, seuls 20 % des péages perçus sur les trains de banlieue étaient réinvestis en Ile-deLe dessein a libéré les imaginations les plus foisonnantes. France. » La SNCF a en effet longtemps détourné une partie des subventions On n’a plus de sous mais des tas d’idées. Henri Guaino, le destinées à la banlieue – avec la bénédiction de l’État. Alors qu’il suffirait de conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, l’avoue : « C’est moi « mettre 1 milliard d’euros sur chaque ligne à problème », reconnaît un cadre chequi ai eu l’idée d’inscrire un TGV pour la Normandie dans le discours du Président du 29 avril 2009 sur le minot. Sauf qu’investir dans des caténaires est bien moins sexy qu’inaugurer Grand Paris. » Même sans argent, les projets TGV des lignes de TGV en compagnie du ministre… Mais depuis que la région et les départements ont obtenu, en 2006, la décenvont toujours bon train, ce qui, pour l’heure, doit combler les Franciliens ✹ tralisation des transports, ils ont mis les bouchées doubles. Achat de trains, prolongement des lignes, travaux sur le réseau, création de tramways en ban Dossier RÉALISÉ PAR Émile Borne
Silence dans les rames, on centralise
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es hommes clés du Grand Paris partagent un point commun. Claude Guéant, le taulier de l’Élysée, son copain Christian Blanc, secrétaire d’État à la région capitale, et Pierre Mongin, le troisième larron qui dirige la RATP, sont tous issus de la préfectorale. Ces sexagénaires ont la nostalgie de la grande époque de l’État dirigiste et bâtisseur. Qu’ils étaient beaux les travaux du préfet Haussmann sous Napoléon III ! Qu’ils étaient grandioses et inspirés les aménagements de Paul Delouvrier sous Mongénéral ! « Au moins, dans les années 60, l’État avait de l’argent en caisse ! Pour financer leur projet, qui se résume à un supermétro RATP conçu entre amis, ils n’ont que des bouts de ficelle », grince Nicole Brick. La sénatrice PS de Seine-etMarne en est convaincue : « Le Grand Paris symbolise la revanche des préfets contre des évolutions de fond qu’ils n’ont jamais acceptées, à commencer par la décentralisation. » Haro sur l’Ile-de-France qui doit être coiffée par une société du Grand Paris et dont le président sera nommé par l’Élysée. Haro aussi sur le Stif, le Syndicat des transports d’Ile-de-France présidé par Huchon. Composé de la région (51 %), des départements et de Paris, il verse près de 2 milliards d’euros par an à la RATP, réduite au rang de prestataire. Être sous les ordres d’élus locaux, une position intolérable pour l’ex-préfet Mongin, qui rêve de mettre la RATP « au cœur du Grand Paris ». Un vœu exaucé par l’État. Il a rendu à la RATP la propriété des infrastructures et, au mépris des règles de la concurrence, veut réserver à l’ingénierie RATP une grosse part des travaux de la future boucle. L’Élysée a trouvé chez l’ancien dir’ cab’ de Villepin – qui n’avait jamais géré la moindre entreprise – un soldat idéal
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pour mener la guérilla contre Huchon. Des esprits chagrins estiment ainsi que Mongin, avec la bénédiction de l’Élysée, a laissé pourrir la grève du RER A de la fin décembre 2009 avec l’espoir que la chienlit des transports tenus par la gauche favoriserait la candidate UMP Pécresse. « La gestion n’est pas son truc, constate un administrateur salarié de la RATP. Mongin mène sa boîte à la hussarde pour affirmer sa soif de puissance et faire des coups. » Avec un œil sur les sondages, tout de même. Début décembre, voyant qu’Huchon distançait Pécresse, Mongin a tenté une réconciliation, avec un message tout miel laissé sur le portable du président PS. L’approche n’a duré qu’un temps.
mépris des élus
Le dernier acte de guerre contre la région a eu lieu trois semaines à peine après les régionales, qui ont vu la réélection d’Huchon avec 58,64 % des voix. Il a consisté à faire enterrer par le Sénat le projet de RER Arc Express, l’une des clés de voûte du programme de la gauche. Un projet d’environ 10 milliards d’euros très contrariant. Étudié depuis quatre ans, voté à l’unanimité par le Stif – y compris par les Hauts-de-Seine chers à Sarko –, finançable par les collectivités, approuvé par le Medef et promis à la SNCF, il mobilise de l’argent dont l’État aurait besoin pour sa double boucle. Aiguisée par le sénateur Pozzo di Borgo, « la guillotine », selon le mot d’Huchon, est tombée le 7 avril avec un bel amendement à l’article 3 du projet de loi. Tout débat public sur Arc Express sera arrêté « le lendemain du jour suivant la publication de la présente loi ». Rompez ! Foin du feu vert donné par la commission du débat public au lancement de la procédure prévue en juin. L’ennui pour l’Élysée, c’est que la gauche
Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010
n’est pas la seule à dénoncer « un déni de démocratie » et « un mépris des élus ». Une bonne partie de l’UMP francilienne est aussi sens dessus dessous, surtout depuis qu’un article prévoit que le préfet de région décide de la répartition des 70 000 logements prévus en Ile-de-France. En attendant que la commission mixte paritaire revoie le texte le 20 mai, le député UMP Yves Albarello ne décolère pas contre Blanc. Philippe Dallier préfère, lui, se gausser du style archéo-gaullien des ex-préfets. « Avec Blanc, j’ai l’impression de vivre Retour vers le futur. Ses manières autocratiques et un peu autistes sont complètement en décalage avec la pratique de la démocratie. Blanc, c’est le règne de la non-transparence absolue.» Du Blanc obscur en somme ✹
du Grand Paris Un hyper-métro plutôt myope «
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hristian Blanc nous assure que son super-métro de 130 kilomètres ne coûtera que 21 milliards d’euros. Pour moi, la question est plutôt de savoir de combien va déraper la facture : 5, 10, 15 ou 20 milliards de plus ? » Optimiste, le sénateur UMP Philippe Dallier ! C’est dire l’épaisse fumée de cigare qui plane au-dessus de la double boucle du Grand Paris. Pierre Mongin, le PDG de la RATP, a déjà gonflé l’addition pendant les régionales. Selon lui, il devrait en coûter « entre 22 et 25 milliards d’euros ». En fait, le pifomètre tourne à plein régime. « Nombre exact de gares [40 ou plus, ndlr], lieux précis d’implantation, choix d’une
Les acteurs du Grand Paris j Christian Blanc : Ex-rocar-
dien, ex-patron de la RATP sous Mitterrand, ex-député UDF des Yvelines, le secrétaire d’État à la région capitale poursuit une obsession : faire la peau à Jean-Paul Huchon.
Claude Guéant : Le secrétaire général de l’Élysée soutient Blanc mordicus dans son projet décentralisateur. Reste à savoir si son récent affaiblissement ne va pas nuire à Blanc. Henri Guaino : Auteur des discours de Sarko sur le Grand Paris, le conseiller spécial de l’Élysée n’apprécie guère Blanc et a un faible pour les projets de la SNCF. Pierre Mongin : d Villepiniste reconduit à la tête de la RATP par Sarko, il a le vent en poupe. Le super-métro est promis à la RATP, dont l’État a bétonné le monopole. Malgré une gestion qui laisse à désirer. François Fillon : Il exerce en principe la tutelle directe sur Blanc, rattaché à Matignon. Mais, en septembre 2009, le Premier ministre s’est fait incendier par son ombrageux subordonné pour avoir retouché son projet de loi. Jean-Paul Huchon : Ex-dir’ cab’ de Rocard à Matignon, le patron socialiste de la région Ile-de-France a la haute main sur les transports franciliens. Guillaume Pepy : le PDG de la SNCF, qui lorgnait la gestion du RER Arc Express de la région, a loupé son lobbying. Pour l’instant, il s’est fait doubler par la RATP. Le voyageur : Grand couillon de l’affaire, l’usager des transports en commun trouve le temps de plus en plus long. Il perd en moyenne 1 h 22 dans les transports. Son réconfort : savoir que 2,28 millions de personnes vivent le même enfer ✹
de 4 milliards d’euros. Mais où les ligne souterraine ou aérienne… rien n’est arrêté. dégoter ? Comme l’État n’a plus Impossible de faire un devis réaliste », explique un ingénieur. « Nous avons raisonné sur des coûts aucun fond de tiroir à racler, les théoriques, mais tout cela est encore à affiner », annonces pirouettes se succèdent. « Courant mars, Blanc affirmait qu’il avoue-t-on au cabinet de Blanc. Rabat-joie, Philippe Dominati, élu UMP de Paris, prendrait l’argent sur le remboursement des redoute un coût record de « 500 millions d’euros aides accordées aux banques pendant la crise, du kilomètre ». Ce qui mettrait raconte Nicole Brick. Mais il le Grand Huit à « 60 milliards, faudrait détricoter toute la et pas à 23 ». Bigre ! Dominati loi de finances ! » NouNombre de gares, lieux a exhumé de vieux rapports velle annonce de but d’implantation, choix de la Cour des comptes sur en Blanc, début avril. d’une ligne souterraine ou les derniers gros chantiers du L’argent viendra des RER et du métro des années 90. aérienne… rien n’est arrêté. sous remboursés par Pour éole (le RER E), « les les constructeurs autoestimations initiales ont été mobiles, en principe dépassées de 20 % après sept ans de travaux et destinés à la dette de l’État. De quoi faire l’abandon de la moitié du projet », a-t-il pointé. exploser Gilles Carrez, rapporteur Météor, l’actuelle ligne 14 du métro, s’est soldée du budget à l’Assemblée nationale par « des dépassements de 30 % avec neuf ans de et soucieux de contrôler la dette travaux ». Qui était aux manettes de la RATP à publique, qui dénonce « un l’époque ? Un certain Christian Blanc. montage irresponsable ». « Tout est bancal dans ce projet ! » raille la sénaMais, en réalité, tout cela trice PS Nicole Brick. La pêche au financement est accessoire. Les projets est aussi incertaine que le devis. Fin mars, le se paieront tout seuls. Blanc l’a assuré aux sénateurs : vieux Jean-Pierre Fourcade, rapporteur du « La dynamique éconoprojet de loi au Sénat, a lancé cette boutade devant la presse : « Je déjeune avec la chambre de mique qui sera créée commerce franco-arabe ; je demanderai aux pays en région-capitale perarabes s’ils veulent financer le métro du Grand mettra de dégager des Paris. » Bonjour l’improvisation… recettes fiscales supplémenPour exister, la Société du Grand Paris, qui taires, qu’il est légitime d’affecter, financera les travaux en empruntant sur quaen tout ou partie, au financement du métro rante ans, a besoin d’une dotation en capital automatique. » Et demain, on rase gratis ! ✹
Mon voyage avec les bagnards du RER A «
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ep, s’il vous plaît, s’il vous plaît ! » . Tous les matins, incrustée sur un siège du quai de la station Auber, elle est là. Une petite dame à demi folle. Elle hurle, interpelle les milliers de voyageurs qui défilent aux heures de pointe sur cette ligne A du RER, la ligne « millionnaire » qui conduit à la Défense. Avec son million de voyageurs quotidiens, c’est la plus chargée du monde. En vrai, la petite dame ne veut rien, pas même prendre le RER. Elle veut juste crier. Un peu comme moi les jours où je déboule sur le quai bondé, rempli de grappes de Parisiens agglutinés le long de la voie désespérément vide – attention aux fous qui poussent ! J’arpente le quai, je scrute les écrans vidéo qui égrènent l’heure d’arrivée de Zeus, Zebu, Tedy ou Nely. Avec l’espoir de ne pas voir s’afficher un bandeau jaune annonçant « une avarie » « un rail cassé », « un problème technique », « un accident grave de voyageurs » (comprenez un suicide sur les rails), « un colis suspect », etc. Anxieux, nous regardons tous si ces trains aux noms bizarres vont, ou non, entrer en gare. Dans cette tragédie quotidienne en sous-sol, il y a aussi souvent les pompiers qui portent secours à un voyageur victime d’un malaise à cause de la cohue dans les rames mal ou pas ventilées. Pas le temps d’y prêter attention, notre objectif à tous, c’est de nous engouffrer les premiers dans la rame qui gardera ses mâchoires ouvertes entre quinze et cinquante secondes selon l’affluence. Et vas-y que je te pousse! Au final, tout le monde n’entrera pas. Les laissés-pour-compte regardent filer vers Charles-de-Gaulle-Étoile les « chanceux », au visage écrasé contre la vitre du train. Voilà le bagne quotidien des usagers de la ligne A aux heures de pointe. Comme les autres, je suis prête à endurer vingt à trente minutes en apnée, le nez contre la cravate de mon voisin ✹
lara mace
www.bakchich.info
La Cour des comptes assassine le projet de “métrophérique” de Christian Blanc : http://minu.me/1do6
du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010 | Bakchich Hebdo N°23
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Filouteries retour vers le futur
les foules ne se bidonnent plus
confidences À quoi joue Lagardère ?
