Mercredi 16 décembre 2015
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C E S U P P L É M E N T D E S I X P A G E S E S T É D I T É E T P U B L I É P A R R O S S I Y S K AYA G A Z E T A ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U
Commerce international Moscou opte pour des sanctions économiques contre Ankara
Coup de froid dans les relations russo-turques Après que l’armée de l’air turque ait abattu un avion russe, la Russie a décidé de réduire les importations de biens turcs. L'impact des sanctions pourrait atteindre 18 milliards d'euros. KSENIA ILIINSKAÏA POUR RBTH
Tourisme Immédiatement après l’incident du 24 novembre, Moscou a recommandé aux citoyens russes de ne pas se rendre en Turquie, puis le gouvernement a introduit une interdiction totale des vols charters et de vente de voyages organisés. La Russie a suspendu l’accord de régime sans visa signé par les deux pays en 2011. De son côté, Ankara n'a pas réintroduit de visa pour les Russes. Les vols réguliers ne sont pas annulés, mais les liaisons aériennes avec la Turquie sont soumises à un contrôle de sécurité
renforcé. En cas de maintien des sanctions durant la saison touristique 2016, cette interdiction occasionnera un considérable manque à gagner pour les stations balnéaires turques et les agences de voyage russes. La Turquie est l'une des principales destinations touristiques, 3,3 millions de Russes s’y sont rendus l’an dernier. Cela représente un quart de tous les voyages organisés vendus en Russie. Les hôteliers russes profiteront de l’interdiction, et s’attendent à une hausse de la demande dans les principales stations balnéaires locales, Sotchi et la Crimée. Mais leur capacité limitée ne pourra éponger le flux de touristes vers la Turquie. Pour le secteur du tourisme turc, les pertes pourraient dépasser les 5,5 milliards d'euros. SUITE EN PAGE 2 © REUTERS
EN LIGNE
Fêtes Le père Noël devra se serrer la ceinture
Bonne année économe ! La crise force deux tiers des Russes, très prodigues pour les cadeaux, à garder un œil rivé sur leurs finances durant les fêtes. SIMON SCHÜTT POUR RBTH
en dessous de la moyenne européenne, que l’agence estime à 513 euros. En comparaison avec l’Europe, seuls les Grecs réduiront davantage leurs dépenses (d’environ - 8,6%).
Où réduire les dépenses
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Découvrez la magie de l'hiver russe, dans une rubrique spécialement créée sur notre site.
20% des 1 200 personnes interrogées par IRG ont déclaré qu’elles prévoyaient de célébrer la fête sans ingrédients gastronomiques. Ou bien elles renoncent au dîner du Nouvel an, ou bien aux cadeaux. SUITE EN PAGE 4
©TASS
Noël est la fête des chaussettes. Aux États-Unis, on les accroche à la cheminée, en Europe on les retrouve sous le sapin. En Russie, on ne célèbre pas Noël mais le Nouvel an. Mais ici aussi, la fête est placée sous le signe d’un vêtement tricoté : le bas de laine. Tout particulièrement cette année, car la crise économique a
contraint de nombreux Russes à revoir à la baisse leurs dépenses. En 2015, les salaires réels ont chuté de 13%. Deux tiers des Russes ont donc été obligés de se serrer la ceinture pour le Nouvel an. C’est ce qui ressort d’une étude menée par IRG, une agence d’études de marché. Le budget Nouvel an moyen d’un ménage russe est de 240 euros. Ce résultat concorde avec une autre étude menée par Deloitte. D’après cette dernière, les Russes prévoient de dépenser en moyenne 217 euros. C’est 7% de moins que l’an dernier, et bien
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Une riposte commerciale SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Importation de marchandises turques Ce sont surtout les tomates et les agrumes qui sont touchés par les sanctions : la Turquie était l’un des fournisseurs principaux de ces articles. Par exemple, 43% de toutes les importations de tomates en Russie provenaient de Turquie. Les livraisons en provenance de Turquie représentaient 4% du volume des importations russes en 2014. Durant les dix premiers mois de 2015, la Turquie a exporté en Russie des biens d’une valeur de 914 millions d'euros, constitués à 40% (360 millions d'euros) de fruits et de noix, 35% (320 millions d'euros) de légumes, dont les tomates représentent les deux tiers. Le ministère russe de l’Agriculture prévoit de remplacer ces livraisons de façon avantageuse par des importations venues d’Afrique du Nord et du Proche-Orient.
Activité des entreprises turques en Russie Les restrictions touchent également l’activité des entreprises turques en Russie, en premier lieu sur le marché de la construction immobilière. Aujourd’hui, la part de marché des entreprises turques représente près d’un tiers de tous les chantiers de Russie, et le chiffre d’affaires de ces compagnies en Russie représente environ 5 milliards de dollars par an. Parmi les plus grandes entreprises de ce secteur se trouvent Enka, Rennaissance Construction et AntYapi, qui a construit plusieurs des tours de « Moscow City », le quartier d’affaires de Moscou. Les entreprises turques possèdent également quelques réseaux de vente de vêtements, des usines de production de matériaux de construction et d’emballages. Le plus gros producteur turc de bière, Anadolu Efes, détient 13% du marché avec ses six usines en Russie. Les filiales de ces compagnies sont en principe autorisées à poursuivre leurs activités, mais vont faire face à des tracasseries administratives : les compagnies du bâtiment devront signer de nouveaux contrats, les quotas de travailleurs turcs seront divisés par quatre et la quantité d’autorisations délivrées aux chauffeurs routiers turcs sera réduite à 2000.
