La Russie d'Aujourd'hui

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Produit de Russia Beyond the Headlines

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L’âme tsigane revit sur les bords de la Seine Depuis vingt ans, Pétia Ïourtchenko transmet son amour de la danse et de la culture tsiganes aux Français. P. 8

Marc Chagall : un hymne à l’amour « Chagall entre guerre et paix » : le Musée du Luxembourg accueille une exposition révélatrice d’un art très humaniste.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 20 février 2013

Reportage La station située au bord de la mer Noire prête à relever le défi du grand rendez-vous sportif et populaire de février 2014

Sotchi à un an des Jeux olympiques d’hiver Les préparatifs constituent le chantier du siècle en Russie. Après les Jeux d’été de Moscou en 1980, en pleine Guerre froide, le pays veut faire de ce nouveau rendez-vous un vrai succès.

achevés. Seul demeure le problème de la piste de saut à ski, pour la construction de laquelle « il ne faut pas perdre une minute ». Du côté des organisateurs comme du Comité, on estime que les délais seront respectés.

ALEXANDRE KILYAKOV

Des tarifs abordables

Ils sont loin les Jeux de Moscou, que les Américains avaient boycottés à cause de l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Sotchi se présente dans un autre contexte et le Comité international olympique (CIO) dit la ville organisatrice prête : « Les promesses faites au Guatemala en 2007 sont aujourd’hui réalisées », a déclaré Jean-Claude Killy, visitant les sites début février avec le Président Vladimir Poutine. « Peu de pays peuvent réaliser un tel programme en six ans. Lors du championnat d’Europe de ski alpin et des épreuves tests, pas un seul athlète ne s’est plaint. Pour nous, c’est un très bon indicateur », a ajouté l’ancien champion olympique français et président de la commission du CIO chargée des Jeux de Sotchi. Selon le CIO, 80% des sites et des infrastructures sont

KOMMERSANT

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le 7 février, exactement un an avant le début des Jeux, les premiers billets ont été mis en vente. Les tarifs de Sotchi seront moins chers que ceux de Londres, mais plus élevés que ceux de Vancouver. Dans la capitale britannique, les prix pouvaient atteindre 2 500 euros. Les Jeux d’été de Londres auront été les plus chers de l’histoire. Pour les Jeux d’hiver de Vancouver, le prix maximal ne dépassait pas 825 euros. Sotchi sera loin d’être inabordable pour les Russes, estime Dmitri Tchernychenko, président du comité organisateur : « Nous voulons que nos supporteurs viennent en aussi grand nombre que possible soutenir nos couleurs ; c’est pourquoi 42% des billets coûteront moins de 3 000 roubles [75 euros, ndlr] ».

Scène d’une cérémonie se déroulant à Sotchi exactement un an avant l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver 2014.

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EN LIGNE SUR

PHOTO DU MOIS

Stalingrad : la bataille présente dans la ville

Un météorite tombe sur l’Oural

L’Ambassadeur a la parole Avant la visite de François Hollande à Moscou, le représentant de la Russie à Paris, Alexandre Orlov, évoque le Mali, Dépardieu et la crise. PAGE 2

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Un orphelinat modèle Un établissement russe déploie des efforts louables pour préparer les enfants receuillis au retour, à terme, dans leur famille. PAGE 3

La chute d’un météorite, le 15 février, a creusé un trou dans le lac Tchebarkoul de la région de Tcheliabinsk en Sibérie. Des témoins oculaires ont décrit « une sphère brûlante tomber sur la terre ». Tels ces Gaulois qui craignaient que le ciel leur tombe sur la tête...

Du bon pain à Moscou Des commerçants avisés exploitent l’appétit des Russes pour la boulangerie et la pâtisserie à la française. Tour d’horizon des bonnes adresses. PAGE 8

ANTONIO FRAGOSO

La majorité des visiteurs arrivent à Volgograd par le train. Si c’est votre cas, profitez-en pour observer la gare. Elle ne ressemble en rien aux immenses « hubs » modernes tout de béton et de

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

ITAR-TASS

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

SERGUEI PONOMAREV

KSÉNIA BOURMENKO

verre revêtus, mais possède au contraire des caractéristiques tout à fait uniques. Elle est à elle seule un monument de l’époque soviétique, dont l’histoire est narrée dans les fresques qui ornent les plafonds du bâtiment. Il est probable que, pour des raisons de sécurité, vous devrez vous soumettre aux détecteurs de métaux. Mais lorsque vous les franchirez, souvenez-vous que vous passez sous un arc de triomphe. Une fois à l’extérieur, vous pourrez

MARIA TCHOBANOV

Le soixante-dixième anniversaire de la bataille historique offre l’occasion de visiter la ville rebaptisée Volgograd, riche en émotions et en monuments.

vérifier l’heure à l’horloge de la tour de la gare et admirer à gauche et à droite de l’escalier deux bas-reliefs : l’un est consacré aux événements de la guerre civile, l’autre à la Seconde Guerre mondiale et à la bataille héroïque de Stalingrad, qui en a changé le cours. Cette année, le 70ème anniversaire de cette bataille historique résonne tel un leitmotiv dans la ville. De nos jours, le nom de Stalingrad, en vigueur de 1925 à 1961, reste attaché à une période bien précise de l’histoire. Malgré son nouveau nom,Volgograd est considérée comme la ville la plus « soviétique » de Russie.

SERVICE DE PRESSE

Régions Un nom synonyme d’héroïsme et du passé soviétique

Le style “ pin-up ” néo-soviétique illustré par l’affiche LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/21827


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Politique

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

ENTRETIEN AVEC ALEXANDRE ORLOV

Pour « un rapport de confiance » L’AMBASSADEUR RUSSE À PARIS ÉVOQUE LE CAS DEPARDIEU, L’INTERVENTION AU MALI ET LA POSITION SUR LA SYRIE AVANT LA VISITE QUE DOIT EFFECTUER LE PRÉSIDENT FRANÇOIS HOLLANDE À MOSCOU LE 28 FÉVRIER.

L’arrivée des socialistes au pouvoir a-t-elle affecté les relations bilatérales ? Pas sur le fond. Après le changement de gouvernement en France, il a fallu un certain temps aux nouveaux ministres pour rentrer dans le vif des dossiers. Mais depuis novembre dernier les contacts au niveau ministériel ont repris leur rythme normal. Nous espérons que la prochaine visite à Moscou du Président François Hollande va ouvrir une nouvelle étape dans nos relations bilatérales.

Quels seront les thèmes de la visite de François Hollande en Russie ? Nous attendons beaucoup de cette première visite de François Hollande à Moscou. Avant tout, l’établissement d’un contact personnel, d’un rapport de confiance avec le président Vladimir Poutine. De nos jours, la confiance réciproque est un facteur décisif qui permet de résoudre les problèmes les plus complexes. Les deux présidents vont passer en revue les relations bilatérales et les grands problèmes internationaux. Les discussions s’annoncent riches et intenses. Une grande attention sera accordée à la coopération économique entre nos deux pays où il existe un grand potentiel de développement. À l’ordre du jour : la création de fonds d’investissement franco-russes qui faciliteraient les investissements croisés dans les entreprises des deux pays, aideraient les PME russes et françaises à s’implanter sur les marchés français et russe respectivement. Lacrisepèse-t-ellesurlecommerce bilatéral ? La crise a affecté les importations d’énergie en provenance de la Russie, ce qui a touché le volume global des échanges. En même temps, la présence des grandes sociétés françaises sur le marché russe a eu pour effet d’amortir les conséquences de la crise. Je citerai un seul exemple. En 2012, en France, les ventes d’automobiles Renault ont chuté de 23%, alors qu’en Russie, elles

France est favorable aux deux pays et mérite d’être encouragé. LaFranceest-elleplusfavorableque d’autresàlalibéralisationdurégime des visas pour les Russes ? La France a dès le début soutenu notre proposition de supprimer les visas de circulation de courte durée. Sur cette question, nous sommes sur la même longueur d’ondes. Par ailleurs, dans le cadre des accords Schengen, la France a fait son possible pour faciliter l’obtention de visas par des citoyens russes. De notre côté, nous faisons de même, en multipliant la délivrance de visas de circulation de longue durée. Pour améliorer les conditions d’obtention des visas, nous avons ouvert à Paris un centre spécialisé qui a permis de diminuer les délais de délivrance et éviter les intermédiaires qui ne font que les accroître et augmenter les frais. MARIA TCHOBANOV

La naturalisation russe de Gérard Depardieu a-t-elle provoqué des frictions diplomatiques ? Les relations entre la Russie et la France sont très anciennes. Elles n’ont jamais été indifférentes. Parfois les émotions débordaient. On l’a vu récemment, quand la décision de Gérard Depardieu de demander la citoyenneté russe a provoqué en France une véritable crise de jalousie, à mon avis totalement injustifiée. Je suis persuadé que Gérard Depardieu, un grand artiste français de renommée mondiale, n’a pas fait cette demande pour éviter de payer ses impôts en France. Pour cela, il lui aurait suffi de s’installer en Belgique. C’est plutôt le geste d’un homme honnête qui aime sincèrement la Russie. Il connaît bien la culture russe et il a des projets à long terme en Russie : il aimerait interpréter le rôle d’Emelian Pougatchev, adapter au cinémales Frères Karamazov de Dostoïevski.

