Produit de Russia Beyond the Headlines
Distribué avec
Grande rétrospective Serge Poliakoff Au Musée d’art moderne de Paris : 150 toiles du peintre abstrait franco-russe. P. 7
La « Semaine du cinéma russe » Des films pour tous publics lors de la onzième édition dans trois salles parisiennes, du 13 au 19 novembre.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 8
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 16 octobre 2013
Société Un dialogue prometteur s’est ouvert entre les autorités du Daguestan, la société civile, les islamistes modérés et les ONG
Caucase : la main tendue aux bonnes âmes Le Daguestan est actuellement la région la plus troublée du Caucase Nord. Pour endiguer la violence et les problèmes sociaux, les autorités recherchent la coopération sur le terrain.
Les demandes de la population sont avant tout d’ordre social : défense des droits des femmes et infrastructures.
PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le Daguestan a mauvaise presse à Moscou, plus encore que sa voisine la Tchétchénie. Le flot de nouvelles s’apparente à une litanie d’assassinats de policiers et de représailles sanglantes contre les terroristes. Or, derrière ce rideau de fumée, des signes d’évolution positive émergent, qui ne sont remarqués ni par les médias russes, ni par la presse internationale. Le gouvernement de la république a enfin engagé un dialogue avec la société civile et les islamistes modérés. La presse locale est plus libre que dans bien d’autres régions russes, avec au moins quatre titres indépendants n’hésitant pas à critiquer le pouvoir. Enfin, les ONG (Organisations non gouvernementales) travaillent dans de meilleures conditions, malgré la récente loi dite des « agents étrangers », qui complique leur financement. SUITE EN PAGE 3
MAX AVDEEV
Témoignage Une famille syrienne réfugiée en Russie raconte
Une vie à refaire loin de la guerre civile
MIKHAIL SINITSYN
La famille Rachid a émigré à Moscou où elle loue un appartement.
Dès que la guerre civile a embrasé la Syrie, des milliers de familles ont dû fuir pour survivre, et la situation perdure. Rencontre avec l’une de celles qui ont trouvé refuge en Russie. MOUNZER HALLOUM LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La famille de Yarob est arrivée à Moscou à la fin du mois de janvier. Aujourd’hui, elle vit dans un appartement que leur a trouvé son frère et les enfants vont à l’école, mais les souvenirs pé-
nibles restent vifs.Yarob, 39 ans, se souvient qu’au début des troubles, les gens n’hésitaient pas à descendre dans la rue pour participer à des manifestations qui ressemblaient à des fêtes. On y emmenait les enfants, les manifestants ne craignaient pas les arrestations, qui n’étaient pas encore à l’odre du jour. Et puis... Yarob lui-même n’a « pas remarqué comment un jour, subitement, on ne sait pourquoi et comment, des armes sont apparues dans l’un de ces rassem-
blements. On nous a expliqué que c’était pour la protection des civils. Personne n’a été tué ou arrêté dans notre village jusqu’à ce qu’une moto piégée explose près du poste de contrôle à l’entrée d’Al-Skelbia (20 000 habitants chrétiens). Après cela, l’armée a installé un camp près de notre village ». Inopinément, les combattants issus des Frères musulmans ont commencé à tirer jour après jour en direction du camp militaire. Ils ignoraient les demandes des habitants de ne pas utiliser leurs maisons pour mitrailler l’armée. « Un jour j’étais dans ma pharmacie et un homme armé est entré. Je lui ai dit : vous dites que vous avez pris les armes pour protéger les civils, mais alors pourquoi nous utilisez-vous comme boucliers vivants : vous tirez à partir de maisons dans lesquelles vivent des gens ? Bien sûr, il ne m’a rien répondu. Mais le lendemain, une fusillade a éclaté entre l’armée et les combattants et un enfant de trois ans a été tué. C’était la première victime civile », raconte le pharmacien qui a quitté son pays. SUITE EN PAGE 2
L’Ukraine à l’Ouest ?
La vie des détenues
La signature prochaine et probable d’un accord d’association entre Kiev et Bruxelles inquiète Moscou, qui ne ménage pas ses efforts pour regagner son influence perdue.
Reportage dans une prison pour femmes. La grève de la faim d’une militante Pussy Riot incarcérée a stigmatisé la nécessité d’humaniser le système pénitentiaire russe.
PAGES 2 et 6
PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO
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L’art se heurte à la politique dans une galerie de Saint-Pétersbourg
La vibrante Russie racontée autrement ! larussiedaujourdhui.fr/art Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire sur www.subscribe.larussiedaujourdhui.fr/subscribe et recevez des nouvelles de Russie directement dans votre boîte mail !
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO
Politique & Société
Des réfugiés syriens témoignent SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
L’épouse de Yarob Suzanna se mêle à la conversation : « Il y avait une pièce dans notre maison que nous utilisions comme refuge. Nous avons été obligés de quitter la maison et une semaine plus tard, un obus est tombé précisément sur cette pièce. Mais là où nous avons fui la guerre, la guerre nous a rattrapés ».Yarob et sa famille ont d’abord loué un appartement dans une région plus sûre, puis ont déménagé à Al-Skelbia. Yarob se rappelle ce qui est arrivé à leurs amis et proches : « Deux amis se sont disputés, l’un était dans l’Armée libre, l’autre dans l’armée régulière. Résultat : celui de l’armée régulière a tué celui de l’Armée libre. Le frère du meurtrier soutenait l’Armée libre en lui versant 4 500 d’euros par mois ». Par la suite, raconte Suzanna, la maison de ce frère, sa laiterie, la maison de son fils et quelques boutiques ont été brûlées, comme cinq autres maisons de ses parents les plus proches. « La maison de mon oncle qui n’y était pour rien dans cette histoire a été incendiée. Et le magasin aussi. Puis la maison de ma tante, et la pharmacie ». C’était l’une des plus grandes pharmacies du district de Hama, avec un stock de 225 000 euros rien qu’en alimentation pour enfants. Le propriétaire a proposé 52 500 d’euros pour sauver son commerce. On lui a pris l’argent, mais la pharmacie a quand même été incendiée. Après cet incident, les habitants de la ville ont décidé de faire grève et ont fermé toutes les pharmacies pour une jour-
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née. « Moi aussi j’ai fermé boutique, mais on m’a prévenu : si tu ne l’ouvres pas, elle sera incendiée », raconte Yarob. C’est ce qui s’est passé avec les autres pharmacies, contre lesquelles des grenades ont été lancées. La situation empirait. Trois fois la maison des Rachid a été touchée par des obus, avant qu’ils ne quittent le pays, et deux fois après leur départ pour la Russie. « Ça tirait tout le temps », se souvient Suzanna.
En regardant son deuxième fils, elle se rappelle qu’avant la guerre, il se rendait tout seul chez son grand-père, même quand il faisait déjà nuit. Maintenant, il a peur d’aller aux toilettes sans se faire accompagner. Quand un feu d’artifice a détonné à Moscou à l’occasion d’une fête, les enfants ont cru que la guerre recommençait. La famille Rachid n’est pas la seule à avoir décidé de fuir : « Près de 65% des habitants ont quitté notre quartier, en direction de la Turquie ou d’ailleurs en Syrie. Beaucoup d’entre eux n’avaient ni passeport, ni argent ». Tout a disparu dans la ville natale deYarob : nourriture, eau, électricité. Suzanna s’est mise à fabriquer du pain à la maison, mais la farine est devenue hors de prix. « Il est arrivé que nous passions trois jours sans manger une miette. Il faisait très froid l’hiver. Une fois, une fusillade violente a éclaté. Nous nous sommes cachés dans le couloir, assis sur le sol en pierre. Nous étions gelés mais il était impossible d’aller chercher des vêtements chauds car les balles n’arrêtaient pas de fuser à travers les fenêtres », raconte Suzanna. En dépit des épreuves, l’un de ses fils garde la nostalgie de son enfance en Syrie : « Je ne connais personne ici… Mes amis Ibrahim, Mahmoud, Rachid me manquent... ». « Moi, tonton et grand-père me manquent », lâche son frère cadet. Yarob secoue la tête : « Le plus important pour moi maintenant est d’obtenir un permis de travail. Comment vivre sans travail ? Mais notre situation est tout de même mille fois meilleure que celle des autres ».
