APR 2018 / VOL 108 NO 4 US $7 CAN $9
LANDSCAPE ARCHITECTURE MAGAZINE
FIRST STEPS A plan to make slavery visible at Brazil’s Valongo Wharf
THE EDGES OF PARIS
Three new parks pull the city outward
MOSCOW IN THE OPEN The novel idea of public space
STEEP SLOPE PLANTING Details for big trees on sharp inclines
THE MAGAZINE OF THE AMERICAN SOCIETY OF LANDSCAPE ARCHITECTS
LA TOUCHE PARISIENNE DANS UNE CAPITALE FRANÇAISE QUI SE TRANSFORME RAPIDEMENT, TROIS VASTES PARCS FONT LEUR APPARITION ET AGRANDISSENT LA VILLE.
ARIS «EST TOUJOURS UN CREUSET, Paris est toujours un point de convergence.» Henri Lefebvre, philosophe et sociologue connu surtout pour ces observations sur le développement urbain, le pouvoir et l’organisation de l’espace dans la ville, a mis cette idée en mots dans son œuvre phare, La production de l’espace, alors que le traumatisme de Mai 68 qui avait bouleversé la capitale était encore frais dans les mémoires. On y devine la tradition moderne conçue pour injecter de l’enthousiasme dans la ville : le Grand Projet. Les années 70 et 80 ont connu leur lot de grands projets, des grandes institutions culturelles à l’architecture musclée assortie (Centre Pompidou, Musée d’Orsay) aux paradis corporatistes dédiés aux multinationales françaises (quartier de La Défense). Le rythme effréné de ces Grands Projets s’est maintenu tout au long des années 90 avec l’écho retentissant du rayonnement mondial français dans les créations de Jean Nouvel (Institut du Monde Arabe et Musée du Quai Branly), ainsi qu’un parc d’une dimension assez grande à la Villette, par Bernard Tschumi. Avec leur fort pedigree et une bonne dose de radicalisme, ces projets séduisants revitalisent l’identité du pays et sont une manne pour les créateurs français.
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ATELIER JACQUELINE OSTY & ASSOCIÉS
P
PAR DANIEL ELSEA
PARC MARTIN LUTHER KING
Un parc nommé en l’honneur du héros des droits civils américain accueille un Paris où la mixité sociale et culturelle est de plus en plus forte.
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PARC DE BILLANCOURT GRAND PARC DE SAINT-OUEN
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BOIS DE BOULOGNE
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BOIS DE VINCENNES
PARC DE BILLANCOURT N
PARIS 1 LA GRANDE ARCHE DE LA DÉFENSE 2 ARC DE TRIOMPHE 3 LA TOUR EIFFEL 4 LE MUSÉE DU LOUVRE 5 C ATHÉDRALE NOTRE-DAME DE PARIS
CI-CONTRE ET EN FACE
Trois parcs parisiens : le parc Martin Luther King, dans Paris intra-muros, le parc de Billancourt et le Grand Parc de SaintOuen sont situés dans la petite couronne, qui fait depuis peu partie de la zone officiellement appelée Métropole du Grand Paris.
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GRAND PARC DE SAINT-OUEN
DOLLY HOLMES, MAP; © YANG CHEN FOR AGENCE TER, LEFT; © AGENCE TER, BOTTOM
PARC MARTIN LUTHER KING
ATELIER JACQUELINE OSTY & ASSOCIÉS
PARC MARTIN LUTHER KING
Pour un Grand Projet, le soutien prépondérant du secteur public est d’une importance cruciale. Sans cette tradition, Paris n’aurait pu s’embarquer dans les grands projets de réaménagement autour du Périphérique, l’anneau viaire qui encercle la capitale. Actuellement, ce ne sont pas moins de trois quartiers qui se développent, chacun d’eux comportant un vaste parc public en leur cœur : le Grand Parc de Saint-Ouen, le parc Martin Luther King et le parc de Billancourt, conçus par l’agence Ter ou l’Atelier Jacqueline Osty, deux noms de l’architecture paysagiste parisienne connus pour leurs projets civiques de grande envergure et dont la renommée internationale va croissant. Ter a d’ailleurs récemment remporté le concours pour transformer le Pershing Square de Los Angeles. Les parcs sont le point d’ancrage de projets de réaménagement massifs obtenus grâce à des partenariats public-privé (PPP) où des développeurs travaillent en collaboration avec l’État pour apporter au Grand Paris de nouveaux quartiers et une offre de logement considérable. Mais ce ne sont pas les PPP que vous connaissez peut-être, car ici c’est le secteur public qui détient une part majoritaire dans les moyens d’exécution. En France, l’un des P s’avère plus important que les deux autres.