BIOGRAPHIE NÉ : LE 17 MARS 1948 FORMATION : MGIMO

augmentaient dans la même proportion. Il est clair que sans la dynamique du marché russe, Renault se serait retrouvé en grande difficulté. Pour le groupe Auchan, le marché russe est le deuxième après la France, avec un chiffre d’affaires annuel de 7 milliards d’euros. Il en est de même pour Danone et bien d’autres entreprises françaises. Le développement de cette intégration économique entre la Russie et la

Alexandre Orlov est Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Russie en France et auprès de la Principauté de Monaco depuis 2008. Il est diplômé de l’Institut d’État de Moscou des Relations internationales. Il a occupé différents postes au sein du ministère des Affaires étrangères d’URSS et de la Fédération de Russie, ainsi que dans diverses représentations diplomatiques à l’étranger.

Relations internationales La Russie et l’Union européenne à la croisée des chemins

Les affaires avancent, la politique piétine En 2013, les relations entre la Russie et l’UE se développeront sur le plan économique. Mais dans la sphère politique, les experts constatent une défiance mutuelle accrue. SERGUEÏ SOUMLENNY

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

AP

« Pour les entreprises européennes, la Russie reste un marché attractif. Ce n’est pas l’Eldorado, mais sur fond de stagnation européenne et de disparition de la foi dans une croissance effrénée en Chine, la Russie fournit un terrain attractif pour les investissements, malgré les plaintes concernant certaines difficultés ». Ainsi parle Fiodor Loukianov, président du Conseil pour la politique étrangère et la politique de défense de la Russie. Le maintien de l’intérêt économique que représente l’Europe s’explique aisément par le taux de croissance de l’économie russe, qui a atteint 3,5% en 2012. Les entreprises européennes ouvrent en Russie non seulement des représentations pour vendre leurs produits, mais aussi des usines de production. L’écono-

V. Poutine entre les dirigeants de l’UE, MM. Van Rompuy et Barroso.

mie la plus puissante de l’UE l’Allemagne - demeure le plus important partenaire économique de la Russie. En 2012, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un record historique : 105 milliards de dollars. En 2013, on s’attend à un nouveau record. L’Europe et la Russie sont particulièrement liées sur le plan énergétique. « L’existence du gazoduc Nord Stream (livrant directement du gaz naturel de Russie vers l’Europe via la mer

Baltique, ndlr) est un facteur de maintien de l’importance de la Russie en tant que fournisseur de ressources énergétiques », observe Felix Hett, expert de la Russie au sein de la Fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftung. L’avenir n’est pas sans nuages. Comme le souligne M. Loukianov, en 2013, les exportations énergétiques russes feront face à une résistance croissante sur le marché européen. « Les changements qui s’opèrent dans le secteur de l’énergie ne sont pas

en faveur de la Russie. L’extraction du gaz de schiste, à laquelle Gazprom s’est refusé pendant des années, et la mise en œuvre du troisième paquet énergie » ne sont pas à l’avantage de la Russie, estime M. Loukianov. Dans le domaine politique, malgré les rendez-vous importants prévus cette année (les deux sommets traditionnels UE-Russie, celui du G20 à Saint-Pétersbourg), les experts ne misent pas sur une amélioration notable des relations. « Nous assistons au processus d’élaboration des nouvelles valeurs russes qui s’opposent à celles de l’Occident », explique M. Loukianov. Cette défiance constante de la Russie envers l’Europe est également relevée par le professeur Hans-Henning Schröder, président de la Fondation allemande « Science et politique » (SWP) : « On voit en Europe s’enraciner l’idée selon laquelle le développement que nous observons en Russie ne correspond pas à la représentation que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe se font de la démocratie et des droits de l’homme ». En 2013, on ne prévoit pas de percée concernant la levée des visas entre la Russie et l’UE. « L’expérience de l’Union européenne avec les pays des Balkans occidentaux constitue un excellent épouvantail, utilisé par les politiciens conservateurs », observe M. Hett.

Les événements au Mali et en Algérievont-ilscontribueràrapprocher les deux pays sur la Syrie ? Je pense que maintenant que la France est aux prises avec les terroristes au nord du Mali, elle devrait mieux comprendre à qui nous avons affaire en Syrie. Au Mali comme en Syrie, nous avons affaire aux mêmes islamistes radicaux qui sèment partout la mort et le terreur. Je constate un certain rapprochement entre la Russie et la France sur la question syrienne. Notre analyse de la situation est la même et nous avons un objectif commun : préserver l’intégrité d’une Syrie mul-

tiethnique et multiconfessionnelle. Les désaccords concernent surtout les méthodes à employer pour atteindre cet objectif. La situation en Syrie évolue de telle manière que les positions défendues par la Russie dès le début du conflit commencent à être mieux comprises. Quels sont les événements culturels majeurs prévus en 2013 ? Après les saisons croisées de langue et de littérature que nous avons vécues en 2012, nous allons organiser en 2013-2014 les saisons croisées du théâtre et du cinéma. Au programme : des spectacles exceptionnels, des projets de mise en scène communs, des ateliers, des échanges entre les conservatoires. Nous souhaiterions que le Festival théâtral d’automne, qui se tient à Paris chaque année, soit consacré à Stanislavski pour les 150 ans de sa naissance. Nous invitons également les Français à participer au festival Tchekhov à Moscou. En mars, à Strasbourg, se tiendra la Quinzaine du cinéma russe, puis ce sera en novembre le festival du film russe à Honfleur. Le maire de Nice Christian Estrozi a également proposé d’accueillir un festival de cinéma russe dans sa ville. Je citerai encore les tournées en France en 2013 du ballet Moïseev, Eifman en mars, du ballet du théâtre Mariinski fin mai et les Saisons russes au théâtre des Champs-Élysées en juillet. Propos recueillis par Maria Tchobanov

SONDAGE

Poutine apprécié pour son expérience, avec nuances L’INSTITUT DE SONDAGE INDÉPENDANT LEVADA OBSERVE UN CHANGEMENT DANS LA MANIÈRE DONT LES RUSSES PERÇOIVENT VLADIMIR POUTINE. S’IL ÉTAIT AUTREFOIS APPRÉCIÉ SURTOUT POUR SON CARACTÈRE DÉCIDÉ ET ÉNERGIQUE, LE PRÉSIDENT EST DORÉNAVANT ESTIMÉ POUR SON EXPÉRIENCE. PARALLÈLEMENT, LE MÉCONTENTEMENT CROÎT SUR PLUSIEURS DÉFAUTS QU’ON LUI REPROCHE.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DE SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR.

LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)


Société

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La loi interdisant aux citoyens des États-Unis d’adopter des enfants russes a brusquement braqué les projecteurs sur les conditions dans lesquelles vivent les orphelins. Vera Turkina

La Russie d’Aujourd’hui

Iaroslavl, située à 300 km de Moscou, abrite dans ses environs l’Orphelinat n°1 dont les responsables et le personnel s’efforcent de répondre avec dévouement et professionnalisme aux besoins des nouveau-nés et des enfants jusqu’à l’âge de cinq ans. Aux alentours de Iaroslavl, au bout d’une longue route longée de bouleaux, au creux d’un quartier résidentiel, se niche « l’Orphelinat spécial numéro 1 ». À l’origine, le bâtiment de trois étages en brique grise abritait une école maternelle. Puis il a été adapté pour accueillir les enfants abandonnés de la naissance à l’âge de cinq ans. Récemment, une nouvelle aile a été ajoutée, construite selon les normes des institutions de ce type. Lioubov Rogovskaïa, une petite femme brune au visage doux qui dirige l’orphelinat depuis trente ans, ne dissimule pas sa fierté en commentant la visite

des lieux. Des locaux refaits à neuf, aux couleurs tendres de l’enfance, les murs envahis par des peintures d’animaux ou de paysages. L’orphelinat abrite aujourd’hui 96 enfants en bas âge. À vue d’œil, ils ne manquent de rien. Les pièces de jeu croulent sous les jouets. Les salles de sport, d’aqua-thérapie, de stérilisation sont en excellent état. Les activités sont variées : sport, activités manuelles, chant… La plupart des résidents de l’institution, comme c’est le cas dans tous les orphelinats de Russie, sont des « orphelins sociaux », c’est-à-dire que leurs parents sont en vie mais se sont séparés de leur progéniture. Le plus souvent, ils ont été limités dans leurs droits parentaux, parfois ils en ont été privés. Les enfants placés dans les institutions ont des statuts différents. Ceux dont les parents n’ont pas été privés de droits ne peuvent pas être adoptés, mais seulement placés dans des familles d’accueil. Ne sont éligibles à l’adoption que les enfants dont les parents n’ont plus aucun droit sur eux, qu’ils les aient abandonnés de gré ou de force. En Russie, rien n’est fait par

en ligne Consultez les textes législatifs majeurs de l’année 2013.

