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Distribué avec

Plissetskaïa fait briller les étoiles La légende du ballet russe s’offre un spectacle de gala pour fêter ses 85 ans. P. 12

En défaut d’intimité La photographe Françoise Huguier dévoile la réalité crue des logements communautaires russes.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 17 novembre 2010

Droits de l’homme Entretien exclusif avec le conseiller présidentiel pour les droits de l’homme

Réveil écolo

La chasse aux vieux démons AP

L’agression barbare d’un journaliste en plein centre de Moscou, le 5 novembre dernier, met le principal défenseur des droits de l’homme dans une situation délicate alors qu’il vient à peine d’entrer en fonction. Mikhaïl Fedotov venait juste de remporter ses deux premières victoires : l’autorisation d’un meeting de l’opposition au cœur de la capitale, et le veto opposé par le Président Dmitri Medvedev aux amendements durcissant la loi sur les manifestations. Un score honorable immédiatement assombri par l’attaque contre Oleg Kachine. Ce journaliste du quotidien Kommersant a eu les doigts mutilés, comme pour l’empêcher d’écrire. La capacité de Fedotov à mobiliser les autorités pour des résultats rapides sur l’enquête sera un élément clé pour juger de son efficacité. Dans un entretien avec La Russie d’Aujourd’hui, l’ombudsman du Président dévoile ses projets. LIRE EN PAGE 3

RACHEL MORARJEE

BUSINESS NEW EUROPE

L’activiste Vladimir Milov manifeste : « J’exige que soient retrouvés les exécutants et les commanditaires de l’agression d’Oleg Kachine ».

Mode de vie Reportage en Sibérie auprès d’ex-citadins qui ont voulu changer d’air, pour de bon !

Fuir la ville et renaître à la campagne Un nombre croissant de familles russes opte pour un retour au mode de vie traditionnel, plus proche de la nature. Mais les habitudes consuméristes ne sont pas toujours faciles à perdre. ANNA NEMTSOVA

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Jenia, médecin, travaillait jadis à l’Institut médical de Novossibirsk, un centre de recherche prestigieux. Il y a trois ans, son mari, pianiste, lui a parlé d’un groupe d’écologistes qui vivent de la terre à 75 km au nord de Novossibirsk, sur les bords de l’Ob. « J’ai bien ri en écoutant son conte de fées, mais il m’a dit qu’il m’emmènerait voir de mes propres yeux. Et c’est comme ça

La Russie gaspille chaque année autant d’énergie qu’il en faut pour faire tourner l’économie française. La situation devrait changer car le Kremlin a enfin compris l’étendue du problème.

que nous sommes arrivés ici... pour y rester », se souvient-elle. Jenia, son mari et leurs deux filles de sept et huit ans vivent désormais avec les 51 familles de la commune baptisée Terre d’abondance, dont les membres ont entre un et 91 ans. Des communautés de « colons » surgissent dans les coins les plus reculés du pays, dont la Sibérie, attirant des milliers de Russes en quête d’une vie autonome et respectueuse de l’environnement. Le nombre d’ « éco-communes », comme on les appelle, a drastiquement augmenté en dix ans. Ce mouvement de retour à la terre attire ceux qui se sont lassés des villes polluées et du consumérisme effréné qui règne en milieu urbain.

ANNA NEMTSOVA

Jenia, grande et élancée, travaille en chantant toute la journée, range des choux sur sa véranda, remplit de miel des bocaux pour l’hiver et peint des œufs avec ses filles. « Depuis que nous avons déménagé ici, mon nouvel intérêt pour l’art, le chant, la science et l’agriculture me tire du lit tous les matins », dit-elle. Les aspirations d’activistes comme Jenia ne plaisent pas à tout le monde. L’Église orthodoxe russe voit dans ces communes des sectes qui vénèrent de faux dieux. Et certaines autorités locales contestent les velléités de diverses communautés visant à devenir propriétaires des terres qu’elles occupent.

Le retour à la nature attire de plus en plus de jeunes citadins.

SUITE EN PAGE 7

Des sous pour le diamant russe

Le vin français trinque

Roms abandonnés

Le monopole Alrosa est à la recherche de financements, y compris étrangers, pour stimuler sa production.

Ses ventes pâtissent du prix prohibitif proposé aux consommateurs russes, sans parler du dynamisme de la concurrence.

Délaissés par les pouvoirs publics russes, minés par la criminalité et la discrimination, ils peinent à s’adapter à la vie moderne. Reportage dans un humble village de Roms.

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Le 21 octobre, le gouvernement russe a approuvé un programme d’efficacité énergétique de 9,532 trillions de roubles qui devrait révolutionner le système de fonctionnement des usines et bâtiments conçus à l’époque soviétiques. Est-ce trop peu, trop tard ? La Russie s’embarque-telle dans une véritable révolution de l’énergie verte ? « Le vent politique a tourné au sommet et le constat selon lequel le climat est véritablement en train de changer fait l’objet d’un consensus croissant. Il y a aussi la volonté de construire une économie plus efficace », considère Kevin James de Climate Change Capital, basé à Londres. L’expert ajoute qu’après les feux de forêt de l’été dernier, les pouvoirs publics ont compris que le changement climatique n’était pas une évolution positive pour la Russie - bien que le Premier ministre Vladimir Poutine ait, dans le passé, plaisanté sur le réchauffement planétaire, qui « permettra aux Russes de faire des économies sur l’achat des manteaux de fourrure ». SUITE EN PAGE 6

DÉBATS ET OPINIONS

Rapprochement OTAN-Russie Dmitri Medvedev va se rendre à Lisbonne pour le prochain sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Un geste fort préfaçant une coopération plus étroite de la Russie. Le politologue Dmitri Trenine définit quatre axes conduisant à un véritable rapprochement, parmi lesquels la formation conjointe des élites militaires. PAGE 8

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International

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Géopolitique Les nouvelles réalités économiques et diplomatiques réorientent les priorités européennes en faveur de la Russie

L’axe Paris-Berlin-Moscou relancé RUSSIAN LOOK

Français et Allemands misent sur un marché russe en passe de devenir le plus vaste d’Europe. L’heure n’est plus aux leçons en matière de démocratie, de droits de l’homme ou de bonne gouvernance économique.

Une vieille idée

BEN ARIS

BUSINESS NEW EUROPE

L’Europe a brusquement changé d’attitude à l’égard de la Russie, sa politique faisant apparaître un nouvel axe Paris-Berlin-Moscou. De son côté, le président russe Dmitri Medvedev s’efforce sans relâche de convaincre les dirigeants européens qu’il fait tout pour améliorer le climat d’investissement en Russie. Pourtant, n’oublions pas qu’il y a trois ans à Munich, le président de l’époque Vladimir Poutine lançait un avertissement en forme d’ultimatum, appelant fermement les Européens à cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Russie, au risque de voir le Kremlin se tourner vers de nouveaux amis. Mais la crise économique a tout chamboulé. Avant qu’une tempête financière ne balaie le globe à l’automne 2008, les pays riches pouvaient se permettre d’avoir de grands idéaux. Aujourd’hui, ces mêmes pays font face à des dettes et des déficits colossaux. Leur principal objectif ? Maintenir une économie en marche, et à cet égard, le marché russe offre de belles possibilités pour les entreprises en quête de plus-value. L’Allemagne fait exception à la règle. L’ancien chancelier allemand Gerhard Shroeder a passé une grande partie de la dernière décennie à courtiser ouvertement la Russie. Ce qui, au passage, lui a permis de se reconvertir dans une fonction à la hauteur de ses ambitions : l’ex-chancelier est désormais à la tête du projet de gazoduc Nord Stream pour le comp-

Voir la vidéo sur larussiedaujourdhui.fr

Le sommet de Deauville, en octobre dernier, a confirmé la renaissance de l’axe Paris-Berlin-Moscou.

te du géant gazier russe Gazprom. Une aubaine pour son pays, puisque le gazoduc aboutit sur la côte allemande via la mer Baltique, conférant ainsi à Berlin le rôle de pivot en matière de politique énergétique européenne. Dès 2005, la nouvelle chancelière Angela Merkel choisit de se démarquer de son prédécesseur, en effectuant sa première visite à l’étranger en Pologne. Un pied de nez remarqué à la Russie. Les relations se sont pourtant récemment améliorées, la chancelière souhaitant appuyer les entreprises allemandes sur ce nouveau marché européen en

pleine expansion. Une politique soutenue par l’élite allemande. « Selon un vieux dicton allemand, ‘la Russie n’est jamais aussi forte qu’elle n’y paraît. Mais elle n’est jamais aussi faible qu’elle n’y paraît’ », écrivait l’ex-ministre de l’Économie Wolfgang Clément en octobre dernier dans The Moscow Times. « La relation Allemagne-UE-Russie se résume en quelques mots : nous dépendons les uns des autres ».

Atteindre les sommets

Mi-octobre, le président allemand Christian Wulff s’est rendu en visite d’État à Moscou, accueilli

Ex-URSS Moscou mise sur le Kazakhstan et le Belarus à la fois

Le duo infernal remplacé par un trio bon enfant

REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

L’État commun au Belarus et à la Russie ne fait plus du tout illusion.

Vladimir Poutine a manifesté à la mi-octobre sa lassitude face à l’inertie de l’union interétatique Russie-Belarus. La priorité régionale va désormais à l’union douanière avec Astana et Minsk. ANDREÏ KOLESNIKOV KOMMERSANT

Après une réunion de trois heures de l’Union douanière Belarus-Kazakhstan-Russie le 15 octobre, il ne restait plus rien de

l’État de l’Union entre la Russie et le Belarus, tandis que le futur de l’espace économique commun aux trois pays s’est précisé. Une fois par semestre, le Premier ministre russe Vladimir Poutine rencontre son homologue biélorusse Sergueï Sidorski pour évoquer l’ État de l’Union. Une fois par semestre, tous deux font talentueusement semblant qu’un État unique réel existe, avec sa charte et son budget.

La réunion du 15 octobre n’a pas traîné et les vingt questions à l’ordre du jour ont été vite réglées. Une demi-heure plus tard, les participants ont changé de salle pour rejoindre le Premier ministre du Kazakhstan, Karim Massimov. Poutine a lancé la discussion sur les contrats gaziers en annonçant que la Russie fixerait d’ici à 2015 des prix à revenus égaux pour le gaz vendu à l’intérieur et à l’extérieur du pays. « Que faire de nos partenaires biélorusses pendant la période de 2012 à 2015 ? », s’est interrogé Poutine. « Nous nous sommes mis d’accord : c’est l’affaire des entreprises, et j’ai demandé à Gazprom de régler la question ». Les tuiles vont ainsi continuer à pleuvoir jusqu’en 2015 sur la tête du président biélorusse Alexandre Loukachenko. Poutine s’est déclaré favorable à la création d’une monnaie commune avec le Belarus, assortie d’un centre d’émission commun. Mais pas question d’une Banque centrale avec un capital à parts égales entre Russes et Biélorusses. « Les économies russe et biélorusse sont de taille différente », a noté le chef du gouvernement russe. « Celle du Belarus représente 3% de celle de la Russie. Ce serait injuste que la Banque centrale soit formée à parité ! » Soit. Il se peut qu’un espace économique unique soit créé. Mais l’État de l’Union du Belarus et de la Russie n’a jamais existé et ne verra jamais le jour.

avec les honneurs militaires et les dîners de gala des grandes circonstances, illustration probante de l’intensification des liens entre les deux pays. « Près de 6 500 entreprises allemandes sont implantées en Russie et nombre d’entre elles ont l’intention de poursuivre leur développement », a notamment déclaré le président allemand. Guidé par un élan de modernisation qui nécessite des investissements et des transferts de technologies étrangers, le Kremlin a retourné le compliment à l’Allemagne: « Nous avons un important volume d’investissements al-

Le sommet de Deauville le mois dernier a relancé l’idée, déja ancienne, de l’axe Paris-Berlin-Moscou qui était loin jusqu’à présent de recueillir l’assentiment de Washington et de Londres. Lors du sommet Eltsine-Chirac-Schroeder à la fin des années 90, il avait été question d’une autoroute et d’une voie ferrée rapide LondresParis-Berlin-Varsovie-Moscou-Ekaterinbourg, l’inclusion de la capitale britannique reflétant le souci de ne pas froisser le pôle LondresWashington. La réponse des hyper-atlantistes se traduisit par une campagne de presse et de communication dénigrant l’axe Paris-Berlin-Moscou. Les temps ont en apparence changé puisque les trois dirigeants actuels, pourtant considérés comme plus atlantistes que leurs prédécesseurs, n’ont pas cherché à ménager les susceptibilités britaniques. Il est vrai qu’Anglais et Américains sont focalisés sur leur situation intérieure respective. Mais le projet de coopération militaire franco-britannique récemment annoncé montre que Londres n’est pas écartée.

lemands accumulés dans notre économie, près de 16,5 milliards d’euros. Au premier semestre 2010, nous avons enregistré une croissance d’environ 4,3 milliards d’euros », a déclaré le Premier ministre Vladimir Poutine, lors de sa rencontre avec le président allemand. Le chiffre cité représente un peu plus d’un sixième du total des investissements en Russie. La France a été plus lente à suivre. En matière d’investissements, la ministre des Finances Christine Lagarde tient fermement les rênes. Elle a par ailleurs effectué sa troisième visite de l’année à

EN BREF

Pacifique Îles Kouriles

La visite qui a fâché Tokyo La récente visite de Dmitri Medvedev a ravivé les tensions diplomatiques avec le Japon qui a rappelé son ambassadeur à Moscou. YEVGENY VOROTNIKOV

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La réaction du gouvernement japonais à la visite du président russe dans les Kouriles était prévisible, contrairement à ce qu’ont affirmé certains experts et hommes politiques à Moscou. Cette réaction découle de la politique actuelle mise en œuvre par le Parti démocratique et son leader Naoto Kan. Arrivé au pouvoir cette année, le nouveau Premier ministre s’emploie à traiter les problèmes économiques du pays. Or les îles Kouriles pourraient lui en offrir une solution. Outre la réparation de préjudices historiques, le « droit au retour » des îles, rattachées à l’URSS par le Traité de paix de San Francisco de 1951, le Japon ne perd pas de vue l’accès possible aux ressources naturelles dans le sud de l’archipel des Kouriles. Selon certaines estimations, le sud des îles Kouriles est riche en pétrole, magnésium, rhénium,

Moscou en octobre dernier. S’exprimant à la veille des réunions annuelles du Fonds monétaire international, et juste avant la présidence française des G8 et G20, Christine Lagarde a tenu à flatter les oreilles russes. « La politique monétaire dans le monde a changé. Elle n’est plus unilatérale ou bilatérale, elle est multilatérale. Et nous devons être multilatéraux, multidimensionnels », a souligné la ministre, ajoutant que les investissements français en Russie venaient pour la première fois de dépasser ceux des États-Unis. Si des doutes subsistaient encore quant à l’engagement de la France et de l’Allemagne en faveur d’un partenariat renforcé avec la Russie, le sommet tripartite de Deauville entre Sarkozy, Merkel et Medvedev les a balayés fin octobre. Les dirigeants allemand et français ont promis de faire tout leur possible pour accélérer la mise en place d’un régime sans visas pour les voyageurs russes, dans les pays respectifs. De son côté, la Russie a vigoureusement fait pression pour obtenir l’abolition des visas, un point figurant parmi les priorités de la population russe en matière de politique étrangère. Au cours des pourparlers à Deauville, une source élyséenne en a clairement résumé l’enjeu, en avouant que « la Russie souhaite assouplir les exigences en matière de visas, tandis que les pays de l’Union europénne aspirent à un meilleur accès au gaz et à l’économie russes ». Des propos confirmés par Angela Merkel qui appelle à la mise en place rapide d’un traité russo-européen servant de cadre à un projet d’abolition des visas entre l’UE et la Russie, à un moment où l’Allemagne et la France ont pris un virage très prononcé à droite en matière d’immigration.

titane, soufre, ainsi qu’en or, argent et pierres précieuses. Sans compter que le retour des îles Kouriles serait vécu comme un immense victoire diplomatique. La chute de l’URSS est considérée par de nombreux politiques japonais comme une défaite de la Russie, leur allouant le droit de réanimer des disputes territoriales. « Depuis plus de 50 ans, Tokyo argue que le traité de paix entre la Russie et le Japon n’a toujours pas été signé depuis la Seconde Guerre mondiale, et ne le sera pas tant que la Russie ne cédera pas ses « territoires autochtones », [nom des îles Kouriles au Japon] », estime l’expert en géopolitique Sergueï Mossolikov. Moscou a réagi calmement mais en rejetant toute revendication territoriale. La Russie cherche à trouver un compromis. En 2005, elle avait proposé de rendre deux des quatre îles Kouriles, alternative finalement rejetée par Tokyo. Le Kremlin se rassure en pariant sur le fait que ce conflit n’aura pas de conséquences graves sur les relations économiques des deux pays, tirées notamment par l’exploitation conjointe de gaz et de pétrole en Sibérie orientale.

