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Le Grand Reims sur le qui-vive
Entre la surveillance des nappes phréatiques, qui approvisionnent en eau potable ses habitants, et son travail de fond pour garantir l'avenir, le Grand Reims est en première ligne face à la menace d'une sécheresse cet été.
Dans les bureaux du service de l'eau et de l'assainissement du Grand Reims, l'heure est à la vigilance. L'une des nombreuses missions de ses agents est de surveiller le niveau des nappes phréatiques dans lesquelles est puisée l'eau potable distribuée à 300 000 habitants de 143 communes. « Nous possédons un réseau de piézomètre qui nous
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Risque de sécheresse sur les nappes à enjeux en 2023
permet de suivre le niveau toute l'année, en temps réel », indique Audrey Varoquier, directrice adjointe du service de l'eau et de l'assainissement. Et comme partout en France, le constat est sans appel. Après un hiver globalement sec, le niveau général des nappes est « plutôt bas pour la saison, mais grâce aux pluies abondantes de mars et d'avril, il est cependant un peu remonté, même si la période de recharge est passée et que ces précipitations bénéficient d'abord à la végétation ». « Actuellement, la sécheresse ne se voit pas au premier coup d'œil, en revanche elle est bien visible si on observe certains cours d'eau, comme la Suippe, particulièrement sensible aux précipitations, ou la Py, qui est d'ailleurs à sec en amont, détaille Francis Blin, maire de Trigny et vice-président du Grand Reims délégué à l’eau et à l’assainissement, qui prend soin d'ajouter, que la situation des nappes a déjà été pire au moins à deux reprises ces dix dernières années, notamment en 2017 ». Une précision qui n'est pas de nature à rassurer, même si la situation ne semble pas alarmer la collectivité rémoise. « La partie Est du territoire du Grand Reims est située sur la nappe de la Craie qui est très importante, tandis que la partie Ouest dépend de plusieurs petites nappes, indique Mathilde Orquevaux, responsable du service étude. La gestion y est donc un peu plus compliquée, car plus elles sont petites, plus elles sont sensibles aux aléas climatiques. » L'eau produite pour les besoins du Grand Reims, estimée à 30 000 m3 par jour, provient ainsi d'une quarantaine de champs captants, installés sur l'ensemble du territoire. « Ce qui permet d'ajuster les volumes en fonction de l'état des différentes nappes, grâce notamment à un réseau de plus en plus interconnecté, et donc de suppléer les communes dépendantes de petites ressources en eau. » Face aux dérèglements climatiques, marqués par des étés plus chauds et plus secs, ainsi que des précipitations moins régulières tout au long de l'année, le Grand Reims a activé plusieurs leviers. Le premier d'entre eux n'est pas nouveau et consiste à chasser et à réparer les fuites. La France perd chaque année 20 % de
Chasse aux fuites et zones d'infiltration son eau potable à cause de fuites dans les réseaux de canalisations. « Ce taux est de 10 % pour le Grand Reims », assure la directrice adjointe du service de l'eau et de l'assainissement. Une performance d'autant plus satisfaisante que le réseau d'eau potable de la communauté urbaine du Grand Reims se compose de 1 600 km de canalisations. Pour dénicher les fuites, les agents surveillent les compteurs, en particulier la nuit, afin de détecter d'inhabituelles hausses de consommation. Le plus difficile est ensuite de trouver l'endroit exact. « Il faut alors prêter l'oreille, car une fuite, c'est un peu comme un trou dans une paille, quand on écoute avec attention, on entend un sifflement. » L'autre moyen d'action du Grand Reims, c'est une politique globale de prévention dénommée Plan pluie. « Sur notre territoire, la ressource d'eau potable ne dépend que des précipitations, insiste Mathilde Orquevaux. Notre objectif est donc de faire en sorte que cette pluie s'infiltre au plus près des besoins, afin d'éviter les pertes dues au ruissellement ou à l'évaporation ».
Le Grand Est lance un appel à projets pour une meilleure gestion de l'eau
Lors de sa dernière commission permanente, la région Grand Est a acté le lancement d'un 6e appel à manifestation d'intérêt (AMI) en lien avec les agences de l'eau. Intitulé « gestion de l'eau : préservons notre ressource ! », il cible en particulier les démarches menées dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT), les actions des collectivités favorables à la biodiversité et les expérimentations portant sur des cultures spécifiques à faible besoin en eau. Les candidats ont jusqu'au 30 septembre 2023 pour déposer leur dossier. Depuis 2018, cet appel a soutenu près d'une centaine de projets, moyennant une aide publique globale de 17 M€.
Infos : grandest.fr.
Des risques de pollution accrus
Cette stratégie se traduit par des aménagements publics spécifiques, à l'image des travaux de voirie menés ces derniers mois rue Ruinart-de-Brimont. Le Grand Reims a choisi de reconstruire la chaussée de cette rue de telle manière que l'eau y ruisselant puisse s'infiltrer dans le sol. La technique utilisée est celle de la chaussée à structure de réservoir. Sous la chaussée, l'eau est stockée dans les espaces laissés libres par une couche de cailloux d'environ 40 cm d'épaisseur. Autres exemples, les réaménagements des places et placettes sont désormais toujours pensés pour offrir plus d'espaces naturels permettant ainsi l'infiltration de l'eau dans les sols.
Ces choix doivent aussi permettre de limiter les risques d'inondation, en cas de précipitations très abondantes, mais également les risques de pollution. « Plus le chemin parcouru par l'eau est long, en milieu urbain comme en milieu rural, plus elle se gorge de polluants », rappelle Mathilde Orquevaux. Le manque d'eau constaté dans les nappes phréatiques a aussi un impact sur sa qualité. « Il faut aller puiser plus profondément, donc plus près de là où reposent les matières polluantes. »
Une problématique supplémentaire que le Grand Reims entend résoudre en partie via une vaste zone humide artificielle, située en aval de la station d’épuration de l’agglomération. Ce projet, lancé depuis 2016, vise à débarrasser l'eau de certains micro-polluants de manière naturelle. « Notre travail, c'est de nous adapter à la situation et d'anticiper sur le long terme, résume la directrice adjointe du service de l'eau et de l'assainissement du Grand Reims, Audrey Varoquier. Aujourd'hui, on maîtrise le sujet, on regarde avec attention ce qui se passe et on s'ajuste. »
Julien Debant