Pour en savoir plus larussiedaujourdhui.fr/ 21461 SERGUEI PONOMAREV

L’orphelinat qui aide les enfants à retrouver une famille

SERGUEI PONOMAREV

Reportage Visite d’une institution modèle

L’Orphelinat n°1 offre des salles de jeu croulant sous les jouets.

les services sociaux pour encourager les mères à ne pas se séparer de leurs enfants. Mais des mesures de prévention contre l’abandon ont été prises par les orphelinats. « Nous aidons les mères à créer les conditions nécessaires pour récupérer leur enfant », explique Rogovskaïa. Les mères s’engagent à venir voir régulièrement leurs petits. Lors de ces visites, des psychologues, médecins et pédagogues travaillent avec elles. « Notre ob-

jectif est que tous nos pupilles retrouvent des foyers. Les leurs, ou d’autres », confirme Sofia Valerieva, infirmière en chef de l’établissement. Quatre-vingtdouze enfants ont intégré l’Orphelinat n°1 l’an dernier et 84 l’ont quitté, pour être placés dans des familles, ou ont été transférés dans un orphelinat pour les 5-18 ans. 25 enfants ont retrouvé leur famille biologique. Pour encadrer la centaine d’orphelins, l’établissement emploie

« Notre objectif est que tous nos pupilles retrouvent des foyers. Le leur, ou un nouveau » 197 personnes. Mais c’est insuffisant, regrette Valerieva. Il n’y a que 63 infirmières, il en faudrait deux fois plus. Mais l’orphelinat a perdu beaucoup de personnel car les salaires sont trop bas. En tant qu’infirmière en chef, Sofia Valerieva gagne 17 000 roubles par mois, soit 417 euros. Une simple infirmière n’en gagne pas plus de 220. « C’est notre principal problème aujourd’hui, confirme la directrice. Nous finissons par manquer de person-

nel médical et de pédagogues ». Mais l’atmosphère générale du lieu ne laisse rien paraître de ces soucis. Dans chaque groupe, six ou sept enfants sont à la charge de deux adultes. En voyant arriver le visiteur, les enfants lèvent des regards curieux, mais restent sur leurs gardes. Certains montrent fièrement ce qu’ils savent faire. Artiom, quatre ans, planté au milieu de la salle de spectacles, chante à tue-tête une chanson sur le sapin de Noël. Dans les sections pour nourrissons, des nounous s’occupent individuellement de chaque bébé, surtout de ceux qui nécessitent des soins particuliers. « La plupart de nos bambins ont des problèmes de santé, soit innés, soit induits par des mauvais traitements », raconte tristement Valerieva. Beaucoup ont des retards de développement, d’autres sont arrivés après avoir été longuement maltraités, sous-nourris, livrés à eux-mêmes. Certes, l’Orphelinat n°1 semble être un asile confortable et sûr pour les petits orphelins qui n’y manquent de rien, sauf de l’essentiel. « Rien, aucun confort matériel ne remplace la chaleur d’une vraie famille », conclut Rogovskaïa.

Sotchi en piste pour les Jeux Olympiques suite de la première page

Les Jeux Olympiques se dérouleront sur deux sites : le village olympique balnéaire et le village olympique de montagne. L’élément principal du village olympique balnéaire est la patinoire qui accueillera la compétition de hockey, de patinage artistique et de vitesse ainsi que d’autres disciplines. Le village olympique de montagne se situe à 40 kilomètres de la côte. Son centre est la station de ski de Krasnaïa Poliana, où auront lieu toutes les épreuves « de neige ».

Les équipements olympiques en construction

On peut se les procurer sur le site www.tickets.sochi2014.com soit auprès du Comité olympique de n’importe quel pays participant. La liste est disponible sur le site www.sochi2014.com. Les organisateurs pensent vendre 70% des billets aux Russes et 30% aux étrangers. Les prix démarrent à 13 euros. Presque la moitié des billets coûteront moins de 75 euros. Le prix moyen d’un billet, selon les estimations des médias russes, serait de 160 euros et le plus élevé, de 1 250 euros - une somme qui permettra d’obtenir une place dans le secteur VIP (personnalités de marque) pendant la cérémonie d’ouverture.

Effort sur les transports

L’une des conditions posées par le CIO pour les JO de Sotchi était l’accroissement des capacités de transport de la ville. Les travaux d’infrastructure se sont heurtés à plusieurs défis. Les montagnes se dressent sur le tracé de la rocade qui contourne Sotchi pour relier la ville à l’aéroport. Celuici, qui a dû être reconstruit presque entièrement (il est appelé à devenir le sixième du pays en termes de flux de passagers), se situe à mi-chemin entre Sotchi et Krasnaïa Poliana. La rocade s’étendra sur une distance de 48 km ; sa construction devrait être

Comment acheter des billets ?

achevée en décembre 2013 pour un coût total de 5,25 milliards d’euros, que les entrepreneurs justifient par les conditions de travail rendues difficiles par le terrain montagneux.

Dépassement budgétaire

Selon les estimations des auto-

rités russes, les travaux d’aménagement de Sotchi 2014 pourraient être les plus chers de l’histoire des JO. Initialement, la réalisation des infrastructures, qui doivent par ailleurs contribuer au développement de la vocation touristique de Sotchi, ville balnéaire, devait engendrer des

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dépenses d’environ 8 milliards d’euros. En six ans, les prévisions ont quintuplé pour atteindre 38 milliards d’euros. Les crédits ont été très majoritairement affectés aux infrastructures de la ville : seuls 5 milliards d’euros ont été utilisés pour la construction des sites olympiques, le reste

facebook.com/ larussiedaujourdhui

étant réservé à la région et à l’accueil des invités. « S’il n’y avait pas eu les JO d’hiver, Sotchi aurait encore pu attendre cent ans avant de recevoir de tels investissements et connaître ce développement. Et maintenant, sont non seulement construits des routes, des ponts et des tunnels, mais aussi des canalisations et des conduites de gaz au fond de la mer et à travers les montagnes », a déclaré en 2011 Vladimir Poutine. Sur le front économique, le président du Comité olympique russe, Alexandre Joukov, estime que l’impact des investissements à Sotchi se fait déjà sentir, mais que le meilleur est à venir : « L’impact économique se mesure à long terme. Ce n’est pas seulement la création d’emplois et tout ce qui a été réalisé pour les Olympiades, mais les apports induits du développement de la station de ski, sa composante touristique ». Les résultats des Jeux olympiques de Pékin en 2008 ont indirectement confirmé ces propos. Les autorités chinoises comptaient sur 0,3 à 0,4% de PIB en plus chaque année, pendant sept ans après les Jeux. Pour l’instant, les retombées dépassent leurs espoirs.

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04

Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribuée AVEC LE FIGARO

Conjoncture Le secteur de la distribution (comme celui de la finance) concourt à la stabilité économique

Les consommateurs russes prennent le relais du pétrole La croissance russe connaît un ralentissement, mais elle reste confortable par rapport à l’Europe ou aux États-Unis, grâce à une demande forte des consommateurs. PAUL DUVERNET

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

RIA Novosti

Pessimistes, les Russes ? À en croire plusieurs économistes, il s’agit d’un stéréotype éculé remontant à Dostoïevski. « Le consommateur russe est déterminé à consommer, de manière régulière, même le plus pessimiste, d’ailleurs », estime Ekaterina Trofimova, première viceprésidente de GazpromBank. Elle souligne aussi que la croissance de la consommation est supérieure à celle des revenus, ce qui s’explique par une diminution de l’épargne. Selon Boris Kisselevsky, adjoint au chef des services économiques pour la Communauté des États indépendants (CEI) à l’ambassade de France, le solide appétit de consommation des Russes est désormais le principal moteur de la croissance économique du pays. S’exprimant dans le cadre d’un forum économique organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie française en Russie, l’économiste a souligné que les « exportations de pétrole ne contribuent plus à la croissance, dans la mesure où la production stagne depuis plusieurs années ». De nombreux experts estiment, à l’instar de

Même si l’épargne a diminué, les Russes déposent plus d’argent qu’ils n’en empruntent, selon Ekaterina Trofimova, vice-présidente de GazpromBank. Natalia Orlova, économiste en de braquet. Du 7% de croissance chef chez Alfa Bank, que les ré- annuelle moyen durant les anen Chiffres serves de croissance se situent nées 2000 à 2010, le rythme a là où la demande reste forte. À été divisé par deux. « En tant ce titre, la Russie, avec ses 146 que Français, je trouve que ce En 2012, le taux de millions d’habitants, possède un sont des chiffres très positifs. La croissance a été de Russie reste un territoire de sta3,4%, un rythme qui vaste potentiel. Certes, le pays n’est pas à l’abri bilité macroéconomique », soudevrait se maintenir cette année. de secousses extérieures, et la ligne Boris Kisselevsky, en alluLe Fonds monétaire table, lui, sur conjoncture internationale a im- sion à la déprime touchant la une croissance de 3,7%. posé à la Russie un changement zone euro. Selon l’expert, la

3,4

Vente en ligne Le créneau vêtements d’une « start-up » russe

Pas de marque, mais des produits « tendance »

Kommersant

L’astuce est de privilégier la tendance par rapport aux grands noms, qui nécessitent des investissements trop lourds.