Les régions prennent l’initiative Les 26 et 27 novembre, réunion à Strasbourg des représentants de près de 70 collectivités territoriales russes et françaises pour envisager ensemble les voies possibles de l’innovation via une coopération interrégionale directe. Les débats couvriront un large ensemble de domaines, comme la culture, les sciences et l’économie. Il s’agit d’une opération décentralisée, même si les États nationaux apportent un appui logistique à l’affaire.

Jubilé dans la diaspora russe Principal groupement de la diaspora russe, l’Association Russe d’Entraide inter-Professionnelle fête cette année son trentième anniversaire. La célébration officielle s’est tenue le 15 octobre dans les salons d’honneur de l’Hôtel deVille de Paris. « L’association compte 850 membres. Elle est devenue un réseau européen qui sert de maillon entre les générations et les émigrés des différentes vagues », commente son actuel président, Michel Lebedeff. Plus qu’un cercle d’amis, l’AREP est une organisation diversifiée de professionnels russophones.


Société

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

alexandr vayshtein_kommersant

Boris Nemtsov, un des leaders de l’opposition, participe à la première manifestation dite du « 31 » autorisée par le Kremlin.

Criminalité Encore un journaliste agressé

L’affaire Kachine met les autorités au pied du mur Oleg Kachine vient s’ajouter à la longue liste des journalistes agressés ou tués en Russie ces dernières années, sans que les enquêtes n’aient jamais abouti. Veronika Dorman

spécialement pour La russie d’aujourd’hui

Entretien la mission du conseiller présidentiel aux droits de l’homme

Construire un pont entre le pouvoir et l’opposition (Entretien réalisé juste avant l’autorisation des meetings du 31 octobre).

serge golovach

Quand un haut fonctionnaire prend son poste, on lui fixe une période dite des « cent jours », au terme de laquelle on procède à une première évaluation de son travail. Qu’espérez vous accomplir durant cette période ? Si je parviens à mettre fin aux violences de la place Trioumfalnaïa, où les opposants se font tabasser par la police, ce sera un grand succès. Nos défenseurs des droits de l’Homme et l’opposition demandent le permis de manifester sur cette place moscovite le 31 des mois qui en ont [en vertu de l’article 31 de la Constitution qui donne le droit de manifester, ndlr], mais les autorités municipales refusent systématiquement. J’espère arriver à sortir de cette impasse. Selon un dicton russe, nos principaux problèmes, ce sont les imbéciles et les routes. Cette formule répond aux deux questions classiques de notre histoire : « À qui la faute ? » et « Que faire ? ». À qui la faute ? Aux imbéciles. Que faire ? Des routes. Notre tâche principale, les cent premiers jours et les suivants, c’est de transformer les culs-de-sacs

Mikhaïl Fedotov

Le 12 octobre, Dmitri Medvedev a nommé Mikhaïl Fedotov à la tête du Conseil d’assistance au développement des institutions de la société civile et des droits de l’homme auprès du Président.

en routes. En ce qui concerne les meetings de l’opposition, nous sommes dans une impasse qui doit devenir une route de compréhension mutuelle entre la société et le pouvoir. Nous avons aussi défini les trois questions les plus urgentes à présenter au Président : la politique d’État concernant les enfants, la maternité et l’enfance ; les réformes de la justice et de la police ; enfin, la déstalinisation. Ce qu’on appelle « la déstalinisation de la

conscience publique » est en fait un vaste champ qui couvre tous les problèmes d’élimination des vestiges et des stéréotypes comportementaux typiques d’ un régime totalitaire.

des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. On pense tout de suite à Khlebnikov, Politkovskaïa. Comment assurer la sécurité des journalistes ? Jusqu’à peu, j’ai occupé le poste de directeur du Centre du journalisme en situations extrêmes au sein de l’Union des journalistes de Russie. En cette qualité, je traitais tous les cas d’agression, de persécution, de licenciements et d’autres affaires de violation des droits dans le domaine de la presse. Malheureusement, c’est vrai que les enquêtes sur les assassinats de journalistes sont très mal menées, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une mauvaise volonté des autorités. Les crimes de ce type sont en général très embrouillés, difficiles à élucider, et même si les autorités voulaient à tout prix les résoudre, elles ne pourraient pas faire grand-chose. C’est impossible aujourd’hui. Et puis nos policiers ne savent plus travailler, tout simplement. Ils ne se donnent de la peine qu’à partir du moment où il y a une rétribution matérielle à la clé.

Quels indices vous permettront de comprendre que votre programme de déstalinisation fonctionne bien ? Nous n’avons pas de projets, du moins dans l’immédiat, de renommer les rues, déboulonner des statues, détruire les symboles du passé totalitaire. Au contraire, nous voulons commencer par construire et non par détruire. Nous voulons bâtir la mémoire des victimes du régime totalitaire, leur élever des monuments, créer des musées, nous voulons que des rues portent leur nom. Tout cela est très utile pour éduquer la société en général, et la jeunesse en particulier. Les jeunes doivent connaître la vérité sur leur passé. Et en fonction des résultats des sondages, nous verrons si notre programme fonctionne ou non et si nous devons continuer dans la même direction.

C’est-à-dire que cela dépasse le cas des seuls journalistes ? C’est une caractéristique de nos forces de l’ordre ? Oui, c’est une caractéristique générale. J’ai des exemples d’officiers qui proposent de ne retrouver le coupable qu’en échange de telle ou telle somme. C’est le degré ultime de la dégradation de notre système d’ordre public. Mais la corruption ne touche pas que cette sphère-là. Elle dévore l’État tout entier. C’est le plus gros problème de la Russie actuelle.

La presse occidentale rappelle sans cesse que la Russie est l’un

Propos recueillis par Eugene Abov

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Une semaine après s’être fait violemment tabasser en bas de chez lui, Oleg Kachine, les mains mutilées et le crâne fracturé, a été tiré d’un coma artificiel. Pendant les jours qui ont suivi l’agression, des collègues journalistes, quelques hommes politiques et de rares sympathisants se sont relayés en permanence devant la préfecture centrale de Moscou. Espacés de cinq mètres - la loi russe autorise le « piquet solitaire » - ils brandissaient des pancartes exigeant que soient retrouvés les commanditaires de l’attaque. Vladimir Ryjkov, une figure de l’opposition, rentre la tête dans les épaules pour se protéger d’un vent mordant : « Nous sommes ici pour défendre Oleg Kachine, nous défendre nousmêmes et tous les citoyens russes. Cela aurait pu arriver à n’importe qui d’entre nous ». Dmitri Medvedev a immédiatement réagi, déclarant que « ceux qui sont impliqués dans ce crime seront punis quels que soient leur statut, leur position dans la société ou leurs mérites s’ils en ont », sous-entendant qu’il pourrait s’agir d’hommes de pouvoir ou d’influence et que, pour la première fois, ce ne serait pas un obstacle à l’enquête. Mais les sceptiques ne manquent pas. « C’est une réaction normale, humaine, et nous la saluons », commente Ilia Barabanov, directeur adjoint de l’hebdomadaire d’opposition The New Times. « Mais l’histoire nous montre que ces bonnes intentions ne se traduisent jamais dans les faits. En 20 ans, aucun commanditaire d’un assassinat ou d’une agression de journaliste n’a été puni ». Mikhaïl Fedotov, le conseiller des droits de l’homme auprès du président russe, est lui-même très prudent. « C’est un crime difficile à élucider. Pour établir l’identité des commanditaires, il faut déterminer à qui profite le crime ». Pour l’heure, les enquêteurs se sont mis d’accord sur le motif : l’activité professionnelle et l’engagement civique du journaliste.

Trois pistes se dégagent a priori. La méthode d’intimidation ressemble à celle employée à l’égard des combattants actifs contre la construction d’une autoroute à travers la forêt de Khimki : le journaliste Mikhaïl Beketov, battu et devenu estropié en 2008, et le militant de l’opposition Konstantin Fedotov, tabassé à coups de batte de baseball à peine 24 heures avant l’agression de Kachine. Seconde hypothèse : Oleg Kachine avait refusé de présenter ses excuses au gouverneur de Pskov, Andrei Tourtchak, qu’il avait insulté dans son blogue. Enfin, le site du mouvement de jeunesse proKremlin « Molodaïa Gvardia » a qualifié Kachine de « traître » et publié sa photo scellée d’un « sera puni » menaçant. La violence contre les journalistes est très fréquente en Russie. Plus de 300 d’entre eux ont été tués depuis la chute de l’URSS en 1991, a affirmé le président de l’Union des journalist e s , V s e v o l o d B o g d a n o v.

« Statistiquement, un assassinat de journaliste sur dix fait l’objet d’une véritable enquête » « Un assassinat de journaliste sur dix fait l’objet d’une véritable enquête », s’indigne Ryjkov. Malgré la résonance internationale de l’affaire, le meurtre d’Anna Politkovskaïa, en 2006, n’a toujours pas été élucidé. Pour l’heure, un sentiment de colère domine parmi les journalistes russes, décidés à ne pas lâcher la garde tant que l’enquête n’a pas prouvé son efficacité. En attendant, les amis et collègues d’Oleg Kachine se plaignent de l’incurie des enquêteurs ignorant tout de la victime au moment de commencer les interrogatoires. Novaïa Gazeta, le principal journal d’opposition, s’est indigné du fait que la vidéo de surveillance ayant capté l’agression circule sur Internet : impossible d’y reconnaître les agresseurs, les voilà rassurés. Et pour parfaire le tableau, une dirigeante de l’organisation de jeunesse « Nachi » (pro-Kremlin) a cru bon de conseiller aux journalistes souhaitant garantir leur sécurité « de ne plus donner de raisons de se faire tuer ».

Handicap Reportage sur une jeune handicapée qui se heurte aux barrières de l’invalidité dans la vie professionnelle russe

Le combat d’Evelina pour travailler normalement L’intégration des personnes handicapées dans la société russe reste très difficile malgré des progrès récents. Ben Aris

Business new europe

Allongée sur son lit, dans un appartement moscovite qu’elle partage avec sa mère et sa sœur cadette, Evelina Matveeva surfe sur le net tout en discutant au téléphone. Née à Grozny, elle a passé la plupart de sa vie alitée, depuis qu’une balle a traversé son torse il y a quinze ans, effleurant le cœur et brisant sa colonne vertébrale. C’était en janvier 1995, au début de la première guerre de Tchétchénie. Alors âgée de onze ans,

Evelina se promenait sur un chemin lorsqu’elle s’est retrouvée au beau milieu d’un échange de tirs entre les forces fédérales russes et les rebelles tchétchènes. Une balle perdue a tout fait basculer. Evelina a perdu la motricité de toute la partie inférieure de son corps. Pourtant, elle s’estime chanceuse, car elle fut immédiatement transportée par hélicoptère à un hôpital où, durant deux jours, les médecins luttèrent pour la sauver. Une fois sa vie hors de danger, elle fut transférée à Moscou et ce fut le début d’une interminable convalescence. Plus d’un million d’enfants russes sont affligés de handicaps et le pays manque cruellement de services spécialisés. Nombreux

sont ces enfants qui n’atteignent pas l’âge adulte. Grâce à des aides diverses, la famille d’Evelina s’est installée à Moscou. Iossif Kobzon, une vedette de la chanson soviétique, lui a fait un don de 15 000 euros. Mais l’argent manque. Evelina reçoit une pension de 238 euros et travaille à temps partiel dans une clinique de réhabilitation pour un salaire minuscule. Obtenir un emploi à temps plein relève du rêve, tant la discrimination envers les handicapés est forte. « En Occident, si l’on a perdu l’usage de ses jambes, on est considéré comme une personne malgré tout », explique Evelina. « Ici, on est juste un malade, point final ».

ben aris

Evelina Matveeva à droite et son amie Ioulia Bessonova à gauche.

La meilleure amie d’Evelina s’appelle Ioulia Bessonova. Elle est également dans un fauteuil roulant, et a partagé sa chambre avec Evelina lorsqu’elle était adolescente. Aujourd’hui, elle est professeur d’anglais. Ioulia a eu la chance non seulement de trouver un emploi, mais aussi de bénéficier d’un ascenseur dans l’école, pour se rendre à sa salle de classe. Les deux jeunes femmes ont pu mettre assez d’argent de côté pour se payer une voiture aménagée. Evelina reste prudemment optimiste sur son avenir : « Tout dépend des autres. Ils faut qu’ils réalisent qu’il est possible de travailler malgré un handicap ».


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Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Temps difficiles pour le diamant russe

REUTERS/VOSTOCK-PHOTO (2)

industrie minière Alrosa, en situation de monopole en Russie, contraint de faire appel à des capitaux extérieurs

Diamants bruts provenant des gisements de Iakoutie.

AUX CONFINS Avec une superficie de 3,1 millions de kilomètres carrés, la Iakoutie représente près du cinquième de l’ensemble du territoire russe. Un climat particulièrement froid (température moyenne de -40 °C en janvier dans la capitale régionale Iakoutsk) et l’éloignement des grands centres de peuplement ont limité son développement. La région a une population de 950 000 habitants. Sur la photo : la mine de Mirny, située en Sibérie orientale.

SVETLANA SOROKINA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le vieillissement des installations minières, une politique opaque et un programme social de grande envergure ont plongé Alrosa dans un goulot financier alors que s’imposent de gros investissements. Le 7 octobre dernier, les législateurs de la république de Sakha (Iakoutie) en Sibérie orientale, détenteurs d’environ 40% du monopole diamantaire, ont autorisé le géant public russe à s’ouvrir aux investisseurs privés. La société a déjà changé de statut juridique, et prévoit de vendre entre 20-25% de ses actions l’année prochaine, en vue de recueillir les fonds qui lui font défaut.

