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Distribué avec

Erofeev, provocateur malgré lui Coup de projecteur sur le spécialiste de l’art contemporain russe, qui dérange. P. 11

Le visage du rock russe engagé Figure de la contestation, Iouri Chevtchouk se produira avec son groupe DDT à Paris le 14 décembre.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

P. 10 REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 8 décembre 2010

Politique Décryptage de l’allocution annuelle du président russe devant la Douma

La bataille du social

de la croissance est relancé : « Nous avons réussi à stabiliser l’économie après une régression significative. Cette année, la croissance sera de 4% ». Il n’a pas esquivé l’un de ses thèmes préférés : l’innovation technologique, évoquant le futur GLONASS (Système Global de Navigation par Satellite) et l’efficacité, qui sera multipliée par 2,5 en deux ans, du super-ordinateur russe « Lomonossov ». Quant au centre de formation Skolkovo, en cours de réalisation, il est désigné comme le plus grand des projets menés dans le cadre de l’innovation. La première mission confiée au gouvernement de Vladimir Poutine est également liée au thème de la modernisation. Il s’agit d’investir plus dans la recherche énergétique ainsi que dans les nouvelles technologies de l’informatique et de la médecine. En matière de lutte contre la corruption, le chef de l’État s’est prononcé pour des sanctions financières plus sévères dans les cas de fraude commerciale et de pots-de-vin, y voyant une mesure plus efficace que les peines de prison - alors même qu’il s’efforce de rendre le système judiciaire plus humain et moins corrompu. Mais la majeure partie de son allocution de 71 minutes a été consacrée à ses propositions en matière de politique familiale, de santé et d’éducation autour d’un sujet central : le bien-être et l’avenir de « nos enfants ». Un thème rassembleur s’il en est.

Dmitri Medvedev n’a pas évoqué sa candidature à la présidentielle de 2012, mais il a trop longuement insisté sur ses projets sociaux pour qu’on n’y voie pas de visées électorales. PETR SEMIONOV

En 2008, la première allocution présidentielle de Dmitri Medvedev sur l’état de la nation avait porté sur les réformes politiques. La deuxième, sur la modernisation du pays. Il était donc logique que les questions sociales soient au cœur de la troisième, prononcée devant le Parlement le 30 novembre dernier. Sur ce terrain neutre, il ne fallait pas s’attendre à déceler le moindre signe d’une quelconque rivalité avec le Premier ministre Vladimir Poutine dans la perspective d’une candidature de l’un ou de l’autre à la présidentielle de 2012. Mais en s’adressant aux préoccupations premières du peuple russe, et particulièrement des familles, le chef de l’État a laissé la porte ouverte à toutes les hypothèses électorales. La dégradation démographique, écologique ou scolaire et les solutions que le Kremlin propose d’y apporter peuvent être vues comme des thèmes de campagne où dominent traditionnellement les enjeux intérieurs. Le président juge que le moteur

GETTY IMAGES/FOTOBANK

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le chef de l’État n’a pas esquivé l’un de ses thèmes préférés : l’innovation et les super-ordinateurs.

LIRE EN PAGE 3

Traditions À cheval sur deux cultures : les fêtes en double

PHOTO DU MOIS

C’est quand Noël, en vrai ?

Coupe du monde 2018 en Russie !

JENNIFER EREMEEVA

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

et ils m’ont regardée tous les deux, dans l’expectative. Dans notre famille russo-américaine, Noël n’est pas un sprint, mais un marathon. Depuis la naissance de Velvet, mon mari et moi avons travaillé dur pour fusionner les traditions divergentes de la Russie et de l’Occident. Résultat : une galère d’un mois, du 15 décembre jusqu’à « l’ancien nouvel an » du 13 janvier. SUITE EN PAGE 12

Le vice-Premier ministre russe Igor Chouvalov chargé de l’organisation par Joseph Blatter, président de la FIFA (commentaire en p. 8).

Le scrutin du divorce

L’année des PME

« Vieux-Croyants »

La présidentielle du 19 décembre au Belarus, dont le président sortant Loukachenko est favori, aggrave les tensions avec l’« allié » russe.

L’exemple des grands groupes français, qui accélèrent et accroissent leur présence sur le marché russe, inspire de plus en plus les petites et moyennes entreprises.

Entre intégrisme religieux et intransigeance politique totale, les schismatiques orthodoxes (« Vieux-Croyants ») veulent offrir à la Russie un modèle de société alternatif.

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RIA NOVOSTI

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Un nombre croissant d’investisseurs sont convaincus que les pays émergents vont être le moteur de la future croissance mondiale. Mais lequel choisir ? RACHEL MORARJEE

BUSINESS NEW EUROPE

Pas l’ombre d’un doute : parmi les pays du fameux groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), c’est la Chine, avec sa population et ses taux de croissance à deux chiffres, qui tient le rôle de locomotive. Elle a toujours été le favori du groupe, tandis que la Russie fait figure de canard boiteux. Mais les investisseurs ont peut-être jugé trop vite. La plupart des comparaisons au sein du BRIC sont réalisées sous l’angle macro-économique, où le gigantisme de la Chine (et de l’Inde) submerge les autres. Le taux de croissance chinois, autour de 9-10%, est brandi comme un miracle, mais on parle peu de la qualité de la croissance ni de ses causes : si la Chine se développe aussi rapidement, c’est qu’elle en est au début de son processus de convergence, tandis que la Russie va plus lentement car elle en est déjà à miparcours. D’où la question primordiale : vaut-il mieux faire des affaires dans un pays au premier stade de sa croissance ou dans une économie plus mature ? SUITE EN PAGE 6

DÉBATS ET OPINIONS

Foot : une chère victoire

AFP/EASTNEWS

« C’est un sapin de Noël ou un sapin de Nouvel An ? », me demande ma fille Velvet, cinq ans, pendant que je m’emmêle dans une guirlande électrique. « Les deux », répond mon mari russe, contorsionné par terre pour fixer l’arbre. « Nastia dit que le père Noël n’est pas le père Noël. Le vrai c’est Ded

Moroz, et il vient pour le Nouvel An », nous informe Velvet, en citant son infaillible meilleure amie. Ma réponse jaillit entre les dents : « Dis à Nastia que dans notre très chanceuse famille, le père Noël vient le 24 décembre, et après, son cousin Ded Moroz vient la veille du Jour de l’An ». « Nastia dit que Noël, c’est le 7 janvier », insiste Velvet. « C’est vrai aussi », glisse mon mari. « Pourquoi ? », demande Velvet,

De BRIC en BRIC

« Le vote de la FIFA n’était pas un concours de dossiers, mais une lutte violente sous le tapis, fondée sur les sympathies personnelles et l’esprit de mission des fonctionnaires du football mondial », estime le journaliste Anton Orekh. Mais la Coupe du monde de football offre à la Russie une chance de s’ouvrir un peu plus.

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RIA NOVOSTI


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International

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Russie - Belarus Tout devrait rapprocher Minsk de Moscou, mais quand la politique s’en mêle...

Un scrutin qui pousse au divorce La russie d’aujourd’hui

Au pouvoir depuis 1994, l’autoritaire chef d’ État fait face à une opposition morcelée (10 candidats) disposant d’un accès très limité aux grands médias. Selon l’ambassadeur russe à Minsk Alexandre Sourikov, « la Russie, l’Union européenne et les ÉtatsUnis s’accordent tous pour pronostiquer une victoire prévisible et avec une large avance d’Alexandre Loukachenko ». L’ancien vassal soviétique de Moscou, coincé entre la Russie et trois pays de l’Union européenne, est traditionnellement tourné vers le grand voisin oriental, avec lequel les liens culturels sont très forts. Encore à 70% sous le contrôle de l’ État, l’économie biélorusse ressemble à un appendice de l’économie russe, dont elle est totalement dépendante. Et même si les accrochages diplomatiques se multiplient entre les deux pays, ceux-ci font partie d’une union douanière (avec le Kazakhstan) et prévoient de créer un espace économique commun dès 2012. Le Belarus reçoit une aide considérable de Moscou sous la forme d’un rabais de 36% sur les exportations de pétrole russe, une marge qui tombe dans les caisses de l’ État puisque le pétrole est ensuite réexporté vers l’Eu-

été reçu par Loukachenko. Ce qui devait être « la dernière mise en garde de Moscou avant la mise en place de sanctions sérieuses contre le Belarus », selon le politologue Iaroslav Romantchouk, a donc abouti à un fiasco. Pour l’expert Vitali Tsygankov, « la Russie a déjà perdu les élections biélorusses. Pour la première fois depuis 15 ans, Loukachenko a échangé les rôles avec l’opposition : il utilise désormais sans vergogne une rhétorique antirusse tandis que plusieurs candidats de l’opposition s’empressent d’afficher une orientation pro-Kremlin ». C’est le cas du plus sérieux des opposants,Vladimir Neklyaev (crédité de 16,8% d’intentions de vote). Loukachenko a cherché à le diaboliser en affirmant qu’il donnerait à la Russie les gazoducs et raffineries de pétroles biélorusses s’il était élu. Neklyaev a rétorqué qu’il s’agissait d’une calomnie et que sa campagne n’était pas financée par Moscou. Signe paradoxal, et qui pourrait signifier que sur le long terme, les rapports ne devraient pas basculer, le Belarus se prépare à placer sa dette souveraine sur le marché russe. Une première pour un pays étranger, alors que Moscou a les plus grandes peines du monde à convaincre ses alliés de participer à l’édification d’un grand centre financier international. Cette marque de confiance mutuelle démontre que les bisbilles politiques incessantes entre les deux « pays frères » n’impressionnent guère la communauté d’affaires.

Scandale Des retombées plus économiques que diplomatiques

L’investissement douché par les fuites WikiLeaks L’ambassadeur américain en Russie a dressé un portrait très peu flatteur du pays, qualifié de « kleptocratie » et « d’État mafieux ». Moscou choisit de réagir avec flegme. JULIA KOUDInOVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Les éléments criminels bénéficient d’une protection auprès de la police, du FSB (ex-KGB), du ministre de l’Intérieur et des services du procureur général », a écrit à ses collègues l’ambassadeur américain à Moscou John Beyrle, d’après le site WikiLeaks. org. Aucun des câbles diplomatiques dévoilés par le site ne contient de preuves formelles, mais tous véhiculent les rumeurs circulant en Russie. L’ambassadeur étatsunien au Kazakhstan s’en prend, lui, au

monopole d’État Gazprom qui « se comporte comme un vautour » afin de mettre la main sur les gisements d’Asie centrale. Que les observations des ambassadeurs américains soient justes ou erronées, elles risquent fort d’avoir un impact négatif sur les relations entre les deux pays, alors que les présidents Dmitri Medvedev et Barack Obama s’adonnent à un « redémarrage » diplomatique. Leur retenue lors de l’affaire des dix espions russes débusqués par le FBI et expulsés du pays a permis d’éviter un refroidissement. Par contre, le retour d’une majorité républicaine au Sénat américain signifie un changement potentiel dans les relations bilatérales. Et pas dans le sens du réchauffement. Dans ce contexte, les révélations de WikiLeaks consti-

reuters/vostock-photo

WikiLeaks a porté un coup au secret diplomatique.

tuent un prétexte parfait pour les faucons de part et d’autre de l’Atlantique, opposés au rapprochement opéré par Dmitri Medvedev et Barack Obama. L’affaire est sérieuse, car si elle ne cause pas de dommage direct dans les relations diplomatiques, elle ne manquera pas d’avoir des effets sur les investisseurs, toujours très sensibles à l’image négative d’un marché donné, un paramètre connu sous le vocable de « pays à risques ». Comme l’explique le politologue russoaméricain Nikolaï Zlobine, « ces mises en cause ne viennent pas de journalistes mais de diplomates. Leurs recommandations et conseils remontent à Washington et influent sur les décisions gouvernementales puis redescendent vers les hommes d’affaires les mieux introduits. Cela nuit considérablement à la réputation de la Russie dans les cercles d’affaires. Cela constitue une raison de se détourner du marché russe ». Les État-Unis sont d’ailleurs sortis depuis plusieurs années du peloton de tête des dix pays investissant le plus en Russie. Sur la scène politique domestique russe, les « révélations » ne sont pas susceptibles de provoquer des mouvements d’opinion. Les médias ont largement couvert le scandale. Une partie des commentateurs pro-Kremlin affirment que WikiLeaks est un instrument utilisé par Washington dans sa guerre de l’information contre la Russie. Du côté des autorités, le flegme est de rigueur. Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que la diplomatie russe ne se basait pas sur des « fuites », qu’il a qualifié de « chroniques amusantes », mais sur les actions concrètes de ses partenaires. Et le Président Medvedev a estimé qu’elles n’affecteraient pas les relations russo-américaines.

en chiffres

4,8

milliards d’euros par an. C’est la subvention que le Belarus reçoit de la Russie sous forme de pétrole brut bon marché. Un brut raffiné puis réexporté à plein tarif.

59,8%

C’est la part de la Russie dans les importations du Belarus. Très loin devant le deuxième partenaire commercial, l’Allemagne, avec 7,1% puis l’Ukraine, avec 5,4%.

Les grands groupes industriels russes convoitent des actifs biélorusses jalousement protégés Il l’a dit

Medvedev

"

« [Loukachenko] s’applique à fabriquer dans l’opinion publique l’image d’un ennemi extérieur. Autrefois, c’était l’Occident, tandis qu’aujourd’hui c’est aussi la Russie ».

Dmitry Azarov_Kommersant

Paul duvernet

rope, cette fois aux tarifs du marché. Une véritable subvention que Vladimir Poutine a estimée en mars dernier à 4,8 milliards d’euros par an. Qui plus est, le Belarus paie 187 dollars les mille mètres cube de gaz naturel russe, contre plus de 300 dollars pour les autres clients occidentaux. Moscou, qui se heurte à un tir de barrage de Minsk à chacune de ses tentatives de réduire l’écart avec le marché, a réussi à obtenir une part de 50% dans le réseau de gazoducs biélorusse, qui transporte 20% des exportations de gaz russe vers l’Europe. Alexandre Loukachenko craint plus que tout d’être traité en vassal par le Kremlin et ne perd pas une occasion de montrer qu’il reste seul maître chez lui. Il présente son pays d’à peine 10 millions d’habitants comme une forteresse assiégée. Début novembre, il annonçait à la télévision d’ État que « la situation est très difficile. Le Belarus est aujourd’hui au bord de la fracture. Les uns forcent d’un côté, les autres de l’autre. Nous ne cèderons pas et garderont l’intégrité de notre pays. Personne ne pourra briser le Belarus : ni la Russie, ni l’Ukraine, ni l’Union européenne, ni l’Amérique. » Tout indique que la Russie a clairement remplacé l’Occident en tant que bête noire du président biélorusse. Le ton montait depuis plusieurs mois entre les chefs d’ État ; la tension a atteint son paroxysme le 22 novembre lors de la visite à Minsk du ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, qui n’a pas

Alexandre Loukachenko monopolise le pouvoir depuis 1994.

Devises Deux pays émergents s’affranchissent du billet vert

russian look

La réélection du président biélorusse sortant, Alexandre Loukachenko, semble ne faire aucun doute. Le scrutin du 19 décembre ne va pas arranger les affaires avec Moscou.

La cotation du yuan à la Bourse de Moscou est prévue pour la midécembre.