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GRAND PARC DE SAINT-OUEN
PLAN 1 CHÂTEAU DE SAINT-OUEN 2 PARCELLES DE TERRAIN À CULTIVER
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1
3 ÉCOLE DE CUISINE 4 BELVÉDÈRE
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«L
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SCHÉMA DES ZONES INONDABLES
E MAIRE ET LA VILLE [ont] le pouvoir de faire ce qu’ils ont envie de faire. », explique Olivier Philippe, partenaire à l’agence Ter, qui, avec son équipe, a la charge de deux de ces parcs. En 2017, ils ont remporté le Landezine International Landscape Award (LILA) dans la catégorie « Projet » pour le plus récent, le Grand Parc de Saint-Ouen, au cœur du projet de régénération urbaine en cours de développement sur les 100 hectares de la ZAC des Docks, au nord-ouest de Paris. Saint-Ouen est l’une des plus pauvres banlieues de la capitale, une zone particulièrement mixte qui abrite des gens de plus de 140 pays. Elle fait partie d’un couloir au nord de
N
LEGEND Level 27.90 Level 28.75 Level 29.25 Level 29.75
The Cool Terrace
Greenhouse and Horticultural Promenade
Filtering Wildflower Garden Meadows
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Oak Allée
Great Lawn
Water Feature
RD1 Embankment Promenade
Riverbanks
Seine River
Island of Vannes
© AGENCE TER
ZONES INONDABLES
© YANG CHEN FOR AGENCE TER, TOP; © AGENCE TER, CENTER AND BOTTOM
la ville qui était fortement industrialisé au milieu du 20e siècle, puis a connu la désindustrialisation jusque dans les années 1980. Nombre de ces banlieues ont été secouées par des troubles sociaux, les plus récents en 2017. C’est pourquoi un nouveau PPP, Séquano, a été mis en place avec le département de Seine-Saint-Denis (en bordure nord de Paris et partie de la région du Grand Paris), qui en est l’actionnaire majoritaire. Séquano s’est emparé du site des Docks et y a lancé un vaste projet de développement urbain promettant plus de 5000 nouveaux logements et 400 000 m2 de bureaux et d’équipements publics et scolaires sur les berges de Seine.
CI-DESSUS
Le belvédère public sur le bord nord-ouest du Grand Parc de SaintOuen. À GAUCHE
Les zones inondables à la végétation généreuse sont conçues pour aider à atténuer les grosses inondations éventuelles.
COUPE TRANSVERSALE DES TERRASSES
The Cool Terrace
Château of Saint-Ouen
“Ha-Ha” Boundary that retains views
Community Gardens
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© AGENCE TER
GRAND PARC DE SAINT-OUEN
EN HAUT À GAUCHE ET EN BAS
Le parc est constitué d’une série de rubans, chacun avec son propre caractère. EN HAUT À DROITE
Des aires de jeux donnent vie au parc, situé au sein d’une des populations les plus multiculturelles de Paris.
Le projet de Ter est d’une simplicité délicieuse. Il épouse la rive du fleuve et se divise en diverses « bandes » parallèles à celui-ci. Chacune d›entre elles présente une texture différente, dont le caractère change à mesure que l›on s›approche de la ville, laissant la Seine derrière soi. Un bassin de collecte se love autour d›une grande pelouse longeant une allée piétonne qui la sépare d›une prairie, plus sauvage que la pelouse. Celle-ci nous emmène jusqu›à une zone de terres cultivables sur laquelle on peut facilement flâner vers un espace vert plus modeste, linéaire, pour enfin atteindre une surface aménagée, transition entre le parc et le quartier. Sur le côté se trouve le jardin classique réaménagé en prolongement du petit Château de Saint-Ouen, posé dans le coin nord-est du parc. Il offre un panorama sur les bandes de paysage qui se déploient devant lui. Malgré son nom prestigieux, point de Grand Palais ici — le clou du spectacle, c›est le ruban de terre arable et un peu brouillonne qui court au milieu du parc, d›est en ouest. Accueillant, simple et sans prétention, le patchwork que forment les jardins partagés donne le ton à un paysage spontané et abordable tout autant que citoyen. Un gazon touffu est parsemé de tables de pique-nique conçues par l’agence Ter qui jalonnent les petites parcelles de terrain à cultiver en plein cœur de la ville. Juste à côté se trouve un immense bâtiment, également construit avec habileté par les architectes de Ter.