Le magasin de vêtements en ligne TrendsBrands.ru a misé sur les marques à la mode et bon marché pour devenir l’une des start-ups à la plus forte croissance en Russie. Alina Maksimatkina

La russie d’aujourd’hui

Anastasia Sartan, propriétaire du magasin en ligne Trends­Brands.ru, avait mis en jeu le « gros diamant » qu’elle porte au doigt : « Si dans les premiers mois après le lancement de cette aventure je n’avais tout à coup plus eu de quoi payer mes collaborateurs, je l’aurais vendu sans réfléchir », se souvient-elle. Mais le bijou est encore là : dès sa première année d’activité en 2011, la boutique a réussi à attirer les investisseurs russes Ru-Net et Kite Ventures, qui ont fourni près de 744 000 euros. TrendsBrands.ru vient d’effectuer un nouveau tour

de table auprès de ses investisseurs, concluant ainsi un partenariat avec le fonds françaisVentech, connu pour avoir injecté de l’argent dans des projets Internet russes à un stade précoce. En plus de TrendsBrands.ru, les Français comptent également parmi leurs clients le service de réservations d’hôtels en ligne Otkogo, ainsi que le concepteur de jeux pour réseaux sociaux Pixonic. Il y a encore trois ans, Anastasia Sartan travaillait comme serveuse à NewYork. La jeune Russe riche en idées profitait alors de son temps libre pour aider des créateurs connus et leurs acheteurs étrangers à choisir des articles. Une fois rentrée à Moscou, elle s’est mise en tête de vendre des vêtements à une clientèle branchée. Elle a commencé par apporter 20 robes à des amis qui possédaient à l’époque leur propre « showroom » à Moscou. Les ar-

ticles sont si vite partis qu’Anastasia a dû en importer d’autres. En un an, les collaborateurs ont ouvert deux autres sites, à SaintPétersbourg et Kiev, ainsi que deux plateformes en ligne. Mais les partenaires se sont retrouvés en désaccord, poussant Sartan à suivre son propre chemin. De la fermeture de l’entreprise, elle n’a gardé que des tables, quelques ordinateurs portables et 7 500 euros. Anastasia a vite compris qu’avec des moyens si limités, il était impossible de miser sur des marques de luxe. C’est pourquoi elle a décidé de mettre en place une gamme de marques bon marché et peu connues, tout en choisissant rigoureusement les plus « tendance ». Parallèlement aux achats, elle a également décidé de renouveler sa collection tous les mois, au lieu de deux fois par an comme c’est la tradition dans le secteur. La femme d’affaires considère cette spécificité comme un de ses principaux avantages face à la concurrence. Et peu importe que beaucoup soient frustrés de ne pouvoir faire l’essayage des vêtements vendus en ligne. « La croissance du marché pourrait en effet atteindre 300%. À titre de comparaison, la marge de progression dans le secteur de l’électronique n’est que de 6 à 8%, ce qui est minime. Et même s’il est vrai que les retours de vêtements sont très fréquents (de l’ordre de 50%), les boutiques peuvent entièrement se le permettre avec une telle croissance », indiqueVsevolod Strakh, propriétaire du magasin en ligne Sotmarket. En février 2013 le fonds françaisVentech est entré dans la danse en injectant 2,2 millions d’euros dans la marque. Selon Mikhaïl Oukolov, qui travaille pour le magasin en ligne Utinet.ru, les crédits fournis devraient permettre à Trendsbrands.ru d’élargir sa gamme de produits.

consommation russe est nourrie par l’émission généreuse de crédits à la consommation par les banques. Le volume des crédits a connu une véritable flambée ces deux dernières années (c’était aussi le cas entre 2004 et 2007), au point que certains organismes comme la Banque mondiale et le FMI ont tiré la sonnette d’alarme. Mais les experts restent partagés au sujet d’une éventuelle surchauffe du crédit à la consommation. « La tendance inquiète parce que la croissance des dépôts est moins rapide que celle des crédits. Mais il faut prendre en considération le fait que la population russe dépose davantage d’argent dans les banques qu’elle ne prend de crédits », remarque justement Ekaterina Trofimova. Selon elle, la surchauffe « est limitée à un petit nombre d’établissements bancaires ». Les analystes de la banque UralSib notent que le secteur financier est actuellement le second contributeur à la croissance après la consommation. En dépit de la stabilité macroéconomique et de l’appétit des Russes, les banques ont commencé depuis le début du mois à tempérer leurs émissions de crédit. Menant le mouvement, le géant bancaire d’État Sberbank a relevé ses taux d’intérêts pour freiner la demande et augmenter la rentabilité des prêts. La correction est importante : de 3 à 5,6% pour les taux de crédit à la consommation. Les autres banques, privées comme publiques, lui ont emboîté le pas et donnent des signes de plus grande prudence en veillant à la solvabilité des clients. La prudence des banques est louable ; encore faut-il qu’elle ne douche pas le consommateur, nouveau moteur de l’économie.

Planification Le programme de Medvedev

Les clés d’une nouvelle Russie Le chef du gouvernement fixe les objectifs pour transformer radicalement l’économie et le secteur social d’ici à 2018. Maxime Tovkaïlo vedomosti

Fin janvier, lors d’une séance gouvernementale élargie, Dmitri Medvedev a présenté les grands axes de sa politique de développement pour 2018. Le potentiel de croissance des matières premières est épuisé, a admis le Premier ministre. D’ici à 2018 se dessineront « les nouveaux contours d’un monde après crise, d’alliances technologiques et sociales et de reconfigurations économiques et monétaires ». Le défi principal reste le secteur social, a déclaré le chef du gouvernement. Or, on ne peut construire une nouvelle Russie qu’en accélérant la croissance du Produit intérieur brut pour le porter à 5% (3,4% en 2012), estime Medvedev, qui a énuméré dix objectifs clés : l’amélioration du climat d’investissement, l’intégration internationale, le renouvellement technologique, la stimulation de la demande, le développement

de l’agriculture et de l’infrastructure, la construction d’au moins cent millions d’appartements par an, le développement de la médecine et de l’enseignement, le soutien aux régions et l’amélioration de l’administration. Le PrésidentVladimir Poutine a adopté le plan du gouvernement, et ce, même s’il a reconnu que « pour résoudre tous ces problèmes et tenir les promesses électorales, il faut faire encore plus », notamment développer la démocratie et la société civile, améliorer les lois, lutter contre la corruption et réformer la justice. La mise en œuvre de tout programme est une affaire de volonté. Evguéni Iassine, spécialiste et directeur de la haute école d’économie, fait remarquer que « parfois, même les petits programmes donnent de bons résultats, alors que les réformes, au contraire, ne mènent à rien ». Les réformes dépendent non seulement de la volonté du gouvernement, mais aussi de celle de Vladimir Poutine, souligne Iassine. Article publié dans Vedomosti

en Chiffres

25%

Pourcentage d’entreprises réalisant des innovations. Dans certains secteurs, il devrait atteindre 40% d’ici à 2020.

75 millions

d’euros de 2011 à 2013, somme des investissements dans l’innovation qui ont permis de créer 60 entreprises publiques.

625 millions

d’euros : c’est le montant que devrait atteindre le volume total des fonds de l’État à des fins scientifiques d’ici à 2018.

en bref Bénéfices russes pour la Générale

Kommersant

Les filiales russes du groupe Société Générale ont dégagé l’année dernière 102 millions d’euros de bénéfice net, à comparer avec seulement 5 millions d’euros en 2011. N’est toutefois pas prise en compte la grosse dette d’une des filiales russes, Rosbank (250 millions d’euros), qui a été effacée par le groupe en 2012. Cette perte sèche a été assumée par la maison-mère et n’a pas pesé sur les résultats locaux, a indiqué le patron de Rosbank.

Vin géorgien Les vins géorgiens sont de retour sur le marché russe, quatre ans et demi après la guerre entre les deux pays. Le 4 février dernier, le chef des services sanitaires de Russie a rencontré une délégation géorgienne pour évoquer la levée éventuelle d’un embargo sur les importations de vin et d’eau minérale géorgiens. La Géorgie a assuré que les livraisons pourraient reprendre dès le printemps 2013. Une délégation des services sanitaires russes inspecte actuellement les exploitations qui ont sollicité le droit d’exporter leur vin en Russie. On mise sur la vente de 10 millions de bouteilles cette année.

L’expansion russe de Leroy Merlin

Kommersant

La chaîne française de bricolage Leroy Merlin a lancé un programme sur cinq ans pour ouvrir de nouveaux magasins dans les petites et moyennes villes de Russie centrale. L’entreprise procède à l’achat de terrains pour construire et lancer quinze grandes surfaces dans quinze villes différentes. Le coût du programme devrait s’élever dans son ensemble à près de 372 millions d’euros.

affaires à suivre Russia Business Summit LE 19 MARS, Pavillon Gabriel, Paris

La revue britannique The Economist organise à Paris le Russia Business Summit pour évoquer une année particulièrement riche en événements pour la Russie, qui a fait en 2012 son entrée à l’OMC et se prépare à accueillir le sommet du G20. Comme toujours seront abordés des thèmes très actuels avec des intervenants qui occupent des postes à haute responsabilité dans des entreprises internationales. ›› www.economistconferences.com/ russia

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Dossier

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

05

Stalingrad, ville héroïque MIKHAIL MORDASOV/FOCUSPICTURES (2)

CHRONOLOGIE

Cinq mois de combats 1942 JUILLET • La 6ème armée de terre allemande, les 4ème et 1ère Panzer Armées atteignent la grande boucle du Don. La mission de la 6ème armée est de prendre Stalingrad.

INTERFOTO/VOSTOCK-PHOTO

La gare, entièrement reconstruite après sa destruction durant la Seconde Guerre mondiale. SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Le kourgane Mamaïev ou le livre du souvenir

Pour éprouver toute la grandeur et la peine, la souffrance et la fierté concentrées dans la pierre (la bataille a fait 750 000 morts chez les combattants et 250 000 chez les civils), il vous faudra gravir les marches du kourgane Mamaïev. Ce monument grandiose peut « se feuilleter » comme un livre. Et chaque page est unique : l’allée des Peupliers, la place des Résistants, les ruines et le lac des Larmes, le Panthéon de la gloire... Et pour couronner le tout, la MèrePatrie sur son piédestal qui surplombe la ville et une vue imprenable sur les paysages de laVolga. Le kourgane (tumulus) Mamaïev est aussi une nécropole de plus de 36 000 tombeaux de combattants soviétiques. Après la guerre, lors de la reconstruction de la ville, les corps retrouvés étaient amenés et enterrés en ce lieu. Les noms de bien des soldats restent encore inconnus aujourd’hui.