Rouble et yuan copinent contre le dollar Le rouble russe s’est introduit à la Bourse de Chine. Et le yuan sera échangé à la Bourse de Moscou (MMVB) en décembre. Vrai défi à la monnaie de référence ou simple politesse ? Daria Borisyak Avec Vedomosti

Le 22 novembre, le rouble a commencé à être échangé contre le yuan à la Bourse de Chine (CFETS). C’est la Banque de Chine et la Banque industrielle et commerciale de Chine qui ont effectué la première transaction pour 1 million de yuan (113 000 euros). Le premier jour de cotation, le yuan s’échangeait contre 4,6711 roubles (le taux de change du

vendredi était de 4,6712 roubles selon le site d’informations financières Bloomberg). Cette transaction était la seule de la journée. Un couloir du taux de change est fixé pour les deux monnaies, avec une fluctuation de 5% pendant une séance boursière, indique le rapport de la CFETS. Le rouble devient ainsi la septième monnaie étrangère sur le marché des changes chinois (après le dollar, le dollar de Hongkong, le yen japonais, la livre sterling, l’euro et le ringgit malais). Cet événement contribue au développement des relations économiques entre la Russie et la Chine, précise le communiqué de CFETS. La Bourse chinoise

pourra désormais utiliser le rouble pour négocier les forwards (changes à terme) et les swaps (crédits croisés). Selon les fonctionnaires chinois, l’introduction des devises étrangères en bourse permettra d’augmenter le poids du yuan et d’affaiblir le rôle du dollar dans le système économique mondial. Le yuan poursuit son internationalisation, remarque Zhao Qingming de China Construction Bank Corp, cité par Bloomberg, et « les cotations directes faciliteront les échanges ». La cotation du yuan à la Bourse de Moscou interviendra à la mi-décembre. La devise est surtout demandée dans les régions d’extrême-Orient et de Sibérie. Une cinquantaine de banques est intéressée par l’échange direct des deux devises, car la plupart de leurs clients s’occupe du commerce frontalier russo-chinois, indique le porte-parole de la MMVB (la Bourse russe) Nikita Bekassov. Les exportations russes vers la Chine augmentent. Elles sont passées de 12,5 milliards d’euros en 2008 à 15,9 milliards d’euros en 2009. Par ailleurs, la part que représente la Chine dans le total des exportations et des importations de la Russie a augmenté de 7,6% à 8,4% en 2009, selon les données du Service fédéral des douanes russes. Le début des transactions en yuan, c’est un pas vers l’avenir, estime l’analyste de la Corporation Financière Uralsib Denis Poryvay : « Avec la croissance du commerce entre les deux pays, la paire yuan/rouble sera bientôt aussi demandée que la paire dollar/rouble. Cela favorisera la liquidité des transactions et permettra de diminuer la volatilité des échanges ». Le yuan chinois sera très demandé. Cependant, Bekassov estime qu’il ne pourra pas égaler le dollar.


Société

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La bataille du social comme futur enjeu électoral ? suite de la page 1

Parmi les initiatives annoncées, celle d’accorder des terrains aux familles pour la construction d’une maison. Medvedev a reconnu qu’il avait emprunté cette idée à l’administration de la région d’Ivanovo, où une telle disposition est déjà en vigueur, et il souhaite étendre l’expérience au reste du pays. Par ailleurs, pour les familles comptant trois enfants mineurs ou plus, le président a proposé un allégement fiscal supplémentaire, et en particulier de porter les réductions d’impôts à trois mille roubles (72 euros) par mois et par enfant à partir du troisième. Pour les autres familles avec enfants, il s’est également déclaré favorable à une réduction des impôts sans pour autant donner de chiffres.

Medvedev a par ailleurs proposé d’augmenter les dépenses budgétaires en matière de santé infantile, consacrant près de 100 milliards de roubles (près de 2,5 milliards d’euros ou 25% du budget prévu pour la modernisation de la santé) au développement de la médecine dans ce domaine, notamment pour les mesures préventives. C’est ainsi que sont programmés dès 2011 des examens médicaux obligatoires pour les scolaires. Dans le domaine de l’éducation, le chef de l’État a exprimé son mécontentement devant les files d’attente que provoquent les inscriptions dans les écoles maternelles, devenues insuffisantes. Il veut y répondre par un programme de remise en état des anciennes écoles et de construction de nouveaux établissements. Il s’est longement étendu, pendant son

discours d’une heure et onze minutes, sur la nécessité d’améliorer les conditions dans les orphelinats, de soutenir les élèves doués tout comme ceux qui souffrent de handicaps, et de maintenir les pédophiles « à une portée de canon » des institutions scolaires - un thème sur lequel les partis rivalisent de projets législatifs plus sévères les uns que les autres. D’une façon générale, le président, qui a un fils de 15 ans, veut faire des enfants « la tâche numéro 1 » du pays. Il a d’ailleurs demandé à la Douma d’adopter au plus vite la loi qui permettrait une exonération d’impôts en échange de dons de bienfaisance au profit de l’enfance. « Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour ceux que nous aimons le plus, nos enfants », a résumé le chef de l’ État, « car

Bureaucratie Le « propiska » (enregistrement) entrave la mobilité

Foin d’un vestige de l’ère soviétique Le Service des migrations (FMS) a simplifié le système d’obtention d’un enregistrement et compte s’en débarrasser complètement afin d’améliorer la mobilité des Russes. Darina Shevchenko

La russie d’aujourd’hui

Olessia Melnikova a déménagé d’Omsk à Moscou il y a cinq ans, pour travailler dans une grande entreprise internationale. À cinq heures du matin, en route pour l’aéroport d’où elle devait s’envoler pour une conférence en Italie, elle s’est arrêtée sur le bord de l’autoroute pour prendre un café. À la sortie du café, un policier lui a demandé ses papiers. N’ayant pas trouvé d’enregistrement dans son passeport (ce tampon sacré, résidu soviétique, qui indique le rattachement géographique de la personne), le policier a demandé à la jeune femme de l’accompagner au poste. Sourd aux explications d’Olessia qui allait rater son avion, à savoir

que le principe même de l’enregistrement est anticonstitutionnel, le policier a lancé : « Sans tampon t’es un morpion », et l’a embarquée sur le champ. Or, les procédures d’obtention de l’enregistrement sont très pénibles. Les queues sont interminables et il n’est pas rare que les fonctionnaires extorquent des pots-de-vin. Nombreux sont les Russes qui ne souhaitent pas affronter toutes ces difficultés et résident dans l’illégalité, surtout à Moscou et

à Saint-Pétersbourg, là où sont concentrés les provinciaux d’origine et où les conditions pour obtenir un enregistrement sont les plus pénibles. Or, sans « propiska » (surnom russe de l’enregistrement), impossible d’obtenir une assurance maladie, un passeport ou un crédit à la banque. Léonide Pokrychkine, originaire de NijniNovgorod et chef du service informatique d’une grande banque moscovite, a dû aller chercher son passeport à Nijni. Il l’a at-

Histoire de l’enregistrement L’enregistrement est apparu en URSS en 1933, sous Staline, afin d’exercer un sévère contrôle social. Les autorités avaient le pouvoir de radier une personne d’un appartement ou bien de l’y inscrire. De nombreuses personnes étaient privées du droit de changer de lieu de résidence. En 1993,

une nouvelle loi a autorisé les Russes à vivre où bon leur semblait. Mais les bonnes vieilles habitudes ne sont pas disparues pour autant. Cette même loi oblige toute personne résidant plus de trois mois dans une ville différente à obtenir un enregistrement temporaire.

tendu un an. Explication : enregistré dans une ville, il travaille dans une autre. La plupart des migrants de l’intérieur, pour échapper à ce casse-tête, graissent la patte des fonctionnaires. À partir de janvier 2011, a annoncé le FMS, les démarches pour obtenir un enregistrement temporaire seront simplifiées : il suffira de notifier le Service de son séjour à l’adresse donnée, via la poste ou Internet. On sait depuis longtemps que la faible mobilité des Russes freine le développement économique. D’après l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Europe et l’Asie centrale, Indermit Gill, un citoyen russe change en moyenne de lieu de résidence deux fois dans sa vie, contre 17 fois pour un Américain et sept pour un Britannique.

Activisme Alexeï Navalny fait scandale

L’avocat empêcheur de tricher en rond

sergey kiselev_kommersant

itar-tass

Le président veut un allégement fiscal à partir du troisième enfant.

nous voulons qu’ils vivent mieux que nous, qu’ils soient meilleurs que nous et qu’ils accomplissent ce que nous n’avons pas eu le temps de réaliser ». Le troisième message présidentiel a été l’occasion pour Dmitri Medvedev de changer la couleur de sa cravate, qui est passée d’un rouge bordeaux plutôt doux à un violet vif très tendance qu’il arbore depuis quelque temps. Malgré les attentes de certains, Medvedev n’a pas sorti son iPad pour lire son texte qui remplissait 53 feuillets contenus dans un dossier classique orange vif. Jusqu’à la veille de sa lecture, le message a fait l’objet de corrections, devait confier un peu plus tard aux journalistes Arkadi Dvorkovitch, proche collaborateur du président, en précisant que les changements ne portaient « pas sur chaque paragraphe, mais sur chaque thème ». Ceux qui s’attendaient à des propositions de réformes politiques spectaculaires, telles que la formation d’un nouveau parti, ou à un développement sur la politique étrangère, et notamment sur le rapprochement avec l’Ouest, en auront été pour leurs frais. Notons cependant sur ce second volet que Mevedev a vu dans les révélations de WikiLeaks sur les commentaires de diplomates américains « tout le cynisme de la politique étrangère » des États-Unis tout en excluant des conséquences sur les relations entre les deux pays. L’allocution présidentielle, que le Premier ministre Vladimir Poutine a écoutée impassiblement, a sans doute laissé dans l’ombre la perspective d’une candidature à un nouveau mandat en 2012. Il ne pouvait en être autrement, le temps n’étant pas venu de savoir qui, de Poutine ou de Medvedev, briguerait la présidence dans deux ans : la décision sera prise ultérieurement par les deux hommes, a de nouveau indiqué le chef du gouvernement à des journalistes, le 26 novembre à Berlin. La plupart des observateurs n’ont pas « lu » une candidature dans le discours de Mevedev. Mais celui-ci, comme l’a écrit le commentateur politique Eugene Ivanov, « pourrait faire valoir qu’il est plus agréable de vivre dans un pays en paix avec ses voisins et soucieux du bien-être de ses enfants. Et qu’il est plus intéressant d’être le président d’un tel pays ».

03

Navalny émerge comme un personnage public digne de confiance.

Cet avocat spécialisé en droit des actionnaires est l’un des plus célèbres blogueurs russes. Il est parti en chasse contre la corruption au plus haut niveau, documents à l’appui. Veronika Dorman

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Si les Moscovites avaient le droit d’élire leur maire, ils auraient choisi Alexeï Navalny. Il a reccueilli 45% des voix dans l’élection virtuelle lancée sur Internet après le limogeage de Iouri Loujkov, en laissant loin derrière des candidats plus « réels », tels Sergueï Sobianine ou Boris Nemtsov. Symptomatiquement, sur fond de grisaille politique, dans une atmosphère de corruption endémique, l’avocat Navalny émerge comme un personnage public digne de confiance. Jeune (34 ans), brillant et hyperactif, il est parti à visage découvert en croisade contre le système et LiveJournal est sa tribune. 25 285 personnes sont abonnées à son blog (navalny.livejournal.com). En 2008, Alexeï Navalny se lance dans « l’activisme d’investissement » : il achète des actions dans les grosses entreprises d’État comme Transneft, Rosneft, Gazpromneft, Sberbank ouVTB, puis réclame, en vertu de ses droits d’actionnaire, l’accès aux informations sur la gestion - souvent opaque - de l’entreprise. Le reste du temps, quand il ne plaide pas au tribunal pour ses clients, il vérifie les plaintes de corruption qu’il reçoit avant de les rendre publiques. Le mois dernier, l’avocat a affiché sur son blog l’intégralité d’un audit effectué par la Cour des compte, classé secret, qui révèle que l’entreprise publiqueTransneft a volé 3 milliards d’euros au contribuable russe en construisant l’oléoduc Sibérie-Pacifique. Sur 150 pages, le rapport présente les différents schémas de détournement de fonds : fausses commandes, sous-traitants fantômes, prix gonflés. Le pouvoir n’a jamais démenti l’authenticité du dossier et le porte-parole de Vladimir Poutine s’est fendu d’un message laconique : « S’il y avait eu un problème, la Cour des comptes nous l’aurait fait savoir ». Navalny se défend contre l’accusation d’être un blogueur à gages : « Tout le monde me balance de la matière compromettante, j’en vérifie la véridicité, et je fais suivre. Je n’ai pas le temps de m’inquiéter à qui profite le crime. Si j’ai une preuve documentaire qu’il y a eu vol, je dépose une plainte ». Engagé dans le combat dangereux de donner tort au plus fort, le sniper Navalny tire sa confiance du sentiment d’avoir raison.

entretien

Agir au lieu de se plaindre Pourquoi vous-êtes vous lancé dans un activisme aussi débridé ? Ces gens volent l’avenir de nos enfants. Notre pays n’a pas d’avenir à cause d’un système fondé sur le vol. La haute administration politique délègue aux maires et aux gouverneurs le droit de voler, eux en échangent soutiennent le pouvoir. Résultat de ce partage, la Russie demeure un pays miséreux avec un grand nombre de milliardaires. En quoi la défense des actionnaires minoritaires fait-elle avancer les droits des citoyens ? J’utilise un outil légal simple. En tant qu’actionnaire minoritaire de ces entreprises, j’ai la possibilité de défendre mes intérêts. En Russie, on n’a pas le droit de démarcher pour un groupe non défini, seulement pour soi-même. L’ État est majoritaire dans toutes ces entreprises, ce qui fait de chaque citoyen un copropriétaire. Quelles mesures exigez-vous ? À partir de l’exemple de Transneft, j’exige que de nouvelles règles de transparence et de contrôle soient appliquées à tous les futurs grands projets (JO, North et South Stream). Croyez-vous à la possibilité d’une Russie sans corruption ? Oui, et ce n’est pas naïf. Ces histoires de racines culturelles profondes de la corruption, c’est du pipo. Je ne crois pas que la Russie soit un cas désespéré. Nos entreprises de télécommunication, où la corruption est dix fois inférieure à celle de Gazprom, sont cotées à la Bourse de New York. Si Beeline y arrive, pourquoi pas Transneft ? En Russie, le rôle de plaignant est plutôt mal vu... Au contraire. J’ai du soutien, parce que je propose des solutions concrètes. Il y a cent mille personnes qui écrivent que tout a été volé partout. Mais personne ne fait rien. Moi, si. Je suis sûr que 3000 personnes ont soutenu ma plainte contre Transneft. Et pas de manière anonyme, il faut être prêt à prendre un risque à mes côtés. N’est-il pas frustrant de passer son temps à se plaindre ? Mon indignation se transforme en action concrète. Je ne me suis pas contenté de crier « Voleurs ! ». Je les ai nommés, j’ai affiché leurs photos, déposé une plainte à la police, j’irai au tribunal, j’essayerai d’impliquer les actionnaires étrangers, etc. L’émotion brûlante se transforme en plan d’action froidement mûri. Entretien paru dans Afisha.ru


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Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Coopération L’année croisée France-Russie a vu une intensification inégalée des échanges commerciaux

Les PME emboîtent le pas aux grandes entreprises PAUL DUVERNET

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une avalanche d’acquisitions (Schneider Electric, Danone, Sanofi Aventis, Lafarge), de prises de participation (Renault, GdF Suez), de gros contrats (Alstom, Air Liquide,Vinci), d’ouvertures d’usines (Peugeot Citroën, l’Oréal, Air Liquide) ou encore de magasins (Auchan) ont fait défiler pratiquement tous les patrons du CAC 40 à Moscou. Mais derrière les gros titres de la presse économique, l’année 2010 a aussi vu se profiler des tendances nouvelles tout aussi intéressantes. En premier lieu, il s’agit du réveil opéré par le tissu des petites et moyennes entreprises françaises, qui ont mis bien plus de temps que leurs pairs italiens et allemands à prendre conscience de l’intérêt du marché russe. UBIFRANCE, l’Agence française pour le développement international des entreprises, a pro-

fité de l’Année croisée pour multiplier les manifestations destinées à faciliter l’entrée des PME françaises sur cette terra incognita qu’était pour la plupart d’entre elles la Russie. « L’image de la Russie n’est pas vraiment bonne », déplore Philippe Pegorier, qui dirige la mission économique de Moscou. « Les Français ne connaissent pas suffisamment la Russie actuelle et restent toujours sur des clichés datant des années 90. D’ailleurs, dans l’autre sens, il existe aussi un fort décalage. L’image de la France, c’est celle d’une destination de vacances, pas d’un pays avec lequel on peut faire des affaires. Par conséquent, l’activité d’UBIFRANCE a consisté à travailler sur l’image des deux pays ». L’agence a en particulier organisé deux manifestations de grande échelle : le salon « Art de vivre à la française », qui a fait venir 170 exposants hexagonaux à Moscou, dont une bonne moitié pour la première fois ; et le Salon des vins & spiritueux, fin novembre, également à Moscou, afin de faire rattraper un certain retard commercial sur les concurrents. UBI-

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2010 a vu un record de contrats entre groupes russes et français, grâce, entre autres, à une entente inégalée entre les deux gouvernements. Les PME s’engouffrent dans la brèche.