International Le rapprochement entre Kiev et Bruxelles sanctionne une perte d’influence russe sur le pays voisin
Le Kremlin n’a pas su convaincre le pouvoir ukrainien de rester dans l’orbite russe, alors que Moscou et Bruxelles rivalisent pour élargir leurs zones d’influence. IOULIA KOUDINOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Ces dernières semaines, le Kremlin a multiplié les déclarations priant l’Ukraine de reconsidérer son intention de signer un accord d’association avec l’Union européenne. Moscou s’efforce de mettre en place un projet concurrent à l’UE baptisé l’Union eurasiatique, dont la première étape est une Union douanière à laquelle participent déjà le Belarus et le Kazakhstan. Le 10 septembre, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a prévenu que si l’accord d’association avec l’UE était signé début novembre, « il ne doit y avoir aucune illusion… pour nos partenaires ukrainiens, l’entrée dans l’Union douanière sera fermée ». L’enjeu est aussi bien économique que géostratégique. Les économies russe et ukrainienne sont fortement interdépendantes. La majeure partie de l’industrie ma-
nufacturière ukrainienne est tournée vers le marché russe (aéronautique, nucléaire, construction navale, machines outils, tubes d’acier), tandis que l’industrie chimique ukrainienne et la population sont de très gros consommateurs de gaz russe. De son côté, Moscou est moins dépendant des liens traditionnels avec l’Ukraine, mais ses secteurs stratégiques (aéronautique, spatial et nucléaire) vont connaître une profonde restructuration si l’Ukraine poursuit son intégration avec l’Europe. Malgré le risque pour ses secteurs de haute technologie, déjà fragilisés, le pouvoir ukrainien a, lui, mis le cap sur l’intégration européenne depuis 2005 et ce, quel que soit le gouvernement. Le président actuelViktorYanoukovitch, souvent perçu comme pro-russe en Europe, a maintes dois déclaré que son but ultime était de faire partie à part entière de l’Union européenne. « Les médias occidentaux nous ont qualifiés de pro-russes », déclarait le 10 octobre le Premier ministre ukrainien Nikolaï Azarov en parlant de lui-même et du président. « Il s’agit d’un ma-
REUTERS
Moscou s’inquiète de voir l’Ukraine prendre le large
V. Yanoukovitch et H. Van Rompuy (président du Conseil européen).
L’Ukraine penche depuis toujours pour un accord d’association avec l’Union européenne, alors que la Russie lui propose de rejoindre l’Union eurasiatique. L’enjeu est économique et géostratégique
lentendu. En réalité, nous avons toujours été pro-Ukraine, et nous estimons que notre pays doit adopter les normes européennes pour se développer ». D’un autre côté, Azarov souligne « qu’en aucun cas l’Ukraine ne cherche à s’éloigner de la Russie. Il y a des difficultés temporaires, mais il est impossible de fâcher pour de bon la Russie et l’Ukraine ». Le principal sujet de fâcherie entre les deux pays, le prix du
gaz, ne devrait pas connaître de résolution rapide. Moscou a proposé à Kiev de diviser le tarif par deux en l’échange d’une cession de 50% du système de gazoduc ukrainien à Gazprom et de l’intégration de Kiev dans l’Union douanière dominée par Moscou. L’Ukraine refuse, y voyant le sacrifice de son indépendance. « Nous payons notre gaz russe beaucoup plus cher que l’Allemagne, malgré notre proximité immédiate avec la Russie, se plaint Azarov, qui se dit prêt à réduire à zéro l’achat de gaz à Gazprom ». Pour le politologueVadim Karassev, la position d’Azarov consistant à minimiser le différend avec Moscou « revient à couper l’herbe sous le pied du Kremlin, car cela prive Vladimir Poutine d’arguments ». En terme de calendrier, l’expert estime « qu’il n’y aura pas de crise sérieuse entre les deux pays au moins jusqu’aux Jeux Olympiques de Sotchi », car le Kremlin ne veut pas donner du pays une mauvaise image alors que la Russie est sous les projecteurs du monde entier. En revanche, les experts s’accordent pour prévoir une remontée de la tension entre 2015 et 2017. « 2015 est l’année des élections présidentielles en Ukraine, souligne le politologueVladimir Fessenko, Poutine sera tenté de peser sur le choix des Ukrainiens, bien qu’il ne dispose pas de relais sérieux à l’intérieur du pays ».
EN BREF Le lait lituanien déborde sur les enjeux politiques Le Service fédéral des douanes russe vient de lever le régime renforcé de contrôle douanier à la frontière russo-lituanienne, conformément à une directive du président russe Vladimir Poutine. Par contre, l’interdiction d’importer en Russie des produits laitiers lituaniens demeure. L’Union européenne a réagi immédiatement à cette annonce par le biais de la Commission européenne, qui a déclaré que les produits alimentaires lituaniens étaient de haute qualité et que la Russie n’avait fourni aucune preuve du contraire. Pour Bruxelles, il s’agirait donc d’une confrontation politique entre la Russie et la Lituanie dans le contexte du prochain sommet du Partenariat oriental à Vilnius, qui devrait marquer un rapprochement entre l’UE et certains pays post-soviétiques.
L’avion de chasse Su-35S vole en attendant le T-50
SERVICE DE PRESSE
Les essais du Soukhoï T-50 (ou PAK FA), chasseur russe de cinquième génération, se poursuivent avec succès, sa mise en service étant prévue au-delà de 2017. En attendant, l’armée russe se dote du Su-35S, avion de chasse polyvalent. Cet avion, de quatrième génération, constitue une sorte de prototype du T-50 : les nouvelles technologies élaborées par les ingénieurs russes à destination de ce dernier ont été d’abord testées et intégrées dans le Su35S. Au moment du lancement de la production en série, presque toutes les caractéristiques de ce chasseur, outre la furtivité, correspondaient donc aux exigences de la cinquième génération.
Les autorités en guerre contre les sites suicidaires
ALAMY/LEGION MEDIA
Les autorités russes ont fermé au cours de l’année dernière presque 2 414 pages Web décrivant des méthodes de suicide ou faisant l’apologie du suicide auprès des internautes. Les sites de ce type sont assimilés à des mouvements sectaires et accusés d’attiser la curiosité suscitée par des événements funestes, disposition inhérente à la nature humaine. De tels contenus sur la Toile apparaissent le plus souvent sur les pages des réseaux sociaux.
LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DE SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)
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Société
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Système pénitentiaire Reportage dans une prison pour femmes
M.OBRAZKOVA, L.NAZDRATCHEVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Fin septembre, Nadejda Tolokonnikova, l’une des Pussy Riot, a publié une lettre ouverte dans laquelle elle dénonçait le harcèlement dont sont victimes les femmes détenues dans la colonie pénitentiaire de Mordovie, réputée particulièrement dure, où elle purge sa peine. Elle disait aussi avoir reçu des menaces de la part de la direction du camp. De son côté, l’administration pénitentiaire dément toute menace à l’égard de la jeune femme, qui a entamé une grève de la faim, et assure que les conditions de détention de la colonie de Mordovie ne diffèrent pas de celles des autres camps de travail russes. Suite à la plainte de la Pussy Riot, le Conseil des droits de l’homme auprès du Président de la Fédération de Russie a lancé une procédure de vérification. La Russie d’Aujourd’hui s’est rendue dans l’un de ces centres de détention pour femmes, dans la région d’Ivanovo. Derrière l’immense clôture en fer de la colonie pénitentiaire pour femmes, trois bergers allemands aboient férocement, prêts à se jeter sur leur proie. Les femmes s’arrêtent, sans broncher. Une clôture sépare les baraquements des ateliers de couture. « On ouvre les sacs, et vite ! », crie la gardienne.
Les femmes s’exécutent. Elles ouvrent des sacs en plastique contenant une paire de chaussures de rechange et une blouse d’atelier. La surveillante s’approche et examine le sac de chacune d’elles. Une procédure obligatoire, à laquelle les femmes de la colonie doivent se soumettre deux fois par jour : le matin, lorsqu’elles se rendent à l’atelier, et le soir, pour rentrer dans leur cellule. « C’est pour qu’elles ne rapportent rien de l’atelier de couture, explique la surveillante. Les femmes sont pires que les hommes. Elles rapportent des outils et s’en servent ensuite pour attaquer leurs co-détenues ». Pourtant, les attaques entre détenues sont plutôt rares. Sur les murs des cellules, des chiffons sales sont étendus. Dans le long couloir, des bassines de linge à tremper jonchent le sol crissant sous les semelles. « Qu’estce que ça fout là ?, hurle la gardienne. Vous irez à l’isolement pour manque d’hygiène ! » Une jeune femme saute de son lit et bondit dans le couloir pour récupérer une bassine et la faire glisser sous le sommier. Une autre se précipite dehors vers le conduit d’eau pour rincer le linge d’une deuxième bassine. Le décor rappelle les dortoirs universitaires soviétiques pour jeunes filles où, chaque année, des travaux étaient entrepris, mais où l’humidité revenait à nouveau sur les murs quelques mois plus tard et où les parquets pourrissaient tout aussi rapidement. Tout le monde doit travailler à l’atelier de couture, sans ex-
ception. Sur une table à l’écart, des tsiganes se serrent les unes contre les autres. On ne confie pas de machines à coudre aux détenues. Réduites à ne manier que les ciseaux, celles-ci coupent méthodiquement, sur chaque pièce, les fils à coudre qui dépassent. Elles sont quasiment toutes ici pour trafic de drogue. Ces dernières années, leur nombre n’a fait que croître. Toutes les femmes du camp sont vêtues d’une jupe bleue qui tombe sous les genoux et d’une veste informe, ainsi qu’un large foulard blanc qui recouvre leurs cheveux. Dans la colonie d’Ivanovo, toutes les femmes se ressemblent. Seule la jeune Alina, 20 ans, ressort du lot. Son foulard laisse passer ses mèches en « dreadlocks » (rastas). Son nez et son arcade sourcilière portent encore la marque de ses pier-
Au total la Russie compterait près de 58 000 femmes en détention.
cings, souvenirs d’une vie antérieure libre : Alina, inconditionnelle fêtarde, connue de tous les concerts de rocks et discothèques techno. « Jamais je n’aurais cru me retrouver un jour ici », reconnaît la jeune femme. « Dans les baraquements, il fait froid. Mais le pire, c’est qu’il y a des bandes ici et que tu dois te montrer sûre de toi si tu veux survivre. Ces groupes de femmes coopèrent avec l’administration. C’est plus facile de faire régner l’ordre ainsi ». Auparavant, Alina étudiait la
Le trafic de drogue est à l’origine de quasiment toutes les incarcérations de jeunes femmes « Le pire, ce sont les bandes [de détenues]. Tu dois te montrer sûre de toi si tu veux survivre »
chimie à l’université et passait son temps libre dans les discothèques, où elle vendait des drogues douces. Elle a été condamnée à trois ans d’incarcération. « Les six premiers mois, j’étais tout le temps sur le qui-vive. Maintenant, on me laisse plus ou moins tranquille », avoue-telle. Au total, selon les données rapportées par Maria Kannabikh, présidente de la Fondation caritative interrégionale pour l’aide aux prisonniers, la Russie compterait près de 58 000 femmes en détention.