Le 28 avril sur RTL, Arnaud Lagardère a déclaré dans une indifférence quasi générale qu’il était « acheteur de tout ou partie » du groupe Amaury, dont il détient actuellement 25 % des parts. Il a ajouté : « Si la famille ne le souhaite pas, on le respectera et donc on sortira. » Depuis, silence radio. Le groupe Amaury, qui possède entre autres l’Équipe et le Parisien, est aussi propriétaire du Tour de France, dont la valeur marchande est un secret d’État. La patronne du groupe, Marie-Odile Amaury, garde le silence. Question : Lagardère veut-il vraiment acheter Amaury, ou négocier au mieux la vente de ses 25 % ?
Bartolone n’a plus de voiture
Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis a bien des soucis. Il y a quelques jours, Claude Bartolone a dû faire voter un budget en déséquilibre pour bien montrer les conséquences du désengagement de l’État. Et le week-end dernier, il s’est fait voler sa voiture de fonction, qui était garée devant le domicile de son chauffeur, à Coubron. Ce que c’est que la vie dans le « 9-3 ».
ump/ps
Ségolène Royal s’exile
gare au péril jeune
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Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010
Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, de Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité. Trente ans après, c’est toujours le boxon. Pas de politique fiscale commune, pas de TVA commune, pas de burqa commune. Et un voile aussi épais que la fumée d’un volcan islandais sur l’Europe. Que reste-t-il de nos amours, de ces beaux jours du pacte fondateur de l’Europe des Six. Des technocrates, des bureaucrates, et un peu moins de satrapes ! « Comment voulezvous marier la drachme grecque au mark ? », avait pour habitude de ruminer le truculent Maurice Faure, résistant devenu ministre de l’Intérieur puis membre du Parlement européen au moment de l’entrée de la Grèce dans la CEE. Trente ans après, la crise a suffi. Plus de drachme, plus de mark, de l’euro et peu d’heureux. L’Allemagne, même en chouinant, n’a pas envoyé Athènes se faire voir chez les Grecs. Seuls les Grands-Bretons, dans leur insolente insularité, se foutent toujours du monde. Trente ans après le marché commun, ils roulent toujours à gauche, ignorent le système métrique et gastronomique, se moquent de la monnaie unique. Mais le monde entier attend le résultat de leur élection comme l’événement de la semaine. Reste à espérer qu’un Python loge enfin à Downing Street… À défaut de fair-play, les Anglais recommenceront à nous tirer des rires les premiers.
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n petit déjeuner, à la fin imposé par les patrons de l’UMP. 2008. Invité des Jeunes Avant son élection, il a été adoubé pop’ de l’UMP, Éric Besson par le prince Jean et est, depuis, pérore sur son passé socialiste : soutenu par Xavier Bertrand, qui « Le MJS [Mouvement des jeunes lui a offert un poste de conseiller socialistes, ndlr], c’est la guerre régional d’Ile-de-France. En sans nom, c’est l’école du vice ! » prime, Bertrand va le présenter Réponse, du tac au tac, de Benaux prochaines municipales dans jamin Lancar, président des poule Xe arrondissement de Paris. pons sarkozystes : « Aux Jeunes Pour tuer le temps, les Jeunes populaires, c’est pareil ! » pop’ s’essaient, de temps à autre, à pondre des « livres blancs ». Dans cet univers impitoyable, les dents, il faut se les acérer tôt : Trop audacieux. « La seule fois où « C’est la même Lancar a voulu violence que chez sortir des clous et MJS, Jeunes pop’… les aînés, mais faire du mandat des dents acérées tôt dans unique une prioen pire, sans la maturité », rité des jeunes, un univers impitoyable. il s’est fait taper admet un milisur les doigts et tant UMP. Pareil on ne l’a plus entendu », observe chez les roses en bourgeon : « On ne fait rien, au MJS. Il n’y a plus une huile. « Le moindre e-mail, la moindre action, le moindre mouaucune production idéologique. Le vement, Bertrand est derrière », seul enjeu, c’est savoir comment la majo va écraser la mino. » Un miliconfirme un cafteur UMP. tantisme pur et dur qui se traduit À gauche, on préfère l’endogamie. par des chiffres : 10 000 adhérents Laurianne Deniaud est proche de en moins depuis 2008 à l’UMP et Valério Motta, membre du staff quelque 5 300 encartés au MJS, de Benoît Hamon. Des jeunes parmoitié moins qu’il y a trois ans. tisans de Ségolène Royal avaient Qu’importe, Benoît Hamon, bien tenté de s’incruster au MJS en 2007. Raté ! Antoine Detourné, ancien président du MJS et actuel pygmalion de l’organisaun ex-boss du MJS, a, lui, pu pantion, avait prévenu : « On a rédigé toufler au cabinet du président du les statuts pour tenir l’appareil conseil général du Pas-de-Calais… pendant mille ans. » Pari tenu, sans y mettre les pieds. au prix de petites magouilles Toute cette petite famille, qui a avant l’élection du Président : le entre 27 et 30 ans, tient donc la candidat choisi par les anciens majorité du bureau national du tauliers de la maison, le tandem Mouvement des jeunes socialistes, Hammadi-Hamon, doit assurer auquel le PS accorde une dot la victoire par au moins 70 % de annuelle de 120 000 euros. Ombre au tableau, les 200 000 euros de voix. La dernière lauréate, Laurianne Deniaud, a obtenu 72 % au dettes cumulées. Vite, appelons congrès de 2009. Ouf ! au secours Strauss-Kahn et son FMI ! ✹ À droite, ce n’est guère mieux. Lancar, le chef des jeunes, a été louis cabanes
L’HUMEUR DE PROBST
Car le Kaiser Sarkoko a perdu son pouvoir de faire se bidonner les foules. Au bout de trois ans, ses gags sont éculés. On est passé d’un « Cass’-toi pov’ con » à un « Fais pas l’malin ». Encore deux ans à tirer. Comme disait le grand Jacquot, son prédécesseur : « Putain deux ans. » Un refrain ruminé par 60 millions de Français. De la burqa à la réforme des retraites, de l’anniversaire de la présidence Sarko aux putatifs candidats à la présidentielle de 2012, les Français n’ont que faire. En particulier les petits jeunes, ces jean-foutre que j’ai croisés en donnant des cours. Leurs préoccupations ? L’environnement, effrayés qu’ils sont par la marée noire en Louisiane. L’emploi, qui leur fuit les bras quand ils ont tous le potentiel et la gouaille d’un Pasqua. Et bien sûr la vie, la nuit, tristes qu’ils sont de découvrir que Paris n’est plus Paris. Capitale sans joie, sans jeux, sans voix. Seule solution, une embarcation. Qui enverra Guéant, Charon, Pepy, Descoings, Delanoë et Sarkozy dans un monastère bénédictin. Et nu-pieds pour tous ! ✹ www.bakchich.info
Jean-François Probst vous stimule ? Dégustez ses chroniques vidéo : http://minu.me/1vbh
Sarko le schizo Chaque année, Ségolène Royal hésite quand approche le 1er mai : doit-elle défiler à Paris, ou à Poitiers, capitale du Poitou-Charentes ? En 2008, on l’avait en vain attendue dans la capitale. Cette année, elle a trouvé une porte de sortie, se faisant inviter par des « camarades » italiens à Rome. Histoire de « partager un moment d’action et de réflexion », écrit-elle sur Facebook. Ce qui lui évite de défiler avec des socialistes français.
Jean-Marc Ayrault patine dans la semoule
Le dernier film de Rachid Bouchareb sur la guerre d’Algérie, Hors-la-loi, en compétition officielle au prochain Festival de Cannes, n’en finit plus de faire parler de lui. Au point de faire perdre quelques repères historiques au président des députés socialistes à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. Lors d’une réunion du groupe socialiste mardi 4 mai, un parlementaire lui a demandé de soutenir le réalisateur d’Indigènes. Et le patron du groupe PS de répondre : « Tu as raison, il va falloir faire quelque chose sur l’Indochine » ✹
Pendant le voyage en Chine de Nicolas Sarkozy, on a vu fleurir dans la presse quelques échos bien informés. Dans un article, c’est « l’entourage » du président de la République qui donne des nouvelles de l’otage française Clotilde Reiss ; dans l’autre, c’est « un proche » qui assure que le chef de l’État est satisfait du travail de Brice Hortefeux… En fait, chaque fois, c’est Nicolas Sarkozy qui parle, lors d’un de ces « off » qu’il a institutionnalisés lors de chacun (ou presque) de ses déplacements. Règle du jeu, acceptée par les confrères : je vous parle, mais vous ne mettez rien dans ma bouche, et surtout pas entre guillemets. Selon les jours, « un proche », « l’entourage », « un familier du Château » ou « un visiteur du soir » sont mis à contribution pour épargner à Sarkozy ces guillemets qu’il ne saurait voir. Parfois, on atteint, on dépasse même le ridicule. Ainsi, cette dépêche AFP du 8 avril, datée à 15 h 56 du Petit-Bornand, en HauteSavoie. Ce jour-là, le Président effectue son pèlerinage annuel aux Glières en hommage au résistant Tom Morel. On est en pleine affaire des rumeurs sur le couple Sarkozy. Et que nous apprend l’AFP ? « Ni Carla ni le président de la République n’ont voulu porter plainte, a affirmé à des journalistes une source proche du chef de l’État. » La suite est encore plus hallucinante : « Cette source accompagnait Nicolas Sarkozy en Haute-Savoie. » Voilà une « source » qui a la chance d’être dans les bagages du Président, lui permettant, à l’occasion, d’être schizophrène ✹
Amédée sonpipet
Bazar Arrangements Dans un monde de l’eau à couteaux tirés, deux jeunes juristes remettent en question la légalité d’une partie des profits colossaux réalisés par les grands groupes… qui spéculent avec l’argent des taxes qu’ils touchent au nom des communes.
