Bakchich N° 26

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Les experts bidons du Rio-Paris | P. 3

bakchich

N° 26 | du sameDI 29 mai au vendredi 4 juin 2010 | informations, enquêtes et mauvais esprit

LE COÛT DU SAUVETAGE DES BANQUES | P. 4 Pour éviter le naufrage des banques, l’État pompe dans ses caisses. Une politique digne des Shadoks que le gouvernement prétend sans dommage pour nos finances.

basses œuvres

La fondation placebo de Jacques Chirac | P. 5

bandits

Les Bonnie and Clyde made in France | P. 9

L 13723 - 26 - F: 1,50 

roland garros

un document décapant sur les relations bling-bling du président pages pages 6-7 6-7

Bel : 2€ - CH : 2,90FS

Nelson Monfort ne baisse pas le son | P. 15 télé-réalité Un amour aveugle et rentable sur TF1 | P. 15 Et sur Internet


Apéro coulisses

quand edf disjoncte J

reculer pour mieux... plonger

usqu’à présent, personne ne connaissait Philippe de Ladoucette. Même sa grande copine Anne Méaux, papesse de la com, n’avait pas réussi à sortir de l’anonymat cet ancien des cabinets ministériels du très libéral Alain Madelin. Ladoucette vient de se faire de très nombreux amis en annonçant devant une commission parlementaire qu’il faudrait augmenter les tarifs de l’électricité de 11,4 % dès cette année et de 3,5 % par an entre 2011 et 2015 pour favoriser… la concurrence.

N

icolas Sarkozy pense, non sans raison, que son prédécesseur à l’Élysée, Jacques Chirac, a plus souvent géré que réformé la France. Seul hic, notre cher Président n’a jamais cessé, lui aussi, de retarder les échéances et de donner du temps au temps, comme disait François Mitterrand. On le voit, à l’Élysée, plus apte à rebondir qu’à anticiper, et plus proche de Pasqua et de Chirac, ses mentors en politique, que d’un De Gaulle. En 2007, on pouvait craindre ou espérer – c’est selon – que Sarkozy le « libéral » remettrait les compteurs à zéro. Raté. À peine élu, Super Sarko fait voter le bouclier fiscal, renfloue massivement les banques, refuse tout prélèvement obligatoire, tout en aidant, sans compter, ses amis du CAC 40 ou du showbiz, comme le raconte notre confrère Yves Azéroual dans un excellent livre, People Politicus, dont nous publions des extraits (lire pages 6 et 7). Or voici désormais Nicolas Sarkozy, mauvais élève de la classe européenne, au pied du mur s’il veut éviter une faillite évoquée, voici plusieurs mois, par son Premier ministre. « Ne touche pas à ma retraite », exigeaient dans la rue, le jeudi 27 mai, des dizaines de milliers de salariés à qui on demande de travailler plus tard, alors que souvent ils n’ont déjà pas ou peu de boulot. Le choc social sera violent. D’autant que d’ici quelques jours, l’opinion va réaliser, lors des conférences budgétaires à Bercy, l’ampleur des sacrifices programmés. Nicolas Sarkozy sait botter en touche. Cela ne suffit plus ✹ la rédaction

Et, à la fin de l’entretien, Larry Page jette luimême sa boîte de soda dans la poubelle. Le Monde du 22 mai, après avoir reçu le cofondateur de Google.

coup de boule

angolagate, suite J

osé Edouardo dos Santos, le président angolais, va déposer une plainte contre la France devant la Cour internationale de justice de La Haye. L’Angola affirme qu’en condamnant Pierre Falcone à six ans de prison Paris a fracassé toutes les lois protégeant les diplomates. Dos Santos le répète depuis le début : « Falcone a toujours agi sous mandat officiel de l’État angolais, ce qui lui vaut l’immunité. » En bord de Seine, Falcone a si peu d’amis dans la justice que sa prochaine demande de mise en liberté, prévue pour le 28 mai, est d’avance annoncée comme rejetée. Tradition chez nous dans les affaires politico-financières, il y a toujours un cocu : Le FlochPrigent, Gergorin, Falcone. Ceux qui ont refusé de « collaborer ». Autre grief, ce procès a permis de « livrer au public des documents diplomatiques couverts par le secret défense ». La plainte insiste enfin sur le refus de prendre en considération le statut de Falcone, celui d’ambassadeur de l’Angola auprès de l’Unesco. Et

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dos Santos de résumer : « Ce que la France a fait à cet homme, c’est à moi qu’elle l’a fait. Ce comportement, elle ne l’aurait jamais eu face à un pays blanc. C’est digne de l’Iran ! »

régler de vieux comptes

À Paris, des fidèles du président angolais désignent Patrick Ouart comme ayant « lancé une fatwa » contre dos Santos. Rien que ça. Magistrat, longtemps conseiller justice de Sarkozy, sur lequel il garde un surprenant pouvoir, Ouart aurait réglé de vieux comptes. Le conseiller a jadis œuvré dans la bande à François Léotard. Dans la guerre civile angolaise, commencée en 1975 et qui a duré plus de vingt ans, Léo et les siens soutenaient l’Unita de Sawimbi contre le marxiste du MPLA, le vilain dos Santos. En attendant, les 9 milliards de barils de pétrole qui dorment sous les pieds des Angolais et les marchés qui vont avec passent sous le nez des entreprises françaises. Bouché, le nez ?✹ jacques-marie bourget

Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010

vente forcée

les trophéEs Les austères de la semaine

Les Anglais savent qu’ils vont se serrer la ceinture depuis que leur tout nouveau tout beau Premier ministre, David Cameron, a annoncé une baisse radicale des dépenses publiques. Les membres du gouvernement ne sont pas les meilleurs experts en rigueur puisque les journaux britanniques ont souligné que 18 ministres sur 23 étaient millionnaires. La BBC s’est montrée plus discrète sur le sujet. En avril, le directeur de la chaîne publique a dû s’excuser pour avoir essayé de cacher les salaires de ses cadres avant d’annoncer de sévères mesures. Un mois plus tard, trois fraîches recrues ont obtenu des salaires annuels compris entre 190 000 et 370 000 euros.

Le plan tordu de la semaine

Mardi, le Washington Post a sorti une drôle d’histoire sur son site. Pour booster l’invasion américaine en Irak et décrédibiliser ses ennemis, la CIA a tenté de faire passer Saddam Hussein et Ben Laden pour des pédophiles ! Le site révèle que des espions ont cherché à diffuser des vidéos tournées en caméra cachée dans lesquelles un sosie du dictateur irakien tripotait un enfant et où un faux Ben Laden discutait, en picolant avec ses potes, de ses folles escapades avec de jeunes gamins. Le projet a finalement été abandonné. Par manque d’argent et parce qu’il divisait la CIA. Les bonnes vieilles armes de destruction massive sont quand même plus efficaces.

Les déconnectés de la semaine

Pour sauver l’Europe en crise, le Parlement européen prône la rigueur et fustige les dépenses inutiles. Pourtant, selon le Times, les 736 députés européens pourraient se voir offrir un iPad d’Apple, pour une somme globale comprise entre 367 000 et 585 000 euros. Si Strasbourg a démenti toute commande « dans un avenir immédiat », plusieurs députés se plaindraient de leur ordinateur portable actuel. Les pauvres auraient un atout de poids avec le secrétaire général du Parlement, Klaus Welle, fan de la marque à la pomme. Et se soucieraient peu de prendre les contribuables européens pour des poires ✹

Mot à Mot

Un jour, il faudra qu’on m’explique ce que c’est que l’« écologie ». Une bonne fois pour toutes – j’insiste sur ce point car le mot me semble recouvrir des réalités tellement variables, en politique, qu’on peut se demander s’il signifie désormais quoi que ce soit de stable. Et c’est bien ce qui fait son succès, apparemment : quand l’un vote pour la sauvegarde des salamandres en zones humides, l’autre pour le refroidissement de la planète, le troisième parce qu’il

avait vingt ans en 68 comme CohnBendit, le quatrième pour emmerder la droite et la gauche, le cinquième parce que Bayrou l’a déçu et le dernier parce qu’Éva Joly lui rappelle des vacances en Scandinavie, forcément, ça fait un tas de voix. Europe Écologie, c’est ce tas, finalement pas si vert que ça. Et avec ça, on fait quoi ? Le coup du « gouverner autrement », on a déjà donné, c’est comme « changer la vie », cela manque de sémantisme dense. Sinon, critiquer les paradis fiscaux, pister les OGM et minauder sur la burqa, tout le monde peut le faire, pas besoin d’être vert sapin. Ah, c’est des djeuns ? T’as vu le millésime de Dany et d’Éva ? de Lipietz ? de Mamère ? Et où est l’écologie dans tout ça ? Si j’ai bien compris, ces gens ne sont même pas foutus de

Cet homme qu’on croise plus souvent dans les cocktails que dans les centrales électriques préside depuis 2006 la Commission de régulation de l’énergie (CRE), un machin supposé libéraliser le marché de l’électricité. Car la concurrence, tous les économistes vous le diront, permet de faire baisser les prix tout en améliorant la qualité. Sauf que le prix de l’électricité en France est inférieur de 40 % à ce qui se pratique dans les autres pays. On voit mal comment la concurrence pourrait faire baisser les prix. Mais Ladoucette, soutenu par Fillon, a une idée : affaiblir EDF en forçant le groupe public à vendre une partie de son électricité nucléaire à ses rivaux comme GDF Suez, Poweo et Direct Energie. Henri Proglio, patron d’EDF depuis l’automne, n’a pas réussi à empêcher un projet de loi autorisant cette vente forcée, mais il a décidé de se battre sur le prix et estime que les concurrents doivent lui payer son électricité à 42 euros le MWh, alors que les intéressés ne veulent pas aller audelà de 37 euros. Ladoucette les soutient et veut qu’EDF augmente fortement ses tarifs pour que ses rivaux puissent gagner de l’argent en revendant de l’électricité achetée à EDF. Elle est pas belle, la concurrence ? ✹ gari john

s’accorder sur l’intérêt des éoliennes et ils se bousculent pour tirer la queue du Mickey de l’Élysée… D’accord : Bernadotte, né à Pau, a été roi de Suède et même de Norvège. Mais Bernadotte avait la bénédiction de Napoléon. Impérial, le Dany : hier, il déboulonnait le doyen de Nanterre et, maintenant, il désigne sa prétendante au trône, laissant Cendrillon Duflot faire le ménage et descendre les poubelles (triées) tous les soirs ! L’oracle a pondu son œuf : Gro Éva Joly est l’étoile polaire qui manquait à la politique française. C’est foutu pour Line Renaud et Penélope Cruz ! Dis voir, Dany, si on vous refile Copé ou Villepin, qui ne rêvent que de présider quelque chose, tu nous les cases en Norvège ? ✹

jacques gaillard


Apéro

air france, c’est copinage et compagnie af 447 Un an après le crash du vol Rio-Paris, les recherches des boîtes noires marquent le pas. Et des voix s’élèvent pour dénoncer les experts choisis pour enquêter sur le drame.

L

’enquête sur le crash du Rio-Paris du 1er juin 2009 a du plomb dans l’aile. Malgré l’envoi de plusieurs sous-marins et l’identification d’une zone délimitée de recherches au début mai, les boîtes noires de l’Airbus A330 d’Air France abîmé en mer le 1 er juin 2009 demeurent aussi bien cachées que le trésor de Rackham le Rouge. Affaire dans l’affaire, la compagnie nationale des experts de justice aéronautique et espace (CNEJAE), qui regroupe la majorité des experts dans ce domaine, lance une fronde discrète. Ces derniers, qui affirment avoir été reçus par la garde des Sceaux, jettent un pavé dans la mare en levant le voile sur l’indépendance et la compétence des experts chargés des enquêtes sur les crashs. À commencer par ceux de Rio.

experts de rien

« Regardez le CV des experts retenus par la justice ! » clamentils. Le premier, Alain de Valence, est un commandant de bord d’Air France à la retraite depuis deux ans. Le deuxième, Éric Brodbeck, est lui aussi pilote chez Air France et détaché auprès de l’office de contrôle en vol de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Plus indépendants, tu meurs ! Le troisième, titulaire d’un CAP de mécanique générale et d’un brevet élémentaire de mécanicien avion, était chargé de l’entretien des petits avions à la DGAC. « Il est donc parfaitement incompétent pour les avions de ligne », déplore notre contact. Le quatrième a un diplôme de métallurgie et s’occupait de la qualité chez AOM industries, à Nîmes. Une compagnie dont les avions n’étaient plus entretenus…

Dans l’enquête sur le crash du mont Sainte-Odile, en 1992, on retrouvait également un ancien pilote d’Air France comme expert, Jean Belotti. Et dans celle sur le crash du Concorde, en 2000, on retrouve Jacques Chauvin, un ancien commandant de bord instructeur sur le bel oiseau. Un expert de la CNEJAE écarté de l’enquête met en cause tout le fonctionnement des expertises de crashs en France en pointant du doigt un haut gradé qui dirige la gendarmerie du transport aérien. Nous nous sommes procuré la plainte qu’il dépose contre ce dernier car il estime avoir été inscrit sur une « liste rouge » occulte. Selon notre expert, ce gendarme se débrouillerait pour que deux de ses confrères et lui ne dirigent plus aucune enquête. Une étrange affaire dans laquelle apparaît le nom de la juge Sylvie Zimmerman, chargée de l’instruction du crash de Rio. Récemment, la magistrate a eu les honneurs d’un article de Bakchich

pour une affaire très… terre à terre. En 2005, la conférence du stage du barreau de Paris avait donné lieu à des factures ayant peu de rapport avec l’univers du droit : massages, strip-teases, etc. Ni une ni deux, la juge avait enterré l’affaire avec un nonlieu. Espérons qu’elle sera plus vindicative à l’égard des dessous de l’affaire de Rio…

juges et partie

Selon les membres de la CNEJAE, l’usage voudrait que les juges prennent avis auprès de la gendarmerie des transports aériens (GTA) pour la nomination des experts judiciaires. Mais selon l’arrêté du 28 avril 2006 relatif à son organisation, la GTA est « placée pour emploi auprès du directeur général de l’aviation civile ». Or le directeur peut éventuellement faire l’objet d’une mise en examen au cours de l’instruction. Du mélange des genres dans l’aviation civile ✹ FRANçOIS NÉNIN

Au « Monde », Alain Minc revient par la fenêtre

Arnaud Lagardère le dit régulièrement : s’il ne manifeste pas d’intérêt pour la recapitalisation du journal le Monde, c’est que les journalistes du quotidien auto-proclamé de référence lui ont fait comprendre qu’ils ne voulaient pas de lui. Même si dans les milieux financiers, on n’exclut pas qu’il revienne dans le jeu, il en a pris son parti et estime que le futur repreneur du quotidien devra lui racheter ses parts au prix auquel il les avait payées (soit 50 millions d’euros). Son groupe détient en outre 34% de la filiale, rentable, Le Monde Interactif (MIA), qui gère le site Lemonde. fr. Soit encore quelques dizaines de millions en perspective. De quoi faire paniquer les candidats au rachat du Monde : Claude Perdriel, soutenu par Alain Minc, l’espagnol Prisa, soutenu aussi par Minc, et le duo formé par le banquier Matthieu Pigasse et Pierre Bergé. Remarquons que le double jeu est une pratique habituelle d’Alain Minc qui, dans le monde des affaires, a souvent servi deux maîtres à la fois. Pour faciliter la recapitalisation, Louis Schweitzer, président du conseil de surveillance du Monde, a donc décidé ces dernières semaines de faire pression sur Lagardère pour qu’il renonce à exiger le rachat de ses parts. Le tout au nom du soutien de la liberté de la presse. On se retrouve donc dans une situation assez cocasse : la Société des rédacteurs du Monde ne veut pas d’un rachat du journal par Lagardère mais ils ne veulent pas non plus le faire partir. Peut-être faut-il oublier ces gagne-petits et appeler Pougatchev, le nouveau propriétaire de France-Soir, qui n’a pas de soucis de fins de mois ✹

Roselyne couve son fils

Affaire de sous-marins bis

Après le Pakistan, la Malaisie. La vente, en 2002, de deux sous-marins à ce pays par Thales et la Direction des constructions navales (DCN) fait l’objet d’une enquête préliminaire du parquet de Paris. L’ancien vice-Premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, qui avait été emprisonné et torturé par ses amis politiques pour… sodomie, est ressorti de prison, bien décidé à dénoncer les commissions empochées par certains hommes politiques de son pays. Son combat en Malaisie passe désormais par le dépôt d’une plainte à Paris contre Thales et la DCN, via une modeste ONG qu’il anime. Un témoignage intéressant à entendre sera celui du ministre socialiste de la Défense de l’époque, Alain Richard, très pote avec les dirigeants de Thales et avec Jacques Chirac.