Lampadaires-témoins

Ce sont les lieux cultes deVolgograd. Mais tout le centre-ville est également un véritable monument à la gloire de ses défenseurs. Tout arbre ou lampadaire peut s’avérer être un monument historique. C’est d’ailleurs le cas. Comme par exemple ce lampadaire témoin de la bataille de Stalingrad, portant des traces de balles et d’éclats d’obus, qui se trouve sur la place de la gare près du musée historique (10, rue de Gogol). Ou ce peuplier qui pousse au milieu de l’asphalte le long de l’allée des Héros et casse la perspective d’ensemble. Même s’il dénote un peu, personne n’y touche car c’est le seul arbre rescapé après la bataille qui a vu la ville entièrement mise à feu. Pas étonnant que les habitants deVolgograd aient un faible pour les espaces verts. Les quais et l’allée des Héros sont comme un grand parc, tandis que la perspective Lénine ressemble davantage à un boulevard avec sa large zone piétonne.

LORI/LEGION MEDIA

Nombre des monuments dédiés à la guerre sont célèbres, comme Kourgane Mamaïev ou le muséepanorama « La bataille de Stalingrad ». Entièrement détruit pendant la guerre, le centre-ville a été reconstruit dans le style « Empire stalinien ». Le musée-panorama « La bataille de Stalingrad » aubord de la Volga (www.stalingrad-battle. ru, 47, rue du Maréchal Tchouïkov) est l’un des lieux mythiques deVolgograd. En plus de la fresque grandiose représentant la vue panoramique du champ de bataille, le musée possède une riche collection de documents et d’objets, comme les drapeaux des régiments, accrochés dans la salle Triomphale. Il y a aussi la riche collection de cadeaux de reconnaissance provenant des quatre coins du monde pour honorer le courage exemplaire des combattants : les statuettes en bronze, les fameuses sculptures de Rodin offertes en 1945 par Lady Westmacott, éppouse de l’ambassadeur britannique, l’épée sertie de diamants du roi George VI du Royaume-Uni, offerte en 1943 pour la victoire de Stalingrad. Pour les 70 ans de la bataille de Stalingrad, le musée-panorama accueille l’exposition « Une pour tous... », où sont présentés uniformes, armes, trophées et objets du quotidien, documents d’époque et correspondance des soldats de régiments, de grades, de professions et de nationalités

différents. Non loin du musée-panorama se situe la fameuse Maison Pavlov, défendue durant 58 jours par une quinzaine de soldats soviétiques. Le bâtiment de quatre étages se dressait sur une colline et constituait une position stratégique importante pour les Russes comme pour les Allemands. La Maison Pavlov, avec ses murs décorés de bas-reliefs, est aujourd’hui encore habitée et fait partie de l’ensemble architectural de la place Lénine.

Un cimetière mixte abritant des tombes de soldats allemands et soviétiques.

La statue « Rodina mat » (La Mère-Patrie).

EN LIGNE Un article sur la célébration de l’anniversaire à Paris, d’autres textes, une infographie, etc. Pour en savoir plus larussiedaujourdhui.fr

Les sakura de Volgograd

Au printemps, la ville refleurit, d’abord grâce aux abricotiers qui parsèment les rues et les cours (on les appelle les « sakura de Volgograd ») ; puis viennent les lilas, les acacias, les catalpas et les marronniers. À cette époque, il fait bon flâner dans la rue de la Paix, la première à avoir été reconstruite après la bataille, d’où son nom.

Au bout de la rue, vous tomberez sur l’Observatoire, dont la coupole est surplombée d’une sculpture de la célèbre artiste soviétique Véra Moukhina (auteure du légendaire « L’ouvrier et la Kholkozienne »).Vous ne trouverez ulle part de spectacle plus authentiquement « socialiste » !

EN IMAGES

AUTOMNE • Combats acharnés dans les environs de Stalingrad et dans la ville. Les troupes soviétiques sont renforcées en équipement ; la mise en œuvre du plan de contre-attaque commence.

Pour s’y rendre Le vol de Paris à destination de Volgograd (via Moscou) coûte environ 500 euros pour 7 à 10 heures de trajet. Le train « Volgograd » vous emmène de Moscou à Volgograd en 18 heures. Le billet coûte entre 50 (2ème classe) et 150 euros (1ère classe).

ITAR-TASS

19-23 NOVEMBRE • Les groupes de frappe de l’Armée rouge passent à l’attaque. Les troupes des fronts Stalingrad et Sud-ouest se réunissent, refermant l’encerclement.

Où se loger L’hôtel « Volgograd », situé dans un bâtiment historique restauré après la guerre. Dans la cour, les caves du centre commercial Univermag abritent le musée « Mémoire », où a été fait prisonnier le général allemand Paulus.

Où se restaurer Le choix est large, de la cuisine européenne aux plats japonais et caucasiens. Les brochettes sont omniprésentes. Un plat fait fureur : la « côtelette à la Kiev » (viande hachée de poulet fourrée au beurre).

RICARDO MARQUINA (5)

Grandiose reconstitution de la bataille finale

Des amateurs d’histoire militaire de toute la région de Volgograd ont reconstitué la débâcle du 11ème corps d’armée allemand dirigé par le général Stecker, qui occupait le nord de la ville. La défaite de ce corps a été annoncée par le général Rokossovski à 16 heures le 2 février 1943, marquant la fin de la bataille de Stalingrad. La reconstitution s’est déroulée sur le lieu d’une ancienne fabrique située dans un quartier différent de l’affrontement, mais du point de vue du décor, le site et ses usines en partie délabrées étaient bien choisis.

RIA NOVOSTI

22 DÉCEMBRE • Défaite du groupe d’armées allemandes Don, qui cherchait à débloquer la 6ème armée prise en étau.

1943 8 JANVIER • Le commandement du groupe allemand encerclé refuse l’ultimatum lui enjoignant de cesser la résistance. 25-31 JANVIER • Les unités du front Don se réunissent dans la zone de Mamaïev Kourgan avec les troupes de la 62ème armée du Front Stalingrad, divisant le groupe allemand en deux parties. Le commandant de la 6ème armée, le général Paulus, est fait prisonnier.

ITAR-TASS

2 FÉVRIER • Les troupes soviétiques anéantissent dans la partie nord de la ville le dernier groupe ennemi.

ITAR-TASS


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Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribuée AVEC LE FIGARO

un Gorbatchev américain Boris Mejouïev

B

Philippe Migault

T

polItologue

ournant ou formalité diplomatique ? La visite que François Hollande doit effectuer en Russie à la fin de ce mois sera scrutée à la loupe par tous ceux qui souhaitent ou redoutent un rapprochement entre Paris et Moscou. Après une première rencontre à Paris avec son homologue Vladimir Poutine, entrevue des plus « réfrigérantes », la balle est dans le camp du président français. Tous les observateurs s’accordent sur ce point. Il peut choisir, pour flatter la part la plus dogmatique de sa majorité, violemment hostile à la Russie, de poursuivre dans le registre du rapport courtois mais distant. Ou bien il peut infléchir sensiblement son attitude en établissant un réel dialogue avec son homologue. Cela n’aurait rien d’extraordinaire. Car la gauche a depuis longtemps habitué les Français aux revirements les plus contraires à sa tradition politique : tournant vers la rigueur de 1983, dérèglementation des marchés des années 90... Dans ce cadre, l’offensive militaire lancée au Mali par un gouvernement affichant sa haine du néo-colonialisme est logique. Ensuite parce que ces opérations révèlent une prise de conscience française vis-à-vis

de la menace djihadiste. Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, a raison de dénoncer le « fascisme islamiste qui monte un peu partout ». Car les masques tombent. Le mythe des printemps arabes démocratiques s’est aujourd’hui effondré. Salafistes en Tunisie, Frères musulmans en Égypte ou soidisant « combattants de la liberté » de Benghazi montrent aujourd’hui leur vrai visage. C’est le même que celui de Mohamed Merah. Le même que celui des milices fondamentalistes composant une bonne partie des forces rebelles en Syrie. Celui de la haine. Ce péril, la Russie y est également confrontée dans le Caucase, au Tatarstan et demain sans doute, en Asie centrale, après le retrait d’Afghanistan des forces de l’OTAN. Entre Paris et Moscou, l’alliance fait donc sens. D’autant plus sens que suivant une ligne de fracture nord-sud les fronts se multiplient : de Toulouse à Domodedovo, de Gao à Mogadiscio, nous sommes confrontés à un fondamentalisme sunnite qui entend bien détruire toute opposition. Musulmans laïcs ou modérés, Chiites, Alaouites, Chrétiens coptes, maronites, orthodoxes ou catholiques, femmes refusant l’asservissement, enfants ayant commis le crime d’être nés juifs à Toulouse ou russes à Beslan… Nous sommes tous dans la

ligne de mire des partisans du Califat mondial. Au-delà de nos dissensions, des contentieux actuels ou séculaires, nous partageons donc un intérêt commun, celui de la défaite des « fascistes ».