Les marchands
d’eau pompent
le robinet à fric
S
ale temps pour les produits exclus), elles se rendent les délégataires sont parfois très grands marchands potentiellement coupables d’un étroites et on ne peut pas négliger de flotte. En pleine véritable détournement de deniers les effets de la calinothérapie sur publics », analysent les juristes. certains élus », plaide-t-il. bataille fratricide pour le colossal Les récentes évolutions réglemenLes entreprises de l’eau ne marché de l’Ile-detaires, qui vont dans le sens d’un devraient pas rester indifférentes France, soupçonné d’entente et encadrement de plus en plus strict à cette implacable démonstration d’abus de position dominante par du maniement des fonds publics, technique. « L’enjeu est énorme la Commission européenne, le devraient contraindre, a minima, pour ces sociétés puisque les monde de l’eau a connu périodes les collectivités à soumettre ces bénéfices en question participent plus sereines. prestations à un appel d’offres. Ce très largement à leurs marges Comme si cela ne suffisait pas, qui n’est jamais fait. Du coup, les actuelles, estime Marc Laimé. Et une récente étude menée par grands marchands d’eau s’expoce d’autant plus que leur modèle économique basé sur : “plus je deux juristes, Yann Wels et Gersent, affirment les deux juristes, sende Bousquet, vient remettre à la « constitution d’une gestion de vends d’eau, plus je fais de profait », c’est-à-dire qu’elles s’imen question le fondement légal fits” est en train de s’effondrer d’une partie non négligeable de miscent dans le maniement de sous la pression des nouvelles exigences écologiques. » leurs profits. fonds publics sans avoir qualité Publié dans une revue spécialisée, pour le faire. « La gestion de fait Pour Séverine Teissier, portela Semaine juridique, l’article* est constitutive du délit d’usurpaparole d’Anticor, association de est passé justion de fonctions lutte contre la corruption, le cas publiques. » Et qu’ici presque a ceci d’intéressant qu’« on focaLes sommes contestées inaperçu. Pourest « puni de lise toujours sur le financement tant, la démonstrois ans d’emde la vie politique par les grandes représenteraient des tration est détoprisonnement et entreprises de l’eau, or ici il appadizaines de millions d’euros. de 45 000 euros raît plus juste de dire que le public nante. En sept pages, les deux d’amende », préfinance le privé ». jeunes doctorants expliquent cise l’article. Et par ces temps de rigueur bud« Aujourd’hui, si un usager décitranquillement que des millions gétaire annoncée, est-ce bien raid’euros perçus par les grandes dait de saisir la justice, elle lui sonnable ?… ✹ donnerait certainement raison », entreprises d’eau et d’assainisse lucie delaporte ment le sont de façon peu orthoestime Marc Laimé, spécialiste de doxe. Au cœur de la controverse, la gestion de l’eau et consultant. * « Maniement de fonds publics, délégataire une pratique établie de longue Pourquoi les collectivités locales de service d’eau et gestion de fait – Entre date, qui voit les entreprises déléne dénoncent-elles pas ellespratiques publiques et infractions pénales », gataires assumer pour le compte mêmes ce qui ressemble fort à la Semaine juridique, n° 16, 19 avril 2010. une aberration ? Pour Patrick des collectivités, en plus de leurs missions traditionnelles, une Du Fau de Lamothe, juriste spé« prestation complémentaire de cialisé dans la gestion de l’eau, www.bakchich.info recouvrement de fonds ». En clair, « dans un domaine hypertechAbus, lobbying… nos enquêtes elles perçoivent, directement nique, les collectivités sont parfois sur les marchés de l’eau coulent sur la facture de l’usager, des démunies. Elles n’ont pas toujours taxes destinées aux collectivités, conscience de ces problématiques. de source : http://minu.me/2bde qu’elles leur reversent ensuite. Par ailleurs, leurs relations avec Or cette pratique repose sur des sables juridiques mouvants. Trois recettes sont concernées : la surtaxe pour le compte de la collectivité (ce qui rembourse Si la gestion de l’eau, et les énormes marchés qu’elle Du côté de l’association des maires de France, Philippe celle-ci de ses investissements), représente, est particulièrement montrée du doigt Laurent, maire de Sceaux, se dit lui aussi conscient la redevance assainissement par l’article de la Semaine juridique (lire ci-dessus), du problème et reconnaît la pertinence de l’article. (dans le cadre d’une convention d’autres services délégués à des entreprises privées par « Dans ma ville, nous avons eu un cas semblable à de facturation) et la participales collectivités sont potentiellement concernés. Et là ce que les entreprises de l’eau pratiquent avec un tion pour raccordement à l’égout. encore, les enjeux financiers sont de taille. « Ne nous y concessionnaire de parcmètre, une filiale du groupe Veolia, Suez, et Saur qui perçoitrompons pas, c’est toute l’architecture de la délégation Vinci. La chambre régionale des comptes nous avait vent donc ces sommes ont, selon de service public qui est en cause et qui peut être mise alertés sur le fait que l’entreprise conservait beaucoup les contrats, un certain laps de à mal du seul fait du rappel de la réglementation en trop longtemps les recettes prélevées. Nous avons dû la temps pour reverser l’argent, six vigueur, écrivent en conclusion Yann Wels et Gersende rappeler à l’ordre. » Depuis, la Ville a surtout décidé de à douze mois bien souvent. EntreBousquet. Il est en effet tout aussi évident que les mondes reprendre en direct la gestion de ses parkings. Selon temps, car il serait dommage de des déchets, des concessions de parking, tombent sous lui, si jusqu’ici les associations d’usagers ne se sont gâcher, tous ces sous sont placés le coup d’un contrôle désormais renforcé du maniement pas encore saisies du sujet, c’est qu’« il existe dans ces et fructifient, ce qui constitue de fonds par des personnes privées. » Pour beaucoup délégations beaucoup d’aspects problématiques… » pour ces grands groupes de très de ces délégataires, la perception de ces taxes, et les Pas très rassurant. confortables profits. « En plaçant bénéfices réalisés en les plaçant, constitue un fonds de Pourtant, pour Patrick Du Fau de Lamothe, juriste ces sommes sur des comptes généroulement des plus confortables. et militant au sein de l’association d’usagers rant des intérêts et en ne reversant que les sommes encaissées (intérêts
Quand le privé gagne des millions sur le dos du service public
Transcub à Bordeaux, il ne faut pas se tromper de combat. « Il n’est pas aberrant que ces entreprises délégataires perçoivent ces taxes, mais ce qui nous semble vraiment important, c’est que tout cela se fasse dans la transparence en reversant au besoin les profits générés entre-temps, affirme-t-il. Or nous ne pouvons que constater que l’article du code général des collectivités territoriales imposant un contrôle des comptes détaillés des opérations des délégataires n’est pas réellement appliqué puisque ces commissions de contrôle n’existent toujours pas ! » Du côté du cabinet d’Alain Marleix, le secrétaire d’État aux collectivités locales, on prend la problématique soulevée par les juristes très au sérieux. « Nous avons besoin d’un délai pour instruire le dossier », a indiqué le directeur de cabinet à Bakchich. Fin de la récréation ? ✹ l. d.
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Bazar pollution
la grande invasion des cochons
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a France, c’est déjà la Grèce. Mais on le cache. Citons une anecdote, elle ne ment pas : Marc Cabane, le préfet de Maine-et-Loire, et Bernard Hagelsteen, celui de la région Pays de la Loire, n’ont plus un timbre-poste. Voilà presque un an que des citoyens ordinaires, vivant autour de la ville de Candé, attendent une réponse à leur courrier. Inquiets qu’ils sont de la multiplication des élevages industriels à leur porte, ces manants ont écrit à ces merveilles de l’administration. Des hommes verts puisque des feuilles de chêne poussent sur leur casquette. Pour avoir appris la démocratie auprès d’Olivier Guichard, dit « le Grand Méchant mou », Cabane pratique le dialogue par le silence. Quant à Hagelsteen, il a été muté à la Cour des comptes. Où il va surveiller les timbres. Question révolutionnaire dans Civiques, approuvons nos écoun coin où on vote à droite, genre nomes préfets. La situation des Bachelot, depuis 1789. Candéens n’est pas grave, rien que Terrena, entreprise qui a réalisé 3,4 milliards d’euros de chiffre sept millions de litres de lisier, ceux que les d’af f aires en éleveurs vont 2009, peut-elle L’important n’est pas le é p a n d re s u r agir pour autre leurs jolis prés chose que pour saucisson final, mais la verts. Engorgée que le bonheur vente du « kit d’élevage ». soit dans le pré ? par un fleuve de purin à l’algue Elle qui se préverte, la Bretagne n’en peut plus sente comme résolue à une « agride l’urine de porc. Alors, le cochon, culture écologiquement intensive » on le délocalise en Maine-et-Loire (sic) ? Cette boîte, donc, a financé et Loire-Atlantique. Ainsi, à l’inià coups de millions ces nouveaux tiative de Terrena, un trust agroa« élevages ». Afin de fourguer aux limentaire, le bourg de Candé se paysans les aliments, les vaccins retrouve encerclé par un mur de et médicaments nécessaires, puis cochons. Entrelardé, ce gentil de vendre la viande en bout de peuple se pose la question : « Pourchaîne. Dans l’opération, « l’élequoi le porc est-il mauvais pour la veur » va gagner un tour de reins Bretagne et bon pour l’Anjou ? » et deux kopeks. L’important pour
écolo façon nicolino Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concession sur l’environnement, Planète sans visa. ’espère bien que le dégoût de la poliJil fauttique vous dégoûte. Quoique. Parfois, bien dire que… Voyez cet extraor-
Terrena n’est pas le saucisson final, mais la vente du « kit d’élevage » : la bouffe et les drogues du cochon. Ainsi, de tranquilles campagnards UMP se retrouvent avec des millions de litres de lisier dans le paysage ! Un coup à les faire voter enragé, genre Nouveau Centre. La morale : savoir que, tel le nuage de Tchernobyl, le miraculeux lisier Terrena file sans gâcher la terre ou l’eau. Jean Daubigny, préfet de Loire-Atlantique, doté enfin de vignettes postales, précise aux inquiets : « Toutes les parcelles du plan d’épandage sont situées en dehors du bassin versant de la nappe captée. » Daubigny sait de quoi il parle : n’est-ce pas dans les préfectures qu’on déverse le lisier ? ✹ jacques-marie bourget
Grenelle ii : le vent l’emportera…