Un ami de la DCN à la rue

LE BUREAU D’ENQUÊTES FREINE TANT QU’IL PEUT Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA) vient d’annoncer l’arrêt de la troisième campagne de recherche des boîtes noires. Or « la vérité technique, nous la connaissons avec l’envoi des messages Acars par l’avion », confiait à Bakchich, dès juillet 2009, l’expert aéronautique Amine Mecifi. Aujourd’hui, plusieurs témoignages dénoncent l’opacité du BEA dans ce dossier. – Bruno Sinatti, président du syndicat Alter et commandant de bord sur Boeing 777, exclu de l’enquête : « La compagnie est couverte par le BEA, qui tente depuis le début de casser le lien existant entre l’accident et la défaillance des sondes Pitot. Car si ce lien est juridiquement établi, la responsabilité d’Air France est totalement engagée. » – L’association des victimes brésiliennes, dirigée par Maarten Van Sluys : « Nous avons de bonnes raisons de penser que cette enquête ne nous mènera nulle part. Notre expert alle-

chef scoop

mand a envoyé onze questions essentielles au Bureau d’enquêtes et d’analyses restées lettre morte. » – Un ancien commandant de bord d’Air France évoque l’erreur de pilotage consécutive à la panne des sondes Pitot. En 2008, un A330 d’Air Caraïbes avait connu une situation similaire à celle de l’AF 447. « La différence, explique-t-il, réside dans le fait que le pilote d’Air Caraïbes avait identifié les alarmes décrochage comme étant fausses. Aussi, il n’avait pas commis l’erreur d’augmenter la puissance au point de faire partir l’avion en survitesse, ce qui entraîne un décrochage et donc une chute, ce qui est vraisemblablement arrivé au vol de Rio. » – Le cabinet londonien spécialisé Stewarts Law met en cause la formation des pilotes. Le rapport Colin, qui met en avant de graves carences dans ce domaine, devrait faire partie du dossier d’instruction de la juge Zimmerman ✹ F. N.

Un certain Jacques-Philippe Marson, un des patrons de la BNP Securities Services, très proche de Jean-Marie Boivin, l’homme clé de la DCN en matière de commissions et de gros contrats d’armement, vient d’être viré comme un malpropre. Pas très habile de la part de la BNP d’agacer un des dépositaires des petits secrets de notre République, qui correspondait quotidiennement par e-mail avec le méconnu et influent Boivin.

L’Éducation privatisée

Le nombre de postes mis aux concours du Capes continue à diminuer régulièrement : 5 006 postes cette année contre 5 095 l’an dernier. Mais le nombre de postes accordés cette année au Cafep, l’équivalent du Capes pour le privé, a été multiplié par deux (1 260 postes, contre 569 l’an dernier). Or ces salariés du privé sont indirectement payés par l’État.

Après avoir été son attaché parlementaire, puis son conseiller au ministère de la Santé, voici le fils de Roselyne Bachelot bombardé chargé de mission auprès de la directrice de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), elle-même ex-conseillère de Dame Bachelot. Rien à voir avec le fait que l’Inpes soit sous tutelle de Roselyne, ni avec les rumeurs de remaniement au sein du ministère en juin.

Mauvais « Observateur »

Dans le dernier numéro du Nouvel Obs, Jean Daniel s’est laissé aller à écrire à propos de la prestigieuse revue Débat : « Après s’être inscrite dans la lignée du Nouvel Obs de la grande époque, cette revue s’est imposée avec une autorité un rien hautaine mais partout saluée. » Est-ce à dire que la « grande époque » serait désormais révolue, sous le règne d’Olivennes le petit ?

La chasse au Kamasutra

L’affaire Ribéry-Zahia inquiète plusieurs grands établissements parisiens qui redoutent d’être mis en cause pour proxénétisme à l’instar du Café Zaman, dans le VIIIe arrondissement parisien, qui servait de QG à une vingtaine de prostituées de luxe. L’enquête de la brigade de répression du proxénétisme a conduit plusieurs hôtels de luxe parisiens à effectuer un discret ménage parmi les nombreuses jeunes femmes proposant leurs talents à la clientèle, notamment en matière de massages.

Les Suisses cachottiers

Les autorités fédérales suisses ont enfin accepté de communiquer les stocks de matières nucléaires qu’elles entreposent… à l’étranger. Ainsi, la Confédération détiendrait, sous d’autres cieux, 1 375,718 tonnes d’uranium naturel, 124,925 tonnes d’uranium faiblement enrichi, 186,571 tonnes d’uranium issu du retraitement et 1,347 tonne de plutonium. Pour mémoire, la Suisse ne possède que quatre centrales. L’Iran n’est pas le seul pays à contrarier les enquêteurs qui surveillent le traité de non-prolifération nucléaire ✹

du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010 | Bakchich Hebdo N°26

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Apéro terre à terre

finances

L’aide aux banques expliquée à mon beauf Défendre les banques, ça coûte ou ça rapporte ? Autopsie d’une mécanique shadokienne.

C

ombien a coûté le plan de sauvetage des banques ? Des centaines de milliards d’euros ? rien ? ou bien, comme l’ont affirmé en chœur Christine Lagarde et Éric Woerth, le plan at-il rapporté aux caisses de l’État plus de 2 milliards ? La Cour des comptes a levé un petit coin du voile le jeudi 20 mai en démontrant, calculettes à l’appui, que… les choses n’étaient peut-être pas si simples. Certes l’État a déboursé près de 120 milliards d’euros, 77 sous forme de prêts et 20 en apport de fonds propres. Dans le même temps, Bercy a récupéré, en intérêts sur trois ans, 1,3 milliard. Sauf que, note finement la Cour, pour dresser un bilan complet de la massive intervention publique dans le secteur bancaire, il faut garder à l’esprit que l’État, pour apporter du cash, avait dû luimême emprunter… aux banques. Tout cela ayant un coût non négligeable. Ce qui fait qu’au final,

selon les magistrats de la rue le système bancaire. La France annonce donc un plan de 360 milCambon, le gain est sans doute nul liards d’euros ; une somme consipour les finances publiques mais « avantageux » pour les banques. dérable mais un peu virtuelle Écœurée, notre ministre de l’Écopuisqu’il s’agit d’un plafond de nomie a rétorqué, en substance, garanties en cas de panade. Ce que « nul », c’était déjà pas si mal sont 20 milliards qui sont en fait au vu des risques d’un écrouleinjectés par l’État pour renforcer ment général. les fonds propres Comment s’y banques. Pour sauver les banques, des retrouver ? Pour Il n’y a rien à la dette française a atteint pomper dans comprendre les leurs caisses ? rouages de cette 74 % du PIB. Un record ! belle mécanique Peu impor te, de sauvetage, l’État français s’endette un peu plus : la dette un détour sur la planète Shadok publique atteint un taux de 74 % s’impose. du PIB. Un record ! Aidée à hauÀ force de pomper trop fort pour gonfler leurs belles promesses teur de 5,1 milliards d’aides, BNP (aux actionnaires qui en demanParibas profite de la crise pour dent toujours plus, aux éparracheter Fortis. gnants à qui elles refilent des Hélas, la pompe à fric des États s’engorge à son tour : en 2010, la crédits tant qu’il y en a, etc.), les pompes à fric des banques étaient Grèce est en faillite, l’Espagne et tombées en panne : en 2007, début le Portugal ne vont guère mieux, de la crise des subprimes ; en 2008, et la France annonce le grand les banques ne se prêtent plus retour de la rigueur. C’est que la entre elles et surviennent les prepompe à impôts est un peu cassée : mières faillites aux États-Unis. le taux moyen d’imposition stagne Pour remédier à ce gros coup à 20 %, selon l’Insee, tandis que de pompe, les États renflouent les autres pompent à la maison ou au bistrot en attendant un emploi. Et on ne peut pas compter sur les 47 milliards d’euros de profits des 40 multinationales du CAC, car elles ne payent, elles aussi, que 20 % d’impôts en moyenne grâce aux paradis fiscaux et autres techniques d’évasion fiscale. Problème. Dans cette mondialisation heureuse, les États doivent donc aider les banques à renflouer les États, qui renfloueront à leur tour les banques si besoin, et ainsi de suite. C’est facile ! Sauf pour le salarié moyen qui a… un gros coup de pompe ! ✹ LUCIE DELAPORTE www.bakchich.info

Le bilan honteux des banquiers qui ont fait plonger la planète : http://minu.me/1cas

bab’ el web Comme un boomerang

« C’est franchement effrayant ! » Cette semaine, Stephen Conroy, le ministre de l’Économie numérique australien, a vertement critiqué Google Street. Mais il n’a pas moufté quand, plus tôt, les douanes australiennes confisquaient le passeport de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, de retour au bercail. Hasard ou coïncidence, WikiLeaks venait de publier la liste des sites censurés par l’Australie. Après cette publication, WikiLeaks est entré dans la liste noire des autorités australiennes. Pas Google Street.

Pas Si Grognon

Les habitués des tribunes Auteuil et Boulogne ne décolèrent pas depuis qu’on leur a supprimé leurs abonnements. Une mesure qui fait pourtant un heureux. Un finaud a mis aux enchères sa carte d’abonnement au PSG saison 2009-2010, « objet collector ». Quatre jours après, la meilleure offre caracole à 2 500 euros ✹

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Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010

une, deux !

Fadela au Kärcher

Boulin aux pommes

L’info. « Boulin, son garde du corps parle », l’Express, 19 mai. Le décryptage. Dans son avantdernier numéro, l’Express porte secours à la version fragilisée du suicide de Robert Boulin en donnant la parole à Max Delsol, l’ancien garde du corps du ministre mort en 1979. Or le policier retraité est coutumier de ce type de manœuvre visant à faire croire au public que le suicide de Robert Boulin est une vérité établie. Delsol fait état de la découverte, dans la nuit du 29 octobre 1979, de fragments de lettre annonçant le suicide dans la corbeille à papier du domicile de Boulin, en oubliant de préciser que le ménage avait été fait et que la corbeille était vide après le départ du maître des lieux. Ce même domicile où avait été déposée une pile de dossiers mystérieusement disparue. De surcroît, Delsol se garde bien de rappeler ce qui figure dans le doc de Canal+ le Suicide était un crime (2002) : il était de ceux qui imitaient l’écriture du ministre sur nombre de courriers…

Morandini, tout à l’ego

L’info. « Et si on disait du bien », JeanMarc Morandini, Direct Soir, 25 mai. Le décryptage. Dans son billet d’humeur, l’ancien animateur de Tout est possible défend la qualité des programmes de la télévision. Louable intention et l’occasion pour lui de saluer un programme qui lui tient particulièrement à cœur. Il s’agit de Présumé innocent sur Direct 8 avec des reportages inédits sur « les secrets de Zahia » ou sur « les mystères Toscan du Plantier ». Une émission d’autant plus intéressante que, comme il le signale de manière décomplexée, c’est lui qui l’anime.

L’info. « Il faut nettoyer au Kärcher l’insécurité qui tue nos enfants dans les quartiers », Fadela Amara, le Télégramme, 20 mai. Le décryptage. Tout occupée à défendre son bien maigre bilan à la politique de la ville, Fadela a ressorti le Kärcher. Preuve d’une certaine régularité dans le vocabulaire. Il y a quelques mois, dans une interview au Progrès, elle avait déjà suscité la polémique en employant la même expression, jusqu’alors propriété du chef de l’État. C’est la société Kärcher, qui produit du matériel de nettoyage, qui va râler. Déjà, craignant pour son image après l’interview de Fadela au Progrès, la société avait demandé à la ministre de « respecter les droits de marque » et d’« employer le terme Kärcher uniquement pour désigner les produits du groupe Kärcher ». C’est raté.

L’agent pourrit les gens

L’info. « L’agent fait le bonheur », le Journal du dimanche, 22 mai. Le décryptage. Le plus puissant des agents de foot français, Jean-Pierre Bernès, se confie à l’hebdo de Lagardère au moment où s’ouvre la juteuse période des transferts. Conseiller des trois derniers entraîneurs champions de France, Bernès dispose aussi de la plus belle écurie de joueurs français. Notamment les primesautiers Franck Ribéry et Samir Nasri. Et traîne comme un boulet ses multiples condamnations héritées du temps où il officiait comme directeur général de l’OM, sous les ordres d’un certain Bernard Tapie. Un passé houleux toujours propice à malice de la part de ses concurrents, qui ont savamment alimenté l’enquête de l’Équipe Mag, « OM, l’ombre de Bernès ». Paru le 15 mai, l’article soupçonne l’agent de diriger en sousmain le recrutement de Marseille, via l’entraîneur Didier Deschamps (dont il est l’agent) et le président Dassier (dont il est l’ami). Une semaine après, l’ami Jean-Pierre répond par hebdo interposé. Un contre rondement mené ! ✹


Filouteries autopromo La fondation créée par Jacques Chirac est chargée de lutter contre la diffusion des faux médicaments dans le monde. Mais à bien examiner son budget et son argumentaire, l’organisme a tout d’une coquille vide. Destinée à chouchouter l’image de l’ancien Président.