Influencer la modernisation

La Russie brûle l’équivalent de la consommation de gaz française.

Évolution des échanges commerciaux

La création d’un Centre FrancoRusse pour l’Efficacité Energétique (CFREE) le 9 décembre va faciliter la création d’un environnement favorable à la coopération des entreprises des deux pays en la matière. « L’idée est de promouvoir les compétences françaises », explique une source à l’ambassade de France à Moscou. « Le CFREE n’a pas vocation à être incontournable, mais à influencer ». Les groupes français forment une chaîne complète de l’efficacité énergétique, de la production avec des groupes comme (EdF, Total) au transport de l’énergie (Alstom, EdF) et à l’équipement électrique (Schneider, Legrand). EdF s’est déjà attelé à ce marché en fondant une co-entreprise avec le russe Inter RAO. Avec un modèle original : il s’agit d’équiper gratuitement un industriel avec du matériel permettant une importante économie d’énergie et de percevoir en échange des revenus basés sur un pourcentage des économies réalisées. EdF intervient en tant qu’investisseur et espère bien séduire un grand nombre d’industriels russes. C’est une situation unique où les groupes français ne sont pas en compétition les uns avec les autres mais se complètent et s’associent pour améliorer l’efficacité énergétique. La taille du marché russe, de loin le plus important au monde, galvanise d’autant plus cette coopération.

FRANCE envisage de pérenniser ces manifestations pour garder l’élan pris grâce à l’Année croisée. « Les relations politiques entre Moscou et Paris sont très bonnes, il s’agit d’en profiter pour dynamiser les échanges commerciaux », estime Philippe Pegorier. Il y a comme une

deuxième vague après l’arrivée des grands groupes : la foule de leurs sous-traitants, des PME françaises, par exemple les équipementiers automobiles, qui cherchent à fournir les usines de PSA ou de Renault. « Les autorités russes voient cela d’un très bon œil, puisque cela crée des

emplois et apporte des technologies nouvelles dans l’industrie russe », dit M. Pegorier selon qui deux pôles d’excellence française ont un fort potentiel en Russie, à savoir les fournisseurs d’équipement pour l’agriculture et les PME spécialisées dans les hautes technologies.

Un démineur pour les investisseurs OLGA GUERATCH

« Je suis arrivé à Moscou en 1988 pour mener des négociations au nom d’une importante entreprise commerciale française, en vue d’acquérir 400 automobiles Lada pour les revendre au Nigéria. Sur la route me conduisant à l’hôtel, j’ai eu l’occasion de voir le centre-ville. Des rues sombres, pas de magasins, mais à chaque coin de rue, des affiches de propagande communiste », se souvient Alain Fromental, 64 ans. Des impressions par la suite balayées par ses premiers contacts avec les partenaires russes. « Ils se sont avérés intelligents, astucieux, souhaitant travailler avec des étrangers. J’ai tout de suite senti

ARCHIVES PERSONNELLES

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Alain Fromental.

que des changements radicaux se préparaient en Union soviétique. C’est ce qui m’a séduit », se souvient l’homme d’affaires. « En 1988, la SCOA (Société Commerciale de l’Ouest Africain) m’a chargé d’évaluer ses possibilités de développement en Russie. Après avoir exploré le pays, j’ai pu convaincre la

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Poutine veut du libre-échange avec l’Europe En visite à Berlin fin novembre, Vladimir Poutine a tenté de convaincre Angela Merkel de former un grand marché continental s’étendant de « Lisbonne à Vladivostok ». Il a publié une lettre ouverte dans le quotidien allemand Sûddeutsche Zeitung où il prône la levée de toutes les taxes douanières sur le continent. Un défi, quand on sait que c’est la Russie qui a mis en place le plus grand nombre de mesures protectionnistes au moment de la crise. Poutine a également dénoncé la libéralisation du marché européen de l’énergie, estimant qu’elle « entravait les investissements » et relevaient du « hold-up » en imposant une séparation entre les producteurs et les transporteurs de gaz.

PepsiCo vient défier Danone sur son terrain

RIA-NOVOSTI

Portrait Consultant chevronné, Alain Fromental livre ses recettes pour réussir sur le marché russe

La conversion de la Russie à l’économie de marché est irréversible : c’est la conviction d’Alain Fromental, qui a aidé une dizaine de grosses sociétés à s’installer sur ce marché.

EN BREF

SCOA de poursuivre son expansion ». Mais au cours de sa longue carrière, Alain a aussi essuyé des expériences moins heureuses. Notamment lors de pourparlers en 1989 avec le Comité d’État soviétique pour l’approvisionnement technique et matériel. À l’époque, le projet prévoyait la création d’une société commune pour le traitement des déchets plastiques et une coopération des centres d’achats soviétiques dans le cadre de la perestroïka. Grâce à un soutien politique, le projet aboutit à la naissance de l’usine Sofraplast (plastique franco-soviétique). Pourtant, après le départ des experts français chargés de l’organisation de la production, l’entreprise mit la clé sous la porte à la suite d’une gestion calamiteuse. Après l’effondrement de l’URSS, les difficultés prirent une autre allure. De 1990 à 2000, les problèmes étaient liés à l’instabilité de la législation et de la jurisprudence. La prise de décision

est devenue excessivement laborieuse. Troisième phase : à partir de 2000, les conditions économiques du marché se sont améliorées, avec des transactions rapidement finalisées, et le nombre de projets réalisés a augmenté de façon significative. « En Russie, la première étape, l’analyse de la situation, est la

Les Russes sont audacieux et aiment le risque. Ils parviennent à s’adapter aux situations les plus improbables plus importante », assure Alain Fromental. « J’ai vite compris l’importance de vérifier la réalité des intentions de mes interlocuteurs. Il est également indispensable d’étudier attentivement la législation, la réglementation douanière et les normes ». Pour comprendre les Russes et « l’âme russe », l’homme d’affaire suggère la lecture du Joueur,

larussiedaujourdhui.fr/lettres

de Dostoïevski. Il conseille aussi de tenir compte du fait que les Russes sont audacieux, et aiment le risque. Instruits et cultivés, ils savent s’adapter aux situations les plus improbables. Alain en est convaincu, la conversion de la Russie à une économie de marché est irréversible. Le pays doit modifier son approche et s’aligner sur les normes observées par les compagnies internationales. Ce décalage de pratiques entre deux pays tend à disparaître. Alain Fromental, qui a travaillé entre 60 et 70 heures par semaines, a aujourd’hui du temps à consacrer à sa famille, même s’il voyage encore entre la France et les différentes régions russes. Son attachement à la Russie ne fait aucun doute, et il a su le transmettre. S’il n’imagine pas que ses enfants puissent un jour y travailler., « parce qu’ils n’ont pas choisi un métier dans le monde des affaires », il affirme que si l’occasion se présentait, « ils y seraient culturellement prêts ».

Le géant américain a annoncé le 2 décembre qu’il débourserait 3,8 milliards de dollars pour 66% du second producteur russe de produits laitiers WimmBill-Dann (WBD). C’est la première incursion de PepsiCo sur le terrain du petit-déjeuner, sur lequel Danone régnait en maître depuis l’été dernier. Danone avait en effet pris le contrôle du numéro trois russe Unimilk et l’union de leurs forces les avait propulsés au rang de leader. Danone avait dans le passé tenté - sans succès - de prendre le contrôle de WBD.

Les faucons cherchent des poux à Alstom

RIA-NOVOSTI

Alstom voit son acquisition de 25 TransMachHolding (TMH) bloquée par le Service présidentiel de Sécurité et le ministère de la Défense russe, lesquels évoquent « un risque pour la sécurité du pays ». TMH est le principal fournisseur des chemins de fer russes en matériel roulant et constitue pour Alstom la pierre angulaire de sa stratégie sur le marché russe. Pas de panique chez le groupe français, qui estime que l’affaire résulte en fait de débats internes entre services et ministères russes.


Économie

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Enseignement supérieur Une université russe rivalise avec Harvard et HEC pour former la future élite mondiale des affaires

Diplômé en marchés émergents Pour faire son trou sur la scène internationale, l’Université de Skolkovo place les étudiants en situation réelle et met l’accent sur la formation en entreprise et au sein des administrations. Rachel Morarjee

Business new europe

itar-tass

En cherchant où s’inscrire en MBA (Master of Business Administration), le Canadien Kane Cuenant a regardé du côté de Harvard, du Massachusetts Institute of Technology et même de l’université de Tsinghua en Chine, pour choisir finalement la nouvelle université moscovite de Skolkovo. « J’ai envisagé les universités sur les marchés développés, mais elles ne m’ont pas convaincu. Je savais que je voulais travailler sur les marchés émergents pour mieux comprendre leur fonctionnement », confie le nouveau diplômé. Cuenant fait partie de la première promotion de l’université de commerce Skolkovo de Moscou et, à 27 ans, il a terminé son MBA en novembre. Ce qui a guidé son choix de l’établissement russe, ce n’est pas le coût du diplôme (60 600 euros à Harvard contre 60 000 à Skolkovo) mais l’accent mis sur le développement des compétences pratiques sur les marchés qui l’intéressent vraiment. La première promotion de Skolkovo rassemble des étudiants des quatre coins du monde, Allemagne, Inde, Brésil, et de toute l’ex-URSS. Le doyen de Skolkovo, Wilfried

Le doyen de Skolkovo a auparavant fondé la faculté de Shanghai, l’une des meilleures au monde.

Des ateliers simulent les conflits culturels et personnels qui attendent les étudiants dans leur futur travail

Vanhonacker, s’est installé en Russie en 2008, après avoir lancé la China Europe International Business School (CEIBS) de Shanghai, une université de commerce mondialement reconnue et figurant dans le « top » 20 du classement établi par le Financial Times. En Russie, il privilégie le terrain : les étudiants passent plus des trois quarts de leur temps dans l’environnement des entreprises et des services publics pour se familiariser avec

la réalité des marchés émergents. « Nous voulons faire entrer la réalité dans la salle de classe », souligne Vanhonacker. La croissance des multinationales, dans les vingt prochaines années, se fera principalement sur les marchés émergents, alors que les gestionnaires vont être confrontés à un manque de professionnels qualifiés. Le MBA de Skolkovo est conçu pour préparer les étudiants, mentalement et émotionnellement, à relever

Revenus Des disparités criantes entre groupes de travailleurs étrangers

Expats et immigrés : le jour et la nuit Le fisc russe a pour la première fois publié sur son site des informations détaillées sur le niveau des revenus des étrangers travaillant à Moscou. Dmitri Boutrin Kommersant

fotoimedia

La nouvelle stratégie migratoire de la Russie en 2011, c’est la protection des « cols blancs ». Fin novembre, sur le site officiel du fisc, nalog.ru, ont été publiées des données sur le nombre de migrants officiellement invités à Moscou (47 300 postes) et les prévisions pour l’année 2011 (26 700 demandes). La majorité des gros salaires sont concentrés à la direction des grandes entreprises. En tête, parmi les firmes étrangères, le groupe pétrolier Shell compte 28 postes sur les 100 les mieux payés. Mais Shell n’est pas l’employeur le plus généreux de Moscou : six des meilleurs salaires reviennent à la Bank of China, la plus grosse banque commerciale de Chine, dont la plupart sont supérieurs à ceux de Shell. Le PDG touche un salaire mensuel de 144 000 euros, et son directeur financier, 96 000 euros.

Les immigrés de l’ex-URSS sont voués à des travaux peu gratifiants.

Mais le patron de cette banque chinoise est battu par le directeur de la firme russe « Messages agréables », un opérateur de contenu pour téléphones portables : il gagne 149 000 euros.

La palme revient toutefois à Provimi, un producteur d’aliments pour animaux, dont le directeur perçoit la bagatelle de 544 000 euros par mois ! À l’autre bout de l’échelle socia-

ces défis, explique le doyen : « les universités traditionnelles ne forment pas des entrepreneurs forts pour des environnements difficiles ». Les étudiants de Skolkovo doivent venir à bout d’un parcours d’obstacles, tels que dormir pendant deux mois dans un dortoir de ville-usine chinoise, pour se familiariser avec la réalité de l’industrie dans l’atelier du monde ; ou bien aider les fonctionnaires russes à élaborer des lois qui devront ensuite être ratifiées par le Parlement. Le programme inclut les mêmes modules que les MBA en Europe - finances, macroéconomie et marketing - en plaçant les étudiants dans des situations stressantes et des cultures étrangères pour développer leur débrouillardise. Pour les étudiants occidentaux, il s’agit d’un contact étroit et personnel avec la bureaucratie et la corruption locales. Cuenant avoue avoir été pris au dépourvu par la masse de paperasse nécessaire pour la moindre démarche en Russie ou en Chine. « Une opération bancaire basique aux États-Unis requiert un formulaire, trois ou quatre documents et une signature. En Russie, la même opération se fait avec quatre formulaires, cinq documents et quatre signatures, tandis qu’en Chine, il faut au moins sept formulaires, dont certains remplis à la main par les employés, pendant que le client attend ». Malgré le stress d’un apprentis-

sage expérimental, les classes sont petites et l’université peut offrir aux étudiants un encadrement individuel et des cours personnalisés de développement de l’aptitude à diriger. Chaque étudiant travaille avec un conseiller issu du monde des affaires qui l’aide à atteindre ses objectifs et lui fournit un aperçu de la vie en entreprise. Les professeurs composent des groupes de travail destinés à simuler les conflits culturels et personnels auxquels les étudiants seront confrontés dans le monde du travail. « Nous ne permettons pas aux étudiants de choisir euxmêmes leurs groupes avant qu’ils n’arrivent à la phase finale du cours et doivent lancer une société. On ne choisit pas ses collègues dans une entreprise », explique Vanhonacker. L’objectif de Skolkovo, quand la capacité opérationnelle sera atteinte en 2014, sera de 240 étudiants par an en MBA. La première promotion de 20 09 comptait 40 étudiants et ils sont 33 cette année. Une expérience professionnelle en Russie ou en Chine n’a pas de prix, dit Cuenant, qui espère rester en Russie après son MBA. « Travailler avec des fonctionnaires gouvernementaux sur le développement des marchés ne s’apprend pas dans une salle de classe. La plupart des étudiants qui s’inscrivent à Skolkovo ne cherchent pas un simple emploi de bureau. Ils veulent quelque chose de plus », conclut le diplômé canadien.