On travaille dans un tiers des prisons elles », précise-t-elle. Selon un expert, les prisonniers peuvent travailler 10 ou 11 heures par jour, mais reçoivent en échange un salaire qui équivaut à celui d’un employé du système pénitentiaire. « J’en ai parlé avec eux : ils disent recevoir environ 150 euros, soit à peu près ce que touche un employé de cantine. Cela dit, le prisonnier n’étant pas une personne libre, il lui reste difficile de vérifier l’exactitude de ces témoignages ». Plusieurs reportages récents ont révélé qu’en réalité, les détenus ne sont pas rémunérés.
Présidente de la Fondation caritative interrégionale pour l’aide aux prisonniers, organisme à but non lucratif, et membre de la Chambre civile de la Fédération de Russie, Maria Kannabikh admet l’existence de problèmes dans les colonies pénitentiaires. « Bien sûr, Nadejda (Tolokonnikova, ndrl) a raison lorsqu’elle dit que le système pénitentiaire doit s’améliorer. Dans de nombreux camps, les prisonniers travaillent plus de 8 heures par jour. Mais seules un tiers des colonies proposent un travail. Et elles sont en concurrence entre
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La grève de la faim d’une contestataire a braqué les projecteurs sur les conditions de détention des femmes et sensibilisé les autorités sur la nécessité de les « humaniser ».
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Le bruit autour de la vie des détenues franchit les barreaux
Caucase : la main tendue aux bonnes âmes IL L’A DIT
Le sociologue Z.Abdoulagatov
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La situation sociale est à la source de tous nos problèmes. En montagne, le chômage frappe 60% de la population. Si notre société civile est quasi inexistante, c’est que la population n’a pas foi dans les institutions. Les gens estiment que les autorités ne respectent pas la loi. Plus de 50% des gens ne font pas confiance à la police. Or, le salaire d’un policier est le triple de celui d’un professeur d’université. »
Les populations montagnardes sont les plus paupérisées.
russe est naturellement devenu la lingua franca de la république, qui ne compte plus que 4% de Russes au sens ethnique du terme. Depuis les années 90, une autre ligne de division explosive est apparue avec l’intrusion du salafisme, importé du ProcheOrient. Armes en main, les salafistes mènent une guerre de basse intensité à la fois contre l’islam soufi traditionnel du Caucase et contre le gouvernement de la république, fidèle à Moscou. « Malheureusement, le salafisme a de l’avenir, car il est très populaire parmi les jeunes », s’alarme Zaïd Abdoulagatov, sociologue à l’Académie des Sciences. « Les rai-
sons sont plus sociales que religieuses, mais les prêcheurs salafistes font une propagande très efficace qui exploite le mécontentement ». « Le pouvoir a longtemps eu une politique consistant à séparer les ONG loyales des autres, considérées comme des ennemies, note Yunousov. Depuis que le gouvernement a créé un conseil de coordination des ONG, les choses se sont arrangées et un véritable dialogue s’est engagé. Il n’y a désormais plus de barrière entre les ONG loyales et les autres ». « Tous sont représentés, et tous sont invités », renchérit Azizkhanov. « Même les
MAX AVDEEV
« Le pouvoir a multiplié les ponts avec la société civile ces dernières années », commente Alucet Azizkhanov, président de l’ONG « Nabat », qui vient en aide aux réfugiés et aux personnes déplacées. « Notre nouveau président [de la République, en fonction depuis janvier 2013, ndlr] Ramazan Abdoulatipov rencontre fréquemment les représentants de la société civile », se félicite cet activiste, qui est également directeur adjoint de la Chambre civique, qui regroupe les principales associations et ONG de la république du Daguestan. Le rôle de cet organisme est de faire l’interface avec le gouvernement daguestanais, qui héberge désormais plusieurs ONG et la Chambre civique dans un vaste bâtiment baptisé « Maison de l’Amitié » en plein cœur de Makhatchkala, la capitale régionale. Juste à côté du siège du gouvernement. Pour dialoguer plus aisément, mais peut-être aussi pour contrôler davantage. « Il est vraiment important pour les ONG de disposer d’une aide matérielle. Certaines ONG n’ont rigoureusement rien pour fonctionner, même pas de téléphone », note Abdourakhman Yunousov, directeur de l’ONG « Rakurs » et vétéran de la défense des droits de l’homme. « Les demandes de la société civile sont avant tout d’ordre so-
cial, assure Azizkhanov. Il faut résoudre la question du partage des terres entre les différentes composantes nationales de la république. Il faut aider les retraités, les populations montagnardes paupérisées par la dégradation des infrastructures. Nous luttons aussi contre la corruption, l’injustice sociale, l’extrémisme religieux, l’illettrisme et l’image négative du Daguestan créé par les médias fédéraux, en particulier la télévision ». Mais le problème le plus urgent, c’est de mettre fin à la violence qui ravage la république. Le rapport annuel de la Chambre Civique, publié le mois dernier, souligne l’importance d’associer la population aux efforts pour lutter contre le banditisme et le terrorisme. Le rapport critique vivement les structures de sécurité fédérales pour leur incapacité à communiquer sur leurs opérations, creusant le fossé avec la société civile. Diviser pour mieux régner est une stratégie vieille comme la politique. Mais appuyer sur les lignes de fracture est dangereux dans une république qui en compte davantage que les autres. Le Daguestan compte une trentaine d’ethnies différentes qui ont toujours eu du mal à se partager les terres. Le « grand frère » russe a su en jouer et s’est imposé comme arbitre incontesté, tandis que le
REUTERS
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Les produits à base d’or sont traditionnels dans la région.
Mères du Daguestan ! ». Cette ONG a fait couler beaucoup d’encre depuis sa création en 2007, car elle critiquait violemment les autorités, surtout les forces de sécurité accusées d’avoir enlevé et exécuté des dizaines de personnes : « Les Mères du Daguestan ont immédiatement gêné le pouvoir, qui n’y voyait que des veuves de combattants islamistes ». Aujourd’hui, cette ONG s’est séparée de ses membres radicaux et se concentre sur la défense des droits des femmes et des personnes incarcérées. Mais elle garde une dent contre le gouvernement. « Nous n’avons pas été invité au conseil de coordination [des ONG] », rectifie Svetlana Issaeva, présidente de Mères du Daguestan. « Les médias du pouvoir continuent de nous diffamer, la police continue de me harceler avec des convocations sans sanction judiciaire. Nos comptes sont épiés par le fisc et il nous est quasiment impossible d’obtenir des financements russes », se plaint-elle. Le label infamant d’« agent étranger » guette-t-il au tournant ? « Pour l’instant, nous avons réussit à l’éviter… parce que les comptes sont à sec », sourit Issaeva. Gêner le financement des ONG reste donc un outil sélectif du pouvoir. Certes, le Daguestan est en progrès, mais le chemin est encore long.
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Économie
Commerce du vêtement Recherche du bon marché de qualité dans le prêt-à-porter
Aviation Libéralisation du transport aérien
La clientèle russe suit les tendances européennes Le marché de l’habillement en Russie donne les premiers signes de saturation mais il reste des segments porteurs, comme celui des vêtements à bas prix.
Les grandes lignes du secteur en un coup d’œil
VICTOR KOUZMINE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Mon placard déborde, mais je n’ai rien à me mettre ». Ce leitmotiv de la femme russe caractérise assez bien la situation globale du marché vestimentaire en Russie. Les marques phares internationales sont omniprésentes, les centres commerciaux sont bondés mais un tiers des Russes continuent de s’habiller sur les marchés en plein air. Ces deux dernières années, le marché du prêt-à-porter a connu une croissance à deux chiffres et semble avoir atteint son point de saturation. Il est retombé à 2,3% de croissance seulement ces huit derniers mois. « Ce n’est pas encore la crise dont parlent avec effroi les distributeurs, mais nous sommes loin de la croissance connue jusqu’à maintenant. Une croissance de 2,3% marque indéniablement une stagnation du marché », constate Daria Ïadernaia, directrice exécutive de l’Esper Group, société de conseil dans l’industrie de la mode. Selon elle, les marques françaises à bas prix tardent à pénétrer le marché russe. Le secteur porteur est aujourd’hui celui du bon marché. Une grande partie de la population continue d’acheter ses vêtements sur les étals : 29% en tout (contre 37% en 2008), en raison d’un choix limité de tailles en magasin. Pour les grandes tailles, il existe les magasins spécialisés mais les prix sont souvent très élevés. Par ailleurs, les marchés proposent des contrefaçons et des imitations des grandes marques. Les consommateurs plus jeunes et plus intéressés vont glaner les vêtements à petit prix sur Internet. « J’achète quasiment tous mes vêtements en ligne aux États-Unis, profitant des soldes, des offres spéciales ou de ventes privées. Y compris des grandes marques comme Ralph Lauren. Il y a de bonnes affaires. Je me fais livrer par des services postaux, sans passer par la poste russe (qui met trop de temps). Pourquoi en ligne ? Les prix dans les magasins en Russie sont trop élevés et le service médiocre. Même les vêtements fabriqués en
La demande est en augmentation constante entre les deux capitales, surtout au départ de Moscou.
