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Histoire
Il était le médecin du 8 e Choc
Cette image de guerre est connue, on la trouve dans une foule d’ouvrages sur l ’ I n d o c h i n e , d a n s d e n o m b r e u x b u r e a u x d e médecins, de couloirs de centre médical et dans les écoles du service de santé des armées. Elle illustre le dévouement ultime du médecin militaire dans toute son humanité. Par elle, des vocations sont nées et toutes les promotions de Santards ou de Navalais se sont interrogées devant cette scène tragique.
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Beaucoup ne connaissaient pas le nom du personnage central mais l’expression de son visage suffisait à interpeller. Dans ses yeux l’immensité de l’impuissance face à la mort. En lui la rage monte mais il sait la contenir, ce n’est pas la première fois qu’il entend cette mort ricaner. Que manquait-il ? Une minute, un geste de plus ? Il connaissait bien le sergent Camille Lambert, cultivé, idéaliste, mystique et maintenant ? Il n’a plus devant lui que son corps inerte qui lui hurle silencieusement son échec.
En Indochine, au 8 e Choc tout le monde a su très vite qui était ce lieutenant aux airs d’adolescent nonchalant. Son aisance et sa réserve, en un mot sa distinction naturelle, son regard limpide et sa blondeur ne trahissaient pas forcement aux yeux du profane sa qualité de médecin de l’armée coloniale. Il avait le contact humain facile et naturel. Son autorité tranquille s’accommodait sans effort d’une grande gentillesse. Et chez un médecin, cela fait partie de l’art de guérir.
C’est à Diên Biên Phú qu’il donnera toute son âme et toute son énergie pour lutter contre la mort. Il est de toutes les reconnaissances du bataillon
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© ECPAD
avec sa sacoche à Croix-Rouge. Il marche toujours au milieu de ceux qui vont se battre. Il va au plus près, soigne sous les balles et s’évacue souvent in extremis avec le blessé.
Quand la bataille atteindra l’intensité qui interdira toute sortie, il ira dans les trous boueux, les boyaux inondés, les abris obscurs pour soulager la misère et se battre inlassablement contre la destruction des corps. Les nuits sans sommeil, la soif, les jours sans manger, les heures de pilonnage, l’incertitude quand le combat se rapproche trop, l’épuisement n’entameront en rien sa foi et son dévouement.
Prisonnier, privé de tout son matériel il restera médecin. Avec rien, ses mains et ses mots, il continuera à aider
site officiel et historique de la bataille : www.dienbienphu.org
au péril de sa vie. Libéré, il quitte l’Indochine avec cinq citations, dont trois à l’ordre de l’Armée. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel pour faits de guerre. « D’un dévouement et d’un courage exceptionnels, très aimé de ses camarades, littéralement adoré par la troupe », voilà le portrait que trace le capitaine Tourret, commandant le 8 e Choc, de son médecin de bataillon.
Cinquante-sept ans plus tard, le 20 mars 2010, le médecin général Patrice Le Nepvou de Carfort part sans bruit rejoindre le sergent Lambert et tous les autres.
Tous ceux qui l’ont connu, travaillé avec lui, tous ceux qui lui doivent la vie se souviennent d’un homme intelligent, psychologue, d’une personnalité attachante associée à des qualités humaines hors normes.
Le 8 e Régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa), héritier du 8 e Choc, ne voulait pas laisser s’obscurcir le souvenir d’un des plus grands médecins de son histoire. Aussi, lors des dernières festivités de la Saint-Michel, le bâtiment du service médical a-t-il pris le nom du médecin général Patrice Le Nepvou de Carfort.
Adjudant-chef (R) Jacques Antoine 8 e RPIMa Traditions
1- Le médecin lieutenant Patrice de Carfort au Tonkin, 1953