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© YANG CHEN FOR AGENCE TER, TOP; © AGENCE TER, BOTTOM
CI-CONTRE
Les parcelles de terrain d’un mètre carré connaissent un franc succès.
Une cuisine y a été aménagée, qui n’est pas sans rappeler celles que l’on voit dans les émissions culinaires, pour accueillir des cours et des activités pour sensibiliser au bien-manger et à notre relation avec la terre. En harmonie avec la simplicité des jardins partagés, des chaises longues bigarrées, tout droit sorties d’un jardin de pavillon de banlieue, sont parfaitement à leur place dans le parc, éparpillées çà et là comme pour créer une vague impression de désordre. Il y a une liste d’attente pour utiliser les parcelles, qui mesurent 1 m2 chacune. Olivier Philippe note, l’air légèrement surpris, qu’elles connaissent un succès fou. Il nous assure qu’« il est rare que des légumes soient volés. » « Ici, il s’agit de bien plus que du jardinage. C’est la rencontre de l’autre, l’apprentissage de la cuisine, le partage d’expériences avec des gens venus d’ailleurs, et la découverte du vivre-ensemble. Il nous faut insister sur cette idée du vivre-ensemble, surtout dans une ville comme celle-ci, et comme beaucoup d’endroits en France. », remarque Olivier Philippe. Dans de nombreux quartiers des villes françaises, une partie de la population présente depuis plusieurs générations est gênée par la venue d›un grand nombre de nouveaux arrivants, alors des espaces comme ceux-ci qui rendent possible la découverte de l›autre et le partage sont de plus en plus utiles.
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À EN HAUT
Le parc est un point d’ancrage dans le quartier de ClichyBatignolles, un site qui connaît un vaste réaménagement aux objectifs multiples avec des milliers de logements.
À QUELQUES STATIONS DE MÉTRO de la ZAC des Docks se trouve un autre indice de cette identité cosmopolite : le parc Martin Luther King. C’est Bertrand Delanoë, maire socialiste de 2001 à 2014, qui a choisi ce nom—le parc s’appelle en fait « parc Clichy-Batignolles-Martin Luther King »— pour marquer le 40e anniversaire de la mort de ce héros des droits civils américains. Certes, le 17e arrondissement parisien est bien loin de Memphis, où il a été assassiné, mais après tout cette ville est habituée aux toponymes empruntés à des célébrités d’outre-Atlantique progressistes. Le président Franklin Roosevelt a bien donné son nom à une station de métro, une avenue, et un rond-point parisiens. La principale architecte paysagiste du parc est Jacqueline Osty, qui dirige son propre atelier depuis 1985 et a à son actif plusieurs grosses com-
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ATELIER JACQUELINE OSTY & ASSOCIÉS, TOP; VECTUEL-STUDIOSEZZ-PBA, BOTTOM
PARC MARTIN LUTHER KING
SECTION THE MOUNDS OBSERVATORY Retaining wall facing the skatepark
BIOSWALE WIND TURBINE
UN PARC POUR TOUTES LES SAISONS
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VECTUEL-STUDIOSEZZ-PBA, LEFT; ATELIER JACQUELINE OSTY & ASSOCIÉS, RIGHT TOP AND RIGHT BOTTOM
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LÉGENDE Hiver Automne Été Printemps
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CHERRY GARDEN
mandes urbaines. En 2003, elle figurait parmi les 14 paysagistes, architectes et urbanistes invités à développer un schéma directeur pour ClichyBatignolles, un vaste projet de réaménagement au nord-ouest de la capitale, également soutenu par un PPP. C’est lorsque Paris préparait sa candidature aux J.O. de 2012 que cette friche ferroviaire a été choisie pour installer le village olympique. Finalement, Londres a remporté les Jeux… et a transformé son propre site industriel abandonné en « Queen Elizabeth Olympic Park ».
CI-DESSUS
Le parc a été conçu comme une série de petites pièces en plein air. Ici, l’été et l’automne.