Vive concurrence sur la ligne Moscou-Paris Transaero et Aigle Azur entendent séduire une clientèle russe en pleine croissance. La concurrence fait rage sur un trajet historiquement dominé par Aeroflot et Air France. ETIENNE BOUCHE NATALIA MIKHAYLENKO
Chine reviennent à plus cher », se plaint Tatiana, 24 ans. Toutefois, l’achat en ligne ne peut pas entièrement remplacer le magasin pour la simple et bonne raison qu’un vêtement, il faut en général l’essayer. Or la concurrence en ligne a mis fin aux variations de prix, de 100 à 120% comme en 2009. Aujourd’hui, la différence de prix entre des marques de moyenne gamme et de haut de gamme ne dépasse pas 20-30% (ce qui s’explique par les frais de douane + la TVA de 18%), indique Daria Ïadernaïa. Ce qui freine véritablement la baisse des prix dans le segment des vêtements bon marché est surtout le coût des loyers commerciaux. Les centres commerciaux sont très sollicités et gonflent les prix ; beaucoup sont construits sans étude de marché préalable, sans garantie d’une clientèle suffisante, et le marché est soumis à une conjoncture instable. La plupart des détaillants se fient aux choix des marques étrangères. Si Zara ou H&M s’y installe, c’est un endroit rentable. Malgré tout, on remarque un essor des enseignes de vêtements à petits prix comme Oodji, Sela, Bershka, Stradivarius, Incity, River Island, NewYorker ou certaines marques russes comme Sportmaster. Cette année, l’alle-
La concurrence de la vente en ligne et la fidélité aux étals de marchés ont resserré les écarts de prix
Niches attractives
centres commerciaux d’une surface combinée de plus de 30 millions de mètres carrés, construits au cours des dix dernières années.
Croissance des secteurs du vêtement pour hommes et enfants et du vêtement de sport. Les dépenses des familles en vêtements pour enfants ont crû de 50% au cours de ces deux dernières années. Croissance de la vente en ligne. Les analystes évaluent ce marché en Russie à 6,1 milliards d’euros (soit 244,6 milliards de roubles). Consolidation du marché autour des grands groupes travaillant principalement dans le segment « marché de masse ».
mand Takko Fashion a fait son entrée sur le marché russe. La directrice marketing de Takko Fashion Russia,Veronika Goriatchaïa, prévoit un gros chiffre d’affaires. « Il existe certes des difficultés pour trouver du personnel qualifié, des problèmes d’infrastructure et de logistique, des lacunes technologiques, mais le marché russe est un bon choix, cela ne fait aucun doute. Le consommateur a très bien accueilli la marque Takko Fashion et nos ventes le confirment, raconte Veronika. La Russie est un marché immense avec une faible
concurrence par rapport à l’Europe. Les marques occidentales sont en train de le tester par le biais de franchises et beaucoup vont arriver ensuite pour se développer sur ce marché », explique-t-elle. Daria Ïadernaïa conclut : « Il y a cinq ans, les marques internationales avaient tendance à amener en Russie une sélection de moindre qualité. Aujourd’hui, avec la concurrence et Internet, ce n’est plus possible. Les prix se rapprochent tant que possible des prix européens et l’assortiment est le même ».
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Inergy enclenche la troisième
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START-UPS RUSSES Découvrez les présents et les absents ! larussiedaujourdhui.fr/startups
L’entreprise française « Inergy » va construire sa troisième usine russe, dédiée à la production de systèmes d’alimentation en carburant au sein du parc industriel « Marino » de Saint-Pétersbourg. « Nous prévoyons d’y produire des réservoirs d’essence en polymères, en particulier pour Ford et Nissan », indique Dmitri Kostek, directeur général de co-entreprise « Plastic Omnium Inergy ».
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Un signe que l’avion n’est plus tout à fait réservé aux fortunés : entre 2011 et 2012, l’Agence fédérale du transport aérien a relevé une hausse du nombre de passagers de 17,4%. En Russie, le transport aérien se porte bien, affichant un taux de croissance supérieur à la moyenne mondiale. Désormais plus mobile, le citoyen russe perçu comme appartenant à la fameuse « classe moyenne » devient une cible commerciale convoitée. Un an après avoir obtenu l’autorisation d’assurer une liaison entre Paris et Moscou – en vertu d’un accord intergouvernemental –, Transaero revendique quelque 78 000 passagers. Si ce premier bilan est jugé prometteur, la direction évalue surtout ses possibilités de développement : « La demande est en constante progression sur ce trajet », se réjouit son directeur adjoint, Dmitri Stoliarov. Jusqu’à juillet 2012, les vols directs reliant les capitales russe et française étaient uniquement assurés par les compagnies Aeroflot et Air France, réunies au sein de l’alliance SkyTeam. Transaero a obtenu son feu vert en signant un accord d’exploitation commune de cette ligne avec la compagnie française Aigle Azur. Cette autorisation a de fait mis fin à un monopole historique : tandis que les partenaires Aeroflot et Air France effectuent leurs vols de Roissy Charles-de-Gaulle et Moscou Cheremetievo, les compagnies nouvellement introduites transportent leurs passagers depuis les deux autres aéroports civils moscovites – Domodedovo et Vnoukovo – jusqu’à Paris-Orly. « Nous mettons nos forces en commun via un partage de codes afin de faire face à la concurrence, explique Fabrice Ebner, directeur commercial d’Aigle Azur. Ce partenariat nous permet à la fois de proposer plus de flexibilité dans les horaires, mais aussi d’établir un réseau de correspondances », précise-t-il. Ainsi, les passagers voyageant sur vol direct auront désormais la possibilité de choisir leur compagnie. La concurrence est ouverte. Pour autant, le tandem Transaero / Aigle Azur peut-il se mesurer aux prestigieuses Aeroflot et Air France ? « L’augmentation de la demande sur le trajet Moscou-Paris révèle que la fréquence
des vols est aujourd’hui est aujourd’hui insuffisante », juge Dmitri Stoliarov. Seulement, en l’état actuel, le développement des deux compagnies reste bridé par les conditions posées par l’accord intergouvernemental, qui leur ne permettent pas d’augmenter la fréquence de leurs rotations. Chacune d’elles assure aujourd’hui un vol quotidien, contre cinq pour Aeroflot et Air France. Dans ces conditions, Transaero entend miser sur l’amélioration de ses services. La compagnie prévoit notamment de lancer à bord de ses Boeing 737800 une nouvelle classe pour ce type d’avion, l’Impériale. « Les voyageurs friands de luxe et d’exclusivité pourront apprécier l’aménagement de cette classe, équipée de fauteuils cocons convertibles en lit », souligne M. Stoliarov. Un privilège aguicheur qui sera également proposé sur les moyens-cour-
Transaero mise sur l’amélioration de ses prestations et Aigle Azur, sur une meilleure notoriété en Russie Chacune des deux compagnies assure un vol quotidien contre cinq effectués par Aeroflot et Air France riers. Par ailleurs, la compagnie envisage, d’ici à la fin de l’année, de généraliser l’accès à Internet sur 30 de ses appareils. Deux formules tarifaires seront proposées : à l’heure ou illimité. La deuxième compagnie russe ne lésine pas : les passagers pourront également utiliser leur téléphone mobile. Autant d’appâts qui attireront, sans doute, les hommes d’affaires du Moscou-Paris. La compagnie Aigle Azur, qui a transporté 55 000 passagers sur sa ligne Orly-Vnoukovo, veut quant à elle pallier son manque de notoriété sur le marché russe, consciente que près des trois quarts de ses passagers sont de nationalité russe. Son prochain objectif : établir, dans les prochaines semaines, des correspondances sur le réseau domestique russe. Pour vous informer sur les dernières nouveautés de l’aviation d’affaires, consultez notre site. larussiedaujourdhui.fr/ 25853
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Économie
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Spiritueux La famille Hakobyan fait la promotion de l’eau-de-vie fine française à l’épicentre de sa production, mais aussi hors de France
Après Cognac, Moscou : un club pour amateurs de boisson noble des affaires sur le moment : ce serait pour les petits-enfants, c’est-à-dire pour moi », explique Hakob non sans fierté. Le grandpère est mort en 2000. En son honneur, la famille a commencé à fabriquer de l’eau-de-vie vendue aujourd’hui en Russie et dans quelques autres pays sous le nom de Frans. « Mais mon grand-père a toujours rêvé d’avoir quelque chose à Cognac, poursuit Hakob. Il n’a pas vécu pour voir son rêve réalisé, mais en 2006 mon père a trouvé le domaine de Châtenay et décidé de l’acheter ». Visite du rez-de-chaussée, ses salons, son restaurant et sa salle des fêtes baignée par le soleil, puis Hakob nous montre au deuxième étage le cœur du Domaine – le Cognac Club, où « 110 producteurs sont représentés » et où il « va en attirer encore autant d’ici un an ». En tout, les producteurs de cognac sont plus de 300 dans la région. Le Cognac Club, tout de bois et de velours, impressionne par la diversité des marques et des bouteilles exposées : des monstres sacrés comme Rémy Martin ou
Dans la foulée d’un Cognac Club à Cognac, Hakob Hakobyan projette d’en ouvrir un près de Moscou. Et d’offrir aux producteurs français une porte d’entrée sur le marché russe. MARIA AFONINA
Hakob Hakobyan, un jeune entrepreneur de 24 ans, est en pourparlers pour la création d’un Cognac Club dans la proche banlieue de Moscou. En 2014, les grandes marques de cognac, ainsi qu’une grande collection de whiskys et de vins français devraient être présentés dans l’ancienne maison d’un chef d’armée soviétique, qui a souvent accueilli Staline. Un tel club a ouvert ses portes cet été à Cognac même, au Domaine de Châtenay. C’est là, dans la propriété familiale, que Hakob, qui a fait des études financières à l’université de Londres, a consacré les deux dernières années à la création d’un lieu unique permettant de déguster et d’acheter tous les types de cognac sur le marché. Et c’est là qu’il nous reçoit. En déambulant dans les salles fraîchement restaurées du château, le jeune homme raconte qu’au début des années 1990, sa famille a racheté une exploitation vinicole à Erevan, en Arménie. « À l’époque, on ne fabriquait que du vin rouge, du vin blanc et des mousseux. Mon grand-père aimait beaucoup les cognacs français. En 1994, après la chute de l’URSS, il est venu à Cognac pour acheter un alambic charentais ». Et la famille Hakobyan a commencé à produire de l’eau-de-vie en Arménie. « Mon grand-père disait toujours que ce n’était pas pour faire
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Édifié au XVIème siècle, le château est le fief de Louis de Savoie. Il est ensuite passé dans la famille des Valois, dont le membre le plus connu est François Ier.