Internet Ozon, leader de la vente en ligne

le figurent les immigrés venus des républiques de l’ex-URSS. Une immigration économique massive très visible dans les rues moscovites. Ces travailleurs d’Asie centrale ou du Caucase sont massivement employés (très souvent au noir) sur les chantiers, ou pour des travaux peu gratifiants et par conséquent payés au lance-pierre. Ainsi, la « meilleure » femme de chambre de la chaîne Swissôtel empoche 480 euros [soit l’équivalent du prix d’une chambre pour deux nuits dans ce même hôtel, ndlr]. La majorité des 47 000 postes occupés par des étrangers à Moscou représente des salaires deux fois inférieurs à celui d’un citoyen russe, et ce pour le même travail. Les listes des emplois les moins bien payés à Moscou montrent que les immigrés non qualifiés acceptent souvent de travailler pour un salaire de 120 euros. Dans cette vertigineuse disparité, Gazprom se distingue par son opacité. Si le géant gazier propose un salaire de 250 000 « unités » pour cinq postes de gestionnaires de projets, il ne précise pas la devise. S’il s’agissait d’euros, ce serait un beau pactole. Or, la loi russe n’autorise pas la mention de devises étrangères dans l’offre d’emploi. Aux intéressés de deviner ! Pour en savoir plus : larussiedaujourdhui.fr/ 11728

La recette d’Amazon.com à la mode russe Créé il y a 12 ans par des passionnés de science-fiction frustrés de ne pas trouver leurs livres préférés, Ozon.ru ajuste son système de livraisons au boum de ses commandes. Rachel Morarjee

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Loin de se contenter des livres, Ozon a vite élargi au maximum sa gamme de produits, au multimédia et à l’électronique. En dépit de la crise financière, les commandes du groupe Ozon ont grimpé de 21% en 2009. Un nombre croissant de clients russes se détournent des magasins traditionnels pour profiter des bas prix sur Internet. Les plus grands marchés demeurent les deux plus grandes villes de Russie, Moscou et Saint-Pétersbourg. Mais la demande dans les régions explose, avec une flambée de 200% enregistrée par Ozon en 2009. « Cela représente un très gros marché qui va se développer avec le temps », estime le PDG Bernard Lukey. Si les prix constituent l’atout maître du site, le défi réside dansla maîtrise des délais de livrai-

son sur le vaste territoire russe. « La commande en ligne est immédiate, c’est pourquoi les clients s’attendent à ce que la livraison soit rapide », explique Lukey. La poste russe fait face à un nombre croissant de colis qu’elle n’est pas en mesure d’acheminer dans des délais acceptables. Ozon a donc expérimenté différentes options de livraison, y compris la mise en place dans plusieurs villes de son propre service, O-courrier, moins coûteux que les sociétés spécialisées comme Fedex ou DHL. « Le prix d’un livre ne justifie pas le coût d’un courrier privé », juge Bernard Lukey. Le mode de paiement constitue aussi un problème. Peu de Russes disposent d’une carte de crédit, et ceux qui en possèdent une se méfient des paiements en ligne. C’est pourquoi Ozon a également mis en place un réseau de kiosques-dépôts à Moscou et SaintPétersbourg, où les clients peuvent régler en espèces. Voilà bien un paradoxe russe, où le modèle de la start-up Internet rencontre le succès en revenant au réseau de magasins !

Des experts en droit ions sur la Russie répondent à vos quest

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Économie

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De BRIC en BRIC : atouts russes reuters/vostock-photo

Facilité à entreprendre*

*Classement mondial

Nombre d’années d’étude

Revenus par habitant

Les chefs d’États du club BRIC se retrouvent une fois par an pour un sommet réservé au quatre grands pays émergents.

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éléments clés

C’est Jim O’Neil, responsable de l’Économie mondiale chez Goldman Sachs, qui a imaginé la formule du club BRIC en 2001, provoquant une véritable révolution chez les économistes. Rencontrant le scepticisme au début, la formule s’avéra visionnaire.

40% de la population mondiale vit dans les pays du BRIC et cette proportion tend à augmenter. Seule la Russie possède une tendance démographique négative. La surface totalisée par ces quatre pays représente 26% des terres émergées.

De 2000 à 2008, le volume des échanges entre pays du BRIC a été multiplié par plus de dix, de 11,7 à 121 milliards d’euros. On prévoit une croissance annuelle de 12%, avec un volume commercial de près de 800 milliards d’euros en 2030.

Espérance de vie

Les économies du BRIC devraient représenter plus de 70% de la croissance des ventes mondiales d’automobiles au cours des dix prochaines années et, en 2050, potentiellement plus de 50% des valorisations financières mondiales. source : onu, rosstat

suite de la page 1

La population russe est dix fois inférieure à celle de la Chine, mais reste la plus riche de tous les pays du groupe BRIC. Grâce à une décennie de forte croissance économique, en Russie, le revenu par habitant (ajusté au pouvoir d’achat) est d’environ 12 000 euros contre 8 200 au Brésil, 5 400 en Chine et 2 500 en Inde, selon les données de l’ONU. « La Russie est une économie à revenus moyens, tandis que les autres pays du BRIC ont des re-

venus faibles. Le niveau d’éducation est meilleur en Russie, les consommateurs sont plus aisés et la criminalité est plus faible », dit Kingsmill Bond, stratège à la banque d’investissement Troika Dialog, qui précise que « nombre des craintes concernant le marché russe sont des préjugés tenaces qui n’ont pas de pertinence pour les investisseurs ». Ces préjugés pèsent lourdement sur la valorisation des actions russes, extraordinairement basses par rapport à leurs pairs du BRIC, avec des ratios capitali-

sation/bénéfices de seulement 6 fois les bénéfices, contre 16 fois en Chine, 10 au Brésil et 17 en Inde. Quelle que soit la technique d’évaluation, les actions russes figurent parmi les moins chères du monde. « La Russie est encore stigmatisée comme le maillon faible du groupe BRIC, et les investisseurs préfèrent les autres économies, plus orientées vers le marché », explique Nigel Rendell, stratège chez RBC Capital Markets. Pour Allan Conway, chargé des marchés émergents chez Schroders à Lon-

regard d’expert

Une voie trilatérale vers un monde multipolaire Manish Chand

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une semaine après que le président américain Barak Obama eut annoncé son soutien à l’Inde qui revendique un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Inde et de la Chine (RIC) se sont réunis à Wuhan en Chine, les 14 et 15 novembre. Les réformes de l’ONU faisaient partie des questions internationales les plus pressantes abordées par S.M. Krishna (Inde), Yang Jiechi (Chine) et Sergei Lavrov (Russie). Mais New Delhi est resté sur sa faim : la rencontre s’est clôturée par un communiqué conjoint en faveur des réformes mais n’allant pas au-delà d’une

« appréciation positive du rôle joué par l’Inde dans les affaires internationales ». La Russie a fortement appuyé la candidature indienne à un siège permanent, mais la Chine a refusé de clarifier sa position, mettant ainsi en évidence une compétition d’ambitions et de projets entre les deux membres pourvus du droit de véto au Conseil de sécurité - Chine et Russie - et le pays qui aspire à les rejoindre à la grande table. Ces dissonances sur les questions décisives versent de l’eau au moulin des sceptiques qui considèrent que la RIC n’est qu’un club de parlote de plus. Cette conclusion est pourtant erronée. Ce qui compte ici, c’est l’importance croissante de la consultation au sein du trio des puissances émergentes qui détiennent

les clés de l’ordre changeant du XXIe siècle. De façon significative, la dixième rencontre trilatérale à Wuhan s’est tenue une semaine après que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) eut approuvé l’admission des ÉtatsUnis et de la Russie au sommet de l’Asie orientale. Au lendemain aussi d’une rencontre entre les dirigeants indiens et chinois à Hanoï, dans un contexte tendu. Pour conclure, la triade a réitéré son appel à un ordre mondial multipolaire, tout en insistant, dans le même mouvement, qu’« aucun pays tiers » n’était visé (un euphémisme pour les États-Unis). L’Inde, la Russie et la Chine ont manifesté des inquiétudes communes à propos de l’Afghanistan, mais leur coopération sur

dres, les actions russes sont très sous-évaluées car les investisseurs surévaluent les risques par rapport aux fondements économiques du pays. La croissance est robuste, l’inflation maîtrisée, les réserves de devises étrangères sont immenses, et la Russie recèle les plus grosses ressources énergétiques au monde. Il est vrai que le Kremlin néglige l’image de la Russie en tant que facteur de valorisation des titres russes et d’investissements étrangers. Sans parler des problèmes de gouvernance d’entre-

prise. « Même si une prime de risque se justifie, une réduction de 50% par rapport aux autres marchés émergents, c’est trop », conclut Conway. À l’inverse, les secteurs s’adressant à la classe moyenne russe bourgeonnante, allant des télécommunications à la banque, sont estimés à des prix tout à fait compétitifs par rapport aux autres marchés émergents. La Russie a son lot de problèmes, sans pour autant justifier la retenue de bien des investisseurs. L’espérance de vie en Russie est

ce point n’a pas avancé. La triade a résolu d’intensifier la coopération antiterroriste mais il semble que Pékin ait bloqué la proposition indienne d’inclure une référence à l’élimination des « refuges » pour les terroristes, allusion au Pakistan pour son rôle en Afghanistan. Ces différences d’approche et de point de vue des trois puissances émergentes sont naturelles, et c’est exactement pour cela que l’idée de cette triade avait été

mondiaux, qui peuvent transformer la vie des populations. La proposition de relier les centres d’innovation des trois grandes économies (Bangalore et Skolkovo par exemple), noyau de la croissance mondiale, est l’une de ces idées qui mêle l’ambition d’une renaissance nationale partagée par les trois pays à leur désir collectif d’avoir plus de poids dans les questions internationales. Trois, c’est peut-être un de trop, mais dans ce cas-ci, le trio n’a d’autre choix que de gérer ses divergences car chacun des trois pays a plus d’intérêts que de désavantages dans les progrès réalisés par les deux autres. Alors que l’idée d’un G2 est une chimère et tandis que la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU reste une perspective à long terme, le RIC représente un microcosme d’une ère asiatique en gestation qui accentue la nécessité de renforcer la confiance entre les trois piliers d’un monde multipolaire.

Chacun des trois pays a plus d’intérêts que de désavantages dans les progrès réalisés par les deux autres proposée il y a plus de dix ans par le Premier ministre russe Evgueny Primakov, afin de contrebalancer l’hégémonie de Washington. La triade encourage aussi l’approfondissement de la coopération dans des domaines divers : agriculture, santé, changements climatiques, catastrophes naturelles et problèmes économiques

Manish Chand, basé à New Delhi, est un rédacteur du Service de presse indo-asiatique.

inférieure à celle du Brésil ou de la Chine, réduite par l’abus d’alcool et de drogue, surtout parmi les hommes. La démographie russe, en panne, décline tandis qu’elle augmente dans les autres pays du BRIC. Mais moins de monde signifie aussi moins de compétition pour des ressources rares. En Chine ou en Inde, surpeuplées, le manque d’eau potable et la nécessité d’importer les combustibles fossiles pourraient alimenter l’instabilité sociale. « La démographie est une question à double tranchant. Il y a plus de risques de troubles sociaux au sein d’une population en croissance rapide qui se dispute des ressources limitées », dit Bond. La corruption est certainement le principal problème sur lequel insistent régulièrement les experts. Mais tous les marchés émergents souffrent d’une corruption chronique. Le problème posé par la corruption en Russie, c’est qu’elle est souvent destructive, contrairement à la Chine, où les fonctionnaires se servent sur les gros contrats sans pour autant bloquer le passage aux entrepreneurs. Arthur Kroeber, directeur du cabinet-conseil pékinois Dragonomics, explique que la corruption en Chine, même envahissante, a toujours été constructive plutôt que kleptocratique. Les hauts fonctionnaires exigent 10-15% des transactions réussies. « Les intérêts des fonctionnaires sont alignés sur ceux des entrepreneurs. Je n’y vois pas d’obstacle à la croissance, comme en Russie ou en Afrique », dit le consultant. Le désir de réforme et de modernisation du Kremlin pourrait améliorer la situation. Et pendant ce temps, c’est le consommateur russe qui détient la clé de la croissance.


Régions

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POUR SE RENDRE À BALTIISK

En train jusqu’à Kaliningrad (le billet aller-retour, de Moscou, coûte entre 80 et 380 euros), puis de la Gare du Sud en train diesel ou en autobus.

LE LOGEMENT

Une chambre à l’hôtel « Zolotoï Iakor » (l’ancre d’or), où a séjourné l’immense poète Iossif Brodsky, coûte entre 20 et 73 euros. Mais il faut réserver longtemps à l’avance, parce que l’hôtel est souvent occupé par les marins dont les navires sont à quai.

QUE RAPPORTER ?

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Il y a toujours le poisson des pêcheurs du coin, bon marché et d’une fraîcheur imbattable, mais si vous craignez d’indisposer vos co-voyageurs, une poignée de sable fin fera bien l’affaire !

LORI/LEGION MEDIA

Tourisme Le charme suranné de Baltiisk est un bouquet de Prusse et de Suède mâtiné de béton soviétique !

Au carrefour des grandes armées Forteresse suédoise, station balnéaire allemande, port russe, et peut-être même paradis sur terre, Baltiisk est aujourd’hui une base militaire et un port commercial. NATALIA ASEEVA

RUSSKIY REPORTER

Quand on arrive à Baltiisk, la première impression est que la ville est peuplée de lutins. De petites maisons aux toits verts de mousse, noyées dans les feuilles mortes, sont plantées en plein milieu de la forêt. Puis apparaissent les affreuses barres d’immeubles standards soviétiques. Ici, dans la ville la plus occidentale de Russie (dans l’enclave de Kaliningrad, ndlr), des univers totalement différents cohabitent harmonieusement. Pillau (nom de Baltiisk jusqu’en 1946) a une longue histoire mi-

litaire. Le lieu était apprécié des Suédois et des Prussiens, des Français et des Russes. D’où l’impression que chaque nouveau maître des lieux cherchait à les marquer de ses symboles militaires, qui ne font plus débat aujourd’hui, mais se partagent pacifiquement la petite ville. Pour mieux visiter celle-ci, il faut commencer la promenade à partir du centre. Une fois sur le front d’eau, le risque est de ne plus vouloir en partir... Non loin de la gare, sur le mont Chkolny (Scolaire), s’élève une église inachevée, consacrée au guerrier Fedor Ouchakov. Les riverains la dénigrent car elle fut érigée sur un cimetière allemand, sous lequel, assurent les autochtones, on trouve des labyrinthes souterrains, une ancienne galerie et même des revenants ! Les connaisseurs de villes pro-

vinciales russes chercheront en vain à Baltiisk les repères architecturaux habituels. Impossible d’identifier d’un coup d’œil un l’hôpital ou une préfecture. Ici, ce qui ressemble à une école est une caserne, une cabane avec un air de check-point abrite en fait une école d’art, ce musée est en fait un hôpital. On ne sera donc pas surpris que l’un des plus majestueux bâtiments abrite le parquet et les limiers de la police. On avance vers le boulevard de la Mer. Les affiches, dessinées à la main, de la Maison de la culture des matelots invitent les « militaires et les habitants de la ville » à la bibliothèque ou au moins au cinéma. Avant la guerre, un lycée allemand occupait les locaux. Récemment, quand les étrangers ont enfin eu l’autorisation d’entrer à Baltiisk (ville fermée pendant toute la période

On a l’impression que chaque nouveau maître des lieux cherchait à marquer ceux-ci de ses symboles militaires, lesquels ne provoquent plus de passion, mais se partagent pacifiquement la ville

soviétique), un des anciens élèves, un Allemand, est venu voir son alma-mater. La gardienne, une mère Nina débonnaire, a décidé d’enfreindre toutes les règles et de lui montrer ce qu’était devenue son école. L’étranger ne parlait pas russe. Mais, stupéfait, il jurait et se prenait la tête dans les mains en voyant les basreliefs de Lénine, les étendards rouges et la peinture craquelée. « Ce n’est pas de notre faute », la mère Nina ne trouvant pas d’autres mots pour se justifier. Le loisir principal des habitants locaux, c’est la pêche. Munis de cannes à pêche, des dizaines de gens se baladent dans la ville, roulent en voiture et à vélo, se déplacent en bateau pneumatique. Sur la jetée, des hommes en vestes ouatinées et hautes bottes se balancent en équilibre sur les brise-lames. Ils chassent le

hareng baltique. Leurs femmes, qui sont là, sur la jetée, se plaignent : dans le temps, cent personnes se rangeaient en ligne et pêchaient tranquillement. Aujourd’hui, on est obligé de se jucher sur des saillies dangereuses. À noter que ces mêmes pêcheurs vendent le hareng sorti de l’eau à 1 euro le kilo. Du boulevard de la Mer, on accède directement à la plage. Et même le froid de novembre n’entame pas le plaisir de s’asseoir au bord de l’eau. Le sable ici est particulier, fin, blanc et noir, poivre et sel. Au ras de l’eau, le sable pressé est moucheté de roux. Avec un peu de chance, la vague généreuse peut offrir un éclat d’ambre. Plus haut, où l’eau n’arrive pas, le sable est doux et léger, on a envie d’y plonger ses mains. Il ne colle pas aux doigts, mais glisse comme de la soie.