© GETTY IMAGES
Investissements communs Les restrictions toucheront également les investissements communs : la Russie a suspendu l’accord de protection des investissements, l’activité de la commission russo-turque a été gelée, idem pour les négociations d’un accord de facilitation du commerce. Selon la banque centrale, le volume des investissements directs russes en Turquie en 2014 était de 4,9 milliards d'euros, les investissements turcs en Russie représentaient eux 529 millions d'euros. L’un des projets communs les plus importants est la construction par Gazprom du gazoduc Turkish Stream, d’une valeur de 11 milliards d’euros, dont les négociations ont déjà été interrompues. Il était prévu que la première étape du gazoduc, conçu pour alimenter la Turquie en combustible (le pays reçoit aujourd’hui 60% de son gaz de la Russie), devait être achevée fin 2017. Pour la Russie, la Turquie est le second marché gazier après l’Allemagne (les exportations en 2014 s’élevaient à 27,4 mds de
mètres cubes, et celles de minerais représentaient 14,9 mds d'euros). « Si la Russie a l’intention de vendre du gaz à l’Europe, un gazoduc en Turquie sera nécessaire. Le gazoduc transanatolien (TANAP) ne peut pas répondre à la demande européenne, pense Mete Gueknel, expert en problèmes énergétiques, ancien directeur général de la compagnie pétrolière d’État turque Botas. La Turquie n’a pas de réelle alternative au gaz russe : tous les jours il passe par Blue Stream une quantité de gaz impossible à atteindre par les infrastructures de stockage de gaz liquéfié que la Turquie prévoit d’acheter au Qatar et de continuer d’acheter à l’Algérie ». Un autre projet majeur dont les perspectives se trouvent bouchées est la construction par Rosatom de la centrale nucléaire d’Akkuyu au sud de la Turquie. Le projet prévoyait la construction de quatre réacteurs d’une puissance totale de 4 800 mégawatts, dont le financement devait être assuré par une filiale de Rosatom.
AVIS D'EXPERT
Puissances contraintes à s'entendre Sergueï Markedonov POLITOLOGUE
L
’expert turc Bülent Araz a qualifié les relations russo-turques de « partenariat compétitif ». En effet, les avis de Moscou et d’Ankara étaient loin de coïncider sur tous les dossiers politiques. Notamment sur le conflit du Haut-Karabakh ou sur la Géorgie, dont les politiques turcs ont toujours soutenu l’intégrité territoriale. Ces différends ont pu être pendant longtemps surmontés grâce au développement de relations économiques mutuellement avantageuses. Preuve en était le projet de gazoduc Turkish Stream. Mais cette logique a commencé à se fêler en 2011, l'année où la vague du « printemps arabe » déferle sur le Proche-Orient. Si Moscou y voyait un défi lié à l’ef-
fondrement d’États laïcs, la Turquie le considérait comme une chance de rétablir son influence dans une région qu’Ankara ne considérait plus comme prioritaire depuis longtemps. D’où le soutien de la Turquie au leader des Frères musulmans égyptiens, Mohamed Morsi, une brusque volte-face par rapport à Israël, ainsi que la lutte contre le régime du président syrien Bachar el-Assad. Finalement, les deux puissances eurasiatiques ont vu leurs divergences politiques se creuser. Pour la Russie, la menace principale en Syrie est l’EI [organisation interdite en Russie, ndlr]. Côté turc, on appréhende un éventuel renforcement des positions des Kurdes et des alaouites et la défaite de ses « clients » désireux de consolider l’influence turque dans la région. Il est évident que l’incident avec l’avion a mis en péril les relations. Mais, premièrement, les deux pays possèdent d’ores et déjà une cer-
taine expérience de sortie de situations complexes, voire d’impasses. Deuxièmement, aucun d’eux ne désire aider des forces tierces en affaiblissant l’autre. Et, troisièmement, la Turquie réalise qu’aussi grande que soit son antipathie pour Assad, la déstabilisation du pays voisin risque d’avoir un « effet boomerang » et frapper la société turque. En effet, il existe au sein de cette dernière des islamistes radicaux prêts à lutter contre Erdogan indépendamment de ses relations avec la Russie. Car même en cas de détérioration de celles-ci, il n’obtiendra ni le pardon ni le soutien de ces forces. Tout ceci laisse prudemment espérer que les deux pays trouveront un modus vivendi dans un nouveau contexte. Sergueï Markedonov est maître de conférences à l’Université des sciences humaines de Russie
ILS L'ONT DIT
Sergueï Guipche PARTENAIRE CHEZ KNIGHT FRANK, COMPAGNIE D'IMMOBILIER
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Les compagnies turques étaient pratiques pour les promoteurs russes, car elles offraient un rapport qualité/prix très raisonnable. La dimension de leurs constructions sur le marché russe atteint un million de mètres carré, et leur sortie brutale du marché pourrait provoquer des dépassement de délai dans la construction et influer sur les prix ".
Ioulia Tsepliaeva DIRECTRICE DU CENTRE D’ÉTUDES MACROÉCONOMIQUES DE SBERBANK
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L’introduction des sanctions russes causera des problèmes à court terme dans le secteur de la production de légumes : l’embargo sur les livraisons de légumes turcs ajoutera 0,4% à l’inflation sur la fin de l’année 2015 et le début de 2016. Cependant, ce choc ne mènera pas à une hausse de l’inflation à moyen terme, si les perspectives n’empirent pas ".