ILS L’ONT DIT

Yegor Borisov

"

Il faut diversifier la production et promouvoir d’autres types d’activités. En introduisant l’entreprise sur les marchés financiers, on créera de nouveaux emplois et on obtiendra une plus grande efficacité ». PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE IAKOUTIE

Sergei Goryianov

"

La société a besoin de financements pour un projet de mines souterraines, car les exploitations existantes sont proches de l’épuisement. Cela apportera de la transparence et attirera les investisseurs ». EXPERT CHEZ ROUGH & POLISHED

Globalement, la compagnie minière a du mal à faire face à la demande croissante issue des pays émergents. Or Alrosa a besoin d’investissements urgents pour devancer l’épuisement. L’extraction et la vente de diamants sont une activité des plus rentables, mais depuis juin, le groupe a accumulé des dettes s’élevant à plus de 2,6 milliards d’euros, et nécessite des financements supplémentaires à hauteur de 1,3 milliards d’euros d’ici à 2012, assurent les spécialistes. Et le coût des investissements continue de grimper. Alrosa exploite la mine de Mirny, énorme fosse à ciel ouvert située dans les vastes étendues gelées de la République de Sakha. Avec pas moins de 525 mètres de profondeur et 1,25 km de diamètre, la plus grande mine du monde continue de se creuser, risquant de provoquer, à terme, un effondrement des parois. Compte tenu de cette

Distribution électrique Acquisition de 50% d’Electroshield-TM

Schneider Electric

s’implante à Samara Présent depuis plusieurs décennies en Russie, le fabricant français de matériel électrique renforce ses positions sur un marché en pleine croissance. PAUL DUVERNET

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le groupe français a signé fin octobre un accord pour le rachat de 50% d’Electroshield-TM Samara, le leader russe des équipements de moyenne et basse tension. Schneider a déboursé 265 millions d’euros pour satisfaire son ambition, qui est de s’affirmer comme le « numéro un du marché en pleine croissance de la moyenne tension en Russie », dixit un communiqué de presse. À terme, le français compte bien

acquérir la totalité du capital d’Electroshield-TM dans des conditions financières identiques. Il lui faut pour cela obtenir au préalable l’aval du régulateur russe, l’agence fédérale anti-monopole. L’opération s’inscrit en outre dans la stratégie globale de Schneider Electric, qui est de rester le leader mondial dans le segment de la moyenne tension. Emmanuel Babeau, directeur financier du groupe, estime que « cette transaction répond à notre ambition de croissance dans les nouvelles économies, comme l’Inde, le Brésil et la Russie, et de renforcer notre activité de moyenne tension ». Il s’agit de saisir la croissance où elle se trouve, en particulier dans les pays émer-

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gents. La Russie, qui connaît d’énormes besoins en matière de construction et d’amélioration de l’efficacité énergétique, représente une cible de choix pour le groupe français, qui y employait

Malgré la crise, les ventes du nouveau partenaire russe ont progressé de 30% par rapport à l’an dernier déjà 3 500 salariés et réalisait en moyenne un chiffre d’affaires annuel de 550 millions d’euros. Par comparaison, ElectroshieldTM emploie 7 500 personnes pour un chiffre d’affaires prévu

situation, l’industrie minière devra se tourner vers une extraction souterraine pour atteindre le reste des ressources diamantifères. Selon Andreï Lobazov, de la banque d’investissement Metropol, le coût de l’opération pourrait bien faire exploser le plafond de la dette. Garant de la ville minière perchée aux abords de la carrière, Alrosa est déjà fortement affaiblie par le poids des coûts sociaux. En 2008, la crise financière mondiale sévissant jusque dans la Toundra russe, la compagnie a vu sa production réduite de manière drastique. En outre, elle a dû augmenter considérablement sa dette pour maintenir son niveau de main d’œuvre. Ainsi, même lorsque les ventes de diamants étaient proches de zéro, aucun employé n’a été licencié. « De décembre 2008 à juin 2009, la dette d’Alrosa a augmenté de plus de 1 milliard d’euros », a dé-

d’environ 425 millions d’euros en 2010. Si le rapport entre les effectifs et le chiffre d’affaires est moindre pour le groupe russe, il convient de noter que ses ventes ont progressée de 30% par rapport à 2009, et ceci en dépit de la crise économique, qui avait particulièrement frappé le secteur industriel. Basé à Samara, à un millier de kilomètres à l’est de Moscou, Electroshield-TM compte en tout quatre unités industrielles et une forte présence commerciale dans les pays de l’ex-URSS, en particulier l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Point non moins crucial pour Schneider : les liens étroits de sa cible russe avec l’industrie du gaz et du pétrole russe, à laquelle Electroshield-TM fournit des équipements clés. Lors de la signature du contrat de vente, le président de Schneider Electric Jean-Pascal Tricoire a assuré que son groupe serait « étroitement associé » au plan de modernisation de trois raffineries de Rosneft, le numéro un russe du pétrole. Un plan qui représente des dépenses de trois milliards de dollars. Le gros lot est désormais tout proche…

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claré son directeur des relations publiques, Andreï Poliakov. En mai 2009, le gouvernement est venu à la rescousse, en achetant environ 800 millions d’euros de diamants à la compagnie et en les ajoutant aux réserves de l’État.

De grandes ambitions boursières Alrosa envisage de recueillir jusqu’à 2,5 milliards de dollars lors d’une première levée de fonds en bourse. Le monopole russe du diamant a confirmé ses intentions dans un entretien accordé par son PDG Fedor Andreïev au quotidien Kommersant. La part placée pourrait atteindre 20% et le diamantaire n’exclut pas de réaliser l’opération en partie sur le marché londonien. En principe, Moscou doit rester la place financière directrice pour la compagnie rus-

se. Andreïev se déclare opposé à l’entrée d’un investisseur stratégique au capital du groupe, ce qui signifie que l’État, qui gardera le contrôle, ne veut pas voir émerger un actionnaire capable d’influer sur les décisions stratégiques. Pour cette raison, le PDG caresse l’idée d’un placement ouvert aux petits porteurs russes. Très partagés, les experts évaluent la valeur du groupe entre 5 et 10 milliards de dollars. L’opération devrait se dérouler en 2011 ou 2012.

EXPATRIÉS VOSTOCK-PHOTO

Le géant Alrosa (97% de la production nationale de diamant) a besoin de plusieurs milliards d’euros pour financer sa dette et les investissements nécessaires à sa production.

Il n’empêche que c’est désormais d’un financement extérieur qu’a besoin l’entreprise. Or, ouvrir la mine aux investisseurs étrangers est une mesure pouvant s’avérer politiquement impopulaire en Sibérie. Alrosa n’aura sans doute pas le choix. Sergei Goryianov, expert chez Rough & Polished, estime que la firme sera contrainte de céder ses actifs : « Sa dette est déjà trop élevée, et la société nécessite de plus en plus de crédits. Par exemple, le groupe a besoin d’argent pour explorer et développer de nouveaux gisements de diamants. Si Alrosa ne trouve pas les fonds suffisants, cela aura un impact sur sa production, car les réserves disponibles sont proches de l’épuisement ». Cette année, Alrosa compte vendre 2,5 milliards d’euros de diamants contre 1,6 milliards en 2009.

Pour en savoir plus : larussiedaujourdhui.fr

LA LOI RUSSE S’HUMANISE : UNE TRACASSERIE DE MOINS POUR LES CONJOINTS D’EXPATS Une séparation temporaire avec l’être aimé ou un rendez-vous tous les quatre mois au service russe des migrations, tel était jusqu’à présent le sort réservé aux parents ou conjoints des étrangers venus travailler en Russie. Le Parlement russe a décidé de remédier à cette situation. Le 19 octobre, il a adopté en première lecture un projet de loi qui permettra aux conjoints des expatriés d’obtenir et de prolonger leur visa de travail pour toute la durée de l’expatriation.


Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

en bref

Industrie viticole Malgré les prix, le vin français cherche à percer sur le marché russe

Entre la bière et la vodka, une place pour les grands crus Nikita Artemev

La russie d’aujourd’hui

Exporter du vin en Russie n’est pas chose facile, admet Sylvie Crazes, la présidente de l’Union des Grands Crus de Bordeaux. « Ce n’est pas notre faute si nos produits présentés sur le marché russe ne sont pas suffisamment diversifiés, et affichent des prix trop élevés », a-t-elle déclaré lors des Journées françaises des vins et spiritueux à Moscou, fin octobre. « C’est une question d’ordre administratif. Nous regrettons cette situation ». La Russie d’Aujourd’hui a essayé de comprendre pourquoi les vins de qualité français ne parviennent pas toujours jusqu’aux rayons des simples supermarchés russes. Il y a quelques mois, le Service fédéral anti-monopole (FAS) a mené une étude sur la composition des prix des vins importés, concluant que les Russes payaient leurs bouteilles de vin français plusieurs fois le prix acquitté par les Européens. Par exemple, un vin blanc sec d’Alsace dans un commerce parisien est proposé

pour 5 euros. La même bouteille figure au menu du restaurant Chez Clément au prix de 25 euros. Mais en Russie, sur les étagères de la chaîne d’épiceries « Azbouka Vkoussa », elle est affichée à 37 euros… Autre exemple, le Champagne Louis Roederer Cristal Brut, un spiritueux haut de gamme apprécié en Russie, s’y vend à 247 euros, tandis qu’en France, on le trouve en moyenne à 125 euros, soit deux fois moins cher. Pourquoi une telle majoration ? Les responsables russes avancent pour explication le fait que les producteurs français ne peuvent traiter qu’avec une poignée de distributeurs qui se partagent le marché. Selon les experts du Centre d’étude du marché d’alcool fédéral et régional (CEMFRA), environ 80% des vins importés passent par 15 compagnies, dont les plus importantes sont Luding (19% du marché), Moroimport (10%), ILS (8,4%). Une conséquence, plus qu’une cause. « En Russie, il est difficile d’obtenir une licence, et c’est extrêmement onéreux », explique le conseiller commercial d’UBIFRANCE en Russie, Philippe Pegorier. « En protégeant les producteurs locaux, les autorités russes oublient les consommateurs ». Selon Mikhaïl Blinov, dé-

simple

Expert en vins français et espagnols, Sandro Khatiachvili observe avec une certaine réserve la percée des vins de qualité sur le marché russe : « Je ne vois malheureusement pas d’évolution positive sur les cinq dernières années. Les Russes boivent presque la même gamme de vin qu’il y a dix ans, et je n’ai pas observé l’émergence de connaisseurs du vin. Suivant les moyens dont ils disposent, les consommateurs éclairés vont reconnaître disons 30 à 40 appellations dans leur gamme de prix et ne vont pas voir plus loin. En ce qui concerne les champagnes, la compréhension des appellations est minimale ». L’expert regrette que le facteur essentiel qui guide le choix du consommateur russe reste le prix, et non pas la connaissance du produit. Or, le rapport qualitéprix n’est pas toujours favorable au label français, dont les vins de table et vins de pays sont parfois deux fois plus chers que leurs concurrents chiliens à qualité équivalente. Khatiachvili reconnaît que le vin français est très cher en Russie et relève que « des facteurs autres que le mar-

ché viennent s’ajouter, mais ce sont les mêmes pour tous les vins importés ». Les fortes taxes, les certifications, les changements incessants de la réglementation « impliquent un travail humain très important. Une vingtaine de personnes sont employées dans notre compagnie rien que pour la paperasse », ce que le consommateur finit par payer. La demande pour le vin français reste faible. « C’est une niche étroite, c’est pourquoi nous ne pouvons pas vraiment baisser les prix », regrette Khatiachvili. En outre, le vin français se trouve en concurrence avec de solides rivaux. « Les vins italiens sont plus populaires. C’est dû au fait que les Italiens se montrent

Vladimir Poutine a fait un nouvel appel du pied à Renault pour que le groupe français monte jusqu’à 50% du capital de son partenaire russe. Carlos Ghosn, le PDG de Renault jusqu’ici hostile à des investissements supplémentaires dans un constructeur qu’il détient déjà à 25%, s’est dit intéressé par la proposition. L’alliance Renault-Nissan-AvtoVAZ ambitionne de porter à 40% sa part du marché automobile russe. Les ventes d’AvtoVAZ, après un effondrement consécutif à la crise mondiale, sont bien reparties cette année, grâce à une restructuration, un important apport financier de la part de l’État fédéral et une forte reprise de la demande sur le marché russe.

chiffres clés

9,92

millions de décalitres de vin ont été importés en Russie dans la première moitié 2010, soit 20,8% de plus que l’année dernière.

20

millions de litres de vin français ont été importés en Russie dans la première moitié de 2010, soit 19% des importations totales dans le pays.

puté à la Douma, les droits d’entrée de 20% sont désormais prohibitifs. Toutes ces mesures ont un impact direct pour le coût final du vin, réduisant la demande et la concurrence sur le marché. Pour remédier à cette situation, une Association des importateurs de vin (AIV) a vu le jour récemment. « En Russie, nous avons besoin de créer un marché du vin accessible. Il est nécessaire de modifier les structures de

Le vin français : peu dégusté, trop cher et très concurrencé Entretien avec Sandro Khatiachvili, directeur de projet chez Simple, distributeur de vin à Moscou.

Renault étudie la prise de contrôle d’AvtoVaz

beaucoup plus agressifs sur le plan commercial. Ils font énormément d’efforts pour populariser l’image de leur pays. Un exemple : Moscou compte des tas de restaurants italiens alors qu’il ne reste plus un seul restaurant 100% français ». La passivité des Français est montrée du doigt. « À notre niveau, nous faisons beaucoup d’efforts pour faire connaître le vin français. Nous remplissons le rôle des autorités françaises, et cela ne suffit pas », estime Khatiachvili. Il y a bien le syndicat des Grands Crus bordelais qui organise un festival annuel à Moscou. « Bonne idée, mais c’est trop peu ». Autre erreur française, l’opération Beaujolais nouveau qui, selon notre expert, « discrédite globalement la production française, car c’est un mauvais vin. Les crus Beaujolais ne se vendent pas du tout à cause de ça ». Il ne faudrait pas non plus négliger la concurrence des vins russes. « Nos consommateurs sont très patriotiques, et le vin du Kouban fonctionne sur la forte nostalgie qu’il évoque » en dépit de sa modeste qualité. Le message est clair : ici, il faut d’abord s’imposer par l’image avant de triompher sur le goût. Propos recueillis par Emmanuel Grynszpan

cephas/fotobank

Les ventes de vin français en Russie sont freinées par des prix prohibitifs reflétant des taxes excessives et une trop grande concentration des acteurs. Mais le marché évolue...

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Création d’un consortium de chantiers navals

La demande croissante pour le vin de qualité profitera aux Français.

consommation des boissons alcoolisées en faveur du vin », explique Alexandre Pochinok, membre du Conseil de la Fédération de Russie. En effet, aujourd’hui encore, la Russie reste associée à la vodka, même si la population consomme principalement de la bière. La part de la vodka dans la consommation globale des boissons alcoolisées est de 13%, et de seulement 6% pour le vin. En revanche, elle s’élève à 80% pour la bière, et à peine 1% pour le cognac. Pourtant, une vingtaine d’années auparavant, la consommation de vin était de 21 litres par personnes et par an, contre 13 litres de vodka… Il est vrai que du temps de l’URSS, la culture de la consommation de vin était plus présente qu’aujourd’hui. Les citoyens ordinaires avaient accès à des crus de qualité en provenance de Moldavie, de Géorgie et de la région de Krasnodar. « De plus, il est très facile d’acheter une bouteille de « vin » à base d’alcool pur et de sucre, sans raisins », s’indigne M.Pochinok. « Ce type de vin représente au moins 25% du marché ». Dans ce contexte, les compagnies françaises peuvent justement jouer un rôle clé dans l’amélioration de la qualité du vin en

Russie. Malgré les interdictions et les difficultés, 99,2 millions de litres de vin ont été importés en Russie au cours de la première moitié 2010, soit 20,8% de plus que l’année dernière à la même époque. Avec environ 20 millions de litres (19% des importations totales), la France représente une grosse portion des livraisons. Selon les experts, l’abaissement des barrières douanières permettra d’accroître la demande en vin français, et de créer un environnement favorable à la concurrence, étape indispensable pour le développement des produits locaux. Gérard César, sénateur de la Gironde, nous a confié que des négociations étaient déjà en cours avec la ministre des Finances Christine Lagarde, afin qu’elle s’efforce de convaincre les autorités russes de la nécessité de simplifier les procédures administratives pour les entreprises françaises. Des produits de qualité à des prix abordables permettront peut-être de faire de la Russie, royaume des buveurs de bière et de vodka, un pays consommateur de vin, comme c’était encore le cas, en réalité, il n’y a que 20 ans. Les Russes devraient pouvoir s’offrir les meilleurs crus bordelais sans se ruiner.