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de ripaille parlementaire pour – tenez-vous bien – 1 600 amendements et 250 articles. En réunion de groupe PS, le 4 mai, le député François Brottes a calculé qu’ils auraient « trente secondes de défense par amendement, en sachant qu’une bonne partie [450, ndlr] sera trappée ». Si Sarko peut passer du trop au galop écolo, c’est par la grâce d’une loi votée en 2008 dont l’objectif était… de renforcer les pouvoirs du Parlement. La réforme de la Constitution consacrait alors le principe d’une « démocratie apaisée ». Mais entre les pores de cette seconde peau républicaine se cachaient des points noirs. Dont celui du « temps législatif programmé » qui, une fois par session parlementaire, peut être utilisé par un groupe politique pour écourter la durée des débats à trente ou cinquante heures quel que soit le texte examiné. Autant dire que Sarko a soufflé le mot à Jean-François Copé, président des députés UMP. Conséquence, la deuxième partie du projet de loi, qui touche à la biodiversité (titre IV), aux « risques, santé et déchets » (titre V) et à la « gouvernance » (titre VI), sera tranchée en trois coups de cuillère à pot. Un bon pesticide contre les herbes folles du Grenelle de l’environnement ✹ louis cabanes
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dinaire rapport, publié à la fin avril par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Sujet du jour : les pesticides. Je résume : en quelques courtes décennies, d’augustes savants ont mis au point des centaines de molécules nouvelles destinées à l’agriculture. Par définition, ces dernières n’avaient jamais été mises au contact des milieux naturels et des êtres vivants. Dans un premier temps, ces pesticides modernes ont bel et bien exterminé les ravageurs des récoltes. Et puis sont apparus des effets collatéraux de plus en plus massifs. Vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole, mais il existe désormais des centaines d’études publiées dans les meilleures revues scientifiques, qui établissent des liens indiscutables entre une exposition à des pesticides, même à doses infinitésimales, et de lourdes maladies, dont bien sûr quantité de cancers. Le débat n’est plus scientifique, il est médiatique et politique, compliqué comme il se doit par le poids des transnationales de la chimie. Revenons maintenant au rapport parlementaire. Page 9, en introduction, donc, de cet austère exercice, voici ce qu’on peut lire : « Les pesticides ont constitué un
progrès considérable dans la maîtrise des ressources alimentaires. Ils ont grandement contribué à l’amélioration de la santé publique en permettant, d’une part, d’éradiquer ou de limiter la propagation de maladies parasitaires très meurtrières (lutte contre les insectes, vecteurs de ces maladies) et en garantissant, d’autre part, une production alimentaire de qualité. » Moi, j’adore. Voilà des parlementaires qui sont de vrais magiciens. Avant même de commencer, ils savent tout. Les pesticides, c’est bien. Vraiment bien. Les auteurs de ce texte d’anthologie s’appellent Claude Gatignol, député UMP de la Manche, et Jean-Claude Étienne, sénateur UMP de la Marne. Le premier est un fervent de l’industrie nucléaire – l’usine de La Hague est dans sa circonscription – et il a milité pour que le site de Flamanville, chez lui également, abrite le prototype nucléaire EPR. En 2008, le site Internet Mediapart révélait que Gatignol se rendait à des parties de chasse payées par l’assureur Groupama. Jean-Claude Étienne, lui, ne cesse de défendre dans la Marne, et jusqu’au Sénat, les intérêts de l’agriculture industrielle la plus vile. Celle des biocarburants, notamment, qui transforme des plantes alimentaires en carburant automobile. Dans un monde qui compte un milliard d’affamés chroniques ✹
Magiciens
débats
uand on aime, on ne compte pas. En apprenti jardinier de l’écologie, Sarkozy respectait en début de mandat le rythme des saisons politiques. Ainsi, il y a deux ans, pour le Grenelle I de l’environnement qui posait les principes de la « révolution verte », l’Assemblée nationale eut droit à trois semaines et deux lectures pour examiner le projet de loi. Soit un total de quatre-vingt-cinq heures de débats pour l’étude de 50 articles. Le second bébé législatif, dit Grenelle II, discuté depuis mardi au Palais-Bourbon et censé appliquer les dispositions de son aîné, n’aura pas cette chance. Trente heures seulement
Admirables petits rapporteurs
bakchich c’est aussi sur internet !
bakchich info informations, enquêtes et mauvais esprit
Bazar
Ribéry dans la tournante
bruits de la ville
presse La mauvaise passe du footballeur fait la joie des magazines pipoles – et des autres –, avec Wahiba dans le rôle de l’épouse bafouée. Compagne douce et dévouée ou dame de fer prête à se venger ? Les versions divergent. partie de sexe, combien « Wahiba compte pour Franck ». Pas une once de football, uniquement du pipole. Une écriture à la limite du hors-jeu pour un magazine peu habitué à une technique dont la « presse à sensation » s’enivre. Le 23 avril, Voici couvre sa une d’un émouvant « Wahiba Ribéry, fidèle jusqu’au bout ». Avec un sirupeux retour sur ce couple, formé dès l’adolescence…
« dignité exemplaire »
A
près son audition pour une trépidante affaire de proxénétisme, le footballeur international Franck Ribéry demeure un bon client des médias. Voire un meilleur, maintenant qu’il est classé sex addict. Seul petit changement, la presse dite « d’information » n’est plus seule sur le créneau. Les pipoles s’y sont mis. Par la seule grâce du scandale qui a vu le Ti’Franck de Boulogne fréquenter le Zaman Café et la désormais célèbre prostituée Zahia D. (mineure quand elle a chouchouté notre footeux). De peur d’être dribblée, l’Équipe magazine a ressorti de vieux entretiens et des photos qui datent de 2007 pour rapidement monter une couverture, ce qui est utile dans une
affaire de lit. Les héros sont Franck et sa femme, Wahiba : « Pour le meilleur et pour le pire » (30 avril), six pages et une longue histoire de leur rencontre et de leur complicité. Après ce horsd’œuvre bien élevé, on en vient (enfin) au truculent épisode du 7 avril 2009 quand, pour son
26e anniversaire, Franck s’offre ce qu’il faut bien appeler une très jeune pute. Difficile de raconter tout cela, qui fait croustiller le lecteur, sans accabler l’honneur de la pauvre Wahiba. L’Équipe rame, c’est une discipline qu’elle pratique bien, en rappelant à chaque paragraphe de la
coucheries
l’amérique guette l’obamagate
U
n spectre hante la Maison Blanche, celui de Monica Lewinsky. Le week-end dernier, le tabloïd National Enquirer, vendu principalement aux ménagères dans les supermarchés, a sorti un « scandale choquant » : un prétendu rendez-vous sexuel secret entre Obama et Vera Baker, une très jolie femme qui faisait partie de son staff de campagne en 2004, lorsqu’il était candidat au Sénat. Selon l’Enquirer, de riches opposants offrent une récompense de 1 million de dollars pour des preuves concrètes d’une liaison entre Obama et Baker. Le journal prétend avoir eu confirmation par le chauffeur d’une limousine qui aurait déposé Baker à l’hôtel d’Obama à Washington, mais il n’y a pas encore de « pièces à conviction ». Depuis peu, Baker a mystérieusement abandonné sa carrière fructueuse pour s’isoler en Martinique. L’Enquirer, un torchon spécialiste du genre, a gagné en crédibilité depuis qu’il a révélé le bébé caché du sénateur démocrate John Edwards, candidat malheureux à la présidence en 2008. On a même sérieusement parlé d’un prix Pulitzer à l’Enquirer pour avoir piégé le fringant sénateur lorsqu’il avait nié, pour ensuite avouer qu’il était bien le père. Les grands médias ont donc lancé des reporters sur la piste de la supposée « affaire » Obama-Baker.
Obama, tout comme Edwards, avait fait de sa famille un argument pour son élection. Et les électeurs en ont ras-le-bol de l’hypocrisie des politiciens après l’avalanche de scandales qui a récemment éclaboussé ces prêcheurs de « valeurs familiales ».
maîtresse
Le gouverneur démocrate de New York a dû démissionner après avoir dépensé des centaines de milliers de dollars chez des call-girls. Le sénateur républicain de Louisiane a admis fréquenter des prostituées. Le gouverneur de Caroline du Sud a disparu pendant une semaine et s’est fait piéger à son retour en avion d’Argentine, où il était allé voir sa maîtresse. Le sénateur républicain du Nevada avait admis une liaison avec la femme de son chef de cabinet, dont il avait acheté le silence moyennant 96 000 dollars (ce qui lui vaut une enquête pour détournement de fonds publics). Et j’en passe… Obama a toujours prétendu ne pas être un politicien comme les autres. S’il s’avère qu’il est, comme eux, un aventurier sexuel, cela pourrait mettre fin à ses espoirs de réélection. Drôle de pays… ✹ doug ireland
Léger changement de ton dans le Closer du 30 avril. Encore un appel de une… un poil plus agressif. « Exclusif : l’audition de Franck Ribéry, sa femme veut la moitié de son salaire. » Pour un papier qui mêle le mielleux au racoleur, dont la phrase choc, lancée, dit Closer, par Ribéry aux flics : « Ma femme m’a prévenu : “ Si tu vas voir ailleurs, je ne divorcerai pas, mais tu me donneras la moitié de ton salaire.”» Information « exclusive » mais cruelle, prudemment enrobée de douceurs dans les colonnes du proclamé « magazine people de l’année ». Qui ne manque pas de souligner « la dignité exemplaire » de Wahiba, « sans qui [Ribéry] ne serait sans doute pas devenu l’idole qu’il est aujourd’hui ». Et que pensez-vous qu’il arrive ? Eh bien, le boulot de Ribéry n’est plus de gagner la Coupe du monde; « son plus grand challenge est de reconquérir la mère de ses enfants ». Avec un petit pont d’or ? ✹ xavier monnier
Delon et la Suisse chocolat
Et voilà qu’Alain Delon rend la justice suisse chocolat. Des années durant, l’ami des phoques a circulé en Suisse avec de fausses plaques minéralogiques. Histoire de réaliser de petites économies sur les taxes prélevées par les Helvètes sur les immatriculations… Condamné, à la fin 2008, à 10 000 francs suisses (6 500 euros) d’amende pour « utilisation répétée de plaques de contrôle falsifiées ou contrefaites » sur sa Porsche Carrera, sa Lincoln Navigator, sa BMW et sa Mercedes, l’acteur n’a pas tenu à débrayer. Et a doublé son appel d’une plainte pour violation du secret de l’instruction. En attendant le jugement, Delon a fait la muraille… en Chine. À la fin avril, au pavillon français de l’Exposition universelle de Shanghai, dont il est le parrain, l’acteur échangeait de très près des messes basses avec Carla Bruni. Pour parler carrosserie avec une belle Italienne ?