Pavel Sigal PREMIER VICE-PRÉSIDENT DE L’UNION DES ENTREPRENEURS « OPORA ROSSII »
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Les deux pays ont de puissants leviers d’influence économique l’un sur l’autre. Si Moscou interrompt la construction de Turkish Stream, Ankara continuera de s’approvisionner via le gazoduc passant par l’Ukraine, avec tous les risques de transport que cela comporte. Quant à elle, la Turquie dispose d’une ressource stratégique importante : le détroit par lequel passent les pétroliers russes. Si Ankara déclare que le pays est en état de guerre, la Turquie pourra limiter le passage des pétroliers, ce qui causera des pertes considérables aux Russes ". © GAIA RUSSO
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Syrie L'armée russe à Lattaquié : un espoir pour certains, le désespoir pour les autres
© RIA NOVOSTI
©TASS
Assad et ses alliés continuent de diviser © AP
L’arrivée de l’aviation russe en Syrie a rebattu les cartes dans la région de Lattaquié. Mais les divisions restent profondes au sein de la société syrienne, entre partisans d'Assad et opposants. DMITRI VINOGRADOV POUR RBTH DEPUIS LATTAQUIÉ
« L’intervention de la Russie nous a donné l’espoir. Nous pouvons désormais espérer que cette guerre se terminera enfin et que nous pourrons retourner dans nos maisons », croit Amir Soulimane, 25 ans, originaire de la ville d’Alep, divisée depuis plusieurs années en zones contrôlées par l’armée syrienne, par l'opposition à Bachar el-Assad et différents groupes, dont l’État islamique et le Front Al-Nosra [organisations interdites en Russie, ndlr]. À l’aéroport de Lattaquié, Amir attend l’avion du ministère des Situations d’urgence qui l’emportera en Russie. « Ma mère est russe, mon père est syrien. Les milices ont saisi notre maison à Alep, nous avons dû fuir à Lattaquié. Je pars pour Saint-Pétersbourg où je vais poursuivre mes études d’architecte
à l’École des mines. J’espère que quand j’aurai terminé mes études, la guerre en Syrie sera finie et les architectes seront de nouveau demandés », explique Amir. Il est difficile de dire quand cela se produira – les affrontements se poursuivent à 30 km à peine au nord de Lattaquié, où l’armée syrienne tente de reprendre le contrôle de la frontière turque par laquelle les forces de l'opposition reçoivent des renforts et des munitions.
Cafés, soirées, mariages... À Lattaquié, fief du régime Assad, aucun signe de guerre n’est visible, bien qu’en août 2011, elle ait été le théâtre de combats de rue. Le soir, les habitants se réunissent dans les cafés, le week-end, ils organisent des soirées et des banquets et célèbrent les mariages. Les femmes se baignent librement en maillot de bain. Ces gens ne veulent pas l’arrivée des islamistes, car ils devront alors fuir dans d’autres pays ou revêtir le niqab. « Nous avons de nombreux griefs contre Assad. Mais tout cela n’est rien face à la menace que pré-
sentent l’EI et le Front Al-Nosra. En plusieurs années de crise, l’opposition syrienne n’est pas parvenue à proposer une alternative à Bachar, nous n’avons pas vu de zones qu’elle aurait libérées et où elle aurait établi une vie normale « sans Assad ». Le président est devenu le symbole de la résistance aux terroristes étrangers qui convergent ici du monde entier. Aujourd’hui, il faut les chasser, puis nous allons construire une vie normale et critiquer Assad », indique le professeur d’histoire Ghadir Ouassouf.
plus calme. Seuls les postes de contrôle renforcés autour des quartiers palestiniens et les impacts de balles sur les bâtiments alentour rappellent les événements d’il y a quatre ans. Mais derrière les postes de contrôle, Lattaquié affiche un tout autre visage avec ses rues poussiéreuses, ses étals vides et ses femmes en hidjab avec leurs nombreux enfants. « Nous sommes condamnés à être pauvres, la plupart d’entre nous ne peuvent espérer un bon travail et un salaire élevé », explique un habitant local. C’est de là que sont parties les manifestations, explique-t-il. « Évidemment, les manifestants ne voulaient pas la guerre. Les radicaux étrangers ont profité de l’agitation pour venir en Syrie « aider leurs frères », mais en réalité, ils poursuivent leurs propres objectifs. Mais désormais, nous craignons que, dans le cas d'une victoire d'Assad, tout redevienne comme avant ». Pour les Palestiniens, l’aviation russe est l’un des facteurs capables de renverser le cours de la guerre en faveur du gouvernement central. « Tout le monde est lassé par
Une ville divisée Et pourtant les journalistes et militaires russes qui travaillent à Lattaquié sont prévenus : il faut éviter les quartiers sunnites et palestiniens, car l'opposition à Bachar el-Assad et, par voie de conséquence, aux frappes de l’aviation russe, y est bien plus forte que parmi les alaouites. En août 2011, les quartiers palestiniens de Lattaquié ont été le théâtre de manifestations armées contre le gouvernement. Aujourd’hui, Lattaquié est beaucoup
QUESTIONS & RÉPONSES
Passer à un cheveu de la mort Le 23 novembre, durant le tournage d’un reportage en Syrie, la voiture d’une équipe de tournage russe a été prise dans un tir de roquettes. L’un des blessés, correspondant de la chaîne de télévision RT, Sargon Hadaya, a raconté à RBTH ce qu’il a vu durant ses trois semaines en Syrie.