Fondation chirac la grosse arnaque

S

i, par un jour de médiatisation et la mobilisation grande solitude, vous de l’opinion publique », dont 600 000 sont dévolus à « l’achat sonnez au 14, rue espaces communication », 150 000 d’Anjou, dans le très chic VIIIe arrondisseaux reportages et « film dédié » et 105 000 aux relations presse. Un ment parisien, pour adhérer à la Fondation Chirac, on autre million part dans l’orgavous répondra de l’interphone : nisation de conférences interna« Nous ne prenons aucun adhétionales auxquelles la fondation rent, que des donateurs ! » Sans un participe. Soit le Conseil de l’Euportefeuille richement garni, inurope en novembre et l’assemblée tile de vouloir faire acte de charité générale de l’ONU en 2012. En dans un des derrevanche, pour niers bastions la création de Le détail des finances de bien gardés de structures en la Chiraquie. Afrique, la forla fondation, reconnue Pour tant le mation d’exd’utilité publique, dévoile sa perts, le suivi sur jouet du Chi, qui lutte « contre la stratégie : de la com à gogo ! place, on tombe à 380 000 euros. Où diffusion de faux médicaments « deux voyages dans le monde », est à la rue. peuvent être prévus sur le terrain en 2011 et 2012 par le Président », Pour saisir l’étendue du désastre, il n’y a qu’à lire la Présentation rappelle la note. Sait-on jamais, si des actions, que Bakchich s’est l’air africain lui manquait ! procurée, document destiné aux Un malheur n’arrivant jamais bailleurs de fonds. Au premier seul, cette Présentation des rang desquels figure l’État franactions de la Fondation Chirac, çais, aux caisses déjà bien vides. qui cherche à prouver vaille que Dans son budget prévisionnel vaille sa bonne foi, fait montre 2010-2013, la fondation la joue de glorieux schémas… tous illiplutôt modeste : 3 millions sibles ! Ainsi qu’un éditorial du d’euros sur trois ans. Un peu grand Jacquot qui n’est pas de maigre pour combattre une écopremière fraîcheur puisque daté nomie parallèle des faux médocs d’avant son appel de Cotonou qui brasse plus de 10 milliards contre les faux médicaments, en octobre 2009. d’euros en Europe et 52 milliards en Afrique, selon une étude réaPour donner un cachet scientilisée par le laboratoire Pfizer en fique au tout, le document fait février. Le budget de la fondation intervenir une anthropologue, fait doucement rigoler des huiles Carine Baxerres, qui collecte de l’aide au développement : des propos in situ. Florilège : « Quand on a vu ça, on a cru que « Les médicaments périmés, y’en c’était une blague. C’est une vraie a qui sont périmés et ils vendent coquille vide, ce truc. » ça et c’est pas bon… » ; « Elles se Le détail des finances de la fondapromènent avec sous le soleil, c’est tion, reconnue d’utilité publique, pour cela que je n’aime pas… » ; dévoile sa réelle stratégie : de la « ça là, ça passe de main en com à gogo ! Plus de 1 million main et ça reste encore dans la chaleur. » Des erreurs de jeud’euros est ainsi consacré à « la

nesse ? Dans l’organigramme de la fondation, ils sont quatre à réellement squatter les locaux de la rue d’Anjou : deux étudiantes tout juste sorties d’écoles de communication et un garçon venu de Sciences Po. Ils s’activent sous la haute autorité de Catherine Joubert, l’épouse de Bruno Joubert, ex-conseiller Afrique de Sarko aujourd’hui ambassadeur de France au Maroc. En avril dernier, Catherine Joubert est allée solliciter le président camerounais, Paul Biya – à la tête de son pays depuis vingthuit ans – pour signer l’appel de Cotonou contre les faux médicaments. Ce ne sera, après tout, que le douzième chef d’État africain à y apposer son nom. Au côté d’éminents démocrates : Ben Ali pour la Tunisie, Sassou Nguesso pour le Congo, Blaise Compaoré pour le Burkina Faso et François Bozizé pour la République centrafricaine. Bref, des vieilles connaissances du réseau africain chiraquien. Heureusement, depuis mars dernier, le prince Albert de Monaco est aussi de la partie. En cas de reconversion, Chirac pourra toujours ouvrir un casino ✹

louis cabanes

www.bakchich.info

Jacques Chirac lance sa fondation humanitaire, son truc, sa bataille : http://minu.me/2fh7

Un organisme pour la pomme de Jacquot Créée en 2007, la Fondation Chirac, au-delà des bons sentiments, avait une tout autre vertu. Celle d’empêcher la perte de l’immunité présidentielle du grand Jacquot, auquel la justice s’intéresse de près dans cinq dossiers. L’idée était simple : faire adouber sa petite entreprise par une belle organisation ou un gentil pays à même de lui décerner un titre d’ambassadeur extraordinaire. Et les privilèges qui vont avec : le coupe-file à l’aéroport, par exemple, dont il a profité lors d’une virée entre potes en 2008 au Sénégal, au Mali et en Mauritanie. Insuffisant pour lui éviter une mise en examen pour « détournements de fonds publics » en novembre 2007 et, en décembre dernier, dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Pas étonnant que, depuis, Chirac ne porte plus grand intérêt à l’avenir de sa fondation ✹ l. c.

a Les graphiques tirés de la Présentation des

actions de la Fondation Chirac laissent songeur quant à l’efficacité des « actions » menées : c’est le flou le plus artistique !

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l’opa de sarkozy bonnes feuilles Avec son livre People Politicus, le journaliste Yves Azéroual décrypte les relations amour-haine entre monde politique et milieu artistique. Au menu, un chapitre délicieux, « Le show-biz pour Sarko ». Où quand le Président bling-bling racole les stars. Extraits.

B

eauvau, place forte et plate-forme d’observation stratégique pour un ministre aux fortes ambitions présidentielles : le locataire Sarkozy y reçoit quasiment à plein temps les artistes, une demi-heure pour chacun. Durant une partie de sa charge gouvernementale, le candidat Sarkozy est seul chez lui. Cécilia, son épouse, l’a (provisoirement) quitté. Il cherche des occupations. C’est avec l’univers du show-biz qu’il va peupler sa nouvelle solitude. Ces audiences ont manifestement payé. Didier Barbelivien, l’ami de trente ans, Christian Clavier, Jean Reno, dont il a été le témoin pour son mariage, ou encore Johnny Hallyday, son second témoin, Faudel mais aussi Jean-Marie Bigard, se relaient inlassablement sur les plateaux de Drucker, d’Ardisson, de Fogiel, dans les pages people des magazines et devant tous les micros pour dire tout le bien qu’ils pensent de « Nicolas ». « Nicolas Sarkozy est le seul homme politique capable, qui fait le boulot et travaille vraiment », affirme Gérard Depardieu dans Paris Match pour justifier son soutien au candidat de l’UMP. (…)

culture accessible

« Je m’intéresse aux gens qui vendent des millions d’albums et de livres », glisse-t-il un jour en pleine campagne présidentielle. Dominique Paillé, à l’époque député UMP des Deux-Sèvres, intéressé notamment par les questions culturelles, confirme que son candidat ne fait que « dans le populaire, la culture accessible ». Avec un objectif clair : tenter de démontrer que la gauche n’a plus le monopole de la culture. (…) Il va donc lancer une OPA sur le show-biz, le business du show. Durant la campagne, pour Nicolas Sarkozy, l’enjeu est clair : un type qui vend un million de disques, il doit l’avoir, et peu importe sa valeur artistique. Il n’a aucun jugement qualitatif sur l’événementiel. Il développe alors un discours contre la culture héritée de 1968. Enfant des années 1970, il a passé ce temps à dire : « Moi j’aime Johnny et pas les Rolling Stones. » Adoptant une posture de « contre contre-culture », il s’emploie à se démarquer des valeurs de sa génération, et il est l’un des rares, à droite, à s’afficher avec Barbelivien, Sardou, fort du principe : « Ils sont populaires, donc je vous em… » (…)

sardou, bigard, virenque…

L’exposition/exhibition du produit de la quête people a lieu le 28 novembre 2004, au congrès de l’UMP qui porte Nicolas Sarkozy à la présidence. Ce jour-là, plusieurs personnalités s’engagent publiquement en sa faveur : Bernard Laporte, alors sélectionneur de l’équipe de France de rugby, Pierre Palmade, Daniel Prévost, Fabrice Santoro, Richard Virenque, et même l’écrivain Élie Wiesel, prix Nobel de la Paix en 1986. Défile sur grand écran une série de messages vidéo de soutien enregistrés par Michel Sardou, Christian Clavier, Jean Reno, Michel Leeb et Alain Delon, lequel ne cache pas son admiration pour le pensionnaire de la place Beauveau, « un ministre exceptionnel et prestigieux », s’enflamme le comédien. En somme, de vieux camarades venus dire leur amitié à l’homme ✹

ça coince avec les intellos

A

vec les intellectuels, la moisson n’est pas aussi bonne. Pendant de nombreuses années, Nicolas Sarkozy ne veut pas entendre parler d’eux. Il sait bien qu’il n’appartient pas à leur monde. Homme d’action, il ressent comme un complexe face à ces hommes de réflexion. Il a beau révéler au détour d’interviews que ses auteurs favoris sont Albert Cohen et Céline, nul ne prête attention à ses confidences. On sourit et parfois même on se moque de ses discours où rarement il cite des auteurs classiques, comme le faisait naguère François Mitterrand, homme de lettres. Durant la campagne présidentielle, des médias de gauche − Télérama, Libération, Les Inrockuptibles, Marianne et Le Nouvel Observateur− s’indignent du peu de considération que manifesterait Nicolas Sarkozy à l’égard de la culture et des arts. (…)

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Arrivé au pouvoir, Nicolas Sarkozy est plus que jamais tenu à distance par une élite intellectuelle et politique qui méprise son faible goût pour les nourritures de l’esprit, comme l’explique Christophe Girard, adjoint chargé de la Culture à la mairie de Paris, pour qui « (…) Nicolas Sarkozy a une culture plutôt axée télé et presse people. » (…)

vide sidéral

Nicolas Sarkozy n’a pas renoncé pour autant à chasser sur les terres de la grande culture, espaces rares et médiatiques, longtemps contrées de conquête de la gauche. (…) Depuis son mariage avec Carla Bruni, les lignes ont bougé. Et, avec elles, l’état d’esprit du Président. « Nous devons nous attaquer à bras-le-corps au vide sidéral de notre présence, celle de la droite républicaine et du centre, dans un secteur de la population absolument central. Appelons-les les “sachants, les enseignants”, les “connaissants” », déclare-t-il, négociant un virage à 180 degrés devant ces mêmes élus UMP. La petite fée Carla aurait-elle exercé quelque influence sur les lectures et les fréquentations culturelles de son époux, l’incitant, en résumé et en caricaturant, à s’intéresser moins à Barbelivien et aux westerns et davantage à Dylan ou Rohmer ? ✹


sur le showbiz une présence toujours bien récompensée

P

léthore de people assiste à la grande réunion publique [en avril 2007, à Bercy, ndlr] du candidat qui est filmé, à son entrée dans les coulisses, en compagnie d’Enrico Macias, une-recrue-de-gauche. En milieu d’après-midi, Miss Dominique, jeune-chanteuse-noire-qui-parleaux-jeunes, et, second atout, révélée-par-l’émission-populaire de M6, La Nouvelle Star, détend l’atmosphère : « Est-ce qu’il y a des hommes célibataires dans la salle ? » crie-t-elle au micro. Qu’importe ce qu’elle dit, puisque sa légitimité, elle la tient, troisième atout, du plébiscite-des-téléspectateurs. Puis des people se relaient pour chanter les louanges du can-

didat, notamment Henri Salvador et Jean-Marie Bigard. Le premier, retraité-de-la-scène, lance à l’adresse du candidat : « La France est un joyau ! On ne le sait peut-être pas assez et toi tu le sais. C’est pourquoi je voudrais, au soir du 6 mai, que nous t’offrions ce joyau, car il n’y a que toi, Nicolas, qui sauras le faire briller ! » Tandis que le second, artiste-populaire-moquépar-l’élite, visiblement ému, confie : « C’est la première fois que je viens à un meeting parce que c’est la première fois que nous avons un candidat démocrate courageux, très courageux, qui fait ce qu’il dit et qui dit ce qu’il fait. Il ne faut pas louper cette occasion. » (…)

Face à tous ces ralliements et ces brevets de bonne camaraderie décernés par ses amis du show-biz, le président Nicolas Sarkozy sait ne pas se montrer ingrat. « On ne séduit pas à coups de subventions et de décorations comme Jack Lang l’a fait pendant vingt-cinq ans », jure Dominique Paillé. Nourdine Cherkaoui, en vieux routier des arcanes de la politique qu’il se contente d’observer désormais, sourit : « Comment on débauche les gens, à droite comme à gauche ? Légion d’honneur, ordre du Mérite, voyages ou dîners officiels. Ça ne coûte pas cher. Il serait intéressant de voir plusieurs années après la campagne de 2007 ceux qui se font décorer aujourd’hui. »

médaille

(…) Rien que sur l’année 2008, sur les cinquante-six « happy few » invités par le chef de l’État à fêter sa victoire au Fouquet’s, seize ont eu depuis droit à leur médaille. Parmi eux, Christian Clavier, Alain Minc, Isabelle Balkany. À Pâques, l’homme d’affaires Vincent Bolloré a été promu commandeur : c’est lui qui a prêté son yacht à Nicolas Sarkozy juste après son élection. Le 2 juillet 2009, a aussi été décoré maître Thierry Herzog, avocat personnel et ami de Nicolas Sarkozy. Le 8 décembre 2009, c’est au tour de Dominique Farrugia, qui l’a soutenu durant la campagne, d’être fait chevalier de la Légion d’honneur ✹

tom cruise, roger hanin, doc gynéco : tout est bon à prendre Nombre d’opposants se sont moqués − et inquiétés − de l’accueil que réserve à l’acteur Tom Cruise, fin août 2004, celui qui est encore ministre des Finances. Les mauvaises langues pensent même que le comédien et porte-parole de l’Église de Scientologie est venu défendre la secte, empêtrée dans des affaires financières. Nicolas Sarkozy s’en moque bien, puisqu’il veut la photo. Elle fera inévitablement le tour des rédactions et aura, auprès du grand public, cent fois plus d’impact qu’un cliché en compagnie d’un quelconque leader politique, fût-il de stature internationale. Cela n’a pas loupé. Et, même si personne ne croit vraiment qu’une photo people déplace les électeurs… dans le doute, ce serait absurde d’être absent au moment du flash. (…) Qu’importe les commentaires, aux yeux de Nicolas Sarkozy l’épisode Tom Cruise appartient déjà au passé de sa campagne médiatique. Il se veut sur le terrain, tous azimuts. (…) Une stratégie de l’omniprésence où le people n’est qu’un élément. Et qu’y a-t-il, en termes d’image, de plus efficace qu’un acteur adulé, une star de cinéma, une femme ou un homme de télévision, un chanteur ? L’entourage du politique connaissant bien ce mécanisme fait croire (ou dans le cas de Nicolas Sarkozy n’en a même pas besoin) et dit : « Tu n’es pas un homme seul, tu n’es pas qu’un politique, tu représentes toutes les facettes de la société, dont cette facette-là. » Il faut simplement qu’il y ait la dose. (…) Nicolas Sarkozy va s’y employer avec méthode… et succès. (…)

Ainsi, en pleine campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy croise Roger Hanin qu’il essaie de convaincre de le soutenir. « Mais je suis communiste », lui lance le beau-frère de l’ex-président Mitterrand. Sans se démonter, le leader UMP lui tend un discours très social prononcé la veille. « Tiens, lis ça, et tu verras que rien ne nous différencie. » Séduit, le commissaire Navarro, d’abord sur Europe 1, puis dans une émission de télé, déclare, à la surprise générale, qu’il votera au second tour pour Nicolas Sarkozy − son bulletin va à MarieGeorge Buffet au premier tour, car il vote communiste depuis 1995−, estimant que Ségolène Royal « n’est pas outillée » pour la présidence. Depuis, la lune de miel entre les deux hommes dure. [Le rappeur Doc Gynéco], qui allumait les « Sarkozy et sa race » (…) se voit contacté par Frédéric Lefebvre, alors conseiller du ministre, pendant les émeutes de novembre 2005. Nicolas Sarkozy a besoin de reconquérir les banlieues où il est persona non grata. Moins d’un an plus tard, Doc Gynéco s’invite au congrès marseillais de l’UMP. « Nicolas Sarkozy est un ami et avant tout quelqu’un qui m’aide à penser, un petit maître à penser puisque mon père c’est déjà Johnny », explique-til alors. L’ancien membre de Ministère Amer exprimera à nouveau son amour pour Nicolas Sarkozy en publiant un autre livre, cette fois à la gloire de son candidat préféré, Les grands esprits se rencontrent ✹