France et Russie sont dans le même bateau face à la menace terroriste des mouvements islamistes

Oui, le régime syrien est totalitaire. Mais sa chute pourrait entraîner la victoire de l’Islam radical Il faut à présent tirer les leçons de cette donne et de nos erreurs. O u i , K a d h a fi é t a i t u n monstre. Mais l’intervention française en Libye était une absurdité que nous payons tous les jours. Du Mali à Marseille, toutes les Kalashnikov viennent de Benghazi. Oui, le régime de Bachar-alAssad est totalitaire et répressif. Mais sa chute signifierait sans doute la victoire de l’Islam

radical. Entre la peste et le choléra il faut donc trancher, au mieux de nos intérêts. La France et la Russie restent les seules puissances militaires significatives en Europe. Certes, le Royaume-Uni dispose encore de forces armées performantes. Mais Londres est lourdement engagé en Afghanistan. Quant aux autres Européens, Allemands, Polonais, Italiens, Espagnols, Scandinaves… ils ne peuvent ou ne veulent intervenir. Beaucoup n’en ont plus les moyens financiers. Combien de temps, d’ailleurs, la France les aura-t-elle encore ? D’autres n’en ont plus les moyens militaires. Certains enfin, c’est le cas notamment de l’Allemagne, sont ravis de vendre de l’armement dans le monde entier. En revanche ils se désolidarisent de leurs alliés dès qu’il s’agit de faire la guerre. Or, les opérations au Sahel seront encore longues. Les troupes françaises ont tué plusieurs centaines de djihadistes, partiellement détruit la chaîne logistique. Il faut maintenant sécuriser le terrain, poursuivre et détruire les dernières bandes djihadistes. Nous n’y parviendrons pas seuls. Ce ne sont pas les États africains qui pourront le faire. Compte tenu de la situation, la Russie pourrait, dans le cadre d’une résolution de l’ONU, dépêcher des forces. Français et Russes ont merveilleusement coopéré au Kosovo. Notre culture stratégique est proche. Il est temps de sortir des « partenariats stratégiques » qui n’engagent à rien pour s’engager vraiment. Ensemble. Philippe Migault est directeur de recherche à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS).

lu dans la presse Droits des gays : Russie et France en sens inverse

Pendant que la France et l’Angleterre donnaient aux homosexuels le droit au mariage pour tous et à l’adoption, la Russie, elle, a fait passer une loi perçue comme homophobe par une partie de la population, « contre la propagande de l’homosexualité parmi les enfants ». L’homosexualité reste un sujet tabou et problématique pour l’ensemble de la société russe, qui observe avec curiosité ou incompréhension les expérimentations européennes. Préparé par Veronika Dorman

la « question gay »

les nouvelles normes

réforme sans consensus

Moskovski komsomolets/ 08.02

izvestia/ 07.02

Kommersant.fm/ 14.02

Obama s’est battu pour les droits des homosexuels dans l’armée parce que c’est la dernière chose qui fait peur aux Talibans. Pour la France, pas de mystères non plus : l’économie se détériore, le niveau de vie baisse, le chômage et la criminalité augmentent. Sur ce fond, la « question gay » a été le clou de la campagne présidentielle de 2012. Pendant que des manifestants brandissaient des pancartes : « Nous avons besoin d’emplois, pas de mariage gay », le PS au pouvoir s’est concentré sur les droits des minorités. C’est vrai qu’Hollande l’aura mauvaise si les riches gays commencent à quitter le pays à la suite des acteurs.

En France et en Grande-Bretagne, les relations homosexuelles font partie de l’ordinaire. Le débat actuel ne porte que sur les définitions du mariage. Car tout le monde sait que ni la prison ni la peine de mort ne pourraient empêcher les gays de l’être. En Russie, c’est le chaos, et la plupart des gens choisissent de qualifier l’homosexualité de perversion. Mais les homophobes ne comprennent pas que les gens deviennent homosexuels grâce à eux. Celui qui considère que tout ce qu’il y a de « féminin » dans un homme est honteux pousse les garçons à devenir gays. Ou les filles à devenir lesbiennes, ne supportant plus les mâles répressifs.

Les députés français n’ont pas laissé le choix à l’enfant qui atterrit dans une famille sans maman mais avec deux papas. Il n’a presqu’aucune chance de fonder une famille traditionnelle, puisqu’il n’aura pas eu de modèle sous les yeux. Les députés français ont décidé pour ces enfants, tout comme les députés russes ont décidé pour les orphelins russes qui ne pourront plus être adoptés par des étrangers. France et Russie sont très différentes du point de vue des droits de l’homme, mais les parlementaires semblent atteints de la même maladie professionnelle : décider à la place des enfants comment ils vont vivre, dans quel pays, et dans quel genre de famille.

Denis Mironov-Tverskoï

Arina Kholina

arack Obama a prononcé son discours annuel sur l’état du pays devant le Congrès américain pour la première fois non pas en tant que rassembleur, mais en tant que progressiste et adversaire inflexible de la majorité conservatrice du Parti républicain. M. Obama a précisé que l’Amérique n’avait plus besoin d’une nouvelle intervention militaire visant à prévenir la menace terroriste. Il est allé assez loin pour mériter la haine des néo-conservateurs et de ceux qui, en dehors du pays, espéraient tant une aide extérieure. Veut-il le prix Nobel ou sontce ses convictions profondes ? Obama mérite le titre de « Gorbatchev américain ». Les analogies sont étonnantes. Gorbatchev a retiré les troupes d’Afghanistan durant sa cinquième année au pouvoir ; Obama se prépare à en faire de même cinq ans après sa première investiture. Gorbatchev a procédé à une réduction des arsenaux nucléaires, en faisant une série de concessions unilatérales aux États-Unis. Obama lance maintenant un dialogue avec Moscou sur la réduction des armements, sans concessions unilatérales toutefois. Obama ne semble pas impressionné par Poutine, et il est peu probable qu’en son temps Mikhaïl Gorbatchev appréciât beaucoup Reagan. Reagan a toujours voulu voir dans Gorbatchev non pas un marxiste laïc, mais au fond une personne très religieuse. Il est possible qu’aux yeux de Poutine, Obama soit trop progressiste et trop laïc. Il se méfie d’Obama et de son « redémarrage » des relations russo-américaines, qui rappelle une certaine « perestroïka ». Comme l’écrit le journaliste politique américain James Mann,

Aujourd’hui, une chance inédite s’offre au leader de notre pays : jouer le rôle d’un Reagan russe ratif de réduction des dépenses militaires pour résoudre les problèmes socio-économiques. Aujourd’hui, une chance inédite s’offre au leader de notre pays : jouer le rôle d’un Reagan russe. Ne pas rejeter la main tendue d’un partenaire qui n’hésite plus à reconnaître ses propres faiblesses. Mieux vaut noyer Obama dans une atmosphère d’affection générale pour sa personne en Russie, ne serait-ce que pour le rendre... plus disposé envers notre pays et nos intérêts. Boris Mejouïev est politologue. Article publié dans Izvestia

niyaz karim

une Menace qui nous rapproche

politologue

tous les gourous de la « real politic » - de Kissinger à Nixon en passant par le général Brent Scowcroft -, tous ceux qui trouvaient facilement un terrain d’entente avec le conservateur Brejnev, appelaient Reagan à se méfier du jeune Gorbatchev. Et surtout, à ne pas succomber au charme sinistre du secrétaire général. Reagan a rejeté tous ces conseils, tenté un rapprochement avec l’Union soviétique de Gorbatchev et en fin de compte remporté la Guerre froide. Aujourd’hui, on conseille également de toutes parts à Poutine de se méfier d’un Obama jugé rusé et fourbe qui pourrait favoriser l’arrivée au pouvoir de l’opposition russe. Nous avons tellement peur d’une répétition de la « perestroïka » chez nous que nous refusons de la voir aux États-Unis, causée par les mêmes facteurs : empire menacé, impé-

Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins de la rubrique “Opinions” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’envoyer vos commentaires par courriel : redac@larussiedaujourdhui.fR.

Maxime Ioussine

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Culture

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Chronique LitTÉraire

Exposition Le Musée du Luxembourg s’ouvre à l’un des peintres les plus cosmopolites

Une vérité essentielle

1

Dix ans après la dernière grande exposition parisienne consacrée à l’artiste exilé, le Musée du Luxembourg inaugure « Chagall, entre guerre et paix ».

Un mariage dans un village enneigé et désert : le marié transi de froid serre fort sa jeune épouse qui semble inconsolable. Un cheval rouge mystérieux survole le couple. Ce Cheval rouge, toile commencée en 1938 comme une évocation de l’univers du cirque et achevée en 1944 comme un écho de la guerre, pourrait résumer à elle seule les deux expositions. Déjà chroniqueur du premier conflit mondial, vingt ans plus tard, Chagall dénonce encore plus fortement la guerre et la persécution des Juifs. Les images d’exilés et de villages en feu hantent alors ses tableaux. Contrairement aux toiles des années 1920-30 qui révèlent davantage l’épanouissement familial et l’aisance matérielle que Chagall a connus durant cette période, ses œuvres postérieures à la Seconde Guerre mondiale livrent un message de paix et d’amour universel. Certes, Chagall ne fut pas un artiste engagé à la manière de Picasso. Mais, marqué par la philosophie allemande messianique, il reste profondément optimmiste et per-

Daria Moudrolioubova La russie d’aujourd’hui

Un parcours à la fois chronologique et thématique retrace les influences du monde extérieur sur l’œuvre du peintre : des périodes de bonheur et d’harmonie ponctuées par deux guerres, la Révolution russe et l’exil se reflètent ainsi dans certains motifs récurrents du maître, des rues désertes deVitebsk aux animaux de sa ménagerie magique. Parallèlement à l’exposition parisienne, le Musée Marc Chagall à Nice présente un parcours semblable mais en version… dessinée. « On peut ainsi suivre comment un artiste procède par accumulation de notations – sur un même sujet, il peut faire un dessin, puis un autre, puis une illustration de livre, puis enfin un tableau », explique Elisabeth Pacoud-Rème, chargée des collections du musée.

titre : Partir en guerre Édition : Allia Auteur : Arthur Larrue

SERVICE DE PRESSE (4)

Marc Chagall voit l’amour triompher de la guerre

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3

(1) Homme-coq au-dessus de Vitebsk, 1925 ; (2) Au-dessus de Vitebsk, 1915-1920 ; (3) Obsession, 1943.