Qu’avez-vous ressenti à ce moment ? J’ai tout de suite pensé que c’était du sérieux, qu’ils tiraient pour tuer et qu’il fallait se concentrer pour sortir de la zone de feu. Le plus épineux a ensuite été de prévenir mes proches, quand ils ont tout vu le lendemain à la télé-
Pensez-vous que l’on vous ait visé intentionnellement ? C’est difficile à dire, mais nous roulions selon toutes les règles internationales, en portant des gilets pare-balle bleus portant l’inscription "Presse", avec des casques bleus. Comme cela a ensuite été confirmé, on nous a tiré dessus avec des missiles guidés TOW, et ça veut dire qu’ils savaient que nous étions des journalistes. Peut-être s’attendaient-ils à ce que passe un haut fonctionnaire et ils s’y étaient préparés. Et nos casques étaient de vraies cibles. La zone depuis laquelle on nous a tiré dessus et celle dans laquelle l’avion russe a été abattu sont à peu près dans le même périmètre. La montagne Nouba. Dans ces régions opèrent des combattants du Front Al-Nosra, d’Ahrar al-Sham et des turkmènes locaux.
tuation sera plus claire, on pourra parler de faire avancer le processus politique sur la base du communiqué de Genève et des accords deVienne. Mais pour l’instant tout se décide sur le terrain.
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Étiez-vous préparé à frôler le danger en Syrie ? Nous savions que nous allions à la guerre. La guerre n’est pas l’image que l’on voit à la télévision. C'est à la fois une tragédie, des histoires personnelles qu’il est difficile de surmonter. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était que l’on allait tirer sur les journalistes, que nous passerions à un cheveu de la mort.
vision. Nous avions déjà surmonté tout cela, mais eux, ils devaient visionner ces images. J’ai appelé ma famille pour leur dire que j’étais toujours entier. Leur dire : tout ce que vous voyez, c’est du passé, ne vous en faites pas.
Le correspondant Sargon Hadaya en reportage.
La situation en Syrie a-t-elle changé depuis l'intervention russe ? Aujourd’hui, on peut dire que la situation est positive pour l’armée syrienne et ses alliés : elle avance dans différentes directions, en particulier au nord de Lattaquié. En parallèle, des cessez-le-feu sont négociés, et tout ceci aidera à entamer le processus politique. Mais aujourd’hui, la priorité est la lutte contre le terrorisme. Lorsque la si-
Comment les Syriens ordinaires considèrent-ils les Russes ? À Lattaquié, à Homs, à Tartous, à Jablé, partout où nous sommes allés, les gens sont heureux, reconnaissants. Mais il faut comprendre qu’après cinq ans de guerre, quelle que soit la joie de voir les Russes arriver, la douleur demeure : il y a des morts partout. L’arrivée des Russes ne rendra pas aux civils de chaque camp leurs enfants tués au cours du conflit. Tous les opposants ne sont pas des terroristes. C’est pourquoi il est possible que l’arrivée de la Russie accélère le processus politique. Les gens ont enfin de l’espoir. Sontils heureux ? C’est difficile à dire. La livre syrienne perd de sa valeur, le coût de la vie augmente, il n’y a pas d’argent, peu de travail, et l’hiver approche. Propos recueillis par Flora Moussa
la guerre. Notre économie, nos vies sont détruites. Mais qu’arrivera-til après la victoire d’Assad ? La même chose qu’avant ? Ou Assad en tirera-t-il des conclusions pour changer sa politique ? Personne ne le sait ».
Tout à reconstruire La société syrienne qui, avant la guerre, paraissait paisible et heureuse, même si elle n’était pas riche, est clairement divisée. Alors qu’au sein de la minorité alaouite, Bachar el-Assad est très soutenu, chez les autres groupes religieux et ethniques tout n’est pas si simple. Et si l’on pense au nombre de combattants étrangers venus en Syrie du monde entier (y compris de Russie), on comprend que la Syrie d’aujourd’hui est un véritable patchwork qu’il sera difficile de rassembler. L’attitude envers les Russes est également diverse. À Lattaquié, les Russes sont perçus comme des protecteurs. Les chauffeurs de taxi, épiciers et serveurs disent tous la même chose en anglais au fort accent local : « Thank you, Russia ! Welcome to Syria ! I love Abu-Ali Putin ! » (Père d'Ali Poutine, le surnom qu’ils ont donné au président russe). À l'inverse, dans les zones non contrôlées par le grouvernement central, on accuse l’aviation russe et syrienne de bombarder les infrastructures civiles, photos et vidéos à l’appui. Pour l’opposition, ce sont de nouvelles preuves du « caractère criminel du régime ».
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POINTS À RETENIR SUR L'OPÉRATION
Actuellement, la base russe en Syrie accueille des avions d'attaque Su-25, des bombardiers Su-24 et Su-34, ainsi que des chasseurs Su-30. Des hélicoptères d’appui au feu Mi-24 et des hélicoptères polyvalents Mi-8 sont également déployés à Hmeimim.
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Depuis le lancement officiel de l’opération le 30 septembre 2015, les forces aériennes russes ont réalisé plus de 2 000 attaques contre plus de 3 000 cibles islamistes. Depuis le 17 novembre, après l’ordre de renforcer le dispositif aérien et d’y déployer des appareils supplémentaires, le rythme a crû considérablement : au cours des trois derniers jours seulement, l’aviation russe a réalisé plus de 360 sorties frappant plus de 600 cibles terroristes.