Impact

ceux qui ont dit non JAMEL DEBBOUZE En 2005, Rachida Dati, toute-puissante dans le cabinet de Beauvau, cherche à jouer les intermédiaires entre l’humoriste et l’homme politique. Il n’y aurait eu qu’une conversation au téléphone avec Jamel Debbouze, alors qu’il cherche des financements pour les producteurs d’Indigènes et le réalisateur Rachid Bouchareb. (…) Le film obtiendra des subventions si et seulement si Jamel organise à Trappes, sa ville de naissance, un déplacement avec le ministre de l’Intérieur ! « Le comédien n’est pas tombé dans le piège », indique Mohamed Nemmiche. L’instrumentalisation de la star, adulée en banlieue, ne réussit pas. Le candidat UMP aurait pourtant bien voulu modifier l’image exécrable qu’il véhicule dans ces villes stigmatisées, en se promenant avec l’hyperpopulaire Jamel. Pas dupe du rôle que veut lui faire tenir Rachida Dati, le people fait faux-bond au politique. HERVÉ VILARD Certains people intéressés par l’action publique, comme Hervé Vilard, qui s’est engagé d’abord derrière François Mitterrand en 1981, puis Jacques Chirac en 1995 et enfin Ségolène Royal en 2007, sont indisposés par la trop grande proximité affichée de Nicolas Sarkozy avec les artistes. « Il est élu, je respecte mais je n’en reviens pas. Un président ne peut pas se comporter comme un chanteur de variétés », déclare-t-il. (…) «Dans Libération, trois mois avant l’élection, raconte Hervé Vilard, j’ai déclaré que Nicolas Sarkozy me faisait froid dans le dos. Au lendemain de l’élection de Sarkozy, Pascal Sevran m’envoie un gentil mot en ajoutant : “Prends une petite laine pour te réchauffer cet hiver”. Je lui réponds : “Sache que je suis au coin du feu, près de la cheminée, je me réchauffe avec les mémoires de François Mitterrand.” » (…) «On m’a sollicité pour la Légion d’honneur, sourit-il. Les élections sont pour bientôt au cas où je changerais d’avis ! Je pense qu’il n’a pas besoin de moi pour être réélu. » L’ARTISTE ANONYME Appelons-le T. Artiste lui aussi, en 2009, il a eu à subir les assauts de camaraderies du Président. « J’étais en rendez-vous avec Carla lorsqu’il est entré dans le bureau. Il m’a offert un cigare et a porté un toast à sa politique, en souriant. Lui faisant remarquer que j’étais de gauche, il ne s’est pas démonté et, droit dans les yeux, m’a rétorqué : “Et moi aussi, je suis de gauche. Hein, Carla, dis-le-lui.” » Tous trois rient à gorge déployée. FABRICE LUCHINI Nous sommes au début de l’année 2007, en pleine campagne présidentielle. Fabrice Luchini reçoit un appel sur son téléphone mobile. « Bonjour, ici le ministère de l’Intérieur, ne quittez pas, on vous passe le ministre. » À l’autre bout du fil, Nicolas Sarkozy souhaite engager la conversation avec l’acteur. Le comédien croit à une mauvaise blague et raccroche. Deuxième appel, en direct. « Écoutez, si vous doutez que je suis Nicolas Sarkozy, voilà le numéro du standard du ministère, demandez-mon bureau, j’attends votre appel. » Le comédien, un moment abasourdi, s’exécute. C’est effectivement Nicolas Sarkozy, qu’il n’a jamais rencontré de sa vie, qui l’invite à déjeuner ! MIKA Le chanteur Mika, de son propre aveu, snobe le président Sarkozy, par pure conviction politique. Dans le portrait que lui consacre Libération, l’artiste, né à Beyrouth, raconte avoir simplement refusé une invitation à dîner avec Nicolas Sarkozy et le président libanais. « Est-ce que je vais demander à Sarkozy de venir jouer du piano ou donner son avis sur la musique ? » interroge l’interprète de Blame It On The Girls ✹ People Politicus, par Yves Azéroual, Les Éditions du Moment, 315 pages, 19,95 euros. www.bakchich.info

La vie trépidante des stars en haut de l’affiche politique et des VIP : http://minu.me/2fh9

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Filouteries la banlieue gâtée

confidences Danser devant le Buffet

La succession de Marie-George Buffet à la tête du Parti communiste se dessine en vue du congrès de juin. Ce serait Pierre Laurent, numéro deux du Parti, qui prendrait les rênes de l’organisation. Faut-il rappeler qu’il est le fils de Paul Laurent, un des dirigeants historiques du PCF jusqu’en 1990, et le frère de Michel Laurent, membre du conseil national. Le poisson pourrit toujours par la tête…

La peur du gendarme

Tous les parlementaires qui voient en ce moment Nicolas Sarkozy l’alertent sur le sujet. La suppression prochaine de 14 escadrons de gendarmerie (près de 1 700 hommes) fait grincer des dents dans les zones concernées. « C’est le prochain sujet explosif », note un député UMP. Sous-entendu : après la fermeture de bureaux de poste, hôpitaux, écoles ou tribunaux et la fusion police/gendarmerie, ce serait beaucoup demander aux communes.

Quid du conseiller territorial ?

mairie

nevers est dans le fruit

D

ans la nouvelle croisade pas servi à garder sur place le du PS contre les déviances 7e régiment d’artillerie spécialisé des cumulards, le cas dans les drones. « On lui proposait Didier Boulaud est un modèle à la place un régiment de gendardu genre. Successeur de Pierre merie, se souvient une oreille Bérégovoy à la mairie de Nevers locale, mais il trouvait que cet élecet au poste de député de la Nièvre torat n’était pas sûr. » Résultat : départ de 2 000 militaires et rien en 1993, cet ancien instituteur a connu une ascension « édilique ». à la place. Devenu sénateur en 2001 et préFaute de servir les intérêts sident d’agglomération en 2004, locaux, le cumul de Didier Bou« il délaisse », selon Yvan Stéfalaud a servi ses propres intérêts. novitch, auteur de la Caste des Sa voiture de fonction a été uti500, « sa ville au profit du Palaislisée pendant quinze ans pour ses Bourbon ». trajets Paris-Nevers, payés par le Passionné par les affaires de contribuable local. Le tout sans défense, le boncompter les homme voyage. notes de frais. Bilan de Didier Boulaud : Visite 53 pays La Cour des et compte beaucomptes a été 58 millions d’euros coup d’amis au saisie et l’oppode dettes pour sa ville. sein de l’Otan. sition réclame 250 000 euros de Une passion dédommagement. En cause : de pour les Balkans – il a prêché pour bombarder la Serbie – et nombreux investissements incerl’Argentine, où les Boulaud s’instains comme la création d’un talleront bientôt. hypermarché un peu trop hyper Il quitte, le 18 mai dernier, son et d’un centre aquatique en plein fauteuil de patron de la ville en centre-ville. Retard de construcplein mandat. Ses opposants tion, débouchés incertains… UMP qualifient ce choix de « peu Radieux pour Boulaud, l’avenir démocratique ». Boulaud déclare, s’obscurcit pour Nevers. la voix haute : « Le temps est venu Un éclair pourtant. Nommé pour moi d’être fidèle à ce à quoi je auprès de Bérégovoy, sur décime consacre depuis toujours : faire sion de feu François de Grosconfiance à la jeunesse. » souvre, l’homme de l’ombre de Derrière les belles intentions, Mitterrand, Boulaud a une bonne son bilan sent le roussi. La ville expérience des énigmes de l’Hisa perdu 4 000 habitants depuis toire. Après la mort de Béré, le le début de son mandat, de nombon Didier a soustrait son mysbreuses entreprises mettent la térieux petit carnet secret avant clé sous la porte, le chômage augde le confier à des gendres du ministre. Depuis il a déclaré : mente et la commune croule sous « Je dirai tout ce que je sais quand les dettes : 58 millions d’euros pour 60 millions de budget j’aurai quitté la politique. » Alors, annuel ! Son statut de membre de la vérité, ça chauffe ? ✹ la commission Défense n’a même anthony lesme

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À part les élus concernés (pas loin de 6 000 personnes, quand même !) le conseiller territorial, appelé à remplacer dès 2014 le conseiller général et le conseiller régional, ne passionne plus grand monde. Nicolas Sarkozy, qui en avait fait l’une des grandes réformes du quinquennat, n’en parle plus. François Fillon ne s’y est jamais intéressé. Et Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, a tout juste ouvert le dossier avant le débat parlementaire.

Fillon joue double jeu

il y a un printemps pour tout L’HUMEUR DE PROBST Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, de Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité. Un sommet France-Afrique se tient les 31 mai et 1er juin à Nice. Une grand-messe de plus. Malgré l’urgence, je ne sens pas venir la remise à plat des relations franco-africaines. Aucune appétence pour ce genre d’exercice chez le Kaiser Sarkoko. Kouchner, Joyandet et les autres n’ont pas plus d’imagination. Che z le char mant Paul Wermus, le 26 mai, j’ai proposé que l’on rase le Conseil économique et social pour créer une grande université francophone du commerce extérieur, où les rejetons d’une France métissée partiraient enfin à la conquête du vaste monde. Les invités, Fodé Sylla et Jacques Séguéla, n’étaient pas contre. « Mais je deviens quoi, moi ? » a demandé Fodé. Je l’aime bien, Fodé, il est nature, sympa, il habite le 9-3 et siège au Conseil économique et social, place d’Iéna. Je lui ai répondu : « Mais toi, tu rejoins le Sénat. » Les dix ou quinze membres du palais d’Iéna qui bossent, il faut les sauver. J’ai déjeuné en début de semaine avec le maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromentin. Il est simple, efficace. Et il ne s’occupe pas que des crottes de chien, comme le prétend Amédée Sonpipet (lire ci-dessous).

Jusqu’à présent, le problème de Fromentin s’appelait Jean Sarkozy. Mais Prince Jean a l’air décidé à émigrer à Asnières, de l’autre côté de la Seine ; on ne le voit plus guère à Neuilly. De Neuilly à Asnières, le fils du Kaiser Sarkoko connaîtra l’ivresse des grandes traversées. Une qui se fait discrète, c’est la Marine. La fille de Le Pen creuse son sillon, sans dérapages façon Papa : 20 % aux régionales dans le Nord ; une thématique qui glisse du combat contre les immigrés à une croisade contre les riches ; de récents et discrets voyages dans le Golfe pour constituer son trésor de guerre. Des sondages confidentiels lui donnent désormais 13 à 14 % des voix. Et ce n’est pas Bruno Gollnisch, ce faux dur qui fait penser à un randonneur, qui lui barrera le passage. N’est pas Bruno Mégret qui veut. Converti récemment au Web, je ne peux plus me passer de la revue de Web qu’anime un David Abiker habile et pédagogue sur France Info. Et le voilà qui écrit sur la sexualité des enfants un petit livre réjouissant et primesautier. Si Martine Aubry nous livrait un opuscule sur la sexualité à 60 ans, cela la rendrait plus printanière ! ✹

Neuilly: sur les pavés, la crotte

Le Premier ministre s’est plaint, mardi, devant les parlementaires, des nombreuses fuites enregistrées dans les journaux sur la réforme des retraites. L’ennui, c’est que c’est Matignon qui organise les fuites. Au cours du weekend de la Pentecôte, le Premier ministre a ainsi reçu plusieurs journalistes, dont ceux du Monde. Et c’est sur Lemonde.fr qu’on a appris la fin programmée de la retraite à 60 ans…

Bagarre au PS pour le Sénat

Entre les prétendants socialistes à la présidence du Sénat, si celui-ci bascule à gauche l’année prochaine, la bataille fait rage : François Rebsamen (exRoyal, proche de François Hollande) s’y voit déjà. Comme Jean-Pierre Bel, actuel président des sénateurs roses. Et même Robert Badinter, malgré ses 82 ans. Encore faudrait-il pour cela que la haute Chambre vire à gauche ✹

La dernière Lettre du maire de Neuilly-sur-Seine ouvre sur un dessin de toutou en train de déféquer sur le trottoir. Dans son édito, Jean-Christophe Fromantin, le maire, annonce que sa ville dépense 500 000 euros par an pour se débarrasser des déjections canines. Ne riez pas, le caca de chien est le problème numéro un de cette cité radieuse. Neuilly n’est pas seulement la bourgade qui accueille le plus de contribuables au kilomètre carré assujettis à l’ISF en France. Elle est aussi la capitale mondiale du petit chienchien à sa mémère. Achille Peretti, maire de 1947 à 1973, avait compris que, pour être réélu, il fallait éviter à ses concitoyens de glisser sur des crottes. Chaque lundi matin, il arpentait les artères neuilléennes et signalait aux services techniques tous les immondices laissés sur le trottoir. Nicolas Sarkozy a retenu la belle leçon. Avant de gérer les affaires de la France, lui aussi traqué le caca de chien. Jean-Christophe Fromantin marche évidemment… dans les pas de ses prédécesseurs. Et il ne nous épargne aucun détail. Chaque année, ses services ramassent « 8 000 litres de déjections canines », ce qui nécessite « 824 000 sacs ». La ville de Neuilly a dû installer 611 corbeilles et 650 porte-sacs sur la voie publique. On apprend enfin que quatre convois de nettoyage interviennent chaque semaine, avec « un nettoyage renforcé les samedis et dimanches ». David Martinon, l’ancien porte-parole de Sarkozy, un temps pressenti pour enlever la mairie de Neuilly, a peut-être bien fait de ne pas aller au bout de son combat. Être consul à Los Angeles, c’est sans doute plus valorisant que de flanquer 35 euros d’amende aux contrevenants qui ne ramassent pas les crottes de leur toutou ✹ Amédée Sonpipet


Bazar bandits La cavale façon Bonnie and Clyde d’un couple qui a arnaqué banques, organismes de crédit, opérateurs de téléphonie et concessionnaires automobiles… Et l’histoire de flics qui tabassent et volent un supporteur du PSG. Ou quand la réalité dépasse la fiction…

Des escrocs de très haut vol S

alon de l’hôtel compagnon. Grand, brun, vingt Lutetia, à Saintans de moins et le teint andalou. Germain-des-Prés. Avec lui, Jackie n’ibère pas au Ambiance tamisée change. Miguel a pris d’assaut et lustre colonial un commissariat espagnol où elle suranné. Une petite était détenue. Dans son élan, l’asblonde, la soixantaine énergique, saillant s’était trompé d’adresse. « De toute façon, nous n’avons bondit sur ses talons aiguilles. jamais pris de l’argent qu’à des « Vous voyez Jackie Sardou en blonde survitaminée ? C’est elle. » enc… » Après un verre de rouge, La description correspond. les mots saignent aussi vite que Jackie* embrasse au premier la côte de bœuf. Arnaqués, des regard, vous appelle « mon fils » organismes de crédit (Sofinco, à la deuxième phrase, déballe sa Cetelem), des banques (BNP, vie dans l’heure qui suit. Et s’enRevillon), des concessionnaires thousiasme pour Bakchich, « qui, (DaimlerChrysler) ou des sociétés heureusement, existe ». Au point de téléphonie (Neuf Télécom, de vouloir le financer ! Cegetel, Coriolis Télécom). Pas sûr que la méthode de la dame Le scénario était bien rodé. pour lever des fonds soit longD’abord, reprendre une société temps efficace. Ni très convenable. perdue dans les limbes des greffes Pas moins de des tribunaux onze procédures Le couple a laissé à Cegetel de commerce, pour escroqueen truandant les une facture impayée rie en bande extraits Kbis. organisée, 5 milde plus de 1 million d’euros. L’itinéraire des lions d’euros escrocs gâtés détournés, les naviguera de services de police judiciaire et de Communication Land (2003-2004) gendarmerie mobilisés sur tout à ECRTP (2004-2005), API-Import le territoire, de 2003 à 2006, date Export (2005-2006) ou encore de l’arrestation de Jackie. Qui Multi-media organisation (2006). cumule une quinzaine de fausses Des sociétés dûment immatricuidentités. « Même mon chien a des lées mais reprises sous de faux faux papiers », hurlera-t-elle en noms : douze pour madame, deux 2007 à un juge parisien qui aura pour monsieur. fini par centraliser tous ses dosHabiles à s’intercaler dans les siers. Dossiers qui dessinent la zones grises de l’administralongue fuite, façon Bonnie and tion française, les tourtereaux Clyde, de la blonde et de son s’étaient spécialisés dans l’obten-