Commencez votre visite à partir du centre-ville, sinon vous courrez le risque de ne plus vouloir repartir des berges.

LORI/LEGION MEDIA

Inégalités Dans la capitale, les loyers représentent une large partie des revenus, contrairement au reste du pays

Les provinciaux envient les rentiers moscovites À l’instar d’autres capitales dans le monde, Moscou offre un fort contraste économique par rapport à la province. Devenus des possédants, ses habitants font figure de privilégiés. TOM WASHINGTON THE MOSCOW NEWS

« Un Moscovite dans une ville de province se reconnaît immédiatement. Il se distingue par son hyperactivité », analyse Roman Ivanov, natif de Tchita, en Sibérie Orientale. Son père étant un militaire de carrière, il a beaucoup déménagé au cours de sa vie à travers toute l’URSS. « Les provinciaux se désolent des inégalités de salaire. Les mêmes emplois sont beaucoup mieux ré-

munérés dans la capitale », commente Roman. Le Centre de Recherche Stratégique (TsSR) et l’Académie nationale d’économie ont cherché ensemble à analyser les causes de la disparité croissante entre la capitale et la province. L’économie est au cœur de ce malaise, assurent-ils, d’où la quête d’une nouvelle voix politique chargée de plaider pour des possessions jugées durement acquises et menacées par la crise.

Propriété et influence

« On observe que l’immobilier est devenu la principale source de revenu des Moscovites », a confirmé au journal Vedomosti, le président de TsSR, Mikhail

Dmitriev. Nantis de biens à forte valeur marchande, les Moscovites exigent de l’état de droit qu’il protège leurs titres de propriété. Un système juridique défaillant, une administration peu démocratique et une incapacité à régler les différends par les tribunaux les conduisent à utiliser d’autres canaux d’influence, en particulier leurs relations au sein du gouvernement. Une influence facilitée en outre par la forte représentation de la classe moscovite moyenne dans les médias de la capitale, de la télévision nationale et de l’Internet qui, selon Dmitriev, diffusent les mêmes valeurs « bourgeoises » citadines dans le reste du pays. Les Moscovites accorderaient

beaucoup plus d’importance au pouvoir et à l’argent que les provinciaux. « Les habitants de Saint-Pétersbourg pensent que VIP signifie Very Intelligent Personne, alors que pour les Moscovites, c’estVery Important Person », plaisante Svetlana Mironova, pétersbourgeoise de souche. Originaire du Tatarstan, Elvira Chakirova juge que dans sa ville natale, Kazan, les gens « ont plus d’âme ». Grâce aux revenus générés par les appartements qu’ils louent à prix d’or, les Moscovites ont plus de temps libre pour revendiquer. D’un niveau social bien plus modeste, les provinciaux restent dociles envers le pouvoir. En fait, les tendances sont inversées entre

Moscovites et provinciaux. Selon Dmitriev, la loyauté de ces derniers envers le pouvoir augmente proportionnellement à leurs revenus, tandis que l’aisance croissante des Moscovites les rend plus contestataires, et notamment sceptiques à l’égard des plans de modernisation décrétés par le Kremlin.

Une société ouverte

Pour autant, leurs appels à une société plus ouverte ne se reflètent pas dans leur comportement. « Les Moscovites sont des gens plutôt fermés. À Kazan, les gens sont toujours prêts à s’entraider », affirme Mme Chakirova. La principale ressource financière des Moscovites - les loyers

que leur versent des provinciaux - ne favorise pas le développement du capital humain. En effet, nul besoin d’être diplômé pour collecter l’argent des locataires. Du coup, Moscou prend des airs dignes d’un Émirat arabe et à cet égard, semble s’éloigner de l’Europe. Mais la crise qui a touché l’immobilier a provoqué un électrochoc et un retour dix ans en arrière. La « rente » des Moscovites a été divisée par deux. Si la baisse progressive du rôle des loyers dans les revenus des ménages de la capitale se confirme, on pourrait assister à un rapprochement avec le modèle européen, estime Dmitriev. Mais pour les provinciaux, la route est encore longue...


Débats et Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

football : gare à la gueule de bois Anton Orekh

Ejednevny Journal

L

e vote de la FIFA n’était pas un concours de dossiers, mais une lutte violente sous le tapis, fondée sur les sympathies personnelles et l’esprit de mission des fonctionnaires du football mondial. Il va de soi que l’Angleterre et les États-Unis étaient les meilleurs candidats. Mais ce sont les moins aptes, à l’heure actuelle, qui l’ont remporté : la Russie et le Qatar. Le plus grand et le plus petit pays, qui ne sont pas équipés pour le grand football, mais possèdent en revanche beaucoup d’argent dans des quantités illimitées. Je ne fais pas allusion aux potsde-vin et autres spécialités locales. Depuis longtemps, les membres du comité exécutif se prennent pour des missionnaires qui portent les lumières du foot dans les régions sous-développées. Premiers championnats dans un pays arabe et en Europe de l’Est. Que ces pays soient reconnaissants. Qu’ils se souviennent de leurs bienfaiteurs, auxquels ils doivent toute la splendeur qu’apporte une Coupe du monde. Un autre résultat important de ce vote, c’est la vengeance. Les Anglais, avec la meilleure proposition, ont été éliminés dès le premier tour. Sans aucun doute, ils ont été enterrés par leurs propres médias, qui balançaient inlassablement des révélations sur tout et tous, stigmatisant les membres du comité exécutif, Blatter et la FIFA. Au passage, ils ont détruit la carrière du président de leur propre candidature, Lord Triesman, qui a eu la mauvaise idée de se pavaner devant une jeune fille et de raconter un tas d’inepties scandaleuses. Juste avant le vote, la BBC a enfoncé le clou avec une émission délirante en ressassant les

Poutine au milliardaire Abramovitch après la victoire russe : « Qu’il mette un peu la main à la poche, il a beaucoup d’argent ! »

Nous construirons les stades. Les difficultés seront ailleurs : l’accueil, les Russes, le foot lui-même... sujets compromettants. Bref, les Anglais ont vraiment énervé les membres du comité, qui se sont éloquemment vengés. Un thème de réflexion : la presse doit-elle être patriote ? Quoi qu’il en soit, je suis heureux que nous ayons gagné. J’écris ces lignes sur un support libéral en comprenant que mon

lectorat est évidemment déçu de la victoire de la Russie. Mais je trouve que c’est une attitude bolchévique, mes amis, que de souhaiter la défaite de son propre pays au nom de la révolution mondiale.Vrai, la moindre réussite d’un régime sanguinaire est une source d’angoisse. Mais regardez les visages défaits des Anglais, Espagnols, Portugais, Hollandais, Belges, Américains, Japonais, Coréens et Australiens, et vous comprendrez que nous n’avons aucune raison d’être déçus. Ce ne sont pas des idiots, mais des gens convenables, civilisés. S’ils voulaient tellement organiser le Mondial et sont tellement affligés de leur in-

Medvedev doit s’inspirer des erreurs d’Obama Vladimir Frolov

The Moscow Times

A

u grand dam du Kremlin, le président américain, Barack Obama, a essuyé une défaite cuisante lors des élections de mi-mandat. Moscou s’inquiète de la revanche des républicains au Congrès et de ses conséquences sur le « redémarrage » des relations russoaméricaines. Cette inquiétude ne se cantonne pas à la politique étrangère. L’image intérieure de Dmitri Medvedev pourrait être affectée si les États-Unis se mettent à né-

gliger la Russie. L’amélioration tangible des relations entre les deux pays sous l’administration Obama s’est transformée en atout politique pour le président russe, qui, en dehors de cela, ne peut afficher que bien peu de succès politiques. Le partenariat avec son homologue américain a renforcé le désir de Dmitri Medvedev d’agir en véritable chef de l’État et d’être perçu par l’élite russe comme candidat viable à un second mandat. Le président risque cependant de commettre l’erreur traditionnelle des dirigeants russes : tenter de convertir un succès international en instrument pour légitimer sa politique intérieu-

CE SUPPLéMENT DE douze PAGES EST éDITé ET PUBLIé PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIèRE RESPONSABILITé DU CONTENU. SITE INTERNET WWW.larussiedaujourdhui.fR EMAIL redac@larussiedaujourdhui.fR TéL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, éTAGE 12, MOSCOU 125 993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION, MARIA AFONINA : DIRECTRICE DE LA RéDACTION, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DéLéGUé, EMMANUEL GRYNSZPAN : RéDACTEUR EN CHEF, dimitri de kochko : rédacteur en chef adjoint (VERSION PAPIER), VLADISLAV KUZMICHEV : RESPONSABLE DES PAGES éCONOMIE, fedor klimkin : RéDACTeuR EN CHEF (VERSION WEB), MILLA DOMOGATSKAYA : RESPONSABLE DE L’éDITION (VERSION PAPIER), ANdreI zaytsev: SERVICE PHOTO. VSEVOLOD PULYA : RéDACTEUR EN CHEF DU site WWW.rbth.Ru, JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE PUBLICITE & RP, (GOLIKOVA@RG.RU) OU EILEEN LE MUET (ELEMUET@LEFIGARO.FR). Maria Tchobanov : représentante À PARIS (maria.tchobanov@gmail.com, 06 60 70 11 03).traducteurs : Veronika dorman, eugene zagrebnov, chloé valette.

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re et compenser ses échecs. Medvedev peut encore apprendre des erreurs de Barack Obama, en particulier en ce qui concerne ses priorités. Le président américain a mal évalué la tolérance des Américains envers son gouvernement. Il s’est focalisé sur le long terme, privilégiant une réforme financière et du système de santé, alors que la population voulait surtout une relance rapide de l’emploi. Avec le projet Skolkovo et son appel à la modernisation du pays auquel peu de Russes adhèrent, Dmitri Medvedev suit la même voie. Il a laissé entendre que la modernisation politique du pays devait passer avant la moderni-

Leo Dicaprio dans le sens du poil succès, c’est que l’événement n’est pas sans intérêt. Notre tâche, désormais, c’est d’ouvrir grand nos yeux. Surveiller chaque pas du pouvoir, compter chaque rouble dépensé. Et faire tout ce que nous pouvons pour que le Mondial soit organisé dignement. La vie nous donne une chance d’accomplir beaucoup de choses utiles dans notre pays, il faut en profiter. Moi, j’ai toujours regretté que notre pays soit si beau et varié mais que personne ne le sache, au-delà des frontières. Comme s’il n’y avait rien en Russie en dehors de Moscou et Saint-Pétersbourg. La raison, c’est que cette beauté n’est pas aménagée. Il faut ouvrir la Russie au monde et devenir nous-mêmes plus ouverts. Et les championnats sont un très bon moyen pour ce genre d’ouvertures. Je ne doute pas une seconde que nous construirons les stades. Le travail mécanique nous réussit en général. Les vraies difficultés seront ailleurs. Quand les invités arriveront et seront accueillis par le personnel médiocre des hôtels, des serveurs roublards ou des Russes à la mine maussade qui, en plus, ne parlent aucune langue étrangère. Ou notre police… Et le plus gros problème, c’est le foot lui-même. S’investir à ce point et perdre sur le terrain ! Mais apprendre, en huit ans, à jouer au niveau mondial est beaucoup plus compliqué que de construire des aéroports et des routes. Pas de chance : nous avons reçu trop tôt et les Jeux olympiques de Sotchi et la Coupe du monde. Nous ne serons pas prêts, ni en 2014 ni en 2018 à de bonnes performances. Obtenir de mauvais résultats après des préparatifs aussi pompeux, c’est prendre un coup violent à l’amour-propre. Pas terrible pour le réveil patriotique. Anton Orekh est journaliste à la radio Echo de Moscou.

sation économique. Grave erreur de jugement. Une autre leçon tient à la personnalité. Barack Obama donne l’impression d’être un président distant et égocentrique, incapable de ressentir « la douleur des électeurs ». Or, Dmitri Medvedev a une prédisposition certaine à reproduire les pires fautes de style de son homologue américain : cérébral, détaché, protégé par ses conseillers. De plus en plus, le président russe donne l’impression d’être le chef d’une élite libérale intellectuelle sans lien avec le reste de la société. Medvedev n’a pas eu à affronter de scrutin à mi-mandat. Mais l’échec de Barack Obama devrait lui mettre la puce à l’oreille pour l’élection de 2012. Vladimir Frolov préside le LEFF Group, une société de relations publiques et de relations au gouvernement.

GéNéRAL, VLADISLAV FRONIN : directeur des RéDACTions. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF à USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR éCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUêTES à redac@larussiedaujourdhui.fr OU PAR TéLéPHONE AU +7 (495) 775 3114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DES RUBRIQUES “OPINION” OU “COMMENTAIRES” RELèVENT DE LA RESPONSABILITé DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINéES à êTRE PUBLIéES DOIVENT êTRE ENVOYéES PAR éMAIL à redac@laRussiedaujourdhui.fR OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYéS. PARTENAIRES MéDIA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES pour UNe MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

Anna Malpas

The moscow times

D

ernièrement, la star hollywoodienne Leonardo DiCaprio est venue à Saint-Pétersbourg pour assister à une conférence consacrée à la protection des tigres de l’Amour, une espèce menacée. L’acteur a rencontré le Premier ministre Vladimir Poutine, qui l’a qualifié de « vrai mec ». Dans son discours, le chef du gouvernement a glorifié un DiCaprio qui « s’est frayé un chemin vers nous, comme s’il traversait une ligne de front ». L’invité est arrivé en retard au forum parce que son avion avait dû retourner à New York à la suite de l’incendie d’un moteur. Son deuxième avion privé a dû être détourné vers la Finlande à cause d’une tempête de neige. « Je m’excuse de ma familiarité, mais dans mon pays, on appelle ça un ‘’vrai mec’’ », a dit Poutine, admiratif. Le Premier ministre a été photographié prenant le thé avec DiCaprio, lors d’une rencontre virile entre « tigres » censée faire oublier la très médiatique fraternisation de Medevedev avec Bono, du groupe U2, l’été dernier. « Leo et Poutine s’adorrRRRrrent », a ironisé le British Sun. Pendant son séjour pétersbourgeois, l’acteur américain a visité le musée de l’Hermitage, en compagnie du top model britannique Naomi Campbell et de son fiancé russe Vladislav Doronine. Il s’est longuement attardé devant les tableaux de Picasso, a rapporté le site Web Lifenews.ru. C’était la première fois que DiCaprio mettait les pieds en Russie et il n’a pas manqué de parler de ses origines russes à Poutine. Sa grand-mère avait pour nom Smirnova. Les médias russes se sont gaussés de la ressemblance entre l’acteur et le jeune Lénine, avant la calvitie et la barbe de ce dernier. DiCaprio est membre du Conseil d’administration de l’organisation de protection de l’environ-

nement World Wildlife Fund et a fait un don personnel d’un million de dollars pour sauver les tigres. Les journaux russes sont restés sceptiques sur le sujet. « Personnellement, j’aurais choisi de préserver un papillon rare », s’est moqué Andreï Kolesnikov dans Kommersant. « Je ne comprends pas pourquoi tout le monde s’acharne sur ce pauvre tigre de Sibérie ». Les tigres de l’Amour ne se comptent que par centaines et Poutine s’en veut l’ami. Lors de sa visite d’une réserve dans l’extrême partie orientale de la Russie, en 2008, un tigre a eu l’obligeance de se faire prendre dans l’un des pièges préparés par les naturalistes. Soudain, la femelle s’est échappée,

Avec DiCaprio, Poutine a tenté de faire mieux que la médiatique fraternisation entre Medvedev et Bono

Les médias russes se sont gaussés de la ressemblance entre l’acteur et le jeune Lénine et Poutine a dû l’endormir à l’aide d’une fléchette tranquillisante, ont rapporté servilement les médias russes, avant de déposer un baiser sur la joue de l’animal. Depuis, la tigresse figure sur une carte affichée sur le site du Premier ministre. L’an dernier, quand elle a mis bas, Poutine a fièrement annoncé la nouvelle, ouvrant la voie à une série de blagues sur sa virilité. On se souvient qu’en 2008, il avait montré aux journalistes invités dans sa résidence un tigre dans un panier, sans révéler comment l’animal était arrivé là.