Consommation par type d’alcool

ria novosti

La Compagnie unifiée de construction navale (OSK), côté russe, et le groupe français DCNS ont signé le 1er novembre un accord sur la création d’un consortium commun. Le type de navires à produire n’a pas été précisé. Igor Setchine, vice-Premier ministre et président du Conseil d’administration de OSK, a indiqué qu’il s’agissait de « poser les bases d’une coopération civile et militaire franco-russe ». Moscou négocie parallèlement avec Paris l’achat de 4 navires de projection de classe Mistral.

Affaires à suivre Tous les détails sur

larussiedaujourdhui.fr

Forum d’affaires FranceRussie 8 et 9 décembre, Moscou

source: ria novosti

UBIFRANCE organise un forum ouvert à toutes les entreprises françaises souhaitant échanger leurs expériences avec leurs homologues russes. Des rendezvous individuels, tables rondes et séminaires thématiques figurent au programme. Le Forum coïncide avec la tenue à Moscou du Séminaire intergouvernemental (8 décembre) en présence des Premiers ministres des deux pays. ›› www.ubifrance.fr

www.larussiedaujourdhui.fr/expert


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Énergie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

reuters/vostock-photo

Réveil écologique suite de la page 1

Mais le temps n’est plus aux blagues. Le Président Dmitri Medvedev a adopté une ligne beaucoup plus ferme sur la nécessité de protéger l’environnement. Il s’appuie en outre sur un rapport de la Banque mondiale qui montre que l’amélioration de l’efficacité énergétique augmentera la productivité et la compétitivité du pays. « Des investissements dans ce secteur pourraient faire économiser l’équivalent de 70 millions de tonnes de pétrole par an », a précisé Medvedev l’été dernier. Au prix actuel du marché, cela revient à économiser 27,6 milliards

d’euros. La Russie est le premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Plafonnés par l’État, les prix domestiques de l’énergie restent très en dessous du marché et rendent inopérante toute incitation aux économies. Medvedev table donc sur un changement profond des comportements. Son objectif est d’augmenter de 40% le rendement énergétique de l’économie nationale d’ici à 2015. Le Président a lancé des mesures pour réduire la part des hydrocarbures dans la production d’électricité. Il a aussi ordonné la suppression progressive des ampoules à incandescence. Sur cette voie, la Russie est à la www.rmcip.ru

Des maisons de la région de Novossibirsk équipées en solaire.

traîne et loin derrière la Chine, qui est déjà le premier producteur mondial d’éoliennes et de panneaux solaires, tout en étant sur le point de fabriquer la première voiture totalement électrique. Néanmoins, la Russie bouge dans la bonne direction. Cet été, le gouvernement a dévoilé un projet de construction de huit centrales produisant des ampoules à très basse consommation. La première usine solaire russe ouvrira vraisemblablement à Kislovodsk

Les usines devront recycler les déchets dont elles se débarrassaient en douce jusqu’à présent (Caucase du Nord) dès l’année prochaine, selon Rostovteploelektroproekt, une compagnie russe spécialisée dans la création de centrales électriques. C’est une petite centrale de 13 MW à 3 milliards de roubles, mais d’autres centrales solaires et éoliennes sont déjà en projet. L’entreprise compte également développer les sources d’énergie renouvelable pour un montant de 215 millions d’euros dans la région de Krasnodar et précise que « le projet

éolien sera mis en place en deux étapes, avec une capacité totale de 100 mégawats, et le travail dans le parc d’éoliennes pourrait commencer dès l’année prochaine, en fonction des autorisations nécessaires ». Siemens est aussi candidat pour participer au projet, tandis que le géant de l’hydroélectricité RusHydro se diversifie en construisant un parc d’éoliennes à Saint-Pétersbourg. Entre-temps, l’énergie hydraulique gagne aussi du terrain. Au mois de juin, l’entreprise italienne ENEL et RusHydro ont signé un accord de coopération sur des projets d’énergie renouvelable, notamment marémoteurs et géothermiques, ainsi que sur la revente d’électricité. On observe des progrès similaires dans l’industrie du biocarburant. Le producteur de gaz naturel russe Itera veut construire une usine de méthanol dans la région de l’Oural. En juin dernier, le conseiller économique du Président, Arkady Dvorkovitch, a annoncé que le gouvernement soutiendrait de petits projets énergétiques utilisant des biocarburants en leur consentant des avantages fiscaux et des taux d’intérêts bonifiés. Les biocarburants pourraient bé-

Retard à l’allumage sur le carbone Après six ans d’apathie, les autorités russes activent le potentiel d’investissements « propres » générés par le négoce de crédits carbone. rachel morarjee

Business new europe

Lorsque Kevin James de Climate Change Capital s’est installé à Moscou en 2005, il espérait que son entreprise, spécialisée dans la dépollution des vieilles usines soviétiques, deviendrait l’une des premières à faire fortune dans ce secteur. Hélas, il fut contraint de jeter l’éponge après seulement quatre ans d’activité, bloqué par des conflits incessants entre les ministères autour de la vente des crédits de carbone en échange d’une réduction des émissions. « Nous avons essayé de lancer trois ou quatre projets respectueux de l’environnement en

Russie, mais le bourbier politique nous a empêchés de le faire », se souvient James. Il faut croire qu’il est entré trop tôt sur le marché russe des droits d’émission de carbone, qui vient à peine de se former. Cette année, la Russie a donné son feu vert à quinze projets qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les secteurs concernés vont de la production de papier à l’industrie chimique. Trente millions de tonnes de crédits de carbone produits par ces projets pourraient générer près de 214 millions d’euros. En ratifiant le Protocole de Kyoto en 2004, la Russie s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, le programme donne aux pays développés la possibilité d’investir dans la réduction des émissions des pays en développement.

DPA/vostock-photo

Moscou a ratifié Kyoto en 2004.

C’est principalement grâce à l’effondrement de l’URSS et l’exploitation des complexes d’industrie lourde datant en grande partie de l’époque soviétique que les émissions de carbone sont restées au niveau de 1990 en Russie.

Mais jusqu’à la crise financière de 2008, les autorités ne voyaient pas les bénéfices qu’on pouvait tirer des réductions des émissions, car le pays était inondé de liquidités, analyse James. Cette attitude a changé lorsque l’argent a commencé à manquer. Le premier appel d’offres pour identifier les quinze pionniers cette année était un test. S’il s’avère concluant, d’autres projets suivront. Il ne faut cependant pas rêver. On ne mise plus, en effet, sur les espoirs que plaçaient les investisseurs internationaux dans la capacité de la Russie à émettre près de 300 millions de tonnes de crédits de carbone et à générer ainsi une valeur de près de 2,140 milliards d’euros sur le marché, d’autant que l’avenir de celui du carbone reste incertain au-delà de 2012.

ria novosti

néficier de plans de recyclage déjà enclenchés. En août, le ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement a élaboré un avant-projet de loi pour promouvoir le recyclage. On est encore loin du tri entre les conserves et les déchets organiques, comme dans les foyers européens, mais la loi prévoit que les usines devront recycler les déchets dont elles se débarrassaient en douce jusqu’à présent. Les usines à papier devraient vendre une grande partie de leurs résidus à des centrales de biocarburant, ce qui se traduirait par un gain économique en plus de la réduction des déchets. La Russie s’est aussi éprise de la voiture hybride. Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov a affirmé qu’il comptait lancer une production massive de voitures électriques à bas prix dans le pays, un projet naturellement applaudi par le gouvernement. Les trois premiers prototypes de la voiture à 8 500 euros devraient sortir de la chaîne de fabrication en décembre.

La voiture hybride russe s’appellera « ë » [io].

Enfin, bien que lente au démarrage, la Russie participe désormais à la bourse mondiale des droits d’émission de gaz à effet de serre après avoir signé 15 projets d’une valeur de 22 millions d’euros. Les organisations non gouvernementales considèrent que ces actions témoignent d’un virage dans le bon sens mais ce ne serait pas la première fois que le gouvernement russe élabore des projets louables pour échouer dans leur mise en œuvre. « Il y a une longue liste de sociétés industrielles qui souhaitent moderniser leur fonctionnement et en améliorer l’efficacité », estime Vladimir Chouprov de Greenpeace. Mais au sommet du pouvoir, nombreux sont ceux, comme Vladimir Poutine lui-même, qui demeurent sceptiques sur l’impact réel du réchauffement climatique. Et l’expert de conclure : « Le gouvernement n’est pas vert et beaucoup de nos lois sont anti-environnementales ».

Les étrangers mènent la danse Les firmes occidentales jouent un rôle capital dans la prise de conscience écologique des entreprises en Russie, où elles s’efforcent en particulier d’appliquer les normes internationales au niveau local. « Les avancées ne sont pas aussi importantes que souhaitées, mais la conscience et l’intérêt pour ces questions grandissent, et de plus en plus d’entreprises nous rejoignent », constate Elena Kopylova, représentante du Fonds mondial pour la nature (WWF). Kimberley-Clark, qui a ouvert une usine près de Moscou en juin dernier, promeut une gestion responsable des matières premières en Russie, assure Cecila Ortliela, chargée de la stratégie de durabilité mondiale. Tetra Pak Russie se procure la plupart du carton de ses emballages auprès d’un fournisseur local certifié FSC, l’International Paper de Svetlogorsk. Le fabricant d’embal-

lages a désormais pour mission de recycler la plupart de ses produits, affirme le vice-président de la société pour la conservation de l’environnement, Alexandre Barsoukov. Le recyclage des emballages de Tetra Pak Russie n’est ni difficile, ni coûteux. Pourtant, il n’a débuté qu’il y a trois ans. La société suisse TDF Ecotech est entrée en négociation l’année dernière pour racheter une usine de recyclage dans la région de Kavkazskie Mineralniye Vody, à hauteur de 90,5 millions d’euros. Mais les efforts environnementaux des Occidentaux ne séduisent pas tous les écologistes. « Je ne vois pas la différence entre les sociétés occidentales ou pro-occidentales, et les entreprises russes », estime le représentant de Greenpeace Ivan Blokov, qui note que les groupes occidentaux ont tendance à assouplir leurs normes en matière de gestion durable dès qu’ils en ont la possibilité.


Régions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Fuir la ville et renaître à la campagne, les mains dans la terre SUITE DE LA PAGE 1

Les écologistes de Terre d’abondance assurent qu’ils ne sont pas une menace, et chaque maison est ouverte aux invités qui peuvent venir visiter et goûter au miel, à la tarte au potiron ou au lait de chèvre produits sur place. L’agriculture biologique est à la base du régime végétarien suivi par la population communautaire. Les familles préfèrent ne pas envoyer les enfants à l’école et les confient aux membres de la communauté spécialisés dans tel ou tel domaine. Jenia, par exemple, enseigne la chimie. Chaque ménage participe au pot commun de Terre d’abondance. La famille de Valery Popov, un ancien physicien, aide les nouveaux arrivants à construire leurs maisons en bois. Les Nadejdine, un couple de dentistes, sont aussi les boulangers de la communauté. Klavdiya Ivanova, anciennement professeur de musique, est connue pour ses vêtements traditionnels faits à la main. Son mari, officier de l’armée à la retraite, aide au recyclage. « Toute ma vie, j’ai fait partie d’un système, à l’école, à l’université, en officier loyal. Puis le système s’est écroulé sous mes yeux, détruit par des menteurs, des voleurs, des chefs outrageusement corrompus », raconte Dmitri Ivanov, offrant une justification banale pour de nom-

breuses personnes venues chercher une nouvelle vie au sein de la communauté. « Nous sommes ici pour créer un nouveau modèle social d’individus libres, professionnels et confiants. Nous mettons l’accent sur la réduction de notre impact négatif sur l’environnement », précise Dmitri. Les organisations écologistes installées en Russie, telles que Greenpeace, voient d’un bon œil le mouvement des éco-communes. « Nous sommes favorables à tous les mouvements verts car ils reflètent un désir naturel des gens de vivre en harmonie avec la nature », estime Vladimir Tchouprov, chef du département de l’économie d’énergie. Le nombre exact de Russes qui ont fui vers la nature est difficile à évaluer. Mais il va croissant. Au moins 10 000 personnes ont rejoint la Ville du Soleil de Vissarion, une communauté verte près d’Abakan. Des douzaines de villages écologiques ont surgi ces dernières années dans l’Altaï, en Carélie et sur la Volga. Certains se sont même exportés à l’étranger. L’éco-village Chambhala-Chasta Anastasia à Ashland, dans l’Oregon (États-Unis), a ses racines en Russie et attire les « fans » de la nature. Tout n’est pas que miel dans cette nouvelle vie, car la nature est parfois très rude. L’hiver dernier, les températures sont descendues au-dessous de 50° dans l’Altaï.

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RÉPUBLIQUE DE L’ALTAÏ

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Jenia (à droite) a abandonné son travail prestigieux de chercheur pour le labeur physique des champs.

Les familles préfèrent éduquer leurs enfants à la maison.

Tout n’est pas que miel dans cette nouvelle vie, car la nature est rude et réserve parfois des surprises

Allumer les fours à bois un matin de gel n’est pas une sinécure, racontent les activistes. Et comme dans n’importe quelle entreprise humaine, des conflits surviennent. Olga Koumani, anciennement journaliste d’investigation à Novossibirsk, a quitté la grande ville en 2002. « Je n’arrivais plus à respirer, j’étouffais dans

ANNA NEMTSOVA (3)

La force d’attraction de la nature sauvage reste difficile à quantifier.

le système », explique-t-elle. En quête d’un meilleur cadre de vie, Olga a d’abord rejoint, avec ses trois enfants, la commune de Charbaï, dans l’Altaï. « Les chefs de la commune voulaient juste contrôler notre argent et exploiter notre travail », confie Olga, qui est partie s’installer dans un lieu encore plus isolé. Elle et ses

enfants vivent désormais au sein d’une communauté de 22 artistes qui fabriquent de la poterie et des flûtes, dans un village. Mais même cette vie minimaliste lui paraît encore trop agitée. Elle cherche patiemment un autre refuge, encore plus proche de la nature. Et surtout plus loin des hommes.

Architecture Reportage à Samara, bijou provincial menacé par la frénésie des promoteurs immobiliers

Sauvez les dinosaures constructivistes ! PHOTOXPRESS

Les défenseurs du patrimoine parviendront-ils à convaincre le nouveau maire de protéger cette perle architecturale, en restaurant les maisons en bois une par une ?