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Selon une source du quotidien Kommersant au sein du ministère de la Défense, outre la base aérienne principale à Lattaquié, la Russie utilise les bases Charat à Homs et Al-Tayas à Palmyre comme aérodromes « de secours » lors des opérations d’appui au feu, quand les troupes gouvernementales donnent l’assaut.
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C O N V E R T I R M O N O LO G U E E N D I A LO G U E UNE PUBLICATION D'ANALYSE QUI SE CONCENTRE EXCLUSIVEMENT SUR LES DÉFIS ET LES OPPORTUNITÉS COMPLEXES DÉTERMINANT LES RELATIONS AMÉRICANO-RUSSES
Rapport mensuel de novembre RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : EN RUSSIE, LE DÉGEL DES CONSCIENCES Ce rapport examine les changements qui se produisent en Russie après que la question du réchauffement climatique est revenue en tête de l'agenda international. Pour la Russie, qui était préoccupé par sa politique étrangère et ses problèmes économiques, les questions liées au changement climatique sont prioritaires, le réchauffement dans le pays se suivant un rythme beaucoup plus élevé que dans le reste du monde.
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D’habitude dépensiers, les Russes se serrent la ceinture SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Selon l’étude menée par Deloitte, 21% des sondés optent pour faire leurs courses dans des chaînes discount, alors qu’en, 2014, ils n’étaient que 8%. La proportion de ceux qui préfèrent sacrifier entièrement les cadeaux est passée de 4% à 7% par rapport à l’an dernier. Sergueï n’en fait pas partie. Cet enseignant moscovite âgé de 25 ans explique : « Je n’aime pas faire des économies sur le budget cadeaux. Cette année encore, rien ne m’empêchera de dépenser sans compter, comme toujours ». Sa stratégie à lui, c’est d’économiser dans d’autres domaines, comme les voyages. Si en 2013 il avait fêté le Nouvel an à Prague, l’année suivante il était parti avec des amis à Mourmansk, dans le nord du pays, pour y photographier des aurores boréales. « Cette année, soit je resterai à Moscou, soit - et ce sera un peu plus cher je partirai en Carélie ». Sergueï n’est pas le seul à économiser sur les voyages. D’après les statistiques de l’agence de voyages en ligne Onetwotrip, les ventes de billets d’avion pour des vols vers l’étranger pendant les fêtes de fin d’année ont reculé de 30%. Les vols à destination de l’Allemagne (-68%) et de l’Autriche (-60%) sont les plus touchés par ce désintérêt. Sans compter les sanctions économiques et la peur d’une menace terroriste, à cause desquelles les Russes sont enclins à préférer rester dans leur patrie pour les vacances.
Friday », la grande braderie globale des magasins en ligne. Beaucoup de commerçants ont déclaré que c’était un succès éclatant. Mais d’autres ont vu leur chiffre d’affaires reculer. C’est par exemple le cas des hommes pour la chaîne d’électronique désirent de l'argent liquide Sviaznoï. Selon l’enseigne, le recul s’explique par le fait que les consommateurs ont acquis un surplus d’équipements onéreux l’an passé à cause de la chute du rouble. Cette année, en des Russes revanche, la chute des saacheteront leurs cadeaux en ligne laires réels a incité les gens à acheter des produits moins coûteux. budget Nouvel an Du côté du secteur moyen en Belgique russe de la logistique, on ne s’attend pas à une modification du volume des marchandises lors des fêtes de fin d’année. Pour l’industrie du transport, le dernier trimestre est la saison cruciale. « Nous n’attendons pas de différence par rapport à l’an dernier », des femmes explique par exemple le direcsouhaitent des bijoux teur de la branche russe au sein d’une grande entreprise de logistique européenne, en parlant des chiffres du Nouvel an.
44%
32%
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LIEUX OÙ CÉLÉBRER NOËL
La cathédrale de l’Immaculée-Conception (rue Malaïa Grouzinskaïa 27/13) La plus grande cathédrale catholique de Russie. Une crèche est installée, une foire de charité se tient, une messe solennelle est célébrée et les paroissiens sont invités à un dîner.
©TASS(2)
Qui achète quoi pour le Nouvel an L'analyse sur les dépenses pour les fêtes de fin d'année a été réalisée par l'agence Delloitte. En Russie, le sondage a été effectué parmi 761 personnes.
L’église du pape SaintClément de Rome (rue Piatnitskaïa, 26) Les dômes bleu et or de la cathédrale surplombent le coin restauré de Zamoskvoretché, ancien quartier de Moscou qui a conservé son charme.
L’église Saint-Louisdes-Français (rue Malaïa Loubianka, 12A) À l’époque soviétique, c'était le seul lieu célébrant des messes catholiques. Aujourd’hui, la cathédrale organise des messes en sept langues, dont le français.