Montebourg a encore un fan
À l’écart des bisbilles politiques et de la course à l’échalote sur l’investiture socialiste pour 2012, Arnaud Montebourg intéresse encore. Et pas seulement la presse pipole. Dans la nuit du 22 au 23 avril, le député a eu la désagréable surprise de trouver la serrure de son appartement du Marais forcée. Et le monte-enl’air n’a pas épargné ses efforts. Avant d’accéder à l’appartement, il lui a fallu passer l’obstacle du digicode, de l’interphone et du sas magnétique. Pour, au final, ne dérober aucun objet. S’il ne devait rester qu’un fan à Montebourg…
Guérini fait sa pub
Toujours ciblé par la justice, qui fouine dans les ordures marseillaises, Alexandre Guérini n’a pas plongé. Et le nageur émérite de sortir la tête de l’eau dans les journaux locaux, la Marseillaise et la Provence du 29 avril dernier. Non pas en délivrant une longue interview pro domo. Tout simplement en achetant deux pages de pub pour sa société SMA Environnement, perquisitionnée pour les besoins de l’enquête, en quatrième de couverture des quotidiens. Plus facile d’acheter la presse que de la faire taire ? ✹
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Bazar ÉCHOS DES CAves
bordeaux
Qui s’engraisse en grèce ?
vin sur vingt pour 2009
les petites fables d’angelina Angelina chronique les grandes et les petites histoires du quotidien entre militance, humour et informations sérieuses. e n’est pas comme s’ils s’étaient C réveillés après une nuit d’indigestion de moussaka, ni comme si les
Château Hostens-Picant
L
a semaine des primeurs, Quand le vin est tiré, il faut le cette grand-messe durant vendre. Pas une mince affaire laquelle les châteaux boren période de crise. L’an dernier, delais offrent à goûter leur derDiageo, le principal importateur nière cuvée, vient de s’achever. de bordeaux aux États-Unis, a Comme chaque année, 2009 est, cessé de passer commande pour évidemment, le millésime du cause de stocks invendus. En 2009, siècle. Pomponnés, bichonnés, les le marché global y a dégringolé de crus, présentés aux journalistes, 14 % en volume, pour 23 % de perte négociants et autres ivrognes en gros dollars qui ne tachent pas. professionnels, sont forcément Malgré tout, les Ricains s’obstidélicieux. Quand on connaît les nent à préférer les vins coûteux moyens techniques dont dispoaux crus plus ordinaires. sent œnologues Cet avis de grand et maîtres de froid nord-améLe bordeaux 2009 est chai pour ne pas ricain passé rater un millésur la Gironde un excellent cru. Les prix sime, c’est bien a été compensé risquent d’exploser. la moindre des par un vent choses. Et c’est nettement plus là que le pépin de raisin obstrue chaud venu de Chine. L’an passé, « l’empire rouge » a continué de la glotte : si un grand bordeaux est trop bon à boire quand il est jeune, faire monter la pression commerciale, avec 137 000 hectolitres on peut douter de son avenir. La tendance est là. Trop souvent, de bordeaux importés, en échange les primeurs manquent de tanin, de 74 millions d’euros (+ 40 %). de rugosité, d’épaisseur, et parAvec le grand millésime qu’est fois de caractère. Trop de vins 2009, c’est la flambée annoncée. se ressemblent car conçus selon On parle, entre deux rangs de la sacro-sainte trinité : fruit, vignes, de prix qui vont doubler, soyeux, barrique. Le goût « nouet plus encore sur les grands crus. veau monde », brocardé dans le Gageons qu’il restera encore d’exfilm Mondovino, est toujours en cellents bordeaux 2009 abordables vogue à Saint-Émilion, en Médoc pour nos amis soiffards. ou dans les Graves. Nous en avons dégoté quelquesEn 2009, et pour la première fois uns parmi ceux que présentait depuis des lustres, ce maquillage Stéphane Derenoncourt, un Ch’ti est compensé par un raisin vraide Dunkerque tombé dans un ment bon. Une année chaude, cuvier quand il était ado. Devenu mais pas trop, avec juste ce qu’il un excellent concocteur de potion faut de pluie pendant l’été et de bachique, cet œnologue conseille généreux soleil à l’arrière-saison, à Bordeaux et dans une vingtaine de pays. Santé ! ✹ a permis de récolter des grains impeccables. Jean-Moïse Braitberg
www.chateauhostens-picant.fr Un sainte-foy-bordeaux blanc remarquablement long et fin, particulièrement réussi. Autour de 18 euros.
Château Edmus Saint-émilion
Grand cru www.chateauedmus.com Excellent saint-émilion, issu d’une propriété en plein renouveau animée par deux garçons passionnés et sincères. Autour de 21 euros.
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Saint-émilion grand cru classé www.fauriedesouchard.com Très prometteur, bien structuré, classique, très bon rapport qualité-prix. Autour de 18 euros.
banque
Château La France
le crédit lyonnais couvre des sans-papiers chinois
Canon-fronsac Très bonne structure, puissance et longueur. Un vin « qui en a ». Autour de 12 euros. Bordeaux supérieur www.chateaulafrance.com Malgré sa taille (77 hectares de vignes), ce domaine de l’Entredeux-mers apporte un soin extrême à ses raisins. Le résultat est là, avec un 2009 remarquable. Moins de 10 euros.
Domaine de Courteillac
Bordeaux supérieur info-dma@wanadoo.fr Aux portes de Libourne, ce domaine traditionnel a fait de remarquables efforts qualitatifs pour produire un excellent rapport qualité-prix. Moins de 10 euros. Ces vins du millésime 2009 ne seront disponibles à la vente que dans un délai de six à dix-huit mois ✹
la mauvaise foi de monnier
guant les sommets du championnat de France, taquinant les trophées sans jamais les prendre en main. Et ses promises souriaient avant de s’enfuir en catin. Capricieuse, volage, instable, l’Olympique de Marseille est une infâme maîtresse. De celles qu’on ne peut quitter. Une passion. Pas une équipe, l’OM. Pas le football, le ballon. Des nuances
que jamais les profanes ne comprendront, et qu’il serait vain d’expliquer. À moins de découvrir ce bar, perdu dans l’ennemi Paris. Quartier mi-populaire, mi-bobo. Si loin de la plus belle ville du monde. Une grande salle, tout au fond du rade. Des lascars, des jeunes actifs, des pères de famille avec leurs minots. Qui s’agitent. La retransmission bugge, le public a raté le premier but. Dix minutes devant l’écran géant noir et des cris à chaque action de cet OM-Rennes si cris-
Larmes
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Potions
Château Haut Ballet
putain, que c’est bon ! a Marguerite n’avait guère plus L de pétales. Dix-sept ans que les Marseillais l’effeuillaient en vain, dra-
dieux de l’Olympe leur étaient tombés sur la tête. Tout le monde reconnaît à la Grèce sa mauvaise gestion, son manque de compétitivité chronique, son nombre élevé de fonctionnaires, la propension de ses pêcheurs à revenir de mer avec l’unique poisson du déjeuner plutôt qu’avec la tonne qu’ils revendront sur les marchés. Mais, c’est un fait, le peuple grec n’est pas responsable de sa crise. Ce qui se passe en Grèce mérite toute notre attention. Non parce que notre tour viendra, mais pour ce qu’il y a à apprendre sur les possibles lendemains qui déchantent. Il est même symbolique que ce soit là où la démocratie est née que la république économique est peutêtre le plus menacée. Les Grecs ont bien compris que les sacri-
fices qui leur sont demandés serviront à engraisser les dividendes du capital. Mais ils n’ont pas l’air décidés à se laisser faire. Plutôt que de vouloir les aider en leur accordant rubis sur l’ongle des monceaux de milliards d’euros pour payer une dette insondable, écoutons ce qu’ils ont à dire. La tentation a été trop forte pour les disciples de l’OMC, adorateurs du FMI et ultra-libéraux de même acabit, d’expérimenter leurs potions à éradiquer les services publics pour accroître les profits… en grandeur nature. La Grèce, avec un syndicalisme solidement ancré, un sentiment patriotique fort et une classe politique passablement corrompue, représente un fabuleux laboratoire. Mais attention messieurs les apprentis sorciers, souvent le chaudron déborde. Il se pourrait bien que la mixture entre en ébullition et que l’insurrection soit finalement réellement pour demain ✹
pant. Coups de fil venus de New York, de Tel-Aviv, de Dakar. Les exilés frissonnent en voyant se dessiner la victoire. Le titre de champion. Enfin. Et une, et deux, et trois mauresques… Pour rappeler les chants des mouettes marseillaises. « Mais il pleut, non, à Marseille ? » ose un novice. Non, il ne pleut jamais à Marseille. Mais le Vélodrome a pleuré de joie, d’étreindre enfin sa belle. Et les larmes, de la Bonne mère jusqu’aux Aygalades, couleront comme le pastis ✹
A
u gré du temps et des affaires, le Crédit lyonnais a vu évoluer ses slogans. D’un prometteur « Pouvoir de dire oui » au début des années 90, à un culotté repenti « Votre banque vous doit des comptes » après le scandale de l’affaire Tapie, jusqu’à un alléchant « Demandez plus à votre argent ». Quitte à ce que le Lyonnais soit moins regardant ? Au détour d’une enquête pour escroquerie dans le XIIIe arrondissement parisien, les flics ont découvert des soldats égarés du grand capital, prompts à couvrir faux papiers, situations irrégulières ou petits blanchiments. Les banquiers aussi sont des humanistes. Entre 2004 et 2005, 189 comptes ont été très officiellement ouverts dans l’agence Masséna du Lyonnais, aux noms de 183 Chinois en situation irrégulière. « Bonne nouvelle ! vantait une pub dans un journal communautaire du quartier. Seulement besoin d’un passeport, vous obtenez carte de crédit et chéquier. Pas besoin de rendez-vous, vous arrivez, votre dossier est traité. »
gagnant-gagnant
Un billet de 200 euros pour l’animatrice du réseau, une certaine Mme Liu, 50 euros de plus pour une domiciliation au siège de son association et le tour était presque joué. Ne restait plus qu’à rencontrer la dame au McDo du coin pour remplir un dossier sous un faux
nom. Celle-ci se faisait aussi fort d’obtenir aux moins dégourdis un visa (3 000 euros) ou un titre de séjour (6 500 euros). Quant aux banquiers, leur humanisme leur a permis de faire du chiffre. « Le fait de vendre des produits d’assurance à des personnes qui n’y avaient pas droit permettait à l’agence de réaliser plus vite ses objectifs. (…) Ces ventes donnaient lieu à des versements de commission aux commerciaux et étaient un indice de performance annuelle pris en compte pour la part variable du revenu des dirigeants de l’agence », décryptent les enquêteurs. Las, l’accord gagnant-gagnant s’est éteint avec le jugement prononcé le 19 septembre. Aux Chinois du réseau, des condamnations pour faux et aide au séjour irrégulier (mais sans la case blanchiment). Au responsable d’agence, une peine de prison avec sursis. La banque, elle, n’a pas été déboutée de sa constitution de partie civile, mais n’a récolté que 1 euro de dommages et intérêts. À croire que les juges aussi se méfient de la bonne foi des banquiers ✹ x. m.
Un peu de culture LITTÉRATURE L’autobiographie d’un écrivain américain qui a bouleversé la littérature du XXe siècle en brisant les tabous d’une société puritaine. De Brooklyn à Paris, l’ancien éboueur déroule sa vie en toute franchise. Ou comment transformer le désespoir en joie créatrice.