De novembre 2005 à février 2006, l’une des sociétés du couple souscrit un abonnement « Dialog entreprise ». Bilan pour Cegetel, après trois mois, 1 945 370 euros de factures impayées et un demi-million d’appels passés chaque mois vers la Roumanie, le Sénégal ou la Bulgarie. En 2005, France Télécom avait ainsi perdu 500 000 euros. Autre spécialité du couple, l’achat à crédit d’engins de chantier revendus à prix fort. Comme cette tractopelle envoyée en Corse et destinée « à l’organisation de l’évasion d’un détenu de la prison de Borgho », selon les enquêteurs. « Ce qui perd les délinquants, c’est la répétition des infractions », tonne un

tion de vrais-faux passeports : de fausses identités mais validées par l’État français. « Dans les petites préfectures, aucune vérification des papiers n’est faite », se sont-ils amusés. Les enquêteurs, fascinés par cette épopée, noteront aussi la bienveillance de la Banque de France, qui a accordé à Jackie une cotation G3++ à l’issue d’un simple stage payant. Retour sur investissement garanti puisque la cotation magique « est réputée garantir une capacité d’engagement de 360 000 euros ». Ne restait plus qu’à siphonner les fonds et à décamper. Le modus operandi s’appliquait à la téléphonie, à l’achat de voitures ou de matériel de chantier. Par exemple, Cegetel.

juge marseillais. L’adage a valu pour le couple. Après quatre ans d’instruction, son renvoi en correctionnelle a été tamponné le 20 avril dernier. Avec ce petit mot enjoignant les amoureux à se signaler auprès du procureur de la République. En vain. Aux dernières nouvelles, nos Bonnie and Clyde ont repris leur cavale ✹ xavier monnier * Les noms ont été changés.

www.bakchich.info

La fabrique de vrais-faux papiers dans les arrière-cuisines du Milieu : http://minu.me/2fjt

quand les flics chipent et rossent

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ans sa grande sagesse, la justice a pris son temps. Six mois après les faits, deux policiers du VIIIe arrondissement de Paris ont enfin été mis en examen pour « violence par dépositaire de l’ordre public », « faux et usage de faux », « vol » et « subornation de témoin ». Il leur est reproché d’avoir tabassé, en décembre dernier, un supporteur du PSG puis de lui avoir volé son téléphone portable à la sortie d’une boîte de nuit.

faux témoignage

C’est alors qu’il « fait la fête avec des copains » qu’un jeune homme originaire de Pont-Sainte-Maxence (Oise) se retrouve, à la sortie d’un club des Champs-Élysées, au centre d’une bagarre qui oppose des clients bourrés aux vigiles. Alertés par le tapage, les policiers, héros de cette affaire, débarquent. La situation dégénère et les coups pleuvent, rien que du classique. Les gardiens de la paix ciblent le supporteur du PSG âgé de 25 ans, électricien de son état, et que Bakchich a retrouvé. Les flics embarquent le jeune homme et réquisitionnent un agent de sécurité pour les accompagner. C’est là que, selon le dossier judiciaire, ils auraient exigé du vigile un faux témoignage. But

de la manœuvre : faire croire que les courageux fonctionnaires, n’ont pas cogné le fou de foot. D’où les poursuites à leur encontre pour « subornation de témoin ». Les trois loustics se seraient mis d’accord sur une version, hélas contredite par la vidéo. Damned ! La victime, quant à elle, avoue avoir « bien bu ce soir-là » et n’avoir que « peu de souvenirs de ce qui s’est passé ». Être oublieux n’empêche pas d’être meurtri : le jeune électricien a porté plainte. Récapitulons. Les deux poulets sont soupçonnés d’avoir frappé le jeune homme, d’avoir subtilisé son téléphone et d’avoir rédigé un faux procès-verbal. La victime, elle, ignorait que son passage à tabac avait été filmé et la bande remise à la police. Après la découverte de l’existence de la vidéo amateur, il est devenu difficile de blanchir ces braves flics. La police des polices a donc ouvert une enquête. Une affaire que le commissariat central du VIIIe, la préfecture de police de Paris et le syndicat de police Alliance (droite) n’ont pas souhaité commenter. Entendu « plusieurs fois » par la justice, le jeune homme affirme que, cinq mois après les faits, « les policiers n’arrêtent pas de changer de version ». Grecque ou latine, la version ? ✹ anne steiger

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Bazar classé X

un sex-addict à la société générale

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onnez hautbois, résonnez de la SG dans ses opérations aux musettes ! Le procès du quatre coins du monde. trader fou de la Société généLe 7 janvier, par exemple, la filiale rale, Jérôme Kerviel, approche. Le californienne de la banque, TCW, 8 juin débuteront deux semaines spécialisée dans la gestion d’actifs (80 milliards de dollars d’encours, de grand spectacle, où l’établissement que Les Nuls avaient bapau bas mot), porte plainte contre tisé « société géniale » risque de son ancien boss, Jeffrey Guncamper son rôle préféré, celui de dlach. Personnage si peu imbu de la victime lésée lui-même qu’il par de vils palesigne ses e-mails Sex-toys, DVD porno freniers abusant « le parrain » ou « le pape » et de sa bonté. Une et un peu d’herbe sont posture maintes accueille ses colcachés dans son bureau. fo i s a d o p t é e laborateurs par ces der nières un très humble « Qu’est-ce que ça vous fait de années, si l’on en croit Société génédéjeuner avec un génie ? » rale, secrets bancaires (Flammarion), de Jérôme Jessel et Patrick La filiale de la SG reproche à GunMendelewitsch, en librairie le dlach de lui avoir chipé ses clients 2 juin. Avec un sadisme non en partant, en septembre 2009. dénué de mauvais esprit, les deux Non contente d’attaquer son gratte-papier retracent oublis, ancien patron en justice et de lui réclamer 200 millions de dolerreurs et absences de contrôle

lars, TCW fait gentiment fuiter dans la presse les penchants peu avouables du bonhomme. « Les fouilles menées dans son bureau auraient permis la découverte de marijuana, (…) de douze sex-toys, de trente-quatre magazines pornographiques hardcore et de trentesix DVD » du même acabit. Charmantes trouvailles, non niées par l’intéressé, qui illustrent la bien compréhensible acrimonie de la part de la banque. Avec le départ de Gundlach, TCW a vu sa valeur réduite « à moins de 500 millions de dollars au début de l’année 2010, moins du quart des fonds injectés dans l’entreprise » par la maison mère. Agaçant. Malheureusement pour la Générale, la situation n’est pas en passe de s’améliorer. Le banquier pornophile était l’un des « neuf gérants de portefeuille avec lesquels le département du Trésor américain lance un partenariat public-privé afin de débarrasser les bilans des banques américaines de leurs actifs toxiques ». Parmi lesquels les fameux subprimes, dont Gundlach, dès 2007, préconise de se séparer. Sans être entendu par la Société décidément géniale. Dès son départ, le fonds de 1 milliard créé par le Trésor avec TCW est suspendu. Un milliard d’aides envolé par mégarde, ça rend agressif. Quant aux 5 milliards de Jérôme Kerviel… ✹ x. m. www.bakchich.info

Daniel Bouton, ex-patron de la Société générale, en pleine guerre du golf : http://minu.me/2fha

copinage

quand edf arrosait ses potes

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lus de 1 million d’euros. C’est la somme qu’EDF et ses filiales ont versée pendant sept ans à Praxis International, société spécialisée dans la « psychanalyse de groupe », le « conseil en élaboration de stratégie »… Petit problème, Praxis recycle les ex-cadres d’EDF. Praxis est dirigée par David Gutmann. L’homme se dit moniteur de ski, diplômé de Sciences Po et « conseiller de synthèse ». Un échantillon de la chose existe sur Dailymotion, où David s’entretient avec son pote Serge Moati, qui est aussi membre du corps professoral de l’Institut international fondé par le même Gutmann. Corps professoral où l’on trouve également le sociologue Michel Wieviorka, spécialiste d’EDF s’il en est. Entre 2003 et 2009, pour 150 prestations, EDF a donc déboursé 1 102 296,85 euros au profit de Praxis. Sûrement des dépenses très justifiées eu égard aux strictes procédures de la commission des marchés d’EDF. Et c’est une simple coïncidence si Pierre Delaporte, ancien patron d’EDF de 1987 à

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1992, est aussi membre du conseil d’administration de Praxis. Et que Michel Francony, membre de la même équipe professorale de Praxis, a été président du directoire d’ERDF, la filiale distribution d’EDF. Les sociétés concernées n’ont en tout cas pas souhaité s’exprimer sur ces coïncidences…

symbiose

Sous l’autorité de Francony, les prestations de « coaching managérial », commandées par ERDF, se sont élevées à 276 000 euros pour la période 20042009, dont, en 2009, une commande de 40 000 euros sous l’intitulé « Intervention Praxis M. Francony ». Une symbiose que l’on retrouve également avec le groupe 3 Suisses, qui fut un important client de David Gutmann à l’époque où Emmanuel Dandré, aujourd’hui membre du conseil d’administration de Praxis International, en était le PDG. Comme quoi Praxis est de bon conseil ✹ jean-moïse braitberg

Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010

christine baisse lagarde Quand la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, commente la crise financière, la méthode Coué grimpe en Bourse. Florilège. 17 août 2007 - CAC 40 à 5 363 points : « L’économie française repose sur des fondamentaux qui sont solides. (…) Je ne conçois pas aujourd’hui de contamination à l’économie mondiale. » Le même jour : « Ce n’est pas un krach. » 5 novembre 2007 - 5 684 pts : « La crise de l’immobilier et la crise financière ne semblent pas avoir d’effet sur l’économie réelle américaine. Il n’y a pas de raisons de penser qu’on aura un effet sur l’économie réelle française. » 18 décembre 2007 - 5 509 pts : « Nous aurons certainement des effets collatéraux, à mon sens mesurés. [Il est] largement excessif de conclure que nous sommes à la veille d’une grande crise économique. » 10 février 2008 - 4 709 pts : « Nous ne prévoyons pas de récession dans le cas de l’Europe. » 11 février 2008 - 4 682 pts : « Si les États-Unis devaient éviter la récession, leur croissance sera toutefois très faible. L’Europe sera elle aussi touchée. » 26 mars 2008 - 4 676 pts : « La volatilité actuelle des taux de change et le niveau du dollar sont un risque pour notre croissance. » Eh oui, à ce moment-là, on parlait encore de croissance ! 15 septembre 2008 - 4 168 pts : « L’ensemble des autorités bancaires se sont concertées, les mécanismes sont en place, il n’y a pas panique à bord. » 16 septembre 2008 - 4 087 pts : « [La crise aura] des effets sur l’emploi et sur le chômage [pour l’heure] ni avérés ni chiffrables. » Cette année-là, le CAC 40 aura perdu près de 43 %, mais tout va très bien, madame la marquise… ✹

Jean Delier-Chaponnet


Bazar

La prison à la sauce privée

échos des cabas

éco La prison du Havre est sortie de terre grâce à un partenariat public-privé. Un remède prétendument miracle à la crise des finances de l’État qui n’emprunte pas directement. Mais qui, in fine, permet aux sociétés de se gaver.

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osé au beau milieu de nulle part, le nouveau centre pénitencier du Havre conçu pour 690 prisonniers se remplit depuis la mi-avril grâce au transfert de détenus venus de Rouen. Géré par informatique, doté de caméras de surveillance dans tous les coins, ce monstre high-tech où prisonniers et geôliers se parlent le plus souvent par interphone fait partie de cette nouvelle génération de prisons financées, construites et exploitées par le privé. Un bel héritage du passage de Dominique Perben au ministère de la Justice, sous Chirac. C’est lui qui, le premier, a ouvert la porte des prisons aux partena-

riats public-privé (PPP), remède que le partenariat est sans risque prétendument miracle à la crise pour le privé et fort lucratif s’il des finances de l’État. est bien négocié. L’État devrait y Plutôt que d’investir avec de perdre ses derniers deniers, mais l’argent public, à feu doux. l’État laisse le Eiffage, qui a L’État verse aux groupes privé emprunter décroché, en au système ban2006, le marché privés un loyer annuel caire et réaliser pour quatre sur vingt ou trente ans. lui-même l’inprisons (Nancy, vestissement. Béziers, Roanne, À première vue, c’est tout bénef Lyon-Corbas), a par exemple investi 270 millions d’euros au pour le budget de la nation. Seulement l’État verse aux groupes total et empoche chaque année 7 à 8 millions d’euros de loyer par privés un loyer annuel sur vingt ou trente ans. Lequel sert à coucabane. vrir les intérêts de l’emprunt De son côté, le groupe Bouygues contracté, ainsi que le fonctionn’est pas en reste. Non content d’avoir obtenu 152 millions nement et l’entretien de l’établissement pénitentiaire. Autant dire d’euros de contrats (Poitiers,

Nous avons besoin de Victor Serge ! écolo façon nicolino Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concession sur l’environnement, Planète sans visa. ien à voir avec l’écologie ? Eh non. R Mais si. Je vais tâcher d’expliquer. Les éditions Agone publient un livre merveilleux fait de chroniques écrites par Victor Serge entre juin 1936 et mai 1940 (Retour à l’Ouest, éd. Agone, 372 pages, 23 euros). Serge a eu la vie d’un révolutionnaire professionnel. Anarchiste au début du siècle passé, à Paris, il fréquente les membres de la bande à Bonnot, ce qui lui vaut cinq ans de prison, alors qu’il réprouve leur action. Devenu bolchevique après la révolution d’Octobre, il gagne la Russie et devient l’un des cadres supérieurs de l’Internationale communiste. Oui, mais Serge est un

honnête homme. Dès 1926, il est dans l’opposition à Staline. Et en prison en 1933. Une campagne d’intellectuels français le sauve in extremis et, en 1936, Serge débarque à Bruxelles. Alors, pendant quatre années, il écrit des chroniques pour un journal de Liège, la Wallonie. Il faut aimer la période, et la connaître un peu. Mais à cette condition, on peut parler d’un chef-d’œuvre de la liberté. Il n’est pas vrai que l’on ne savait pas. Il n’est pas vrai qu’il fallut attendre Soljenitsyne pour découvrir la barbarie régnant en Union soviétique. Exaltant de lucidité, Serge dénonce, comme George Orwell

à la même époque, et le fascisme, et le stalinisme. Il est aux côtés de l’Espagne en guerre contre cette affreuse baderne de Franco. Mais attaque aussi l’effroyable politique des communistes, de Valence à Barcelone en passant par Madrid. Il voit clair. Il dit juste. Et il écrit fort bien. Bien entendu, il écrit également son lot de sottises. Mais au regard des faits massifs de son temps, on peut le tenir pour un magnifique visionnaire. Nul ne peut prétendre savoir ce que penserait aujourd’hui Victor Serge. Évidemment. Mais la situation, mutatis mutandis, ne commande-t-elle pas les plus grandes audaces intellectuelles ? Que reste-t-il des imbéciles qui fêtaient la « paix » munichoise de la Toussaint 1 938 ? Que reste-t-il des idiots qui croyaient la ligne Maginot imprenable ? Serge est là, intact, quand tous les autres ne sont plus que poussière. La crise écologique en cours, si lourde de menaces sans précédent dans l’histoire humaine, réclame, exige, commande l’apparition de nouveaux Victor Serge. Mais où sont-ils ? ✹

Visionnaire

Le Mans, Le Havre), il a raflé, à la barbe d’Eiffage et de Vinci, une nouvelle tranche de taules à construire. C’est Rachida Dati, alors garde des Sceaux, qui a attribué le contrat. Ce mode de financement compte dans l’administration pénitentiaire des fans absolus. Au Havre, le centre pénitencier tout neuf construit par Bouygues en PPP a libéré Gilles Capello, le directeur, de toute retenue. Dans le dernier Journal du Club des PPP – un bel instrument de lobbying piloté par l’agence Com’Publics –, il ne se sent plus. « Le PPP nous fait quitter le XIXe siècle jusque-là si présent pour nous permettre l’accès à un XXIe siècle pénitentiaire décomplexé et fier de ses valeurs. » Certes, son nouveau joujou a été livré à l’heure, et c’est tant mieux, mais sans attendre de voir comment le partenariat va tourner dans le temps, Capello en tire des conclusions absolues : « À travers la haute technologie des matériels installés sur le site et la fine technicité des acteurs présents chargés notamment de leur maintenance, (…) un autre monde s’offre à nous », chante-t-il encore. Le PPP, qui se révèle « une chance pour tous », est, selon le patron du Havre, « le garant d’une prison tournée vers l’avenir et respectueuse des droits de chacun ». Joli blabla, mais personne n’a visiblement encore pensé à indexer le loyer versé aux PPPistes sur le taux de suicide des détenus… ✹ émile borne

Des sous-traités à l’Apple

Depuis le début de l’année, dix salariés de Foxconn en Chine se sont jetés du haut de l’usine qui produit 24 millions d’iPhone en 2010. Dans ce remake extrêmeoriental de France Télécom, le sous-traitant d’Apple nie tout lien avec les déplorables conditions de travail (dortoirs de fortune, service de sécurité zélé…). Le groupe a pris une mesure : une musique douce accompagnera les bucoliques journées à l’atelier. Pas de crainte, l’argent du groupe ne risque pas, lui, de passer par la fenêtre.

