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Atlas des déplacements
Guillaume Monsaingeon
Atlas des déplacements
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Exposition de Cécile Beau, Christo, Nicolas Consuegra, Fernand Deligny, Caroline Duchatelet, Cédrick Eymenier, Ymane Fakhir, Christoph Fink, Éléonor Gilbert, Chris Kenny, Francis Limérat, Hans Op de Beeck, Quadrature, Claire Renier Musée Hébert, La Tronche avec les soutiens du FRAC ProvenceAlpes-Côte d’Azur, et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes 21 décembre 2017 > 23 avril 2018
«Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse: la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Égypte. […] Je ne peins pas l’être, je peins le passage1 .» Seuls les pédants s’embarrassent de nos jours de citer Montaigne. À plus forte raison s’il y est question de branle et de branloire, termes aujourd’hui grivois donc opaques. Mobiliser un auteur du XVIe siècle et sa langue devenue obscure, c’est courir le risque d’un obstacle supplémentaire entre le visiteur et un projet déjà ardu.
Le pari d’une exposition comme «Atlas des déplacements» consiste en effet à rassembler des artistes qui relèvent d’univers opposés. Au mieux, quelques similitudes de formes ou d’échelle peuvent rapprocher telle pièce de Francis Limérat avec telle autre de Christoph Fink. La présence animale d’un dessin de Christo peut faire écho aux dessins sauvages de Deligny – ses fameuses «lignes d’erre», elles aussi mécomprises et difficiles à cerner. Les carnets de notes frénétiques de Fink, la complexité de son Atlas of movements, qui semble infini, résistent à la plupart des visiteurs, qui se laissent en revanche attendrir par des manuels de code de la route un peu rétro ou des jeux de société montrant l’apprentissage de la frénésie touristique, à ski ou en bicyclette. Curieusement, la vidéo si souvent maltraitée dans les expositions devient le vecteur privilégié par beaucoup pour entrer dans cet Atlas. Comme si seule l’image mouvante pouvait saisir le passage du monde plus que son être.
Esquisser la continuité et la convergence d’œuvres qui cherchent à manifester le déplacement, c’est rassembler des esquilles plutôt que tracer un conducteur linéaire. Il n’y a pas de branloire, même pérenne, sans frottements. C’est peutêtre l’une des fonctions de l’art et de ses expositions que de remplacer le fluide par des frictions.
Quadrature, Satelliten, 2018
1 Montaigne, Essais, livre III chapitre 2.