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Il y a cinq chambres d’hôtes au château. Chacune est décorée de façon originale et dans une gamme de couleurs différentes. Chaque chambre est parée d’une salle de bain au carrelage peint à la main en Arménie. Dans l’une d’elles, ce sont les portraits des rois de France qui ornent les murs. Les repreneurs « ont gardé l’esprit du château, en ajoutant de la modernité avec raffinement et élégance », explique Marianne Soupé, la propriétaire de la marque de cognac Sylvelune. Les vitraux représentant les anciens propriétaires du domaine ont été conservés et la chapelle accueille désormais des cérémonies de ma-
riage (la première depuis la réouverture a eu lieu fin septembre). Outre la France et la Russie, Hakob Hakobyan compte ouvrir des Cognac Clubs en Belgique, Grande-Bretagne, Suède, Suisse et Chine : « C’est un bon moyen pour les producteurs, surtout les moyens et les petits, d’entrer sur de nouveaux marchés, assez inaccessibles individuellement ». Sous les murs du château, des vignes. Mais on ne produit pas de cognac ici. Toute la production sert à la distillation d’une eau-de-vie conservée pour la descendance.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Hennessy à de petites entreprises familiales comme Hardy ou Frapin. Le gérant du club et ses assistants aident le visiteur à s’y retrouver. « Le Club Cognac dans le Château de Châtenay est une vitrine de qualité, cela ne peut que renforcer et véhiculer l’image de ce produit noble », dit Anne Coldebœuf, administrateur des ventes pour Cognac Frapin. Le Domaine de Châtenay a donc été repris en 2007 par le père de Hakob, Hrayr Hakobyan, un entrepreneur russe d’origine arménienne, qui travaille dans l’aviation, la pêche et le tourisme. Il a confié la direction du domaine à son fils. Restauré en quelques années, le château a ouvert ses portes aux touristes et amateurs de cognac il y a trois mois. « Ma famille a investi une somme importante, 5 millions d’euros, dans ce projet, mais en fait l’investissement est encore plus grand : ma mère et ma sœur vivent à Paris, mon autre sœur et moi vivons à Cognac depuis deux ans, et mon frère fait ici des études d’œnologue », explique le jeune homme d’affaires.
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FAITS SUR LE CHÂTEAU DE CHÂTENAY
Le château abrite un restaurant gastronomique, où travaille le chef Christophe Roumagne. La carte est renouvelée tous les quatre mois. Les légumes proviennent du potager du domaine.
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En juillet dernier, le château a accueilli 3 500 personnes lors de la dernière journée du festival Cognac Blues Passions. En 2014, il sera ouvert au public tous les jours de la manifestation.
SERVICE DE PRESSE
Innovation Un créateur caucasien vise l’international avec sa technique d’exploitation du matériau fourni par l’esturgeon et la truite
Dans une boutique de Nazran, en république d’Ingouchie (sud de la Russie), Akhmed Shadiev a installé un atelier de couture aux débouchés prometteurs. VLADIMIR EMELIANENKO ROUSSKI REPORTER
Le créateur a réussi l’audacieux pari de créer dans son coin du Caucase une ligne de vêtements en peau d’esturgeon et de truite destinée à une production mondiale. Aujourd’hui, la liste des origines de ses commandes est impressionnante : Chine, Allemagne, Canada, Israël, Espagne. Les peaux de poisson sont utilisées depuis toujours, même si elles s’usent aussi facilement qu’elle se tannent. Celles de l’esturgeon et de la truite sont si capricieuses et fragiles que leur exploitation n’avait jamais abouti. Jusqu’à aujourd’hui. Akhmed Shadlev le prouve pour la quatrième année consécutive, et les professionnels étrangers n’en re-
viennent pas. « Admirez », dit Galina Kotovitch, la femme d’Akhmed, en étirant avec une facilité déconcertante deux morceaux de peau d’esturgeon aux reflets dorés et argentés. Le cuir s’étire comme du tissu stretch. « La maison de haute couture française Hermès nous a proposé un contrat. Mais pour l’instant, je n’ai pas les moyens de les approvisionner en quantité nécessaire. Il faut que j’augmente ma production, explique Akhmed. J’ai réellement conçu un matériau du futur, fonctionnel et bon marché. Ceux qui l’ont vu l’ont immédiatement compris, même s’ils demandent des lots d’essai pour « expertise ». J’ai accepté dès la première demande. Des Français. Je n’ai qu’une condition : faites-en ce que vous voulez, mais vous avez obligation de spécifier le nom du fabricant, la société Shadi, Russie ». Spécialisé depuis ses jeunes années dans le cuir vestimen-
EUGENY KONDAKOV
Une peau de poisson tannée prête à porter
Svetlana Tsoï, créatrice de prêt-à-porter pour la maison Fish Skin.
La matière ressemble à la peau de serpent mais elle a l’avantage d’être quasiment imperméable
taire, ayant appris les secrets de la tannerie pendant ses vacances universitaires, Akhmed avait étudié à Volgograd le traitement de la peau de poisson, « un travail à la main, parce que les vêtements en cette matière sont très fragiles. À Volgograd, j’ai aussi découvert un procédé industriel
qui permet de donner à la peau de poisson une texture similaire à celle du tissu ». Le créateur a mis au point 27 moyens de fabrication industrielle des peaux de poisson, dont deux d’entre elles, l’esturgeon et la truite, répondent pour la première fois aux normes étatiques russes, GOST : elles possèdent toutes les propriétés d’un tissu standard de par l’épaisseur et la thermostabilité, la fixation des couleurs résistant au lavage et au nettoyage à sec. En apparence, la matière ressemble à une peau de serpent, mais bénéficiant des propriétés du poisson, elle est quasiment imperméable. « Vous imaginez que nous tenons dans nos mains la matière du futur ? s’exclame Akhmed. Si le cuir de vache, dont le coût de traitement est colossal, n’en contient au final que 16 à 18%, la peau de poisson est quasiment pure, la teneur pouvant monter jusqu’à 90% ».
Lorsque que Shadiev a proposé à la ville de Nazran de faire construire entre 130 et 135 usines de traitement de peaux de poisson, on a cessé de le qualifier de « barjo ». Mais les représentants et investisseurs potentiels se font discrets. « La raison, c’est que les autorités locales ne sont pas en mesure d’évaluer l’ampleur de sa découverte ni les perspectives de ce business lucratif », estime Svetlana Tsoï, créatrice de prêt-àporter pour la maison Fish Skin, célèbre en Russie et à l’étranger et qui participe régulièrement à la Fashion Week de Paris et de New York. Pour l’heure, le précurseur du Caucase tient bon et continue d’espérer qu’un jour, la marque « cuir ingouche » portera haut dans le monde les couleurs de la Russie. Article original publié sur le site de Rousski Reporter
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Opinions
EXCEPTION ET MULTIPOLARITÉ Dmitri Souslov POLITOLOGUE
L
ALEXEY IORSH
L’UKRAINE DANS LE CAMP EUROPÉEN ? Andreï Okara POLITOLOGUE
un mois du sommet qui se tiendra en novembre àVilnius et au cours duquel l’Ukraine signera probablement un accord de libreéchange avec l’Union européenne, chaque journée apporte son lot de « surprises » dans les relations entre Moscou et Kiev. À travers des initiatives tantôt douces, tantôt musclées, les dirigeants russes visent à faire comprendre à l’Ukraine que sa place est dans l’Union douanière et dans un futur proche au sein de l’Union eurasienne, et non pas dans l’Union européenne. Les chaînes de télévision russes brandissent la menace d’un effondrement économique, d’une dévaluation de la hryvnia et de la désintégration du pays. En Ukraine cependant, cette vision apocalyptique est accueillie avec ironie. À Kiev, même les eurosceptiques voient dans cet accord avec l’UE un mécanisme politique pouvant permettre de limiter le poids du Kremlin dans ses relations avec l’Ukraine. L’intérêt politique de Moscou est évident : sans l’Ukraine, la Russie n’a jamais été et, semble-t-il, ne pourra jamais être un empire. Pour l’empire russe comme pour l’Union soviétique, l’Ukraine constituait en effet une « masse critique » politique, économique et humaine.