José Mourinho en tient une couche

Depuis le triomphe de l’Inter Milan en Ligue des champions, son entraîneur, José Mourinho, est devenu le coach le plus populaire d’Europe. Certains s’en frottent les mains. Les commerciaux de son ancien club Chelsea ont eu la riche idée d’enregistrer son nom auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle à sa signature, en 2005. Résultat, dans la liste de deux cents produits que le club londonien commercialise, on trouve des couches « José Mourinho ». Au cas où le Portugais voudrait fuiter sur son passé londonien ? ✹

un licencié coriace Aux entreprises lasses de gérer leurs salariés, ADP (Automatic Data Processing) vient en aide en s’occupant pour elles des fiches de paie et des ressources humaines. Un marché porteur : avec 2,5 millions d’employés traités chaque mois (Carrefour, Axa…), 275 millions d’euros de chiffre d’affaires en France (8,9 milliards dans le monde), ADP est leader du marché. Mais la world company n’est pas prophète en son pays. Un salarié d’ADP, mécontent de son licenciement, vient de réaliser un triplé : plaintes aux prud’hommes (« licenciement abusif »), devant le tribunal de grande instance (« faux et usage de faux ») et le tribunal administratif (conditions du licenciement). Principale récrimination : la date de son prétendu entretien de licenciement, établie au 30 juin 2006 par ADP. Las ! À ladite date, le salarié se faisait masser par son kiné. De là à flairer la production d’un faux, pas besoin d’un nez trop affûté. Mais la juge Hélène Gerhards a envoyé dinguer le plaignant en ordonnant, le 16 février, un non-lieu. La bonne dame a même refusé sept demandes d’acte du salarié, le tutoyant et le traitant de « voyou » lors des confrontations. Désormais, c’est une plainte pour faux et escroquerie au jugement qui risque de tomber sur ADP, assortie d’une violation du secret de l’instruction puisque l’ordonnance de non-lieu s’est miraculeusement retrouvée dans le dossier présenté par les avocats d’ADP devant les prud’hommes et tribunal administratif. Pièce normalement incommunicable ! Peut-être qu’ADP devrait externaliser la gestion de ses salariés… ✹ ignacio manga

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Bazar bruits de la ville

social

À l’ombre des niqabs

le travail, c’est pas la santé

les petites fables d’angelina Angelina chronique les grandes et les petites histoires du quotidien entre militance, humour et informations sérieuses. n voulant regarder sous les niqabs, E ces étoffes qui dissimulent chaque centimètre carré des corps qu’elles

La folle de Laroche pression des effectifs, elle, n’est jamais évoquée. La mobilisation des salariés, en grève contre les suppressions de postes à la pelle, n’a pas l’oreille de Copé. De là à dire que les patrons sont les preouverner, c’est choisir. mières victimes, il n’y a qu’un Jean-François Copé l’a pas… que Copé n’est pas loin de franchir : « Nous refusons d’oppobien compris. Et l’interdicser chefs d’entreprise et salariés tion du voile intégral a vite éclipsé en caricaturant leurs relations la question de la souffrance au en rapport bourreau/victime. Ce travail et des 500 salariés qui se serait commettre une erreur fonsuicident chaque année dans damentale d’aples entreprises, selon le Conseil préciation. » Chaque année, cinq cents économique et M a i s, at t e n salariés se suicident dans tion ! le député social. Le chef des députés les entreprises françaises. a consulté pas UMP, à la tête de moins d’une cinla commission quantaine d’exde réflexion sur le sujet, avait perts. Ce qui explique peut-être quelques contradictions : « Les pourtant rendu en décembre salariés français ont une producun grand rapport affichant une « véritable ambition de participer tivité horaire moyenne supérieure à une prise de conscience natioà celles d’autres pays, mais cette surproductivité horaire s’accomnale ». Depuis, rien. pagne d’une mauvaise gestion du Le comité de suivi promis n’a temps de travail », précise ainsi le pas vu le jour. Comment expliquer ce revirement ? Sans doute rapport. Les Français réussissent parce que, à lire le rapport, on a donc la prouesse d’être à la fois surestimé le problème. La faute surproductifs et improductifs. Réau taylorisme ? Que nenni. Dans sultat : « La personne se sent dépasce modèle, pour Copé, « le patron sée (…), trop lente. Elle est placée en dirigeait son entreprise comme un situation de souffrance éthique. » père. (…) Mais la montée du chôSi sa souffrance est « éthique », alors l’honneur est sauf ✹ mage de masse exacerbe les tensions sociales, situations de préca Célina OVADIA rité… les règles du jeu changent ». Les temps changent, explique-t-il, et « l’entreprise se doit d’être à l’afwww.bakchich.info fût des opportunités et de les traiter Copé fait monter la mayo pour le plus rapidement possible ». Du assaisonner ses salades d’avocat : coup, c’est mathématique : « La compression du temps se traduit http://minu.me/2fhc par l’absence de délais. » La com-

Tout à sa hâte de déposer une proposition de loi sur l’interdiction du voile intégral, Jean-François Copé se préoccupe moins des conséquences de son rapport sur la souffrance au travail.

G

3,4 % de parts d’audience sur la TNT, cela suffit à trancher. Le Dilemme, la télé-réalité de W9, est une réussite. La dernière émission d’Alexia LarocheJoubert (Star Académy, Loft Story) ne renouvelle pourtant pas les lois du genre. Caméra dans les douches, pic d’audience pour le premier bain des filles… « Personne chez Courbit ne veut stopper la folie d’Alexia, craint un ponte de la production. Sur TF1, au moins, Mougeotte mettait le holà. » Si le brillant Étienne devient un paragon de vertu…

Sens interdit culturel

Un sens interdit oublié, un flic presque écrasé et un petit délit de fuite… Le 6 mai, à Paris, une huile de la culture française s’est permis une interprétation très artistique du code de la route. Poli, le garçon a laissé sa carte de visite : « Georges-François Hirsch, directeur général de la création artistique, ministère de la Communication ». L’art a ses raisons que la loi ne connaît point.

Seigneur dévoyé

Les sagouins qui ont pénétré dans le très catholique institut de l’Assomption, dans le XVIe arrondissement parisien, dans la nuit du 16 au 17 mai, ont bien choisi le lieu de leur délit. Enfants de personnalités du monde politique et du showbiz y sont scolarisés. Et leurs coordonnées dûment répertoriées dans les ordinateurs dérobés. Un mirifique carnet d’adresses… comme autant de promesses de fric-frac ? ✹

domenech, sarko : même combat la mauvaise foi de monnier e vieux sage chinois se complaît à L ânonner que les montagnes ne se rencontrent jamais. Pays à la culture débridée et au sport embrigadé, la France prend de toute façon grand soin d’éviter d’arpenter les cimes. Surtout pas à Roland Garros, stade au nom pourtant planant. Mais le petit prince Gasquet ne sait toujours pas dessiner une victoire. Gilles Simon s’est enrhumé avant de décoller. Et le Saint-Esprit n’a pas encore frappé Gaël Monfils. Terre battue, terre

rebattue, terre française ! Au moins les raquettes françaises se gardent-elle de creuser plus loin que six pieds… Quand d’autres, sans doute par excès d’humilité, aiment à explorer les abysses. Et à y tisser d’improbables liens. Sélectionneur d’un gouvernement à la popularité abîmée, Sarko Ier s’est amusé à rencontrer le chef d’un autre État au bord de la faillite, Raymond Domenech. Une entrevue qui s’est tenue à l’Élysée en janvier, selon les auteurs de Sarkozy côté ves-

Faillites

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Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010

tiaires (éd. Plon). Question sur le choix des joueurs, sur la tactique à adopter, sur la forme des futurs sélectionnés. Le Président a au moins bossé un dossier cette année. Bilan de la rencontre tiré par Raymond Domenech : « Je me reconnais dans sa manière de fonctionner. Au fond, on a des postes qui se ressemblent. Il est très critiqué dès qu’il prend une décision. Moi aussi. » Voilà qui promet des bleus à la France. En route, mauvaises troupes ! ✹

recouvrent, le gouvernement s’expose à ne regarder ni des terroristes ni même des personnes issues de l’immigration en butte aux valeurs de la République. En soulevant ces niqabs, ce sont des femmes que M. Sarkozy, sans le savoir, s’apprête à regarder dans les yeux. Des femmes avec leur condition de citoyennes de second plan, leur psychologie insondable nourrie de larmes, de blessures tues. Le choc risque d’être brutal pour les politiciens car, en trois ans de mandat, ça ne leur est quasiment jamais arrivé. Femmes battues, moins payées à travail égal, sous-représentées aux postes clés, circulez. Mais femmes voilées, jamais ! Que signifie être voilée intégralement en France aujourd’hui ? Faut-il forcé-

ment y lire un acte politique ? Si la démocratie, comme le clame in fine Mme Badinter dans sa lettre ouverte « à celles qui portent volontairement la burqa », est offensée, qu’en est-il de ces femmes qui, par ce choix, renoncent à tout un aspect de leur vie sociale, jusqu’à « la connivence d’un sourire » ? Demandons-nous qui est en dessous du niqab et peut-être trouverons-nous la solution pour que les Françaises n’y aient plus recours. À longueur de JT, nous entendons parler de mise en péril du principe de laïcité. Aussi bien que des voix qui dénoncent la stigmatisation d’une religion. Argument contre argument. Musulmans français et Français non musulmans sont-ils obligés de s’affronter sur la question du port du voile intégral en France ? Oui, si cela devient un prétexte au désamour mutuel. « Où sont les femmes ? » ai-je envie de chanter avec Patrick Juvet ✹

Stigmates

italie

l’Arnaque aux feux rouges Pendant des mois, des feux rouges truqués ont piégé des milliers d’automobilistes, multipliant ainsi les amendes.

E

n Italie, l’affaire fait scandale. Certaines villes sont accusées d’avoir diminué la durée des feux orange, passant à trois secondes – au lieu de quatre ou cinq – et augmentant mécaniquement le nombre de feux rouges grillés et d’amendes distribuées aux prétendus chauffards. Dans une ordonnance de renvoi en correctionnelle des ripoux, les juges visent 38 élus et les dirigeants de plusieurs sociétés exploitantes du dispositif frauduleux. Sans grande surprise, l’enquête révèle que les patrons de trois de ces entreprises, dont la rémunération était proportionnelle au nombre de PV débités, versaient de plantureux bakchichs aux décideurs municipaux en échange d’une réduction de la durée du feu orange. En février, le procureur de Milan a ordonné une perquisition au domicile de Claudio Malavasi, officier de la police des finances, ainsi qu’à ceux d’Andrea Lamoretti et de Raul Cairoli, deux dirigeants d’entreprises concessionnaires de juteux feux tricolores. Malavasi est soupçonné d’avoir couvert le micmac de son autorité contre quantité de GPS, de téléphones portables, de montres de prestige et d’enveloppes farcies de grosses coupures en euros. Le garçon a été suspendu par sa hiérarchie en attendant son sort judiciaire.

C’est la ville de Segrate, près de Milan, qui est au centre de l’enquête, ouverte en 2008. Des automobilistes injustement verbalisés ont commencé à s’y plaindre dès 2006. D’après l’accusation, le maire est soupçonné d’avoir raccourci la durée des feux orange au plus grand profit des concessionnaires, qui ont établi pour environ 2,4 millions d’euros de PV injustifiés.

fignoler les PV

À Fresagrandinaria, dans le sud du pays, le maire, lui, est accusé d’avoir favorisé la société Euroservice SRL alors que la commune disposait de son propre système, satisfaisant. La présence de son fils parmi les actionnaires de l’entreprise pourrait expliquer son choix. Le maire a également mis à la disposition de son fils deux ordinateurs municipaux grâce auxquels il accédait au fichier des cartes grises pour fignoler les PV et éviter les contestations. L’Adoc, l’association de consommateurs italienne, a indiqué qu’elle allait lancer une action judiciaire contre les 54 municipalités présumées impliquées dans l’affaire ✹ WOODWARD ET NEWTON


Un peu de culture LITTÉRATURE Les dernières années de la vie de Louis Aragon sont contées par notre collaborateur Patrice Lestrohan. De 1970 à 1982, après la disparition d’Elsa Triolet, sa muse et femme pendant quarante-deux ans, un nouvel homme se révèle. Un Aragon méconnu et déroutant.

Louis aragon vu du couchant

L

’histoire était encore vivante – sa fin n’avait pas encore été proclamée par Francis Fukuyama –, l’Odéon de Jean-Louis Barrault était un laboratoire de la création, dans un velours rouge et des bois dorés. Les jours de relâche, les portes restaient ouvertes pour des « soirées littéraires ». Jeune journaliste, je me souviens d’une salle bondée face à une scène vide, excepté une table et une chaise. Sur le siège, un homme grand habillé d’un costume de ministre avec des cheveux très blancs. Il se taisait et le public aussi, comme dans une méditation surprise dont on aurait oublié de nous fournir l’objet. Louis Aragon, héros de la nuit, était immobile et muet.

hublots de l’amour fou

Une porte claqua, une petite dame, fourmi humaine, entra, ses pas émettant un bruit de feutre frotté : Elsa. Aragon descendit de scène pour accueillir la femme de sa vie, qui prit place au milieu du premier rang. Remonté à son poste, Louis se mit à déclamer : « Mesdames, messieurs, mon amour. » Puis toute cette soirée, théoriquement à lui consacrée, fut sacrifiée à elle. Quelle punition que l’exégèse de cette œuvre banale et surgonflée d’une femme vipère. En scène, Aragon jouait, à retardement, les jaloux. Évoquant un mystérieux hussard tournant, quarante ans plus tôt, autour de sa muse, et dont il avait retrouvé des lettres. Blessant pour qui avait jusque-là cru en la sincérité des Yeux d’Elsa en hublots de l’amour fou.