Henry miller, génie de trottoir
V
ous avez remarqué que tous nos romanciers ont fait Normale sup. Donc, tomber sur un tout petit bouquin Ma vie et moi, dans lequel feu Henry Miller nous fait partager son existence, réconcilie avec la littérature, celle qui ne s’apprend pas à l’école. Ce fils de tailleur luthérien, ivrogne à Brooklyn, en substitut d’hypokhâgne, a démarré commis à la société des ciments Atlas, à Portland. Pour continuer ce bout de chemin en Amérique, rappelons John Fante, qui a passé une partie de sa jeunesse dans des conserveries. Puis le mode de vie aléatoire de la beat generation, celle qu’a fait naître Miller.
mal élevé
Afin d’améliorer la qualité de ce que proposent nos libraires, peutêtre serait-il utile de relancer l’école des écrivains mal élevés ? En France, sans même consulter de dictionnaire, on peut citer Gaston Bachelard, Louis Guillou, Roger Vaillant, Yves Gibeau et des kyrielles de types qui ont écrit dans le reflet des caniveaux. Maintenant, nos auteurs sont cavaliers – et là on regrette que le cheval ne soit pas celui qui tienne la plume – ou professeurs d’université. Petits bourgeois fils de petits bourgeois. Si leur qualité de normaliens les changeait en Sartre, Nizan ou Gracq… Non, tout ça se termine en Mazarine Pingeot. Aujourd’hui, les enfants de pauvres l’ont bien compris, pour faire fortune ils ne veulent pas être Hugo mais Tapie. Un conseil, si vous tenez à
importe par où l’on commence, on revient toujours à ce que l’on est. » Miller nous explique à sa façon le « Madame Bovary, c’est moi ! » de Flaubert.
écriture automatique
être célèbre, soyez d’abord riche, tous font aussi des bouquins et passent à la télé. C’est à force de lire à la bibliothèque publique qu’Henry Miller est devenu écrivain. La nécessité de dire la vie, avec des mots et du papier, lui est venue comme, chez d’autres gosses, le goût du football. Quand il rentrait à la maison, de son emploi d’éboueur ou de chauffeur de tram, et tapait sur la machine à écrire, sa mère, honteuse de cette pratique, lui demandait de se cacher dans un placard, dans le parfum des boules de camphre, en cas de visite. Miller, toujours poussé par une femme – elles ont été son essence –, décide de filer en Espagne. Il s’arrête en France, une chance. Quoi de plus parisien et français, au sens du chef-d’œuvre, que son Tropique du cancer ou que ses Jours tranquilles à Clichy ?
N’écrivons pas l’une de ces fiches qui font la sous-culture de nos lycéens : « Henry Miller en cent mots. » L’important du petit livre qui vient de sortir en français est qu’il contient la recette de l’écriture. Miller explique : « La vérité est que j’avais peur de devenir écrivain, c’était trop énorme… ayant tout essayé et tout raté – alors pourquoi ne pas tenter d’écrire. » Aujourd’hui, nos écrivains ne tentent rien que directement le PC ou le Mac, et le manuscrit expédié par Internet sur le site de l’éditeur. Pour le nonnormalien, le blocage de l’écriture se cache dans la première phrase. Comment mieux faire que « J’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie » ou « C’était à Mégara, faubourg de Carthage,
les médias dans le viseur de berretta
C
par notre omniprésident dans les médias. De France Télévisions à Hadopi, tout y passe.
chasse gardée
Et la prose, souvent juste, parfois indulgente mais très bien informée d’Emmanuel Berretta dépeint un monde médiatique un brin misonéiste se prenant de plein fouet les desiderata d’un président autoritaire qui a fait des médias sa chasse gardée. Un monde politique, jamais avare de bassesses, mû par les ambitions personnelles. Qu’elle se joue sous les ors élyséens, dans les réunions des cabinets ministériels, par-delà les couloirs de l’Assemblée, ou au sein des états-majors des chaînes de télévision, la tragi-comédie des médias sous Sarkozy a trouvé son conteur ✹ simon piel Le Hold-up de Sarkozy, intrigues, lobbying et coups tordu… dans les médias, par Emmanuel Berretta, éd. Fayard, 288 pages, 19,90 euros.
Ma vie et moi, suivi d’Ici la voix du Pacifique, par Henry Miller, éd. Bartillat, 220 pages, 14 euros.
Bédé
non-sens
bouquin
omme c’est souvent le cas avec les livres écrits par ses journalistes, le Point a beaucoup beaucoup aimé l’ouvrage d’Emmanuel Berretta, le Hold-up de Sarkozy. Une fois n’est pas coutume, les compliments de l’hebdomadaire de François Pinault à l’un de ses fidèles serviteurs sont justifiés. L’ouvrage était attendu du microcosme de presse tant le journaliste médias du Point multiplie les scoops. Jusqu’à sidérer certaines autorités du milieu : « Il avait le compte rendu du conseil d’administration de France Télévisions quasiment en temps réel ! » s’exclame un expert. « Tout le monde a les yeux rivés sur son blog ! » lâche l’autre. Le bouquin ? Une enquête rigoureuse, puisée aux meilleures sources, qui décortique, parfois dans des aspects très (trop ?) techniques, les rouages des réformes lancées
dans les jardins d’Hamilcar » ? Miller a donné la clé : « Que de fois dans ma vie d’écrivain j’ai eu du mal à commencer. Mais je commençais. Par tout ce qui me passait dans la tête – pur non-sens, habituellement. Au bout de deux pages, j’avais trouvé le sillon. Peu
Dear Henry est plus précis encore sur sa méthode, inspirée de l’écriture automatique des surréalistes. Sur la page blanche, il met « tout ce qui passe par la tête – les pires absurdités, sans virgules ni ponctuation, sans suite d’aucun ordre – jusqu’au moment où ce que l’on a envie de dire vient à sourdre ». Miller travaille à la machine « qui écrit la vérité », et garde la plume, la main, pour « le mensonge de la conversation » : « C’est à la machine que j’ai l’impression de me donner entièrement. » À bas Normale sup, vive le cours Pigier ✹ jacques-marie bourget
Le roux des autres out avait mal commencé. T En plus d’être le traître de la chrétienté, Judas eut le mal-
heur d’être roux. Un père capillaire pareil ne peut engendrer dans l’Histoire que des gamins perturbés. Ce qui explique sûrement pourquoi Van Gogh peignait sous Prozac, Johnny Rotten jouait du punk, CohnBendit courait les belles plantes avant de finir vendeur de pots écolos (quelle décadence !). Et Boulet – voyez le traumatisme – de se mettre à la BD. Pour alléger cette mauvaise orangeade, il leur a fallu à tous une certaine dose de talent. Fort heureusement, l’artiste rouquin en est pourvu. La sortie du quatrième tome de ses Notes, aux éditions Delcourt, est là pour nous le rappeler. C’était pourtant pas gagné. À l’origine, le poil de carotte peignait sa misérable condition de mangeur de kebab et de célibataire endurci sur son blog, Bouletcorp.com, qu’il tient toujours. N’étant pas le seul, il va sans dire, sur Internet, Boulet a entraîné dans son sillage ces joyeux ratés de la vie plus attachés à leur clavier qu’à leurs vacances chez mémé. À tel point que ses planches délicieuses d’autodérision et de connerie bien sentie ont fini par se retrouver sur papier. Ce qui fait la force de ce cabochard, c’est sa capacité à se renouveler, tant dans le style dessiné, à l’encre noire et à l’aquarelle, que dans l’approche comique de ses tracas du quotidien. Chauves, lisez Boulet, vos cheveux repousseront ! Avec, peut-être, du poil roux sur le caillou ✹ L. C. Notes (tome IV) : Songe est mensonge, par Boulet, éd. Delcourt, 190 pages, 14, 95 euros.
du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010 | Bakchich Hebdo N°23
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Un peu de culture Musique 2020 Benoît Doremus
2020, l’avenir de la chanson française ? Il ne manquerait plus que ça… Comme son nom ne l’indique pas, le nouvel album de Benoît Doremus sent le vieux. Normal, son pygmalion s’appelle Renaud. Même intonation de voix, même gouaille politico-réaliste, même guitare pseudo-folk… Bien que coproduit par Frédéric Lo (le sauveur de Daniel Darc), l’album cumule les poncifs sur fond de rimes nazes. Paris sous l’orage, Obama, la crise, les ados, le Darfour… Courage, fuyons. Rise Up Cypress Hill
Quatorze ans après l’énorme tube Hits from the Bong, les latinos du hip hop West Coast ont toujours la gnaque. Leur huitième album démarre en force sur It Ain’t Nothin’. Porté par le flow unique de Be-Real, le groupe convie Tom Morello (guitariste de Rage Against the Machine) pour le titre qui donne son nom à l’album. Si, coproduit par Snoop Dogg, Rise Up renoue avec l’esprit rockfusion des Red Hot Chili Peppers, il ravive aussi la flamme old-school du Wu Tang Clan. Puissant. Nobody’s Daughter Hole
Courtney Love ne fait pas dans la dentelle. Douze ans après Celebrity Skin et moult scandales (cures de désintox, perte de la garde de sa fille), la veuve trash de Kurt Cobain réactive son groupe, Hole, avec Nobody’s Daughter. Ce troisième album aussi hargneux que migraineux a été coproduit par Bill Corgan (Smashing Pumpkins), qui accuse la chanteuse de lui avoir volé ses chansons. Du coup, c’est la guerre via Twitter. Et que je t’accuse d’être une mère indigne et que je te traite de pédophile… C’est moche. Bubo Panda Valium
Qui a dit que les gens du Sud-Ouest étaient de gros bourrins ? Panda Valium tord le cou à cette vilaine réputation. Ce jeune producteur est un Midas de la musique électronique. Toutes les machines qu’il effleure génèrent un son des plus oniriques, à la croisée de la house progressive et de la pop synthétique. Épique, nostalgique, Bubo, son premier album, tire son nom d’un grand rapace et nous porte aux nues. Born Free de M.I.A Clip réalisé par Romain Gavras
Deux ans après sa vidéo controversée de Stress pour le duo électro Justice, qui dénonçait la déraison médiatique (une bande de lascars cassaient tout dans une cité face à une caméra), Romain (fils de Costa) Gavras s’est vu interdire, à la fin avril, la diffusion par Youtube de Born Free : son clip du single électro-punk de la chanteuse britannique M.I.A. Le pitch ? Des ados roux envoyés au casse-pipe dans un champ miné par une armée américaine impérialiste. Cette censure, des milliers d’internautes l’esquivent quotidiennement au nom de la liberté artistique. La liberté d’expression. Pourvu que ça dure… ✹
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Lola
en salles
le brillant Mendoza ciné Meurtre à Manille. Les grands-mères de l’assassin et de la victime se retrouvent confrontées à ce drame commun. Entretien avec le réalisateur Brillante Mendoza. Bakchich Hebdo : Lola, cette histoire de deux femmes âgées, dont l’une vient de perdre son petitfils, tué d’un coup de couteau, et l’autre est la grand-mère de l’assassin, est tirée d’une histoire vraie. Brillante Mendoza : Oui, les histoires sont absolument véridiques, mais elles n’étaient pas connectées. Je suis intéressé par les histoires vraies, car j’ai envie de raconter ce qui se passe dans mon pays, les Philippines. Dans Lola, un crime va révéler les forces et les fragilités de deux vieilles dames. Leur humanité va être mise à l’épreuve. B. H. : Vous montrez les Philippines en proie à une pauvreté extrême, à la corruption et à la violence. Que pense le gouverneB. M. : J’essaie de montrer les ment de vos films ? événements en temps réel pour B. M. : Aux Philippines, les gens ressentir pleinement ce que vit le vont au cinéma pour se divertir, personnage. Le film devient une pas pour voir leur vie telle qu’elle expérience immersive. est. Mes films ne B . H . : Vo u s ressemblent pas le « J’improvise beaucoup, connaissez à Avatar, donc cinéma des on s’en fout. Et frères Dardenne je ne donne jamais le comme je ne ou les films de scénario aux acteurs. » Gus Van Sant ? touche qu’un public restreint, B. M. : Bien sûr. je peux tourner ce que je veux. Elephant de Gus Van Sant est un B. H. : Vous filmez des séquences film terrifiant. Je l’aime beaubanales – des personnages qui coup. errent, qui allument une bougie – B. H. : Vous avez tourné votre prequi seraient coupées par d’autres mier film à 45 ans. Depuis, vous réalisateurs, et pourtant vous paravez réalisé huit films en cinq ans. Comment faites-vous ? venez à démultiplier l’émotion.