À
L’intégration au sein de l’Union européenne apparaît bien plus prometteuse que la perspective de rejoindre l’Union eurasienne pour les élites politiques comme pour les forces d’opposition ukrainiennes et de larges couches de la société. Le pouvoir ukrainien comme les oligarques redoutent l’Union douanière et l’Union eurasienne, estimant que ces initiatives visent à les livrer pieds et poings liés au grand « business » russe. L’opposition ukrainienne est depuis déjà longtemps active dans la défense et la promotion des valeurs européennes. La plus grande force de l’UE réside dans la séduction de ses valeurs proclamées : droits de l’homme, priorité accordée à l’individu, garantie du respect de la propriété privée, élections libres et alternance politique. Les valeurs de l’Union douanière s’avèrent problématiques. Le principal argument avancé par les promoteurs ukrainiens de l’intégration eurasiatique est la perspective de prix réduits pour les importations de gaz et de pétrole. Des idéologues de l’Union eurasienne estiment que l’orthodoxie et les racines slaves partagées par la Russie, l’Ukraine et le Belarus constituent les principales fondations idéologiques de ces projets d’intégration. Toutefois, le Kazakhstan, membre influent de cette union, se rattache à d’autres traditions culturelles et religieuses (l’islam).
Quant à tous ceux qui estiment que l’héritage de l’appartenance à l’Union soviétique devrait former la base commune de l’Union douanière et de l’Union eurasienne, ils se bercent d’illusions sur la manière dont cet héritage
Seul l’emprisonnement de Youlia Timotchenko constitue un obstacle sur la voie de l’intégration au sein de l’UE
Le débat sur les valeurs partagées ne penche pas en faveur de l’Union douanière ou de l’Union eurasienne est perçu dans l’espace postsoviétique. Les têtes pensantes à l’origine de la création de l’Union douanière et de l’Union eurasienne n’ont formulé aucun projet spécifique en termes de valeurs, d’où le peu d’enthousiasme des élites et de la population du pays pour l’intégration au sein de ces entités. La voie de l’intégration au sein de l’Union européenne en faveur de laquelle ont pris position le PrésidentViktorYanoukovitch et son entourage proche fragilise
l’autorité morale de l’opposition. Si, par le passé, la rhétorique de l’opposition reposait sur un contraste entre europhilie et europhobie, désormais la quasi-totalité des atouts en faveur de l’intégration au sein de l’UE sont entre les mains deYanoukovitch. Seul l’emprisonnement de l’ancienne responsable du gouvernement, Youlia Timotchenko, constitue un obstacle à des progrès rapides sur la voie de cette intégration. L’Ukraine représente un tel enjeu que les dirigeants européens sont prêts à accepter un compromis selon lequel Timotchenko ne serait pas libérée mais bénéficierait d’un traitement médical en Allemagne. Pour l’Ukraine, la principale difficulté réside dans le caractère imprévisible des conséquences du choix en faveur de l’Union européenne. Les avantages sont évidents pour les États fondateurs d’une union aussi puissante et attractive que l’UE, et il est bon d’en constituer le noyau avec l’Allemagne et la France. Mais qu’en est-il pour un pays récemment intégré ? La classe politique ukrainienne n’a pas encore su offrir de réponse cohérente. En outre, la question de l’intégration au sein de l’UE a été traitée comme une question religieuse, complètement idéalisée. Le volet des intérêts économiques tangibles de l’Ukraine semble passer au second plan, ce qui ne permet pas de recenser les faiblesses et les lacunes de la candidature ukrainienne à l’intégration. Tout cela suppose que la main de l’Union européenne ne tremblera pas en novembre prochain et que Bruxelles signera finalement avec l’Ukraine cet accord élaboré dans la douleur. L’auteur est politologue au Centre d’études sur l’Europe orientale.
LU DANS LA PRESSE LES MESAVENTURES JUDICIAIRES DE GREENPEACE EN RUSSIE Depuis plusieurs semaines, 30 membres de l’équipage de l’Arctic Sunrise sont en détention à Mourmansk. Ils encourent 15 ans de prison pour piraterie, notamment pour avoir tenté d’aborder une plateforme pétrolière appartenant à Gazprom. Pour les uns, l’action des militants était totalement inoffensive et ne mérite pas une telle punition. Les autres y voient une atteinte sérieuse à l’ordre. Pour tous, la réaction du pouvoir est symptomatique. Préparé par Veronika Dorman
DANS L’ORDRE DES CHOSES Éditorial GAZETA.RU / 04.10
Cette action est tout au plus un petit acte de hooliganisme. Que le pouvoir monte en épingle cette histoire microscopique en y voyant l’occasion de montrer sa force au monde entier témoigne de sa phobie et de son agressivité croissantes. Malgré la campagne de persuasion à la télévision et dans les sondages, la société russe reste généralement indifférente. Une répression de plus, un autre procès exemplaire n’étonneront personne. L’opinion internationale quant à elle ne cesse d’y voir des raisons de sa juste colère et notre pouvoir est devenu un partenaire idéal : il fournit de telles raisons à la chaîne.
LA GUERRE DE POUTINE CONTRE GREENPEACE
PIRATERIE OU IRRESPONSABILITÉ?
Gueorgui Bovt THE MOSCOW TIMES / 08.10
Vladimir Kotliar
La dureté démonstrative à l’encontre des militants de Greenpeace est comparable à la sévérité avec laquelle ont été punies les Pussy Riot, dans le but de dissuader toute tentative future d’expression politique sur un site religieux. Poutine est convaincu qu’il doit ériger les militants en exemple pour que le monde entier sache qu’il n’est pas bon d’interférer avec les intérêts russes en Arctique. Les dirigeants russes sont sincèrement convaincus que les membres de Greenpeace sont payés pour exécuter les ordres des ennemis de la Russie, en l’occurence ses rivaux pour les ressources naturelles de l’Arctique.
L’équipage du brise-glace et les membres qui n’ont pas quitté le navire n’ont commis aucun crime et pourraient être remis en liberté. Mais ceux qui ont escaladé la plateforme et le capitaine, parfaitement au courant du projet, doivent répondre d’avoir enfreint la loi russe sur la sécurité des plateformes, ainsi que pour le préjudice moral infligé aux employés de celle-ci. Ce sera une autre histoire si l’enquête découvre que cette action était financée par des « écologistes » du type de Dokou Oumarov (rebelle tchétchène, ndltr) ou par d’importants exportateurs de pétrole et concurrents de Gazprom en Arctique.
’exceptionnalisme, qui a été discuté par Poutine et Obama il n’y a pas longtemps, est l’un des piliers de l’idéologie américaine et l’une des traditions majeures de la politique étrangère des États-Unis. L’exceptionnalisme peut même être considéré comme la cause principale de la difficulté de la superpuissance à comprendre un monde multipolaire et à se défaire de son attachement au leadership, un attachement qui forme le paradigme de sa politique étrangère et fonde sa philosophie de la participation ou de la nonparticipation aux relations internationales. L’exceptionnalisme repose sur l’idée que les États-Unis incarnent le meilleur système politico-social. Le meilleur système de gouvernance. Un système au centre duquel se trouvent l’individu, sa liberté, ses droits et ses intérêts. Historiquement, dans le contexte de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècles, c’était une réalité. L’exceptionnalisme est ainsi devenu le fondement idéologique de la politique d’isolationnisme des États-Unis, qu’ils ont menée jusqu’au milieu du XXème siècle. Dans une situation où le monde était dominé par des empires européens, il n’y avait pas de meilleur moyen de conserver « l’exceptionnalisme » du système américain. Lorsque les États-Unis sont passés à une politique étrangère internationaliste, l’exceptionna-
lisme est devenu le fondement de l’attachement des États-Unis à leur statut de leader. Ce n’est pas un hasard si ce pays n’a pas pris part à une « régulation » du monde sur des bases égalitaires – selon le schéma qui en ferait un centre parmi d’autres centres d’un monde multipolaire. Les États-Unis sont passés d’un bond d’une non-participation à une régulation internationale vécue comme « autre », du XVIIIème siècle à la première moitié du XXème siècle, à la création de leur propre ordre international pendant la deuxième moitié du XXème et le début du XXIème siècles. Cette approche ne laisse pas de place à un dialogue entre égaux, ne permet pas de faire des ÉtatsUnis une des sources de régulation parmi d’autes, empêche la participation égalitaire à un système de prise de décision et de fixation des priorités mondiales, interdit de participer à la création et la gestion d’une régulation multipolaire. Quel autre pays que celui possédant le meilleur système au monde et le mode de vie le plus progressiste pourrait être leader ? En vertu de leur exceptionnalisme, les États-Unis ne peuvent qu’être leader dans tout processus international, ou ne pas y prendre part du tout. Il n’y a pas de troisième voie : celle de la participation sur une base égalitaire. L’auteur est Directeur adjoint du Centre des études européennes et internationales à l’Université de recherche nationale – Hautes études économiques.
ILS RÉAGISSENT...
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Mikhaïl Troitskii
Edouard Ponarin
PROFESSEUR AU MGIMO
DOCTEUR EN PHILOSOPHIE, HAUTE ÉCOLE D’ÉCONOMIE
e ne pense pas que l’exceptionnalisme américain tel qu’il est conçu aux USA, ou du moins parmi les décideurs politiques américains, représente une menace pour le monde. Je crois à une théorie de la stabilité hégémonique : il est crucial qu’une puissance exceptionnelle garantisse le respect des règles par tous les pays. Par exemple, il faut lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden ou contre le terrorisme international en Afghanistan et au Pakistan.
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’un point de vue historique, la conception américaine de l’exceptionnalisme est issue de l’isolement du pays par rapport au Vieux Continent ; elle a été renforcée et réinterprétée lorsque les USA ont émergé en tant que puissance dominante après la Seconde Guerre mondiale. Quoi qu’il advienne, ce statut d’hyperperpuissance s’achève. Des forces remettent en cause l’ordre mondial. Dans de telles circonstances, les États-Unis vont vers une confrontation avec ces forces.