Une comparaison difficile avec l’année précédente De nombreuses chaînes de grande distribution russes et européennes se sont refusées à tout commentaire ou pronostic sur les ventes des fêtes de fin d’année. Leur chiffre d’affaires risque fort d’être inférieur à celui de 2014. En effet, le rouble a connu une chute drastique il y a un an. C’est pourquoi les russes ont acheté plus tôt dans la saison, afin de convertir en biens leurs liquidités et d’anticiper la hausse des prix. MVidéo, l’un des principales chaînes d’équipement électronique, a ainsi vu ses ventes augmenter de 73% en décembre 2014. C’est pourquoi il n’est pas vraiment pertinent de comparer le chiffre d’affaires entre décembre 2014 et 2015. À moins que le rouble ne se dévalue brutalement ce mois-ci comme il y a un an, le phénomène ne se répétera pas. Les consommateurs se sont adaptés aux prix et au nouveau rythme de l’inflation. C’est aussi ce qui ressort des propos tenus fin novembre par les entreprises russes au sujet de l’opération commerciale « Black
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Foire Les commerçants s'adaptent
Marchés de Noël : la nouvelle mode moscovite Les marchés de Noël à l'européenne ont conquis la Russie. Si vous découvrez la toute récente culture des foires moscovites, vous rencontrerez trois variantes. PEGGY LOHSE POUR RBTH
Le grand classique Tout le monde connaît certainement cette image. Le grand magasin GOuM sur la place Rouge se pare de guirlandes lumineuses, des sapins de Noël s'alignent dedans et dehors, aux côtés de patinoire et de stands proposant des boissons chaudes, des cadeaux, des souvenirs et des gourmandises sucrées ou salées. Ici on privilégie l'artisanat traditionnel, les spécialités culinaires russes et les événements culturels. Les touristes et les expatriés dans la capitale russe peuvent y vivre une expérience particulière, dans ce décor bigarré noyé dans un océan de lumière, où le kitsch à la russe est soigneusement mis en scène sur fond de bâtiments historiques.
Le marché solidaire
© ALENA REPKINA
© GETTY IMAGES
En Russie également, on célèbre l'altruisme à l'occasion de Noël, c'est pourquoi certains marchés jouent la carte de la solidarité. Le projet Seasons vient d’organiser pour la septième fois un marché de Noël caritatif dans le jardin de l’Ermitage (Karetny riad, 3), dont le thème était cette
année "Motifs de Russie". Les visiteurs ont pu y acheter des châles traditionnels, des valenkis (bottes fourrées en feutre), des manteaux de cuir ou de fourrure et des moufles en laine. Le bénéfice des droits d'entrée et des ventes est reversé à l'organisation caritative Noujna Pomochtch (On a besoin d'aide, en français), afin d'assurer la publication continue d’un magazine destiné aux malvoyants et aux malentendants. Entre les objets souvenirs imaginés par des designers résonnent des chants de Noël russes et européens, interprétés par la chorale de l'école Seasons. Une troupe de théâtre fait revivre quant à elle un cirque antique au sein du marché.
Le marché aux bibelots Ne manquez pas le marché aux puces Na Tichinke (place Tichinskaïa, 1) si vous recherchez des cadeaux chargés d'histoire. Ici, des collectionneurs du monde entier vous invitent à flâner entre bijoux, cartes postales, photos, vinyles, livres, objets en porcelaine et autres accessoires - « bref, c'est un lieu unique et charmant ayant sa propre histoire », nous raconte la moscovite Soja Glasatchova. À l'époque soviétique, de si belles choses étaient plutôt rares, et Mme Glasatchova ajoute, avec humour : du coup, on laissait par exemple la vaisselle en porcelaine allemande dans l'armoire au lieu de l'utiliser pour manger ».
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4 SCENARIOS DE SORTIE DE CRISE d’accord sur des contacts réguliers avec pour perspective un rétablissement progressif des contacts, au moins aux niveaux militaires et diplomatiques. Les sanctions sont graduellement affaiblies. Pour que ce scénario se produise, la Turquie devra trouver d’autres mots que ses très minimalistes « condoléances ».
Alexeï Tchesnakov POLITOLOGUE
A
près que le président russe Vladimir Poutine ait signé l’ordre de mise en place de mesures spéciales vis-à-vis de la Turquie, la grave crise des relations russoturques, déclenchée par l’attaque du 24 novembre contre un avion militaire russe, s’est transformée en une opposition tendue. Cependant, le refus de Poutine de rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan au sommet de Paris, ainsi que son refus de répondre à ses appels téléphoniques, démontrent l’obstination de Moscou à ne pas se contenter des « condoléances » de la partie turque. Dans une telle situation, quatre scénarios sont envisageables pour la suite des événements.
Rétablissement
L'escalade Cette variante ne peut pas être exclue tant que la possibilité demeure de futurs affrontements entre la Russie et la Turquie autour de la frontière syrienne. Elle peut se concrétiser si Ankara maintient son soutien aux turkmènes de Syrie, et si la Russie ne cesse pas ses frappes aériennes contre les turkmènes et les opposants syriens alliés à la Turquie. Le moindre incident pourrait avoir des conséquences militaires imprévisibles. Une escalade pourrait aussi avoir des causes politiques, si l’une des parties prend des mesures allant à l’encontre des intérêts de l’autre. Par exemple, si le détroit
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du Bosphore était fermé aux navires russes.
Les deux camps font preuve de retenue, pour prévenir une aggravation de la situation
Gel du conflit Les parties campent sur leurs positions, la rhétorique politique agressive reste de vigueur mais les deux camps se retiennent d’agir de façon à aggraver la situation. En particulier, la Russie cesse ses vols près de la frontière turque, et Ankara ne soutient pas les turkmènes et ferme sa frontière
pour ne pas permettre le passage de combattants de l’État islamique [organisation interdite en Russie, ndlr], d’armes, de munitions et de contrebande. Sur le plan de la diplomatie, cela se traduit par l’absence de nouvelles sanctions mutuelles.
