Vue de Flandre
Bruges
TEXTE : VÉRONIQUE LAURENT
ramifie une scène culturelle et musicale avide d’expérimentations. Entre paradoxes et interconnections, contours des dynamiques à l’œuvre dans le pas si plat paysage brugeois.
©DR
Les touristes s’y rendent en masse : Bruges et la beauté de ses pignons décoratifs, le calme de ses canaux… Mais à la périphérie du centre historique ou derrière l’uniformité de ses façades se
Une ville-musée qui regorge pourtant de lieux et d'artistes avides d'expérimentations.
S
i la ville classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco semble figée dans le passé, elle offre aux lisières de plus ou moins petites enclaves créatrices. « Capitale du conservatisme flamand, Bruges présente un noyau central très monofonctionnel dirigé vers la consommation touristique. Autour et en dessous se développe pourtant une scène vivante, qui bruisse et croît », observe Rolf Quaghebeur, le directeur général du centre d’art multidisciplinaire KAAP. À la tête duquel l’homme est arrivé il y atrois ans, au moment de la fusion de la structure ostendaise Vrijstaat O. avec le label de jazz historique brugeois De Werf. Le rayon d’action de KAAP, des arts visuels à la musique en passant par la littérature et les arts de la scène, se déploie désormais dans les deux cités mais la “nouvelle” structure reste encore associée à la côte. « KAAP, c’est Ostende ! », s’exclament Cédric Verstraete et Jesse Gryson, les gars à l’initiative de Cherry Pickers Record Store, une adresse combinant vente de vinyles et coffeebar. Rolf Quaghebeur décrit quant à lui plutôt KAAP en situation « de contradiction interne, parce que Bruges et Ostende sont des villes totalement différentes, voisines géographiquement, reliées par une haute fréquentation touristique mais pas le même type de tourisme… » Il préfère en faire un atout, attirant parfois jusqu’à Bruges des artistes internationaux grâce à la salle ostendaise de KAAP située dans les Galeries Royales. Côté brugeois, KAAP se porte garant de l’héritage de De Werf, un label de jazz important en Belgique fondé en 1993. Jusqu’à présent, De Werf s’exprime dans un club à jauge assez réduite, juste à l’extérieur de la ville, et le but est de revenir de la marge vers le centre. Comment ? Par la transformation, l’année prochaine, de bureaux et de deux petits studios de répétition situés dans un
Larsen
Septembre, octobre 2021
quartier historique et qui devraient alors devenir un pôle artistique de la ville. C’est en tout cas ce qu’espère une coalition d’acteurs réunis sous le nom de Punt 365, en piqûre de rappel de l’engagement “numéro 365” inscrit au programme du conseil communal : la création d’espaces artistiques. KAAP – De Werf fait partie d’une petite coalition résistante, avec De Republiek, un lieu hyperkinétique et catalyseur de rencontres urbaines (café-brasserie, cinéma, artisanat, food lab, concerts, etc.) ainsi qu’avec le centre culturel pour jeunes artistes locaux, Het Entrepot. Ce havre créatif crèche en bordure de ville à côté d’un skatepark et d’un poste de police, « ce qui n’enlève rien à la qualité du travail réalisé mais interroge le type d’art toléré à l’intérieur de la ville », commente Rolf Quaghebeur. Pour une petite cité (environ 120.000 habitants), poursuit l’éloquent directeur, « Bruges possède un nombre relativement important d’infrastructures culturelles ». La plus emblématique : le Concertgebouw, vaisseau contemporain iconique amarré depuis 20 ans en bordure du centre et figure de proue, notamment, d’une scène jazz et de musiques anciennes. Ce qui n’empêche pas l’institution de tabler sur l’innovation, en produisant des concerts et des spectacles de danse. Une des artistes en résidence ? Aurélie Nyirabikali Lierman, adepte d’expérimentation électro brassant les cultures. C’est aussi ici que se déroulent les événements phares du Ma Festival (Musica Antiqua), en août, initialement une compétition de musiques antiques aujourd’hui série de concerts pointus ralliant les amateurs européens. Et à la mi-novembre, tous les deux ans, c’est le Jazz Brugge, en collaboration avec De Werf, qui met en avant un jazz surfant avec les limites, à nouveau, puisque souvent mixé à d’autres influences, stylistiques ou géographiques.
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