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Culture CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Peinture Grande rétrospective parisienne
CHLOÉ VALETTE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Déjà plus de 40 ans que la ville de Paris n’avait pas connu une exposition d’une telle envergure, retraçant l’ensemble du parcours artistique de Serge Poliakoff ! La rétrospective « Le rêve des formes » au Musée d’art moderne (MaM) de Paris est un voyage à travers le cheminement pictural de l’artiste français d’origine russe entre 1946 et 1969. Ainsi se succèdent différentes périodes et, à travers elles, l’évolution de ses peintures, bercées par les rencontres et événements divers. De ses débuts académiques lorsqu’il débarque à Paris, à la gloire fulgurante des années 50-60
en passant par l’entre-deuxguerres et sa rencontre déterminante avec Kandinsky, Delauney et Freundlich, le jeune Poliakoff deviendra finalement l’un des artistes les plus modernes, mais aussi les plus énigmatiques de son époque. Les tableaux de ce grand maître de l’abstraction ne laissent pas indifférents. La vision du spectateur sur le monde s’en trouve modifiée, les perceptions, déplacées. Comme si les lignes, les perspectives de sa peinture possédaient une capacité à transformer le réel. « Peutêtre est-ce le signe que l’art est en train de nous faire sortir de l’ère du spectacle et que nous revenons, riches d’expériences contradictoires, vers l’ère de l’intériorité ? », se demande le directeur du musée Fabrice Hergott. Selon lui, « Poliakoff revient au centre des préoccupations artistiques parce que l’on s’inté-
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Du 18 octobre 2013 au 23 février 2014, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris accueille une rétrospective du peintre francorusse Serge Poliakoff regroupant près de 150 de ses œuvres.
Des héros si humains ...
Composition abstraite, 1968 (à gauche), Composition, 1950 (à droite).
GETTY IMAGES/FOTOBANK
Avec Serge Poliakoff : splendeurs et mystères de l’abstrait
resse à nouveau à la manière dont une œuvre d’art est faite ». Artiste majeur de l’École de Paris, celui qui déclara un jour : « si vous prenez une règle pour faire un carré, il meurt », offre aujourd’hui aux visiteurs la possibilité d’explorer son univers, à la recherche des couleurs, des mouvements chromatiques et des formes à géométrie variable. Une relecture pensée par la Commissaire de l’exposition Dominique Gagneux, qui a souhai-
té retrouver toute l’intensité et la spiritualité des œuvres du jeune émigré russe en France, que la vie mènera vers une abstraction toujours plus épurée. « Beaucoup évoquent le caractère "silencieux" de la peinture de Poliakoff. Mais comment parler d’une peinture silencieuse ?, s’interroge Dominique Gagneux. C’est justement ce regard que nous avons souhaité développer, à travers la contemplation, mais aussi le mystère de sa peinture, en recréant une ambiance, un peu à l’image de celle des églises », précise-t-elle à La Russie d’Aujourd’hui. Les toiles en exposition « Jaune et noir » (1952), « Composition murale » (1965-1967) ou « Forme » (1968) dévoilent entre autres l’aboutissement des recherches de Poliakoff sur la relation entre surface et profon-
deur, vibration de la matière, lumière et couleurs. Avec toujours cette superposition qui apporte une texture dense et inédite aux tableaux. « Cette relecture devrait réserver des surprises parce que l’exploration systématique de la forme et de la construction chez Poliakoff exprime un principe extrêmement contemporain, assure Dominique Gagneux. C’est un artiste singulier, qui a su se renouveler ». L’exposition, qui rassemble près de 150 tableaux parmi lesquels des œuvres maîtresses, s’accompagne d’un large dispositif documentaire photo et vidéo, ainsi que de nombreux documents d’archives qui apportent un éclairage supplémentaire sur la vie de Poliakoff et sa quête de l’abstraction intégrale.
Danse « Marco Spada » : une première en Russie donnée par le chorégraphe français à partir du 8 novembre
Le grand retour de Pierre Lacotte au Bolchoï
ETIENNE BOUCHE POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUU
À l’origine, l’œuvre avait été présentée à l’Opéra de Paris en 1857, mise en scène par Joseph Mazilier sur une musique de Daniel Auber. Exhumé par Pierre Lacotte il y a trente ans pour l’Opéra de Rome – avec Noureev dans le rôletitre –, Marco Spada fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle version pour le grand théâtre moscovite. C’est la première fois qu’il sera représenté en Russie. « C’est un ballet à la fois magnifique et
complexe », commente le metteur en scène dans le journal Izvestia. « Bien que ce soit un ballet classique, l’action se passe à la fois dans un château, dans la rue et à la campagne. Il se passe tout le temps quelque chose, comme au cinéma. Je pense que le public sera agréablement surpris ». Passionné par la danse depuis l’enfance, Pierre Lacotte a d’abord commencé comme petit rat à l’Opéra de Paris où il côtoie les danseurs Serge Lifar – qui sera un temps son parrain au sein de l’institution – et George Balanchine. Sa rencontre avec Lioubov Egorova influencera l’ensemble de sa carrière : l’ancienne ballerine du Mariinsky, émigrée en France à la Révolution, décèle chez le jeune homme le talent requis
Les danseurs français Mathias Heymann et Ludmila Pagliero dans le ballet Paquita.
AFP/EASTNEWS
C’est avec le ballet Marco Spada, qui mit en vedette Rudolf Noureev dans les années 1980, que Lacotte revient au théâtre Bolchoï dont il avait fait le gala de réouverture en 2011.
pour le ballet classique et lui fait jurer de se consacrer à cet art. Fasciné par La Sylphide et son interprète féminine, la danseuse Marie Taglioni, Pierre Lacotte rêve de ressusciter ce ballet romantique. C’est chose faite en 1971.
Dès lors, il consacre son travail à ce patrimoine enfoui, s’attachant à reconstituer des œuvres du passé, parmi lesquelles Paquita (1846), recréé pour l’Opéra de Paris en 2001. La troupe est passée par Novossibirsk en 2010
avant de donner plusieurs représentations au Bolchoï le mois dernier. « Je me sens proche des Russes, aussi bien du public que des danseurs », confie à Izvestia le chorégraphe. En 2000, il donne à Svetlana Zakharova le premier rôle de La Fille du pharaon, monté pour le Bolchoï. Quelques années plus tard, Lacotte s’entiche d’une autre ballerine, Evguénia Obraztsova, aperçue dans Les Poupées russes de Cédric Klapisch. L’étoile russe, qui excelle dans La Sylphide, devient l’une de ses interprètes privilégiées. Infatigable, le chorégraphe de 71 ans a reçu en 2012 une distinction spéciale du jury du Prix Benois, une récompense honorant son apport considérable à la connaissance du ballet du XIXème siècle.
AUTEUR : E. GRICHKOVETS TITRE : LE TAQUET ÉDITION : BLEU AUTOUR TRADUIT PAR S. DUDOIGNON
Evguéni Grichkovets nous offre avec Le Taquet un recueil de six récits légers et drôles qui mettent en scène avec une bienveillante ironie des héros ordinaires dans toute leur dimens i o n h u m a i n e . Av e c l a fragilité et l’opiniâtreté de fourmis, leur agitation paraît vaine et absurde, échappant à leur contrôle et leur conscience. Le héros du récit qui donne son nom au recueil est en ce sens emblématique. La cinquantaine bien tassée, Igor Semionovitch est un bagarreur assagi et un sévère buveur.Venu de son lointain Oural pour affaires, l’homme, plutôt rustre, est bouleversé par la rencontre fortuite d’une femme dont il tombe amoureux. Rencontre platonique et fugace. Igor Semionovitch est en proie à des émotions qu’il ne comprend pas, comme ce phénomène incontrôlé qui lui est propre, ce déclic intérieur, ce taquet qui s’abat soudain, coupant l’inquiétude et la douleur, et le délivre de ses angoisses d’homme mieux que les pires beuveries. Dans la vie des héros de Grichkovets, les intentions avortent et l’action, lorsqu’elle est déployée, n’aboutit pas : Kostia rêve de partir à Moscou et laisse passer sa chance (La cicatrice), le soldat risque sa vie pour célébrer son vingtième anniversaire (La dernière fête), le cadre insomniaque rêve d’aller à Paris et n’en verra rien sauf sa chambre d’hôtel (Un sommeil réparateur). Mais le narrateur de conclure : « J’ai compris que la sagesse était partout, que c’est elle qui imprimait à toute chose son mouvement régulier et répétitif… Je me suis senti léger… ». Christine Mestre larussiedaujourdhui.fr/ chroniques/litteraires
À L’AFFICHE LE 7ÈME SALON DU LIVRE RUSSE DU 24 AU 26 OCTOBRE CENTRE DE RUSSIE POUR LA SCIENCE ET LA CULTURE RUSSE
Le CRSC invite maisons d’édition, librairies, auteurs, traducteurs et tout ceux qui y sont intéressés à se joindre à cette manifestation dont le but est de promouvoir la littérature russe et russophone en France sous toutes ses formes.