Mais Paris n’a pas renoncé à son projet ambitieux et a décidé de poursuivre. On a revisité les plans pour le terrain, vaste de plus de 50 hectares, pour en faire un élément permanent de la ville plutôt qu’un village olympique, avec un quartier de 3400 logements, dont de nombreux logements sociaux. À ceux-ci s’ajoutent un nouveau complexe de cinéma et un nouveau palais de justice, un
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PARC MARTIN LUTHER KING
grand bâtiment haut de 160 mètres dessiné par l’atelier de Renzo Piano (Renzo Piano Building Workshop) et qui ouvre ce mois-ci. Le schéma directeur est plutôt classique, si ce n’est, osons le dire, haussmannien. Le parc, rectiligne, se situe au milieu. Des lotissements d’une hauteur moyenne longent sagement ses bords ouest et est. Le cinéma se trouve au nord, et le quartier des Batignolles au sud. Le vaste ensemble des bâtiments présente une relative uniformité (c’est le pâté de maisons haussmannien version 21e siècle), mais leurs enveloppes sont d’un éclectisme certain qui exprime la patte des nombreuses agences d’architectes participantes telles que Odile Decq, Aires Mateus et Baumschlager Eberle, pour n’en nommer que quelques-unes. L’ouverture se fait en trois phases, la première en 2007 (4 hectares), la deuxième en 2013 (2 hectares) et la troisième sera pour 2020 (4 hectares), soit 17 années de travail pour Jacqueline Osty. EN HAUT
Plusieurs grands architectes européens ont conçu les nouveaux bâtiments qui longent le parc.
« C’est le parc qui est venu en premier. C’était très intéressant, parce qu›il a donné forme à l›architecture qui a grandi autour, littéralement. », explique la paysagiste, qui note que les bureaux de Renzo Piano ont orienté le monumental palais de justice de sorte qu’il fasse face au parc.
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N
ARNAULD DUBOYS FRESNEY, TOP; VECTUEL-STUDIOSEZZ-PBA, BOTTOM
CIRCULATION
ÉCOLOGIE DE L›EAU
BASIN A
Function: Decant
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BASIN B
Function: Introduction of favorable bacteria
WATERFALL
VECTUEL-STUDIOSEZZ-PBA, TOP; ATELIER JACQUELINE OSTY & ASSOCIÉS, BOTTOM
A C
B WATER TANK
BASIN C
Function: Decomposition
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WATERFALL
Function: Oxygenation
BASIN D
Clean Water
Malgré les grands gestes et le projet citoyen, les lieux sont intimes. La structure urbaine du réseau viaire existant se superpose au parc pour créer une série de petites pièces en plein air formant autant de morceaux de terrain, comme si plusieurs variations de la Place des Vosges s’étaient transformées en des Tuileries modernes. « Ce que nous avons essayé de faire était de conserver l’esprit du square. Nous étions très intéressés par la création de plusieurs petits parcs aux Batignolles, m’a expliqué Jacqueline Osty, plutôt qu’un seul grand parc. On peut trouver son intérêt de différentes façons, et différentes personnes y trouveront leur place. » Les allées en prolongement des rues font que le parc est facile à traverser. On trouve des belvédères plus en hauteur, qui contrastent avec des pelouses en contrebas, un skate-parc, des plans d’eau et des espaces cultivables rectangulaires. Pour les promeneurs à la recherche de pittoresque, le champ de cerisiers japonais est là… le détail préféré de notre paysagiste dans cette belle tapisserie.
À GAUCHE
Des allées en prolongement des rues autour traversent le parc.
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© Y. MARCHAND FOR AGENCE TER, TOP; © AGENCE TER, BOTTOM
PARC DE BILLANCOURT
U
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COUPE TRANSVERSALE
Existing Ground
Pierre Lefaucheux Avenue
Park limit
NE APPROCHE SIMILAIRE a été choisie pour le parc de Billancourt, où des rangées d’immeubles donnent sur un vaste parc dans un contexte urbain dont serait fier Georges Eugène Hausmann lui-même. Ici, dans la banlieue sud-ouest de BoulogneBillancourt, le site des anciennes usines Renault se transforme en une importante communauté, également soutenu par un solide PPP. Nommé l’île Seguin-Rives de Seine, il donne à la ville un tout nouveau quartier (déjà bien entamé) sur les bords du fleuve, ainsi qu’un campus culturel considérable sur une île voisine. Encore en chantier, il
Terrace
Gravel Banks
Lawn
PLAN
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CI-CONTRE
L’agence Ter a conçu tout le mobilier du parc de Billancourt. PAGE OPPOSÉE
© AGENCE TER
Le parc se situe sur une vaste friche industrielle, ancien site des usines Renault en plein réaménagement.