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

GALINA MASTEROVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Durant la plus grande partie du XXème siècle, Samara a été une ville fermée, abritant un programme de développement de missiles soviétiques, donc inaccessible aux étrangers qui étaient ainsi privés de ses charmes inattendus. Aujourd’hui, ce joyau architectural, un mélange d’art nouveau et de constructivisme, demeure un secret bien gardé. Samara, qui portait à l’époque soviétique le nom du révolutionnaire Kouïbychev, est en danger car des années de développement ont érodé son excentrique beauté et son héritage architectural. À un millier de kilomètres à l’est de Moscou, cette ville est une des principales préoccupations des défenseurs du patrimoine qui cherchent à remplacer la frénésie post-soviétique de verre et d’acier par des plans d’urbanisme respectueux des paysages urbains historiques. C’est un combat difficile dans un pays où l’argent parle souvent plus fort. Mais cette lutte

Samara photographiée depuis la Volga.

galvanise un grand nombre de simples citoyens, surtout des jeunes gens, dont l’activisme civique est en train de s’organiser un peu partout dans le pays. « L’intérêt d’une visite de Samara tient dans la découverte d’une grande ville européenne dont très peu de gens ont entendu parler en Occident », a écrit Marcus Binney, le président de l’Organisation non gouvernementale Save Europe’s Heritage, dans son rapport de l’an dernier.

Au milieu du XIXème siècle, Samara, un important centre d’échanges sur laVolga, avait été surnommée la Chicago russe. Les nouveaux riches invitaient dans cette grosse ville marchande les meilleurs architectes du pays pour ériger leurs magnifiques demeures art-nouveau, d’imposants bâtiments administratifs et des lieux de culte élancés. L’un des édifices les plus célèbres est le manoir construit pour l’artiste et homme d’affaires Konstantin

Golovkine, surplombant laVolga et gardé par deux statues géantes d’éléphant. Après la Révolution, de nombreux bâtiments constructivistes ont été batis dans la ville, devenu un grand centre industriel, dont la Fabrika-Koukhnya ou usine-cuisine, une cantine en forme de faucille et de marteau. C’est de là qu’est partie la révolte. Les promoteurs du coin ont décidé de raser le célèbre monument pour y construire un centre commercial. En septembre, Vitaly Stadnikov, architecte et défenseur du patrimoine actif, a organisé autour des bâtiments en danger une promenade à vélo qui a rassemblé des centaines de militants. « La vitesse des destructions est un choc pour ceux qui connaissent la ville », s’indigne Stadnikov, Le mouvement de révolte était en gestation de longue date. Depuis la chute de l’URSS, des centaines de bâtiments historiques ont été démolis, ravagés par le feu, souvent incendiés dans l’intérêt des promoteurs. Les incendiaires ne sont bien entendu jamais inquiétés par la justice. « Ces quinze dernières années, la construction a tellement explosé que la ville est en train de perdre son âme », s’inquiète Natalia Douchkina, professeur à

l’École d’architecture de Moscou et petite fille de l’architecte Alexeï Chtchoussev, qui a conçu le mausolée de Lénine sur la Place rouge. Mais les défenseurs du patrimoine espèrent convaincre les autorités et les hommes d’affaires locaux que le développement économique et la préservation architecturale sont parfaitement compatibles. Stadnikov et l’agence Ostojenka ont produit un rapport pour montrer comment la ville peut faire un usage efficace de ses terrains si

Les défenseurs des sites placent leurs espoirs pour Samaria dans les résultats obtenus à Moscou elle respecte les hauteurs historiques des bâtiments dans le centre. « Nous démontrons qu’en suivant les logiques du capitalisme pré-révolutionnaire, quatre ou cinq étages peuvent produire la même densité que 15 ou 25 », explique l’architecte. Les militants invoquent Tomsk où de nombreuses maisons en bois ont été restaurées. Stadnikov, conjointement avec Save Europe’s Heritage et MAPS (société de défense de l’architectu-

re de Moscou), à l’origine du rapport « Samara : une ville en danger sur la Volga », ont proposé de restaurer l’un des précieux bâtiments en bois de la ville, pour montrer comment la restauration peut faire revivre un quartier et enclencher un processus qui stimulerait le tourisme à l’occasion de la Coupe du monde. Au début, le maire de Samara a bien accueilli le rapport de Stadnikov, mais il n’a rien fait pour mettre en œuvre les recommandations présentées. Un nouveau maire a été élu en octobre, et lui aussi a eu des paroles positives, mais aucune action concrète pour l’heure. Les militants de Samara ont repris espoir suite aux événements récents dans la capitale : la construction d’une autoroute qui devait traverser la forêt de Khimki et en détruire une partie a été suspendue afin d’étudier plus en profondeur le dossier. Suite au limogeage du maire de Moscou, Iouri Loujkov, un champion du développement débridé, de nombreux projets controversés ont été suspendus, dont un centre commercial géant sous la place Pouchkine et un grand musée à deux pas du Kremlin. Les autorités auraient-elles enfin réalisé l’urgence du problème ?


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Débats et Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Pas de désarmement sans réforme globale Evgueni Primakov, Igor Ivanov, Evgueni Velikhov, Mikhaïl Moïsseïev

L

’année 2010 a été une étape importante pour le désarmement et la nonprolifération nucléaires, avec à la clé une influence positive sur le renforcement de la sécurité internationale. Les présidents russe et américain ont signé à Prague un nouveau traité Start. Si ce document est ratifié, les relations stratégiques entre les deux super-puissances nucléaires seront plus stables, transparentes et prévisibles. La conférence suivante consacrée au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires a été un succès et s’est conclue par la publication d’un document de synthèse sur les moyens de renforcer l’accord, son régime et ses institutions. Ce sont là, incontestablement, de grandes avancées fort utiles. Cependant, on n’a pas encore touché à l’essentiel : la dissuasion réciproque, paradoxale car pour une large part tournée vers une menace du siècle passé. Qui plus est, la dissuasion est sans effet contre les nouvelles menaces du XXIème siècle : la propagation des armes de diffusion massive (ADM) et de leurs vecteurs, le terrorisme international, les conflits ethniques et religieux, la criminalité transfrontalière. Pire encore, la dissuasion nucléaire stimule le processus de propagation des ADM et des technologies de missiles, ou dérange la coopération plus avancée entre les grandes puissances dans la lutte contre de telles menaces. Il faut aussi réduire le niveau d’armement au principe de quantité suffisante minimale, renforcer la stabilité stratégique, exclure toute possibilité de première frappe nucléaire, ou de lancement de missile en raison d’un incident technique, ou de

dessin de dmitry divin

izvestia

mauvaises évaluations des intentions de la partie adverse, ou du manque de temps pour prendre une décision politique réfléchie. L’étape suivante du désarmement nucléaire ne peut pas être exclusivement bilatérale. Elle exige des contraintes et des mesures de confiance conformes aux puissances nucléaires tierces. À la différence des États-Unis, la position géostratégique de la Russie la met à portée de tous les États nucléaires. La conception de la dissuasion nucléaire est devenue un obstacle insurmontable sur le chemin long et difficile du désarmement nucléaire mondial, qui a des partisans et des opposants, en Russie, aux États-Unis et dans d’autres pays. En Russie, il y a une idée largement répandue : le potentiel nucléaire du pays est l’attribut principal de son statut de grande puissance, sans lequel les ÉtatsUnis et les autres ne prendraient pas en compte ses intérêts de politique extérieure.

Mais nous sommes persuadés que le statut de la Russie dans le monde sera garanti par la modernisation de son économie, la croissance du niveau de vie de ses habitants, les libertés et les droits politiques et sociaux de ses citoyens, le développement de la science et de la culture. Néanmoins, tant que la menace de « projection des forces » et son application directe seront utilisées dans les relations internationales, la Russie devra conserver un potentiel militaire suffisant, y compris nucléaire, pour se défendre et défendre ses alliés. Ainsi, le chemin vers le désarmement nucléaire se situe entre l’augmentation de la confiance entre les États et le renforcement de la sécurité et de la stabilité mondiales. L’administration Obama s’est déclarée en faveur d’une approche multilatérale pour garantir la sécurité internationale, le renforcement de ses normes juridiques et des institutions existantes, l’ordre de priorité des diplomates dans le rè-

otan-russie : les 4 voies d’un rapprochement Dmitri Trenin

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

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mitri Medvedev va se rendre à Lisbonne en novembre pour rencontrer les dirigeants de L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord afin de trouver un accord sur un système de défense européen. Cette perspective appelle quelques nuances. La Russie ne fera pas partie du futur système de l’OTAN pour la bonne raison que Moscou veut rester stratégiquement indépendant. Parallèlement, un système commun au sein duquel Moscou aurait une

part de contrôle et un droit de veto sur les décisions des ÉtatsUnis ne sera jamais accepté par Washington ou Bruxelles et ne doit pas être recherché par le Kremlin. En revanche, les États-Unis, l’OTAN et la Russie, qui ont déjà consacré beaucoup de temps à une évaluation des menaces respectives et découvert entre elles de nombreuses similitudes, peuvent commencer à donner vie au Centre commun d’échange de données (JDEC) pour surveiller les lancements de missiles, une mission qui pourrait être élargie à l’échelle planétaire. Ce projet commun pourrait aussi, à terme, embrasser d’autres pays

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de l’OTAN. Par la suite, les systèmes de défense antimissile pourraient être coordonnés entre eux, chacun des partenaires contrôlerant ses propres armes et étant responsable de zones d’opération clairement délimitées. Cette approche en profondeur et un tel degré de coopération pourraient produire la masse critique susceptible de faire d’une compétition stratégique résiduelle une collaboration stratégique moderne. Une deuxième mesure qui, au XXIème siècle, doit accompagner la défense antimissile, est celle de lancer une initiative de cybersécurité qui mettrait en commun les ressources russes et celles de

glement des litiges, un partenariat égal en droit avec la Russie. Il est important que ces principes soient mis en œuvre dans la politique extérieure des États-Unis et de leurs alliés. Cela concerne à la fois le bouclier anti-missiles, les armes conventionnelles, les vecteurs stratégiques non-nucléaires, les projets de militarisation de l’espace. Sur ces questions et sur d’autres dans le domaine de la réduction des armes à court terme, il faut des mesures supplémentaires de renforcement de la confiance. Réfléchissant aux perspectives à long terme, nous sommes parvenus à l’idée qu’un monde sans armes nucléaires n’équivaut absolument pas au monde existant, les armes nucléaires en moins. Il faut élaborer un système international reposant sur de nombreux autres principes et institutions. Le monde, libéré des armes nucléaires, ne doit pas être un monde libre de faire la guerre en utilisant d’autres types d’ar-

l’OTAN afin de détecter les attaques cybernétiques, s’en protéger et s’en défendre. L’OTAN et la Russie ont pareillement intérêt à s’assurer que le fonctionnement même de leurs sociétés n’est pas perturbé par des moyens non conventionnels et des agresseurs non-traditionnels. À l’aube de l’âge cybernétique, c’est un exercice prometteur et tourné vers l’avenir que d’organiser et institutionnaliser une coopération de ce type, débarrassée de l’héritage de la Guerre froide. Démarrer une coopération militaire technique entre l’OTAN et la Russie serait le troisième point important. La Russie vient de lancer un programme de réarmement. Moscou a même commencé à faire des emplettes à l’étranger, au grand dam de son propre complexe militaro-industriel. Mais plutôt que de se lancer dans des courses individuelles, il vaudrait mieux s’engager dans la recherche commune, le développe-

GéNéRAL, VLADISLAV FRONIN : directeur des RéDACTions. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF à USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR éCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUêTES à redac@larussiedaujourdhui.fr OU PAR TéLéPHONE AU +7 (495) 775 3114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DES RUBRIQUES “OPINION” OU “COMMENTAIRES” RELèVENT DE LA RESPONSABILITé DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINéES à êTRE PUBLIéES DOIVENT êTRE ENVOYéES PAR éMAIL à redac@laRussiedaujourdhui.fR OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYéS. PARTENAIRES MéDIA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES pour UNe MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

mes de destruction massive, des forces armées conventionnelles, de nouveaux systèmes d’armes conventionnelles reposant sur de nouveaux principes physiques. Outre les grandes guerres, il y a aussi les conflits locaux. Les petits pays lorgnent désormais du côté des armes nucléaires comme moyen de neutralisation de l’extrême supériorité des principales puissances disposant d’armes conventionnelles. C’est l’une des principales causes de la propagation nucléaire au niveau régional, engendrant une menace de terrorisme nucléaire. Contrer ces dangers exige la création de mécanismes fiables de règlement pacifique des grands conflits et des conflits locaux, internationaux et transfrontaliers. C’est pourquoi la mise en place du désarmement nucléaire, qui doit rester un but stratégique, ne sera possible que dans un contexte de profonde réorganisation internationale. Cela, incontestablement, contribuera au règlement d’autres problèmes majeurs du XXIème siècle, liés à l’économie et à la finance mondiales, à l’approvisionnement en énergie, à l’écologie, au climat, à la démographie, aux épidémies, à la criminalité transfrontalière et à l’extrémisme religieux. Dans ce contexte, le désarmement nucléaire est moins une fin en soi que l’une des grandes orientations, une condition préalable et un moyen de réorganiser la vie internationale à un niveau plus civilisé au sens littéral du terme. Evgueni Primakov, premier ministre russe (1998-1999), ministre des Affaires étrangères (19961998), membre du présidium de l’Académie des sciences russe (ASR). Igor Ivanov, ministre des Affaires étrangères (1998-2004), secrétaire du Conseil de sécurité (2004-2007), docteur ès sciences, professeur au MGIMO. Evgueni Velikhov, président du centre scientifique russe Institut Kurchatov, académicien, membre du présidium de l’ASR. Mikhaïl Moïsseïev, Commandant de l’état major général, premier vice-ministre russe de la Défense de l’URSS (19881991), général des armées.

ment et la coproduction de systèmes d’armement. C’est une question de bon sens tant du point de vue stratégique que politique et commercial. Une telle coopération est possible dans de multiples domaines, de la construction navale aux communications et à l’aérospatiale. Une quatrième décision, elle aussi vitale, pourrait être celle de fonder un collège Russie-OTAN, pour former des officiers militaires et des civils capables d’accomplir des tâches de coopération en matière de sécurité, de lutte contre le piratage et la drogue, et de défense antimissiles. La mission principale du collège serait de susciter et de maintenir un esprit d’équipe parmi les étudiants. Faute d’une telle approche, tout projet d’intégration, même décidé en plus haut lieu, serait voué à l’échec. Dmitri Trenin est le directeur du Centre Carnegie de Moscou.

Souvenirs, souvenirs...

