J’aime la baguette Autoportrait de Chen, Yi-Ju
Dans le dictionnaire, le mot « Portrait » signifie « Représentation graphique, photographique d’une personne, spécialement de son visage ». Quand le visage joue le rôle principal dans la photographie, la fonction d’identité est mise en avant. Le portrait correspond à une manière biographique de regarder les hommes, d’enregistrer la géographie d’un visage, et de montrer la position sociale de la personne. Néanmoins, le développement de la publicité a contribué à nous faire douter de la crédibilité d’un portrait. Le portrait n’est plus authentique. Alors le matériau photographique en lui-même et la crainte de « perte de visage » préoccupent particulièrement la photographie contemporaine. Le visage est un champ de bataille pour la sociologie, pour la technologie, pour l’industrie et pour l’art. Sur ce principe, l’autoportrait prend le risque de l’exposé narcissique. La mise en scène de l’artiste doit pouvoir aller au delà d’un regard sur soi-même et concerne la relation interactive entre le photographe et le photographié : « Comment les autres me regardent-ils ? ».
Le thème de la série photographique J’aime la baguette est une approche culturelle qui exprime de façon détournée la condition d’étrangère en France. Le choix particulier de certains stéréotypes français et de positions diverses vise à être explicitement ironique. Les visages maquillés ne correspondent plus à une personnalité identifiable. Sur les photographies, il ne reste que les icônes culturelles : la question de la perte de visage dans les photographies fait écho à la question de la perte d’identité des étrangères en France. Les travaux se diversifient en plusieurs séries : La Baguette, Le Riz, Le Fromage, le macaron. Diverses possibilités de relations et d’interactions se combinent ainsi entre la personne, le visage et la nourriture. J’aime la baguette traite non seulement la question de l’identité et de sa perte, mais aussi d’une autre proposition. Les photographies sont composées par des éléments doux : le visage de la jeune asiatique comme une geisha japonaise, et aussi la baguette bien dorée et le fromage frais qui symbolisent les nourritures françaises les plus ordinaires de la vie quotidienne. Mais quand nous jouons de ces éléments doux dans la mise en scène des photographies, l’image elle-même se montre différemment. La baguette en elle-même renvoie une dimension, une signification érotique. L’image du visage de geisha représente la culture japonaise traditionnelle, depuis son art jusqu’à ses contraintes sociales. La référence et l’utilisation de l’image de la geisha expriment les caractères sages, réprimés et domestiqués de la femme asiatique sous la morale rigide. Cette signification contraste avec celle de la baguette, confrontant féminin et masculin, tendre et dur, renforçant la tension des photographies.
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Chen, Yi-Ju Laboratoire d’écritures L2 - 2012-2013