beauté, au temps des réseaux sociaux et de l’inflation des images artificielles dans notre vie quotidienne. Sont exposées des photos d’Oleg DOU, Tina Chevalier, Margo Ovcharenko, Dasha Yastrebova, Maria Yastrebova, Sonia & Mark Whitesnow. › www.rtrgallery.com
EXPOSITION PERSONNELLE D’ALEXANDRE SMIRNOV DU 5 JUSQU’AU 23 NOVEMBRE LA GALERIE NATALIE BOLDYREFF, PARIS
› www.russiefrance.org
« AM I BEAUTIFUL ? » JUSQU’AU 2 NOVEMBRE LA GALERIE RTR, PARIS
Cette exposition photographique présente sept regards d’artistes russes contemporains sur leur manière de concevoir la
La Galerie Natalie Boldyreff, située dans le quartier du Musée du Louvre, organise une exposition personnelle consacrée au peintre Alexandre Smirnov. Le vernissage, en présence de l’artiste, aura lieu le jeudi 7 novembre à partir de 19h. › www.galerie-boldyreff.com
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RENCONTRE AVEC ANDRÉ MARKOWICZ AUTOUR DE « L’IDIOT » DE FIODOR DOSTOÏEVSKI LE 14 NOVEMBRE LIBRAIRIE DU GLOBE, PARIS
- La fille de Maïakovski nous parle de son passé et de son héritage - Littérature LGBT en Russie : un courant constant - « Auteurs classiques à la Une » : devinez l'oeuvre
Cette nouvelle rencontre avec André Markowicz, écrivain, traducteur et homme de théâtre, sera consacrée à trois des plus grands romans de Dostoïevski. Pendant les prochains mois, André Markowicz échangera avec les lecteurs sur Les Démons (le 4 décembre), L’adolescent (le 14 janvier), Les frères Karamazov (le 12 février). › www.librairieduglobe.com
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO
Magazine
Les meilleurs films russes de l’année visent tous les publics La onzième édition, qui se déroulera du 13 au 19 novembre, propose une sélection variée où les meilleures productions russes de 2013 représentent une large palette de genres divers. DARIA MOUDROLIUBOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Après des années difficiles où des crises de financement se succédaient aux crises d’inspiration dans un chassé-croisé sans fin, le cinéma russe remonte la pente. Et la bonne nouvelle, c’est que cinéma d’auteur et films de genre amorcent cette remontée main dans la main, des budgets en hausse permettant aux premiers de gagner en professionnalisme, aux seconds en qualité artistique. L’un des films d’auteur les plus attendus de l’automne, Le Géographe a bu son globe (sortie en Russie le 7 novembre), a ainsi été réalisé avec un budget de 4 millions d’euros qui ferait rêver nombre de cinéastes français. Du côté des films populaires, souvent décriés pour n’être qu’une pâle copie de leurs modèles amé-
ricains, le plus grand succès de l’année au box-office russe n’a pas à rougir : Légende n°17 est « enfin un vrai film hollywoodien », selon les jeunes qui ont afflué en masse au cinéma pour découvrir l’histoire d’un hockeyeur amenant l’équipe de l’URSS à la victoire contre le Canada en 1972. Si la recette n’est pas nouvelle, la réalisation est enlevée et le jeu d’acteur, convaincant. Selon le directeur de l’événement, le producteur et réalisateur Renat Davletiarov, la « Semaine du cinéma russe » a pour but de montrer autre chose que le seul « cinéma d’auteur, déjà très souvent présenté dans des festivals internationaux. Nous montrons les films de genre, les premiers films d’auteur, les films primés dans des festivals en Russie, et les succès de box-office. Et en même temps, il ne s’agit pas d’une sélection de films chaotique, mais de la volonté de produire un reflet objectif des tendances qui existent dans le cinéma russe d’aujourd’hui ».
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Cinéma Trois salles parisiennes, l’Arlequin, le Majestic Passy et le Reflet Médicis, accueillent la « Semaine du cinéma russe »
Une scène du film Légende n°17 (en haut), Corps et biens d’Igoumentseva (à gauche) et Les épouses célestes du peuple Mari (à droite).
Si le format de la Semaine est identique à Paris et Berlin, le public, lui, est différent : « Le public français aime le cinéma d’auteur, tandis qu’à Berlin les spectateurs préfèrent le cinéma social », explique Renat Davletiarov. Ce qui n’empêchera pas les programmateurs de présenter à Paris Une longue et heureuse vie de Khleb-
nikov, un drame social de bonne facture sur la lutte d’un fermier peu conciliant avec une administration gangrénée par la corruption, ainsi que Elle, de Larissa Sadilova, sur le destin d’une immigrée tadjik, et La Honte, de Youssoup Razykov, sur la vie des femmes de sous-mariniers dans le nord de la Russie.
La réalité peu reluisante de la vie quotidienne russe qui transparaît dans ces films reste l’un des thèmes de prédilection des cinéastes russes, mais trouve un contrepoids dans les tout aussi nombreux films échappatoires. Parmi eux, des films héroïco-patriotiques (Légende n°17, le filmcatastrophe Métro) ou religieux
(Judas), mais surtout des productions proposant des réalités parallèles (Corps et biens, Les épouses célestes du peuple Mari). Ce sont ces deux derniers films qui devraient créer l’événement lors du festival à Paris. Corps et biens est le premier long métrage de la très prometteuse Taïsia Igumentseva primée à Cannes en mai dernier pour le moyen métrage En chemin. Dans Corps et Biens, la jeune réalisatrice propose une vision mi-Kusturica miNoce lounguinienne pour cette journée d’apocalypse : les habitants d’un minuscule village décident d’organiser un ultime banquet avant la fin du monde, et doivent en affronter les conséquences lorsque, le lendemain, ils réalisent que celle-ci n’a pas eu lieu. Les épouses célestes du peuple Mari est quant à lui un ovni merveilleux et poétique que l’on pourrait qualifier de Decameron païen tant les composantes mystique et érotique sont liées dans ce conte pour adultes. Un kaléidoscope de 22 épisodes évoque la vie de 25 jeunes filles du peuple Mari, l’un des derniers peuples païens en Europe et sans doute le plus flamboyant, dont les rites anciens ont été par miracle conservés dans la Russie contemporaine. Les héros de Moi aussi, d’Alexei Balabanov, cherchent eux aussi à atteindre un monde parallèle, celui du bonheur éternel. « Un Clocher du bonheur » dissimulé quelque part entre Saint-Pétersbourg et Uglich, dans une zone radioactive où l’hiver ne cède jamais au printemps, attire les cinq personnages du film en quête désespérée d’un monde meilleur. Salué au Festival de Venise l’année dernière, Moi aussi évite avec maestria les écueils du genre, se transformant de fable tragicomique en film initiatique. Au total, un miroir du cinéma russe actuel.
Gastronomie Un jeune chef remet au goût du jour des produits traditionnels du terroir et puise son inspiration dans le folklore national
À contre-courant de la tendance pro-asiatique et européenne, Sergueï Berezoutski a choisi de se faire le chantre d’une cuisine typiquement russe. Le succès est au rendez-vous. MARIA AFONINA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Son restaurant moscovite « Kak Est’ » (Comment manger), on n’y va pas avec le dos de la cuillère. Ou plutôt si, car c’est elle qui sert de poignée de porte à cette enseigne ouverte il y a cinq mois. À l’intérieur, en guise de déco, des branches de sorbier, des canards dodus et des conserves maison, comme sorties tout droit de la cave de la babouchka. Le jeune chef avoue avoir mis son grain de sel pour l’aménagement du nouvel espace. Sergueï n’a que 27 ans. Après
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des études à Saint-Pétersbourg, c’est un stage dans un restaurant américain à Chicago, « Alinéa », détenteur de trois étoiles Michelin, qui lui a donné le goût des bons produits et du travail bien fait. Sa spécialité : les produits russes d’antan qu’il remet au goût du jour. « Personne ne fera mieux une pizza qu’un Italien, pourquoi vouloir occuper ce créneau ? Nous avons tant d’excellents produits russes », clame Sergueï. « En plus du fameux crabe de Kamtchatka, que tout le monde connaît, et du pain de Borodino, nous avons aussi le meilleur des saumons, le saumon rouge, le lichen, les baies, le jus de bouleau et bien d’autres… ». C’est sur ces produits spécifiques que Sergueï a misé durant les Saisons de la Gastro-
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Aux sources ancestrales de la cuisine russe
Sergueï Berezoutski ressert à sa façon la « Soupe à la hache ».
nomie franco-russe qui se sont déroulées sur la Côte d’Azur fin août dernier, en séduisant les papilles du public français avec ses coquilles Saint-Jacques au
caviar, ses radis crème-vodka et son orge perlée aux petits légumes pour terminer par son fameux dessert aux framboises Rubus.
« Dans le temps, les familles d’aristocrates cossus avaient des propriétés dans le Nord, où poussait cette baie qui faisait le bonheur des dames et des petits princes. Elle ressemble à la framboise arctique, avec un goût très prononcé », explique Sergueï. Le chef français Erwan Louaisil du « Moulin de Mougins », avec qui Sergueï a travaillé pendant cinq jours, intrigué par cette baie rare, a promis de se renseigner auprès de son épouse russe. Les Saisons furent l’occasion également de déguster les plats respectifs des deux chefs jumeaux Berezoutski, Sergueï et Ivan, chef au restaurant « PMI bar » à Saint-Pétersbourg. « La gastronomie russe commence à renaître, dit Natalia Marzoeva, directrice des Sai-
sons de la Gastronomie francorusse. Les jeunes chefs commencent à voyager et présenter la cuisine russe sous un autre jour, ce qui éveille la curiosité pour la cuisine et à la culture russes ». Sergueï Berezoutski n’hésite pas à puiser son inspiration aussi dans les contes folkloriques. C’est le cas de la « Soupe à la hache », un plat de blé aux petits légumes, potiron et argousier, ou encore de la « Nappe magique », qui se couvre de victuailles comme par enchantement. Ce symbole d’hospitalité et d’abondance réjouira les convives avec un assortiment de desserts typiquement russes, dont de petites bûches de bouleau délicieuses. L’hospitalité : sans doute le maître mot de ce chef atypique.
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