De Gaulle, l’ami loyal des Russes Nikolaï Dolgopolov

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

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e général de Gaulle, né il y a 120 ans le 22 novembre 1890, a toujours été considéré comme un ami proche de la Russie - ce qui était vrai à l’époque soviétique l’est encore. Il a d’abord impressionné par son courage pendant la guerre. Alors que la France semblait écrasée sous la botte ennemie, il s’est dressé en géant, tel le héros de la mythologie russe Ilya Mouromets, contre le colosse hitlérien avec une poignée de compagnons téméraires. De Gaulle l’aristocrate avait même réussi à séduire le régime stalinien dont la propagande craignait et neutralisait tout ce qui n’était pas rouge et faucillé. Au cours de l’hiver 1944, Staline avait invité De Gaulle à Moscou. Les deux hommes discutèrent pendant treize heures. Staline était-il reconnaissant envers cet étrange général rebelle, qui avait affirmé, alors que les Allemands approchaient de Moscou : « Hitler perdra, c’est impossible de vaincre la Russie ». Dans l’entourage de Churchill, on murmurait au contraire que pour Moscou, la fin était proche. C’est en partie grâce à l’aide du partenaire soviétique que De Gaulle a pu avoir voix au chapitre aux conférences des vainqueurs, auxquelles ni Churchill ni Roosevelt n’associaient la France. Parallèlement, le chef de la France libre faisait contrepoids aux ambitions soviétiques, s’opposant à Staline pour garder l’Europe de l’Est sous influence occidentale avant même qu’elle ne soit libérée - la Pologne, si cruciale pour l’URSS, faisait l’objet d’une attention particulière de sa part. Ce qui ne l’empêchait pas de détester les nazis ni de refuser le pardon aux traîtres ou aux collabos. Devenu président, De Gaulle reçut Khrouchtchev à Paris et fut déçu par cet interlocuteur inculte. L’aristo et le mineur d’origine paysanne n’avaient de toute évidence pas la même vision des choses. Mais le Président de Gaulle a réjoui le pays des Soviets en sortant de l’organisation militaire de l’OTAN une France à laquelle il avait redonné sa superbe. Ses contacts avec Brejnev, plus sophistiqué et initialement plus souple que Khrouchtchev, ont scellé l’entente entre les deux pays. J’ai toujours vu en Charles de Gaulle un honnête patriote qui su arracher son pays à l’emprise des Allemands puis au danger de le voir sombrer dans le gauchisme. Quelle est la différence entre De Gaulle et ses successeurs au poste suprême ? Elle est de taille : il s’est toujours comporté comme un président, sans jamais descendre d’une marche. Par exemple au niveau d’un ministre de l’Intérieur. Nikolaï Dolgopolov est le rédacteur en chef adjoint de Rossiyskaya Gazeta.

Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins des rubriques “Débats et Opinions” et “Perspectives” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : redac@Larussiedaujourdhui.fr


Perspectives

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

CES SACRÉS RUSSES

Minorités Reportage dans un village Rom dilapidé dans la région de Vladimir

Les Roms, grands oubliés des pouvoirs publics Entre nostalgie et misère, freinés par la criminalité et les discriminations, les Tsiganes de Moscou peinent à s’adapter à la vie moderne. La Russie d’Aujourd’hui leur a rendu visite. MACHA FOGEL

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Je vais vous le dire, moi : le problème des Tsiganes, c’est qu’il n’y en a pas deux qui travaillent ». Le jeune policier russe est de visite dans le village tsigane Gorodishy, à quelque 150 km de Moscou. Dans son uniforme à veste en cuir, les cheveux blonds ras et l’œil clair, il prend un air amusé pour dire leur fait à Géorgui Chekine, alias Yaloush en langue rom, qui travaille pour l’organisation russe interrégionale de défense des Tsiganes, et au vieux Guendar, l’ancien du village. Guendar se défend et siffle entre les dents qui lui manquent, tandis que le policier s’en va : « Les Tsiganes n’ont pas d’éducation, ils ne trouvent pas à s’employer de nos jours ». Guendar est le baro, « l’ancien » du village. Dans ce tabor (« campement ») de la région de Vladimir, vivent des Tsiganes du groupe ethnique des Koldiary, l’un des peuples qui ont le mieux conservé leurs coutumes ; tous étaient nomades en 1956, quand l’URSS a sédentarisé de force les Tsiganes. Les Koldiary, venus d’Europe orientale, étaient traditionnellement maquignons ou artisans ferrailleurs. Après la chute du communisme, certains se sont reconvertis en ouvrant de fructueuses entreprises de chauffage central. Mais ici, dans le vil-

180 000 à 400 000 Tsiganes vivent en Russie aujourd’hui.

criminelle. « Mais après la pérestroïka, toutes les nations de Russie se sont mises à faire du commerce, et les Tsiganes, souvent illettrés, n’ont pas pu suivre », explique Marianna Seslavinskaya, l’une des dirigeantes de l’Union interrégionale russe de défense des Tsiganes, Roma Union. Marianna Sleslavinskaya et son mari Gueorgy Tsvetkov font de l’éducation des Tsiganes une priorité absolue, dès lors que cette éducation intègre la culture tsigane. Tous deux travaillent dans un laboratoire de recherche, mais manquent de moyens : ils ne sont que deux pour toute la population tsigane. « Nous n’avons pas de région allouée, contrairement à la plupart des minorités russes. Du coup, personne ne s’occupe de financer la transmission de notre culture. Les enfants rom qui débutent l’école à six ans apprennent le russe avec les autres comme si c’était leur langue maternelle, alors qu’ils parlent le tsigane ». En1927, le pouvoir avait mis en place un programme d’enseignement pour les Tsiganes, mais Staline l’a supprimé dès 1938, en prélude à sa campagne anti-cosmopolite. « Ce qu’il faut », poursuit Marianna, « c’est d’abord enseigner aux Tsiganes leur langue, avant la culture russe. Car un Tsigane qui perd sa propre culture ne devient pas un Russe pour autant. Il devient marginal. Sauvegarder l’identité des Tsiganes, c’est la seule façon de les intégrer, pour leur permettre de trouver du travail et leur éviter de sombrer dans des problèmes identitaires, dans la pauvreté et la criminalité ».

L’HOMME D’UNE IDÉE

ABSURDITÉ RASSURANTE

UNE PUNITION POUR TOUS

VEDOMOSTI

NEZAVISSIMAÏA GAZETA

GAZETA.RU

En sept ans derrière les barreaux, Khodorkovski s’est mû d’oligarque classique en homme d’une idée (la défense du droit, ndlr). En tant que tel, il ne se conduit pas de manière rationnelle. Ceux qui ont réussi à s’arracher à la poigne de nos forces de l’ordre donnent deux conseils : évite de te la ramener et n’accuse aucun individu concret d’actions illégales. Depuis sept ans, Khodorkovski enfreint obstinément ces deux commandements, irritant le pouvoir et ceux qu’il a nommés. Bien qu’il soit menacé d’écoper d’une lourde peine, il n’a pas dévié de cette idée.

Khodorkovski et Lebedev ont les témoignages pour eux, la logique et l’opinion publique. Mais ils ont contre eux une distribution définitive des rôles. Notre système est plus confortable avec un Khodorkovski prisonnier qu’en liberté. Leur acquittement brouillerait les cartes. Le pouvoir a-t-il faibli ? Ou la raison est-elle autre ? Tout deviendrait moins clair. Et notre conscience préfère accepter l’absurde plutôt que d’être bousculée. Khodorkovski est devenu un mythe. À l’instant où le juge prononcera « innocent ! », le mythe s’écroulera.

Khodorkovski et Lebedev ont deux possibilités : mourir en prison ou en sortir, mais dans un pays qui aura changé. Au début de la présidence de Medvedev, l’acquittement de Khodorkovski et de Lebedev aurait signifié que le nouveau maître du Kremlin voulait réellement changer le pays. Aujourd’hui, c’est un autre tableau : tant que le pays n’a pas changé, ils ne seront pas remis en liberté. Le jour du verdict, nous saurons combien de temps le pouvoir s’est octroyé pour espérer un changement qui permettrait à ces personnes d’être libérées.

lage, personne n’a réussi quoi que ce soit. « On ne fait rien de la journée. On reste debout à attendre que ça se passe ». Une douzaine de jeunes hommes se tiennent, veste en cuir et vêtements sombres, les mains dans les poches. Derrière eux passe la voie de chemin de fer. Elle longe le tabor, dont les maisons de bois sont alignées à la russe, le long d’une rue principale. Guendar reprend : « Celui qui a une voiture fait le chauffeur occasionnel et ramène de quoi nourrir la famille. Mais comment fait celui qui n’a pas de voiture ? Bah, il vole, c’est simple, pour les enfants ». On entre dans la maison de Guendar. « Tout ce qui est beau ici, ça vient du communisme. À l’époque, il n’y avait pas de pauvres ni de riches », regrette Guendar. « Quand on n’avait pas de travail, on touchait le chômage ». Les murs sont tendus des splendeurs du soviétisme, voilages roses et jaunes, et des châles à fleurs éclatants re-

couvrent les canapés. À demiallongée sur un divan, la mère, en costume bleu, fume avec un sourire ferme. « Tu veux voir le film du mariage de ma nièce ? » Les images révèlent une belle fille de quinze ans dont la jupe orange virevolte, avec des médailles de cuivre qui cliquettent, tandis que la vieille femme apporte le thé, le beurre, les champignons marinés. « Ah non, c’est vrai, tiens, on n’a plus l’électricité ». L’inactivité des Tsiganes résulte de leur non-intégration dans l’économie moderne, urbaine et concurrentielle, alors qu’ils ne constituent plus, en Russie, une population nomade. Du temps du communisme, certains groupes de Tsiganes, les « Russka Roma » notamment, ceux qui chantaient pour les nobles du régime tsariste, et les plus intégrés de nos jours encore, s’étaient spécialisés dans la contrebande. Il y avait peu de marchandises à l’époque. C’était une activité illégale, mais non

LU DANS LA PRESSE KHODORKOVSKI : LE POUVOIR CRAINT SA LIBÉRATION Le verdict du second procès de Mikhaïl Khodorkovski, l’ex-patron de Ioukos, et de son associé Platon Lebedev, est attendu pour le 15 décembre. La presse russe a salué le dernier plaidoyer de Khodorkovski devant le tribunal. Elle s’interroge désormais sur l’attitude du pouvoir, dont l’insistance à cloîtrer les deux hommes paraît de plus en plus absurde. Préparé par Veronika Dorman

Tatiana Lysova

Stanislav Minine

La rédaction

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Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

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Attentat à base de vodka François Perreault

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ien de tel qu’un retour au pays pour se ressourcer. Après un weekend parisien, JeanPierre se sent d’attaque pour affronter à nouveau la grisaille moscovite de novembre. Arrivé à Charles-de-Gaulle, inutile de chercher sur l’écran le comptoir d’embarquement du vol pour Moscou : il suffit de trouver le troupeau de femmes bien mises, derrière lesquelles un troupeau de maris ahane en traînant d’énormes sacs de boutiques de luxe. On peut également suivre le nuage olfactif de Chanel N°5, les deux mènent au même endroit. Entre la salle d’embarquement et les boutiques hors-taxes, on observe un va-et-vient intéressant. Les maris gardent les bagages pendant que les épouses raflent le stock de parfums et de chocolats ; puis les maris partent à leur tour écumer le rayon des alcools et ramener en toute logique quatre cartouches de clopes : elles sont plus chères qu’à Moscou. Embarquement immédiat dans l’avion. Manque de bol, JeanPierre est coincé au milieu. Côté hublot, Igor dépasse notre ami de quelques dizaines de kilos ; côté couloir, Olga-la-babouchka-qui-visite-sa-fille-exilée est non moins imposante. À bord, c’est le cirque. Les compartiments bagages sont insuffisants pour les sacs de shopping, les babouchkas tentent de cacher leurs gros paquets sous leurs sièges. Les hôtesses engueulent les babouchkas et Igor engueule l’hôtesse qui re-

fuse de lui servir une bière. Une demi-heure plus tard, le pilote halluciné déboule, ne comprenant pas pourquoi l’embarquement n’est pas terminé. Il sursaute en entendant un cri : l’hôtesse n’a pas apprécié que le passager du 20A, très éméché, lui mette la main aux fesses. Finalement, l’avion décolle. Malgré l’interdiction de consommer les bouteilles hors taxes, la moitié de l’avion picole sec. Olgala-babouchka sort le saucisson, le pain noir et le fromage, et déplie sa petite nappe. Igor, qui siffle son Baileys, engueule l’hôtesse qui refuse de lui donner un rabe de ragoût. Dans le feu de l’action, c’est Jean-Pierre qui reçoit le reste de Baileys sur les genoux. L’hôtesse, en larmes, décampe en classe Affaires. Heureusement, le vol durera moins longtemps que prévu. C’est arrivé au-dessus de Varsovie : Igor fait connaissance avec Vladimir (celui du 20A). En moins de deux, ils sont copains comme cochons. Les deux comparses profitent alors du moment où les deux hôtesses du fond étaient consolées par leurs collègues du devant pour aller en griller une dans les toilettes. Manque de bol, le petit incendie déclenché par le mégot d’Igor dans la poubelle sera difficile à maîtriser. La fumée s’intensifie, une sirène se déclenche, Igor s’énerve, brise le loquet de la porte. Malgré tout ses efforts, le steward ne parvient pas à la forcer.Vladimir, légèrement claustrophobe, hurle. Finalement, le calvaire arrive à son terme : l’atterrissage d’urgence s’est bien déroulé, et on dit que Minsk est une ville charmante. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

CES SACRÉS FRANÇAIS

L’inconfort de la liberté Natalia Gevorkyan

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ne terrasse de café à la Bastille. Un flot incessant de gens devant nous. Ce n’était pas pendant ces dernières grèves sur les retraites, mais les manifestations des jeunes contre le CPE (contrat première embauche). Mon fils, passeport européen en poche mais vivant à Moscou depuis l’âge de neuf ans. Et sa copine, passeport russe, mais qui travaille en Europe depuis cinq ans. Lui, intéressé et sceptique. - C’est génial de pouvoir descendre dans la rue pour dire ce que tu penses. Sans prendre de coups de matraque sur la tête. L’État s’en fiche royalement. Et à quoi ça sert, alors ? L’État fait ce qu’il veut… Elle, intéressée et optimiste. - Eh bien non. Ils peuvent obtenir quelque chose. Et puis ils expriment leur position, et ça c’est important. Mon fils est pathologiquement apolitique. Sa maturité électorale est tombée au moment où il était difficile de prendre au sérieux les élections en Russie. Il a eu 18 ans en 1999. Sa copine, en revanche, a grandi en Occident. Les manifs et les grèves font partie de son univers. Elle pense que l’État n’est pas totalement indifférent, même s’il adopte une mesure impopulaire. D’autant plus s’il fait marche arrière. On peut faire gober à mes concitoyens que les manifestants empêchent les gens de se rendre à la datcha. Ils sont sincèrement étonnés : comment ça, l’accès à l’aéroport est bloqué ? Plus d’essence à cause des

grèves ? La plupart remercient le sort que rien de tel n’arrive chez eux, sans penser au prix du confort, ou du conformisme, ou de l’indifférence, souvent des synonymes. L’annonce de l’augmentation de l’âge de la retraite en Russie, survenue au plus fort des désordres en France, est passée inaperçue. Les Moscovites étaient plus intrigués par les protestations en France que par les enjeux de fond. Un seul m’a demandé : « Et quelles sont les chances de Sarkozy désormais avec un taux de popularité à 30% ? » En allumant la télé récemment, mon fils s’est souvenu de cette discussion à la Bastille. - Il y avait eu des manifs aussi, et qu’est-ce qu’ils ont gagné, ceux qui ne voulaient pas du CPE ? La loi n’est pas passée et celui qui l’avait proposée n’a pas été élu président. - C’est que la loi devait être franchement pourrie. Et pourquoi ils font la grève cette fois-ci ? La loi est pourrie, là encore ? Je me suis sentie prise au piège. Je pense que le CPE, comme la réforme des retraites, est rationnel. Il me dévisage avec une incompréhension sincère : - Mais alors, si ces lois sont justes, comme tu dis, c’est quoi l’embrouille ? - Pour ton droit d’avoir un avis et de l’exprimer ouvertement, je suis prête à avoir froid, me déplacer à pied, repousser mes voyages et ne pas aller à la datcha. Et j’espère que toi aussi, pour ton droit d’avoir ton avis, tu es prêt à faire ce genre de sacrifice. Pas si gros que ça, somme toute. Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.