Sondage

Le poids des armes nucléaires

êtes-vous favorables à une réduction supplémentaire des arsenaux nucléaires russes ?

48%

32%

20%

1991 2010 19% Oui

60% Non

21% Indécis

source : vtsiom

08

Une récente étude menée par le Centre russe d’étude de l’opinion publique (VTSIOM) révèle que l’attitude des Russes concernant la nécessité du désarmement nucléaire et de la non-prolifération a sensiblement évolué. Les opposants à la réduction des arsenaux nucléaires sont en hausse, une première depuis la fin de la Guerre froide. Ils estiment qu’il faut conserver le potentiel actuel pour protéger le pays en cas d’attaque et pour garder le même rang sur la scène internationale.

Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins des rubriques “Débats et Opinions” et “Perspectives” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : redac@Larussiedaujourdhui.fr


Perspectives

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

CES SACRÉS RUSSES

Religion Leurs traditions et leur foi sont restées intactes à travers les siècles

Visa pour la « démerde » François Perreault

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Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Les derniers résistants au monde moderne Entre intégrisme religieux et une intransigeante indépendance politique, les Vieux-Croyants voudraient offrir à la Russie un modèle de société alternatif. MACHA FOGEL

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les Vieux-Croyants sont un peu plus d’un million en Russie.

TROP DE SAVOIR TUE LE SAVOIR

LES VRAIS GESTES QUI TROMPENT

RÉVÉLATION DE SECRETS DE POLICHINELLE

VEDOMOSTI

NEZAVISSIMAÏA GAZETA

KOMMERSANT

Je suis heureux que les États soient soumis à la levée de secrets, mais je sais que je ne veux pas tout savoir. La transparence totale n’existera jamais parce que personne n’en veut. La soif de savoir est vite remplacée par la lassitude de l’information. Nous réglons des filtres pour n’entendre que ce que nous voulons, nous nous entourons de nos semblables en méconnaissant ceux qui nous ressemblent. Ce n’est qu’une première impression que l’information devient plus accessible. L’accessibilité et la gratuité du savoir créént une réaction de défense.

Quand Berlusconi rigole d’être traité d’obsédé sexuel dans l’une des dépêches et le Kremlin déclare qu’il n’y a rien d’intéressant dans WikiLeaks, ce n’est pas une manière de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils savent qu’il n’y a pas de confiance totale en diplomatie, mais juste un jeu d’intérêts, enveloppé dans des rituels. Les « bons gestes » s’adressent à l’opinion et aux médias. On peut se mettre d’accord très concrètement sans se faire confiance du tout, à condition de respecter les rituels publics. Mais la crédibilité de ces gestes est entamée.

La corruption est un secret de Polichinelle. Le président Medvedev lui-même a mentionné le trillion de roubles détournés par les fonctionnaires. De même, il est naïf de s’indigner de ce que les diplomates disent dans le dos les uns des autres. Ça fait partie du jeu. Ce qui va se passer, c’est que la routine diplomatique élaborée pendant des siècles va radicalement changer, dans un contexte de transparence de l’information. Le problème, c’est que toutes ces fuites ne peuvent pas être vérifiées et créent des possibilités inouïes de manipulation massive.

et de plaintes extasiées, rythmés par les chants des hommes. Ceuxci, tous barbus, occupent la partie droite du bâtiment ; les femmes dans leur foulard, bien serré sous le cou, sont à gauche. C’est un baptême, une cérémonie importante, et les vêtements sont ceux de commerçants ou de nobles du XVIIIème siècle : caftans colorés, foulards brodés de perles, ceinture à la taille pour les hommes, pour séparer les parties saintes des parties profanes du corps. Dans la vie de tous les jours comme à l’église, la rectitude religieuse des Vieux Croyants, ultra-conservateurs et intégristes, est intraitable. « La distinction notable avec les

URY MARTIANOV_KOMMERSANT

« Ce monastère a l’air d’un théâtre. C’est voulu ». Anastasia, la jeune guide, désigne un bâtiment d’été, non chauffé, classiquement sobre et rectangulaire. Sa clarté estivale est trempée de la boue de novembre. Aux environs de la Taganka, dans le sud-est de Moscou, les Vieux-Croyants ont leurs quartiers. Ils ont eu le droit, depuis le XVIIIème siècle, de construire, rue Rogojski, plusieurs monastères et un cimetière – le deuxième se trouve au nord-est de la capitale – du moment qu’ils tenaient leurs édifices éloignés de toute rivalité avec les somptueuses églises orthodoxes. C’est sur ce terrain arboré creusé de chantiers, qu’encadrent une autoroute, une usine, un marché, que se situe le principal centre de « l’ancienne foi ». Les Vieux-Croyants sont des orthodoxes non réformés. Au milieu du XVIIème siècle, le Patriarche de toutes les Russies Nikon introduit quelques changements mineurs dans le rite liturgique. Se signer de trois doigts,

orthodoxes réformés est la suivante : une famille de VieuxCroyants n’a pas besoin de prêtre pour pratiquer sa foi » explique Alexeï Mouraviev, le vice-recteur du collège ecclésiastique Vieux-Croyant de Rogojski, spécialiste du christianisme oriental syriaque, caucasien et d’Asie Centrale et ancien chercheur au CNRS à Paris. « Des orthodoxes isolés, qui se retrouveraient sans autorité cléricale, cesseraient de fréquenter l’Église, alors que le père d’une famille de l’ancienne croyance peut prendre la place du prêtre. Cela les rend plus indépendants, responsables, engagés ». L’opposition desVieux-Croyants à l’Église orthodoxe officielle est politique et idéologique. Leur combat consiste à la fois en la défense d’une identité proprement russe et d’une indépendance à l’égard du pouvoir. Alexeï Mouraviev résume : « Il existait dans la chrétienté russe d’avant la réforme des possibilités de démocratie qui se sont ensuite épanouies chez les Vieux-Croyants, alors qu’elles ont été annihilées au sein de l’orthodoxie officielle. Celle-ci s’est accolée au pouvoir politique tsariste et en a adopté le fonctionnement vertical. Nous reprochons à l’Église russe contemporaine sa proximité avec le pouvoir et sa dépendance absolue envers lui ».

au lieu de deux. Il s’agit de rapprocher l’Église russe de celle des Grecs, pour faire de Moscou une « troisième Rome ». Épaulée par le tsar, l’Église jette l’anathème sur les anciens rites et sur ceux qui les respectent. Les « Vieux Croyants » ou « schismatiques » seront persécutés pendant des siècles. Beaucoup ont immigré en Australie ou aux États-Unis. Mais aujourd’hui encore, ceux d’entre eux que l’on rencontre à Moscou se signent de deux doigts et s’inclinent jusqu’à terre devant les icônes. Ils sont un peu plus d’un million en Russie. Dans le monastère d’hiver, plus petit que le « théâtre » d’été, l’atmosphère est de chuchotements

LU DANS LA PRESSE WIKILEAKS : RIEN DE BIEN NOUVEAU SOUS LE SOLEIL La presse russe publie avec délectation les observations des diplomates américains sur l’état des affaires en Russie, car ces « révélations » démontrent qu’ils se savent rien de plus que les journalistes. La presse se nourrit des fuites et de la manipulation de documents compromettants. Ce sont les diplomates qui en prennent pour leur grade. Préparé par Veronika Dorman

Maxime Troudolioubov

Stanislav Minine

Dmitry Orechkine

09

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

a tombe franchement mal. Miroslava, l’envoûtante secrétaire du bureau, est en arrêtmaladie à Charm-el-Cheikh, pile-poil au moment où JeanPierre doit renouveler son enregistrement auprès des autorités fédérales. Ça n’a pas l’air bien sorcier : il faut juste faire tamponner un bout de papier par le Service des migrations, lequel papier confirme le lieu de résidence du voyageur grâce à la signature de celui qui l’héberge. Habituellement, Miroslava, qui veille au bien-être de Jean-Pierre comme à la fausse prunelle de ses verres de contact, règle l’affaire avec des méthodes qu’il ignore. Qu’à cela ne tienne, il pourra bien se débrouiller tout seul. Le coup de fil passé à sa propriétaire laisse cependant entendre que la tâche ne sera pas si facile. Prise de panique, cette brave dame de soixante-quinze balais refuse d’enregistrer un étranger. « Si ça se savait... », tremble-t-elle à l’autre bout du combiné, « ça pourrait se savoir ! », insiste-elle. Tant pis pour la grand-mère. Jean-Pierre étrenne son russe des grandes occasions sur Facebook pour solliciter l’aide de ses amis moscovites. « Quelqu’un pour m’enregistrer ? », dit en substance l’animal. « Mon pauvre... », « bon courage ! », « toi aussi ? » sont les seules réponses au programme. Jean-Pierre ne l’avait jamais compris, mais la plupart de ses potes moscovites

sont en fait d’Irkoutsk, de Tver ou de la lointaine banlieue moscovite, privés du sésame réservé aux privilégiés de la capitale. Finalement, le salut viendra d’Aliona, laquelle est mariée avec Igor, qui a pour lointain cousin Sergueï, lui-même enregistré à Moscou et donc capable de cosigner le bout de papier. Rendez-vous est donné face au bureau de poste, lieu habituel de ces libations administratives, avec une bouteille de cognac XO, que Sergueï apprécie par-dessus tout. Face à l’employé patibulaire, Sergueï, peu familier avec la procédure, est légèrement désorienté. Jean-Pierre, lui, est carrément perdu. Après un ballet incessant entre le bureau de poste et la photocopieuse, les deux complices ont tout : bail, livret de famille, visa, passeport, superficie du logement et contrat de travail en deux copies. Devant la complexité du formulaire, Sergueï a dû le remplir à trois reprises avant de tout comprendre, mais désormais ça y est. Jean-Pierre est en-re-gistré ! On ne saura jamais vraiment ce qui s’est passé. Lorsque Miroslava est revenue, bronzée, de son arrêt-maladie, elle a poussé un cri d’orfraie devant la grande enveloppe brune du Service des migrations qui l’attendait. Visiblement, Sergueï a merdé sur le formulaire. Mais si Jean-Pierre paie les 200 euros dans les dix jours, son visa ne devrait pas être annulé et il ne sera pas interdit pour cinq ans d’entrée sur le territoire russe. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

CES SACRÉS FRANÇAIS

Mon fraternel vin de Noël Natalia Gevorkyan

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

n se croirait en boîte de nuit! Je viens d’éteindre ma lampe, et au lieu de l’obscurité, ça clignote furieusement dans ma chambre. Je regarde à travers la fenêtre et m’aperçois que mon vis-à-vis de l’immeuble d’en face a recouvert sa fenêtre de guirlandes. C’est Noël à Paris ! Hors de question de fermer les volets, parce que quelqu’un a installé cette splendeur, y compris pour moi. - T’as acheté quoi ? Ma copine m’appelle de Moscou pour me demander ce que je compte offrir à mes amis parisiens. - Un calepin. Petit, léger, pratique pour un sac à main. - C’est tout ?! Voilà une grande différence entre Moscou et Paris. À Paris, on offre des bouquins, des disques, des beaux livres. Ou des bibelots rigolos, choses qu’on trouve difficilement à Moscou… À Moscou, il faut mettre le paquet. On m’appelle de là-bas : « T’as un i-phone ? Oui ? Bon, tant pis, je vais chercher autre chose...» Ou bien : « T’aimes les stylos à plume ? » En cas de réponse positive, mon ami ne se précipitera pas forcément sur un Mont-Blanc, mais néanmoins sur un beau stylo cher. C’est pourquoi je réponds toujours que j’en perds cinq par jour. Ce n’est pas que nous soyons bling bling. Très longtemps, dans notre pays, nous ne pouvions rien acheter de raffiné ou de chouette. Nous savourons toujours aujourd’hui cette pos-

sibilité retrouvée et non celle d’en jeter plein la vue. Cette motivation n’existe pas du tout en France, qui n’a pas connu de telles privations depuis longtemps. À Paris, il y a un autre cadeau que je fais tous les ans. Place des Vosges habite un clochard qui a éclairé jadis une minute assez sombre de ma vie. Un soir de Noël, je déambulais à travers cette place parfaite et la seule chose dont j’avais envie au monde, c’était de me saouler à mort. D’abord il m’a taxé une cigarette. Puis il m’a regardée et m’a tendu sa bouteille de rouge, en prononçant cette phrase : « Tu les auras tous ! », avant d’éclater de rire. Je me suis assise à côté de lui en allumant une cigarette, et nous avons bu à Noël, à notre solitude. Le lendemain, je lui ai offert un tire-bouchon. Depuis, chaque Noël, j’achète une bouteille de vin rouge et lui rends visite. Il sort son tire-bouchon et nous fumons mes cigarettes. Le plus étonnant, c’est qu’il m’arrive de ne pas croiser « mon » clochard pendant des mois, mais à Noël, il est toujours là. C’est mon rencard de Noël. Il ne m’a jamais demandé qui j’étais ni comment je m’appelais. Moi, je ne lui demande pas pourquoi il est là et où il disparaît le reste du temps. Nous discutons avec la même facilité avec laquelle nous nous séparons, sans jamais parler de l’année d’après. Mais nous nous retrouvons toujours. Serait-ce de l’amour ? Ou peut-être simplement un conte de Noël, dont j’ai rêvé dans la lueur des guirlandes du dernier étage de l’immeuble d’en face ? Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.


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Culture

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Portrait 20 ans après la perestroïka, Iouri Chevtchouk remonte sur les barricades

Le rock protestataire russe a retrouvé son visage VERONIKA DORMAN

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Ce qui frappe chez « Youra », comme l’appellent affectueusement ses fans, c’est sa simplicité. Le bonhomme est proche et familier, comme ses chansons. Dans une salle de concert, parmi 3 000 personnes, on est comme dans sa cuisine, entre nous. Et ses airs, on les a toujours eus dans la tête. Même ses nouveaux morceaux, on ne les découvre pas, on les reconnaît. Ce qui frappe chez Chevtchouk, c’est qu’il est totalement dépourvu de snobisme. Le groupe de rock DDT, dont Chevtchouk est le leader et le chanteur depuis les années 1980 est encore aujourd’hui symbolique de la perestroïka et de la jeune Russie postsoviétique. La chanson « Rodina » [Mère-patrie] est l’hymne de plusieurs générations « Nées en URSS » (album et chanson éponymes, 1994), un serment à cette patrie « traitée de monstre, mais qu’on aime quand même ». Depuis le début des années 2000, Chevtchouk fréquente les meetings interdits de l’opposition, et chante à tue-tête sa colère, un sourire en coin. En mai

dernier, le célèbre rocker a provoqué un coup d’éclat. Lors d’un dîner de charité il s’est enquis auprès du Premier ministre Vladimir Poutine, de l’heure où les mécontents auront le droit de manifester sans se prendre des coups. Poutine a rétorqué d’un « pardon, et vous êtes qui ? » méprisant. La cote de popularité de Chevtchouk a immédiatement explosé. En fait, comme souvent en Russie avec les écrivains et les artistes, l’homme compte plus que son œuvre. Le musicien Chevtchouk ne fait pas l’unanimité, il y a des compositeurs plus originaux, des poètes plus tranchants. Mais on respecte le personnage, sa position citoyenne affirmée. Cet été, il s’est fait traîner dans la boue par des jeunes militants proKremlin, dont la calomnie publique est le hobby. Puis il est venu, la guitare en bandoulière, protester contre la destruction de la forêt de Khimki, une zone écologiquement vitale pour Moscou. « Je ne suis pas un fan de son groupe, je ne suis pas écolo, mais je suis venu pour soutenir Chevtchouk », expliquait Arsène lors de la manifestation. Le rocker, lui, assume son côté donneur de leçons. « Si tu as quelque chose à enseigner, tant mieux ! Nous, les musiciens, sommes des citoyens de notre pays, préoccupés par sa destinée, nous avons un avis, et nous le partageons », répond-il lors d’une conférence de presse.

