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Raphaël Enthoven parle « démocratie » avec les lycéens de Bayen
Deux heures durant, les lycéens de Bayen ont pu échanger avec l'écrivain et agrégé de philosophie Raphaël Enthoven, tout en croisant les regards de plusieurs penseurs sur la liberté et la démocratie. Ou comment éclairer la réflexion des jeunes acteurs de la société.
S'il crée régulièrement la polémique avec ses prises de position, l'écrivain et éditorialiste Raphaël Enthoven possède aussi, parce qu'il l'a enseignée, un talent certain pour vulgariser la philosophie. Invité au lycée PierreBayen par Xavier Desbrosse, professeur d'histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, il a décrypté, devant près d'une centaine de jeunes, les visions de différents penseurs tels Alexis de Tocqueville, Albert Camus ou JeanPaul Sartre. Deux heures durant lesquelles il a été question de liberté d'expression, de démocratie, de justice sociale, autant de sujets débattus à l'époque et toujours - sinon plus - d'actualité.
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Au chapitre des réseaux sociaux, Raphaël Enthoven, dont le compte Twitter est suivi par quelque 242 000 personnes, a rappelé la dure réalité de ces places publiques, aussi virtuelles soient-elles.
« Les réseaux sont devenus une arme pour disqualifier votre pensée et la réduire à votre iden- tité, votre appartenance religieuse, votre orientation sexuelle, etc. C'est là toute la violence de ces effets de meute : nos idées ne se réduisent pas à ce que nous sommes ! » Quant à la notion de blasphème, il est catégorique : « Ce mot n'existe pas en droit français. Vivre en république, c'est avoir le droit de se moquer de la religion. Mais si vous commettez un blasphème en ligne, vous allez vous faire massacrer par des gens qui auront, en vous attaquant, l'impression de défendre le respect. Cabu en est mort. Beaucoup lui ont reproché d'être irrespectueux. Il était insolent, pas irrespectueux ! Il n'avait pas l'intention de se taire, mais il aimait les gens. »
Autre exemple choisi par l'essayiste pour illustrer les cheminements des auteurs d'antan : l'interdiction pour les joueurs de porter le brassard arc-enciel, en soutien à la communauté LGBT, lors du mondial de football au Qatar. « Renier les valeurs de la France et se voir imposer celles d'un autre pays, ce n'est pas respectueux. Si l'on tolère le port de la burqa dans les rues de Paris, on devrait aussi tolérer le port du string dans les rues de Téhéran. Ce n'est pas le cas. Le génie de Tocqueville, c'est justement de montrer que la liberté n'est jamais acquise. » Puis d'évoquer non pas l'idéologie et la dictature comme les pires ennemies de la démocratie, mais plutôt l'inaction et l'indifférence. « Le renoncement, par peur d'avoir des ennuis ou pire, de perdre la vie, à investir l'agora pour dire ce qu'on a à dire, reste un véritable danger. La liberté est une œuvre collective. La conquérir est une chose, la maintenir, est plus difficile. »
La séquence de « questions-réponses » préparée par les lycéens s'est attardée sur le vote blanc, les élections en Turquie, la désobéissance citoyenne, etc. Et les Gilets jaunes n'ont pas été épargnés. « Il y avait de tout dans ce mouvement, dixit Raphaël Enthoven. Ils se sont révoltés, mais uniquement en disant « non ». Il n'ont pas su porter un projet. » Il pointe également du doigt « les gens qui hurlent à la dictature lorsqu'on se sert du 49-3, mais que Poutine ne dérange pas trop... » Le camp des pro-Macron a dû se frotter les mains.
Sonia Legendre
Morceaux choisis l « Platon a inventé Le seigneur des anneaux », en référence au personnage de Gygès. l « Les gens s'engueulent en démocratie, mais ils se parlent ! Faut-il vouloir à tout prix apaiser les choses et sortir du débat ? ». l « Je ne suis pas sûr qu'on fasse de la politique avec de la morale. On n'a pas besoin d'éthique, il existe la loi. Le meilleur antidote à la corruption, à mon sens, c'est le droit. ».