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Culture

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CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Festival La Normandie à l’heure slave du 24 au 28 novembre au rendez-vous cinématographique de Honfleur

Le cinéma russe débarque En quête de nouveautés cinématographiques slaves ? Direction la Normandie où Honfleur accueilera le 18ème Festival du cinéma russe.

Excès de vitesse en locomotive

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FEDOR KLIMKIN

KINOPOISK.RU

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Pendant cinq jours, les spectateurs pourront découvrir une trentaine de longs métrages de réalisateurs russes, confirmés et débutants. Huit fictions seront en compétition pour le Grand prix. Devise de la manifestation : proximité des stars et du public. « Après chaque projection, nous débattons avec les créateurs du film. N’importe quel spectateur peut solliciter le réalisateur ou les acteurs », explique Elena Kvassova-Dufort, la porte-parole du festival. Alexeï Outchitel, très attendu, vient présenter son dernier film, La lisière (voir encadré). Connu et aimé du festival, il avait reçu le Grand prix en 1995 pour La Folie de Gisèle. Par soucis d’exclusivité, les films en compétition ne sont évidemment pas encore sortis en France. On peut espérer que la projection à Honfleur permettra à un maximum de toiles de trouver des distributeurs dans l’hexagone. En l’honneur du 65ème anniversaire de la victoire sur le nazisme, le thème du festival « Re-

Vladimir Machkov, dans une scène du film La lisière.

gards sur la Seconde Guerre mondiale » sera illustré par une série de films russes et soviétiques, dont des classiques : la bouleversante Balade du soldat de Grigori Tchoukhrai, primé à Cannes en 1960 ou le déchirant Ils ont combattu pour la patrie de Sergueï Bondartchouk. De son côté, le supplément La Russie d’Aujourd’hui, partenaire média de l’événement, présentera une exposition des travaux du photographe pétersbourgeois Sergueï Larenkov.

LE MOT DE LA PRÉSIDENTE

Des talents toujours en mouvement Françoise Schnerb PRÉSIDENTE DU FESTIVAL

L’unicité du Festival tient à la fois au charme de la ville avec son joli port, ses maisons anciennes, et à l’ambiance stimulante et dé-

tendue qui règne durant ces cinq journées. Les Russes s’y sentent chez eux et les spectateurs vont à leur rencontre, pour un véritable échange autour du cinéma. Ce climat privilégié et la qualité de la programmation font de Honfleur un rendez-vous à ne pas manquer.

Écrire pour ne pas mourir

1945, juste après la guerre. Le simple tankiste Ignat (Vladimir Machkov), de retour du front, vient travailler comme mécanicien à Kraï, un village perdu de la Sibérie. Amour, haine, passion, lutte entre le bien et le mal, tout y est et tout est porté à l’extrême. Le réalisateur Alexeï Outchitel joue sur le cliché selon lequel l’âme russe est insondable et exploite à fond une autre idée reçue qui veut que les Russes raffolent de la vitesse au volant. Grande première pour le cinéma russe : les spectateurs assisteront à une course de locomotives. L’amour n’est pas moins spectaculaire. Ignat tombe amoureux de l’Allemande Elsa (Anjorka Strechel), qui a vécu toute la guerre à bord d’une locomotive abandonnée dans la taïga. Le couple mixte sert à illustrer un autre thème important du film : les relations entre deux peuples, entre des Russes vainqueurs et des Allemands vaincus. Très attendu en Russie et sorti sur les écrans à la rentrée, La lisière a fait couler beaucoup d’encre dans sa patrie. Le film a d’ailleurs été sélectionné pour représenter la Russie aux Oscars hollywoodiens.

TITRE LE SYNDROME DE FRITZ ÉDITION NOIR SUR BLANC TRADUIT PAR JULIE BOUVARD

Musique classique « Week-end russe » à Paris avec les plus prestigieux virtuoses de l’Est

Kissine, Berezovsky et Repine s’offrent Pleyel Une longue et riche année de révérences culturelles croisées s’achève, mais il reste encore quelques événements éclatants à la carte. VERONIKA DORMAN

« Pour bon nombre de Français, la Russie reste l’un des berceaux incontestés de la culture classique. Dans le domaine du symphonique ou de l’opéra, des compositeurs ou des écrivains, des musiciens ou des danseurs, l’école Russe est une référence », commente Voni Sarfati, de Produc-

OLEG NACHINKIN

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’orchestre symphonique Tchaïkovski sous la baguette de Fedoseev.

tions Internationales Albert Sarfati, qui coproduit la manifestation avec la Salle Pleyel. Le premier concert du programme réunit pour une unique date le couple légendaire que forment le violoniste Vadim Repine et le pianiste Boris Berezovsky, qui interpréteront des œuvres de Prokofiev, Janacek et Ravel. Dans la catégorie Solistes prestigieux également, Evgueni Kissine jouera des œuvres de Schumann et Chopin. « Au piano, il est tout de même aujourd’hui la référence absolue et pouvoir le compter parmi les artistes de ce weekend est un grand privilège pour nous », se réjouit Voni Sarfati. Au programme symphonique, le magistral Orchestre symphonique Tchaïkovski, au grand complet, sous la direction de Vladimir Fedoseev, enchantera les petits et les grands. D’abord, un joyeux mélange de Pierre et le Loup de Prokofiev et de La Belle au bois dormant de Tchaïkovski, en

compagnie de la comédienne Marie-Christine Barrault, récitante. Le lendemain, deux illustres acteurs russes, Mikhaïl Phillipov et Polina Koutepova liront en russe des extraits du roman Guerre et Paix de Léon Tolstoï pour accompagner la suite éponyme de Prokofiev, précédée de l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski et suivie de la Symphonie n°3 Eroica de Beethoven, pour une trilogie consacrée à la campagne de Napoléon en Russie. « Nous avons composé ce programme pour notre public russe, mais il a déjà eu un grand succès au festival de Cannes, c’est pourquoi nous avons choisi de le rejouer dans la célèbre salle Pleyel », commente le maestroVladimir Fedoseev, qui aime passionnément la culture française et regrette de ne pouvoir se produire plus souvent en France. Un Week-end russe, samedi 4, dimanche 5 et lundi 6 décembre 2010, à la Salle Pleyel.

Art total Aragon et Maïakovski au cœur d’un spectacle qui mêle chorégraphie, poésie, chanson et théâtre

Pour les yeux d’Elsa, en vers... et contre tout CHLOÉ VALETTE

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dans les yeux d’Elsa, brillent Aragon et Maïakovski. Un « triolet », aimait à répéter Maïakovski, lié par l’histoire et la poésie. Mis en scène, créé et interprété par Bruno Niver, le spectacle musical Ils se sont rencontrés à Paris est une ode candide au poète. Bruno Niver fait revivre sur scène la rencontre entre Vladimir Maïakovski et Lili Brik d’une part, celle de

Louis Aragon et d’Elsa Triolet de l’autre, aux couleurs de la poésie et aux sons des chansons françaises et romances russes. De Moscou à Paris, sur les pas d’Elsa, l’actrice et narratrice Marina Kapralova lance au public une invitation au voyage. Au menu, ambiance cabaret et nostalgie de la Belle époque. Au détour du café Certa, dans le passage de l’Opéra aujourd’hui disparu, c’est aussi la rencontre furtive de quelques autres poètes des « années folles », André Breton, Tristan Tzara, Paul Eluard. Un croisement scénique du surréalisme et du futurisme à travers le prisme de quelques pas de danse, de costumes « calligrammés », et de

la parole. Un chanteur-poète, une comédienne, une danseuse et deux musiciens qui déambulent dans un espace réduit, une mise en scène minimaliste qui donne tout son sens aux vers. Alternant chansons de Léo Ferré et de Jean Ferrat, et récital de poèmes, le spectacle dévoile Maïakovski et Aragon sous un nouveau visage. Bruno Niver scande la révolte des poètes maudits, mais aussi le lyrisme et l’exaltation amoureuse, récitant les poèmes dédiés aux sœurs et muses, Lili et Elsa. Ce spectacle en français et en russe surtitré est à voir au théâtre du Marais jusqu’au 18 décembre, les jeudis, vendredis et samedis.

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GUILLAUME BELVÈZE

À partir des mémoires d’Elsa Triolet et de Lili Brik, Bruno Niver retrace les univers poétiques parallèles du Paris et du Moscou des années 20.

Le spectacle dévoile Maïakovski et Aragon sous un nouveau visage.

C’est à Paris, dans une cave du 14ème arrondissement, que Dmitri Bortnikov a écrit Le Syndrome de Fritz. « Aussi décharné qu’un personnage de Giacometti », dit-il. Giacometti, dont le petit atelier est tout proche. Largement autobiographique, le livre a jailli « comme un vomissement ». Dans un squat parisien, Fritz écrit fiévreusement à même son drap. Les souvenirs remontent, marée irrépressible. Une morne campagne sans nom au milieu de la steppe. Un petit garçon obèse regarde le monde cruel, veule, sordide : une mère épuisée par le labeur, un grand-père libidineux, antisémite et alcoolique, un père haï qui le tabasse jusqu’à la nausée. Une arrière-grand-mère adorée. Des terrains vagues, des immeubles lépreux, l’hôpital, où sa mère travaille. Fritz, s’y empiffre des restes laissés par les infirmières et les patients ; la morgue où on l’envoie porter les corps de nourrissons. Un abattoir où il découvre, ébloui, l’amour interdit du corps des hommes. Le décor rappelle l’univers de Pasolini : « Rails étincelants, cheminées fumantes des fabriques, blessures sombres zébrant le mur de l’abattoir, frênes jeunes et sveltes, érables poussiéreux, terrains vagues, tessons de bouteille ». À la télé, Fritz découvre Le Roi Lear. Il sera le bouffon, celui qui jouit d’une liberté sans limites ! Fritz s’évade dans la boulimie et dans les livres qu’il dévore. Le bouffon trouve des échos chez Rabelais. « Rabelais m’a révélé le trésor inestimable qu’était l’aptitude à rire des tragédies du corps... Quelle cocasse vêture que mon saindoux ! une magnifique fourrure de kilos qui n’avait pas été taillée pour moi... se tromper de costard, quelle bonne blague ! » La mort de l’aïeule marque un tournant, une maturité soudaine. Puis ce sera l’armée, quelque part dans un port du bord de la Baltique. Les casernements, le mitard, la faim, le froid et la misère sexuelle ; la violence, parfois insoutenable, faite à l’homme par l’homme. On pense à Céline. On pense à Genet aussi : même fascination pour le corps masculin, la marginalité et la violence. Le Syndrome de Fritz est un livre puissant, sombre et lumineux, écrit dans une langue rugueuse, lyrique aussi, que la traductrice Julie Bouvard a su admirablement restituer. Christine Mestre

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Festival Treize manifestations artistiques contemporaines programmées du 15 au 21 novembre

LE RUSSE MONDIALISÉ, MALGRÉ LES IMBÉCILES

Avis de rafales créatrices sibériennes annoncé sur Lyon

Gassan Gusseinov

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

La Fondation Mikhaïl Prokhorov organise « Sibérie inconnue », un festival d’art contemporain multidisciplinaire axé sur le thème de l’immense territoire au-delà de l’Oural.

LENTA.RU

À

PAUL DUVERNET

Une performance du théâtre AXE (ci-dessus), les marionnettes de la troupe moscovite Teni (en haut à droite) et une photo du Liquide Theatre (en bas à droite), basée sur les œuvres de Malevitch.

avant même l’exposition prévue prochainement à Moscou. Les arts plastiques seront mis à mal dans une performance dadaïste des fameux « Sinie Nossy » [nez bleus, ndlr]. Moins radicale, mais venant du Grand Nord (Norilsk), une exposition conjointe de peintres russes et français présentera des œuvres créées en commun avec des élèves de l’orphelinat

Intimité rugueuse des logements communautaires

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Ce n’est pas la Russie telle qu’on la veut voir, c’est une Russie que beaucoup aimeraient voir rester cachée. Parfois triste et même sordide, elle possède aussi un caractère pittoresque, unique. Avec une approche presque sociologique, la photographe et réalisatrice Françoise Huguier se penche sur la Russie de tout en bas. Se définissant comme une « photographe documentaire », Huguier est une grande voyageuse qui décide, en 2000, de passer plusieurs années à Saint-Pétersbourg pour travailler sur les appartements communautaires, où vivent encore 10% des habitants de la « capitale du nord ». Elle s’installe dans ce monde à part, régi par des règles que les Occidentaux ont eu la chance de pouvoir oublier depuis la fin du XIXème siècle. Les hommes et

tée par l’hilarant « Slam electro » de Iolotchnye Igrouchki. En organisant ce festival dédié à la création russe d’aujourd’hui, la Fondation Mikhaïl Prokhorov entend offrir à la France une nouvelle vision de la Russie, loin des clichés qui opposent les deux cultures. Le festival « Sibérie Inconnue » est inscrit par le ministère de la Culture russe au programme officiel des événements culturels de l’année croisée France-Russie 2010, dont il constitue l’un des temps forts. Il dresse le portrait d’une culture contrastée en associant des figures majeures de la scène russe indépendante et des artistes venus d’univers

tables. Les femmes sont les piliers de la société russe ». L’humour n’est pas absent, lorsqu’elle observe les espaces « privés » jalousement délimités - « c’est du communautaire très individualiste ». Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas stricto sensu d’un reportage. Huguier reste une artiste. L’esthétisation reste discrète, mais un œil averti ne manquera pas de remarquer le travail sur trois couleurs « fétiches » : rouge, vert et turquoise, qui sont selon Huguier « les couleurs typiques des kommunalki ». Comme chez Jan Saudek, on trouve ce curieux mélange de poésie et d’insalubrité, de couleurs vives et de tâches brunâtres, de chair appétissante sur fond de pauvreté extrême. Parallèlement à l’exposition, le film documentaire Kommunalka, réalisé par la photographe en 2008, est projeté à horaires fixes. Pavillon Carré de Baudouin Paris XXe. Jusq’au 8 janvier.

Exposition Zaborov à la galerie Vallois

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

MDF

JULIA KOUDINOVA

femmes qui y vivent (et n’ont souvent pas connu autre chose), n’ont pas les moyens de louer leur propre appartement. Ils partagent avec d’autres familles cuisine et salle d’eau, et parfois même leur propre chambre. L’objectif de la photographe pénètre profondément dans l’intimité de ces « communards » malgré-eux. Le courant passe de toute évidence mieux avec les femmes. Laconique, Huguier remarque : « Les hommes sont ins-

moins repérés. Pourquoi la Sibérie ? Parce qu’elle « occupe une grande place dans la mythologie culturelle de la Russie et qu’elle est devenue un centre important d’art contemporain du pays », explique un communiqué de la Fondation. La force symbolique de cet immense territoire est évidemment moindre en Occident, mais elle n’a pas manqué d’inspirer dans le passé nombre de penseurs français, comme le Marquis de Sade, Alexandre Dumas ou Jules Verne. Cette « Sibérie inconnue » sera un excellent vecteur d’inspiration pour les artistes français du futur.

local et des scolaires lyonnais. Le Théâtre des Nations donnera un spectacle inspiré par les récits du célèbre écrivain sibérien Vassili Choukchine tandis que trois troupes russes brûleront (voir photos) les planches des meilleurs théâtres lyonnais. La musique classique est aussi à l’honneur avec deux opéras de Rachmaninov (Aleko et Monna Vanna) à l’Opéra de Lyon. L’Orchestre national de Russie dirigé par Mikhaïl Pletnev et le « Studio de la musique nouvelle » d’Igor Dronov s’occuperont du genre symphonique. La scène électronique sera elle représen-

Natacha, 26 ans : « Mon égérie, que je photographie depuis 2001 ».