Biographie

Chagall est né en 1887 à Vitebsk, au Belarus. En 1910, il part étudier à Paris auprès de Léon Bakst. Il expose ses travaux pour la première fois en 1914 au Salon des Indépendants. En 1914, il est de retour à Vitebsk où, après la révolution, il devient « Commissaire aux Beaux-Arts » et chargé de la vie artistique de Vitebsk. Il y fonde une école d’art en 1919, puis émigre à Paris en 1922. Il s’éteindra en France en 1985.

suadé qu’après les deux grands conflits est venu un temps où l’on ne peut que reconstruire quelque chose de meilleur. « Son langage de paix s’exprime à travers le discours religieux qu’il tient après la Seconde Guerre mondiale – car c’est un homme religieux », argumente Elisabeth Pacoud-Rème, qui cite le discours prononcé par le peintre lors de l’inauguration du musée Marc Chagall à Nice où sont conservés les tableaux de son cycle « Message biblique » : « J’ai voulu laisser [ces tableaux] dans cette

Maison pour que les hommes essaient d’y trouver une certaine paix, une certaine spiritualité, une religiosité, un sens de la vie. Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons, durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir. Pour moi, la perfection dans l’art et dans la vie est issue de cette source biblique ». Le mot religieux venant de religare qui signifie relier, la religion - toute religion, disait Chagall - est un chemin vers la paix et l’harmonie des hommes entre eux.

Entre le narrateur de Partir en guerre et son amie, Esther, l’amour est en panne. Le jeune homme, un Français qui vit à Saint-Pétersbourg, s’enfuit de la chaleur du lit, happé par la nuit froide, le désir de vivre et de « voir ce qui chez soi reste solide après s’être noyé dans la nuit ». Il nous entraîne dans sa déambulation à travers la ville, jusque dans l’appartement qu’une amie lui prête et où il découvre un groupe de squatters. Il reconnaît des membres du collectif d’artistes anarchistes Voïna (guerre en russe), Oleg le voleur, Leonid le fou, Koza et son enfant. Spécialisés dans des actions coup de poing, utilisant l’obscénité pour mieux dénoncer la violence du pouvoir, le 15 juin 2010, ils ont dessiné à la peinture fluo un phallus cosmique sur un des ponts levants de Saint-Pétersbourg. Lorsque le pont se lève le phallus de 75 mètres se dresse devant les bureaux du FSB. Pour le collectif de Voïna, cette nuit n’est pas vraiment une trêve, ils sont en cavale et en guerre, toujours. Ils ont fait le choix du dénuement, comme s’ils devaient expier des siècles de soumission, et de larmes ravalées par leur peuple. « Il va-

lait mieux souffrir, vivre mal, être vulgaire, que d’avoir encore peur de leur État, comme d’une sorte d’énorme ours avide de chair humaine. Durant toute leur histoire les Russes avaient eu peur de cet État. C’était assez. On allait commencer à rire de lui, Guerre avait inauguré ce rire ». Dans la nuit pétersbourgeoise veille le sergent Komarov, qui rappelle un certain hôte du Kremlin. Il n’a ni le sens de l’humour, ni celui de l’art, une affaire de pédérastes selon lui. Veille aussi une voisine, la mamie verte, septuagénaire déjantée qui cultive des herbes qu’elle fume. En Russie quand le voisin veille, la délation n’est pas loin. Le temps d’une nuit, le narrateur croise des personnages rarement présents dans la littérature, « apôtres de la mauvaise vie, de la vie courte, mais de la vie furieuse », marginaux qui opposent au pouvoir une résistance farouche et burlesque, mouvance à laquelle on peut rattacher les Pussy Riot ou le mouvement Femen. Arthur Larrue les fait évoluer sans complaisance. Il lève un petit bout de voile sur une Russie authentique (la description des paliers est un pur régal), faisant le choix de relater des événements qui se sont réellement déroulés et de donner leur véritable identité à ses protagonistes, comme la violoniste Tamriko Kvatchadze, ou des activistes tels qu’Oleg et Leonid, émaillant son récit de mots russes en caractère cyrillique dans le texte, comme si, au-delà de l’exotisme dont généralement on s’empresse de s’arranger, il y avait là la possibilité d’une vérité essentielle à découvrir, sur le monde et sur soi. Christine Mestre

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Festival Des films et du théâtre en version originale au rendez-vous marseillais

Accent russe sur la Canebière La langue de Tchekhov à l’honneur au 18ème Festival russe de Marseille, du 12 au 25 mars prochain au théâtre Toursky. Eugène Zagrebnov

Le cinéma d’abord. Au programme, des productions récentes, notamment Le Retour d’Andreï Zviaguintsev, et Rien de personnel de Larissa Sadilova, mais aussi des classiques du cinéma soviétique : Anna Karénine d’Alexandre Zarkhi, Une gare pour deux d’Eldar Riazanov et L’été froid de l’année 1953 d’Alexandre Prochkine. Les séances seront suivies de débats avec les spectateurs en présence notamment de la réalisatrice Larissa Sadilova, invitée cette année au festival par le fonds du cinéma russe Gosfilmofond. Dans sa partie théâtrale, le festival innove avec des représentations en version originale. Il présentera du 22 au 24 mars Les Méandres de l’amour. Il s’agit d’une mise en scène du Théâtre de la Jeunesse sur la Fontanka de Saint-Pétersbourg réalisée par Semen Spivak et Mikhaïl Tcher-

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La russie d’aujourd’hui

Une scène des Méandres de l’amour (A. Ostrovski).

niak d’après la pièce Le mariage de Bélouguine d’Alexandre Ostrovski et Nikolaï Soloviev. Cette comédie pleine d’ironie tourne autour du choix d’une jeune femme moscovite d’épouser à contrecœur un riche marchand, alors qu’elle aime un aristocrate pauvre. Le sujet n’a pas pris une ride depuis le XIXème siècle. Les organisateurs du festival expliquent le choix d’inviter le Théâtre de la Jeunesse sur la Fontanka par le succès que cette troupe a rencontré lors de la sai-

son 2011 du Festival russe avec l’Hirondelle d’Alexeï Tolstoï. Après le tomber de rideau, les spectateurs seront invités à participer à un cabaret animé par les artistes de la troupe, avec chants et danses au programme. L’idée de proposer au public français du théâtre russe en version originale appartient au directeur du théâtre Toursky, Richard Martin. « C’est lors d’un festival de théâtre expérimental que j’ai rencontré la troupe du théâtre Pokrovka, se souvient ce

dernier. Et depuis, notre amitié avec les théâtres russes s’est cimentée grâce au soutien du public ». Malgré le succès du Festival russe, ses organisateurs font face à un déficit chronique de moyens. Le ministère russe de la Culture a sensiblement réduit sa participation. Le théâtre Toursky connaît lui-même des difficultés financières et dépend des subsides accordés ponctuellement par la municipalité et le Conseil général des Bouches-du-Rhône. Mais le festival reçoit parfois des coups de pouce inattendus. Ce sera le cas pour sa 19ème édition en novembre de cette année, grâce au financement conjoint des mairies de Saint-Pétersbourg et de Marseille à l’occasion du prochain jumelage entre les deux villes. Du 22 au 29 novembre 2013, le Toursky accueillera le théâtre Tovstonogov, ou encore la troupe théâtrale Priut Komedianta, tous les deux originaires de la ville sur la Neva. La 19ème saison sera organisée également en collaboration avec l’Opéra de Marseille, qui prévoit un grand gala du Théâtre Mariinsky.

A L’affiche Art Paris Art Fair du 28 mars au 1er avril, GRAND PALAIS, paris

« Art Paris Art Fair » accueillera au Grand Palais 143 exposants de 20 pays différents. La Russie sera à l’honneur avec la présence d’une dizaine de galeries russes et de 90 artistes venus de Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov-sur-le-Don et Vladivostok, tandis que des galeries européennes présenteront de leur côté leurs artistes russes. Seront exposées les œuvres de Boris Grigoriev, Erik Bulatov, AES+F, Olga Chernysheva et bien d’autres encore. ›› www.artparis.fr/fr/events/2

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en bref Future collection russe au Louvre Le 5 février, Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre, Guennadi Timtchenko, président du Conseil des entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe et Andreï Filatov, entrepreneur et membre de ce même conseil, ont signé un accord de soutien à l’aménagement de galeries où seront exposées des œuvres d’art russes. Les fonds du plus grand musée de France n’abritaient jusqu’à présent qu’une collection d’icônes de la Russie ancienne. Grâce à cet accord, le Louvre s’enrichira bientôt de plusieurs chefs-d’œuvre de la peinture russe.