Réchauffement Ankara et Moscou, par l’intermédiaire d’un pays voisin (on sait que l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan se sont proposés) se mettent
Pour cela, une rencontre au sommet Poutine-Erdogan sera nécessaire. Après quoi Moscou pourra annoncer la fin des sanctions introduites précédemment. Les parties commencent à coopérer en Syrie sur une large série de questions militaires et politiques. Pour que ce scénario se réalise, une condition est indispensable : un haut niveau de confiance entre les parties, renforcé par de vrais mécanismes de coopération entre la Russie et l’OTAN. Une escalade ne ferait les affaires de personne. Pour la Russie en crise économique, cette évolution de la situation pourrait peser lourdement sur son budget. Moscou devra supporter ces dépenses seule, avec la menace permanente d’autres conflits avec des forces aériennes tierces. Aucune coalition ne se fera en Syrie. Les pays de l’OTAN seront forcés de soutenir la Turquie. Pour Ankara, une escalade mènerait également dans une impasse : l’Europe sera de plus en plus mécontente de son comportement, et si son conflit avec la Russie s’aggrave, ses relations avec la Turquie pourraient changer.
GAZPROM TIENT À SE RAPPROCHER DE L'UE Sergueï Pikine EXPERT EN ÉNERGIE
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ans la seconde moitié des années 2000, Gazprom a commencé à activement développer des projets de transport de gaz contournant l’Ukraine visant à couvrir les besoins croissants de l’UE. À cette époque, Gazprom a lancé la mise en œuvre du projet Nord Stream, puis du projet South Stream, qui s’est trouvé sous la pression des structures de l’UE . Turkish Stream, qui devait passer par la mer Noire jusqu’en Turquie et traverser son territoire jusqu’à la frontière avec la Grèce, est né sur les ruines de South Stream. Par ailleurs, seulement un quart du volume de gaz (environ 15 milliards m3) était réservé aux besoins de l’économie croissante de
la Turquie. Ensuite, le gaz devait s’intégrer dans le système de nouveaux gazoducs, récemment approuvés par la Commission européenne en tant que projets d’infrastructure prioritaires : trois gazoducs reliant l’Europe du SudEst à l’Europe centrale ont été classés parmi les projets prioritaires - Eastring (gazoduc reliant la Slovaquie et la Bulgarie), porté par la Slovaquie, Tesla (reliant la Grèce à l’Autriche), porté par l’Autriche, ainsi que le projet d’élargissement du futur gazoduc reliant la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche. Tous ces projets permettent à Gazprom de renoncer au transit via l’Ukraine et d’acheminer le gaz de Turkish Stream jusqu’aux pays des Balkans. Ces derniers devaient être approvisionnés via une deuxième ligne de Turkish Stream d’une capacité d’un peu plus de 15 mil-
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liards de m3 par an. Ces trois proj e t s d e va i e n t s e rv i r p o u r l’acheminement du gaz depuis l’Azerbaïdjan et les terminaux de GNL. Pourtant, il est clair que ce niveau d’infrastructure serait surdimensionné sans le gaz russe. Le refroidissement entre la Russie et la Turquie repousse la mise en œuvre de Turkish Stream. À mon sens, c’est le projet d’élargissement du tracé nord d’acheminement du gaz par la mer Baltique, Nord Stream 2 (55 milliards de m3 par an) qui passe désormais au premier plan. Neuf pays européens ont déjà exprimé leur inquiétude vis-à-vis de ce projet. Il s’agit de la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Grèce. Certains perdent l’argent du transit, d’autres expriment une position politique.
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L’heure est au travail constructif commun et non à la confrontation permanente entre la Russie et l’Europe Dans une lettre commune adressée au président du Conseil européen Donald Tusk, ils exigent l’interdiction de Nord Stream 2, car il renforcera la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe, ce qui est contraire à la politique
européenne de diversification des ressources énergétiques. La position de la Commission européenne est très similaire, mais moins catégorique. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker, par exemple, souligne que Nord Stream 2 est un projet commercial et que la conformité de ce projet à la législation européenne doit être vérifiée. Il paraît évident que pour que Gazprom puisse s’intégrer pleinement dans les nouvelles réalités du marché européen, il doit se conformer au 3ème paquet énergie adopté par l’UE. Selon
LA NOUVELLE DONNE DE LA CAMPAGNE SYRIENNE
UNE MENACE COMMUNE
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Le problème de l’augmentation de la quantité de réfugiés se posera, et c’est un sujet critique aussi bien pour la Turquie que pour les pays européens. Un réchauffement des relations ne semble pas en vue. Après l’introduction de sanctions et les annonces martiales, toute sortie rapide sera interprétée comme un signe de faiblesse. Les désaccords entre Moscou et Ankara sont profonds et rédhibitoires, et proviennent de leurs interprétations différentes sur la nature du conflit syrien. Le maintien d’el-Assad au pouvoir est une priorité pour le Kremlin, son départ est une priorité pour Ankara. Compte tenu de ceci, un rétablissement total des relations est aujourd’hui tout aussi improbable. Cependant, il convient de remarquer que, malgré la rhétorique agressive, rien n’est fait pour fermer les voies menant à un compromis. Les sanctions contre la Turquie restent limitées. Il faudra en Syrie se mettre d’accord sur des limitations de zones de vol. Moscou n’a aucun intérêt à mener une guerre sur deux fronts : une guerre ouverte contre l’EI et d’autres opposants d’une part, et une guerre hybride, par intermédiaires, avec la Turquie d’autre part. De la même manière qu’Erdogan ne peut s’incliner sans perdre la face. Ainsi, le scénario le plus réaliste aujourd’hui est celui d’un gel du conflit. Alexeï Tchesnakov est un politologue russe, qui dirige le Centre de la politique actuelle.