Le livre immortalisé dans la sculpture La galerie Robert Vallois rend hommage à l’art russe dans le cadre d’une exposition consacrée à Boris Zaborov (jusqu’au 14 décembre). CHLOÉ VALETTE

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les œuvres présentées, sculptures-livres ou livressculptures en bronze, traduisent l’essence même d’une réflexion complexe de Boris Zaborov, à la fois peintre et sculpteur, sur la mémoire, le temps, la vie. Les bronzes « Un livre ouvert et un masque », ou encore « Quatre livres et une montre », témoignent de cette corrélation entre réminiscence et existence. Cette quête mènera l’artiste vers la création d’une « bibliothèque des vestiges », dans laquelle ses sculptures prendront un sens. Boris Zaborov a une approche archéologique du livre. À taille réelle ou géant, cadenassé, rarement ouvert, le livre est une trouvaille. « C’est une boîte de Pandore. On y trouve le savoir, la connaissance, mais on ne peut pas l’ouvrir, ni le feuilleter », explique l’artiste. Livres anciens, délaissés, malmenés souvent… En danger peut-

GALERIE VALLOIS SCULPTURES

La Sibérie « occupe une grande place dans la mythologie culturelle et est devenue un centre de création »

Photographie La Russie vue d’en bas

À Paris, la photographe Françoise Huguier dévoile une réalité crue dans 68 clichés mis en abyme par une sélection de textes emblématiques de la littérature russe.

PROKHOROVFUND.RU(3)

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov n’est pas rancunier. La dernière fois où son nom a fait la une des journaux lyonnais, c’était en 2007, lors de son arrestation par les policiers français à Courchevel. Soupçonné à tort d’être lié à un réseau de proxénétisme, il avait passé 48 heures en garde à vue dans les geôles lyonnaises. Pour faire oublier ce fâcheux incident et montrer que les hommes d’affaires russes ne sont pas dénués de culture, sa fondation offre un panorama exceptionnel de la production artistique actuelle de son pays. C’est un événement sans précédent pour le public lyonnais, qui n’a jamais été aussi gâté en matière d’accès à la culture russe. Multidisciplinaire, la manifestation accueillera 80 artistes et proposera des représentations théâtrales (avec notamment la première en France des « Récits de Choukchine »), de la musique classique et contemporaine, de la danse, des expositions… et même un très sérieux colloque en présence d’écrivains et de spécialistes de la littérature russe et française. Accueillis par les grandes institutions culturelles de Lyon, ces événements seront pour la plupart présentés en exclusivité nationale. Voire même mondiale dans le cas de Nicolas Lyovotchkine, dont les monuments visionnaires, objets hors du commun, seront montrés pour la première fois,

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être ? S’interrogeant sur leur devenir, Zaborov nous renvoie à l’ère des nouvelles technologies et à l’espace-temps médiatique. « Le livre comme objet de culture est menacé de disparition. Prenez le livre électronique ! Mes livres-sculptures contiennent tous les éléments ‘hors radars’ : couverture, reliure, fleuron », martèle le sculpteur. Pour la galerie Vallois, Zaborov a toujours été un ami et un grand artiste. « Tout est une question de contact. Pour nous, c’est une très belle rencontre », révèle RobertVallois, le directeur de la galerie d’art. L’histoire entre le collectionneur et le sculpteur a pris forme il y a presque trente ans, lorsque Zaborov a posé définitivement ses valises à Paris, où il vit et travaille aujourd’hui.

l’époque soviétique, le russe était une langue internationale régionale. Formellement, c’était (et c’est encore) l’une des langues officielles du Conseil de sécurité de l’ONU, mais dans les faits, il était moins étudié dans le monde que le français ou l’espagnol. En revanche, le russe était véritablement une langue véhiculaire dans les ex-pays soviétiques, les États d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine dans lesquels l’URSS contribuait à la formation de cadres pour la construction du socialisme. On rencontre encore, dans les endroits les plus surprenants, des gens qui ont appris le russe en lisant Maïakovski « simplement parce que Lénine le parlait » (dixit le poète, ndlr). Un chauffeur de taxi berlinois originaire d’Iran ou un médecin afghan à Brême, qui ont appris le russe à Bakou dans les années 1970 ou au lycée de médecine en Ukraine dans les années 1980, ne sont pas que des vestiges d’un empire disparu. Ils sont membres du réseau mondial des amis de la langue russe. L’URSS a éclaté, la Russie a perdu des territoires, mais la langue russe, à l’inverse, s’est mondialisée. Bien sûr, des imbéciles de part et d’autre de la frontière cherchent à enrayer le processus.

Les jargons des politiciens, des maquereaux, des forces de l’ordre et des rebelles du Caucase doivent être eux aussi étudiés par ceux qui veulent comprendre la Russie contemporaine Les uns utilisent le russe comme une arme politique, font du chantage aux États voisins en déclarant « concitoyens » tous les russophones des pays étrangers. Les autres, tout aussi imbéciles, privent une partie de leur population de ses droits civils de base sous prétexte qu’il s’agit d’« occupants ». Si tu es ravi qu’un serveur moldave te parle russe dans un restaurant en Italie, sois patient avec un chauffeur de taxi Tadjik débutant à Moscou. Une langue acquiert des fonctions mondiales quand on ne peut pas ne pas l’apprendre. Mais quelle sorte de russe s’impose aujourd’hui, au niveau mondial ? C’est moins le langage des technologies spatiales ou la poésie de l’Âge d’argent, que les jargons des politiciens et des routiers, des maquereaux et des dealers, des forces de l’ordre et des rebelles du Caucase. Ces parlers doivent être étudiés par tous ceux qui aiment et veulent saisir la Russie contemporaine, de l’entrepreneur à l’agent d’Interpol. Un soldat américain parlant parfaitement le russe a avoué récemment qu’en Afghanistan, il valait mieux, dans certaines circonstances, parler russe qu’anglais avec les habitants. « Question survie, c’est plus pratique », m’a-t-il dit. Même ceux dont c’est la langue maternelle en ont besoin pour survivre, me suis-je dit. J’avais ma réponse à la question de savoir si le russe était ou non, aujourd’hui, une langue mondiale. Gassan Gousseinov est docteur en philologie et enseigne la littérature ancienne au MGU.


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Loisirs

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RECETTE

Ballet Maïa Plissetskaïa souffle ses 85 bougies : clichés d’une carrière de légende

La « Diva de la danse » fait encore briller les étoiles

Croquettes Pojarski : sauvées par le Tsar ! Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les solistes russes et français danseront en l’honneur de la légendaire ballerine.

ITAR-TASS

Pour célébrer ses 85 ans, les étoiles russes et françaises lui rendront hommage lors d’un spectacle de gala au Théâtre des Champs-Élysées, organisé le 6 décembre avec le concours du Fonds caritatif Maris Liepa et l’Association des amis des Saisons russes du XXIe siècle. Les solistes du Bolchoï et du Mariinski rejoindront sur scène ceux de l’Opéra national de Paris pour honorer la grande dame du ballet. Dans la salle, aux côtés de Maïa Plissetskaïa seront présents ses amis et collaborateurs : Pierre Cardin, Alissia Alonso, Patrick Dupont et Roland Petit.

Maïa Plissetskaïa, 1953.

Biographie Née à Moscou le 20 novembre 1925, Maïa Plissetskaïa, privée de ses parents en 1937-1938 dans les purges staliniennes, est recueillie par sa tante et son oncle, tous deux danseurs. Dès l’âge de 9 ans, elle débute sur les planches du Bolchoï. En 1943, la fille « d’ennemis du peuple », remarquée depuis l’enfance pour son extraordinaire talent, entre au Ballet du Bolchoï et devient la fierté de toute la nation soviétique. En 1958, elle épouse le compositeur russe Rodion Chtchedrine. Prima ballerina assoluta du Bolchoï à partir de 1962, elle y défend avec audace les chorégraphes modernes et fait découvrir à la Russie Maurice Béjart ou encore Roland Petit, qui créeront des ballets spécialement pour cette soliste hors pair.

PAROLE DE PRIMA BALLERINA

"

Je suis surprise à chaque fois de la manière dont les gens me reçoivent. Où que je sois, partout, des regards exaltés, des applaudissements. Ça ne se simule pas. Je vois bien que les gens sont sincères. J’ai toujours vécu et je vis pour cela… ARGUMENTY I FAKTY, 23 NOVEMBRE 2005

"

Au commencement était le mot, dit-on. Et moi je pense qu’au commencement était le geste, parce que le geste est compris de tous, mais pas le mot. EKHO MOSKVY, 26 NOVEMBRE 2000

L’un des honneurs les plus rares que nous décernions aux hommes est de baptiser un mets de leur nom. En Russie, les plats portent souvent les noms des riches et/ou des puissants : le bœuf du comte Stroganoff, le veau du comte Orlov, ou la pâtisserie de meringue et de fruit de la danseuse étoile Anna Pavlova. J’avais tout cela à l’esprit en commençant mes recherches sur les croquettes de gibier Pojarski. Je me suis dit qu’elles avaient été nommées en l’honneur du prince Dmitri Pojarski de Souzdal, l’un des héros de la révolte patriotique contre les Polonais au XVIIème siècle. Ça m’apprendra à mal connaître mon Pouchkine ! Il y a quatre siècles, le poète adoré des Russes a donné à un copain ce précieux conseil de cuisine et de voyage : Fais une pause pour déjeuner Chez Pojarski à Torjok Goûte les croquettes frites Et reprends la route léger. « Chez Pojarski » était une taverne réputée, tenue par un homme ambitieux du même nom, dans la ville marchande de Torjok, stratégiquement située le long de la « route impériale », entre

Moscou et Saint-Pétersbourg. L’histoire veut que le tsar Nicolas Ier se soit présenté à l’improviste chez Pojarski pour goûter ses fameuses croquettes de veau. Le patron ayant reçu beaucoup de monde ce jour-là, les croquettes étaient épuisées, le garde-manger vidé. Pojarski aurait concocté à la va-vite des croquettes avec ce qu’il lui restait sous la main de volaille et de gibier. Quand le tsar appela Pojarski, l’aubergiste baissa la tête, craignant le courroux royal. Mais le tsar, d’humeur généreuse après un excellent repas, le récompensa et inclut les croquettes Pojarski au menu impérial. L’astucieux Pojarski s’est présenté depuis comme le « Fournisseur de la Cour impériale ». Plus d’un siècle plus tard, les croquettes Pojarski sont toujours à la fête en Russie. On a tout à gagner à remplacer la volaille par du gibier : dinde, perdrix, tétras ou lapin ajoutent des nuances de saveur intéressantes et s’allient parfaitement avec l’accompagnement traditionnel que sont les champignons sautés et les pommes de terre frites. La recette originale de Pojarski a disparu, comme sa taverne, et la polémique fait désormais rage entre les partisans de l’ajout de vin de Madère, de vodka, de gin et de vin blanc sec. On vous laisse juge !

ALAMY/PHOTAS

ALEKSANDR MAKAROV /FOTOSOYUZ(3)

Ingrédients :

Vladimir Vassiliev chez Maïa Plissetskaïa, années 1980.

À L’AFFICHE DE L’ANNÉE CROISÉE 2010

Ballet La Mouette, dans les années 1980.

DÉBAT « D’ENCRE ET D’EXIL » 26-28 NOVEMBRE, BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE D’INFORMATION, CENTRE POMPIDOU, RUE BEAUBOURG, PARIS

LA FERME GÉANTE 2010 À NANTERRE 26-27 NOVEMBRE, RUE MAURICE THOREZ 92000 NANTERRE

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Préparation :

LA TROUPE DU HÉLIKON DE MOSCOU EN RÉSIDENCE À L’OPÉRA DE MASSY 25, 26 ET 27 NOVEMBRE ; 4-5 DÉCEMBRE, OPÉRA DE MASSY, 1 PLACE DE FRANCE, 91300 MASSY

Les dixièmes rencontres internationales des écritures de l’exil sont consacrées à la Russie. Parmi les invités : Sergueï Bolmat, Mikhaïl Chichkine, Irina Muravieva, David Markish et Leonid Guirchovitch. Lectures, films, spectacles évoqueront les grandes plumes exilées : Tsvetaeva, Bounine, Nabokov, Berberova, Brodsky ou Soljenitsyne.

La ville de Nanterre invite les artisans russes de Veliky Novgorod à participer à la Ferme géante 2010. Des artisans viendront exposer et vendre des produits d’artisanat russes et présenter la cuisine populaire de leur pays : blinis, pelmenis, pirojkis... Ils feront la promotion de leur ville dans le cadre de cette manifestation.

Le plus turbulent des théâtres d’opéra russe, le Hélikon, présente cet automne deux opéras : L’amour des trois oranges de Sergeï Prokofiev (les 25 et 27 novembre) et Raspoutine, composé par Jay Reise sur commande du New York City Opera (les 4 et 5 décembre).

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• Un pain blanc un peu rassis sans la croûte, coupé en cubes • 100 ml de crème fraîche épaisse • Un petit oignon • 750 g de volaille ou gibier (poulet, dinde, tétras, perdrix, etc) • 500 g de veau • 250 g de beurre salé • 1 botte d’aneth frais (ou thym ou persil) • 4 gros œufs • Sel et poivre • 30 ml de vin de Madère ou de Marsala • 300 g de panure • 60 ml d’huile végétale

Placez les cubes de pain rassis dans un plat peu profond, recouvrez de crème fraîche. Laissez reposer 15 min, puis égouttez le pain et gardez la crème de côté. Séparez les jaunes des blancs de deux œufs, conservez un blanc. Mélangez toute la viande, les cubes de pain trempé, les oignons ou ciboulette, les deux jaunes d’œufs, sel, poivre, aneth, vin, et 50 g de beurre dans un mixeur. Mixez quatre fois pour bien mélanger et versez dans un saladier. Battez le blanc d’œuf en neige puis incorporez à la viande. Couvrez le mélange et réfrigérez deux heures.

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Pendant ce temps, faites fondre le beurre. Quand le beurre est fondu, enlevez le film blanc opaque à la surface. Quand le beurre se divise, décantez le liquide jaune transparent dans un récipient séparé et jetez le résidu crémeux. Pour l’assemblage des croquettes, placez un bol d’eau froide à côté d’une plaque de cuisson. Versez la panure dans une assiette plate et battez l’œuf restant et les 50 ml de crème dans un bol. Façonnez la mixture de viande en une croquette de 10-12 cm de long. Trempez la croquette dans la mixture d’œuf et crème, puis roulez dans la panure. Réchauffez 1/3 du beurre clarifié dans une grande poêle et ajoutez 20 ml d’huile. Faites frire les croquettes 12-15 minutes jusqu’à ce qu’elles soient dorées. Enlevez-les et placez dans un plat dans un four un peu chaud. Nettoyez la poêle et recommencez jusqu’à ce que toutes les croquettes soient cuites. Accompagnez de champignons sautés ou pommes de terre frites. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr

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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114


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