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Loisirs

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribuée AVEC LE FIGARO

Danse Le succès du spectacle « Mémoire d’un vieux Tsigane » a fait écho à celui des cours de danse donnés par le metteur en scène

L’âme d’un peuple revit à Paris Le comédien, chanteur et chorégraphe Piotr (Pétia) Iourtchenko et sa troupe Romano Atmo ont mis en scène un héritage culturel qui se transmet encore par la danse.

la culture tsigane. Mais beaucoup dépend de la manière dont elle est transmise. Je pense que mon amour de la danse est contagieux ». On croit facilement Pétia lorsqu’on voit ses spectacles dans lesquels ses artistes participent en famille.

Maria Tchobanov

La russie d’aujourd’hui

Paris dans la danse

MARIA TCHOBANOV (2)

Pétia est professeur de danse. D’origine tsigane, il vit et travaille à Paris. La visite impromptue de son amie de jeunesse, Motia, célèbre chanteuse tsigane avec qui il avait travaillé il y a des années au théâtre Romen à Moscou, fait remonter à la surface bien des souvenirs. « Depuis longtemps, j’avais l’idée de faire un spectacle rappelant les horreurs vécues par les Tsiganes pendant la guerre. On parle beaucoup de l’extermination des juifs, mais les Tsiganes, peu s’en souviennent. Mon grandpère me racontait comment les Allemands rassemblaient les Tsiganes près de la fosse et les déshabillaient avant de les fusiller. Les femmes et les enfants d’un côté, les hommes de l’autre. Les corps tombaient en vrac et on les enterrait, certains respiraient encore. Ces récits m’ont marqué et j’ai voulu rendre hommage à tous ces gens et raconter leur histoire », explique Pétia - diminutif de son vrai prénom, Piotr. Le personnage principal du spectacle est en partie autobiographique. Pétia a visité la France pour la première fois en 1988, lors de sa tournée avec le théâtre tsigane Romen de Moscou. Un an plus tard, il fut invité personnellement et revint tenter sa chance dans les cabarets

Les Français du groupe de Pétia pendant une répétition de danses tsiganes pour le spectacle donné début février à Paris.

parisiens. Le tout-Paris russe l’accueillit à bras ouverts et l’accepta comme l’un des leurs. L’homme était doué d’un talent inouï, capable de faire son numéro de danse sur une simple planche tout en chantant tsigane. Les Parisiens se souviennent encore du restaurant russe « Balalaïka », rue de la MontagneS a i n t e - G e n e v i è ve , o ù s e produisait le trio « Arbat » dont Pétia faisait partie à l’époque. En 1994, Pétia obtient la nationalité française ; il crée l’association Romano Atmo et devient professeur de danse tsigane. « Mais le théâtre ne m’a jamais

quitté, j’ai tout appris sur les planches et il reste essentiel : c’est ma vie. C’est pour cela que je continue à monter des spectacles avec la participation de mes élèves », raconte Pétia.

Ce Tsigane de Donetsk

Piotr est né à Donetsk et a grandi dans une famille de neuf enfants dans la campagne profonde. Il a perdu sa mère peu avant de terminer l’école. Il se souvient de ce jour où sa sœur, qui était partie à Moscou, lui envoya une annonce découpée dans un journal : « Théâtre Romen cherche jeunes danseurs ».

« Alors, je me suis rendu jusqu’au pré où mon père gardait les vaches pour lui demander l’autorisation d’aller passer le concours, se remémore Pétia. Mon père répondit en serrant les dents : « Vas-y, fils ! ». Je lui serai reconnaissant toute ma vie. Le lendemain, ma petite sœur Ninotchka m’accompagna à pied dans la rosée du matin. Six km jusqu’au bus qui m’amena à la gare pour Moscou. Mes seules chaussures de ville, je les portais à la main pour ne pas les abîmer. Avant le départ, elle me dit : « N’oublie pas. Tu dois devenir un vrai artiste ». Com-

ment pourrais-je oublier ça ? ». Pétia Iourtchenko a sa propre vision de la danse. « La danse, ce n’est pas seulement la technique, tu y laisses entrer ta vie, ton histoire. La culture tsigane s’est beaucoup imprégnée des peuples parmi lesquels vivaient les tribus. Je suis parfois épaté par mes élèves français qui viennent sans aucune idée de ce que sont les Tsiganes russes et avec le temps finissent par penser comme moi. Je les admire, j’ai une troupe formidable. Je suis certain que ce qui attire les Français, c’est ce côté romantique, la philosophie même de

Cécile, danseuse de modernjazz, a vu Pétia danser pour la première fois dans un restaurant. Ce fut le coup de foudre. L’une des solistes de Romano Atmo, elle raconte : « J’ai décidé d’essayer. Un an plus tard, j’étais du spectacle. Mon mari, qui n’avait jamais fait de danse, a été conquis aussi par les mouvements si masculins. Puis notre fils de huit ans, Roman, s’est joint à nous, et notre fille Milla, qui a assisté aux répétitions depuis sa naissance, a commencé à danser à cinq ans. Notre fils aîné, Alexandre, n’avait plus d’autre choix que de nous rejoindre ». Maria, une Parisienne d’origine russe, fait partie de la troupe depuis sept ans déjà. Elle n’a pas résisté à l’envie d’inscrire sa fille de douze ans au cours de danse tsigane : « Pétia a cette capacité de tirer le meilleur de vous, ce que souvent vous-même ne discernez pas. Il voit la beauté de la femme, là où elle est difficile à déceler, s’extasie Maria. Et la femme commence à sentir cette beauté et à l’exprimer. Regardezmoi ces Français, il en a fait une vrai tribu de Tsiganes ! »

Boulangerie D’habiles hommes d’affaires ont flairé le potentiel de la capitale et ouvert des dizaines d’établissements profitables

Moscou régale les amateurs de bon pain à la française Nos collègues, les journalistes étrangers qui viennent travailler dans la capitale russe, nous posent souvent la même question : où acheter du bon pain à Moscou ? À la recherche de la réponse, La Russie d’Aujourd’hui a visité plusieurs des boulangeries les plus populaires de la ville.

PAUL

Antonio Fragoso (5)

Les boulangeries Paul n’ont ouvert en Russie qu’au début de 2012. Pour le moment, la célèbre

maison française se contente de ses deux établissements à Moscou, sans projet de se développer ailleurs. Tous les pains vendus chez Paul sont faits à base de farine directement importée de France. « Seuls ces deux pains sont faits à base de farine russe, raconte la responsable de vente, jeune fille blonde en toque blanche, le pain de seigle (1,50 euro) et le nareznoï (1,25 euro) ». La maison Paul vient d’introduire des pains bio dans sa gamme et les nouveautés partent très vite. Les prix sont à peu près les mêmes que dans les boulangeries Paul en France.

Volkonski

Les boulangeries Volkonski font partie de la Maison Eric Kayser. Outre les banalités comme la

Il existe ici « le pain du jour » qui n’est préparé qu’une fois par semaine. Par exemple, le mercredi, c’est le pain au chèvre et aux tomates.

deuse. Les prix sont abordables : le pain de seigle à la coriandre coûte 1,75 euro et le petit pain aux fruits secs, 0,60 euro.

Khleb &Co (Pain &Co)

Le réseau de boulangeries Хлеб &Co (ou X&Co) du restaurateur russe Stepan Mikhalkov existe en Russie depuis 2008. Les boulangeries X&Co proposent quelque quarante types de pains

Madame Boulanger

Ce petit établissement situé sur le boulevard Nikitski est un des rares exemples d’une boulangerie artisanale unique, qui ne fait pas partie des réseaux de boulangeries. Elle est connue non seulement pour son intérieur extravagant et ses murs

Boulka (petit pain) flûte ou la chiabatta, Volkonski propose des baguettes Monge, complètes ou aux céréales, ou encore des pains traditionnels russes en version française comme la baguette paline à la farine de sarrasin. Le seul bémol est le prix trop élevé des différents pains. Par exemple, une baranka (spécialité russe, petit pain en forme d’anneau à base de farine de blé et de sucre, saupoudré de graines de pavot) coûte 2 euros.

Chroniques arctiques Pour en savoir plus, consultez notre rubrique Tourizme

Dans cette boulangerie, deux longs rayons sont remplis de pains de toutes sortes. « Celui du haut du rayon, ce sont les pains à base de levure, et au-dessous,

les pains fabriqués à base de levain naturel », explique la ven-

faits de différentes farines à des prix allant d’un à sept euros 50. Pourtant, leur point fort est la gamme de pains et de pâtisseries traditionnels russes. Ici, on trouve le fameux kalatch (un pain blanc tressé en forme de cadenas) ou encore des karavaï (un pain rituel rond orné de figurines en pâte et qui se confectionne principalement pour les mariages).

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Préparé par Tatiana Chramtchenko

Rendez-vous le 20 mars 2013

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turquoise intense, mais aussi pour son grand choix de pains préparés par un jeune boulanger français selon des recettes françaises. Sur les rayons, sont proposés la baguette de farine de sarrasin (1,90 euro), le pain au levain aux noisettes et aux fruits secs (4,50 euros) et le pain aux olives (3 euros).

Service de publicité sales@rbth.ru tél. +7 (495) 775 31 14


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