C’est à la mort du serpent qu’Aragon est revenu dans Aragon, a recommencé à vivre. Retrouvant l’oxygène de ses débuts surréalistes. C’est ici que Patrice Lestrohan met sa plume en marche. Pour nous faire découvrir le dernier Aragon, le plus gai. La question arrive en tête du livre : « Quand on sait ce que furent les dernières années d’Aragon, comment imaginer qu’il a pu aimer Elsa ? » Alors « mon sombre amour d’orange amère, ma chanson d’écume et de vent, mon quartier d’ombre… » rien que du bidon ? Le « quartier d’ombre » était plutôt un quartiermaître ! La réponse à cette question, la valeur de l’amour porté à Elsa, n’a pas d’importance. Ce qui ne ment pas, c’est l’œuvre du grand Louis, la Semaine sainte et le Roi Boabdil. Même si, en ondulant ses

mots autour de l’ancienne copine de Maïakovski, Aragon pensait très fort à un jeune marin. Bien sûr membre du Potemkine…

bronze stalinien

Le livre de Lestrohan fait l’autopsie d’un Aragon inconnu et même inimaginable pour qui retient les critères habituels du Parti communiste français, et il tombe à un moment utile. Le grand poète n’est pas encore oublié, mieux, la mort d’un autre, Jean Ferrat, l’a réactivé à coups de doubles croches. L’écrivain déboulonne le bronze stalinien pour le montrer tel qu’il est, homosexuel dragueur, ami des riches et de la richesse, épicurien et peu bétonné dans ses certitudes philosophiques. C’est Aragon en défroqué clandestin du Parti, plume à la main à la fête de l’Huma et plume au cul pour des bacchanales, le soir

bouquin

« le pouvoir a vaincu la justice »

I

sabelle Prévost-Desprez, présidente de la chambre financière du tribunal de grande instance de Nanterre, affirme dans un livre écrit avec Jacques Follorou avoir été « placée sous surveillance ». Une certitude, cette magistrate est en guerre avec le procureur de Nanterre qui fut son ancien collègue au pôle financier, Philippe Courroye. Le 7 décembre 2009, ce dernier a réclamé à la présidente du tribunal de grande instance de lancer une enquête administrative au sujet de Prévost-Desprez pour « manquements graves ». Lesquels ? D’après la principale intéressée, un parquet aux ordres du pouvoir lui reproche de s’intéresser aux proches de Nicolas Sarkozy, notamment

Manuel Aeschlimann, ancien maire d’Asnières et toujours député UMP. En mars 2009, ce familier de l’Élysée a été condamné par ce même tribunal de Nanterre à dix-huit mois de prison avec sursis pour favoritisme dans l’attribution d’un marché public.

trafic d’influence

Dans un autre dossier, toujours à Asnières, portant cette fois sur un trafic d’influence, Philippe Courroye a reproché à Isabelle Prévost-Desprez d’avoir elle-même « convaincu le conseil de la commune d’Asnières de citer M. Aeschlimann aux fins de poursuite ». L’accusation a été démentie par le vice-président chargé de l’instruction au tribunal de Nanterre. « Je crois malheureusement que les procureurs ne sont plus considérés comme des magistrats par le pouvoir actuel, ils ont rang de sous-préfets », lâche, amère, Isabelle Prévost-Desprez ✹ a. S. Une juge à abattre, par Isabelle Prévost-Desprez avec Jacques Follorou, éd. Fayard, 280 pages, 16 euros.

même avec une cour de jeunes amis réactionnaires, habillés en YSL. Le cap Brun, point étroit sur la carte mais si chic du front de mer toulonnais, étant son port d’attache. Ah, la marine à vapeur et la main au Banier ! Le Dernier Aragon est un livre de

détente. Dans le sens du gaz comprimé. La vie de Louis nous était présentée comme une bouteille, lourde, triste et consignée, voilà qu’il est plus léger que l’air et fou comme Rimbaud. On ne mange pas chez lui des harengs mais du caviar, il insiste : « N’hésitez pas, ça vient d’en face… » Autrement dit de l’ambassade soviétique, qui est son Télémarket. Délivrée d’Elsa, la maison d’Aragon est un « open space » accessible à tous. Même JeanMarie Rouart, le gominé d’extrême centre, qui écrit (si mal) et à l’eau tiède, branche un jour Aragon sur Drieu la Rochelle. Il aurait mieux fait de l’interroger sur Paul Nizan. Diffamé par le PCF avec Louis tenant la baguette de l’orchestre d’infamie. Sartre en coulisses, le compagnon de route, rivant les derniers clous du cercueil. Dans ces lignes passionnantes, le gay Aragon n’est pas toujours drôle ✹ j.-m. b. Le Dernier Aragon, par Patrice Lestrohan, éd. Riveneuve, 197 pages, 20 euros.

Bédé amour, gloire et dessins à passer un été pourri, Q seuitte seul et sans pognon, autant cultiver pour de bon et

regarder les 10 000 épisodes des Feux de l’amour. Soit sept cent cinquante heures de télé non-stop pour piger qu’après tout, comme le dit la chanson, on peut être « cocu mais content », dans la vie comme à l’écran. Dans l’euphorie, vous pourrez lire la bande dessinée Santa Riviera, le venin des passions concoctée par Morvandiau, Mancuso et Arnal aux éditions Les Requins marteaux. Un album qui joue à fond la satire des séries sentimentales à deux balles, là où la flamme de la passion trouve toujours un con pour briller. Pour le coup, ces talentueux artistes s’en sont donné à cœur joie pour exploiter les huit personnages d’un scénario huilé comme un poulet dans son jus. On retrouve donc Rodrigo, l’affamé de cul, Freddy, le trotskard parano, Mathilde, l’allume-cigare, Paul-Christian, le binoclard malheureux, et l’inspecteur Bronson, le super-flic qui peut encercler ses ennemis… tout seul. Le tout plongé à feu vif dans une marmite colorée des années 70. Car pour donner à l’album l’aspect d’un feuilleton télé, les joyeux drilles ont inventé de fausses pubs pleine page comme si vous y étiez. Ainsi lit-on : « Grâce à LA médaille miraculeuse Alain Minc, retrouvez vite le peps de vos 20 ans ! » ou « Speak English ! Lehmann Brothers English ! » Autant dire que cette bédé, c’est un feu d’artifice pour les cœurs d’artichaut et un feu d’artichaut pour les cœurs d’artifices ✹ l. c. Santa Riviera, le venin des passions, par Morvandiau, Mancuso et Arnal, éd. Les Requins marteaux, 56 pages, 13 euros.

du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010 | Bakchich Hebdo N°26

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Un peu de culture Musique Total Life forever Foals

Foals a remis le math-rock au goût du jour. Un style musical caractérisé par sa complexité rythmique et ses guitares répétitives. Deux ans après l’excellent Antidotes, le quintet d’Oxford revient hypnotiser nos tympans aux commandes de Total Life Forever. Une multitude de couches musicales (pop, rock, new wave, afro-beat) se superposent avec une cohérence mélodique sidérante. Le timbre obsédant de Yannis Philippakis n’a plus qu’à galvaniser ce fascinant mille-feuille sonore. compass Jamie Lidell

Non content d’être un crooner hors pair, Jamie Lidell excelle dans l’art du bidouillage. Ses deux amours ? La soul et l’électro. Pour ne rien gâcher, ce bel Anglais est un pur show-man… Son nouvel album lui ressemble comme deux gouttes de Guinness : déjanté, intelligent et sexy. Enregistré aux States avec Beck, Feist, Grizzly Bear, Wilco ou le batteur mythique James Gadson, Compass compulse les genres (funk, soul, rock, folk, gospel) où Lidell prend un malin plaisir à les déstructurer aux manettes de ses machines folles. Terriblement efficace. the house Katie Melua

Katie Melua est charmante, joue super bien de la guitare et collectionne les disques de platine. Que lui demander de plus ? De nous émouvoir avec sa musique, par exemple… Le quatrième album de la BritannicoGéorgienne semble programmé pour faire un carton commercial. The House enchaîne les pop song gentillettes aux arrangements ultraléchés. Bref, l’incarnation parfaite du consensus mou. Distant RELATIVES Nas & Damian Marley

Un peu naze, le dernier Nas… Le rappeur east coast culte des années 90 aurait mieux fait de se couper un bras plutôt que de tendre son micro à Damian et Stephen (fils de Bob) Marley. À des années-lumière de l’inoubliable Illimatic (l’album séminal qui révéla au monde son flow unique en 1994), Distant Relatives offre un compromis bâtard entre hip-hop de haute volée et ragga pour fumeurs de chicha. Quel gâchis ! grey oceans CocoRosie

Deux filles barbues, coiffées d’atroces serpillières médiévales… On aura rarement vu plus moche que la pochette de Grey Oceans. Qu’on se rassure, chez CocoRosie, la laideur confine toujours à l’onirisme. Depuis sa genèse, en 2003, l’étrange duo américain évolue au carrefour du folk, de l’électro, de la pop ou du classique. Envoûté par le chant chevrotant des sœurs Casady, ce quatrième album pourrait bien être le chaînon manquant entre la boîte à musique de grand-maman, Björk et Devendra Banhart. Suranné, moderne. Féérique, surtout ✹

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film socialisme Very bad trip

ciné Grand absent de Cannes, Jean-Luc Godard a néanmoins envoyé une petite carte postale. Film socialisme est un délire pas drôle, un objet insupportable et prétentieux.

J

LG est un mec qui a plein d’idées. Pour la distribution de son petit dernier, Film socialisme, il aurait aimé essayer quelque chose : engager un couple et lui donner une copie DVD du film, mais seulement après lui avoir fait suivre une formation de… parachutiste ! Oui, oui, vous avez bien lu. « Ensuite on pointe au hasard des lieux sur une carte de France et on les parachute dans ces endroits, raconte JLG, 80 ans et toute sa raison, dans les Inrocks. Ils doivent montrer le film là où ils atterrissent. Dans un café, un hôtel… ils se débrouillent. Ils font payer la séance 3 ou 4 euros, pas plus. Ils peuvent filmer cette aventure et vendre ça ensuite. » Projeté le 17 mai à Cannes dans la tient un garage dans le Sud où l’on section Un certain regard, diffusé croise des mômes qui veulent faire en vidéo à la demande, Film sociade la politique. Entre deux plans, lisme est sorti en salles et le public l’Helvète underground mixe, peut enfin contempler la chose remixe et sample les images et les sons : Adolf Hitler, la Palestine, sur grand écran. Comme l’idée de distribution Staline, Odessa, en parachute, le la Grèce, des Le film est caricatural film est juste un images d’actu gros n’importe de la Seconde et, plus grave, quoi. JLG l’imre monsans aucune émotion. Guer posteur comdiale, des mence avec une extraits de films croisière en Méditerranée (oh, la (Potemkine, Varda, la Bataille de belle métaphore sur l’Europe !), Marathon, Chaplin…) avec, en filme des retraités qui s’emmervoix off, des phrases définitives dent et des guests comme Patti comme « Employez le verbe avoir, tout ira mieux en France ». Smith ou Alain Badiou. Puis il colle aux basques d’une famille qui C’est tellement caricatural que,

DSK se vend comme des petits pains LA ZApPETTE de bourget our son émission À vous de juger, P le jeudi 20 mai sur France 2, Arlette Chabot a pris l’avion pour

Washington, où elle a interrogé Dominique Strauss-Kahn, grand sauveur du monde et futur président de la France. Un exercice délicat, réussi sans fautes : pas une seule question utile et aucune qui fâche. À Euro RSCG, boîte de pub-com qui a pour mission de vendre le candidat DSK aux Français, on devrait envoyer un cadeau à Arlette. Un abonnement à Bakchich ? Un seul exemple. À propos de la réforme des retraites, la chef de l’info de France 2 aurait pu demander ceci : « Croyez-vous qu’il soit bon d’appliquer à la France la purge que vous avez imposée à la Grèce, avec réduc-

tion des salaires des fonctionnaires passant de 700 à 600 euros par mois, ce que conteste Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie ? » Ou encore : « Que pensez-vous de la proposition d’Olivier Ferrand, l’un de vos portecoton à Paris, de taxer à mort les retraités ? » On aurait aimé entendre ça. Mais Arlette, déjà fâchée avec le si chic Vincent Peillon, ne veut pas se brouiller avec le futur Président. Strauss-Kahn, lui, a bien joué son rôle : « Vous imaginez bien qu’avec, sur les bras, le monde à sauver j’ai autre chose à penser qu’une candidature à l’Élysée. » Un peu, mon neveu. Pendant que tu dénies, tes galériens s’activent. Et délaissent pour un temps la lessive ou les yaourts pour nous

Manitou

Éléonore Colin

Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010

en salles Copie conforme d’Abbas Kiarostami

Il est encore temps de découvrir un des plus beaux films de l’année, un des sommets de Cannes. Avec une Juliette Binoche une nouvelle fois épatante. Sex and the City 2 de Michael Patrick King

Sex and the City, le film était une suite poussive de la série télé, une pub géante (80 marques y apparaissaient) où il était question de belles robes, de botox et de turista (avec en cadeau Bonux un retour aux bonnes vieilles valeurs comme la fidélité ou le mariage). Deux ans plus tard, en voici la suite bling-bling, tellement palpitante que la Warner ne fait pas de projection de presse. Comme disait Bashung, ça cache quelque chose… Sweet Valentine d’Emma Luchini

plusieurs fois, j’ai pensé à une parodie de Godard par Les Nuls, en pas drôle, bien sûr. Et, plus grave, il ne communique pas la moindre émotion. À JLG, qui a beaucoup donné au ciné, il sera (un peu) pardonné. Godard version 2010 prend plaisir à saborder son cinéma, c’est son droit ! Mais que reste-t-il ? Des jeux de mots abscons, une philosophie brumeuse et un lama attaché à une pompe à essence. Ah oui, j’oubliais, il y aussi de très beaux plans de la Méditerranée ✹ marc godin Film socialisme, de Jean-Luc Godard, avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger En salles depuis le 19 mai.

refiler du DSK. Derrière l’offensive, on trouve Stéphane Fouks, un manitou d’Euro RSCG, et aussi Jacques Séguéla – passer de Sarko à DSK consiste juste à changer de badge, pas d’idées. Selon la rumeur, ces garçons auraient écrit un vrai-faux méchant livre sur leur poulain afin de tuer dans l’œuf la naissance d’un vrai-vrai bouquin, quincaillerie livresque en forme de casserole. L’attaché de presse de Lagardère est au cœur de la propagande. Normal, puisqu’Arnaud est un marxiste apaisé… tendance Groucho. Pourquoi, me direz-vous, une telle précipitation à deux ans de l’échéance ? C’est simple : le poids de l’expérience. En 2007, DSK, si crédible auprès des abonnés du Figaro, s’est fait bordurer par une amatrice culottée : Ségolène. Très vite, elle a occupé l’espace et, bernique ! quand on part trop tard, la course-poursuite est foutue. Cette fois, les amis du directeur du FMI ont décidé d’occuper toute la visibilité. Ils font comme la Contrex, une eau dont on ne peut vous expliquer pourquoi elle vous fait du bien, mais dont on vous abreuve en continu ✹

Emma Luchini est la fifille de Fabrice et elle signe aujourd’hui son premier long-métrage. Une comédie pas drôle où une violoncelliste naïve et passionnée s’éprend d’un truand obsédé par la perfection. Rien ne fonctionne, ni l’écriture ni la mise en scène, sans parler de « l’interprétation » de Vincent Elbaz. La Tête en friche de Jean Becker

Quasi analphabète, Germain (Gérard Depardieu) vit sa petite vie tranquille pépère. Surnommé « Ze Con », Germain n’est pas cultivé, il est resté « en friche ». Un jour, sur un banc public, il fait la connaissance d’une vieille dame très digne de 95 ans, Marguerite (Gisèle Casadesus), qui lui apprend l’amour des livres, la magie des mots. Jean-Loup Dabadie et Jean Becker nous refont Forrest Gump, en moins bien. Du ciné de vieux, prétexte à une enfilade de lieux communs. On évite, même si Gégé est, comme d’habitude, formidable ✹ m. g.

la bakchich team Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • Conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • Chroniqueurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Éric Laurent, Patrice Lestrohan, Fabrice Nicolino, Jean-François Probst, Alain Riou • Maquette : Émilie Parrod, Victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Élodie Bui, Tatiana Weimer • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud Chenu, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Anthony Lesme, Laurent Macabies, François Nénin, Simon Piel, Bertrand Rothé, Grégory Salomonovitch, Anaëlle Verzaux • Dessinateurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, Essi, Giemsi, Goubelle, Ray Clid, Khalid, Klub, Lacan, Large, Ludo, Magnat, Mor, Morvandiau, Nardo, Noël, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski, Revenu, Roy, Soulcié, Thiriet • Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121 rue de Charonne 75011 Paris • Téléphone : 01.40.09.13.25 CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France Offset Direction des ventes : Thierry Maniguet/ tmaniguet@scpe.fr/01.70.39.71.05 Publicité : pub@bakchich.info Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.