MACHA FOGEL

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Chevtchouk : « Le pouvoir a peur des gens armés d’une guitare ».

PARCOURS

Un succès qui franchit les frontières En 1990, déjà acclamé en URSS, DDT se produit aux États-Unis et au Japon. Les chansons de l’album « Aktrissa Vesna » (l’Actrice printemps, 1992) sont devenues véritablement cultes et ont intégré le folklore national. Depuis

20 ans, DDT remplit des stades en Russie et fait salle comble à l’étranger. En 2007-2008, Chevtchouk a enregistré un album solo à Paris, « L’Echoppe » . Le 14 décembre à l’Elysée-Montmartre (www.infos-russes.com).

Son dernier concert à Moscou, Chevtchouk l’a donné un 10 novembre, qui est aussi la journée nationale de la police. En ouverture, le musicien a décerné des prix aux cinq policiers les plus véreux (qui se sont distingués dans des affaires de violence ou de corruption) et aux cinq policiers les plus courageux, qui ont perdu la vie sur le terrain. Selon un cor-

respondant de Kommersant, dans le public endiablé et hilare, il y avait beaucoup de policiers venus célébrer leur fête. Ce qui frappe chez ce rebelle grisonnant qui chante les mêmes chansons depuis vingt ans, c’est sa capacité à rassembler des deux côtés des barricades : ceux qui reçoivent les coups de matraque... et ceux qui les distribuent !

Littérature La veuve de Soljenitsine présente une édition scolaire du livre culte de l’auteur

À l’école de L’Archipel NATALIA SOLJENITSYNE ROSSIYSKAYA GAZETA

PHOTOSOYUZ

RG

Alexandre et Natalya Soljenitsine. L’écrivain dispersait ses écrits dans la crainte d’une perquisition du KGB.

mais l’heure n’est pas aux célébrations. Depuis cinq ans, son nom est censuré, ses archives personnelles confisquées, pas une de ses lignes n’est publiée en URSS.

Un an plus tôt, il s’est fait exclure de l’Union des écrivains. En février 1974 il est arrêté et expulsé du pays. En vivant en exil au Vermont, Soljenitsyne reçoit

Aveugles ou trisomiques, sourds ou mutilés, autistes ou paralysés, de naissance ou à la suite d’un accident, tous ont une histoire unique. C’est ce que racontent avec panache les 36 films à l’affiche du festival. Tous ces personnages dégagent une force de caractère incitant à l’empathie. Il ne s’agit pas de nier les dissemblances, mais d’insister, plutôt, sur la différence, sur la subjectivité de chacun des héros. On ne voit pas une foule malade, séparée du monde et uniforme, mais des histoires, chacune avec sa trame. Certaines œuvres, comme celle réalisée en 2007 par l’actrice française Sandrine Bonnaire, Elle s’appelle Sabine, décrivent le cheminement vers le calme et le bonheur, en l’occurrence celui de la sœur de l’actrice, à travers le prisme de l’angoisse de ses proches. D’autres mettent en scène une relation privilégiée entre deux personnages, l’un handicapé, l’autre non. Des relations amoureuses se nouent, en dépit des difficultés que l’on devine. Dans le court-métrage frappant de Vadim Eff, Les éléphants blancs, réalisé en Russie en 2010, le jeune héros a beau être amoureux de sa petite amie aveugle, il ne parvient pas à surmonter ses appréhensions et ne sait comment appréhender les difficultés de la jeune fille. Mais la plupart des films présentés au cours de ce festival pas comme les autres adopte directement le regard d’une personne souffrant d’un handicap. Le petit héros de Koukouchata !, un moyen-métrage russe réalisé en 2009 par Vitaly Oussourevsky, vit dans un orphelinat pour enfants handicapés. Il cherche à tout prix à

gagner une compétition sportive, et finit par décrocher le gros lot : un téléphone portable.Voilà de quoi appeler sa mère. En une demi-heure, les déceptions et les espoirs de l’enfance sont analysés avec délicatesse. « Je ne veux pas que les personnes qui souffrent d’un handicap fassent pitié. Je veux leur montrer que l’on peut être fier de soi, accomplir beaucoup de choses, être indépendant ». L’actrice de cinéma Véronika Skouguina a perdu ses deux jambes dans un accident de voiture lorsqu’elle était enfant. Elle passe la conférence de presse à rire de bon cœur avec sa voisine. Puis elle raconte, toujours en train d’étouffer un rire, comment elle a rencontré son petit ami, qui lui a proposé une partie de patin à glaces, à elle qui se déplace sur un chariot à roulettes. André Echpaï, le directeur du jury de la version 2010 du « Festival sans barrières » de Moscou, développe à son tour : « L’objectif est de démolir le mythe selon lequel les personnes souffrant de handicaps devraient forcément inspirer la pitié. Les spectateurs verront au contraire que ces dernières peuvent accomplir par elles-mêmes beaucoup de choses. Je me réjouis de ce que notre festival ait grandi d’année en année ; il accueille à présent des films d’une stature très sérieuse ». Telle est, semble-t-il, la caractéristique de ce festival. Ce n’est pas une œuvre de bienfaisance, pas un festival de charité, mais une manifestation artistique. Tout comme si la différence plus évidente, plus marquée, avec laquelle évoluent les héros des films présentés permettait aux réalisateurs de travailler avec une intensité toute particulière le matériau de tous les poètes : la subjectivité de la personne, son rapport changeant, angoissant, subjuguant, aux autres et au monde. C’est ce qu’explique l’acteur russe Artur Smolyaninov, membre du jury cette année : « Je n’ai pas de handicap, mais moi aussi, je suis différent ». Retrouvez la vidéo sur larussiedaujourdhui.fr

Soljenitsyne et son œuvre ont longtemps été interdits en URSS. Son épouse présente la version de L’Archipel du Goulag qu’elle a abrégé à l’intention des programmes scolaires.

La publication, en 1962, d’Une journée d’Ivan Denissovitch a rompu une digue, et, en recevant « une avalanche de lettres de toute la Russie », Alexandre Soljenitsyne est devenu le chroniqueur des malheurs du peuple. Mais impossible de disposer librement de ces documents explosifs. L’écrivain a dû se cacher. Plus tard, Soljenitsyne se souviendra avec effroi, quand, dans sa datcha, il tapait la version finale de L’Archipel du Goulag : « L’unique original est avec nous. Il suffit que le KGB nous tombe dessus et le chœur des gémissements, le murmure de l’agonie de millions, tous les testaments inexprimés des victimes, tout sera entre leurs mains, je ne pourrai jamais les restaurer… » En octobre 1970, Soljenitsyne reçoit le Prix Nobel de littérature,

Regardez-moi, sans peur et sans pitié ! Le festival moscovite « Cinéma sans barrières » présente une sélection de courts et longs métrages destinés à montrer au public qu’on peut être à la fois handicapé, fier et heureux.

WWW.PERSONASTARS.COM

Figure historique du rock, Youri Chevtchouk sera en concert à Paris le 14 décembre. En Russie, il incarne mieux qu’aucun autre musicien la lutte contre les dérives du pouvoir officiel.

Cinéma Un festival dédié aux invalides

des lettres de professeurs américains se plaignant que leurs élèves ne parviennent pas au bout des trois tomes de L’Archipel, qu’il faudrait en faire une version abrégée. L’écrivain, réticent, finit par se laisser convaincre : « Tant pis, s’il le faut. Mais en Russie, quand le temps viendra, nous n’aurons pas besoin d’abréger ». Vingt ans ont passé, et nous avons dû admettre qu’en Russie aussi la vie moderne ne donne pas la possibilité aux lycéens de lire l’œuvre dans son intégralité. Ce n’est pas sans amertume que Soljenitsyne m’a chargée de compiler un Archipel « scolaire » en un volume. Dans la nouvelle version, les 64 chapitres sont conservés mais réduits. Les glossaires de jargon carcéral et des abréviations soviétiques ont été étoffés et assortis d’un dictionnaire des noms propres. Mon objectif a été de réduire le texte au maximum, tout en conservant l’architecture du livre, pour éviter qu’il ne devienne une collection d’épisodes fragmentés, pour qu’il demeure un voyage ininterrompu à travers les îles de L’Archipel. Et pour que le pilote du navire reste l’auteur, qui a tracé pour cette navigation une trajectoire d’une exactitude inégalée.

Vitaly, l’orphelin héros du film « Koukouchata ! ».

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Culture

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Art contemporain Coup de projecteur sur le plus grand spécialiste de l’art contemporain russe... qui a failli être mis à l’ombre

« Provocateur » malgré lui La passion d’Andreï Erofeev pour l’art contemporain russe lui a apporté la gloire inconfortable d’en être le champion téméraire. Portrait d’un condamné pour « art criminel ».

ENTRETIEN

Ami de toujours de la France

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ITAR-TASS

À chacun de ses retours à Moscou, le jeune fils de diplomate soviétique qui vit à Paris, Dakar et Vienne a le souffle coupé. « Je me sentais étranger dans mon pays. C’était un monde irrespirable et déprimant », se souvient Andreï Erofeev, en repensant aux forces qui ont fait de lui un commissaire innovant et l’une des figures les plus provocatrices de l’art contemporain russe. « J’ai commencé à chercher un moyen de survivre dans ce monde ». L’art a été son salut, et sa malédiction aussi, l’attirant dans une bataille après l’autre. En juillet 2010, lui et son collègue Iouri Samodourov, directeur du musée Sakharov, ont été condamnés par un tribunal russe pour incitation à la haine religieuse et raciale à la suite de leur exposition « Art interdit » : 20 pièces que Erofeev n’avait pas eu le droit d’inclure dans sa présentation de la plus grande collection d’art contemporain russe. La sienne. Cette création phare d’Erofeev est une histoire d’amour, la romance personnelle du commissaire avec l’art contemporain. Comme toute affaire passionnelle, elle a apporté son lot de joie et de chagrin. Erofeev commence sa thèse d’histoire de l’art à l’université de Moscou en 1981, en pleine stagnation brejnévienne. Le XXe siècle est strictement hors-programme. Erofeev doit étudier l’art moderne en négatif, dans les annotations critiques des manuels marxistes-léninistes. Au même moment, il commence à accumuler des œuvres contem-

Andreï Erofeev et Iouri Samodourov (à droite), attaqués en justice par des groupes ultra-orthodoxes nationalistes, ont été condamnés à verser une amende pour incitation à la haine raciale et religieuse.

poraines. Il parvient à en entasser 300, secrètement, dans les réserves du musée Pouchkine, avec l’aide d’amis qui y travaillent. En 1986, ce même musée lui propose un poste mais refuse d’accueillir sa collection. Il doit faire ressortir les œuvres en douce. À temps extraordinaires, mesures extraordinaires. En pleine perestroïka, en 1987, la jeune collection trouve enfin refuge dans les ruines du palais impérial de Tsaritsino, dont le directeur veut se montrer dans l’air libéré du temps, et met à la disposition de Erofeev un abribombe de plus de 1000 m2. Les mains déliées, un minuscule budget en poche, le jeune commissaire se concentre alors sur des objets moins conventionnels, des

installations. Il réussit à convaincre des artistes d’avant-garde de lui offrir des œuvres. La collection monte à 3 000 pièces. Manquant d’espace d’exposition à Tsatristino, Erofeev fait voyager ses œuvres d’art et leur assure une visibilité internationale. Deux ans plus tard, la galerie Tretiakov (l’un des plus importants dépôts d’ œuvres d’art russe) invite le collectionneur et sa collection à rejoindre le musée. Erofeev devient le premier commissaire d’art contemporain dans l’histoire de la galerie. D’entrée de jeu, en exposant les œuvres provocantes des artistes contemporains dont il est le champion, il est en conflit avec sa direction. En 2008, après plusieurs scan-

dales, dont celui de l’« Art interdit », Erofeev est licencié de la Tretiakov. Même ses admirateurs avouent qu’il peut être obstiné et inflexible. « C’est pas un gars facile », confirme un historien de l’art émigré, Konstantin Akincha. Après un long procès qui a donné raison à des groupes ultra-orthodoxes et nationalistes, Erofeev est imperturbable et planifie de nouvelles expositions en tant que commissaire à son compte. Mais l’affaire a fait frissonner le monde de l’art russe. « Tous ces scandales ont créé un sentiment de peur », dit Akincha. « Tout le monde n’est pas aussi intrépide qu’Andreï. Les autres comprennent le danger, et appliquent un très vieux procédé : l’autocensure ».

Patrimoine Deux tours du Kremlin viennent de retrouver leurs images sacrées

Les icônes sauvées par des « conservateurs anonymes » Jeudi 4 novembre, jour de la fête de l’Unité, le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies a béni l’icône de Saint-Nicolasle-Thaumaturge, située sur la tour du même nom. NATHALIE OUVAROFF

La date est hautement symbolique. Le 4 novembre 1612, les milices populaires qui, sous la conduite de Minine et Pojarsky, avaient vaincu les Polonais occupant Moscou, sont entrées au Kremlin par les tours ornées d’icônes pour libérer la Russie des envahisseurs étrangers. C’est dire si elles étaient chargées de signification historique, le 4 novembre devenant récemment un jour férié dit de « l’unité du peuple ». Or, on pensait que ces fresques du XVIème siècle avaient à jamais disparu dans les chamboulements de l’histoire. Mais la Providence fait parfois bien les choses. Après plus de 90 ans, les icônes du Sauveur et de Nicolas-leThaumaturge, saint patron de Moscou, emmurées par « des conservateurs anonymes » qui avaient refusé de les détruire, ont été retrouvées puis restaurées. L’icône de Saint-Nicolas a toute

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Le Patriarche Kirill aspergeant d’eau bénite l’icône du Sauveur.

une histoire à elle seule. Lors de la guerre patriotique de 1812, les troupes françaises, en quittant la ville, font exploser la tour SaintNicolas, détruite jusqu’à la hauteur de l’icône... La révolution de 1917 laisse « Saint-Nicolas » criblé de balles. Son visage est épargné mais il perd sa main droite, celle qui « tenait Moscou ». C’est ainsi qu’est reproduite l’icône qui aurait accompagné l’amiral Koltchak pendant toute sa campagne anti-bolchevique avant d’échouer à Genève, où l’évêque Michel l’a confiée à l’historien Mikhaïl Yakoutchev. À Moscou, celui-ci se heurta au scepticisme général. Personne ne voulait croire que les icônes se cachaient toujours derrière le plâtre blanc. Mais toujours à Moscou, cependant, quelqu’un savait : Ivan Сhakhovskoï, un fils d’émigrés russes blancs revenu vivre en Russie. Il explique : « c’est mon grandoncleYuri Olsouliev qui avait été chargé de détruire les fresques. En les emmurant, il a trouvé le moyen à la fois de les préserver et de suggérer, aux générations à venir, que les icônes étaient toujours là ». Comme quoi il n’est pas interdit de croire aux miracles, surtout en période de Noël.