ses règles, les compagnies impliquées dans la production de gaz ne peuvent être propriétaires des principaux gazoducs situés sur le sol européen. Elles doivent céder leurs actifs aux Européens ou transférer le droit de gestion des gazoducs aux compagnies indépendantes européennes. En outre, si les compagnies-opératrices sont contrôlées par des personnes étrangères, elles doivent subir une procédure d’homologation spéciale qui formule des exigences particulières à ces opérateurs. La Russie « travaille déjà sur ses erreurs ». Début de l’année prochaine, l’Europe commencera à recevoir le gaz vendu par Gazprom sur le marché spot. Nord Stream 2 sera mis en œuvre en respect des exigences anti-monopolistiques de l’UE, comme l’a annoncé en septembre le PDG de Gazprom Alexeï Miller. L’heure est au travail constructif commun et non à la confrontation permanente entre la Russie et l’Europe autour d’une ressource bénéfique pour les deux parties. Sergueï Pikine, directeur du Fonds du développement énergétique.
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Marché de l'art La BRAFA 2016 réunira les collectionneurs et les antiquaires du monde entier
Chagall, Poliakoff et Gontcharova à Bruxelles en 2016 La BRAFA, l’une des plus vieilles foires des antiquaires au monde se tiendra pour la 61ème fois dans la capitale belge du 23 au 31 janvier. Elle réunira les collectionneurs et les antiquaires du monde entier. Les antiquaires russes ne se sont pas déplacés, en revanche de nombreuses œuvres d’art russes seront exposées. RBTH a sélectionné cinq pièces de très grande valeur. Corbeille à fruits de Maison Biennais, 1819-1822. Galerie Lamy
L’orfèvre attitré de Napoléon 1er, Martin-Guillaume Biennais a créé de nombreuses commandes pour les membres de la famille impériale russe. Le Musée de l’histoire à Moscou, par exemple, possède un ensemble de liturgie, commandé par le tsar Alexandre Ier en l’honneur de la victoire contre l’armée napoléonienne et la fin de la guerre de 1812. La corbeille à fruits en argent doré avec des reliefs de créatures mythologiques et têtes féminines sculptées émergeant de sous les anses gracieuses, proposée à la vente, est également liée au tsar victorieux. Elle fut commandée à Biennais par le grand-duc Michel Pavlovitch, frère d’Alexandre Ier, au sein d’un grand service de table. Les autres pièces sont désormais éparpillées à travers le monde : au Kremlin de Moscou, au Metropolitan Museum à NewYork et au Rijksmuseum à Amsterdam.
Les mariés de Marc Chagall, 1979. Galerie Boulakia
© EMMANUEL CROOY/ BRAFA’15
À L'AFFICHE
© BRAFA’15(6)
Les tableaux fantasmagoriques de l’un des principaux représentants de l’avant-garde du XXe siècle sont aujourd’hui conservées par tous les plus grands musées du monde, dont le Centre Pompidou à Paris et le MoMA à New York. Ses toiles sont des invitées fréquentes dans les foires d’art, surtout en France qui, tout comme la Russie, considère Chagall comme son artiste national. C’est donc une galerie parisienne qui présente cette impressionnante tempera fantasmagorique, provenant de la famille de l’artiste.
L’icône La décapitation de saint Jean-Baptiste de maître inconnu, XVIe siècle. Brenske Gallery
Femme assise dans un fauteuil de Natalia Gontcharova, 1904. Chiale Fine Art
L’année de l’avant-garde russe dédiée au centenaire du Carré noir de Malevitch se poursuit dans les foires d’art. Une toile de la principale « amazone de l’avantgarde », Natalia Gontcharova, jusqu’ici présentée quelques rares fois dans les expositions régionales en Italie, est mise en vente par un collectionneur privé de Turin.
Composition abstraite de Serge Poliakoff, 1961. Lancz Gallery
Les icônes sont parmi les œuvres d’art russe les plus célèbres qu’on puisse trouver chez les antiquaires des deux côtés de l’océan. Un grand nombre d’icônes a quitté la Russie au cours des différentes vagues d’émigration du début du XXe siècle, puis s’est dispersé dans les collections privées et les musées. Ainsi, les chefs-d’œuvre russes d’origine noble ne sont pas rares. Quant à l’origine de l’icône La décapitation de saint Jean-Baptiste, peinte sur une traditionnelle planche d’après un sujet biblique (le martyr de Jean-Baptiste, décapité sur l’ordre du tétrarque de Galilée Hérode), tout ce que nous savons est que les galeristes l’ont récupérée dans une collection privée à Hambourg. Le prix préliminaire de l’icône médiévale, annoncé à RBTH, est de près de 100 000 euros.
Poliakoff, l’un des représentants de l’école de Paris d’origine russe, est devenu célèbre dans la capitale française : il a quitté Moscou, sa ville natale où il a étudié la peinture, en 1918 alors qu’il était encore jeune homme. La gouache abstraite présentée à la foire, emblématique pour le peintre, a été incluse dans le catalogue raisonné de Poliakoff, publié par son fils Alexis dans les années 1959-1962. Oleg Krasnov RBTH
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Ce jeune pianiste russe est l’un des plus grands talents de sa génération. Au programme : Chaconne pour la main gauche de Brahms, 12 Etudes de Chopin et Sonate pour piano n° 1 de Rachmaninov.
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