mieux vaut tard que jamet LA ZApPETTE de bourget ardi sur France 3, la tardive émisM sion de Frédéric Taddeï s’écrivait « Ce soir ou Jamet », le pesant intellec-
tuel occupant là une place aussi large que sa considérable personne. Il y a trente-cinq ans, la difficulté pour les patrons de journaux auxquels collaborait Dominique Jamet était de l’empêcher d’écrire les louanges de Pétain. Puis Dominique a été nommé coordinateur de la Grande Bibliothèque, par un François Mitterrand qui a aimé Vichy comme le père de Dominique l’a aimé. Pourquoi pas, Jamet est cultivé et il adore les livres. Mais il n’aime pas les musulmans. Chez Taddeï, où le droit d’insulter se pratique sans contrepartie, Jamet s’est déchaîné contre Lies Hebbadj, le mari
de la femme intégrale, celle qui a chopé un PV pour conduite voilée à Nantes. Je n’ai pas envie de partir en vacances avec Lies mais, quand même, Jamet lui en a mis plein la gueule. Qu’il trouve d’ailleurs « très sale ». Donc Hebbadj est abject, hypocrite, menteur, et voleur de prestations sociales. Hebbadj est répugnant. Bon. En préambule, remarquons que le statut de Lies est identique à celui de Mitterrand, président de la République, avec sa vie à double foyer. Mieux, en dépit de la pugnacité de la DST, des RG, de la PJ, ce monsieur Hebbadj est réputé innocent. Je récapitule. Lies, qui ne nous met pas en liesse, a une sale gueule. Je n’ai pas entendu dire, depuis Pétain et Guy Mollet, que c’était un délit. En rab, on l’accuse
Répugnant
Éléonore Colin
Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010
L’élite de Brooklyn d’Antoine Fuqua
Capable du meilleur (Training Day) comme du pire (les Larmes du soleil), Fuqua revient avec un sublime polar où plane l’ombre de William Friedkin, pour la noirceur métaphysique, et celle de la série The Wire (Sur écoute, en VF) pour la densité de la narration et l’incroyable description d’un ghetto sur le point d’imploser. En faisant s’entrecroiser les destins de trois flics usés – Richard Gere, loser suicidaire, Ethan Hawke, flic des stups criblé de dettes, et Don Cheadle, infiltré chez les dealers –, Fuqua nous plonge dans un Brooklyn qui ressemble à l’enfer. Le film est crépusculaire, tendu, mélancolique, et la dernière demiheure est un incroyable moment de cinéma : les trois héros se croisent dans une unique scène et leur chemin de croix prend fin dans un déluge de feu et d’acier qui vous cloue sur votre fauteuil. Hautement recommandé. Dans ses yeux de Juan José Campanella
B. M. : Je prépare mes histoires longtemps à l’avance. Le film Lola a été écrit il y a trois ans. Ensuite, je tourne très vite, avec une équipe réduite de dix personnes : j’ai fait Kinatay, mon précédent film, en douze jours ; Lola, en onze. Jamais plus de quinze jours ! J’improvise beaucoup et je ne donne jamais le scénario en avance à mes acteurs. Ils ne doivent pas savoir ce qui va se passer. J’essaie simplement de filmer la vie ✹ Recueilli par marc godin Lola, de Brillante Mendoza, avec Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez, Jhong Hilario. En salles le 5 mai.
d’être délinquant, alors qu’il n’est mis en examen pour aucun grief. Bref, ce Hebbadj – qui n’est pas actionnaire de Bakchich – semble un trop voyant bougnoule. Qui « fait peur » à Élisabeth Lévy. Celle qui fait métier de moulin à paroles. Elle et Jean-François Kahn, son voisin de divan sur France 3, avec lequel elle échangeait des bourrades d’adolescents, sont deux juke-boxes. Vous glissez une pièce dans la fente et le flot de connaissances démarre sur tous les sujets (Allah merci, Kahn nous a épargné les louanges de Bayrou). Donc Élisabeth a « peur ». Tellement que l’éditeur Claude Durand, le seul qui, avec Denis Podalydès, avait des choses à dire, mais que l’on n’a pas entendues selon la recette de Taddeï qui aime faire raisonner le vide, a fait remarquer à l’énervée qu’elle se trouvait dans l’état du regretté Roger Gicquel. Présentant le journal télé après un crime, il avait lancé : « La France a peur. » Élisabeth, prends exemple sur Michel Drucker. Pendant ce temps-là sur France 2, pour ne pas avoir peur, il s’est déguisé en gendarme ✹
À la fois thriller ambitieux, film romantique et film politique, Dans ses yeux a décroché l’Oscar du meilleur film étranger. Mérité ! Robin des bois de Ridley Scott
Ridley Scott retrouve son acteur fétiche, Russell Crowe, pour une version hardcore de Robin des bois. Vous pourriez manquer ça ? Âmes en stock de Sophie Barthes
En pleine crise existentielle, Paul Giamatti, un acteur de théâtre newyorkais, se fait soulager du poids de son âme dans un labo high-tech. Un premier film raté, décalque grossier de Dans la peau de John Malkovich, un truc prétentiard et verbeux sur la mortalité de l’âme, les tourments des comédiens, la vie, la mort… Big nanar ! ✹ m. g.
la bakchich team Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • Conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • Chroniqueurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Éric Laurent, Patrice Lestrohan, Fabrice Nicolino, Jean-François Probst, Alain Riou • Maquette : Émilie Parrod, Victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Élodie Bui, Tatiana Weimer • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud Chenu, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Éric Laffitte, Anthony Lesme, Laurent Macabies, Simon Piel, Bertrand Rothé, Grégory Salomonovitch, Anaëlle Verzaux • Dessinateurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, Essi, Giemsi, Goubelle, Ray Clid, Khalid, Klub, Lacan, Ludo, Magnat, Mor, Morvandiau, Nardo, Noël, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski, Revenu, Roy, Soulcié, Thiriet • Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121 rue de Charonne 75011 Paris • Téléphone : 01.40.09.13.25 CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France Offset Direction des ventes : Thierry Maniguet/ tmaniguet@scpe.fr/01.70.39.71.05 Publicité : pub@bakchich.info Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.
Un peu de culture L’élégante piqûre du félon
Le pipole de la semaine toni musulin, convoyeur au fond du trou
le billet d’alain riou
C’est ce mardi 11 mai que Toni Musulin, le convoyeur de fonds le plus célèbre de France, est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Lyon. Jugé pour vol, pour s’être fait la belle avec un butin record, il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. L’ordonnance de renvoi signée du juge d’instruction Dominique Brault, que Bakchich s’est procurée, est accablante pour Musulin. S’il reconnaît s’être emparé du fourgon et avoir ensuite caché l’argent dans un box, l’instruction établit, sur la base d’empreintes relevées sur les sacs, qu’il a eu en main l’argent manquant. Un million d’euros, selon le juge. Ce que Toni a toujours nié. Reste que la somme qu’il reconnaît avoir soustraite à la Loomis (9 105 000 euros) additionnée au million d’euros disparu ne font pas le compte du montant réclamé par la société de transport de fonds (11 605 000 euros). Sans doute un moment important du procès. Réfugié dans le silence depuis son arrestation, celui que ses ex-collègues ont surnommé « la pince » ou encore « le mytho » sera jugé seul. L’instruction n’est en effet pas parvenue à établir d’éventuelles complicités et a donc demandé un supplément d’enquête. Musulin sera aussi jugé pour escroquerie à l’assurance. Il avait demandé le remboursement de sa Ferrari après avoir déposé plainte pour vol, mais sa version des faits n’a pas convaincu. Cette fois, le convoyeur a bien touché le fond ✹ s. p.
Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma. e meilleur de Judas, c’est le baiser. L On ne peut pas reprocher aux hommes politiques de trahir. Les ambi-
tieux cherchent le pouvoir, c’est humain, voire utile. Quand la monture qu’ils ont choisie s’écroule, ils changent de camp, c’est légitime. Tout ce que je leur demande, c’est de le faire avec doigté. Avec tendresse. Pas par respect envers les leaders qu’ils abandonnent : ce n’est pas leur faute si le pur-sang qu’ils ont joué se révèle un bourricot. Mais pour nous. Il ne suffit pas de retourner sa veste. Il faut se donner, nous donner, de belles raisons. Des raisons auxquelles on puisse faire semblant de croire, qui ne nous prennent pas pour des imbéciles. Désormais, chez ses amis, tout le monde trahit Sarkozy, ou s’apprête à le faire. Mais certains le font avec plus de brio que d’autres. On découvre même de beaux traîtres auxquels on ne s’attendait pas. Bien qu’il ait déjà déserté élégamment son leader d’alors, entre les deux tours de la dernière présidentielle, on ne croyait pas devoir tenir Hervé Morin pour un félon du grand répertoire. Pourtant, le bougre a de la ressource, surtout quand Santini vient appuyer de
son gros calibre la volte-face annoncée : « Je soutiendrai la candidature d’Hervé Morin, dit cet humoriste sans rire, et justement pour aider le Président en écartant de sa route le danger que pourrait constituer un gros score de Bayrou. » Beau petit coup de poignard, non ? C’est dans l’épreuve qu’on découvre les talents. Et, très inattendu, M. Arnaud Lagardère, qu’on prenait pour un niais, vient d’honorer son nom, et de manier la dague en vrai Bossu : « Bien que ma fidélité me plombe, je reste inconditionnel du président de la République. En amitié, je veux dire. Pas forcément en politique. » Plus forte encore, Mme Dati, qui était tombée bien bas, mais qui a fait des études, et qui se redresse grâce à la conjugaison. Sa trahison est plus que parfaite. « Lors de ses débuts, j’avais soutenu inconditionnellement Nicolas Sarkozy : et je l’ai soutenu tant qu’il a fait la politique pour laquelle il a été élu. » Tout cela n’est pas très bon pour M. Besson, qui plaça haut la traîtrise, mais qui s’accroche depuis à une rhétorique navrante : « Non, je n’ai jamais changé ! »✹
Volte-face
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Toni Musulin élu bandit de l’année par Bakchich : http://minu.me/2bdk
metz
pompidou, le musée des honneurs
P
icasso et Dali s’installent En contrepartie, les Messins, trer dans le musée et on remonte à Metz, c’est du moins ce Mosellans et Lorrains n’auront dans le TGV pour rentrer à Paris. qu’affirme la campagne de droit qu’à des strapontins. Le préBasta. Le centre n’a pas été conçu pub pour l’ouverture d’un centre sident de Beaubourg, la maison comme outil de promotion locale Pompidou délocalisé. Pour l’inaumère, désigne sept représentants mais comme faire-valoir poliguration, Nicolas Sarkozy fera au conseil d’administration et tique d’Aillagon, qui rêvait alors même l’aller-retour, le 11 mai. garde, en plus, un veto pour la de la mairie de Metz. Les Messins et les Lorrains nomination du directeur et pour Faute de servir les Messins, attendront, eux, le lendemain et les choix culturels. Preuve de l’imAillagon s’est tourné vers le la dispersion mense confiance business. Il est devenu le portedes pipoles pour accordée aux du milliardaire François Le centre n’est pas un outil cousins provin- coton visiter gratuitePinault, qu’il a secondé à Venise. ment le musée. de promotion locale mais ciaux… Plus Aujourd’hui, le bon serviteur Gratuité ? Mon fort, afin de ne transforme le château de Verle faire-valoir d’Aillagon. cul ! Comme le pas se gâter les sailles, dont il a la charge, en outil précise le « chayeux, les viside promotion pour les homards noine » Jean-Jacques Aillagon, teurs du centre ne verront rien gonflables de l’Américain Jeff initiateur du projet quand il était de l’architecture germanique de Koons. Ce qui fait la bonne forMetz : Picasso et Dali s’affichent encore président du Pompidou de tune de Pinault, le premier collecBeaubourg, le centre a été conçu d’un côté des rails, et la ville tionneur et spéculateur de fruits de mer en or ✹ comme une « collaboration entre néo-baroque se visite de l’autre. l’établissement qui apporterait ses On descend du train pour péné bertrand rothé collections et son “ingénierie culturelle” et une collectivité locale qui mobiliserait, elle, les financements nécessaires ». Aux Parisiens les décisions, aux Lorrains l’impôt. En espérant des « retombées », comme on dit à Tchernobyl. Le centre va donc pomper le budget culturel des collectivités locales. Plus particulièrement ceux de la communauté de communes et de la région puisque 80 % du budget de fonctionnement sont à leur charge. L’État ne mettra au pot qu’à hauteur de 10 %. À titre d’exemple, en 2010, près de la moitié du budget culturel de Metz sera consacré au musée. Autant de moins pour les fêtes de la Mirabelle. Quant à l’investissement de la ville, initialement estimé à 35 millions d’euros, les Messins ont appris, le 1er avril, sans trop oser y croire, qu’il a été a Le centre Pompidou de Metz sous tutelle parisienne. porté à 65 millions.