Vous êtes très lié à la France… Je suis né en France. Dès les années 1970, j’ai été stagiaire au Louvre puis au Musée d’art moderne de la ville de Paris. C’est de là que vient mon intérêt pour l’art contemporain et mon choix professionnel. Plus tard j’ai été reçu dans l’ordre de Chevalier des Arts et des Lettres. Avez-vous gardé des amitiés en France? Je suis très lié depuis les années 1970 à Jean-Hubert Martin, l’ancien directeur du Centre Pompidou. En 1977, il était venu à Moscou, ville soviétique morne et pesante, pour préparer l’exposition Moscou-Paris. Nous avons encore des projets communs. Par exemple, une grande exposition à Barcelone en 2012, synthèse des meilleures œuvres russes des vingt dernières années. Sotsart à la Maison Rouge en 2007, c’était vous… J’avais d’abord monté l’exposition à Moscou, à la Biennale d’art contemporain. Quand elle était empaquetée et prête à partir pour Paris, la Tretiakov a alerté le ministère de la Culture que des œuvres irrespectueuses de Poutine allaient quitter le pays. 80 œuvres ont été censurées. Sarkozy était à Moscou pour parler de l’Année croisée. S’il n’avait pas été alerté, il n’y aurait pas eu d’expo. Il a dit à Poutine : « Vous interdisez déjà une exposition ? C’est un bon départ pour une coopération culturelle ». Poutine était furieux. Les caisses ont fait le trajet Moscou-Paris en un temps record. Pour combler les vides, j’ai invité les artistes censurés à apporter des œuvres similaires. En les découvrant la veille de l’inauguration, la direction de la galerie Tretiakov (propriétaire de la collection) a fait un scandale. Mais, sur mon conseil, le créateur de

À L’AFFICHE DE L’ANNÉE CROISÉE 2010

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la Maison Rouge, Antoine de Galbert, ne les a pas retirées. J’avais signé mon arrêt de mort. Cette année, avec Contrepoints au Louvre, l’histoire se répète ? Oui, un fonctionnaire de la Culture se mêle de ce qui ne le regarde pas, décide de se faire critique moral. Il fait croire que l’œuvre de TerOganian est antisémite, alors qu’elle critique le pouvoir russe. Mais les Français ont résisté et les Russes ont fléchi pour la première fois. Surtout, Contrepoints est la seule manifestation d’art contemporain de tout le programme croisé. Et ce sont les Français qui l’ont organisée. C’est-à-dire que notre ministère de la Culture s’est rabattu sur les classiques, icônes, ballets et chœur de l’Armée rouge, une thématique soviétique agrémentée d’un respect retrouvé de l’art russe ancien. Que pouvez conclure de l’Année croisée France-Russie ? Je n’ai participé à aucun projet de l’Année croisée. Je ne suis pas sorti de Russie depuis trois ans, car j’étais en procès. Et ici, personne ne m’a sollicité non plus. Je me suis retrouvé sur le banc de touche.

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CANDICE HUGHES

MAHLER AU PROGRAMME DE L’ORCHESTRE DU THÉÂTRE MARINSKY À PARIS DU 11 AU 13 DÉCEMBRE, SALLE PLEYEL, PARIS

L’orchestre du théâtre Marinsky, sous la direction de Valery Gergiev, jouera six symphonies de Mahler, démontrant l’étendue de la palette artistique de ses musiciens qu’il fait ainsi sortir de son répertoire traditionnel. La collaboration franco-russe sera au rendez-vous dans la deuxième symphonie « Résurrection », agrémentée par les voix des chanteurs du Chœur de Radio France. › sallepleyel.fr

FESTIVAL « LES SOIRÉES DÉCEMBRISTES » DE SVIATOSLAV RICHTER

TOURNÉE DE PREJLOCAJ ET DU BOLCHOÏ : « SUIVRONT MILLE ANS DE CALME »

DU 2 AU28 DÉCEMBRE, MUSÉE DES BEAUX ARTS POUCHKINE, MOSCOU/ VOLKHONKA, 12

DU 9 AU 11 DÉCEMBRE : THÉÂTRE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, DU 14 AU 18 : GRENOBLE,MC2; DU 22 AU 23 : THÉÂTRE DE CAEN,; DU 27 AU 30 : OPÉRA ROYAL-CHÂTEAU DE VERSAILLES.

La trentième édition du festival Soirées décembristes créé par Sviatoslav Richter en 1981 se déroule à Moscou depuis le 2 décembre. En plus du répertoire romantique classique, des morceaux de la renaissance italienne et française sont à l’affiche cette année avec l’Hilliard Ensemble, venu de Grande-Bretagne pour ce concert de commémoration. Pendant toute la durée du festival, une exposition se tient dans les salles du musée Pouchkine sur le thème des « Dessins français de la fin du XIXe au XXe siècle ». › museum.ru/gmii/

Avec une production et une distribution mi-russe, mi-française, Angelin Prejlocaj sublime la collaboration franco-russe dans son œuvre intitulée « Suivront mille ans de calme », mise en place avec le Bolchoï. Le chorégraphe explore le thème de l’Apocalypse, au-delà des clichés catastrophistes. Pour ceux qui auraient manqué les représentations de Paris ou de Lyon, quatre prestations communes des deux compagnies offrent une dernière occasion d’assister à cette création inédite. › preljocaj.org/


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RECETTE

C’est quand Noël, en vrai ? SUITE DE LA PAGE 1

Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

RIA-NOVOSTI

Le Nouvel An s’est substitué à Noël. Les habitudes furent proscrites : les bolchéviks ont maintenu en 1916 l’interdiction du Synode des sapins, introduits par Pierre le Grand au XVIIe siècle. Staline a déclaré que Ded Moroz était un allié du pope et du koulak et l’a banni. Mais chassez le père Noël et il revient au galop. En 1935, Pavel Postychev, l’architecte de la collectivisation stalinienne, peutêtre inquiet de ce qu’il laissait en héritage, a publié une lettre dans la Pravda en demandant que des « sapins de Nouvel An » soient élevés dans les Palais des pionniers et que Ded Moroz et sa petite-fille Snegourotchka soient autorisés à retourner auprès des enfants soviétiques. Ce qui fut fait en 1937. Noël et les autres fêtes orthodoxes ont été restaurés en 1992, mais le réveillon a gardé son statut de célébration principale. Les Russes ont recyclé des traditions païennes et chrétiennes pour modeler les coutumes du Nouvel An. Dans la Russie an-

cienne, quand la première étoile apparaissait dans le ciel, rappelant celle de Bethleem, les familles se rassemblaient pour rompre un jeûne de 40 jours lors d’une « Sainte Cène » de douze plats, parmi lesquels la koutya. Porridge de grains sucré au miel et aux fruits secs, ce plat symbolisait la vie et l’espérance. Aujourd’hui, on le trouve encore sur les tables russes, parmi les zakouski. Pendant la période soviétique, des fruits exotiques rares faisaient leur apparition à cette période... Après le repas, les fidèles de la vielle Russie s’en retournaient à l’église pour une veillée nocturne. Aujourd’hui, les Russes se réunissent à table, devant la télé, pour saluer non le Rédempteur de l’Humanité, mais le Président Dmitri Medvedev, qui lèvera sa flûte de champagne pour souhaiter à tous santé et bonheur dans l’année à venir. Alors les feux d’artifice détonneront dans toute la Russie, et les cloches sonneront, tandis que les Russes se feront trois bises : « Nouvelle année, nouveau bonheur, nouvelle chance ! »

Le saumon koulibiak, une pure tentation

Pourquoi un Noël le 7 janvier ? Le décalage entre les calendriers des Églises orthodoxe et catholique existe depuis la réforme du calendrier Julien par le pape Grégoire XII en 1582. Tout le monde a adopté le « calendrier grégorien », qui introduisait les années bissextiles, en calculant précisément la longueur d’une année : 365,2425 jours au lieu de 365,25, une différence de 11 minutes. En fait, 11 minutes, ça ne change pas

grand-chose. Mais pensez-y : en trois siècles, pendant que les orthodoxes s’accrochaient à leur calendrier datant de Jules César, un écart temporel est apparu. Quand, en 1918, Lénine a déclaré que la Russie devait rejoindre le reste du monde, il y avait 13 jours de différence, le plus long décalage horaire de l’histoire. Aujourd’hui, l’Église orientale se dit prête à changer de calendrier... en 2100.

La sphère de la gastronomie est clairement divisée entre les cuisiniers et les pâtissiers. Je suis une cuisinière. Je peux improviser avec certitude omelettes, soupes et ragoûts sans ouvrir un livre de recettes. Mais je me retrouve avec deux mains gauches dès qu’il s’agit de transformer farine, œufs, sucre et beurre en pâte croustillante. C’est donc avec appréhension que j’ai entrepris de préparer le koulibiak au saumon, la reine des tourtes, une création magnifique de poisson, de riz et… (Ô rage ! Ô désespoir !) de pâte ! Koulibiak signifie littéralement « tourte rectangulaire » préparée à partir de trois ingrédients russes fondamentaux – poisson, céréales, pain -, et servie avec la oukha, ou soupe de poisson. La recette traditionnelle utilise de la kacha (sorte de bouillie) de sarrasin mais le riz est plus courant. Contrairement au bœuf Stroganoff, le koulibiak est un authentique plat russe, qui fut

JENNIFER EREMEEVA

Pâte briochée :

Tourisme Visite dans un parc d’attraction sur le thème de « Ded Moroz »

Le Père Noël existe, nous l’avons rencontré PHOEBE TAPLIN

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Ded Moroz (Père Gel) habite à 1000 km au nord de Moscou, au cœur d’une forêt de pins qui surplombe la rivière Soukhona. Il y a douze ans, l’ex-maire de Moscou Iouri Loujkov a décrété que la maison officielle du père Noël russe serait le joli village boisé de Veliky Oustioug. Depuis, c’est une source de revenus dans la région : le site attire 200 000 touristes par an et emploie presque tout Veliky Oustioug.

Les autorités locales ont essayé d’exploiter l’histoire, d’abord monastique puis marchande, de la petite ville afin de donner de la profondeur à l’arrivée récente de Ded Moroz. Sa maison, la « Votchina », se trouve à l’écart. Dans la chambre principale, un lit en bois sculpté couvert de satin et des chaussons moelleux ne sont pas convaincants, mais Ded Moroz lui-même, un gaillard de deux mètres, voix tonitruante et poignée de main à vous broyer les os, impressionne. Pour préserver le mystère, la véritable identité du géant qui incarne Ded Moroz est un secret jalousement gardé. La poste du père Noël, à côté de la mairie du village, est l’un des éléments les

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Dans un bois de conte de fée, au nord de la Russie, les touristes peuvent rendre visite au Ded Moroz, un bonhomme bien réel, à la fois légendaire et kitsch.

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Ded Moroz pose au perron de sa demeure « Votchina ».

plus actifs de toute l’opération. Depuis 2003, près de deux millions de lettres sont arrivées ici. Au pic de la saison, 40 temporaires viennent à la rescousse des onze permanents, pour traiter les montagnes de courrier. Quand c’est dans leurs moyens, les postiers aident les enfants. Ils ont offert une vache à la famille d’un gamin qui en demandait une pour Noël !

Nous vous donnons rendez-vous en février 2011

Lacs et rivières gèlent à la minovembre, marquant le début du festival, inauguré par l’anniversaire de Ded Moroz, qui entame ensuite une tournée à travers la Russie s’achevant au pied du grand sapin de Moscou. Mais la réussite de Veliky Oustioug, qui justifie le voyage, c’est que le village a réussi à capter un certain esprit de Noël, non sans une grande dose de kitsch.

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exporté en France, et apparut pour la première fois dans L’Art de la Cuisine française au XIXe siècle, de Plumerey (1833-1844). Les versions française, puis anglaise, remplacent la pâte briochée traditionnelle russe par une pâte brisée plus légère. Là où les Russes superposent des couches de grains et de brandade de poisson, les chefs français et anglais fanfaronnent souvent avec un saumon poché entier en croûte. L’écrivain Anton Tchekhov, un amoureux du koulibiak, a laissé ces instructions strictes à tout chef suffisamment téméraire pour tenter un koulibiak : « Devant vous, le koulibiak doit vous faire honteusement saliver… le beurre goutte comme les larmes, et la farce est grasse, juteuse, riche... » C’est un plat long à cuisiner, mais qui récompense généreusement. La farce peut être préparée à l’avance puis rapportée à température ambiante avant l’assemblage, mais la pâte doit être utilisée dès qu’elle est prête.

175 ml de lait chaud • 70 g de beurre • 1 paquet de levure sèche active • 1,5 c. à soupe de sucre • 60 ml d’eau chaude • 1 œuf plus deux jaunes d’œuf • 1 c. à café de sel • 460 g de farine Préparation : Mélangez le sucre, l’eau et la levure. Laissez réagir dans un endroit chaud pendant 10-15 minutes. Mélangez le lait et le beurre dans une casserole et portez à ébullition. Laissez refroidir à 45 degrés. Battez l’œuf et les jaunes d’œufs jusqu’à l’obtention d’une texture crémeuse puis mélangez avec la mixture de lait et la levure. Placez les ingrédients secs dans un mixeur à lame. Pendant qu’il tourne, ajoutez le mélange liquide jusqu’à ce que la pâte prenne. Sur une surface farinée, roulez la pâte en boule, couvrez d’un torchon et placez dans un endroit chaud. Laissez reposer 1h30. Quand la pâte est montée, raplatissez-la et laissez monter encore 45 minutes.

La farce :

1 kg de filet de saumon sans arêtes ni peau, en tranches de 2cm • 1 verre de riz blanc cuit dans deux verres de bouillon de poisson ou poulet • 500 g de poisson blanc sans arêtes ni peau • 1 oignon jaune et une botte de ciboulette finement hachés • Sel, poivre • 200 ml de vin blanc sec • ½ citron • 500 ml de jus de cuisson (voir suite) • 4 c. à soupe de farine • 50 ml de crème fraîche • 50 g de beurre doux • 150 g de beurre fondu • Persil et aneth frais hachés. Glacis : un œuf, 2 c. à soupe d’huile végétale et 2 c. à soupe d’eau, mélangés. Préparation : Commencez avec le riz puis faites revenir oignon et ciboulette dans 10 g de beurre fondu. Faites fondre 10 g de beurre dans une poêle, faites sauter les filets de poisson blanc 5 min de cha-

que côté. Mettez dans une assiette sur une serviette en papier, laissez refroidir. Augmentez la chaleur sous la poêle et réchauffez le jus de cuisson. Déglacez avec 75 ml de vin blanc, mélangez, grattez le fond avec une cuiller en bois. Chauffez le reste du vin, le jus de citron et une poignée d’aneth dans la poêle. Placez le saumon dans le vin frémissant, couvrez, et faites pocher pendant 8 minutes environ. Placez à refroidir dans un plat sur des serviettes en papier, puis écrasez avec une fourchette. Mélangez, dans la poêle, 2 c. à soupe de farine et 20 g de beurre pour faire un roux et chauffez jusqu’à ce que le mélange mousse. Incorporez les jus de cuisson au roux tout en battant. Quand tous le jus (pas plus de 500 ml) a été absorbé, réduisez le feu, touillez pour épaissir et ajoutez la crème fraîche. Mélangez sauce, riz, oignons, aneth, persil, poisson blanc dans un bol.

Assemblage :

Faites fondre le reste du beurre dans une casserole. Sur une surface farinée, roulez la moitié de la pâte, en forme ovale oblongue de 50 cm. Étalez la moitié de la farce au riz sur la pâte, en laissant 5 cm de bord et aspergez de beurre. Placez le saumon, puis reposez une couche de riz. Recouvrez de beurre. Avec les mains, modelez la farce en pain oblong. Roulez l’autre moitié de la pâte en ovale et recouvrez le pain. Enlevez les excédents de pâte et décorez-en le dessus du plat. Pincez les bords. Couvrez d’un torchon et laissez reposer 40 minutes dans un endroit chaud. Pendant que le koulibiac monte, préchauffez le four à 190°. Glacez le koulibiac, percez la pâte sur le dessus. Placez au milieu du four et laissez cuire pendant 45 minutes jusqu’à ce que la croûte soit dorée. D’autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr


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