Un peu de culture L’habit fait le moi politique

Le pipole de la semaine mon faible pour Monfort

le billet d’alain riou

Commentateur sportif de France Télévisions dopé à la sueur d’athlète, Nelson Monfort – Mystrong pour les bilingues – irradie à Roland Garros pour la 21e fois de sa carrière. Lors de sa première intervention au stade de la porte d’Auteuil, Roger Federer avait 8 ans. Nelson faisait alors ses armes aux côtés de Steffi Graf et Mats Wilander. L’année dernière, pour fêter ses vingt ans de terre battue, il invite Mickey sur le plateau de France 2, s’attirant les foudres des défenseurs de la déontologie qui dénoncent un « ménage » réalisé quelques jours plus tôt à Disneyland Paris, méthode un peu éloignée de l’esprit du service public. Qu’importe, ce qui compte pour Nelson, c’est la beauté du geste. Ainsi, en 1995, lorsqu’il traduit en direct la déclaration de Michael Chang après sa finale perdue contre Thomas Muster : « Michael remercie un certain Luigi, que j’avoue ne pas connaître. » Le champion américain parlait de Jésus… Enchaînant les interviews avec un accent digne d’un gentleman engloutissant un pudding trop chaud, Monfort a bien failli se faire piquer sa place, comme il le narre dans ses mémoires. Tour à tour par John McEnroe et Henri « Riton » Leconte, avec lequel il continue d’entretenir une inimitié certaine. Mais convaincu de sa popularité, Daniel Bilalian, le patron des sports du groupe public, ne cédera pas et lui accordera, en prime, la présentation du patinage artistique en compagnie de l’ineffable Philippe Candeloro. Pour notre plus grand plaisir. Surnommé « Sa Sainteté » par ses collaborateurs, Nelson ne se départ jamais de son sourire de mystique assumé qui confesse avoir vu un ovni. En attendant le prochain, il continue à prêcher la bonne parole du sport ✹ simon piel

Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma. es éditions Hugo et Cie m’annonL cent la parution prochaine d’un ouvrage intitulé Total look, la garde-

robe des femmes politiques décryptée par Valérie Domain. Cette journaliste, spécialisée dans la presse pipole et féminine, dit le communiqué, analyse, avec une pertinence certaine, « l’image que les femmes politiques renvoient du pouvoir ». Le seul reproche qu’on puisse adresser à ma brillante jeune consœur, c’est de limiter son zèle aux femmes. Je serai pour toujours de ceux qui respectent le devoir de parité. Suivez donc mon conseil : aux représentants masculins de la politique dont on ne connaît trop souvent que les vestes, le couturier qui sommeille en moi va tailler ici, et littéralement, des costards. Qui dit prestance dit M. Dominique de Villepin. Je commencerai, en conséquence, par l’homme tombé du croc en pariant sans risque qu’en 2012, à la présidentielle, ses positions ne seront guère éloignées de celles du maire de Bordeaux. Je lui conseillerai donc une jupette qui soulignera sa beauté antique et le fera même ressembler à Jules César en tenue de campagne.

La catégorie « élégance chic » retenue par Valérie Domain semble taillée sur mesure pour M. Frédéric Lefebvre, dont il n’est guère de jours où l’on ne puisse apprécier la distinction naturelle. Bien qu’il ne fasse guère dans la dentelle, je lui verrais bien une chemise à jabot, qui conviendra à sa coquetterie (de coquet, petit coq). Les modeuses professionnelles saluent le retour du chapeau. Je ne peux que le placer sur la tête de M. François Fillon, lequel invente de toute son âme la volonté de M. Nicolas Sarkozy. Et pour accompagner ce couvre-petit chef, un bon gros complet de tweed épais, tout simple, qui lui donnera cet air anglais dont il rêve. Et qui amortit bien les coups. Enfin, pour certains caractères très mobiles, il vaut mieux prévoir un costume évolutif. Pour M. Éric Besson, par exemple, ce garçon plein de souplesse – il n’est pas de ceux dont on peut dire qu’ils ne changeront jamais –, je verrais bien un imperméable classique, un peu passe-partout mais réversible. Et pour l’habit de dessous, faisons-lui confiance : il saura bien choisir par lui-même le plus avantageux parti à prendre ✹

Coquetterie

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télé-réalité

vivre d’amour et de fraîche «

O

n a touché plus de 800 euros pour trois jours d’enregistrement. » Le cachet d’un acteur de film X à Cannes ? Non, celui d’un candidat d’une émission de télé-réalité, l’Amour est aveugle, diffusée sur une chaîne où l’argent n’a aucun parfum, TF1. Principe du programme : on prend trois types et trois nanas que l’on met dans une maison de 450 mètres carrés. Ils se rencontrent dans le noir, donc sans se voir, et c’est là qu’en général ils se sautent dessus et font leurs petites affaires. Après, vient le temps des lumières, le moyen de voir la tête de l’otage. Une idée certainement volée à saint Luc, qui eut un jour cette révélation : « Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. » Ah bon !

valait que le tête-à-tête du dernier soir soit le plus bouillant, propice à des échanges de langues, pour faire grimper la libido du téléspectateur. Un bide au lit et c’est la débandade de l’audimat. Du coup, la séance massage, préambule à la partie plus hard, a été coupée au montage : « Il n’y avait pas assez d’images. La production m’a dit : “Viens en tee-shirt ou presque à poil” », se souvient François, qui a tourné l’émission entre octobre et novembre 2009. Histoire d’être bichonnée, chaque équipe avait deux cameramen en permanence sur le dos et une « nounou » qui préparait les repas et leur tenait le crachoir. Quand les promoteurs de ce « cirque cul » partaient, « on essayait de passer par le jardin

pour voir les filles, mais il n’y avait rien à faire, des vigiles rôdaient autour de la maison ». Au final, mauvaise pioche. François voulait pratiquer l’échange de salive avec une blonde, il est tombé sur une brune. La production lui a gentiment rappelé une règle de bienséance : « Si tu ne veux pas passer pour un salopard, reste un peu avec la fille. Alors j’ai patienté trois jours avant de la quitter. » Avec un chèque de 800 euros en poche ✹ l. c.

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Zappons la télé-réalité : http://minu.me/2fhb

tête-à-tête bouillant

« La veille de l’émission, on a tous passé une nuit à l’hôtel Campanile à rien foutre avec interdiction de sortir des chambres », témoigne François, l’un des heureux élus. Seul souci, tous ou presque sont des comédiens triés à partir des listes d’Endemol, la boîte de prod championne de la télé-réalité la plus crue. « On tuait le temps comme on le pouvait, il y avait une seule télé dans la baraque… » De quoi se murger ? Genre apéro géant ? « Non. En alcool, on a juste eu une bouteille de champagne. Par contre, les filles étaient mieux servies. Ils les faisaient boire l’après-midi pour qu’elles soient à point le soir. » Car évidemment, sur les six rencontres étalées dans le noir trois jours durant, mieux

du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010 | Bakchich Hebdo N°26

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Ben la der

Patrick Partouche

Experts-la-pudeur

les jeux sont faits

roulette Fils de l’empereur du jeu Isidore Partouche, Patrick a été le premier à exploiter le filon du poker sur le Net. Hélas, il est parfois difficile d’avoir raison avant tout le monde.

U

n homme qui a osé lancer le Bakchich Poker Tour à l’été 2009 est forcément un peu perché. « Un visionnaire », osent même certains salariés. Qui, pour le coup, ne font pas référence au tournoi de poker en ligne organisé avec Bakchich. Mais plutôt aux pressentiments du fils d’Isidore, le fondateur d’une dynastie qui a fait sa maille et sa renommée en ne misant pas au hasard dans les casinos. Poker Hold’em, casinos en ligne, paris sur Internet… De Malte à Gibraltar en passant par le Belize, Patrick se lance dans les méandres des jeux sur le Web dès 2006. Bien avant Stéphane Courbit et consorts. Bien avant la loi sur les jeux en ligne, dont le décret n’est sorti que le 14 mai dernier… Et en évitant tout juste la case prison.

premier banni

Des tenanciers virtuels qui ont pullulé sur le Net en toute impunité, « PP » a été le seul titillé. Douze mois de prison avec sursis et 40 000 euros d’amende pour tenue illégale d’une maison de jeux, en 2007. Verdict cassé en appel en 2009. La roue a tourné dans le bon sens. Au moins ce coup-ci. Longtemps prêchée depuis les paradis fiscaux, la voix de Patrick n’est arrivée que par touches aux oreilles des parlementaires et des ministères. Si poker, paris sportifs et hippiques sont désormais marqués du sceau de la légalité, le casino virtuel est toujours couvert d’infamie. Bref, premier banni et dernier servi. La famille a pourtant acheté le cossu Laurent, cantine plus que chic des jardins des Champs-Élysées où le paternel Isidore

se réjouit souvent des hôtes prestigieux qui y sont attablés. Mais les allées du pouvoir ne leur sont pas balisées. Ni même les voies du succès. 6 000 salariés, 510 millions de chiffre d’affaires, la mécanique n’est guère aisée à faire tourner. « Patrick n’a jamais fait secret du peu de goût qu’il avait pour le quotidien du groupe, se coltiner les salariés ou lire un budget, témoigne un familier. Ce qui l’amuse, ce sont les projets, jouer, miser. Pas gérer. Ou sinon à l’affectif. »

sorti du jeu

Ravi de bosser avec ses potes Franck Tapiro (à l’époque communicant de Sarko) et Éric Cantona sur la com de Partouche, en 2007, Patrick ne regarde pas à la dépense. Spots de pub, matraquage à la télé, « pour un retour, au final, décevant », jugent les cadres du groupe. Qui ont senti le vent du boulet en octobre 2009. Les traites avec les banques sont renégociées in extremis. À la direction générale, Fabrice Paire et Ari Sebbag, le cousin, reprennent la main. Partouche fils se replie vers l’Internet avant de disparaître en février. Une garde à vue dans une affaire de cercles de jeux clandestins l’a un peu sorti du jeu. « Il se faisait racketter », décrit un enquêteur. Une mise au vert avant le tapis ? ✹ x. m. www.bakchich.info

Jeux d’argent et de hasard en ligne, la vertu de la licence : http://minu.me/1k5t

paradoxes

Ce parrain de Sarko

Trois ans après, Sarkozy commence à évoquer un second quinquennat, assure le Point (20 mai). Il l’a confié « à ses amis députés », il disposerait même déjà d’une sorte de slogan : « Je ferai campagne sur le thème du président protecteur. » Légitime : il « aura sauvé l’Europe plusieurs fois et garanti leurs retraites à ses concitoyens ». Dès « octobre » prochain d’ailleurs se produira « un virage politique » : « J’insisterai, a encore précisé notre timonier, sur quatre thèmes : la sécurité, l’éducation, l’économie et l’écologie. » En un sens, c’est même plus noble que ce « pouvoir d’achat » tant invoqué en… 2007.

Toit du Maroc

En s’offrant, voilà quelques années déjà, un riad à Marrakech, Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, « l’affameur » selon Mélenchon, a vraiment eu le nez creux. Le Figaro-économie (21 mai) le rappelle sur une pleine page : par ces temps de rigueur, il reste au Maroc de « bonnes pistes pour les acheteurs ». Là-bas, c’est « de quatre à cinq fois moins cher qu’en France ». « Et en plus », en rajoute le dénommé Samir El Chammah, qui dirige le Salon de l’immobilier marocain, « la vie est moins chère au Maroc. Par exemple, une domestique qui travaille à plein temps est rémunérée 250 euros par mois ». Sûr que même une employée de maison grecque vous prendrait moitié plus.

Tournier manège

Un peu fatigué à 85 ans, le romancier Michel Tournier envisage de quitter l’académie Goncourt. Il a d’ailleurs un successeur, inattendu, à proposer à ses collègues (l’Express du 20 mai) : « Jack Lang. Pourquoi pas ? C’est quelqu’un de bien : il a débuté au théâtre, il a un passé culturel extraordinaire. Le seul problème, c’est son âge. Le bon âge pour entrer à l’académie Goncourt, c’est 40 ans. » Oh, à tous points de vue, Djack en fait à peine 35…

En retrait définitif de la maison Total, au profit de son dauphin de longue date Christophe de Margerie, Thierry Desmarest, l’ex-patron du groupe pétrolier, a bien voulu confier un « regret » au Figaro (24 mai) : « Après le naufrage de l’Erika [navire affrété par sa compagnie et qui coula au large de la Bretagne en 1999, ndlr], j’ai, comme beaucoup d’autres, fait trop confiance aux experts qui tendaient à dire que la pollution était limitée. » Admettons, mais les « beaucoup d’autres » n’étaient pas, eux, patrons de Total.

Coup de trafalgar

Publié en toute fin de semaine dernière, le « programme commun de gouvernement » des conservateurs et libéraux-démocrates britanniques le proclamait explicitement : « La réduction des déficits structurels portera sur une réduction des dépenses plutôt sur l’augmentation de la fiscalité. » L’engagement n’a pas passé le week-end. Dès dimanche (le Figaro du 24 mai), David Laws, le secrétaire d’État aux Finances « brisait un tabou en reconnaissant que si les coupes budgétaires se révélaient trop lourdes, le gouvernement serait obligé d’augmenter les impôts » – 2,5 points de TVA en sus, selon tous les pronostics. Et à son grand regret, certainement.

Tout pour sa fraise

Une pelletée de journaux a repris les moqueries de Nicolas Sarkozy, en visite, vendredi 21 mai, dans une exploitation de fruits et légumes du Lot-et-Garonne, sur « le traitement folklorique de l’agriculture » par son prédécesseur (non nommé) Jacques Chirac. Le quotidien Libération (22-23 mai) y est toutefois allé d’un petit rajout souriant. « Au cours de la table ronde » qui suit, un producteur local se lance dans une « interminable tirade » qu’il conclut ainsi : « Je m’adresse à vous, guide suprême, garant de la concorde. » Il est bien triste qu’en trois ans, on se soit si peu adressé au président Nicolas en ces justes termes✹

patrice lestrohan

Alors, euro ?

« Une dispute » entre Nicolas et Angela à propos, disons, des règles de gouvernance de la zone euro ? On rêve, on fantasme et la ministre de l’Économie Christine Lagarde a tenu à le faire savoir au Journal du dimanche (22 mai) qui l’interrogeait sur la question : « Nous sommes en train de construire les pièces qui manquaient à la maison euro et cette construction nécessite un consensus, des confrontations. » En tout cas, sur le choix du papier peint, ça n’a pas l’air simple…

Où trouver Bakchich Hebdo ? Vous avez harcelé votre kiosquier, menacé les Relay ? Sans succès ? Pour toute réclamation ou information, contactez tmaniguet@scpe.fr

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Bakchich Hebdo N°26 | du samedi 29 mai au vendredi 4 juin 2010


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