Sandy Swale
Garden Island
Sandy Swale
Lawn
Marshland
Park limit
laisse apparaître l’immense Cité musicale, création bulbiforme de Shigeru Ban et Jean de Gastines qui pourrait bien trouver sa place dans une ville moyenne chinoise. Si elle déçoit, le reste n’en représente pas moins un ensemble architectural impressionnant, dont un sublime groupement de tours par Dominique Perrault et d’audacieux immeubles par Foster + Partners, accompagnés de jeunes architectes parmi les plus prometteurs de France. Park Allée
« Le schéma directeur est tout ce qu’il y a de classique, c’est un aménagement très parisien. », explique Olivier Philippe, « C’est chic et agréable. »
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PARC DE BILLANCOURT
CI-CONTRE
Le parc de Billancourt est le point d’ancrage d’un vaste projet d’aménagement qui redessine l’ancien terrain industriel pour en faire un quartier propice aux familles qui ont besoin d’être proche du centre de la capitale. CI-DESSOUS
Le parc trouve sa place au sein d’un plus large paysage comprenant un système de filtration des eaux pour tout le quartier.
SCHÉMA DE GESTION DES EAUX LEGEND
FLOODING OVERFLOW
LA SEIN E
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© Y. MARCHAND FOR AGENCE TER, TOP; © AGENCE TER, BOTTOM
Clean rainwater from impervious surfaces Rainwater infiltration well Pumping station Rainwater infiltration zone Water feature Rainwater storage Swale rainwater transport Underground rainwater transport Hydrocarbon separator for runoff treatment Hydraulic link between sunken gardens
ORAGES ET NIVEAUX DES CRUES
PERMANENT WATER FEATURE
CI-CONTRE ET CI-DESSOUS
HEAVY STORM
Le parc remplit une fonction importante pour parer aux inondations dans Paris et est conçu pour absorber l’eau générée par de grandes crues.
1- TO 2-YEAR STORM
10-YEAR STORM
FLOODING
© AGENCE TER
AQUIFER INFILTRATION
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Le parc lui-même est en creux, de sorte que, le cas échéant, ce sont 20 000 m3 d’eau qui pourraient y être absorbés en cas de grosse inondation. Il est divisé en trois « îles » distinctes, chacune présentant un caractère légèrement différent afin de rompre la rigidité un peu inévitable à cette échelle. Le côté nord, sous le charme des tours Perrault, a moins d’arbres, et le côté Seine, au sud, où est préservé une partie des anciennes usines Renault, en a plus. L’effet créé est celui de deux microclimats, accentuant ainsi d’autant plus l›aspect intime des lieux. Dans le parc même, il n’y a pas d’éclairage artificiel, ce qui a contribué à favoriser la biodiversité, et à attirer une remarquaAQUIFER INFILTRATION ble faune dont des canards, des hérons et des hérissons qui y ont recréé leur habitat. Et comme le parc Martin Luther King de Jacqueline Osty, les cerisiers sont là.
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«L
ES PARCS PARISIENS sont traditionnellement disposés le long de la Seine. », explique Henri Bava, partenaire d’Olivier Philippe à l’atelier Ter, qui revenait juste de Los Angeles quand je l’ai interviewé. « Au fur et à mesure que de nouveaux quartiers sont créés dans la ville— Bercy, La Villette, Saint-Ouen—, on met des parcs en bord de Seine, et autour d’eux des nouveaux lotissements. » Ainsi, le système urbain français est un modèle remarquablement efficace, il augmente l’offre de logements et développe patiemment notre compréhension de ce qu’est Paris. Le Périphérique, qui définit depuis longtemps le périmètre parisien, n’est plus une barrière dans l’esprit des gens. Avec la création de la Métropole du Grand Paris, qui englobe des quartiers de banlieue comme Boulogne-Billancourt, les frontières mêmes de la capitale pourraient bien s’élargir. Ces parcs sont la première salve de cette expansion. Ces lieux sont le point d’ancrage de ce qui constitue une France moderne, multicolore, un peu plus multiculturelle. Plus Turenscape que parcs de poche à l’européenne, c’est l’architecture paysagiste d’un État fort. Avec les Jeux olympiques qui arrivent à grands pas (la ville les a finalement remportés pour 2024), il est peut-être temps de se rappeler qu’on aura toujours Paris. DANIEL ELSEA, DIRECTEUR CHEZ ALLIES AND MORRISON À LONDRES, ÉCRIT SUR L’ARCHITECTURE, LE PAYSAGE ET L’ART CONTEMPORAIN.
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© Y. MARCHAND FOR AGENCE TER
PARC DE BILLANCOURT
Le parc fait partie d’un vaste réaménagement sur une surface de 74 hectares qui, à terme, fournira un logement à 12 000 personnes.
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