Kim Waldron. Une autre femme_Another Woman

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Portrait de l’artiste en jeune politicienne

Kim Waldron —

Peu après le début de ma campagne électorale, j’ai donné naissance à mon deuxième enfant, Margot Eleanor Ross. Toutes les personnes présentes dans la chambre, incluant les médecins et les infirmières, ont été surpris du fait que Margot n’a pas crié en naissant : elle a parlé. Son babillage n’était pas compréhensible ; on aurait dit qu’elle avait tout entendu in utero et qu’elle était maintenant prête à partager. Margot a influencé la teneur de ma campagne. Elle n’a pas été que le ventre proéminent sur l’affiche ; elle m’a aussi fait comprendre que c’était pour elle que je me présentais. Aux paliers municipal, provincial et fédéral, les femmes occupent en moyenne 25% des sièges, alors que nous composons 50% de la population1. Nous avons besoin de l’apport de plus de voix de femmes dans la discussion politique. Nous avons besoin de plus de femmes en situation de pouvoir. Devenant adulte, je me suis toujours méfiée des politiciens parce qu’ils me semblaient malhonnêtes. Je n’étais pas du tout intéressée à faire de la politique. Prononcer des discours et participer à des débats publics ne sont pas naturellement mes points forts. Cependant, tout au long du montage de ma campagne électorale, j’ai découvert que les stratégies visuelles et la présentation de mon travail artistique pour les médias et pour les comités de financement m’avaient, en fait, préparée à l’autoreprésentation. Une bonne part de la dynamique en jeu dans le milieu de l’art trouve un écho dans le monde politique. J’étais nerveuse avant mes entrevues avec Vice News et Infoman. Les entrevues avec les politiciens me semblaient un exercice risqué, puisque les médias tournent souvent au

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ridicule les figures publiques. C’est Vice qui m’a d’abord contactée, me demandant s’il était possible de m’interviewer pendant que je posais des affiches dans le comté de Papineau. L’idée ne me plaisait pas et j’ai suggéré que l’interview se déroule dans la galerie où je présentais une exposition intitulée La très honorable Kim Waldron (montrant trois tableaux que j’avais fait faire en Chine par le peintre Wang Wei à partir de la photographie de mon affiche de campagne). Par contre, j’avais aussi des doutes sur la conduite de l’interview dans la galerie. Je voulais m’adresser à autant d’électrices et d’électeurs que possible, et l’association du cube blanc aux cercles élitistes n’était pas l’image que je souhaitais projeter. J’ai réalisé par la suite que la galerie était l’endroit où je me sentais le plus à l’aise. J’ai compris que c’était depuis ma position d’artiste que je me présentais, en toute sincérité, pour devenir une représentante fédérale. J’ai pensé avoir bousillé l’interview avec Vice, mais ils ont réussi à faire un montage qui fonctionnait. La plupart des gens que j’ai rencontrés, y compris le journaliste de Vice, m’ont demandé si ma campagne était simplement un projet artistique. Le contraire est plus proche de la vérité ; c’est ma pratique artistique qui m’a donné la confiance requise pour me présenter comme candidate. En fait, c’est dans un contexte artistique que j’ai vécu l’une des plus grandes expériences de transformation personnelle en campagne. Durant le Débat 2015 des candidat.e.s de Papineau organisé par Optica, centre d’art contemporain, et par le festival de performance VIVA! Art Action, je me suis trouvée sur scène en compagnie de trois candidates et de


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