du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010 | Bakchich Hebdo N°23
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Ben la der
JACOB ZUMA
Ça se pose un Pelat !
ou le zèle du désir bandit Comme ses prédécesseurs Mandela et Mbeki, le président sud-africain cultive quelques valeurs. Les siennes sont d’une espèce plus sonnante.
A
quelques semaines de la Coupe du monde de foot organisée dans son pays, le président sud-africain Jacob Zuma – 68 ans, dont un de mandat peu convaincant – vient de décider, simple hasard, d’une énorme campagne de prévention et de dépistage du sida. Pas du luxe : le taux de séropositifs dépasse là-bas le dixième de la population. Un record mondial et une catastrophe nationale, en sus d’une violence endémique et d’une misère persistante.
gardien de chèvres
À tout le moins, « JZ » s’est amendé. En 2006, il a été lavé, non sans mal, d’une accusation de viol, chez lui, de la fille, séropositive, d’un ami. « Elle n’avait pas de culotte », a juré au tribunal l’une de ses propres filles, l’un de ses 18 ou 19 enfants. Exact, la victime, 31 ans, venait d’aller se coucher. Dans de mauvaises conditions peut-être. « Dans ma culture, a plaidé Zuma, on ne peut pas laisser une femme excitée sans rien faire. » Et de préciser qu’à titre prophylactique, il s’était, ensuite, administré « une douche vigoureuse ». Détail, Zuma a longtemps présidé la commission nationale de lutte contre le sida. Il se tire de tout, le populiste Jacob, gardien de chèvres à 6 ans, ex-compagnon de détention de Mandela, ex-chef des services secrets de l’ANC (Congrès national africain) clandestin. Ces dernières années, il s’est aussi tiré d’une plainte pour corruption qui lui a cependant coûté son poste de vice-président du précédent chef de l’État, Thabo Mbeki. Selon l’accord conclu, contre versement d’une rente annuelle, notre
ami garantissait à une filiale de Thales « une protection politique » et l’équipement de quatre Corvette. Le seul à morfler (sévèrement) fut un « conseiller » de Zuma. Un peu plus tôt, ce dernier, pas chien question fonds publics, avait aussi fait jaser en équipant deux de ses compagnes de véhicules de luxe. Chrétien polygame, Zuma le zoulou a du reste convolé pour la cinquième fois (au moins) en début d’année. Sa troisième épouse s’est toutefois suicidée en 2000 en laissant un mot où elle dénonçait « vingtquatre années d’enfer »… Précision, pas encore président, Jacob s’est dit aussi impressionné par l’air « très engageant » et « le style unique » de Sarko, de passage au Cap, en 2007. Ce sont d’ailleurs des flics français qui entraînent les forces de police sud-africaines en prévision d’éventuels débordements de la Coupe. En ce domaine répressif, et alors que la presse s’alarme des menaces de quelques officiels, le secrétaire d’État à la police a beaucoup rassuré en novembre en lançant à ses troupes : « Tirez sur les salauds ! Visez les criminels à la tête ! » D’aucuns assurent que l’Afrique du Sud de Zuma a peu à voir avec celle de Mandela. Propos de « salauds » ? ✹ Patrice Lestrohan www.bakchich.info
Dans quel état Zuma avait-il trouvé l’Afrique du Sud en arrivant au pouvoir ? http://minu.me/2btp
marée noire
L’échanson de Roland
L’anecdote se trouve dans le portrait de Marine Le Pen que publie le Point (29 avril). Un soir de 2008, à la table de Papa Jean-Marie, la dauphine du FN, élue du Nord, prend la défense de Bienvenue chez les Ch’tis : « Il n’y a pas d’affaires de sexe, c’est pour ça que vous n’aimez pas ! » Un convive lui rétorque : « Madame, c’est une question qui semble importante pour vous. » Le convive se nomme Roland Dumas, ex-ministre des Affaires étrangères, sinon ex-vice-président de Mitterrand. Il semble qu’il soit, lui, « bienvenu » en d’étranges compagnies.
Taxe du mal
Laurence Parisot est la seule candidate à sa succession de patronne des patrons, à partir du 1er juillet. Ses mandants n’approuvent pas tout son bilan, mais lui savent gré de quelques initiatives et, notamment (le Journal du dimanche du 2 mai), « du report sine die de la taxe carbone. Certains dirigeants remercient encore Chantal Jouanno d’avoir affirmé que le sort de cet impôt fut scellé par le Medef ». La secrétaire d’État à l’Écologie avait estimé : « C’est le Medef qui a planté la taxe carbone ! » On ne voit pas comment de grands patrons pourraient ne pas reconduire un personnage aussi influent sur le chef d’un État aussi « impartial ».
Hortefeux à l’extérieur ?
Le Nouvel Obs (29 avril) croit le savoir : Hortefeux serait éjecté de la Place Beauvau à l’automne. Sarko l’aurait confié à l’un de ses proches conseillers. Dans l’immédiat, Brice veut faire bonne figure : « Il [le Président] répète à tous ses visiteurs qu’il est content de mon action. » Peut-être mais, voilà quelques semaines, il a aussi répété à des députés UMP : « J’ai tué le métier de ministre de l’Intérieur. » Avant d’endommager sérieusement celui de président.
Le sable chaud de Morin
Où va se loger « la rupture » ! Le Parisien (2 mai) : « Pour la première fois, un ministre français de la Défense, Hervé Morin [est venu] célébrer l’héroïque bataille de Camerone. » Un épisode parfaitement inutile de l’imbécile expédition du Mexique, dans les années 1860. Soixante-cinq légionnaires, dont quelques-uns seulement survécurent, tinrent tête pendant une journée à 2000 soldats mexicains. C’est vrai, la Légion est actuellement engagée en Afghanistan mais, à ce train, Sarko et Morin vont finir par commémorer les triomphes de Sedan (1870) et de Dien Bien Phu (1953).
Raphaëlle Bacqué, du journal le Monde, présente dans Paris-Match (29 avril) son ouvrage sur le Dernier Mort de Mitterrand, le dernier suicidé aussi, François de Grossouvre. Elle revient sur les embrouillaminis de la cour élyséenne : « Pelat [compromis dans l’affaire Péchiney, ndlr] était le grand rival. (...) Avec Pelat, Mitterrand s’amusait. Grossouvre était devant eux comme une femme trahie. Il haïssait Pelat. (...) Il détestait aussi Charasse. » L’essentiel était que ce petit jeu cruel « amuse beaucoup » le Sphinx blasé…
La donne de Shanghai
Shanghai ne s’illustre pas seulement par son Exposition universelle. L’envoyée spéciale du Monde (2-3 mai) y a aussi découvert une folie boursière : « Le 16 avril, une nouvelle étape a été franchie. Les autorités ont lancé officiellement des contrats à terme sur indice, un produit financier dernier cri. » Le quotidien a déniché un « businessman » de la ville qui a domicilié son fonds spéculatif… « dans un centre off-shore, les îles Caïman ». En 1920, Lénine disait que « le gauchisme est la maladie infantile du communisme ». En 2010, Hu Jintao pense apparemment que le boursicotage en est le remède tardif.
Cherchez l’époux !
Le Point (29 avril) publie les bonnes feuilles de l’ouvrage de son collaborateur Emmanuel Berretta, le Hold-up de Sarkozy (lire page 13). On y apprend qu’en 2007 Kouchner, Albanel et d’autres causent de la personnalité la plus à même de jouer le numéro 2 de l’audiovisuel extérieur : « [Le ministre des Affaires étrangères] avec l’emphase d’un grand tragédien : “Il y a bien quelqu’un qui serait formidable pour cela, mais, si je le lui demande, elle va refuser, ce n’est pas possible, pourtant ce serait idéal.” » « Possible », la nomination de Christine Ockrent, compagne de Kouchner, l’est vite devenue. Plus vite qu’« idéale » en tout cas.
Judoka d’espèce
Le nouveau député UMP David Douillet fait un tabac chez les sarkozystes, assure l’Express (29 avril). Nathalie KosciuskoMorizet rapporte que, pendant la campagne des régionales, « il prenait les salles à la gorge » en racontant ses combats. Le parlementaire, également UMP, Axel Poniatowski : « Il a une popularité incroyable. Un marché avec lui, c’est l’émeute. Il aura un rôle à jouer dans la future campagne de Sarkozy. » Pour récolter des pièces jaunes ?
Élève Modem
Député européen du Modem, Robert Rochefort feint, dans le Figaro (3 mai), de trouver des avantages au désamour électoral que subit sa formation de masse : « Finalement, c’est presque reposant de ne pas avoir à répondre toutes les cinq minutes aux médias et de pouvoir ainsi nous concentrer sur un vrai travail en profondeur. » D’ailleurs, un vrai politique déteste que les journalistes parlent de lui… ✹ P. L.
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Bakchich Hebdo N°23 | du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010